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SAINT-MALO : les anciennes rues, remparts, moeurs et sanitat.

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Les anciennes rues. — Le Tour des Remparts. — La Police, les Moeurs, l'Hygiène. — Le Sanitat Maritime.

L'étude des vieilles rues de Saint-Malo présente des difficultés assez sérieuses. Ce n'est pas que la topographie ait beaucoup changé ; les rues actuelles ont conservé, presque toujours, leur tracé ancien, mais leurs noms ont varié à différentes époques et les plans de la ville ne sont pas toujours en parfait accord. Il convient, je crois, tout d'abord, de diviser Saint-Malo, en deux parties séparées par les rues suivantes, en partant de la place Chateaubriand : rue Saint-Vincent, rue Porcon de la Barbinais, place Broussais, rue de Dinan. C'est la grande artère qui bat de la rue Saint-Vincent à la porte de Dinan.

Plan de Saint-Malo daté de 1758

La rue Saint-Vincent dessert le quartier construit de 1708 à 1710, sur l'emplacement asséché et comblé du petit port de Mer Bonne. L'aime de ce nom se creusait entre la Grande Porte, la Croix du Fief et la rue Garangeau. En 1792, elle fut nommée rue des Sans-Culottes. Elle se terminait à peu près à la place où s'élevait la Croix du Fief (fontaine et statue de 1819) ; antérieurement à 1708, le rempart de la ville, percé d'une poterne dite Poterne de la Blaterie, se terminait à cet endroit.

La rue Porcon, commence l'ascension du rocher ; elle est formée de trois rues, rue de la Croix du Fief, depuis la Croix jusqu'à la Grande Rue, de la Petite Boulangerie, qui se continuait jusqu'à la rue de la Fosse (Vieille Boucherie actuelle), et enfin, rue du Pilori. La rue Porcon, pendant la Révolution, fut nommée rue Marat ; l'appellation unique de la rue Porcon date du début du XIXème siècle. La rue Broussais se nommait rue d'Entre Deux Marchés, parce qu'elle commençait à la place du Pilori ou du Martroy, où se tenait le Marché aux Légumes et qu'elle aboutissait à la Halle à la Viande (aujourd'hui, Marché aux Légumes). C'est en 1839 qu'elle changea de nom.

La rue de Dinan va de la Place du Marché aux Légumes jusqu'à la Porte de Dinan. Primitivement, la partie nord de cette rue s'appelait rue de la Vicairerie à cause du presbytère qui se trouvait dans cette partie, avant 1790. De la Place Brevet (origine incertaine) et jusqu'à la rue d'Estrées, elle portait entre cette rue et la rue de Dinan, le nom de rue de Coëtquen, à cause du gouverneur de la ville (1715). Sous la Révolution on l'appela rue de l'Egalité et les deux autres rue de l'Abondance. Elles furent réunies, en 1739, sous le nom de rue de Dinan.

Sur cette grande artère, on doit remarquer rue Saint-Vincent, l'Hôtel dit Hôtel La Mennais. Bâti de 1712 à 1713, il appartenait à Guillaume Eon de Carman ; il fut vendu le 25 pluviôse an VII, à Mme Vincent dont la petite-fille devint Mme Augustine Thomas. En 1860, il passa à la famille Duclésieux. Il a subi des transformations nombreuses ; son mur de clôture à balustres a été démoli en 1896 ; son grand portail a été réédifié au château de Beauregard, dans la Grève de Chasles, à Saint-Servan. Rue Porcon, l'ancienne maison portant le n° 35 était la demeure de Frotet de la Landelle ; au n° 3, la maison de pierre, à pignon aigu, est une des premières qui furent rebâties, après l'incendie de 1661. Rue Broussais, n° 14 : superbe hôtel particulier, aux larges fenêtres séparées par des pilastres, à chapiteaux d'un ordre différent, (ionique, composite et corinthien), connu aussi sous le nom d'Hôtel de la Marzellière ou de Maison du Dais d'Argent. Rue de Dinan plusieurs hôtels datent du deuxième accroissement.

