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L'ANCIENNE BASILIQUE DU SAUVEUR OU SAINT-JEAN-DE-LATRAN A ROME

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Lorsque l'on approche de Rome, la première pensée du pèlerin est de découvrir à l'horizon le dôme de Saint-Pierre ; puis, après avoir franchi les murs de la ville sainte, il demande le Vatican ; il court s'agenouiller sur le tombeau de l'Apôtre. Ce n'est cependant pas au faîte de la basilique vaticane, mais au portique du Latran, qu'est gravée l'inscription célèbre :

DOGMATE PAPALI DATVR ET SIMVL IMPERIALI
QVOD SIM CVNCTARVM MATER CAPVT ECCLESIARVM.....

« Par décret à la fois papal et impérial, il m'a été donné d'être le chef et la mère de toutes les Eglises ; » — et l'inscription ajoute : — « Aussi porté-je le nom du Sauveur de qui seul on obtient les royaumes célestes ».

HINC SALVATORIS CŒLESTIA REGNA DATORIS
NOMINE SANXERVNT…….

La basilique Saint-Jean-de-Latran (Rome).

La Basilique du Sauveur ! tel est, en effet, le nom vrai et magnifique de Saint-Jean-de-Latran. Tel fut son seul vocable jusqu'au XIIème siècle ; mais alors furent adjoints au fils de Marie les deux Saints Jean, le Précurseur et le Bien-Aimé. « Il semble, au premier abord, dit Mgr Gerbet, que ce mot Salvatori ferait un effet plus beau, s'il était inscrit seul sur le portique du temple ; mais la réflexion ramène vite à une autre idée. Le Dieu fait homme, le Dieu avec nous, ne se montre pas à nos regards dans l'isolement ; il nous apparaît entouré de son immortelle famille, composée de tous les justes, avant et après son avènement terrestre. Saint Jean-Baptiste, qui résume en lui tous les anciens prophètes depuis Adam, est par là même le représentant des siècles qui ont précédé ; saint Jean l'Evangéliste, l'apôtre de la charité, représente les siècles qui suivront jusqu'à la consommation des temps, parce que la charité… est la consommation de la loi et de toutes choses. En plaçant sous le nom du Sauveur les noms de ces deux saints, la piété de Lucius II a donc développé, par une inspiration très-heureuse, la dédicace primitive faite par saint Sylvestre : il serait difficile de trouver, pour le chef-lieu des temples chrétiens, une inscription qui résumât avec autant de grandeur et de simplicité l'ensemble du christianisme » [Note : Gerbet. t. 1er, p. 275].

Saint-Jean de Latran s'élève au milieu des solitudes et des ruines du Cœlius. On croirait revoir ces temps primitifs dont Tite-Live disait : Tunc magnœ solitudines erant, sans les majestueux débris que la Rome des Césars a laissés en ces lieux : au pied du coteau, le Colisée ; sur la pente, les grands arcs de l'aqueduc de Claude, qui aboutissaient au temple du dieu, le dieu Claude ! Ce temple était le plus vaste de Rome ; il avait été construit par Agrippine. La déesse Carna était aussi une habitante du Cœlius, où le premier Brutus lui avait érigé un sanctuaire. Suivant les uns, elle présidait aux fonctions du cerveau, et Brutus avait voulu lui témoigner sa reconnaissance pour l'heureux succès de sa feinte imbécillité. Suivant d'autres, elle était la déesse des portes, et Brutus crut lui devoir un autel, après avoir fait passer la porte à Tarquin. Le mont Cœlius fut d'abord occupé par les Etrusques, puis par les Albains, quand Albe fut détruite. M. Ampère y place cet autel des dieux étrangers, dont parle Tertullien, ara adventiciorum deorum. La famille Julia, que César devait rendre illustre, habitait le Cœlius, en sa qualité de famille latine, Plus tard, nous y rencontrons Cicéron à son retour d'Epire. « Je suis revenu, dit-il, foulant aux pieds les lauriers de Macédoine. A peine étais-je accompagné de quinze hommes mal vêtus, et j'arrivai, mourant de soif, à la porte Cœlimontane où l’un de mes affranchis avait loué une maison pour un aussi grand général que moi, prœclaro imperatori » [Note : Adv. Pis., LXI]. Les Vitellius et Marc-Aurèle eurent aussi leurs demeures sur le Cœlius. Non loin de l'habitation de Marc-Aurèle, était un vaste édifice confisqué par Néron sur ce Plantius Lateranus, qu'il fit mourir comme conspirateur en l'an 67 de notre ère, et que Tacite nous représente inébranlable jusqu'à la mort dans l'obstination de son silence, plenus constantis silentii. Juvénal nous peint, à cette occasion, toute une cohorte assiégeant les superbes édifices des Laterani.

