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CAHIER DE DOLÉANCES DE SAINT-MALO EN 1789

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Subdélégation de Saint-Malo. — Dép. d'Ille-et-Vilaine, chef-lieu d'arrondissement.
POPULATION. — En 1787, 16.767 hab. (E. LEVASSEUR, La population française, t. I, p. 227).
CAPITATION. — Rôle de Saint-Malo, de 1788 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 4.097) ; 2.598 articles ; total, 29.539 l. 8 s., dont 25.368 l. 4 s. 4 d. pour la capitation proprement dite et 4.171 l. 3 s. 8 d. pour la milice. — Rôle de Saint-Servan, partie-ville (Ibid.) ; 1.323 articles ; total, 5.327 l., se décomposant ainsi : capitation proprement dite, 3.817 l. 18 s. 2 d. ; milice, 490 l. 11 s. 7 d. ; casernement, 1.018 l. 10 s. 3 d.
VINGTIÈMES. — En 1788, 31.170 l.
VINGTIÈMES D'INDUSTRIE. — Rôle de 1781 (Arch. d'Ille-et-Vilaine, 2.168) ; 510 articles ; total, 2.506 l. 11 s. 6 d.
PROCÈS-VERBAL [Note : Ce procès-verbal, dont l'exemplaire original se trouve aux Archives d'Ille-et-Vilaine (série B, fonds de la sénéchaussée de Rennes), a été imprimé à la suite du Cahier de doléances]. — Première assemblée (voir note qui suit), le 1er avril 1789, à l'Hôtel de Ville, en présence de Jean-François Picaut, chevalier des Dorides, lieutenant du Roi au gouvernement de Saint-Malo,

Note : Le maire de Saint-Malo avait adressé, le 28 mars, aux diverses corporations de la ville et du faubourg de Saint-Servan une convocation imprimée, dont voici le texte : « De par le Roi. Messieurs, En conformité des ordres de sa Majesté et de l'ordonnance de M. le Sénéchal de Rennes assembler lundi prochain 30 de ce dit mois de mars tous les membres de votre profession dans le lieu ordinaire de vos assemblées, à l’heure dont votre conviendrez, pour y procéder à la nomination du nombre des députés fixé par l'article 26 du règlement du 24 janvier, savoir… sur cent individus et au-dessous présents à l'assemblée.... au-dessus de cent….. au-dessus de deux cents et ainsi de suite, lesquels députés ainsi nommés se rendront à l’assemblée qui se tiendra à l'Hôtel-de-Ville le 1er avril prochain, pour y procéder d'abord à la rédaction d'un Cahier de plaintes, doléance et remontrances tant sur les moyens de pourvoir et de subvenir aux besoins de l'Etat qu'à tout ce qui peut intéresser la prospérité du royaume et celle de tous et chacun des sujets de S. M.. et ensuite procéder dans ladite assemblée générale à la nomination des 12 députés qui devront se rendre à Rennes le 7 dudit mois d'avril pour y porter ledit cahier et concourir à la nomination des députés aux Etats généraux ». L'exemplaire de cette convocation adressé à « MM. les Apothicaires de Saint-Malo et de Saint-Servan » appartient à M. le Dr Hervot, médecin en chef de l'Hôtel-Dieu de Saint-Malo.

 et sous la présidence de Dominique-François Sébire l'aîné (voir note 1), maire, et colonel de la milice bourgeoise de Saint-Malo. - Présents à l’assemblée (voir note 2) : Bossinot (voir note 3), lieutenant-maire ; Le Gentil (90) ; Vetel des Landelles (39) ; Brignon de Lehen (voir note 4) (112) ; Apuril de Kerloguen (voir note 5), négociant (140), échevins ; — Deshais, armateur (54) ; Jallobert fils (voir note 6), négociant (18 + 10), prieurs consuls en exercice ; — Quesnel, négociant (24) ; Herbert de la Porte-Barrée (voir note 7) (84), prieurs consuls sortants ; — Hercouet [négociant (?) (150)] ; du Demaire Guillemaut [négociant (?) (80)] ; Maugendre (50), assesseurs ; — Des Saudrais Sébire (280+150 pour sa charge de secrétaire du Roi + 83 de vingtièmes d'industrie en communauté avec Le Breton de Blessin), administrateur de l'Hôtel-Dieu ; — Capard (voir note 8), négociant (48 + 4), contrôleur des octrois et patrimoniaux ; — Rouxel [négociant, capité à Saint-Servan (21)] ; Danycan (voir note 9), l'aîné, capitaine navigant (50), juges baillifs des eaux ; — Duval ; Desguets l'aîné (voir Note 10), capitaine navigant (60), commissaires de police ; — Grandchamp-Chevalier (33), secrétaire-greffier ; — Dupuy-Homy fils, capitaine de la garde. — Comparants : Courneuve (capité à Saint-Servan, 24), député des marchands de draps et autres ; — Guillon (45) ; Cousin de Courchamp (capité à Saint-Servan, 12), députés des marchands en gros de vin et autres ; — Besnard [cloutier (capité à Saint-Servan, 1)], député des marchands clincaillers et autres ; — François Hallot Lafontaine (sa femme, débitante de tabac, 4) ; Jacques Billy, députés des charpentiers, menuisiers et autres ; — Jossaume (14) ; Beauchemin (capité avec la veuve Olivier Brien, couturière, 5,10), députés des hydrographes, instituteurs et autres ; — Le Mesme, négociant (sa femme, épicière, 18+3), député des marchands épiciers et autres ; — Jean-Baptiste Delot, taillandier (capité à Saint-Servan, 12), député des serruriers et autres ; — Blaize de Maisonneuve (voir Note 11) (350 + 50) ; Lecoufle père (capité à Saint-Servan, 45), députés des négociants ; — Jean Bodinier (voir note 12) (50+4 ou 12) ; Huard (voir note 13), députés des armateurs ; — Fredot Duplanty, conseiller ; Bossinot de Vauvert, procureur du Roy (39), députés du siège royal de l'amirauté ; — De Brécey (voir note 14) (70) ; Rocher, députés des juridictions ordinaires et régaires ; — Gauttier, avocat (42) ; Michel de la Morvonnais (voir note 15), avocat (30), députés de la communauté des notaires royaux ; — Le Baillif (27) ; Chaumont (10), députés de la communauté des procureurs ; — Duclos Guyot, lieutenant de vaisseau (capité à Saint-Servan (36) ; Corbillé (voir note 16) (45+4) ; Ohier père (45) ; Fougueux Desmoulins, capitaine navigant (capité à Saint-Servan, 37), députés des officiers de la marine royale et marchande ; — Bougourd (voir note 17) (27) ; Chifoliau (voir note 18) (27), députés du collège de médecine (voir note 19) ; — Le Mesle (voir note 20) (33) ; Dufresne, chirurgien navigant (sa femme marchande de chapeaux, 8), députés de la communauté des maîtres en chirurgie (voir note 21) ; — Moulin (voir note 22) (12+2) ; Fanonnel (16,10), députés des maîtres apothicaires (voir note 23) ; — Des Jardins Fichet (voir note 24), armateur (72+6) ; Lastelle, députés des officiers de la milice bourgeoise ; — Bertrand l'ainé (outre ce qu'il paye au bureau des classes et pour ses biens particuliers, 36) ; Duault (voir note 25) (12), députés des officiers du bureau de la marine ; - Marion l'aîné (130) ; Grenard, députés des architectes, constructeurs et autres ; — Perruchot de Longeville, directeur des fermes du Roi (pour ses biens particuliers, 54) ; Duparc Louvel le cadet (voir note 26) (outre ce qu'il paye comme entreposeur du tabac et pour le bien de sa femme, 54), députés des officiers du bureau des fermes générales ; — Linquié, directeur (40) ; Binnemarc, receveur général (24 ; pour son bien, 12), députés des officiers du bureau des devoirs et autres ; — Rousselin, commis de maison (sa femme, modiste, 15), député des commis ; — Brault l'aîné (17+1) ; Chassin de Kergomaux (50+2), députés des courtiers et agents de change ; — Duchesne Saint-Verguet (57 + 12) ; Benabin (24+4), députés de la communauté des maîtres orfèvres ; — Louis Ami (11+2), député des horlogers et autres ; — Laurent Loisel (7), député des maîtres perruquiers de la ville ; — Joseph Boucouet (18), député des maîtres cordonniers ; — Le Marié (2,10), député des tailleurs ; — Jagoret (avec sa femme, marchande de toile, 30+2), député des voiliers ; — Antoine Bautain (8+ 2), député des tonneliers ; — Des Rabines Laurent (1 + 2), député des poulieurs ; — Jacquinet (capité à Saint-Servan, 2), député des peintres ; — Poiselle (capité à Saint-Servan, 4), député des selliers et autres ; — Bourgogne (12+1), député des bouchers ; — Guyot (sans doute Pierre Guyot, aubergiste), député des galletiers ; — Antoine Hinet (36+1), député des boulangers ; — Pierre Desmares (capité à Saint-Servan, 4), député des amidonniers ; — Duparc Le Coq (12 ; sa femme, marchandé de linge), député des cordiers ; — Guillaume Tomine (2,10) ; Jean Toudic (1,16), députés des portefaix ; — Servan Barthélemy (capité à Saint-Servan, 1) ; Servan Bigot, députés des matelots ; — Chenu (6+3), député des traitants et autres ; — Lafontaine Le Bonhomme (160+3), ancien prieur consul, député des agriculteurs ; — Proust, député du siège royal des traites ; — Georges Mandoux, député des cordonniers du faubourg ; — Georges Tennevet (capité à Saint-Servan, 3), député des maîtres perruquiers du faubourg ; — Hovius père (36+9), député des imprimeurs.

Note 1 : Dominique-François Sébire, fils ainé de Gilles-François Sébire de Longpré, était né à Saint-Malo le 25 septembre 1717 ; il était armateur, comme son père (PARIS-JALLOBERT, Anciens registres paroissiaux de Bretagne, ville de Saint-Malo, t. III, p. 382) et, en 1775, il fut élu député des négociants de Saint-Malo au bureau du commerce (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1583). En 1788, il payait 66 l. de capitation (Ibid., C 4097) et, en 1781, 3 l. de vingtièmes d'industrie (Ibid., C 2168). Il devait terminer à la fin du mois de décembre 1788 ses trois années d'administration, et, le 15 de ce mois, il demanda à la communauté de ville de désigner, suivant l'usage, trois candidats à sa succession ; on insista pour qu'il continuât ses fonctions ; il s'excusa sur le mauvais état de sa santé, mais on le supplia derechef de rester en fonctions, afin de confirmer de cette manière la délibération prise le 15 décembre, et il finit par accéder à ce désir (Arch. commun. de Saint-Malo, BB 40, fol. 18 v° et 19). — Le 9 août 1788, il avait été désigné par la communauté de ville pour la représenter au bureau de correspondance qui venait d'être établi à Saint-Mato pour le diocèse (Ibid., fol. 9 v°).

Note 2 : Nous croyons devoir rappeler ici que les chiffres placés entre parenthèses indiquent : le premier, la cote de capitation payée par le comparant, et le second, sa cote de vingtièmes d'industrie.

Note 3 : Bossinot avait été désigné, le 9 août 1788, par la communauté de ville pour la représenter au bureau de correspondance (Ibid.).

Note 4 : Brignon de Lehen ne faisait partie de la municipalité que depuis le 28 janvier (Ibid., fol. 25).

Note 5 : Apuril de Kerloguen avait été nommé échevin le 29 janvier, la veille, la communauté avait désigné Herbert de la Porte-Barrée, mais, le maire ayant fait observer qu'il faisait partie de droit de la municipalité en qualité de prieur consul sortant, il fut remplacé par Apuril (Ibid., fol. 26). En 1804 Apuril était conseiller municipal et vice-président de la Chambre de commerce (KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. I, p. 243).

Note 6 : Jallobert fils, ancien consul, avait été désigné par la communauté de ville, le 26 juillet 1788, pour se joindre aux députés de la province chargés de faire les démarches nécessaires pour obtenir la libération des gentilshommes détenus à la suite des affaires du mois de mai (Arch. commun. de Saint-Malo, BB 40, fol. 9).

Note 7 : Nicolas-Thomas Herbert, baron de la porte-Barrée, né en 1756, appartenait à une riche famille de Saint-Malo, alliée à plusieurs maisons nobles. Sa sœur, Marie-Aimée avait épousé en 1781 Pierre Henri Brignon de Lehen, échevin de Saint-Malo. Sur la généalogie et les alliances de cette famille, voy. PARIS-JALL0BERT, Anciens registres paroissiaux de Bretagne, ville de Saint-Malo, t. II, pp. 215-217, et Marquis X. DE BELLEVUE, Généalogie de la maison Fournier actuellement représentée par les Fournier de Bellevue, Rennes, 1909, in-4°, pp. 246-248.

Note 8 : Capard, alors commissaire de police, avait été nommé contrôleur des octrois et deniers patrimoniaux par la communauté de ville le 31 décembre 1787, à la place de Bossinot de Pontphilly, qui remplissait ces fonctions depuis quatorze ans (Arch. comm. de Saint-Malo, BB 40, fol. 3).

Note 9 : Danycan avait été élu juge baillif par la communauté de ville le 31 décembre 1787, à la place de Bodinier, qui l'était deputs trois ans (Ibid., fol. 3).

Note 10 : Desguets, nommé commissaire de police par la communauté le 16 septembre 1788, à la place de Jallobert de Lépinay, parti à Saint-Domingue pour trois ans, prêta serment le 13 février 1799 (Ibid., fol. 11 et 28 v°).

Note 11 : Louis Blaise de Maisonneuve, originaire de Paimpol, était armateur et négociant à Saint-Malo, où il se maria deux fois (PARIS-JALL0BERT, Anciens registres paroissiaux de Bretagne, ville de Saint-Malo, t I. p. 97). Il se livrait particulièrement au commerce des grains (Arch. C 1680), et, en raison des services qu'il rendit au moment de la disette de 1770, le Roi voulut l'anoblir, ainsi que Beaugeard et Robert de La Mennais, mais il refusa en disant que tous les bourgeois de Saint-Malo étaient nobles de droit (Cte X. DE BELLEVUE, Le comte Desgrées da Loû, Vannes, 1903, in-8°, p. 57, n 1). Il succéda à Sébire comme maire de Saint-Malo (OGÉE, Dictionnaire de Bretagne, ed. MARTEVILLE, t. II , p. 813). A l'époque de la Terreur, il eut avec le représentant Le Carpentier des démêlés sur lesquels il fournit lui-même des détails fort curieux dans une lettre du 22 ventôse an III, publiée par M. l’abbé ROUSSEL (Lamennais d’après ses correspondants inconnus, dans la Revue des questions historiques, année 1908, t. I, pp. 233-234) et par M. HERPIN, dans son Histoire d'un Comité de surveillance (Annales de la Société archéologique de Saint-Malo, année 1910 p. 19, n. 2). Il mourut à Saint-Malo en 1895. Sur ce personnage, voy. Mis X. DE BELLEVUE, Généalogie de la maison Fournier, pp. 261 et 436.