Saint-Malo étant ainsi divisé par une ligne brisée en deux parties, à peu près égales en superficie et que je désignerai sous le nom de côté ouest et de côté est, il convient, maintenant, d'examiner, très sommairement, les rues qui se détachent de cette grande artère ou qui se ramifient dans la direction des remparts, dits front de mer. La rue Sainte-Barbe, de la rue Jacques Cartier aux Travaux Saint-Thomas, formant une ligne droite coupant à angle droit la rue Saint-Vincent ; sous la Révolution elle s'appela rue de la Fidélité. Elle coupe, aussi dans ce secteur, la rue Canal de Mer Bonne, la rue Garangeau ; la rue Saint-Thomas, la rue Chateaubriand et se termine à la place Vauban, plus connue sous le nom de Travaux Saint-Thomas. La rue Canal de Mer-Bonne, dite aussi d'Egypte, tire son nom d'un petit canal qui permettait aux eaux de la mer de refluer un peu en ville, au-dessus de la grève où mouillaient les navires. Elle se continue par la rue Garangeau, ingénieur, que contribua beaucoup aux agrandissements de la ville et aux perfectionnements des fortifications de la place. Elle porte sur un plan le nom de rue de la Vieille Ménagerie. La rue Canal de Mer Bonne et la rue Garangeau suivent, à peu près le tracé d'avant 1708, lors de l'accroissement autorisé par le roi en mars de cette année et commencé le 8 mai, sous la direction de M. Garangeau.

La rue Saint-Thomas ou du Chapeau Rouge, qui lui est parallèle, partait de la rue Corne de Cerf, aujourd'hui rue Jean de Châtillon ; elle aboutissait, au nord, sur la place d'Armes de la ville, appelée communément place Saint-Thomas, dont le côté nord-est faisait vis-à-vis au château, entre les tours Quiqu'en Grogne et la Générale ; des fossés ou douves, enjambés par un pont dormant, séparaient le château de la place, dont la porte nord-est était occupée par une allée dite des Soupirs ; parallèlement à la rue Saint-Thomas se trouvait la rue de Buhen ou des Juifs ; un corps de bâtiments, en face de Quiqu'en Grogne, comprenait l'ancien Hôtel du Gouverneur, la chapelle Saint-Thomas de Cantorbéry et l'ancien hôpital transféré à Saint-Sauveur en 1605 ; la deuxième porte Saint-Thomas s'ouvrait entre l'extrémité de l'ancien rempart et Quiqu'en Grogne ; plus tard, le quatrième accroissement fit gagner et incorporer l'espace connue sous le nom de Travaux Saint-Thomas, terminés à l'est par un revêtement en maçonnerie épousant les contours de Quiqu'en Grogne. Après son passage à angle droit de la rue Sainte-Barbe, la rue Saint-Vincent arrivait à la poterne de la Croix du Fief ; de ce carrefour partait la rue Corne de Cerf, aboutissant à la cour de la Houssaye : une petite rue, la rue de la Houssaye ou du Pont Normand la faisait communiquer avec l'extrémité de la rue Sainte-Barbe, dans sa partie appelée successivement, rue Notre-Dame, rue de la Colline, rue de la Giclais.

Montant la rue de la Croix du Fief, dite encore rue des Halles ou de la Blaterie, on atteignait le chevet est de la cathédrale ; après la Halle à la Toile, on trouvait une voûte (voûte actuelle), qui donnait accès à la rue de la Vieille Blaterie et à la rue des Halles et que contournaient, comme aujourd'hui, le transept nord de l'église ; on laissait à droite la rue des Grands Cimetières ; celle-ci se prolongeait par la rue du Pélicot, de la Vieille Psalette, ou du Pot d’Etain, qu'une ruelle, dite rue Ceinte, faisait communiquer avec la cour de la Houssaye. La rue du Grand Cimetière, à la hauteur de la rue du Pélicot, se continuait par la rue du Gras Mollet dite aussi du Cheval Blanc ; celle-ci, après un coude, descendait vers le rempart, en laissant à sa gauche l'ancienne Préceptorerie. Elle donnait accès à la batterie du Cheval Blanc, aujourd'hui terrasse du Fort à la Reine.

Les cimetières qui se trouvaient dans ce secteur vont être mentionnés plus loin ; c'est le quartier du vieux Saint-Malo le plus difficile à décrire et à reconstituer au point de vue topographique, car les plans portent souvent des noms différents à des dates extrêmement rapprochées.