... Et egregias Lateranorum obsidet aedes
Tota cohors.

Ces superbes édifices, devenus propriété impériale, furent donnés dans la suite par Maximien Hercule à sa fille Fausta, l'épouse de Constantin, et, après la bataille du pont Milvius, Constantin y fixa sa demeure. Il y établit, en outre, le saint pontife Melchiade, et la première basilique qu'il édifia à Rome, fut contiguë à son palais qui était devenu le palais de la papauté.

Telles sont les origines de ce Latran dont le nom n'a pas moins retenti dans le monde qu'aucun nom romain, qui a étendu sa puissance plus loin que César, a été plus écouté que Cicéron et a donné naissance, par ses conciles, à une législation autrement philosophique que celle de Marc-Aurèle. On peut dire que le monde moderne est sorti du Latran, et, tout désert que soit le Cœlius, la seule basilique du Sauveur lui imprime une dignité que ne peut lui donner aucun souvenir antique. Qui oserait rappeler près d'elle la déesse Carna et le Dieu Claude !

Ce fut, suivant la tradition admise par le Bréviaire romain, après avoir reçu le baptême dans ce même palais de Latran, que Constantin jeta les fondements de l'auguste basilique. Il tint à honneur de travailler lui-même aux excavations, et le pape saint Sylvestre posa la première pierre. L'édifice achevé, Sylvestre le consacra solennellement le 9 novembre 324. C'était la première fois qu'une solennité de ce genre était célébrée publiquement et elle est restée une fête pour toute la chrétienté.

Tous les titres d'honneur ont été prodigués à la basilique de Latran. Les historiens l'appellent le Siège romain, l'Eglise reine et universelle, le Palais de Dieu, l'Eglise de la Miséricorde, la Basilique d'Or.

La basilique Saint-Jean-de-Latran (Rome).

« C'est ici le siège du pape et du pontife, » portait une ancienne inscription ; c'est ici qu'il préside comme vicaire du Christ, et on l'appelle le siège de Rome parce que tel est son droit. Nul autre que le pape ne peut s'y asseoir, et, comme ce siège est sublime, tous les autres sont au-dessous de lui :

Et quia sublimis alii subduntur in imis.

Ailleurs on lisait : « C'est ici le palais de Dieu, Aula Dei, où retentissent, comme sur le Sinaï, les ordres célestes.... D'ici est partie la loi qui a tiré l'homme du fond de l'abîme et répandu la lumière sur toutes les parties du monde connu ».

On l'appelait l'Asile ou le Temple de la Miséricorde, parce qu'elle était ouverte, jour et nuit, comme asile au malheur ou comme consolation à la prière. Les verroux y étaient inconnus, et les portes n'étaient fermées que par des courtines. Les criminels qui s'y réfugiaient y étaient soumis d'ailleurs à diverses pénitences qui pussent leur servir d'épreuve et d'expiation.

