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L'ILE DE CÉSAMBRE ou CÉSEMBRE (environs de Saint-Malo)

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Césambre ou Césembre (ou Cézambre ou Cézembre), que l'on aperçoit maintenant à une lieue en mer, faisait autrefois partie de la terre ferme ; de vastes prairies s'étendaient entre celle île et le Grand-Bé, uni lui-même au continent, et le Chapitre de Saint-Malo en affermait encore les pâturages au XIVème siècle. Ce fut vers l'an 1438, dit le savant abbé Manet, que les dernières prairies de Césambre, déjà diminuées par les grandes marées précédentes, achevèrent de disparaître sous les flots envahissants de la mer ; alors surgirent isolés en plein Océan, autour de la ville épiscopale de Saint-Malo, tous ces pittoresques rochers que reliaient jadis d'immenses marécages ; alors aussi apparurent mieux sur toutes ces îles de petites chapelles chères aux marins malouins : Notre-Dame du Laurier l'extrémité du Grand-Bé, S.-Antoine dans l'île Harbourg, l'oratoire du Petit-Bé et celui de Césambre ; plusieurs de ces pieuses constructions remontaient d'ailleurs à une époque bien antérieure à ce dernier envahissement de la mer.

Le P. Le Large pense, en effet, que ce fut à Césambre et non pas à Jersey que vécut quelque temps S. Marcoulf, le contemporain et l'ami du martyr S. Hélier [Note : Histoire manuscrite de l'église de Saint-Malo. (Bibliothèque de Sainte-Geneviève, à Paris)] : les anciens légendaires disent en outre que S. Brandan, le maître de notre apôtre S. Malo, se retira également à Césambre pour y trouver le recueillement, et une vieille chronique rimée ajoute qu'il y construisit une chapelle dans les premiers temps de l'évangélisation du pays :

Bientôt après que la vraye foy - De Jésus par la chrestienté - Fut preschée, entends et croy - Que ce saint lieu fut fréquenté : - Saint Brande y avait volonté - Et s'y retiroit solitoire, - Et de son temps y fut planté - Un bien dévot oratoire [Note : Chronique de Césambre, communiquée par M. Paul de la Bigne Villeneuve. — « Quelques-uns ont même écrit, dit l'abbé Manet, que saint Malo lui-même, mit d'abord pied à terre à Césambre et qu'il y profita quelque temps des exemples d'un vertueux prêtre, nommé Festivus, par qui il fut bien accueilli »].

Si l'on en croit la même chronique, les barbares du IXème siècle, qu'elle appelle les Sarrazins, et que nous nommons les Normands, massacrèrent à Césambre un grand nombre de chrétiens qui s'y étaient réfugiés après la ruine d'Aleth, la grande ville voisine ; le naïf auteur va même jusqu'à émettre le désir qu'on s'informe des tourments subis par ces pauvres victimes, à ses yeux véritables martyrs, et qu'on célèbre la mémoire de leur mort glorieuse :

Il me semble que serait utile - Que solemnité on en fist, - Si on savait le temps préfix - Quant tant de saints personnages - Si cruellement furent defist : - L'on en ferait office, images.

En 1108, l'évêque Benoit II accorda à quelques hermites la permission de s'établir à Césambre, mais l'histoire ne nous apprend pas autre chose sur la vie de ces pieux anachorètes.

Le 22 mai 1420, un prêtre de Saint-Malo, nommé Raoul Boisserel obtint de l'évêque Robert d'Acigné et du chapitre de Saint-Malo l'autorisation d'y mener à son tour la vie érémitique ; le prélat et les chanoines étaient à cette époque seigneurs de Césambre, où ils avaient établi leur garenne « refuge à conils » ; aussi, pendant bien des siècles, vit-on l'île pleine de lapins, que détruisirent seulement, en 1779, les soldats du régiment de Nassau, qui s'y trouvaient campés.