Note 12 : Jean-Julien Bodinier était né à Saint-Malo le 5 janvier 1747 (PARIS-JALLOBERT, op. cit., t. I, p. 102) ; il fut receveur général des droits de navigation à Saint-Malo, mais il était surtout armateur. Député suppléant de la sénéchaussée de Rennes aux Etats généraux, député suppléant du département d'Ille-et-Vilaine à l'Assemblée législative, il fut député titulaire au Conseil des Cinq-Cents, puis aux différentes Assemblées législatives du Directoire, du Consulat et de l'Empire. Il avait pris part au mouvement fédéraliste du Calvados, avait été emprisonné sur l'ordre du représentant Le Carpentier et n'avait dû son salut qu'au Coup d'Etat du 9 thermidor. C'était un esprit cultivé et il possédait une assez belle bibliothèque. Il se suicida le 16 octobre 1819 (R. KERVILER, Recherches et notices sur les députés de la Bretagne aux Etats généraux, t. I, pp. 92-96 ; ID., Bio-bibliographie bretonne, t. IV, p. 96).

Note 13 : Etienne-Eusèbe-Joseph Huard était né à Saint-Malo le 9 septembre 1752. Il fut quelque temps avocat comme son père, mais, après son mariage avec Marie-Anne Bodinier, sœur du précédent, il s'intéressa dans les armements et renonça au barreau. A la Constituante, il contribua à la formation du Comité d'agriculture et de commerce, dont il fut membre pour la section du commerce (F. GERBAUX et Ch. SCHMIDT, Procès-verbaux des Comités d'agriculture et de commerce de la Constituante, de la Législative et de la Convention, t. I, pp. 1, 33 et passim) ; il prononça un discours à l'Assemblée sur l'importation des grains dans les colonies, qu'il voulait exclusivement réserver à la métropole. Il mourut dès la fin d'octobre 1789, à la suite d'un duel, croit-on (KERVILER, Recherches et notices sur les députés de la Bretagne aux Etats généraux, t. I. pp. 418-420).

Note 14 : Originaire de Brécey, près d'Avranches, Nicolas-Bruno de Brécey avait épousé en 1779 Françoise-Nicole Pallud fille d'un négociant de Saint-Malo ; il était alors âgé de 40 ans et exerçait les fonctions de juge lieutenant du chapitre et de procureur fiscal des regaires (PARIS-JALLOBERT, op. cit., t. I, p. 132 et t. III, p. 210). Il devint président du tribunal de Saint-Malo sous le Directoire, mais fut destitué en 1797 (KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. VI, p. 170). Nommé maire de Saint-Malo par arrêté préfectoral du 21 pluviôse an IX, il fut confirmé dans ses fonctions par le Premier Consul le 23 ventôse suivant. Comme il habitait presque toujours la campagne, il eut de grandes difficultés avec le Conseil municipal, qui voulait qu'il se fixât en ville, et il démissionna en l'an XII (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série M. Dossiers des maires).

Note 15 : François-Julien Michel de la Morvonnais naquit le 24 octobre 1754 à Pleudihen, où son père était procureur fiscal de la juridiction de la Bellière. Il était avocat à Saint-Malo au moment de la Révolution ; il fut député de cette ville à l'assemblée de la sénéchaussée, et, si l'on en croit un rapport du député Delaporte, c'est lui qui rédigea la partie du Cahier général relative à la marine (L. DUBREUIL, La Révolution dans le déparment des Côtes-du-Nord, p. 192). Il fut ensuite député à l'Assemblée puis il vint se fixer dans le département des Côtes-du-Nord, dont il devint administrateur, mais il donna sa démission le 1er germinal an V (Ibid., p. 228, n 1). C'était un homme d'opinions très modérées. Revenu à Saint-Malo, il y mourut le 20 mai 1815. Il ne faut pas le confondre avec son frère aîné, Jacques-Jean, qui était procureur fiscal de Châteauneuf, ni avec son fils, le poète Hippolyte de la Morvonnais, (KERVILER, Cent ans de représentation bretonne, 2ème partie, p. 76 ; Abbé E. FLEURY. Hippolyte de la Morvonnais, sa vie, ses œuvres, ses idées, Paris. 1911, in-8°, pp. 15 et suiv.).

Note 16 : Lors de l'augmentation du nombre des députés du Tiers aux Etats de Bretagne, Corbillé fut élu, le 2 février 1789, quatrième député de la ville de Saint-Malo (Arch. commun. de Saint-Malo, BB 40, fol. 28).

Note 17 : Descendant d'une longue lignée de chirurgiens, Jean-François Bougourd était né à Saint-Servan le 30 octobre 1746 (PARIS-JALLOBERT, Anciens registres paroissiaux de Bretagne, ville de Saint-Malo, t. I, p. 120 ; ville de Saint-Servan, p. 28). En 1782, la Société royale de médecine, dont il était correspondant, avait couronné son mémoire sur le caractère contagieux du scorbut. En 1789, il était médecin en chef de l'Hôtel-Dieu ; en 1792, il est commissaire pour la salubrité et l'inspection des drogues ; en 1793, il est médecin de l'hôpital militaire, et, à ces divers titres, il sollicite plusieurs fois d'être dispensé du service de la garde nationale. Accusé d'incivisme par la Société populaire, il est contraint de donner sa démission le 14 octobre (Dr HERVOT, La médecine et les médecins à Saint-Malo, Rennes, 1906, in-8°, pp. 105, 131, 219-223). Il mourut sur l'échafaud à Paris en 1794 (PARIS-JALLOBERT, op. cit., ville de Saint-Malo, t I, p. 120, n. 3 ; KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. V, p. 123).

Note 18 : Chifoliau était fils d'un maître chirurgien de Saint-Malo, lieutenant du premier chirurgien du Roi. Il s'était adonné à la recherche des eaux minérales dans la région de Saint-Malo et de Dinan, et il avait publié sur ce sujet, en 1782, un Essai analytique ; en 1787, il avait reçu un brevet d' « Intendant des eaux minérales de Dinan et du Clos-Poulet », fonction qu'il conserva durant toute la période révolutionnaire et qui lui fut de nouveau confirmée en l'an VI. En 1787, la Société royale de médecine couronna son « Mémoire sur la topographie médicale du canton du Clos-Poulet et de la ville de Saint-Malo ». En 1791, il provoqua, de la part de la Société des Amis de la Constitution, dont il était membre, la création d'un Comité de santé destiné à lutter contre les ravages des maladies syphilitiques. Il fut longtemps en rivalité avec son confrère Mahé, que le gouvernement envoya à Saint-Malo au mois d'octobre 1792 pour y faire un cours sur les accouchements En 1789, il publia un Compte-rendu aux communes de la ville de Saint-Malo relatif à l'administration ancienne et future de la milice bourgeoise de cette ville, et, en 1791, il fut colonel de la garde nationale ; le 15 août 1793. il fut nommé médecin ordinaire des hôpitanx ambulants de l'armée des côtes. Il mourut en 1810, chevalier de la Légion d'honneur, médecin en chef des armées et inspecteur divisionnaire du service de santé (Dr HERVOT, op. cit., pp. 217 et 221-240 ; ID., Mémoire sur la topographie médicale du Clos-Poulet, dans l'Hermine, t. XXXIV, 1906, pp. 100-108, 155-163 et 213-218 ; R KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. IX, p. 225).

Note 19 : D’après l’almanach appelé Les Etrennes Malouines pour l’année 1790, il y avait alors six médecins à Saint-Malo et deux à Saint-Servan (Dr HERVOT, La médecine et les médecins à Saint-Malo, p 216).

Note 20 : Le Mesle, fils d'un médecin, était chirurgien en chef de l’Hôtel-Dieu ; il fut destitué en 1793 (Dr HERVOT, La médecine et les médecins à Saint-Malo, pp 105, 220 et 223).

Note 21 : D'après Les Etrennes Malouines, il y avait, à la fin de l'année 1789, neuf chirurgiens à Saint-Malo et sept à Saint-Servan, sans compter les chirurgiens navigants (ID., Op. cit., pp. 216-217).

Note 22 : Charles-Alexandre Moulin était ne le 6 novembre 1747, à Saint-Malo, où son père était apothicaire (PARIS-JALLOBERT, op. cit., ville de Saint-Malo, t. III, p. 183). Révolutionnaire très militant, il fut nommé maire de Saint-Malo par le représentant Le Carpentier au mois de décembre 1793 et, un an plus tard, il fut destitué par le représentant Boursault (OGÉE, Dictionnaire de Bretagne, éd. MARTEVILLE, t. II, pp. 815-817 ; voy. aussi A. DE BRACHET, Le Conventionnel J.-B. Le Carpentier, dans le Bulletin périodique ... Le Pays de Granville, 6ème année, 1910, p. 148).

Note 23 : A la fin de 1789, Moulin et Fanonnel étaient les deux seuls apothicaires de Saint-Malo (Dr HERVOT, op. cit., p. 217).

Note 24 : Joseph Fichet, sr des Jardins, né à Saint-Quay, avait épousé à Saint-Servan, en 1771, Nicole-Louise-Renée Morin, dont une sœur avait épousé, en 1766. Louis Blaize de Maisonneuve. Il fut conseiller municipal de Saint-Servan en 1798. Sur ce personnage et sa famille, voy. Mis X. DE BELLEVUE. Généalogie de la maison Fournier, pp. 442 et suiv.

Note 25 : François-Marie-Guillaume Duault„ trésorier de la Marine à Saint-Malo, était originaire de Hénon (Côtes-du-Nord), où il était né le 27 novembre 1757. Suspect de modérantisme et accusé de sympathie pour le mouvement fédéraliste, il fut arrêté et envoyé à Paris le 9 thermidor an II, avec cinquante-quatre autres détenus, sur l'ordre du représentant Le Carpentier. La chute de Robespierre lui sauva la vie ; il devint plus tard chef de bureau au Ministère de la Marine, puis à celui des relations extérieures, et il mourut à Paris le 31 décembre 1833 ; il était chevalier de la Légion d'honneur depuis 1826. Il a laissé un certain nombre de poésies qui ne sont pas dénuées de mérite, et une curieuse et rare brochure, imprimée à Saint-Malo, chez Hovius, sous le titre de Précis du proconsulat exercé par Le Carpentier dans la commune de Port-Malo (LEV0T, Biographie bretonne, t. I, pp. 567-569 ; R. KERVILER, Bio-bibliographie bretonne, t. XII, pp. 367-371 ; G. SAINT-MLEUX. Un poète malouin oublié. F.-M.-G. Duault, dans les Annates de la Société historique et archéologique de Saint-Malo, année 1908, pp. 173-186 ; A. DE BRACHET, op. cit ., p. 148, n. 2).

Note 26 : Un sieur Louvel le Cadet, armateur, figure pour 4 l. dnas le rôle des vingtièmes d'industrie pour 1781. Nous n'osons l'identifier avec l'entreposeur des tabacs.

La vérification des pouvoirs terminée, les députés des communautés ont nommé 8 commissaires, chargés spécialement de la rédaction du cahier de doléances : Huard, armateur ; Le Baillif, procureur ; Michel de la Morvonnais, avocat ; Rocher, procureur fiscal de la juridiction ordinaire ; Chaumont, procureur ; Bertrand, ancien sous-commissaire de la marine ; Blaize de Maisonneuve, négociant ; Jean Bodinier, armateur. Ceux-ci ont accepté et ont promis de remettre leur travail, le vendredi 3 avril. Les représentants des corporations et communautés ont alors « déposé séparément, sur le bureau, les divers canevas de doléances, plaintes et remontrances particulières de chaque collèges, corps, communautés et corporations qui les ont constitués, à l'effet d'être, sur-le-champ, remis aux mains desdits sieurs commissaires ».

Deuxième assemblée, le 3 avril 1789, à 2 heures de l'après-midi, en présence du maire et des officiers municipaux. — Mêmes comparants qu'à l'assemblée du 1er avril, et, en outre, Pierre Bearé, entrepreneur (5+1), député des macons couvreurs et autres, et Jean-François Dolé (17+5), député des fondeurs, plombiers, et autres, « que des affaires particulières avaient empêché de se trouver à la précédente assemblée ». — Les commissaires lisent le cahier de doléances qu'ils ont rédigé, et qui est approuvé par les membres de l'assemblée et signé par ceux qui savent signer.

L'assemblée s'occupe ensuite de la nomination des députés. Le maire a déclaré qu'il croyait que les officiers municipaux devaient concourir avec les députés des communes à nommer les 12 députés qui doivent se rendre à Rennes ; cependant, comme quelqques-uns des articles des règlements du 24 janvier et du 16 mars « ne présentent pas un sens bien clair », il a envoyé un exprès au sénéchal, Borie ; celui-ci a répondu que les règlements donnaient aux officiers municipaux le droit de concourir à la nomination des députés, comme la chose venait de se passer à Rennes ; le maire lit la lettre de Borie et la lettre de l'intendant, qui se prononçait dans le même sens. — L'un des commissaires « s'est chargé de répondre et a dit que l'esprit des règlements, l'intention du Roi, clairement manifestée, de vouloir que les députés qui se rendront à Paris soient des représentants libres de toutes les classes de citoyens quelconques » ne permettaient pas d'interpréter les déclarations comme le faisait le maire ; « si sa prétention était fondée, les députés à Rennes ne seraient plus des députés librement élus par le peuple seul, mais des députés élus, partie librement par le peuple, et en partie non librement par la municipalité, qui n'a à ce sujet aucuns titres ni mandements... ; chaque officier municipal représenterait seul cent individus des corporations et cinquante dans les arts libéraux, dont il résulterait une injustice de proportion entre les municipaux et les simples habitants ; » les articles 25-30 du règlement du 24 janvier infirment la prétention de la municipalité ; « les mots de l'article 30, qui ne seront pas du Tiers Etat, s'entendent clairement, d'après l'article 28, des officiers municipaux, qui ne sont pas députés des corporations, et non pas d'un noble ; l'article 28 dit clairement que le Tiers Etat des villes sera composé de députés choisis par les différentes corporations ; conséquemment un député d'une corporation est un homme du Tiers Etat » ; les avis du sénéchal et de l'intendant ne peuvent prévaloir contre le texte formel et l'esprit des règlements ; enfin « pour convaincre davantage la municipalité, il a ajouté que ce qui pouvait se trouver équivoque dans les dispositions de la déclaration doit s'interpréter naturellement par le procès-verbal imprimé, envoyé pour instruction à MM. les maires et aux municipalités afin de rapporter acte des nominations, et il a donné lecture de cette pièce ». — La discussion a duré près de deux heures. Puis, la municipalité ayant délibéré, le maire a déclaré que la municipalité, bien que croyant son droit fondé, mais, se référant au « modèle de procès-verbal lu et représenté », et « voyant les députés des corporations décidés à ne pas vouloir céder », par amour de la paix, et pour ne pas retarder l'opération électorale, consentait à se départir de sa prétention.

Les députés des corporations, après avoir félicité la municipalité de son esprit conciliant, procèdent au scrutin. Sont élus députés : Huard, armateur et juge consul en exercice ; Michel de la Morvonnais, avocat ; Jean Bodinicr, armateur ; Lecoufle père, négociant ; Bertrand l'aîné, ancien sous-commissaire de la marine ; Sébire l'aîné, négociant et maire ; Le Baillif, procureur ; Chaumont, procureur et notaire royal ; Blaize de Maisonneuve, négociant ; Chifoliau, docteur-médecin ; Danycan l'aîné, capitaine ; Lafontaine Le Bonhomme, négociant. — Tous ont accepté le mandat.