En se reportant au côté nord de la cathédraie, nous trouvons la rue Danycan appelée autrefois rue de la Prison ou du Petit Cimetière et, pendant la Révolution, rue de Lille. Elle laissait à sa droite et à sa partie inférieure la Chapelle du Dieu de Pitié, à sa partie moyenne l'ancien Cimetière des Prêtres et, plus loin la Maison d'Arrêt des Hommes. Ce bâtiment appartenait au Chapitre ; il était peu important, puisqu'un procès-verbal détaillé du 17 prairial an VI fait connaître que la prison des Cimetières ne pouvait pas contenir plus de 28 individus. On arrivait alors à la Chapelle Saint-Aron. Cette chapelle était précédée, au sud-ouest, d'un petit placître, qui communiquait au moyen d'une petite rue, nommée Saint-Aron, avec la rue du Gras Mollet, continuée par la rue du Cheval Blanc. Au dessus du petit cimetière s'étendaient les grands Fours Banaux, qui touchaient au chevet du choeur et à la sacristie de l'église Saint-Benoît. Du placître Saint-Aron, on descendait vers le sud-ouest par la rue Saint-Benoît et une petite venelle, dite venelle de la Victoire ou des Bénédictines ; la rue Saint-Benoît dite aussi des Champs Vauverts porta, sous la Révolution, le nom de la rue de Thionville. Entre la rue de la Victoire et la rue Saint-Benoît s'étendait la Grande Boucherie ou Halle à la Viande ; elle datait de 1649 ; en 1848, elle fut appelée la Petite Boucherie ; abandonnée en 1860, elle servit longtemps de magasin à pompes (1866-1879) ; en 1880, on y établit les réservoirs.

Continuant sa descente, la rue de la Victoire prenait, à l'endroit où elle se retrécit, le nom de rue de la Bertaudière ; derrière le rempart du Château Gaillard se coudait la rue du Chat qui Danse. Son extrémité nord-est fut fermée en 1817. De la rue de la Bertaudière, côté droit en descendant, naissait la rue du Rempart, donnant accès au Cavalier des Champs Vauverts, et à l'ancien Ravelin. La rue Saint-Benoît, continuée par la rue des Champs Vauverts, allait rejoindre la rue du Boyer, par une courbe peu accentuée ; elle longeait l'église Sainte-Anne qui était accolée au cloître des Ursulines ; un jardinet, de forme triangulaire, dit Petit Jardin de Sainte-Anne, s'étendait au nord du cloître. La rue Sainte-Anne rencontrait à son extrémité sud la rue du Boyer, dite aussi rue du Bé et quelquefois rue du Thydor. C'est seulement depuis peu que la rue du Boyer communique avec la place du Guay-Trouin (monument aux Morts), vis-à-vis l'ancien hôtel de la Vieuville. En descendant la rue du Bé, on arrivait au Pilori et plus loin à la Porte des Halles (voûte), dite parfois Halle aux Poulets.

Le secteur du sud-ouest peut être ainsi délimité : Tour Notre-Dame, rue du Boyer, Pilori, rue Broussais, rue de Dinan, rue Saint-Philippe, rue Claude Guy-Louvel, rampe de l'Hôtel-Dieu, rue de la Clouterie, rue des Hautes Salles (noms actuels).

En descendant vers le Pilori la rue des Bés ou rue du Boyer, on trouvait à droite la rue du Point du Jour, ainsi appelée, dit-on, parce qu'elle était très faiblement éclairée. Elle allait rejoindre au sud la rue Saint-Sauveur, en passant à l'est du Grand Placître ; entre ce placître et la rue Saint-Sauveur, elle portait le nom de rue du Four ; la partie comprise entre le Grand Placître et la rue Thévenard fut longtemps appelée rue de Saint-Brieuc. On trouvait ensuite la rue des Lauriers et encore des Petites Venelles ou des Vieilles Venelles ou Vénelles des Petites Chaux, à cause d'un dépôt de chaux qui y existait au XVIIIème siècle. La partie méridionale fut appelée rue du Jard, jusqu'en 1829. La rue de la Lancette, aujourd'hui rue Gouin de Beauchêne, faisait communiquer par une rue brisée à angle droit la rue des Bés et la rue d'Entre les Deux Marchés (aujourd'hui rue Broussais). La partie la plus voisine de la rue Broussais de la rue de la Lancette s'alejpela quelque temps, rue Ferron ou rue du Puits de la Rivière.