Le Latran était enfin, par excellence, la basilique d'or, basilica aurea, grâce aux richesses dont il avait été comblé. Le détail qu'en donne Anastase étonne et éblouit : baldaquin d'argent du poids de 2,025 livres, statue assise du Sauveur, toute d'argent et haute de cinq pieds, quatre anges d'argent de même hauteur, les douze Apôtres également d'argent, sept autels d'argent du poids de 200 livres, cent dix lampes ou phares d'argent répandus dans les nefs ; et, près de l'autel, quatre lampes d'or en forme de couronne, un phare d'or à cinquante becs, un autre phare d'or devant le tabernacle, pesant 40 livres et dans lequel on brûlait de l'huile de nard. On comprend que le tabernacle n'était pas moins précieux il était de l'or le plus pur. Nous ne finirions pas maintenant si nous voulions énumérer tous les vases d'argent ou d'or, dont quelques-uns enrichis de pierres précieuses, canthares, amphores, etc., qui servaient dans la basilique à contenir le vin, l'huile, l'eau ou les parfums. On en comptait jusqu'à quatre-vingts. Deux de ces vases, destinés à l'eau et qu'on appelait hydres, furent employés par saint Léon le Grand, avec quatre autres semblables, donnés par Constantin aux basiliques de Saint-Pierre et de Saint-Paul, à renouveler les calices et les patènes des paroisses de Rome, après les dévastations des Vandales. Chacune de ces hydres pesait 100 livres. Venaient enfin les candélabres, — il y en avait de bronze d'une hauteur de dix pieds et ornés de bas-reliefs d'argent, — et les calices pour les prêtres, les coupes pour le peuple. Anastase cite sept grands calices d'or du poids de 10 livres, cinq cents petits calices d'argent du poids de 2 livres, sept patènes d'or pesant 30 livres chacune, et seize d'argent du même poids. A ces dons, Constantin ajouta, pour l'entretien du luminaire et du culte, des biens-fonds produisant un revenu annuel de 6,239 écus d'or.

Parmi les autres bienfaiteurs de la basilique nous rencontrons presque tous les papes, et, entre tous, saint Léon le Grand, Adrien Ier, Serge III, Innocent II, Nicolas IV, Boniface VIII, Urbain V, Martin V, Alexandre VI, Sixte-Quint, Clément VIII, Innocent X et Clément XII, qui tous l'agrandirent ou la restaurérent. Les princes ne furent guère moins généreux. Le baldaquin d'argent du grand-autel ayant été emporté par les Goths, l'empereur Valentinien en fit faire un autre, de même métal, sur la demande du pape Sixte III. Un peu moins riche que celui de Constantin, le nouveau baldaquin pesait cependant 1,540 livres. Charlemagne érigea au Latran un autel à colonnes d'argent ; il donna en outre à la basilique un livre des Evangiles dont la couverture d'or était enrichie de pierreries, et une croix de même métal, ornée d'hyacinthes. Cette croix ayant été dépouillée de ses ornements précieux par des voleurs, saint Léon IV la garnit de perles, de saphirs et d'émeraudes, et ordonna que, dans les processions, elle serait portée immédiatement devant le pape. Charles V de France fit hommage au Latran de deux lis d'or entourés de diamants pour les reliquaires des apôtres ; Louis XI, d'un calice d'or du prix de 3,000 ducats ; Ferdinand II, grand-duc de Toscane, des statues d'argent de saint Jean-Baptiste et saint Jean l'Evangéliste. D'autres offrirent des terres et des rentes. Je citerai seulement l'empereur Charles-Quint, qui dota le Latran de biens-fonds en Sicile, et notre roi Henri IV qui céda à la basilique l'abbaye de Clairac, en Aquitaine, d'un revenu de 4,000 écus. En reconnaissance de ce don, le chapitre fit ériger à Henri la statue de bronze qu'on voit sous le portique Nord, et fonda à perpétuité une messe qui dut être célébrée solennellement le jour de Sainte-Lucie, en action de grâces de la conversion du roi.

L'abbaye de Clairac et ses douze églises ont subi depuis lors le sort réservé parmi nous à tous les domaines du clergé ; mais la rente du moins continue d'être servie, et la messe d'être dite. Aujourd'hui enfin, comme autrefois, l'ambassadeur de France prend place, au Latran, parmi les chanoines !