Cahier des charges et griefs donnés par les communes de Saint-Malo à ses douze députés, électeurs à Rennes, dans son assemblée des 1er, 2 et 3 avril 1789.

(Brochure de 67 pages in-8°, s. l., 1789. — Nous ne connaissons de cette brochure que trois exemplaires, appartenant aux collections de M. F. JOÜON DES LONGRAIS, archiviste- paléographe, à Rennes ; de M. DE LA GRIMAUDIÈRE, conseiller général d'Ille-et-Vilaine, au château de la Hamonais, en Saint-Jean-sur-Vilaine [exemplaire ayant appartenu à M. de La Borderie], et de M. SAUBOST, conservateur de la Bibliothèque municipale de Saint-Malo ; nous devons à la grande obligeance de M. Saubost la copie de ce texte, et nous avons collationné les épreuves sur les exemplaires que nous ont libéralement prêtés MM. Joüon des Longrais et de la Grimaudière).

ARTICLE PREMIER.Charge spéciale et particulière aux douze électeurs qui seront députés à Rennes. — L'assemblée a autorisé ses douze députés, électeurs à l'assemblée générale de la sénéchaussée de Rennes, à prendre derechef en considération le cahier des réclamations du Tiers Etat de Bretagne, arrêté par les députés de diverses communes et corporations à l'hôtel de ville de Rennes, du 22 au 27 décembre 1788, et à l'approuver au nom de tous les citoyens de cette ville, dans le cas où ladite assemblée générale jugera convenable de n'y faire aucun changement. La présente assemblée confère les mêmes pouvoirs à sesdits douze députés-électeurs, relativement aux arrêtés et délibérations ultérieurs de l'ordre du Tiers, contenus dans le procès-verbal de ses séances particulières du 14 au 21 février dernier.

ART. II. — Considérant que le Tiers Etat ne peul être bien représenté et ses droits bien défendus que par des membres vraiment de son ordre, et qui n'aient pas de intérêts et des vues opposés aux siens, il est expressément enjoint aux députés-électeurs à l’assemblée de la sénéchaussée de ne donner leurs voix pour députés aux Etats généraux qu’à des roturiers non privilégiés ; et, comme il est intéressant pour cette ville et ses environs d’être représentés aux Etats généraux par un de ses citoyens, il est également enjoint auxdits électeurs de réunir leurs suffrages, de manière qu'il puisse être nommé un député de la ville ou du faubourg, autant que cela pourra dépendre d’eux, n’entendant au surplus géner leurs suffrages sur le choix du sujet en ce qui ne serait pas contraire au présent article.

CONSTITUTION.

ART. III.Charges générales pour les députés aux Etats généraux. — C'est par une fausse idée que le Tiers Etat, qui compose plus des quatre-vingt-dix-neuf centièmes de la Nation, a été qualifié d'ordre. Il n'est pas indifférent de faire cesser cette ancienne erreur en lui donnant désormais le titre général de Peuple Français, le seul qui puisse convenir à la dignité d'un grand Peuple libre et du Souverain qui le gouverne. Il est intéressant que cette dignité soit toujours présente aux yeux de ceux qui auront l'honneur de le représenter aux Etats généraux, afin qu'ils ne souffrent pas qu'il y reçoive d'humiliations. Aucun ordre n'a droit de lui en faire éprouver ; la majesté du Roi ne pourrait qu'en être blessée. Il y représentera un père au milieu de ses enfants. Il ne sera jamais plus grand, et surtout plus chéri, que lorsqu'ils y seront tous traités avec les mêmes égards.

ART. IV. — Considérant que le nombre des représentants qui a été attribué au Peuple Français pour les prochains Etats généraux, par la décision du Conseil du 27 décembre 1788, n'est pas encore suffisant pour lui donner l'influence qu'il doit raisonnablement avoir dans cette assemblée, ce nombre sera augmenté dans une proportion convenable pour les Etats généraux futurs, et il sera pris des mesures pour établir le meilleur ordre de choses dans leur formation. Quant à l'assemblée prochaine, on se bornera à la proportion fixée par la décision du 27 décembre. Il est essentiel qu'il y soit voté par têtes et que tous arrêtés et délibérations y soient pris à la pluralité au moins des deux tiers des voix.

ART. V. — Considérant que les plus grands maux de l'Etat viennent de ce que la Nation n'a pas, depuis longtemps, été appelée à concourir à la législation, il est indispensable qu’avant tout il soit établi une loi fondamentale, qui rappelle que la puissance législative appartient, dans tous les cas et en toute matière, aux Etats généraux, conjointement avec le Roi, qui n’a seul que la puissance executive.

ART. VI. — Qu'aux seuls Etats généraux assemblés appartient le droit d'établir ou de proroger les impôts et d'ouvrir des emprunts, sous telle forme et dénomination que ce puisse être. En conséquence, tous ceux qui existent et se perçoivent aujourd'hui devant être considérés comme d'origine ou d'extension illégales, il est important qu'au commencement de l'assemblée il soit pris une délibération, par laquelle ils seront tous annulés, et la continuation de la perception sera seulement autorisée pendant le cours de la tenue, après laquelle il n'y aura d'autres contributions que celles qui auront été statuées par l'assemblée avant sa séparation.

ART. VII. — Que la périodicité des Etats généraux soit également fixée par une loi fondamentale. Que l'intervalle entre leurs assemblées ne puisse excéder cinq années, et que la tenue qui suivra la prochaine soit même fixée deux ans après, afin qu'on n'ait pas le temps de perdre les objets de vue ; qu'on puisse reprendre avec activité la suite de ceux qu'on n'aurait pas été en état de régler dans la précédente, et que la Nation puisse avoir l'espérance de voir mettre, sous peu de temps, la dernière main au grand œuvre de sa régénération, sauf au Roi à convoquer des assemblées extraordinaires, quand il le jugera convenable pour le bien de l'Etat.

ART. VIII. — Tous et chacun les membres des Etats généraux y seront en pleine liberté d'opinions, discussions et représentations, sans pouvoir être gênés par qui que ce puisse être, et sans pouvoir, ni avant ni après, être jamais ni accusés, ni poursuivis, ni inquiétés a raison de l’usage qu’ils auraient fait de la parole et de la discussion. Au reste, l’assemblée aura la seule police sur tous ses membres.

ART. IX. — Tous les impôts, de quelque nature qu’ils soient, qui seront consentis ou renouvelés à chaque tenue des Etats généraux, ne le seront jamais que jusqu'à l'époque fixée pour la tenue suivante, passé de laquelle ils cesseront de plein droit, et ne pourront être exigés par qui que ce puisse être, jusqu’à ce que les Etats généraux n’aient été rassemblés pour y statuer de nouveau. Tout homme qui voudrait tenter de les lever sans cela, et passé ledit terme, doit être déclaré concussionnaire, et il est important qu'il soit expressément enjoint à tous tribunaux, de quelque degré qu'ils soient, de le poursuivre et le traiter comme un ennemi public ; et si un ministre pouvait en donner le conseil, il doit en être responsable à la Nation et accusé par les Etats généraux.

ART. X. — Les citoyens de tous les ordres et de toutes les classes étant, les uns comme les autres, membres et sujets libres du même Etat, ils doivent tous également participer à ses charges en proportion de leurs moyens ; à l'effet de quoi, tous privilèges et exemptions pécuniaires doivent être supprimés. Quoique le cahier des réclamations du Tiers Etat de Bretagne, arrêté à Rennes au mois de décembre, contienne cette demande, il n'est pas indifférent de rappeler qu'il doit être fait sur ce point une loi fondamentale, afin que, l'ayant toujours sous les yeux, la Nation ne puisse jamais l'oublier et soit toujours à lieu d'y rappeler ceux qui tenteraient de s'en écarter.

ART. XI. — Que la sûreté individuelle soit aussi assurée par une loi fondamentale, en sorte qu'aucun citoyen ne puisse être ni arrêté, ni emprisonné, ni exilé, ni privé de la vie, de sa liberté et de ses biens, sans un jugement légal et motivé. Quiconque se permettrait, sans cela, d'attenter à la liberté d'un citoyen serait criminel de lèse-patrie ; et il serait ordonné à tous les tribunaux de le poursuivre extraordinairement, suivant l'exigence des cas.

ART. XII. — Qu'on prenne en considération l'amélioration du sort des soldats ; qu'on leur accorde une solde suffisante ; qu'on veille à leur nourriture et à ce que leur pain soit de la meilleure qualité ; que les peines et punitions soient plutôt fondées sur la crainte de la perte de l'honneur que sur celle des châtiments ; mais aussi que les militaires, qui ne sont établis que pour la sûreté de l'État et le défendre contre ses ennemis extérieurs, ne pourront jamais porter les armes contre aucune partie de la Nation française et seront tenus d'excepter ce cas de leur serment d'obéissance, et, s'il arrivait qu'ils y manquassent, les Etats généraux en prendraient connaissance, pour statuer, à leur égard, ce qui serait vu appartenir. Ils pourront néanmoins marcher en cas de soulèvement ou émeute extraordinaire.

ART. XIII.Clergé. — Que l'amélioration du sort des curés ou vicaires des villes et des campagnes soit prise en considération ; qu'il soit pourvu aux moyens de leur assurer un fonds suffisant pour leur donner l'existence honnête qu'ils doivent avoir, et pour les mettre en état de répandre leur charité dans le sein des pauvres ; que tout casuel soit supprimé comme onéreux au peuple et avilissant pour le Clergé (1).

Note : A la requête de François du Fresne des Saudrais, vicaire perpétuel et curé de Saint-Malo, l'évêque, en 1780, unit à sa cure le premier canonicat qui serait vacant ; des 1782, à la mort d'un des chanoines, il fut pourvu de sa prébende, Dans sa requête de 1778, le curé avait fait valoir l'insuffisance de ses revenus et de ceux de ses trois sous-vicaires (Arch. d'Ille-et-Vilaine, G 270, fonds du chapitre de Saint-Malo ; GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, t. VI, p. 133). En 1790, le curé de Saint-Malo, Le Saout, estimait ses revenus à 2.620 l. ; en voici le détail : la dîme des marais de Saint-Malo (perçue à la 36ème gerbe), affermée 330 l. ; la prébende dont il est question plus haut, 1.000 l. ; les droits casuels de la cure, 1.170 l. ; une boutique faisant partie de sa maison presbytérale, affermée 120 l. Mais il évluait ses charges à 772 l. 15 s. : pension de son 3ème sous-vicaire, affecté au service du marais, 330 l. ; décimes et subventions, 115 l. 12 s. ; couduite des corps au cimetière, 100 l. ; frais de bureau de son secrétariat, 200 l. ; réparations de son presbytère, 27 l. Son revenu net était donc de 1.847 l. 8 s. (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série Q, déclarations du district de Saint-Malo). — Quant au recteur de Saint-Servan, il déclarait, en 1790, que son revenu s’elevait à 1.372 l. 4 s. : il estimait son casuel à 1.200 l. ; il touchait du chapitre de Saint-Malo une rente de 50 l., en remplacement des novales,  et une autre rente de 100 l. en vertu d’une transaction de 1740 (Ibid., série Q).

ART. XIV. — Que la pluralité des bénéfices sur la tête d'un même ecclésiastique soit de nouveau rigoureusement défendue ; que tout bénéficier soit tenu à une résidence constante dans le lieu de son bénéfice ; qu'aucun ne puisse en être pourvu, sans, au préalable, avoir rempli le ministère pendant un certain nombre d'années dans une paroisse de ville ou de campagne.

ART. XV. — Qu'il ne soit plus porté d'argent à Rome, à titre de taxe, d'annates, dispenses, etc. Que les dispenses de toutes espèces soient données par l'Evêque diocésain ; qu'il en soit fait un tarif modéré et uniforme pour tout le Royaume, et que le produit en soit employé au soulagement des pauvres et aux établissements de charité du lieu du domicile de celui qui paiera ces droits.

ART. XVI.Noblesse. — Que la Noblesse ne puisse plus s'acquérir, ni par charge, ni à prix d'argent ; que le Roi soit supplié de ne plus l'accorder que sur la demande des Etats provinciaux, pour les citoyens qui auraient rendu des services signalés à la Patrie, et sur la demande des commandants en chef de terre et de mer, pour des actions distinguées et prouvées. Qu'il soit pris en considération s'il ne conviendrait pas de ne plus accorder la Noblesse que personnelle et non transmissible.

ART. XVII. — Qu'il ne puisse plus y avoir de dérogeance pour la Noblesse dans l'exercice d'aucun art ou profession utile.

ART. XVIII.Emplois. — Que tous emplois ecclésiastiques, civils et militaires deviennent communs à tous les citoyens, de quelque condition qu'ils soient ; qu'ils y soient tous nommés indifféremment et sans distinction, et que le seul mérite reconnu puisse être un titre pour toutes les places, qu'il est intéressant pour l'Etat de ne voir occupées que par les hommes les plus capables et les plus honnêtes.

ART. XIX. Finances. — Il n'est pas possible de donner aux députés aux Etats généraux de charges positives et déterminées sur un objet important. Ils devront porter la plus grande attention à en vérifier le véritable état ; il faudra chercher dans les économies et les réformes les premiers moyens de remettre la recette au niveau de la dépense ; mais, s'ils ne sont pas suffisants pour combler le déficit, il est de la dignité de la Nation, de son intérêt politique, peut-être même de son intérêt particulier, de consolider cette dette et de la déclarer dette nationale, pour être acquittée dans les proportions et par les moyens qui seront réglés par les Etats généraux ; quand son honneur n'y serait pas intéressé, elle devrait cette preuve de dévouement à un Roi qui fait tant pour elle.
ART. XX. — Tout impôt et tarif de droits sera désormais intitulé de par le Roi, impôt ou droit consenti par les Etats généraux jusqu'à telle époque. Il est intéressant que tout Français ait sans cesse sous les yeux cette vérité fondamentale que les impôts ne peuvent être établis qu'avec le consentement de la Nation.

ART. XXI. — Il sera pris, dans l'assemblée des Etats généraux, des mesures efficaces pour prévenir, par la suite, la déprédation des finances.

ART. XXII. — Qu'à cette fin, il soit désormais assigné à chaque département un fonds qui ne pourra être excédé.

ART. XXIII. — Que tous ministres du Roi soient comptables et responsables à la Nation de leur administration. Les bons ministres n'ont qu'à gagner dans cette disposition, et elle retiendra ceux qui ne seraient pas conduits par les mêmes principes.

ART. XXIV. — Que l'article des pensions soit rigoureusement examiné, réduit et modéré.

ART. XXV. — Que le compte de la recette et de la dépense nationale soit imprimé et rendu public tous les ans, ainsi que celui des grâces et pensions. Qu'il en sera de même des Etats provinciaux, des communautés de villes, des paroisses, des hôpitaux, des établissements de charité et en général de tous administrateurs de fonds publics. C'est le seul moyen d'en assurer la plus scrupuleuse exactitude, d'instruire la Nation de l'état de ses affaires et de lui inspirer une entière confiance dans toutes les parties du Gouvernement.

