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Maurice MARTINET (dit le Frère Moniteur), prêtre guillotiné à Rennes
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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112. — Maurice MARTINET naquit à Mézières, dans le département actuel des Ardennes, ainsi qu’en fait foi le registre des actes de catholicité de cette localité pour l’année 1750, du mariage de Guillaume et de Jeanne Michel, ses père et mère. Il reçut le saint baptême le 27 avril, jour de son entrée dans la vie.

Maurice Martinet entra au noviciat des Frères des Ecoles Chrétiennes établi à Mareville, près de Nancy, le 15 novembre 1772. Il prononça ses vœux perpétuels le 20 septembre 1778. Ses supérieurs l’envoyèrent à Saint-Malo en 1787. De ses précédentes résidences, nous ne connaissons absolument rien. On doit attribuer cette carence, affirme le T. C. F. Donat, archiviste de sa congrégation, « à l’incendie de Melun qui consuma tant de documents précieux ».

L’école des Frères de Saint-Malo avait été fondée le 2 janvier 1746. En 1792, elle était établie rue des Lauriers. A cette époque, la communauté des Frères se composait de trois profès dont le Frère Moniteur (Maurice Martinet). L’anxiété s’y faisait grande : le 22 mars 1791, l’Assemblée Constituante avait étendu à tous les professeurs l’obligation du serment schismatique à la Constitution civile du clergé. Bientôt la corporation des maîtres laïques de Saint-Malo accusa les Frères de ne pas obéir à la loi ; mais, à cette dénonciation malveillante, la municipalité malouine répondit par cet éloge inséré dans sa délibération du 15 octobre 1791, conservée aux Archives de cette ville :

« Les Frères sont des hommes soumis à une discipline austère, dont les mœurs n’ont pas encore éprouvé la moindre critique, qui joignent au désintéressement, dont leur institut leur fait une loi, le plus grand soin pour l’instruction des enfants. Il sera bien difficile de trouver des hommes qui, de ce côté, leur ressemblent parfaitement. Or, quand on déplace un homme pour en mettre un autre, il faut que l’honnêteté de celui-ci ne fasse pas regretter l’ancien ; sans quoi le peuple juge mauvaise la loi qu’on a cru devoir mettre à exécution ».

113. — Le bon sens des administrateurs de Saint-Malo irrita les jacobins du lieu, qui les dénoncèrent au Directoire du département d’Ille-et-Vilaine. Le 3 juillet 1792, les Frères de Saint-Malo furent invités par la municipalité malouine à faire connaître leur résolution relative au serment. Ils répondirent le 6 par un refus poli, mais formel, dont les termes ont paru ailleurs.

Leur courageuse fidélité motiva, le 29 septembre suivant, un arrêté du Conseil général de la commune de Saint-Malo, qui, sous prétexte « d’incivisme et de collusion avec les ennemis intérieurs de la République », enjoignait aux Frères de quitter leur costume religieux et demandait leur remplacement aux autorités du département.

En attendant, et afin de trouver des moyens d’existence (leur refus de serment les excluant des pensions accordées aux anciens religieux), les Frères de Saint-Malo prirent le parti de donner des leçons particulières, soit à leur maison, soit à domicile. Mais cette détermination ne faisait point l’affaire des Jacobins de l’endroit qui multipliaient les dénonciations pour les obliger à quitter la ville. Aussi, par trois fois, en octobre et en novembre 1792; ainsi que le 11 janvier 1793, le Frère Directeur réclama-t-il vainement pour lui et ses confrères la liberté de vivre de leur travail. On lui répondit en les expulsant de leur demeure et les trois religieux virent leur mobilier inventorié et confisqué au profit de la République, le 19 janvier 1793.

Le jour même de cet inventaire, la municipalité malouine décidait « que la conduite incivique de ces hommes superstitieux, étant d’un exemple dangereux auprès de la classe des gens peu éclairés de la cité, les ci-devant frères ignorantins seraient payés d’une somme de 383 livres 17 sols, dont ils donneraient quittance, et évacueraient le territoire de la commune en 48 heures pour tout délai ».

114. — On allongea cependant quelque peu les 48 heures, car ce ne fut que le 25 janvier suivant, c’est-à-dire sept jours plus tard, que le frère Moniteur reçut de la municipalité malouine le passeport dont voici la teneur : « Laissez passer Maurice Martinet, allant dans l’intérieur de la République, maître d’écriture de profession, taille de 5 pieds 3 pouces, cheveux et sourcils noirs, yeux gris, nez long, bouche moyenne, menton rond, front bas, visage maigre ».

Muni de cette pièce indispensable pour pouvoir voyager à cette époque de liberté, le Frère Martinet se mit en route pour regagner vraisemblablement son pays natal. Sa première étape fut Dol, où il fit viser son passeport. Nous ne croyons pas qu’il poussa plus avant son voyage. Les routes alors n’étaient rien moins que sûres, infestées qu’elles étaient par les bandes royalistes ou les colonnes des soldats bleus. Les autorités révolutionnaires locales, sans cesse en méfiance, faisaient partout des difficultés pour viser les passeports, toujours prêtes qu’elles étaient, au moindre soupçon, à faire incarcérer les voyageurs suspects. Le Frère Martinet jugea donc plus sage d’en arrêter là son itinéraire et de s’en retourner à Saint-Malo, ville dans laquelle, en attendant des jours meilleurs, il croyait pouvoir trouver asile chez des amis sûrs dont il instruirait les enfants en cachette.