Le cardinal Rasponi cite 1.330 églises, dans les différentes parties de l'Europe, qui relevaient directement de la basilique du Sauveur, et formaient en quelque sorte son domaine privé, indépendamment de la juridiction supérieure qu'elle exerçait sur toutes les églises du monde, comme leur mère.

Le cloître de Saint-Jean-de-Latran (Rome).

Telle était enfin la vénération dont était entouré cet auguste sanctuaire, que sa destruction par un incendie, au XIVème siècle, fut considérée, d'un bout du monde à l'autre, comme une calamité publique. Le 23 juin 1308, à l'heure où les chanoines chantaient les premières vêpres de la fête de saint Jean, quelques charbons, que des plombiers avaient négligé d'éteindre, mirent le feu à la toiture, et l'incendie, favorisé par la sécheresse, dévora, avec une effrayante rapidité, le portique, les nefs et la plus grande partie du palais patriarche. Le maître-autel, la tribune et une partie de la croisée échappèrent au désastre ; hors de l'église, l'oratoire de Saint-Laurent, dans lequel étaient déposées les têtes des apôtres, et l'Escalier Saint dont Jésus-Christ monta et descendit les marches au palais de Pilate, restèrent également debout au milieu des cendres. Tout le reste avait disparut. Cette épouvantable catastrophe frappa d'une profonde stupeur l'Europe chrétienne. La destruction de la première des basiliques parut un signe manifeste du courroux divin. A Rome, la population se portait en foule aux églises, et Dante rappelait tristement les jours où le Latran s'élevait au-dessus de toute chose mortelle :

Quando Laterano
Alle cose mortali ando di sopra.

Clément V s'était adressé, de sa retraite d'Avignon, à tous les princes et les peuples, les suppliant d'aider, par leurs aumônes, l'église mère à sortir de ses ruines. Lui-même envoyait des architectes habiles et une forte somme d'argent. Mais un nouvel incendie éclate en 1360 et la basilique tombe dans un déplorable abandon. « Père miséricordieux, écrivait alors Pétrarque à Urbain V, de quel cœur peux-tu dormir mollement sur les rives du Rhône, sous les lambris paisibles de tes appartements dorés, tandis que la première de toutes les églises s'écroule, qu'elle est sans toit, livrée aux vents et à la tempête ! ». Urbain répara la basilique et fit construire le baldaquin actuel dont l'arc gothique repose sur quatre colonnes qu'entourent des grilles dorées.

Ce n'était pas, au reste, la première fois que le Latran subissait des restaurations plus ou moins complètes. Déjà, en 896, les nefs s'étaient affaissées sous le coup d'un tremblement de terre, et il fallut deux papes, Sergius II et Sergius III, pour les relever. Mais dans toutes ces restaurations, au XIVème comme au Xème siècle, on s'étudia, avec un pieux respect, à conserver la forme antique et l'aspect général du monument. C'était donc toujours la basilique de Constantin avec quelques additions des âges postérieurs, et le tribut d'ornementation en mosaïques, statues, peintures, que chaque âge lui avait payé. La description nous en a été conservée par l'histoire.

Cette basilique, dont l'entrée principale était dirigée vers l'Orient, s'annonçait par un portique en marbre de Paros soutenu par six colonnes, dont trois unies et trois cannelées. Au-dessus de leurs chapiteaux régnait, une plate-bande portant l'inscription : Dogmate papali, etc. La frise était ornée d'incrustations de marbres représentant l'expédition de Titus contre les Juifs, les Donations de Constantin à saint Sylvestre, le Baptême de ce prince, la Décollation de saint Jean-Baptiste, saint Sylvestre tuant, d'un signe de croix, le dragon de la Roche Tarpéienne, et la Flagellation de saint Jean l'Evangéliste. Un pignon aigu terminait la façade ; il portait dans sa partie supérieure le buste du Sauveur en mosaïque.