ART. XXVI. — Que les Etats généraux s'occupent des moyens de reculer les barrières et le paiement des droits aux frontières, afin de procurer une entière liberté de circulation dans tout l'intérieur du Royaume, et qu'afin de prévenir les inconvénients, les erreurs et les surprises résultant de la différence des droits, ils soient absolument les mêmes dans tous les bureaux des frontières du Royaume ; que les droits sur tous ouvrages et marchandises de nos manufactures intérieures soient payés à la sortie de nos manufactures mêmes, afin qu'ils puissent, d'après cela, circuler librement et sans entraves par tout le Royaume, à l’exception des articles destinés à passer à l'étranger, qui seraient accompagnés d’un acquit-à-caution en exemptions de droits.

ART. XXVII. — Le Roi a des domaines immenses, et ils ne lui sont, pour ainsi dire, d'aucun avantage, tandis qu'ils seraient dans ce moment une ressource pour l'Etat et une source de richesse pour ses sujets, s'ils étaient remis dans le commerce. Demander, en conséquence, qu'il veuille bien consentir à leur aliénation.

ART. XXVIII. — Demander avec constance, sans relâche, la suppression du droit de franc-fief, tribut non moins ruineux qu'avilissant pour le Tiers Etat, qui réduit l'homme au-dessous de sa terre, et qui concentre dans l'ordre de la Noblesse toutes les propriétés un peu étendues.

ART. XXIX. — Une loi sage et efficace pour prévenir l'arbitraire dans la perception du droit de contrôle, dont la régie devient tous les jours plus rigoureuse et plus vexatoire pour les citoyens.

ART. XXX. — Une loi qui autorise les débiteurs de toutes rentes, même féodales, à en faire le remboursement même aux gens de main-morte, sur le pied qui serait fixé par la sagesse des Etats généraux.

ART. XXXI. — Que le centième denier sur toute charge et office soit supprimé le plus tôt possible, et que, jusqu'à ce, que le paiement s'en fasse par les pourvus aux receveurs des domaines du bureau du lieu de leur domicile, et non à Paris. Que le centième denier sur toute succession collatérale soit également supprimé.

ART. XXXII.Administration intérieure de la province de Bretagne. — Que les privilèges soient maintenus tels que doit les lui garantir le contrat qui l'unit à la France ; que ses Etats soient conservés, mais dans l'ordre et le régime réclamés par l'ordre du Tiers dans le cahier du 22 au 27 décembre dernier.

ART. XXXIII. — Que les subsides et droits de toutes les provinces soient désormais régis, perçus et administrés par les Etats particuliers, qui en verseront directement le montant au Trésor royal, seul moyen de se débarrasser de cette foule de caissiers intermédiaires, de receveurs, de commis, dont le nombre et les profits sont infiniment à charge à l'Etat.

ART. XXXIV. — Que les intendants ou commissaires départis dans les provinces soient supprimés et leurs fonctions attribuées aux Etats provinciaux.

ART. XXXV. — Qu'il soit établi, tant dans les villes que dans les campagnes, des écoles gratuites pour l'instruction du peuple (voir note qui suit).

Note : Outre la préceptorerie, qui était devenue un véritable collège, il y avait à Saint-Malo une école charitable de garçons, fondée en 1745, et tenue par des frères de Saint-Yon, qui étaient au nombre de trois en 1790, et jouissaient d'un revenu de 916 l. de rente, dont il fallait défalquer 138 l. de charges ; l'école était gratuite. Une autre fondation, datant du XVIIème siècle, avait déterminé la création d'une école de charité pour les filles, qui, en 1790, jouissait d'un revenu de 3.191 l. Cette école était tenue par les Sœurs de la Passion. Un règlement du XVIIIème siècle ordonne aux Sœurs de « s'occuper uniquement de l’instruction des enfants pendant cinq heures par jour, savoir depuis 8 heures du matin jusqu'à 10 heures et demie et d'une heure à 3 heures et demie ». L'école était absolument gratuite, et même l'on devait donner à déjeûner aux enfants. Le local de l'école était annexé à l’Hôtel-Dieu de Saint-Malo (GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, t. IIIl, pp. 467-472 ; Voy, aussi PARIS-JALLOBERT, Anciens registres paroissiaux de Bretagne, ville de Saint-Malo, t. IV, p. 82).

ART. XXXVI. — Qu'il soit procédé, le plus tôt possible, à la réformation de notre Coutume, qui contient plusieurs dispositions barbares, et dont la bizarrerie répugne à la raison et à la justice. Qu'il soit pris en considération s'il ne conviendrait pas de mettre sous l'empire d'une même Coutume un Royaume qui en connaît 360 quelques différentes.

ART. XXXVII. — Qu'il soit établi un nouvel ordre de choses, uniforme dans toutes les municipalités des villes du Royaume ; que, lorsque tous les citoyens concourent, comme ils le doivent, à la nomination de leurs représentants aux Etats généraux, ils concourent de même, dans chaque ville, à l'élection des membres qui doivent composer un corps d'administration qui doit en être l'image.

ART. XXXVIII.Justice et police. — Que l'on s'occupe enfin, sans relâche, de la réforme de nos lois criminelles. Que l'instruction soit publique, que les accusés aient un conseil, qu'un décret de prise de corps ne puisse être prononcé par un seul juge, etc.

Que la privation la plus rigoureuse soit la privation de la vie, et qu'on supprime les tourments et tortures qui révoltent l'humanité.

Qu'il y ait une parfaite égalité de peine entre les citoyens de tous les ordres et de toutes les classes, sans distinction de rang et dignité, et qu'on ne fasse pas de différence avilissante pour le Tiers Etat jusque dans la punition des coupables des mêmes délits.

 

ABOLITION DE TOUTE CONFISCATION DE BIENS.

ART. XXXIX. — Qu'il soit aussi procédé à la réforme du Code civil, de l'Ordonnance de la marine et du commerce ; et, pour y parvenir, qu'il soit fait choix, par les Etats généraux, des commissaires qui seront chargés de ces ouvrages.

ART. XL. — Qu'en attendant la confection de ce grand ouvrage, il soit statué par une loi provisoire que tout juge, tant au civil qu'au criminel, soit tenu de motiver sa sentence. Qu'un jugement condamne un malheureux au supplice sans en indiquer la cause, qu'il dépouille un citoyen de ses biens, sans lui en donner le motif, c'est un abus intolérable et réprouvé par la raison, c'est faire de la justice une énigme.

ART. XLI. — Que le sort des nègres, dans nos colonies, soit pris à considération. Si nos intérêts politiques nous portent à aller acheter ces malheureux sur une côte étrangère, pour les soumettre à des travaux pénibles, que du moins, dans un siècle de lumières et de philosophie, la douceur de leur traitement soit assurée par une loi sage et rigoureusement observée.

ART. XLII. — Que le meilleur ordre des choses soit établi dans tous les tribunaux du Royaume, tant à l'official qu'au ministériel. Quel que soit celui qui sera établi, qu'il soit uniforme partout, et qu'un citoyen ne soit pas plus étranger à cet égard dans une province que dans l'autre ; qu'il retrouve partout les mêmes juges et la même justice.

ART. XLIII. — Qu’il soit avisé aux moyens d’éteindre partout la vénalité des offices de justice et des charges de magistrature. Il n’y a point d’efforts d’efforts et de sacrifices que la Nation ne doive faire pour avoir une justice gratuite et moins dispendieuse.

ART. XLIV. — Que le projet des jugements par jurés, tant au civil qu'au criminel, soit pris dans la plus sérieuse considération, comme le plus sûr moyen d'assurer la liberté individuelle et publique de la Nation. Les citoyens ne seront jamais plus satisfaits que lorsqu'ils seront jugés par leurs pairs.

ART. XLV. — Qu'il soit établi une loi sage et modérée sur le fait des chasses, si l'on ne jugeait pas plus convenable d'en supprimer entièrement le droit exclusif ; et que tout propriétaire, soit noble, soit roturier, puisse seul chasser sur son bien, à l'exception seulement du Roi et des princes de son sang. Le gibier qui vit sur la terre d'un citoyen, et qui souvent la dévaste, devrait être la propriété du maître.

ART. XLVI. — Que le projet, si souvent présenté, de l'uniformité des poids et mesures soit pris en considération pour être enfin établi, s'il n'était pas jugé contraire au bien et à l'activité du commerce intérieur.

ART. XLVII. — Que la servitude à la glèbe et mainmortable soit à jamais éteinte et oubliée dans toutes les parties de la France qui ont encore le malheur d'être affligées de cet odieux fléau. Le Roi en a depuis longtemps donné l’exemple aux seigneurs dans ses domaines particuliers. La Nation a droit de voir avec surprise qu'ils n'aient pas eu la générosité de l'imiter.

ART. XLVIII. — Que le secret des postes et des lettres particulières soit sacré, pour qui que ce puisse être, et qu'il soit ordonné à tous les tribunaux de poursuivre extraordinairement, comme criminel public, tout homme qui oserait tenter de le violer, même de le punir de mort, suivant la gravité des cas.

ART. XLIX. — Que la liberté de la presse soit établie par une loi formelle, à la condition que tout homme qui fera imprimer soit obligé de signer son manuscrit et de se faire connaître de l'imprimeur qui y mettra son nom.

ART. L. — Que le Roi soit supplié de prendre l'engagement de ne jamais souffrir qu'il soit décerné des lettres de cachet contre aucun citoyen, de quelque condition qu'il puisse être, et de statuer, par une loi fondamentale, que, toutes les fois que quelqu'un sera arrêté par l'autorité royale, il sera dans l'instant remis aux tribunaux ordinaires pour lui faire son procès et le juger suivant les lois.

ART. LI. — Que toutes lettres de répit, de surséance et sauf-conduit, qui donnent aux débiteurs de mauvaise foi un moyen de se soustraire à leurs engagements, qui sont attentatoires à la foi due aux conventions et à la propriété des créanciers, qu'elles ruinent et désespèrent, soient entièrement abolies, et qu'il soit statué qu'il ne puisse plus en être accordé par le Conseil dans aucun cas : que les seuls tribunaux du domicile des parties puissent accorder quelque temps au débiteur honnête et de bonne foi, mais seulement lorsqu'il joindra à sa requête un consentement formel des trois quarts des créanciers en somme.

ART. LII. — Que tous pourvus d'offices, fonctions et emplois ecclésiastiques, civils et militaires, soient rigoureusement tenus à résidence, à peine d'en être privés.

ART. LIII. — Qu'il soit pourvu aux moyens d'établir dans les villes et campagnes des sages-femmes instruites et approuvées, qui devront leurs soins et leurs offices gratuits aux femmes pauvres.

ART. LIV. — Que, dans un district déterminé, il soit établi, aux frais de l'Etat, un lieu de dépôt pour la conservation de tous actes publics. La sûreté des familles, de leurs biens, de leur état, y est essentiellement intéressée.

ART. LV. — Qu’il soit avisé aux moyens d’établir, tant dans les villes qque dans les campagnes, des caisses de charité, pour faire travailler utilement, et principalement aux ouvrages publics et à la reparation et confection des chemins de traverse des paroisses, les pauvres, auxquels on donnerait un salaire convenable, C’est le moyen le plus sûr de faire disparaître la mendicité, qui afflige toutes les parties du Royaume. On pourrait appliquer au soutien de cet établissement précieux le revenu des abbayes et des couvents que l'on jugerait convenables de supprimer. Il ne peut en être fait un plus saint emploi (voir note qui suit).

Note : Sur les établissements d'assistance de Saint-Malo, voy. GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, t. III, pp. 349-353. En 1790, l'Hôtel-Dieu jouissait d'un revenu de 12.118 l., avec 6.112 l. de charges ; l'Hôpital Général, d'un revenu de 15.779 l., avec 1.656 l. de charges. L'état de 1774 indique un autre établissement de charité, connu sous le nom de « marmite des pauvres », qui avait pour objet de « visiter les pauvres malades de la ville, de leur fournir les pansements, les medicaments, du linge, du bouillon, du pain et de la viande » ; son revenu était de 2.422 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1293).

ART. LVI. — Que, pour le bien de la justice, les études du droit soient perfectionnées, et qu'à cet effet les écoles en soient réformées. On pourrait réduire à quatre les chaires de professeurs dans cette faculté : une pour l'étude du droit canon ; une pour l'étude du droit romain ; une pour l'étude du droit français particulier et la quatrième, la plus importante sans doute, pour l'enseignement du droit public et national, que la Constitution, dont le Royaume va enfin se glorifier, rend absolument indispensable, pour en développer et en perfectionner les principes. Que les étudiants soient tenus à la plus grande assiduité et à l'examen le plus rigoureux (voir note qui suit).

Note : La Faculté de Droit de Rennes possédait 5 chaires : une de droit civil, 2 de droit francais et 2 de droit canon ; en outre, 7 agrégés étaient attachés à la Faculté (Almanach de Bretagne, 1789, et E. CHÉNON. Les anciens Facultés des droits de Rennes, pp. 18-29).

ART. LVII. — Que l'on fasse disparaître tous ces péages odieux, qui sont des restes de la tyrannie féodale. Tous ces droits de passage qui soumettent les citoyens à des gênes, à des contributions, qui, en attribuant à de simples particuliers des espèces de droits de souveraineté, qui ne doivent leur origine qu'à des usurpations, sont infiniment à charge au peuple et à l'Etat. Ce n'est pas à l'instant où le Roi et la Nation vont fixer les barrières de la perception de leurs droits aux frontières du Royaume qu'il serait pardonnable de laisser subsister ces entraves intérieures, toutefois en indemnisant les propriétaires.

ART. LVIII. — Que toute banalité et servitude de moulin, de four, de pressoir, etc., soit également à jamais supprimée, aussi à charge d'indemnité. N'est-il pas révoltant qu'un malheureux ne puisse pas se servir de ses bras pour broyer et préparer sa nourriture dans sa chaumière, sans être exposé aux poursuites et aux vexations de son seigneur ? Les bons seigneurs ne peuvent être attachés à un droit qui n'est autre chose que celui d'affamer son semblable (voir note qui suit).

Note : La banalité des fours à Saint-Malo avait appartenu à l’évêque et au chapitre ; c’était un objet continuel de contestations avec les habitants, comme le montre, par exemple, un mémoire des Malouins, du 17 juillet 1742, dans lequel ils se plaignent du prix excessif et arbitraire de la cuisson, bien qu’il y eût une pancarte, ainsi que du prix exorbitant du bail des fours, qui, à ce moment, était de 2.100 l. Après un long procès devant le Parlement et le Conseil du Roi, intervint, le 16 mai 1787, une transaction entre les deux parties : l’évêque et le chapitre renoncèrent à toute banalité de four dans l’enceinte de la ville ; mais, pour les indemniser des frais du procès et de la constructions de quatre fours neufs, édifiés prés de la « Hollande » en 1773, la ville leurs paya une indemnité de 21.150 l. Cette transaction fut approuvés par les boulangers de Saint-Malo ; leur acquiescement est annexé à l’acte (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 446 et G 264 prov., fonds du chapitre de Saint-Malo).

