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LA PRÉCEPTORERIE ET LES ÉCOLES DE SAINT-MALO AVANT LA RÉVOLUTION

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Si l'on en croit le bon abbé Manet, la première école de Saint-Malo fut l’œuvre de saint Jean-de-la-Grille, en 1152. Ce grand évêque, que la cité malouine doit regarder comme son vrai fondateur, après avoir transféré sur le rocher de saint Aaron et de saint Malo le siège épiscopal d'Aleth, appela pour desservir sa nouvelle cathédrale des chanoines réguliers de la congrégation de Saint-Victor de Paris, et leur confia le soin de tenir dans leur cloître même une école publique ou « pédagogie, » comme on disait jadis. Nous ne savons pas autre chose de ce premier établissement scolaire qui disparut peut-être avec les religieux qui le tenaient, lorsqu'en 1319 le Chapitre de Saint-Malo fut sécularisé par le pape Jean XXII et l'évêque Alain Gonthier.

Plus tard, en 1561, Charles IX régla, par ordonnance royale, qu'à l'avenir le revenu d'une prébende de la cathédrale de Saint-Malo serait affecté au traitement d'un précepteur chargé d'instruire gratuitement les enfants de cette ville. En conséquence, le canonicat de Mre Laurent du Bouays étant venu à vaquer, en 1565, par la mort du titulaire, les revenus en furent consacrés à perpétuité à l'entretien de la préceptorerie de cette ville. Cette nouvelle école dut avoir trois classes, l'une pour l'étude de la langue latine, l'autre pour l'écriture et les mathématiques, et la troisième pour apprendre à lire aux petits enfants. Le précepteur fut soumis à l'élection de l'Evêque, du Chapitre et de la Maison de ville réunis en la salle capitulaire. Il fut tenu d'avoir à ses frais deux sous-maîtres.

Le 4 novembre 1566, l'Évêque de Saint-Malo François Bohier se trouvant absent, ses vicaires généraux, le Chapitre et les principaux habitants de la ville se réunirent et élurent précepteur Jean de Léon, prêtre, « pour instruire gratuitement et sans faillance les jeunes enfants de Saint-Malo, aux profits et émoluments des fruits d'une prébende en l'église de Saint-Malo vacante par le décès de Laurent du Bouays et destinable audit de Léon » (Reg. des insinuations ecclésiast. de St-Malo).

Ce premier précepteur fut remplacé le 3 octobre 1578 par Jean Couvert, élu « pour instruire gratuitement et sans faillance les jeunes enfants de ceste ville de Saint-Mallo de l'enclos d'icelle et non d'ailleurs » [Note : Plus tard les enfants de Saint-Servan furent admis gratuitement à l'école de Saint-Malo et le droit de batelage fut réduit pour eux à 1 liard par passage]. Comme à cette époque le protestantisme essayait, — bien vainement, il est vrai, — de s'implanter en Bretagne, les Malouins, fidèles catholiques, firent prêter serment au nouveau précepteur « de bien, duement, soigneusement et diligemment instruire et enseigner les jeunes enfants de ceste ville ès bonnes lettres, mœurs, vertus et religion catholique, apostolique et romaine et de ne lire ni souffrir estre lus en son escole doctrine ny livres qui sont censurés » (Reg. des insin. ecclés. de St-Malo).

En 1611 arrivèrent à Saint-Malo des Bénédictins anglais conduits par un homme supérieur, Guillaume de Gifford, qui ne tarda pas à gagner toute la confiance de l'Evêque Mgr Le Gouverneur. Ils se fixèrent d'abord à Clermont, en Paramé, puis construisirent un monastère dans l'enceinte même de Saint-Malo. L'établissement de ces bons Pères et la juste renommée de savoir et de piété qui les accompagnait engagèrent les Malouins à leur confier l'école qu'ils possédaient. Le bénédictin dom Jean Barmez fut donc élu précepteur ; il fut remplacé par les pères dom Boniface de Monsavat, dom Romain Grossier (1629) et dom Bède Forster (1655).