Le portique, complétement ouvert dans l'origine, fut fermé par Jean XII dans sa partie gauche correspondant aux nefs latérales du Sud. L'espace, ainsi clos, devint la chapelle Saint-Thomas ou le secretarium. C'était là que les papes avaient coutume de se vêtir lorsqu'ils officiaient à Saint-Jean. Une ancienne image de la mère du Sauveur ornait l'entrée de l'oratoire. Près d'elle on remarquait un Christ, en croix, ayant à ses côtés la Vierge et saint Jean ; un pape était agenouillé à ses pieds. Diverses peintures décoraient également l'intérieur du portique ; elles représentaient saint Pierre, saint Paul, les faits marquants de la vie de saint Sylvestre, et quelques martyrs. Une jeune fille était peinte avec une lampe allumée comme les vierges sages de l'Evangile. Près d'elle était cette inscription : Et lucernœ ardentes in manibvs vestris.

A l'intérieur, l'église était divisée en cinq nefs dont deux seulement, s'ouvraient sur le portique, la grande nef par trois portes et la première nef latérale du Nord par une seule. Cette dernière devint, à partir du XVIème siècle, la Porte-Sainte, porte murée dans l'habitude et dont l'ouverture solennelle est l'indice des jours de grâce et de rémission du jubilé.

L'impression, en entrant dans la basilique, était saisissante. Ces cinq nefs séparées par quatre rangs de colonnes antiques, les peintures qui les ornèrent dès le temps de Constantin, l'or, l'argent, les riches étoffes faisaient du monument comme un résumé de tous les arts et de tous les trésors offerts en hommage à Dieu. La nef principale était supportée par quatre pilastres de granit ou de marbre et par trente grandes colonnes dont sept seulement subsistèrent après l'incendie ; les autres furent remplacées par des colonnes de briques. Quarante-deux colonnes moins hautes, de marbre vert de Tibériade, soutenaient les collatéraux. Elles ornent aujourd'hui les niches des piliers de la grande nef.

La basilique Saint-Jean-de-Latran (Rome).

Les autels adossés aux murs des nefs latérales étaient en petit nombre ; nous citerons seulement l'autel de Sainte-Marie-du-Repos, del Riposo, près d'une porte qui s'ouvrait sur le grand escalier du palais. Il était orné d'une peinture représentant la mère de Dieu sur une pauvre couche et entourée des Apôtres. Le pape Théodore voulut transporter cette image vénérée dans l'église voisine de Saint-Venanze, qu'il venait de construire ; mais la peinture se rompit et il ne demeura d'entiers que la tête et le buste de la Vierge. Ces précieux débris furent alors appliqués sur bois et un peintre se chargea de recomposer le tableau. Il a été solennellement couronné le 15 août 1689, par le chapitre de Saint-Pierre, en mémoire des grâces obtenues, devant cette pieuse représentation de la Vierge mourante, pour de pauvres agonisants.

Le chœur du chapitre occupait le haut de la grande nef en avant du transept et formait une enceinte carrée de marbre de Paros. A ses côtés, mais extérieurement, étaient les chaires ou ambons du haut desquelles se faisait la lecture de l'Épître et de l'Évangile. Ces ambons étaient ornés d'incrustations variées. On y remarquait particulièrement de légères bandelettes de marbre rehaussé d'or.

La croisée, ou ce que nous appelons le transept, était pavé de mosaique. On y montait par quatre degrés. Au centre était l'autel pontifical, tourné vers le peuple suivant l'usage des grandes basiliques romaines, ayant au-dessous de lui la Confession, c'est-à-dire l'oratoire des reliques, et au-dessus le ciborium ou baldaquin. D'abord d'argent, le ciborium avait fini par être de marbre. Enfin, quatre colonnes antiques de bronze doré, placées primitivement par Constantin dans la tribune, s'élevaient à droite et à gauche de l'autel, sur la ligne qui le séparait des nefs. Ces colonnes célèbres, qui soutiennent aujourd'hui le baldaquin de l'autel du Saint-Sacrement, avaient été apportées, disait-on, par Titus, du temple de Jérusalem, et étaient un souvenir de son triomphe. Suivant d'autres opinions, elles provenaient du temple de Némésis, ou de celui de Jupiter, à Athènes, que dépouilla Sylla ; mais le plus grand nombre y voyait les colonnes dont parle Virgile, qu'Auguste fit faire avec le bronze des navires pris à Actium, navali surgentes œre columnas [Note : Georgiq. III]. Leurs chapiteaux portaient des statues d'or ou d'argent et des cassolettes dans lesquelles brûlaient des parfums aux grandes fêtes.