ART. LIX. — Que les colombiers et garennes, qui désolent les campagnes, soient également abolis, ou que du moins il soit permis à toutes personnes de détruire les pigeons qu'elles trouveront sur leurs biens. Ce n'est pas porter atteinte à la propriété, parce que l'on n'est pas maître d'un animal domestique, quand on ne le nourrit pas soi-même, et qu'il vit aux dépens de ses voisins.

ART. LX. — Que le retrait féodal, qui n'est qu'une source de vexations, et dont quelques seigneurs abusent si fréquemment, soit totalement supprimé ; il est contraire à tout principe de justice et de morale ; et que le retrait lignager, qui fournit matière à tant de procès ruineux, et qui est d'ailleurs contraire au droit de propriété et à la foi due aux contrats, soit, sinon supprimé, du moins restreint aux enfants du vendeur ou à ses frères et sœurs. Que le droit de bâtardise soit également supprimé : que les seigneurs ne puissent plus hériter des personnes à la subsistance desquelles ils n'ont jamais contribué. Que, lorsque les bâtards décéderont sans mère et sans enfants, leurs successions soient appliquées aux caisses de charité des paroisses dans lesquelles ils décéderont, ou à des établissements pour les enfants trouvés.

ART. LXI. — Que les seigneurs de fiefs soient désormais tenus de faire faire eux-mêmes la cueillette de leurs rentes à leurs frais. C'est bien assez d'être obligé de les leur payer exactement, sans être encore obligé d'en faire la collecte, corvée infiniment onéreuse aux vassaux.

ART. LXII. — Que la durée des baux des biens de campagne soit prolongée. Qu'elle puisse être portée à 30 années, comme un moyen de rendre la condition des fermiers meilleure.

ART. LXIII.Commerce. — Que le commerce, qui forme un des principaux nerfs de l'Etat, la source de la richesse intérieure, et le fondement de son influence politique an dehors, soit pris, dans toutes ses branches et ses parties, dans la plus sérieuse considération. Que la pêche nationale surtout, qui est à la mer ce que l'agriculture est à la terre, et qui seule forme et entretient, pour l'Etat, cette pépinière de marins, sans laquelle il ne pourrait jamais armer ses flottes en temps de guerre, soit spécialement encouragée, et que toutes les parties de la navigation soient protégées.

ART. LXIV. — Que la Compagnie des Indes, dont le privilège exclusif n'a d'autre effet que de faire la fortune à quelques particuliers, et qui resserre dans un cercle fort étroit la branche peut-être la plus vaste de notre commerce et de notre navigation, soit également supprimée.

ART. LXV. — Le traité de commerce avec l'Angleterre étant défavorable à la Nation sous beaucoup de rapports, ruineux pour les manufactures du Royaume, a plongé dans la misère une foule de citoyens, ouvriers et préciaux à l'Etat, et qu’il est intéressant de conserver, d’autant plus qu’ils pourraient se trouver réduits à quitter le Royaume et à porter ailleurs l’industrie nationale : on demande, sinon la rupture, au moins un changement et des modifications considérables, d’après un sérieux examen subordonné à notre situations politique actuelle, et l'avis des Chambres du Commerce du Royaume (voir note qui suit).

Note : Sur le traité de commerce de 1786, voy. surtout F. DUMAS, Etude sur le traité de commerce de 1786 entre la France et l'Angleterre, Toulouse, 1904. Ce traité, qui fut défavorable à l'industrie française, souleva dans toute la France de très vives protestations, et notamment en Flandre, Normandie, Picardie et Champagne, provinces qui furent le plus vivement atteintes L'industrie des toiles de Bretagne eut sans doute à souffrir aussi du traité, qui réduisait à 12 % ad valorem les droits sur les cotonnades, les lainages et la bonneterie. Cf. aussi Camille BLOCH, Le traité de commerce entre la France et l’Angleterre (Etudes sur l’histoire économique de la France (1760-1789), Paris, 1900, pp 239-269).

ART. LXVI. — Que, pour faciliter le commerce intérieur de cette province, les canaux navigables, dont le projet a été arrêté par les Etats, soient exécutés, et particulièrement celui de Saint-Malo à Rennes par la rivière de Rance.

ART. LXVII. — Qu'il soit porté une loi qui déclare légitime l'intérêt, au denier vingt, du prêt pur et simple. Elle est désirée depuis longtemps, pour la tranquillité des consciences timorées, et pour faire rentrer dans la circulation des sommes immenses dont la société se trouve privée.

ART. LXVIII. — Que l'arrêt du Conseil du 30 août 1784, qui, en ouvrant nos colonies à nos rivaux et leur y donnant l'entrée, a porté le coup le plus funeste au commerce français et à la navigation nationale, soit entièrement retiré.

La ville de Saint-Malo ressent, plus que toute autre, les tristes effets de cet arrêt, qui est une des causes principales de la diminution de la pêche des morues ; cependant cette branche de commerce mérite toute la protection du Gouvernement ; loin de détruire les matelots, il les maintient dans la plus parfaite santé, assure leur existence, encourage la population ; l'Anglais, qui fait la pêche sédentaire, malgré les droits qu'il paie, ou plutôt qu'il doit payer, vend dans nos colonies la morue à plus bas prix que nous ne pouvons l'y porter, malgré les primes d'encouragement que l'Etat nous accorde. Les Américains viennent jusque dans les ports voisins, qui nous procuraient la vente de l'excédent de notre pêche ; ils viennent même dans nos ports de France y apporter leurs morues, quoique sujettes au droit de 14 liv. par quintal. Une exclusion absolue de nos ports peut seule rémédier au mal. En attendant, les primes d'encouragement accordées par le Gouvernement pour la pêche doivent être continuées, puisque, malgré ces primes, les pertes ont encore été immenses (voir note qui suit).

Note : L'arrêt du Conseil concernant le commerce étranger dans les îles françaises de l'Amérique (ISAMBERT, Anciennes lois françaises, t. XXVII. pp. 459-464), dérogeant aux lettres-patentes d'octobre 1727, établissait à Sainte-Lucie, la Martinique, la Guadeloupe, Tabago, Saint-Domingue, un certain nombre de ports d’entrepôt, dans lesquels les navires étrangers, du port de 60 tonneaux au moins, pourraient décharger des bois, charbons de terre, animaux et bestiaux, salaisons de viande, de morue et poisson salé, etc. (art. 2) ; ces marchandises devaient être frappées, outre les droits locaux, d'un droit de 1 % de leur valeur et d'un droit de 3 l. par quintal sur « les bœufs salés, la morue et le poisson salés », droit qui « sera converti en primes d'encouragement pour l'introduction de la morue et du poisson salés provenant de la pêche française » (art. 3-5). Cet arrêt, qui souleva les protestations d'un grand nombre de ports (Voy. à ce sujet, BRIDREY, Cahier de doléances du bailliage de Cotentin, t. I, p. 122, n. 1), atteignait tout particulièrement Saint-Malo, qui faisait depuis longtemps la pêche de la morue à Terre-Neuve, et une pêche très considérable (Voy. H. HARVUT, Les Malouins à Terre-Neuve et les droits de la France sur cette île, dans les Annales de Bretagne, 1893-1894, t. IX, pp. 15-32) ; SAVARY DES BRULONS (Dictionnaire universel de commerce, t. V, col. 204), dit qu' « après le commerce d'Espagne, la pêche de la morue est un des plus considérables que fassent les marchands de Saint-Malo ». — Pour parer aux effets de l'arrêt de 1784 et protéger la pêche nationale, un arrêt du Conseil du 18 septembre 1785 créa, en faveur des armateurs et négociants français, « une prime de 10 livres par quintal de morues sèches, qu'ils transporteront, soit des ports de France, soit des lieux où ils auront fait leur pêche, dans les îles du Vent et sous le Vent, à condition que lesdites morues sèches seront de pêche française et importées par les bâtiments français », prime portée à 12 l. par un arrêt postérieur du 11 février 1787 ; l'arrêt du 18 septembre 1785 établissait une prime de 5 l. par quintal de morues transportées dans les ports de France et d'Europe ; toutefois, comme le spécifia l'arrêt du 5 février 1786, la prime ne serait accordée que pour les chargements d'au moins 50 quintaux. Notons aussi qu'un arrêt du 25 septembre 1785 fixait, à 5 l. par quintal, et un arrêt du 11 février 1787 à 8 l. la taxe sur les morues de pêche étrangère importées aux îles d'Amérique (Arch. d'Ille-et-Vilaine, fonds de l'amirauté de Saint-Malo B 7). Mais la fraude ne cessait de s'exercer : M. de Calonne, dans une lettre du 16 janvier 1786, déclare que le sieur Bourdé, de Lorient, s'est plaint « de l’introduction qui s’est faite à Nantes, au mois d'août dernier, en exemption de tous droits, de 600 quintaux de morue américaine, sous le titre de morue de pêche française » ; et le ministre ajoute : « le préjudice que ces introductions frauduleuses apportent à la vente du poisson de pêche française, qui ne peut alors monter à sa valeur, m’a paru mériter considération ». — Le droit de 14 l. par quintal sur les morues étrangères, dont parle le cahier, a dû être déterminé par l'arrêt du 6 juin 1763, qui, interrompu pendant la guerre d'Amérique, a été remis en vigueur par l’arrêt du 9 juillet 1783. Sur tout ce qui précède, voy. Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1594

ART. LXIX. — Le commerce du cabotage, qui est encore une des branches essentielles pour former des marins, est à présent ruineux pour les armateurs : pour le soutenir, il faut exclusion générale des vaisseaux étrangers, qui, malgré les réclamations, concourent avec les nôtres, les excluent très-souvent et sont préférés pour le transport des sels de gabelle par les fermiers généraux eux-mêmes, qui préfèrent d'enrichir l'étranger plutôt que le Français, sous les prétextes d'une petite différence dans le prix. Ce commerce a si peu de resources actuellement qu'il ne peut supporter le paiement des frais et droits considérables et multipliés auxquels il est assujetti. Ceux surtout de M. l'Amiral sont exorbitants : il est urgent d'y remédier par la suppression de partie de ces droits, et à la simplification des autres. Un acte de navigation, formé dans l'esprit de celui d'Angleterre, est le plus sûr moyen d'encourager la navigation nationale (voir note qui suit).

Note : A plusieurs reprises, permission a été donnée de tirer du sel de l'étranger ; un arrêt du 13 novembre 1781 révoqua une permission de ce genre, dont avaient profité un certain nombre d'armateurs de Saint-Malo pour faire venir du blé d'Espagne (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1594). — Un mémoire imprimé des commerçants de Saint-Malo, de 1782, déclare (p. 18) que « le cabotage est une branche considérable du commerce de Saint-Malo ». Des observations, jointes à ce mémoire, disent : « Il existait [à Saint-Malo] une branche de cabotage fort étendue, pratiquée par des bateaux depuis 10 jusqu'à 25 et 30 tonneaux, qui venaient à Saint-Malo des ports de la Basse-Bretagne en vendant jusqu'à Brest; non seulement tous les marchands de ces villes et bourgs, mais encore les principaux habitants chargeaient les maîtres des barques de leur acheter à Saint-Malo de la morue, du savon, des huiles, sucre. café, épicerie, laines, cotons, etc., mais encore une grande quantité d'objets de moindre valeur, comme fruits secs, meubles, vêtements, pelles, pioches, instruments de labourage, etc. ; une cargaison de 10 tonneaux était composée de plus de 200 articles, demandés et achetés pour cinquante personnes différentes, et en quelque sorte divisés par parcelles ; les vendeurs étaient les petits marchands de Saint-Malo, qui plaçaient, comme on voit, tous ces articles dans le plus grand détail.... ». Le patron de la barque déclarait toutes ces marchandises, et il lui était délivré un brieu du bureau des fermes (Ibid., C. 3790).

ART. LXX. — Le commerce demande l'entrée dans la marine royale pour les officiers de la marine marchande ; qu'au service du Roi, ces officiers soient distingués des matelots ; qu'en temps de paix on n'exige pas d'eux nécessairement les voyages au service avant d'être reçus capitaines ; qu'on insiste plutôt sur une instruction plus parfaite, sur des connaissances plus étendues ; qu'ils soient examinés scrupuleusement ; mais qu'on réforme la loi nouvelle qui nomme des examinateurs ambulants, souvent inexacts à se rendre sur les lieux, ce qui entraîne des frais considérables pour les officiers, obligés de se transporter dans d'autres ports et même quelquefois obligés de manquer leurs voyages ; cet inconvénient s'est fait sentir dès cette année, et le commerce a été obligé, il y a quinze jours, d'en porter plainte au ministre (voir note qui suit).

Note : L'auteur de l'article Capitaine, de l'Encyclopédie Méthodique (Marine, t. I, pp. 257 et sqq.) manifeste son désir de voir un rapprochement s'opérer entre la marine marchande et la marine de guerre ; il note avec complaisance les articles 96 et 102 de l'ordonnance du 14 septembre 1764, qui autorisent les jeunes gens se destinant à la marine marchande à s'embarquer sur les vaisseaux du Roi comme volontaires pour y acquérir les connaissances qui leur sont nécessaires, et déclarent qu'ils pourront être admis définitivement dans la marine royale, s'ils se font connaître par des actions d'éclat ; de la sorte, ajoute l'auteur, les futurs capitaines peuvent ne pas être confondus avec les matelots, Il dit encore que la plupart des capitaines de réputation se sont soustraits au service pendant la dernière guerre, de peur d'être commandés par des jeunes gens. — Pour devenir capitaine de la marine marchande, il fallait être pourvu de lettres de l'amiral ; ces lettres n'étaient délivrées qu'aux candidats ayant donné des preuves de leur capacité ; ils étaient examinés, en présence des juges de l’amirauté, par quatre capitaines et le professeur d'hydrographie, s'il y en avait dans le port ; les premiers l'interrogeaient sur la pratique de la navigation ; le professeur d'hydrographie, sur le pilotage ; mais on éludait souvent ce dernier examen, surtout à Brest. Pour devenir capitaine, il fallait aussi certifier cinq ans de navigation sur des navires marchands et au moins deux campagnes de trois mois dans la marine royale (Ibid.).

ART. LXXI. — Le matelot est trop peu et mal payé au service du Roi ; il devrait l'être, comme au service marchand et avec la même sévérité, aussitôt son arrivée. Il n'est pas juste qu'une classe d'hommes fasse, pour le bien de tous, des sacrifices immenses. Ils sont occupés pour la Patrie ; la Patrie doit les payer : le fardeau, répandu sur tous, devient léger, et la différence de leurs paiements est immense pour leur fortune particulière. On verrait alors le matelot français, brave par caractère, voler avec gaieté au service du Roi, le préférer par honneur ; mais l'honneur a peine à parler chez un être qui manque du nécessaire, pour lui, sa femme et ses enfants, par la modicité des salaires que lui accorde l'Etat. Qu'il soit pourvu aux moyens d'assurer la subsistance aux familles des pauvres marins qui auront péri au service de l'Etat, qui auront été blessés pendant qu'ils y seront eux-mêmes ; et surtout qu'il ne soit jamais accordé aucune pension sur la caisse des invalides de la marine, excepté le secours connu sous le nom de demi-solde (voir note qui suit).