Malheureusement pour l'école de Saint-Malo, les Bénédictins anglais s'agrégèrent dès 1638 à la célèbre congrégation française des Bénédictins de Saint-Maur ; puis ils cédèrent peu à peu la place à ces derniers qui finirent par occuper seuls la nouveau monastère malouin dont ils prirent possession en 1669. Dom Forster retourna en Angleterre et les nouveaux disciples de saint Benoît refusèrent formellement de se charger de la préceptorerie ; il fallut conséquemment aviser à faire revivre l'enseignement à Saint-Malo, interrompu de la sorte par le départ des Bénédictins anglais.

A cet effet Mgr de Villemontée, le Chapitre et les principaux habitants de Saint-Malo se réunirent et résolurent de nommer un nouveau précepteur séculier et de lui consacrer, comme auparavant, le revenu d'une des prébendes de la cathédrale. Ils divisèrent toutefois ce revenu « en trois portions, la première et plus considérable pour le principal précepteur, lequel recevrait le total du revenu de ladite prébende et serait tenu d'en payer deux portions (chacune de 120 livres par an) à ses deux assistants, nommés, comme lui, par les co-seigneurs (c'est-à-dire l'Evêque et le Chapitre) et gens de Sainct-Malo, l'un pour apprendre à lire à la jeunesse, l'autre à écrire, lire l'écriture de main et les mathématiques » (Archives départ. fonds de St-Malo).

Il fut aussi convenu que le précepteur enseignerait lui-même la langue latine et ferait tous les samedis, après midi, un catéchisme auquel devraient assister tous les écoliers des trois classes. L'ancien règlement fut au reste conservé ; les classes durent se faire tous les jours, à l'exception des dimanches, festes chommées et jeudis, de 8 heures à 10 heures 1/2 du matin et de 2 heures à. 4 heures 1/2 du soir ; « pendant lesquels exercices les trois précepteurs ne peuvent estre divertis de leurs fonctions pour aucun sujet, pas même sous prétexte d'assister aux enterrements ». Comme la préceptorerie de Saint-Malo était une fondation essentiellement religieuse, il fut encore réglé que « lesdits exercices commenceraient par l'invocation du Saint-Esprit et que les escoliers seraient tenus assister à la messe avant l'ouverture des classes » (Archives départ. fonds de St-Malo).

L'école rétablie de cette façon, Mgr de Villemontée, le Chapitre et les habitants nommèrent, le 16 septembre 1669, précepteur de Saint-Malo Jacob Lagoux, prêtre et promoteur de l'officialité diocésaine, et lui donnèrent comme sous-maîtres deux autres prêtres Guillaume Mesnage et Jacques Dudouet. Mre Lagoux conserva sa place jusqu'à sa mort et fut remplacé le 6 juin 1698 par François Chanteau, également prêtre, qui donna sa démission et eut pour successeur, le 8 janvier 1707, Jean Chardevel.

Ce dernier étant décédé peu d'années après, Jean Cottard, prêtre comme lui, fut élu précepteur le 23 janvier 1711. Sur les entrefaites survint un arrêt du Conseil d'Etat, en date du 4 octobre 1727, décidant que « le précepteur de Saint-Malo jouirait de tous les fruits de son bénéfice, comme les chanoines de la cathédrale, quoiqu'il ne fut pas tenu à l'assistance au chœur ; que, s'il était dans les ordres sacrés, il porterait le costume des chanoines à l'église, mais qu'il ne marcherait, qu'après eux ; qu'enfin il serait destituable pour atteinte aux mœurs ou négligence grave » (Archives départ. fonds de St-Malo).