Quant à l'autel, orné avec magnificence par Constantin, dépouillé ensuite par les barbares, enrichi de nouveau par la piété des papes et des rois, puis menacé par l'incendie qui mit en fusion le tabernacle, il fut sauvé par quelques hommes intrépides au moment où les fidèles pleuraient déjà sa perte. Cet autel de bois était, en effet, plus précieux que l'or dont il avait été revêtu ; c'était, suivant une pieuse tradition, l'autel même qui avait servi à saint Pierre.

Derrière cet autel et en face de la grande nef, s'étendait la tribune ou abside, de forme semi-circulaire, et que saint Léon le Grand entoura d'un portique. Le siège pontifical en occupait le fond ; il était élevé sur six gradins, dont l'un, le dernier, offrait les images sculptées d'un aspic, d'un lion, d'un dragon et d'un basilic. C'était un souvenir des paroles du prophète : Super aspidem et basiliscum ambulabis et conculcabis leonem et draconem. Un autre gradin, le quatrième, portait une inscription qui rappelait la primauté du siège romain.

HIC EST PAPALIS SEDES ET PONTIFICALIS
VT LEX DEMONSTRAT HIC QUÆ FVIT EDITA QVONDAM…

J'ai dit que les parois de la basilique étaient ornées de peintures. Du milieu d'elles se détachait, au fond de la tribune, la figure du Rédempteur qu'on y voit encore. Une auréole d'or entoure la tête dont l'expression est singulièrement grave et majestueuse. Suivant une très-ancienne tradition, mentionnée par Jean Diacre, cette image serait subitement apparue aux yeux de tous, pendant la consécration de la basilique, et imago Salvatoris infixa parietibus primum visibilis omni populo romano apparuit [Note : Mabillon, Mss. Italic., t. II, p. 560]. Depuis lors elle est demeurée intacte à travers toutes les ruines, et l'on peut dire comme au temps de Nicolas IV :

...... Quœ prima Dei veneranda refulsit
Visibus humanis facies hœc integra sistet

[Note : Inscription de la tribune].

Nicolas IV l'avait fait enlever afin de pouvoir reconstruire la tribune, puis il la remit à la place qu'elle avait occupée dans la concavité de la voûte, et fit d'elle le point culminant d'une vaste et imposante composition.

Cette composition, exécutée en mosaïque, remplit toute la tribune. Elle est divisée en trois ordres. En bas sont neuf apôtres de grandeur naturelle, séparés par des palmiers ou des cyprès, et deux moines à genoux, de dimensions beaucoup plus petites que les apôtres. L'un tient une équerre, l'autre un marteau. Ce sont les deux maîtres de l'œuvre, Jacques Toriti, peintre, et frère Jacques de Camerino, son associé. Les apôtres portent, comme les deux mosaïstes, leurs noms à côté d'eux. Au centre, c'est saint Jacques le Mineur, que suivent, à droite, saint Thomas, saint Jacques le Majeur, saint Simon et saint Jude ; à gauche, saint Philippe, saint Barthélemy, saint Mathieu et saint Mathias.