A l'extrémité orientale de la rue du Boyer et donnant sur la place Martroy ou Pilori, se trouvait la Maison de la Chaise de pierre. A peu près parallèle à la rue des Bés, mais plus au sud, partait du rempart ouest la rue Bourgès ou de la Diacrerie. Elle coupait, à angle droit, la rue du Jard et se continuait par la rue de la Crevaille. Cette rue ou plutôt ces deux rues étaient connues par leurs cabarets et leurs auberges. L'une de ces auberges avait pour enseigne : A la Malice ; un tableau, au-dessus de la porte, représentait une femme, un singe et un chat. Cette hôtellerie, « où l'on traitait, disent les anciens documents, des gens de qualité », existait encore en 1749. La rue de la Crevaille (restaurant de ce nom) et celle de la Diacrerie furent réunies sous le nom de rue Vincent de Gournay, en l'honneur d'un économiste qui n'était pas sans valeur. Sous la Révolution elle fut appelée rue de la Franchise. Du Petit Placitre se détachait la rue Saint-Joseph ; elle portait alors le nom de rue des Moeurs, des mauvaises moeurs plutôt, puisqu'elle était habitée par les prostituées. De la rue des Lauriers se détachait la rue de la Harpe, qui traversait la rue Entre les Deux Marchés (comme aujourd'hui) et faisait sa jonction avec la rue de la Vieille Boucherie. Il serait plus correcte d'appeler la rue de la Harpe, rue de la Herse ou de la Grille, car on prétend, qu'avant le XIIème siècle, une grille ou herse fermait, le soir, l'extrémité de cette rue (? ?). Sur un plan de 1792, elle est appelée rue de la Harre.

De la rue des Hautes-Salles partait la rue du Pressoir ou de la Pie qui boit ; elle perdait ce nom en coupant la rue du Jard (des Lauriers) et s'appelait alors rue aux Herbes ou rue des Herbes, parce qu'elle conduisait au Marché. Elle fut nommée, après la Révolution, rue Thévenard, en l'honneur d'un vice-amiral, pair de France, né à Saint-Malo, le 7 décembre 1739. La rue Saint-Joseph, citée plus haut, prenait naissance sous le rempart, ou plus exactement, dans un petit placître, dit Placître Saint-Pierre ou des Bouchers ; elle prenait fin au Grand Placître, dit Placître Cornillet, limité à l'est par la rue du Grand Placitre, avant que celle-ci ne débouchât dans la rue Saint-Sauveur.

Avant la Révolution, l'ancienne Maison des Frères des Ecoles Chrétiennes occupait une surface à peu près carrée, limitée par la rue du Jard, formant un coude, la rue du Poujet, la rue du Pressoir et une partie de la rue du Point du Jour. Dans le pâté de maisons du sud-est, précédée d'un grand jardin avec cour, se trouvait la Vicairerie ou Maison du Curé (antérieurement à la Révolution) ; elle avait une entrée par la rue du Poujet et une autre par la rue de la Vicairerie (aujourd'hui rue de Dinan, section comprise entre le Marché aux Légumes et la place Brevet). La rue de la Clouterie ou l'Echaudoir faisait communiquer le Petit Placître Saint-Pierre (près de la Chienneterie ou Loge des Chiens du Guet), avec la rue Saint-Sauveur où venait aboutir la rue des Hautes Salles. Celle-ci, en se détachant de la rue du Boyer, porta tout d'abord le nom de rue Notre-Dame (en raison de la chapelle voisine), puis celui de rue de la Crosse ; elle était quelquefois désignée sous le nom de rue des Bouchers. En 1839, toutes ces rues furent réunies sous la même dénomination : rue des Hautes Salles. Sous la Révolution, la rue de la Crosse s'appela rue de la Constance et la rue des Bouchers, rue de la Justice. On trouve aussi sur certains plans du XVIIIème siècle le nom de rue du Colombier ou de la Sainteté.