Il n’y avait plus aucune habitation à Césambre, lorsque l'on permit à Raoul Boisserel d'y construire « une chapelle avec une maisonnette attenante pour s'y loger et y servir Dieu dans la paix de son âme », d'employer pendant cinq ans les oblations que lui feraient les fidèles à la construction de ces deux édifices, sauf néanmoins les droits de l'église cathédrale de Saint-Malo sur ces offrandes, et en attendant leur achèvement, de dire la messe basse « sur un autel portatif, décemment orné de rideaux et autres voiles, en tout autre lieu bienséant de l'île, » à la condition qu'il ne marierait point, qu'il ne relèverait point les femmes, etc. (Grandes recherches manuscrites, par l'abbé Manet. - Archives municipales de Saint-Malo). La cellule de Raoul Boisserel n'existe plus, ajoute l'abbé Manet, mais on voit encore l'oratoire qu'il avait dédié à Dieu sous l'invocation de Saint Brandan :

« ce n'est à proprement parler, qu'une grotte irrégulière et fort petite, située vers le nord de l'île ; deux rochers qui se rapprochent vers le dessus en ont fait à l'extérieur presque tous les frais, mais son intérieur est crépi à chaux et à sable ».

A ce dévot personnage succéda un autre hermite connu seulement sous le nom de Pierre le solitaire : il vivait pauvrement à Césambre, lorsqu'une colonie de Cordeliers de l'observance, sortie de l'Ile verte, proche Bréhat, obtint, en 1468, de Jean l'Espervier, évêque de Saint-Malo, d'y venir fonder un couvent dont on ne voit plus aujourd'hui que quelques faibles restes.

« La vie austère et reformée que menaient ces bons pères ne tarda pas à leur attirer de grandes aumônes de la part du cardinal Guillaume Briçonnet (évêque de Saint-Malo), des Malouins et d'autres habitants du diocèse. Ce qui les mit en état de se bâtir en fort peu de temps une maison si considérable, qu'ils purent y tenir le chapitre général de leur province, le 12 avril 1497 et en août 1583. Ce monastère, situé vers le bas de l'île, entre deux montagnes, renfermait une église faisant face à Saint-Malo, un cloître et des jardins murés » (Ibidem). Les Cordeliers construisirent, en outre, quatre petites chapelles, aux quatre coins de l'île : Saint-Sauveur à l'est, Saint-Michel au nord, Saint Joseph sur le haut de la partie occidentale, où se trouvait le moulin des moines, — et enfin, Notre-Dame-de-l'Ile , au sud, sur le rocher qui s'élève au milieu de la grève qu'on aperçoit de la terre ferme.

Le 4 octobre 1518, le roi de France, François Ier, se trouvant à Saint-Malo, voulut visiter ce monastère et se recommander aux prières des religieux disciples de son saint patron ; notre vieille Chronique de Césambre n'a eu garde d'oublier cette royale visite, et voici comme elle en rend compte : Le post [Note : C'est-à-dire le pilier, le soutien] de foy et religion, - Très chrestien le roy Franczoys - Vint céans par devocion - Associé de gens de poys : - Sage Trémoille, tu y estoys, - Montafilant et Montegent [Note : C'est-à-dire les sires de la Trémoille, de Montafilan et de Montejean qui accompagnaient le roi] - Autres quels dire ne scauroys.

Plus tard, le 25 mai 1570, le roi Charles IX se rendit à son tour au couvent de Césambre ; il était accompagné de la reine, sa mère, Catherine de Médicis, du duc d'Anjou, son frère, de Marguerite de Valois, sa sœur, et d'une foule d'autres grands personnages ; de retour à Saint-Malo, le lendemain, il fit aux Cordeliers une pension de 50 liv., en souvenir de leur bon accueil.