Le second plan est séparé de celui-ci par le Jourdain, sur lequel on distingue des barques et des oiseaux. Plusieurs enfants jouent sur ses rives. Le Jourdain se développe dans le demi-cercle entier de l'abside et sert de base à la composition supérieure ; souvenir du baptême qui est la base même du salut. Le baptême de Notre-Seigneur se trouve en outre représenté au point d'intersection des bras d'une croix qui occupe le milieu du tableau. Au-dessus de l'instrument de notre rédemption plane une colombe dont le bec lance un filet d'eau qui arrose la croix et forme à ses pieds une source d'où sortent les quatre grands fleuves de la Bible, Gion, Fison, Tigris et Euphrates. Deux cerfs viennent s'y désaltérer comme feront un jour les Gentils ; trois agneaux, symbole de la pureté et de la candeur, sont penchés sur leurs ondes. Entre les divers courants de ces fleuves, on aperçoit une ville que domine un phénix du haut d'un palmier. Saint Pierre et saint Paul apparaissent au-dessus des murs, et un ange, armé d'une épée nue, se tient à la porte. Qui ne reconnaîtrait l'Église ?

La basilique Saint-Jean-de-Latran (Rome).

Enfin, près de la croix est Marie, bénissant Nicolas IV ; puis viennent saint Pierre, saint Paul, les deux saints Jean, saint André, saint François, dont Nicolas aimait à se dire l'enfant, Francisci proles, et saint Antoine de Pade, de l'ordre séraphique. Chaque figure a son inscription : Tu es le Christ, fils du Dieu vivant, lit-on prés de saint Pierre; — Nous attendons le Sauveur Notre-Seigneur Jésus-Christ, près de saint Paul ; — Tu es mon mitre, ô Christ ! près de saint André ; — et, près de saint Jean, les divines paroles qui servent d'introduction à son Évangile : Au commencement était le Verbe et le Verbe était Dieu. Nicolas IV a, lui aussi, sa légende ; elle est ainsi conçue : Nicolaus, p. p. IIII, Sanctœ Dei genitricis servus. On remarque ici, comme dans le premier tableau, une gradation marquée entre les figures : saint François, saint Antoine et le pape Nicolas sont beaucoup plus petits que les apôtres, et les apôtres plus petits que la Vierge.

Quant au troisième ordre, il est rempli par l'image du Rédempteur qui se détache d'un fond d'azur parsemé de nuages. Huit chérubins sont prosternés à ses côtés, et le tableau se termine par un séraphin à six ailes.

La basilique du Sauveur possédait un certain nombre de cénotaphes, celui de Sylvestre II, entre autres, et l'urne sépulcrale de sainte Hélène. L'urne de sainte Hélène avait été apportée vide de la voie Labicane, par ordre d'Anastase IV, qui voulait en faire l'ornement de son tombeau. Elle fut d'abord placée près de la Porte-Sainte, puis, au XVIIème siècle, sous le portique de saint Léon ; elle est aujourd'hui au musée du Vatican.

Les historiens citent pour son élégance la loge des Bénédictions, construite au Latran par Boniface VIII, à l'occasion du Jubilé. Cette loge dépendait non pas de la basilique, mais du palais, et s'élevait à l'extrémité de la salle du concile, c'est-à-dire à gauche et à peu de distance de l'emplacement qu'occupe aujourd'hui l'obélisque. Elle formait saillie sur la place et était ornée de colonnes corinthiennes. Des marbres de couleurs variées en revêtaient extérieurement les parois, et de vastes fresques représentaient à l'intérieur le baptême de Constantin, la construction du Latran et la proclamation de l'année sainte ; ces peintures étaient l'œuvre de Giotto. On voit encore l'une d'elles dans la basilique. Boniface est devant une loge, entre deux cardinaux, et publie le Jubilé. C'est bien le style du grand peintre du XIVème siècle.