La rue de Toulouse va du rempart ouest à la porte Saint-Louis, ouverte seulement en 1874 et qui, à proprement parler, n'est pas une porte, puisqu'elle n'a pas de vantail. Elle coupait, de l'ouest à l'est, la rue Vauborel, la rue de Dinan, les rues Feydeau et de la Fosse et la rue d’Asfeld. La rue Vauborel, qui tire son nom de M. de Vauborel de Sainte-Marie, lieutenant de roi au château, s'appela, en 1791, la rue de l'Amitié ; la rue Feydeau en souvenir de Feydeau de Brou, intendant de Bretagne, devint, à cette époque, la rue des Jeunes Rennais. Le deuxième accroissement de 1714 valut à Saint-Malo le quartier de Dinan. Le nouveau mur d'enceinte alla rejoindre les vieux remparts au bas de la rue de la Mettrie qui descendait, vers l'est de la rue de la Fosse, à la rue des Cordiers et aboutissait au rempart de l'est : elle porta longtemps, le nom de rue des Forgeurs. On gagna aussi la rue Saint-Philippe et la rue d'Orléans où s'édifièrent de grands hôtels (1716-1725). L'accroissement de 1721 créa le Quartier de Chartres. Des documents inédits, déposés au rang des minutes de M. Vercoutère, notaire à Saint-Malo et accompagnés de plans coloriés, donnent à ce sujet des renseignements pleins d'intérêt (19 novembre 1722). Le bastion Saint-Louis fut achevé dans sa partie est et on bâtit la belle courtine qui va se souder à la Tour Sud de la Grande Porte ; alors s'ouvrit la rue de Chartres ; la rue de d'Abbaye Saint-Jean et les rues de la Mettrie furent prolongées d'autant La rue de Chartres, en 1792, reçut le nom de rue de Brutus ; la rue de l'Abbaye Saint-Jean qui a son entrée à l'est de la Halle à la Viande, prit en 1793 le nom de rue de la Constitution.

Le secteur du sud-est pouvait être ainsi délimité, (noms actuels) : la Grande Rue, la partie supérieure de la rue Porcon, la rue de la Vieille Boucherie, jusqu'à la rue de l'Orme, la Halle dite Halle au Blé, aujourd'hui à la Viande et la rue des Cordiers. La Grande Rue partait en ligne droite de la Grande Porte et se terminait à la rue Porcon. A partir du XIIIème siècle s'y tint la foire aux Sublets (sifflets). Les maisons de cette rue furent presque toutes détruites par un incendie qui éclata le 27 octobre 1661. Sur la gauche en montant, la rue des Marins et la rue Boursaint la font communiquer avec la rue du Puits Aubray, qui lui est sensiblement parallèle. La rue des Marins ou de la Marine s'appelait, primitivement, la rue de Saint-Jacut ; on la désignait aussi sous le nom de rue qui n'a qu'un Bout, parce qu'elle n'avait pas d'issue sur la rue du Puits Aubray. La rue Boursaint, du nom de Pierre Boursaint, commissaire général de la Marine au XIXème siècle, fut appelée successivement rue de Saint-Buc, rue de Saint-Christophe et, à son extrémité sud, rue de Dunkerque, enfin, pendant la Révolution, rue de l'Activité. Parallèlement à la rue du Puits Aubray descend de la rue de la Vieille Boucherie la rue des Petits Degrés (escalier de 21 marches, avec paliers). Elle s'appela, longtemps, rue de la Piedvacherie ; toujours parallèlement la rue des Grands Degrés ou rue Missaut (origine inconnue). Elle s'appela rue Civique pendant la Révolution.

Le grand écrivain Gustave Flaubert était, sans doute, de méchante humeur, quand il passa en 1847, par Saint-Malo, en compagnie de Maxime Ducamp. Voici à ce sujet une note de son carnet de voyage : « Le tour de la ville de Saint-Malo par les remparts est une des plus belles promenades qu'il y ait... Personne n'y vient ». C'est peu flatteur pour les Malouins de l'époque ; mais l'illustre auteur de Salammbô éprouverait, vraiment, une toute autre impression, s'il revenait aujourd'hui en ce bas monde. On peut bien affirmer que, de toutes les promenades de la Côte d'Emeraude - et Dieu sait si elles sont nombreuses et variéés ! - le tour des remparts, comme on dit à Saint-Malo, est certainement la promenade préférée ; on voit sur les vieux murs, non seulement des étrangers, mais des Malouins de toute condition, depuis le gamín qui lance aux passants des quais des mottes de gazon jusqu'à la logeuse en garni, que porte son pliant sous le bras ; un vénérable ecclésiastique, délivré de son confessionnal, respire avec délices l'air pur du large. Le soir, C'est un kaléidoscope merveilleux que cette projection de toutes les ombres sur le fond du ciel d'un vert fin, cependant que la lune s'embarque sur son vaisseau d'argent et que, sur les murs, des promeneurs curieux et observateurs plongent de longs regards à l'intérieur de ces belles maisons dont les habitants se couchent bourgeoisement derrière les volets incertains. Il y a des remous dans ce défilé de promeneurs et, quelquefois, les courants s'entre choquent : ils s'arrêtent par endroits ; c'est le moment où, accoudés sur les parapets, les touristes et les indigènes observent les mouvements du port.