Le 11 avril 1738 François Guichard, prêtre, fut élu précepteur ; il mourut en 1762, âgé de 70 ans, et fut remplacé le 18 février 1763 par Pierre Rousselin du Rocher, également prêtre. Celui-ci résigna la préceptorerie, devint chanoine et protonotaire apostolique, et eut pour successeur, le 6 décembre 1769, Mre Etienne-François Engerrand qui fut le dernier précepteur de Saint-Malo, car il exerçait encore ses fonctions quand éclata la Révolution française [Note : Vers 1800 M. Engerrand ouvrit à Saint-Malo une école ecclésiastique qui devint en 1812 le collège].

Dès 1590 la ville de Saint-Malo avait donné une maison pour logement au précepteur chargé d'instruire ses enfants. Cette habitation, d'assez pauvre apparence paraît-il, fut relevée en 1620 ; elle renfermait, entre autres appartements, trois salles ; une à l'étage supérieur pour l'enseignement du latin professé par le précepteur lui-même, et deux au rez-de-chaussée pour les classes faites par les sous-maîtres. L'agrandissement de l'enceinte de Saint-Malo, en 1737, fit disparaître cette première maison préceptoriale.

D'assez longues difficultés surgirent à cette occasion, et obligèrent le précepteur de Saint-Malo à louer des appartements pour y faire ses classes. Mais en 1784 la générosité du Chapitre permit la construction d'une nouvelle maison d'école. Mre Antoine de Monnoye, chanoine, étant mort, sa maison prébendale fut donnée à Mre de Carheil de Launay aussi chanoine ; cette maison était située « rue du Gras-Mollet, au joignant de la rue Saint-Aaron ; » elle plut au précepteur d'alors, Mre Pierre Engerrand, qui la demanda à Mre de Carheil : celui-ci l'accorda d'autant plus volontiers qu'un autre chanoine de Saint-Malo, Nicolas du Resnel de Bolconte, habitant ordinairement Rouen, lui offrit sa propre maison prébendale de Saint-Malo, s'il cédait la sienne au précepteur (Reg. des insin. ecclés. de Saint-Malo).

Mgr des Laurents, alors évêque, approuva de grand cœur ces arrangements, le 9 juin 1784. D'après l'abbé Manet, qui vivait dès cette époque, la maison prébendale, affectée à la tenue de l'école de Saint-Malo, fut reconstruite dans la rue Saint-Aaron, et sur sa porte furent placés les trois écussons de l'Evêque, du Chapitre et de la Ville. A cette époque la préceptorerie était un vrai collège, comprenant toutes les classes jusqu'à la rhétorique inclusivement. Depuis plusieurs années, en effet, l'instruction primaire était donnée aux enfants de Saint-Malo par les Frères des Ecoles Chrétiennes. Ces véritables amis du peuple, dignes fils du vénérable P. de La Salle, avaient été appelés, dès 1744, à Saint-Malo par Jean-Baptiste Goret de la Tandourie et Mlle Le Goff qui firent en leur faveur une première fondation de 300 livres de rente. Ils avaient commencé leurs classes le 2 janvier 1746 et ils faisaient, là comme ailleurs, le plus grand bien par leur sage enseignement.

Lorsque l'impiété et l'anarchie détruisirent toutes les séculaires institutions religieuses de Saint-Malo, cette ville possédait, comme l'on voit, de suffisantes maisons d'instruction : pendant que les précepteurs d'un côté et les Frères de l'autre enseignaient les garçons, les Ursulines faisaient l'école aux filles. Ces bonnes religieuses s'étaient établies à Saint-Malo, dès 1622, sous la protection de Mgr Le Gouverneur ; elles en furent chassées en 1793 comme les précepteurs et les Frères. Il est vrai que tous ces établissements scolaires étaient entre les mains de l'Eglise, qu'ils étaient dotés par de pieuses fondations et entretenus par l'esprit de charité ; c'en était assez pour attirer sur eux la haine des méchants. Et cependant dans les conditions où il se donnait, l'enseignement des enfants de Saint-Malo était alors sage, bien réglé et par-dessus tout profondément chrétien, et la gratuité qui l'accompagnait ne blessait personne parce qu'elle ne s'imposait pas.

(abbé Guillotin de Corson).

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