Ce don n'était pas de trop, car entre ces deux visites de nos rois, les moines de Césambre avaient eu beaucoup à souffrir : le 2 mai 1544, des pirates anglais descendirent dans l'île à 8 heures du soir, dépouillèrent les religieux, en maltraitèrent deux à coups de soufflets, rompirent, le tabernacle, jetèrent à terre les saintes hosties et emportèrent les vases sacrés et les ornements religieux. Heureusement qu'une troupe de jeunes gens malouins, conduits par leur gouverneur, M. de Bouillé, averti à temps de cette invasion, accoururent au monastère et tombèrent sur les pillards dont une partie fut tuée avant d'avoir pu se rembarquer (Blancs-Manteaux, Mémoires de Bretagne, n° 22, 322, p. 543, Bibliothèque nationale).

Au commencement du XVIIème siècle un changement s'opéra à Césambre : les Cordeliers ne s'y trouvaient plus qu'en petit nombre, et ils furent remplacés en 1612 par des religieux recollets ; toutefois, en 1617, Jacques Le Gadellan, provincial, et Nicolas Conella, gardien des Cordeliers, firent une dernière tentative pour rentrer dans ce couvent : ce fut en vain, la ville de Saint-Malo soutint les Recollets et leur fit donner gain de cause. Alors la dévotion s'établit parmi les Malouins de se faire enterrer dans cette solitude au milieu des flots, et la pieuse coutume s'introduisit que chaque navire revenant du long cours donnât aux moines de Césambre ce qui lui restait de vivres.

Jouissant ainsi de l'estime de leurs concitoyens, ces religieux vécurent paisiblement sur leur rocher jusqu'au 27 novembre 1693 ; ce jour-là, les Anglais, venus la veille pour bombarder Saint-Malo, incendièrent en entier leur couvent où s'était tenu en 1668 le Chapitre provincial de leur congrégation. Un jeune Père irlandais et deux simples Frères s'y trouvaient seuls alors ; ils étaient restés pour garder le local tandis que le reste de la communauté effrayée gagnait le continent ; les ennemis entrèrent donc sans éprouver de résistance et se livrèrent à toutes sortes d'excès, renversant les croix et les statues de saints, brisant les meubles et pillant à leur aise ; après avoir ainsi tout dévasté, ils mirent le feu aux bâtiments et emmenèrent avec eux les pauvres religieux demi-morts de terreur, qu'ils renvoyèrent toutefois sains et saufs.

Par suite de ce désastre les Recollets n'osèrent plus reconstruire leur couvent de Césambre ; ils abandonnèrent cette terre isolée dans les flots, et se retirèrent sur le continent à la Roulais en Saint-Servan. L'île sanctifiée par tant de pieux solitaires fut réunie au domaine royal, et, en 1696, Vauban y fit quelques fortifications dont il reste peu de traces (Grandes recherches manuscrites).

Aujourd'hui Césambre est à peu près inhabitée : c'est une île qui offre presqu'autant de développement que Saint-Malo lui-même : sa pente est au midi et sa longueur, de l'est à l'ouest est partagée entre deux montagnes par un vallon. Derrière, au nord, est un rocher extraordinairement élevé, escarpé, presque perpendiculaire et composé de pierres énormes entassées les unes sur les autres : au reste toute cette partie septentrionale est bordée de précipices plus ou moins affreux qui rendent tout accès très-difficile de ce côté-là, surtout quand la mer est agitée. Au contraire, la plage méridionale offre plusieurs points accessibles, surtout vers son centre où se trouve une fort belle grève de sable que l'on ne peut voir, sans envie, de tout le continent voisin ; mais à ses deux extrémités se dressent encore, à l'orient comme à l'occident, deux immenses rochers, d'un imposant aspect, battus sans cesse par les flots qui semblent s'acharner à vouloir les détruire, sans y pouvoir réussir. Le pittoresque abonde à Césambre, comme l'on voit, mais par malheur tout y paraît muet et sans vie ; depuis la ruine des établissements religieux florissant jadis en ce lieu : ils en faisaient l'ornement, rien ne les a remplacés et l'île est redevenue sauvage.

(abbé Guillotin de Corson).

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