La description de l'ancienne basilique du Latran serait enfin incomplète, si nous ne parlions du trésor de reliques qu'elle possédait. Nous avons dit que le maître-autel était l'autel même de saint Pierre, et, nous ajouterons, l'autel qui servit à ses successeurs dans les Catacombes. Quelques planches, sans autre ornement qu'une croix, voilà tout ! Le pape a seul le droit d'y offrir la sainte victime. Au-dessous de l'autel, dans la Confession, avait été placée, par saint Grégoire le Grand, la tunique de saint Jean l'Évangéliste. Au-dessus, dans le ciborium ou baldaquin, sont renfermées, depuis Urbain V, les têtes des apôtres saint Pierre et saint Paul. Avant l'incendie de 1308, ces deux chefs vénérés se trouvaient dans la chapelle Saint-Laurent, qui occupait l'extrémité Est du palais patriarchal, et avait dû à ses nombreuses reliques le nom de Sancta Sanctorum. Une chapelle portant aujourd'hui le même nom, offre, sous une enveloppe moderne, un débris de cette partie du palais. Ce fut à peu près la seule que respectèrent les flammes. Pendant le séjour qu'Urbain V fit, à Rome, en 1367, il fit l'inventaire des reliques contenues dans la chapelle et y retrouva les têtes des apôtres ; chacune d'elles était dans une cassette d'argent sur laquelle le nom de l'apôtre était inscrit. Urbain renferma ces restes précieux dans des bustes d'argent à têtes dorées, ornées d'émaux et de pierreries. Charles V, roi de France, ajouta à ces richesses deux grands lis d'or avec pierres de couleur et diamants. Ces lis furent placés sur la poitrine de chaque buste. Jeanne, reine de Navarre, fit don, à son tour, d'une croix d'or entourée de grosses perles, et Jeanne, reine de Sicile, d'une couronne enrichie de pierreries. On portait à 30,000 florins la valeur de ces magnifiques reliquaires. Saint Pierre était représenté en grand costume pontifical, la tiare sur la tête, bénissant d'une main, tenant les clefs de l'autre. Saint Paul avait une épée et un livre. Ces bustes étaient l'œuvre de Jean Bartoli, orfèvre de Sienne.

La table sur laquelle le Sauveur fit la Cène figurait également et figure encore parmi les plus insignes reliques du Latran. Cette table rectangulaire, d'environ trois mètres sur deux, avait été couverte de lames d'argent par les souverains pontifes.

Jean Diacre cite encore le linge avec lequel Jésus-Christ essuya les pieds de ses disciples, le manteau d'écarlate qui fut jeté sur ses épaules dans le prétoire, et des reliquaires d'or et d'argent contenant des reliques de tous les apôtres.

Les dépouilles du temple de Jérusalem apportées par Titus à Rome, l'arche d'alliance, le chandelier à sept branches, la table et les pains de proposition, l'encensoir d'or, une urne pleine de manne, la verge d'Aaron, celle avec laquelle Moise frappa le rocher, les tables du Testament figurèrent également, pendant de longs siècles, au nombre des richesses de la basilique [Note : Beaucoup de ces reliques ont disparu ; les unes ont été pillées ; les autres n'ont pas été considérées comme suffisamment authentiques par les souverains pontifes. En parlant du cloître, nous n'oublierons pas celles qui y ont été réunies, après avoir été longtemps exposées dans la basilique. Elles ont été reléguées là comme n'offrant pas une certitude assez complète, quoiqu'ayant pour elles d'anciennes traditions].

L'inscription en mosaïque placée dans la tribune, au temps de Nicolas IV, mentionne en outre deux ampoules contenant du sang et de l'eau sortis du côté du Sauveur, une portion de la chaîne de saint Jean l'Évangéliste et les ciseaux avec lesquels il fut tondu ; elle cite le corps de sainte Madeleine, la tête de Zacharie, celle de saint Pancrace, une épaule de saint Laurent, etc.

N'oublions pas enfin qu'en l'année 886, le pape Etienne V ayant découvert la catacombe de saint Chrysante et sainte Darie, sur la voie Salaria, fit solennellement transporter au Latran les ossements de toute la légion de martyrs qui avaient été étouffés dans cette catacombe.

Tel était le trésor du Latran. Dans d'autres capitales vous trouverez entourés d'honneurs la perruque de Frédéric II, le mouchoir de Rousseau, le cœur de Voltaire. C'est surtout après avoir vu ce genre de reliques qu'on se sent pénétré de plus de respect et d'émotion en présence des reliques de Rome.

(Eugénie de la Gournerie).

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