Note : L'ordonnance du 1er janvier 1786, qui a institué le corps des canonniers-matelots à la place des compagnies du corps royal de la marine et des bombardiers, a fixé ainsi la solde des canonniers-matelots :
Sergent-major : par mois : 36 l. ; à la mer : 60 l.
Fourrier : par mois : 33 l. ; à la mer 55 l.
Maître-canonnier : par mois : 27 l. 10 s. ; à la mer : 48 l. 2 s. 6 d.
Deuxième maître : par mois : 21 l. ; à la mer : 37 l.
Canonnier de 1ère classe : par mois : 12 l. 10 s. ; à la mer : 25 l.
Canonnier de 2ème classe : par mois : 11 l. 10 s. ; à la mer : 20 l.
Canonnier de 3ème classe : par mois : 9 l. 10 s. ; à la mer : 15 l. 16 s. 8 d.

La situation des matelots de la marine royale semble avoir été misérable ; même en temps de service, leur solde était payée trés irrégulièrement. C'est ainsi qu'en 1777 le lieutenant-général du Chaffault écrit de Brest qu'on garde les équipages sans limite de temps et sans les payer ni les habiller (LACOUR-GAYET, La marine militaire de la France sous le régne de Louis XVI, Paris, 1905, pp, 45 et sqq.). — L'ordonnance du 31 octobre 1784, titre XVI, dit qu' « il sera fait fonds tous les trois mois, dans la caisse des gens de mer de chaque quartier, du tiers des salaires qui se trouveront dus à cette époque aux gens de mer employés sur les vaisseux du Roi… », et que ces sommes « seront payées par acompte aux familles desdits gens de mer, pour aider à leur subsistance... » ; indépendamment des acomptes payés aux familles, « il pourra être fourni, pendant les campagnes, des hardes aux matelots embarqués sur les vaisseaux de Sa Majesté, jusqu’à la concurrence de la valeur du tiers des salaires qui leur seront dus ». La même ordonnance (titre XVII) fixait aussi les gratifications, qui devaient être payées « sur les fonds de la caisse des invalides de la marine » aux familles des gens de mer tués sur les vaisseux de Roi : ce sera, pour les veuves, une année de la solde du mari ; pour chacun des enfants au-dessous de quatorze ans, un quart ; et pour les orphelins, la moitié ; les gratifications des marins morts par accident ou de maladie seront moitié moindres. Les pensions de demi-solde étaient accordées aux marins que des « incommodités graves » obligeaient de renoncer à la navigation ; celles de deux tiers de solde aux marins blessés et estropiés au service (titre XV) (ISAMBERT, Anciennes lois françaises, t. XXVII, pp 517-523). — Sur la caisse des invalides de la marine voy. J. DE CRISENOY, Mémoire sur l’inscription maritime (1870), et Léon VIGNOLS, La caisse des invalides de la marine, dans la Vie ouvrière de 5-20 février 1910, 2ème année, pp 160-243.

ART. LXXII. — Le commerce demande la suppression du droit de dixième, prétendu par M. l'Amiral sur les prises faites sur l'ennemi pendant la guerre (voir note qui suit) ;

Note : Ce droit n’existait plus en 1789 ; il avait été supprimé dans la seconde moitié du XVIIIème siècle. Les liquidations de prise datant de la fin de l’Ancien Régime ne mentionnent aucun droit de ce genre ; voy., par exemple, la liquidation de la prise de la Jeune-Emilie, traitée à l'amirauté de Quimper le 17 mars 1783 (Inventaire sommaire des Archives départementales du Finistère, série B, t. III, App. II, n° XV, pp. 282 et sqq.). L’ordonnance du 4 août 1781, art. 8 attribue seulement un demi pour cent du produit net de la prise aux officiers de l’amirauté (GUYOT, Répertoire de jurisprudence, art, Prise, t XIII, p 640, n. 1).

Du droit d'encan, prétendu dans quelques ports, notamment au Havre, Honfleur et Dieppe, en vertu d'un arrêt du Parlement de Rouen : ce droit odieux consiste à forcer le propriétaire d'une cargaison de morue à la vendre par force, sans choisir son acheteur ;

Du droit de brieux, particulier à la Bretagne, inutile et très onéreux au commerce (voir note qui suit) ;

Note : Un mémoire imprimé des commerçants de Saint-Malo contre la ferme générale (1782) déclare (p. 20) qu' « il ne sort jamais de ce port un navire sans une expédition du bureau des fermes », sans une pièce qu'on appelle brieux, et qui « peut être considérée comme l’inventaire du chargement ; elle contient un état de toutes les marchandises qui composent la cargaison, soit qu'elles soient sujettes à des droits, soit qu'elles en soient exemptes, le chargement se fait toujours en présence de deux commis de la direction, qui ne quittent point le bord ; ils vérifient exactement toutes les marchandises que l’on y porte ; celles qui ne doivent aucuns droits y sont conduites directement et sans aucune formalité ; celles qui y sont sujettes, au contraire, sont d'abord conduites au bureau où l’on prend un permis ou congé particulier par écrit pour leur chargement ; elles subissent à ce moyen une double vérification, au bureau et à bord des navires …. » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 3790). — D'après SAVARY DES BRULONS (Dictionnaire de commerce, éd. 1759-1762, t, I, col. 660), brieux est le terme dont on se sert en Bretagne pour signifier les congés de l’amirauté ; d’après la pancarte des brieux de Nantes, chaque vaisseau de 6 tonneaux et au-dessous paye 7 s. 6 d. de brieux d'année ; un vaisseau de 6 à 10 tonneaux, 17 s. 7 d. ; un vaisseau de 10 à 19 tonneaux, 55 s. ; au-dessus de 19 tonneaux, les vaisseaux payent trois brieux de sauveté, de conduit et de victuailles ; du brieu de sauveté étaient dispensés les bâtiments chargés de blé et autres denrées agricoles. — Ces trois catégories de brieux étaient perçues partout en Bretagne ; mais la qualification du brieu et de son titre pouvait varier suivant le port du bâtiment qui l’acquittait. Les habitants de Saint-Malo avaient prétendu, au XVIIIème siècle, et , notamment en 1734, ne devoir pour leurs vaisseaux qu’un seul brieu chaque année (Encyclopédie méthodique, Finances, art. Brieux, t. I, pp. 143-144).

Du droit de dix sous pour livre pris pour le Roi sur les octrois, patrimoniaux de la ville de Saint-Malo. Le droit principal est déjà par lui-même exorbitant : on le supporte cependant, parce que les besoins de la ville, sujette aux réparations de ses murs et remparts, exigent une forte somme ; mais les dix sous pour livre portent ce droit si haut qu'il tire au négociant la concurrence avec les autres villes, dont les droits locaux sont moindres (voir note qui suit) ;

Note : Le maire Sébire déclare, dans sa lettre du 25 mars 1786 : « De toutes les charges dont les deniers publics sont grevés, il n’en est point de plus onéreuses que l’impôt des 10 sous par livres sur les droits d’entrée et de sortie de la ville. Mais c’est un fardeau plus étendu à Saint-Malo que dans d’autres villes. Son hôpital jouit, depuis nombre d’années, d’un octroi sur toutes les boissons, en vertu d’arrêts du Conseil, qui se sont succédé, du consentement du corps municipal… », octroi qui est absolument nécessaire à l’hôpital. « Cet octroi avait été exempt de tous sols pour livres jusqu’en 1782 ; mais, depuis 1783, il est assujetti à la levée des 10 s. p, l. par une extension purement arbitraire de la déclaration du Roi, puisqu’il n'est pas possible de présumer que la volonté de S. M, ait été de frapper d'un pareil impôt une anone libre et volontaire que font les citoyens d'une ville à un hôpital, qui est l'asile des pauvres, et qui d'ailleurs fournit des matelots à la marine du Roi…. Ces 10 s. p. l. étant une moitié en sus du principal, il s'ensuit que, si cet octroi rend, comme on le pense, 16.000 l., c'est 24.000 que cette annone rend à une ville, où les impôts sont en proportion plus forts qu'ailleurs » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 3932).

Du droit de bris et naufrage, prétendu encore par quelques particuliers, notamment sur les côtes de Normandie : exposer cet abus barbare, c'est être sûr d'obtenir sa réforme (1) ;

Note : Une déclaration du 10 janvier 1770, réglementant les « naufrages et échouements » spécifiait qu'immédiatement après chaque naufrage ou échouement, « les seigneurs et habitants des paroisses voisines de la mer » feront avertir les officiers de l'amirauté, qui veilleront à la sauvegarde de tous les objets échappés au naufrage ; la vente ne pourra être faite qu'après un an et un jour. L'article 27 déclare cependant : « N'entendons néanmoins préjudicier aux droits des seigneurs bien et légitimement établis » (ISAMBERT, op. cit., t. XXII, pp. 494-499). Cette déclaration reproduisait d'ailleurs en grande partie celles du titre 9 du livre IV de l'ordonnance sur la marine d'août 1681 (Ibid., t. XIX, pp. 349 et sqq.).

Des droits de franchise, accordés à quelques ports du Royaume. L'intérêt général et la justice exigent que, loin de concentrer les moyens, on les étende (voir note qui suit) ;

Note : Les ports francs étaient soustraits aux traites, aux droits d'entrée et de sortie. Il n'y avait pas d'autres ports francs que Dunkerque, Bayonne et Marseille (GUYOT, Répertoire de jurisprudence, art. Traites, t. XVII, pp. 222 et sqq.). — Depuis 1713, les habitants de Saint-Malo n'avaient cessé de réclamer le rétablissement de la franchise de leur port, qui leur avait été enlevée en 1667. C'est surtout en 1758 qu'ils ont fait un grand effort pour obtenir satisfaction à cet égard, mais sans aucun succès. Ils avaient à lutter contre l'opposition des commerçants de Rouen, de Bordeaux, de La Rochelle, du Havre et surtout de Nantes, voy., par exemple, entre autres documents, le mémoire imprimé des juges et consuls de Nantes, de 1758, auquel adhérèrent d'autres ports de Bretagne, et notamment Morlaix ; ce mémoire est très hostile aux ports francs : « on pourrait regarder les ports francs, s'ils n'étaient pas autorisés expressément, comme de grands établissements de contrebande ; ils peuvent bien enrichir quelques particuliers, une ville même, mais ils ruinent nécessairement la nation » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1586). Voy. aussi sur la question de la franchise du port de Saint-Malo le dossier CC 21 des Archives historiques de la Chambre de commerce de Marseille (Octave TEISSIER, Inventaire des Arch de la Ch. de commerce de Marseille, t. II. Marseille, 1878, in-4°, p. 379 ; BRUTAILS. Introduction à l’Inventaire sommaire des Archives départementales de la Gironde, série C, t. III p. XLI, et n. 12 ; GARNAULT, Le commerce rochelais, t III, pp. 57-71 ; PARISET, La Chambre de commerce de Lyon, t. I. p, 33 ; FOULON, Représentation légale du commerce en France, pp. 83-84).

Du droit, prétendu par les fermiers généraux, d'exiger antérieurement à la visite, et même au débarquement des marchandises, de la part des négociants et marchands, des déclarations circonstanciées et détaillées des marchandises qui doivent être portées à leur douane pour y être visitées et pesées. Le marchand qui envoie ses marchandises à la douane et les remet entre les mains du fermier, pour les visiter et examiner, ne peut être présumé de mauvaise foi ; l'examen doit faire la réalité et fixer le droit à percevoir ; la déclaration préalable doit être supprimée comme insidieuse et inutile (voir note qui suit). Qu'on affranchisse le négociant honnête de cette foule de formalités prescrites pour éviter la fraude des malhonnêtes gens ; et qu'on punisse très-rigoureusement tout négociant convaincu de fraude caractérisée et volontaire : que, pour l'instruction des négociants, tous arrêts et règlements sur le commerce ne puissent être exécutés qu'après leur inscription dans le registre public de chaque Chambre de Commerce.

Note : Voy. aussi à ce sujet le mémoire des commerçants de Saint-Malo, de 1782 (p. 21) : « A l'arrivée d'un navire, le capitaine se rend au bureau et y fait sa déclaration en détail de sa cargaison, après laquelle la régie lui délivre un congé ou permis de décharger. Ce permis contient généralement tous les articles du chargement, soit qu'ils soient sujets aux droits, soit qu'ils en soient exempts… Cette pièce est présentée aux employés que la ferme établit à bord du navire, et sous les yeux desquels se fait le déchargement... » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3790).

La formation de Chambres de Commerce dans toutes les villes commerçantes est le vrai moyen d'éclairer la justice du Souverain et d'instruire le négociant. Tout arrêt sur le commerce, tout traité de commerce devrait être rendu sur l'avis des Chambres de Commerce ou de leurs députés librement élus ; les députés actuellement établis à Paris servent peu, coûtent beaucoup, et leur suppression deviendra nécessaire (voir note qui suit).

Note : L'institution des chambres de commerce avait été créée par l'arrêt du 30 août 1701 ; ces chambres devaient fournir au Conseil du commerce des mémoires sur les questions commerciales et correspondre constamment avec les députés du commerce ; Voy. SAVARY DES BRULONS, Dictionnaire de commerce, édit de 1759-1762, t. I, col. 893 et sqq. — Saint-Malo figurait parmi les villes auxquelles l’arrêt de 1701 attribuait une Chambre de commerce, mais, en 1789, elle n'en avait pas encore ; cependant, à plusieurs reprises, et notamment en 1728. les commerçants de Saint-Malo avaient demandé l'établissement de cette chambre ; par contre. Saint-Malo avait un député au Conseil du commerce (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1583).

ART. LXXIII. — Le commerce demande la suppression de la juridiction des traites, l'attribution de sa compétence aux juges royaux ordinaires des lieux, qui ne pourront être à gages des fermiers généraux, ni en rien recevoir (voir note qui suit).

Note : La juridiction des traites connaissait de tous les procès relatifs aux droits d'entrée et de sortie ; voy. à ce sujet le titre XII de l'ordonnance de février 1687 : « Art. 1. — La connaissance de tous les différents civils et criminels concernant nos droits de sortie et d’entrée et de ceux qui naîtront en excécution du présent réglement appartiendra en première instance aux maîtres des ports, leurs lieutenants, juges des traites et autres auxquels nous l'avons attribuée par leurs provisions ou commissions, chacun dans l'étendue du ressort qui lui aura été marqué, et par appel en nos Cours des aides » (ISAMBERT, op. cit., t. XX, pp 42-44). Les juges des traites connaissaient de tous les cas de fraude, contrebandes, comme des concussions et violences des commis de la ferme (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1585). Cependant un certain nombre d'arrêts du Conseil restreignirent la compétence de la juridiction des traites ; ainsi, ceux des 24 juin 1728, 8 février 1729 et 4 novembre 1766 attribuèrent aux intendants la connaissance du commerce des toiles peintes et indiennes, des mousselines marquées de faux plombs et de toutes les contraventions relatives à ces objets ; un arrêt du 21 février 1721 établit que, lorsque les juges des traites seront récusés, absents ou malades, les procureurs du Roi jugeront en leur place (Encyclopédie méthodique, Finances, art. Juridiction, t. II, pp. 668-670). Par contre, une déclaration du 28 août 1781 attribua aux élections et juges des traites la connaissance des contestations relatives à la perception des droits d'inspecteurs aux boissons (ISAMBERT, op. cit., t. XXVII, p. 75). L'édit de mai 1788 sur l'abolition des tribunaux d'exception supprima, dans tout le royaume, les juridictions des traites, comme les élections, bureaux de finances, etc. (Ibid., t. XXVIII, pp 550-553). Mais les édits de mai furent abrogés peu de temps après, par la déclaration du 23 septembre 1788, qui rétablissait toute l'ancienne organisation judiciaire (Marcel MARION, Le garde des sceaux Lamoignon et la réforme judiciaire de 1788, Paris, 1965, pp. 240 et sqq.). — Sur les traites, voy. aussi Encyclopédie méthodique, Finances, art. Traites, t. III, pp. 709 et sqq..