Ses espérances ne furent pas trompées, ainsi qu’on le voit par une réponse que sa mère lui adressait de Mézières le 12 janvier 1794 : « Mon cher fils, je suis bien sensible à la lettre que vous m’avez écrite. Je vois que vos amis ne vous délaissent point, cela me console ». La suscription de cette lettre : « Au citoyen M. M..., demeurant chez la citoyenne du Bois, près la Croix du Fief, à Saint-Malo », confirme bien que son destinataire avait trouvé asile dans cette cité, laquelle, toute terrorisée qu’elle était alors par l’atroce Le Carpentier, renfermait toujours des âmes capables de tous les dévouements.

115. — De Saint-Malo où sa présence fut peut-être soupçonnée, le frère Moniteur s’en vint se cacher chez Pierre Michel, demeurant à la Grande-Rivière, en Paramé, dont le fils avait été précédemment son élève. Mais la sécurité qu’il trouva en ce lieu ne fut pas de longue durée ; des dénonciateurs le reconnurent et s’en allèrent révéler sa présence au Comité de surveillance de Saint-Malo. Aussitôt, Mahé, agent national du district, s’empressa de donner des ordres. Le 8 mars 1794, à dix heures du soir, la ferme de la Grande-Rivière fut cernée. Maurice Martinet reposait. Averti, il quitta sa chambre, et, demi-vêtu, monta au grenier. Découvert quelques instants après, on le garrotta, puis on le conduisit en prison. On a publié ailleurs le procès-verbal de son arrestation.

Le frère Martinet demeura durant six longs mois détenu à Port-Malo. On semblait vouloir l’oublier et, dans l’état de la législation à cette époque, c’était bien ce qui pouvait lui advenir de plus heureux. Cependant, un jour survint, où le servannais Pointel, accusateur public près le Tribunal criminel d’Ille-et- Vilaine, fut informé de l’existence du prisonnier.

La chute de Robespierre n’avait rien changé aux lois de sang qui décimaient le monde religieux, aussi l’accusateur public, le cruel Pointel, jacobin forcené, s’empressa-t-il de donner des ordres afin de faire amener à Rennes le pauvre frère Martinet. L’inculpation de fanatisme dont il le chargeait, ne laissait aucun doute sur l’issue fatale réservée à son voyage.

Ecroué à la Tour Le Bat le 29 septembre 1794, le bon religieux dont on s’occupe, subissait six jours plus tard, devant le citoyen Beziel, juge au Tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, l’interrogatoire d’identité prescrit par la loi des 29 et 30 vendémiaire an II. « Il y déclara n'avoir prêté aucun des serments exigés par les loix et qu’il n’avait fait qu’user de la liberté des opinions religieuses en s’abstenant de prêter serment ».

Etre religieux, n’avoir point prêté un serment qui répugnait à votre conscience, et s'être accroché au sol de la patrie en refusant d’obéir aux lois de bannissement qui atteignaient tous les religieux demeurés fidèles à la stricte orthodoxie, étaient, on l’a déjà vu, des motifs amplement suffisants pour subir la peine capitale. Le frère Martinet ne devait pas tarder à en faire la dure expérience.

Le jour même de son interrogatoire, le Tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine rendit sa sentence à son sujet. Elle fut prononcée le 5 octobre 1794. C’était la mort, en exécution des articles V, X, XIV et XV de la terrible loi des 29 et 30 vendémiaire an II que nous avons déjà vue appliquée tant de fois.

116. — Trois prêtres dont nous venons de parler, MM. Le Roux, Robert et Gortais, avaient été condamnés à la peine capitale le même jour que le frère Martinet et pour les mêmes motifs. On réunit ensemble les quatre victimes pour la dernière nuit qui leur restait à vivre. A cette fin, à sa sortie du tribunal, on amena le frère Martinet non à la Porte-la-Montagne, mais à la Porte Marat, dite anciennement Porte Saint-Michel. Il y passa les dernières heures qui lui demeuraient dans la prière et le recueillement.

Le lendemain, en effet, 15 vendémiaire, autrement dit le lundi 6 octobre, eut lieu à Rennes une quadruple exécution capitale sur la place du Champ-de-Mars. Au nom des immortels principes émis en 1789 par les sectateurs des sociétés de Pensée, disciples des Encyclopédistes et de Jean-Jacques, quatre fois le couperet de la guillotine retomba sur des têtes d’ecclésiastiques.

Mgr Bruté de Rémur, alors adolescent à cette époque, assure que le frère Martinet expira en prononçant le nom sacré de « Jésus », pour lequel il sacrifiait sa vie. Sa Congrégation a conservé son souvenir et le regarde comme martyr.

BIBLIOGRAPHIE. — Bruté de Rémur, Souvenirs de la Persécution révolutionnaire à Rennes, op. cit., IX, p. 48. — Guillotin de Corson, Les Confesseurs de la Foi, op. cit., p. 69-71. — Abbé Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés de l'archidiocèse de Rennes, op. cit., p. 178-187, reproduit les pièces officielles du procès, ainsi que le Bulletin des Ecoles chrétiennes. IVème année, janvier 1910, p. 2-26.

(Dossier n° 271 des actes du tribunal criminel d’Ille-et-Vilaine, série B, Parlement, aux archives d’Ille-et-Vilaine).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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