La confirmation du droit d'amirauté, dans les colonies, en faveur des capitaines vendeurs, vers les colons, et l'extension de ce droit en faveur des négociants, droit de saisie sur tous biens, même les nègres de place (voir note qui suit).

Note : Certains amateurs de Saint-Malo faisaient la traite négrière avec les colonies d'Amérique ; voy. Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 1563.

Un règlement sur les faillites et cessions, leur attribution aux consuls, la diminution des frais dans les juridictions consulaires ; en Bretagne surtout, ils sont excessifs : les droits royaux perçus en sont cause ; une sentence au consulat coûte moitié plus que dans la juridiction ordinaire ; et cependant, les consuls ont été créés pour l'avantage du commerce (2).

Note : On trouvera aux Archives d’Ille-et-Vilaine (C 1578) un intéressant mémoire, de 1765, sur la compétence des juridictions consulaires, leurs contestations de compétence avec les juridictions ordinaires, ainsi que les observations faites par les juges consuls de Saint-Malo sur le texte de ce mémoire. — En ce qui concerne la cession de biens, le mémoires déclare qu’elle n’est pas permise aux négociants lyonnais. — En tout cas, les juges consulaires n’avaient aucun droit pour connaître de la cession elle-même ; ils ne pouvaient recevoir que la déclaration : « il n'y a que les juges ordinaires qui soient compétents pour juger si elle doit être admise ou rejetée » (GUYOT, op. cit., art. Cession de biens, t. III, pp. 17 et sqq.). Les faillites étaient jugées par les juridictions ordinaires ; mais, d'après la déclaration du 14 juin 1716, les personnes faisant faillite devaient déposer au greffe de la juridiction consulaire leurs livres et registres, ainsi que l'état de tous leurs effets (meubles et immeubles), et de leurs dettes (Ibid., art. Faillite, t. VII, p. 281, n. 1). Les tribunaux consulaires avaient essentiellement la connaissance des procès entre marchands, et pour fait de marchandises seulement ; leur procédure était plus expéditive que celle des juridictions ordinaires (Ibid., art. Consuls, t. IV. PP. 558 et sqq.).

Les frais excessifs des juridictions consulaires doivent provenir surtout des droits de greffe, dont se plaignent les consuls dans leurs observations annexées au mémoire de 1765. « Il y a là des abus énormes qui se sont introduits dans les greffes, consulats, etc... » ; les dispositions de l'édit de 1563, qui fixaient à 1 s t. par feuillet les salaires et vacations des greffiers, ne sont plus observée ; « la sagesse du législateur avait senti que les greffes devaient être entre les mains des négociants ou du moins d'un homme amovible à la volonté des juges consuls ; mais le régime fiscal a cru pouvoir en faire un objet de finance ; on a mis les greffes en vente ; quelques-uns ont été achetés par des particuliers et sont devenus héréditaires ; les autres, en beaucoup plus grand nombre, ont été affermé aux traitants ; mais ce qu'il y a de plus déplorable, c'est que tout cela s'est fait sans fixer les droits du greffe, de façon que chacun les a établis à sa volonté et toujours sûrement de façon à n'y pas perdre... » ; ainsi, tandis que, dans les juridictions ordinaires, le défendeur seul est tenu à la présentation, dans les juridictions consulaires, au contraire, « sont assujettis aux droits de présentation et le demandeur et le défendeur, même quand les parties comparaissent en personne » ; ils demandent que cet abus cesse, et, en ce qui concerne les émoluments des geffiers, si on ne peut rétablir le tarif fixé par l'édit de 1783, que, du moins, on les réduise au tarif des greffes des juridictions royales (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1578).

Qu'on pourvoie à la réforme de l'abus, introduit par les trésoriers de la marine, des guerres et des finances, d'exiger des reçus en blanc et sans date de ceux à qui ils comptent des fonds : c'est un usage vicieux, inquiétant pour le négociant, sans motif raisonnable, propre à causer une foule d'abus de déprédation et d'escroquerie, nuisible au Roi et au particulier.

ART. LXXIV. — Tous les mémoires servis à l'assemblée par les représentants de toutes les professions contiennent des réclamations particulières sur une infinité d'abus qui grèvent et épuisent les citoyens, tels que des droits onéreux, auxquels la fiscalité ne cesse encore de donner une extension accablante, des gênes sans nombre, qui étouffent et enchaînent l'industrie, et des prohibitions multipliées, qui exposent l'homme de loi, le négociant, le marchand, le débitant, l'artisan, l'ouvrier, tous les individus enfin, à des recherches, des poursuites, en un mot, à des vexations qui les ruinent et les désespèrent.

L'assemblée a arrêté que tous les mémoires qui en contiennent les détails seront remis, avec le présent cahier, aux douze députés-électeurs qui seront envoyés à Rennes, avec charge expresse de faire valoir et admettre, s'il est possible, par toute l'influence dont ils seront capables, dans le cahier des doléances, plaintes et remontrances communes de la généralité de la sénéchaussée de Rennes, tout ce qui sera estimé nécessaire pour l'intérêt de tous universellement et de chaque corporation en particulier.

ART. LXXV.Agriculture. — Qu'elle soit protégée et encouragée par tous les moyens possibles. Que les Etats provinciaux y donnent tous leurs soins. Qu'ils décernent des prix d'honneur, même des récompenses pécuniaires aux laboureurs qui se seront distingués dans cette carrière. Qu'on prenne tous les moyens d'étendre leurs connaissances et de les associer, plus qu'au passé, à l'administration des affaires publiques. Que les habitants des campagnes, et surtout les pères de familles nombreuses, soient généralement ménagés dans la répartition des impôts et dans la contribution aux charges et travaux publics. Qu'ils ne puissent jamais être employés au transport des bagages de troupes et généralement à tous travaux du Roi, sans être exactement et bien payés. Que les chevaux et harnois des nobles y soient également employés.

ART. LXXVI.Réformes particulières à la ville de Saint-Malo. — Il a été donné lecture à l'assemblée d'un mémoire sur trois objets qui intéressent essentiellement le bien de la chose publique et les droits des citoyens de toutes les classes de cette ville.

1° Sur la constitution vicieuse du corps municipal.
2° Sur la contribution à la garde de la ville, dont les exemptions que se sont attribuées les habitants les plus riches ont fait, d'un privilège honorable, un impôt accablant pour la classe la moins aisée et la plus pauvre.
3° Sur la manière abusive dont, jusqu'à présent, il a été procédé à la répartition des impositions, et notamment de la capitation, par des répartiteurs qui devraient toujours être pris dans chaque corporation, qui seule peut connaître les moyens et les besoins de ses membres.

Trois objets sur lesquels tous les mémoires des différentes professions, servis à l’assemblée, s’accordent à réclamer d'une manière uniforme.

En conséquence, l'assemblée a arrêté de charger formellement les députés aux Etats généraux de demander avec une constance invariable :

1° Que la constitution actuelle du corps municipal soit entièrement changée et réformée. Que l'influence militaire en soit écartée, pour ne pas gêner la liberté dans une assemblée de pure administration civile. Que MM. les Lieutenants de Roi ne puissent venir dans les assemblées que dans les occasions où ils auraient quelques ordres à intimer de la part de Sa Majesté, ainsi que cela se pratique aux Etats de la province pour MM. les Commissaires du Roi. Que tous les membres qui composeront l'assemblée ne soient plus nommés par le corps même, mais par les habitants de toutes les classes et conditions ; qu'à cet effet, tous les corps et corporations seront désormais assemblés de trois ans en trois ans, et toutes les fois que les affaires publiques l'exigeront, pour élire librement les membres qui doivent les y représenter, sans pouvoir être gênés sur le choix des sujets dans lesquels ils placeront leur confiance. Et qu'afin que tous les citoyens puissent être parfaitement instruits de l'administration de la chose publique et ne puissent plus avoir d'inquiétudes ni de doute sur l'emploi des fonds, il sera rendu tous les ans un compte exact et détaillé ; et, afin qu'il puisse acquérir toute la publicité qu'il doit avoir et mettre jusqu'au dernier des citoyens dans le cas d'en prendre connaissance, il est intéressant qu'il soit imprimé et distribué (voir note qui suit).

Note : Le maire Sébire répond, le 25 mars 1786, à l'enquête sur les municipalités : « L'exemplaire de l'arrêt du Conseil du 20 août 1751, nue je joins ici, est le dernier titre qui constitue notre ville en corps de municipalité et détermine notre régime. Tous les citoyens de cette ville n'ont que lieu d'être satisfaits de ce régime, puisque, depuis qu'il a lieu, la paix, la concorde et l'union règnent parmi nous et qu'on n'y voit heureusement ni troubles ni dissensions ». L'arrêt du 20 août 1751 fixe ainsi la constitution de la municipalité de Saint-Malo : « Garde et maintient Sa Majesté les officiers municipaux de ladite ville et communauté dans le droit, possession et jouissance de tous les droits, immunités, prérogatives, préséances et privilèges attribués aux offices municipaux par les édits et arrêts ; fait Sa Majesté très expresses inhibitions et défenses, tant audit chapitre de Saint-Malo qu'à tous les officiers de justice, au connétable colonel de la milice bourgeoise de ladite ville et à tous autres de les troubler. Ordonne Sa Majesté que la Communauté de la ville de Saint-Malo sera composée à l'avenir du gouverneur en son absence du lieutenant de Sa Majesté, du maire, du lieutenent de maire, des anciens maires, du connétable colonel de la milice bourgeoise, du lieutenant colonel de ladite milice, de six échevins, du prieur et premier consul en exercice, du prieur et premier consul sortant d’exercice, de six assesseurs, des deux administrateurs de l'Hôtel-Dieu, du trésorier miseur des deniers d’octrois et deniers patrimoniaux, du controleur desdits deniers et patrimoniaux, des deux juges baillifs des eaux, des trois commissaires à la police, de l’avocat de Sa Majesté, du secrétaire grefier, du contrôleur du grefier, du capitaine de la garde du jour, lesquels auront tous rangs, séances et voix délibératives dans les assemblées de la communauté de ladite ville, dont les délibérations seront exécutées, pourvu qu'il se trouve quinze personnes de celles-ci dessus nommées auxdites assemblées, dans lesquelles les députés du chapitre n'auront que le droit d'assistance, si bon leur semble, sans voix délibérative, suivant l'édit de 1513 ; et desquelles assemblées les officiers de leur juridiction seront exclus à l'avenir, à moins qu'ils n'y soient appelés comme principaux habitants de ladite ville. Ordonné en outre Sa Majesté que, tous les trois ans, il sera nommé d'autres officiers municipaux pour remplir tous les offices ci-dessus, à moins que ladite assemblée ne juge à propos de les continuer dans leurs fonctions » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 3932). — Le corps de ville de Saint-Malo se recrutait uniquement par cooptation. En voici un exemple significatif : le 29 janvier 1789, « M. Sébire l'aîné, maire, a représenté que M. Herbert de la Portbarré, se trouvant membre du corps de ville, comme échevin et comme premier consul sortant d'exercice, deux qualités qui l'attachent au corps de ville pour trois ans, il pensait qu'il était à propos de nommer à l'échevinat M. Apuril de Kerloguen, ancien assesseur, et de conférer cette dernière place à quelque citoyen de cette ville ; l'assemblée, agréant la proposition de M. le Maire, a unanimement promu M. Apuril de Kerloguen à l'échevinat et nommé M. Michel de la Morvonnais assesseur, pour en exercer l'un et l'autre les fonctions pendant trois années » (Arch. commun. de Saint-Malo, BB 40, fol. 26).

2° Qu'il y ait enfin une loi formelle et impérative qui assujettisse tous les habitants, sans distinction de rang, de qualité et profession, au paiement de la garde de la ville, et qui ne permette plus à aucun citoyen, de quelque condition qu'il puisse être, de se soustraire à cette contribution, à laquelle les femmes, veuves et filles, jouissant d'un patrimoine, seront soumises comme les hommes (voir note qui suit).

Note : Aux habitants de Saint-Malo était attribuée la garde de leur ville. La milice bourgeoise comprenait 14 compagnies, commandées chacune par un capitaine, sous l'autorité du connétable-colonel. Voy. Edouard PRAMPAIN. L'artillerie de Saint-Malo, Paris, 1905 ; lieutenant J. DE BÉCHILLON, Histoire militaire de Saint-Malo de 1789 à 1798, dans les Annales de la Société historique et archéologique de Saint-Malo, année 1910, pp. 209-210, et surtout CHIFOLIAU, Compte-rendu... relatif à l'administration de la milice bourgeoise, cité ci-dessus. En 1780, il arriva deux fois, lors de l'entrée du nouvel évêque et de la procession de la Fête-Dieu, que, le lieutenant du Roi ayant fait battre la générale, la garde refusa de s'assembler. A la suite de ces incidents, le maire, Sébire l'aîné, envoya à l'Intendant un mémoire demandant que des modifications fussent apportées à l'organisation de cette milice. « Depuis très longtemps, y est-il dit, il était d'usage, aux feux de joie et aux processions de la Fête-Dieu, de faire battre la générale et, de tous les citoyens formant les quatorze compagnies de la milice bourgeoise, les ouvriers, boutiquiers et autres gens du peuple étaient les seuls à prendre les armes. Ils le faisaient sans murmurer, quoique les notables habitants et les principaux négociants ne se missent pas en devoir de les imiter. Mais, aujourd'hui, ces mêmes gens qui sans difficulté faisaient autrefois ce service, devenus plus habiles par la réflexion ou par la suggestion de quelques esprits remuants, refusent de se rendre au drapeau, lorsque la générale a battu, à moins que tous les autres habitants sans exception ne prennent les armes tout comme eux. Ils ont raison dans le fond, puisque tous les citoyens d’une ville qui se garde sont soldats et qu’aux termes de la lettre de M. le prince de Montbarey [en date du 17 septembre 1780, lettre jointe au dossier], tous les habitants sont sujets à la garde. Mais cependant il est très désagréable pour les notables citoyens, armateurs et principaux négociants, d’étres obligés, pour une procession ou pour un feu de joie, de se mettre sous les armes et de se voir confondus avec leurs perruquiers, leurs tailleurs ou leurs cordonniers. Il serait bien à désirer qu'au lieu de la totalité des habitants, on se bornât simplement à un détachement de cinquante ou de soixante hommes, qui serait demandé par M. le Commandant au Maire ou au Colonel de la ville ; ce détachement serait formé d'habitants et serait commandé par deux capitaines et deux lieutenants des quatorse compagnies de la milice bourgeoise de Saint-Malo. A ce moyen, le restant des citoyens ne serait plus molesté pour les processions et pour les feux de joie, et la générale ne serait plus battue à l'avenir que lors de l'apparition de l’ennemi ». En envoyant ce mémoire à l'Intendant, le maire ajoutait : « On travaille à la redaction d’un autre mémoire tendant à obtenir de vous, Monseigneur, un règlement qui assujettisse tous les habitants indistinctement, exempts ou non exempts, au payement de la garde, afin d'être en état de salarier une ou deux compagnies de soldats retirés qui feront journellement le service » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 444).

3° Que les égailleurs et répartiteurs de tous subsides et impôts dans la ville de Saint-Malo seront désormais pris dans chaque corporation et profession, afin qu'ils puissent en faire une répartition plus juste sur leurs membres, dont les facultés leur sont connues. Qu'il n'y aura qu'un seul et même rôle pour tous les citoyens sans distinction, et qu'il sera rendu public, afin que chacun puisse en vérifier les cotes (voir note qui suit).

Note : Parmi les six égailleurs qui établirent, le 29 juillet 1788, le rôle de la capitation pour la ville de Saint-Malo, trois appartenaient à la municipalité : Bossinot, lieutenant de maire ; Gardin, assesseur ; Rouxel, juge baillif des eaux. Les trois autres étaient : Le Breton, correspondant de la Commission intermédiaire, Dolley et Huard (Ibid., C 4097).

L'assemblée a vu, avec plaisir, que MM. les Officiers municipaux qui la président, allant eux-mêmes au-devant de son vœu, ont hautement et expressément reconnu dans cette séance la justice de ces trois points de réclamations. Elle leur sait gré de l'assurance qu'ils lui ont solennellement donnée qu'ils allaient s'occuper sans relâche des moyens de redresser les griefs qui en résultent. Ils se réuniront, sans doute, à la généralité des citoyens, pour obtenir, sur cela, une loi stable et indispensable pour assurer le bonheur public. Arrêté que le mémoire qui a été lu à l'assemblée restera joint au présent cahier.

ART. LXXVII. — Que la charge de miseur soit remboursée et supprimée, comme inutile et onéreuse à la ville. On est bien persuadé que l'homme honnête et vertueux qui en est actuellement pourvu applaudira lui-même à cette demande.

ART. LXXVIII. — Que le privilège des habitants de Saint-Malo, qui n'a été suspendu que depuis deux ans, d'arrêter, à l'usement de la ville, leurs débiteurs non domiciliés, jusqu'à ce qu'ils eussent satisfait ou donné caution à leurs créanciers, soit rétabli et maintenu comme intéressant dans une ville qui reçoit et fait commerce avec beaucoup d'étrangers et qui est à la proximité des îles de Jersey et Guernesey, où un débiteur de mauvaise foi a la facilité de passer tous les jours et frustrer son créancier.

ART. LXXIX. — Que les clefs de la ville, qui ont été déposées au château sous les prédécesseurs de M. le Lieutenant de Roi actuel, lui soient restituées, comme devant être le gage le plus précieux de son amour et de sa fidélité. Le bon Henry IV, dont le souvenir ne nous fut jamais plus cher que depuis que son descendant nous en retrace toutes les vertus, nous les avait confiées sans réserve. Louis XVI craindrait-il de les rendre à ses sujets fidèles, qui tous sacrifieraient leur vie pour sa gloire, comme il sacrifie son repos pour leur bonheur ? Puisse le résultat des Etats généraux mettre le comble à l'une et à l'autre ! C'est le vœu par lequel la ville de Saint-Malo termine son cahier (voir note qui suit).

Note : Le 21 juillet 1789, les clefs de la ville furent ôtées au lieutenant de Roi, Jean Francois Picault des Dorides, lieutenant-colonel et chevalier de Saint-Louis, par la milice bourgeoise, dont le colonel était le chirugien Chifoliau, et remises entre les mains de Dominique-Francois Sébire, maire de la ville (Arch. commun. de Saint-Malo, BB 40 fol. 39 ; Cf. OGÉE. Dictionnaire de Bretagne, éd. MARTEVILLE, t. II, p. 813).

Arrêté dans l'assemblée, à l'hôtel-de-ville de Saint-Malo, le 3 avril 1789.

Signé : Michel de la Morvonnais. J. Guillon l’aîné. Chenu. De Brecey. Proust fils. Gautier. J. F. Laurand. Le Mesme. Ohier père. J. Bodinier. M. Delastelle. Besnard. George Tennevet. Poisselle. Josseaume. Duault. Bauchemin. Hovius. Pierre Desmares. Pierre Bautin. J. B. Delot. Fanonnel. George Mandoux. Thomas. P. Courneuve. Duchesne St Verguet. Louis Amy. Moulin. Bennaben. Le Garnisson. Dufrêne. Rousselin. F. Guyot. Le Mesle. Jacquinet. Jacques Billy. J. Fichet. Bossinot du Vauvert. La Fontaine Le Bonhomme. Loiset. J. François Dolé. Le Marié. Louvel. Cor. Bertrand. Braun l’aîné. J. Boucouet. François Halot dit La Fontaine. J. F.Corbillé. Pierre Bercet. François Bourgogne. François Vigot. Chaumont. Chifoliau. Le Baillif. Duparc Le Coq. G. Thomine. J. Toudic. Huard. Marion. Hinet Lavalée. Perruchot de Longeville. F. Fougueux Desmoulins. G. Lecoufle. Duclos Guyot. J. C. Cousin de Courchamps. G. Duparc Louvel.

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Mémoire sur abus particuliers à la Ville de Saint-Malo, qui préjudicient essentiellement à la commune de cette ville, et dont la réforme est instante.

§ PREMIER. — Il n'est peut-être aucun citoyen qui se dissimule que le régime actuel de la municipalité de Saint-Malo est, dans cette ville, un abus qui pèse infiniment sur la commune ; ce régime, en effet, est doublement vicieux.

Toute municipalité ne peut être qu'une assemblée de mandataires, qui, pour la commune, administre la propriété sociale. Ce principe ne sera pas méconnu.

Or, il produit une conséquence nécessaire ; c'est qu'une association de délégués, qui, pour la commune et au nom de la commune, régit la propriété publique, ne peut être légalement composée que par la volonté de la commune et par des représentants élus par chaque corporation, lesquelles, réunies, forment seules en masse la communauté générale.

Pourquoi donc d'abord la municipalité, une assemblée de mandataires publics, qui, pour la commune entière, gouverne la chose universelle, n'est-elle formée que d'une seule classe de citoyens ? Et pourquoi cette assemblée de simples procurateurs choisit-elle, à l'exclusion de la commune, les sujets nécessaires pour remplacer ceux qui sortent d'exercice ? Il faut en convenir, c'est un double abus qui mérite réforme.

La classe de citoyens qui composent la municipal actuelle mérite, sans doute, des égards et de la considération ; qu'elle conserve dans l'administration un nombre de représentants proportionné à l'étendue et même à l’importance de cette classe dans l'ordre social ; mais aussi qu'elle n'exclue pas de la régie d'une propriété commune des citoyens utiles, qui ont un intérêt égal, et qui supportent, en majeure partie, la subvention qui frome cette propriété même.

Il n'est qu'un seul moyen d'éteindre sans retour cet usage défectueux, de revenir au droit naturel, qui doit être la base de toute administration populaire surtout, c'est que chaque corporation ait le droit de choisir et nommer son représentant à la municipalité, que ce représentant soit élu librement et par le choix propre de la corporation. Que, sur cette nomination, il soit reçu par la municipalité membre de ce corps public ; qu'il soit convoqué aux diverses assemblées, afin qu'il ait voix délibérative aux différents arrêtés quelconques.

 

§ II. — La municipalité est dans la possession d'élire seule annuellement les commissaires répartiteurs des diverses impositions. Ce corps ayant éprouvé une réforme, la possession peut être respectée, mais sous la modification, bien intéressante pour la commune entière, que jamais les répartiteurs ne pourront être choisis dans le nombre des membres de la municipalité, afin d'éviter le plus possible la réunion de divers pouvoirs dans une même main.

Non seulement cette modification importe essentiellement à l'universalité de la commune, mais il importe encore davantage que les commissaires soient pris dans les diverses corporations unanimement, de manière qu'elles se trouvent toutes sans exception sous le même régime, qu'elles aient l'intérêt uniforme d'une répartition parfaitement exacte, afin que l'une ne puisse pas se plaindre de l'autre.

Ce système est le seul propre à mettre un terme à l'arbitraire dans la répartition. D'un côté, qui peut mieux calculer la fortune, soit réelle, soit d'industrie, des divers individus d'une corporation, qu'un membre de cette partie de la masse générale ? D'un autre côté, qui prémunira plus contre toute inégalité oppressive qu'une assemblée de commissaires, dont chacun sera d'une corporation distincte, qui se surveilleront respectivement ?

S'il se trouvait qu'un député de chaque corporation formât un ensemble excédant le nombre usuel des Commissaires répartiteurs, dans une proportion si haute qu’il serait convenable d'abandonner ce régime, qui empêche alors que chaque corporation alterne pour ce commissariat, encore que la première qui en aura joui ne puisse être appelée que lorsque chacune l'aura obtenue successivement, ce qui assurera le même avantage d'une répartition fidèle, puisque toutes seront sous l'influence immédiate l'une de l'autre, à des espaces périodiques, et que toutes auront conséquemment le seul intérêt réciproque d'une égalité parfaite, pour n'être pas victimes tour à tour d'une opération contraire ?

 

§ III. — Une réforme, qui est encore plus urgente, se rapporte à l'administration de la milice bourgeoise.

Ce service, connu dans la place sous la dénomination de garde, est la suite d'une concession privilégiée, d'une concession honorifique même du Souverain. Il répugne donc à toute notion que dans une cité dont chaque habitant profite du privilège, dans une cité, où, sans doute, il n'est aucun domicilié qui ne regarde ce privilège comme une propriété sacrée qui se communique à tous, il existe une classe de citoyens qui s'exemptent de la contribution au privilège et de la subvention nécessaire pour conserver cette propriété commune.

Si cette prétendue exemption d'un privilège, dont tous recueillent avantage sous des rapports divers, n'est qu'une idée bizarre, cette idée afflige, lorsqu'on remarque que c'est précisément dans la classe opulente, dans la classe qui a le plus d'intérêt à la conservation du privilège, dans la classe qui en recueille le bénéfice majeur, qu'elle existe. Car enfin, de quelle importance ce privilège est-il pour une foule de mercenaires qui n'ont presque rien à conserver, et au contraire, de quelle importance l'exercice continuel n'est-il pas sous divers aspects très pressants pour la classe fortunée, qui a beaucoup à perdre ?

Néanmoins c'est une vérité bien connue, que la classe indigente des habitants supporte en rigueur la charge du privilège, tandis que, dans la classe opulente, un nombre très étendu de citoyens s'en décharge sous prétexte d’immunités, que la raison désapprouve, que le droit imprescriptible de la nature rejette [,qu] enfin, les lois positives de l’Etat excluent églement, divers arrêts du Conseil et du Parlement de cette province ayant prescrit d’une voix unanime que tous habitants sans aucune exception, supporteraient également le service du privilège, parce que tous indistinctement retirent des avantages de ce privilège.

Il faut donc enfin que cet abus cesse, que toute exemption quelconque s'évanouisse, que chaque citoyen, sans limitation, contribue à la garde. En méditant sur cette concession honorifique, ce témoignage de la confiance du Souverain, il faut convenir que le service qui en résulte semble être absolument personnel, paraît attaché à chaque citoyen, indépendamment de sa qualité et de sa fortune, de manière que tous le doivent également, et pas plus l'un que l'autre.

Anciennement il s'exécutait sous ce régime personnel dans toute la rigueur du mot. Aujourd'hui il se gouverne sur un principe plus doux. Une contribution pécuniaire et modérée a remplacé l'exécution littérale.

Cela suffit-il pour soulager la classe indigente du peuple ? Désormais le service est probablement converti dans une subvention permanente ; mais cette rétribution, qui excède quinze livres annuellement dans la paix, trente livres dans la guerre, n'est-elle pas excessive pour un simple manœuvrier, qui a souvent une famille nombreuse à soutenir ?

Ce serait sans doute un acte de bienfaisance très-analogue aux vrais principes d'administration, de se livrer à une réforme plus salutaire, de substituer au régime personnel un mode moins désastreux pour le peuple. Par exemple, au lieu d'une subvention par tête, de la fixer par aisance déterminée sur le taux de la capitation. Il s'ensuivrait vraiment une augmentation d'impôt pour divers ; mais, outre qu'elle serait légère pour chacun relativement à sa fortune, la municipalité s'acquerrait la confiance méritée de cette classe malheureuse, qui éprouverait enfin une amélioration.

Si le moment n'est pas encore venu de ce sacrifice, il ne faut pas toujours refuser au peuple ce que l'équité exige absolumet. S’il ne reçoit aucune faveur, du moins qu'il obtienne justice. Or, il ne l’aura jamais entière, tandis qu’il subsistera des exemptions, puisque, indépendamment de sa contribution rigoureuse par tête, il se trouve surchargé d’une part quelconque dans le déficit général que produit l’exemption.

 

§ IV. — Mais, en détruisant des abus anciens, il importe, sans doute, à la commune de se précautionner contre des erreurs futures qui peuvent s'introduire, plus tôt ou plus tard, soit dans la municipalité même réformée, soit dans l'opération annuelle des commissaires répartiteurs de l'impôt, soit enfin dans la régie de la garde, au moins pour les subalternes préposés au détail qu'elle exige.

Respectivement à la municipalité réformée, c'est de l'astreindre d'abord à imprimer annuellement le compte de recette et de dépense générale, dont il sera envoyé un exemplaire à chaque corporation, et, d'un autre côté, à communiquer, sans déplacer, à l'hôtel-de-ville, dans un délai convenable, les pièces qui peuvent ou soutenir ou inficier le compte.

Relativement à l'opération annuelle des commissaires répartiteurs de l'impôt, c'est d'obliger la municipalité à fournir deux rôles de chaque imposition personnelle et réelle, en sus de la quantité ordinaire, qui seront revêtus des mêmes formes par les commissaires et remis, l'un au chef d'une corporation d'art libéral, et l'autre au chef d'une corporation d'art mécanique, qui seront convenus, lesquels chefs en donneront communication, sans déplacer, aux membres des diverses corporations, chacun de leur classe, qui la requerront.

Enfin, en ce qui touche la règle de la garde, c'est de soumettre la municipalité à imprimer annuellement un tableau exact de la généralité des habitants qui doivent contribuer à cette subvention, et à en délivrer un certain nombre d'exemplaires à chaque corporation distinctement. A l'aide de ces diverses mesures, s'il se renouvelait des abus, ils seraient facilement aperçus. puisque d'abord la municipalité serait toujours sous l'inspection directe des corporations qui forment la commune ; puisque d’un autre côté, les commissaires répartiteurs de l'impôt déposeraient dans le sein même de ces corporations l’état distributif de leurs opérations, qui peut seul ou en faire connaître l’exactitude ou en dénoncer l’infidélité ; puisqu’enfin, par la comparaison du tableau des habitants tenus à la garde avec la quantité des gens nécessaires au service journalier, qui est bien connu, il n’est personne qui ne puisse s’assurer qu’il ne paie que lorsque son tour est survenu réellement.

(H. E. Sée).

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