On peut faire le tour de la ville en deux sens, presque sans solution de continuité ; commencer par l'est et se diriger vers le sud ; on a, ainsi, l'avantage de voir s'élargir l'horizon ; ou bien, on débute par l'ouest et l'on s'achemine aussitôt vers le large. Duc in altum, dirait le pilote virgilien ; c'est le sens conseillé par les archéologues à ceux qui aiment à suivre chronologiquement l'ordre de construction des remparts. Les deux méthodes ont leurs charmes et se justifient.

L'enceinte de Saint-Malo a beaucoup varié au cours des âges et les remparts ont suivi les accroissements de la cité ; leur étude, si curieuse au point de vue militaire et monumental, intéresse surtout les érudits ; je vais seulement essayer de fournir au touriste moyen, comme on, dit aujourd'hui, quelques brèves et précises indications ; il les complètera en lisant des ouvrages spéciaux : ils ne sont pas tous recommandables.

Après l'escalier intérieur de Saint-Thomas qui conduit, tout d'abord, à la plate-forme dallée, dominant la porte de ce nom, le rempart file vers le fort La Reine, principale défense du front nord ; le bastion, rasé il y a quelques années, avait été rehaussé en 1758, mais pour lui donner plus de commandement, on l'avait surélevé ; on constate fort bien cette modification, en se penchant un peu au-dessus du parapet ; la base ou console d'une échauguette est le meilleur témoin de cette transformation (1694-1758) ; puis, le rempart oblique vers l'ouest, laisse à gauche le Cavalier des Champs Vauverts, si agréablement transformé en jardin public (1926) et, à droite, la Tour Bidouane (1652), dont les merlons furent rasés (1748) et dont les belles salles superposées servirent longtemps de magasin à poudre.

De 1848 à 1852, un factionnaire diligent vous priait d'éteindre, en passant près de Bidouane, cigarettes et pipes ; Bidouane, un jour, fut vidée de ses poudres ; mais le soldat extincteur continua son service plusieurs années encore. On s'engage ensuite sur les Petits Murs, souvent repris et modifiés à partir du XIIème siècle ; ils conduisent à la Hollande qui domine la plage de Bon Secours, bastion jadis puissant, remis en état par le duc de Chaulnes (1674), en prévision d'une attaque des flottes hollandaises. Trois moulins tournaient jadis sur ce terre-plein ; au-dessous se trouvait la Loge des Chiens du Guet. Elle vient d'être restaurée (1927).

Les chiens de Saint-Malo sont célèbres : Chateaubriand lui-même a vanté les exploits des fidèles gardiens de sa Délos, mais ils doivent, surtout, leur renommée au prétendu crime qu'ils auraient commis dans la nuit du 24 au 25 mars 1770 ; les historiens locaux rapportent qu'à cette date un officier de marine Jean-Baptiste Ansquer de Kerouartz fut dévoré par les dogues de la Cité Corsaire. Les chiens l'avaient pris pour un vulgaire contrebandier ou un pilleur de navires, alors qu'il traversait les grèves, grave imprudence après le couvre-feu, heure où le chiennetier lâchait ses bêtes. Le malheureux s'était un peu attardé auprès de sa fiancée qui demeurait à Saint-Servan. Attaqué par la meute furieuse, il avait résisté vigoureusement et avait réussi à gagner la mer ; mais les chiens l'avaient suivi ; ils l'étranglèrent et le dévorèrent à demi. Le lendemain, on retrouva sur le rivage son cadavre affreusement déchiqueté.

On a prétendu que l'origine des chiens de garde de Saint-Malo se perdait dans la nuit des temps ; c'est une façon commode d'écrire l'histoire et de ne pas se tromper de date.

Il paraît qu'en 1125, on comptait 24 chiens. Comme ils avaient très bon appétit, qu'ils ne se nourrissaient pas exclusivement des mollets des fraudeurs et que leur entretien coûtait cher, on réduisit leur nombre et, finalement on les supprima (1770) ; mais les chiennetiers leur survécurent : la place était excellente.

Transportés du Poteau aux chiens à l'entrée du Sillon, dans une loge qui se trouvait entre la rue Garangeau et la rue Saint-Thomas (venelle aux Chiens), on les logea en 1674, sous la Hollande ; ils en sortirent au mois d'août 1703 ; ils furent enfermés dans la Cabane du Sillon. Celle-ci fut détruite par un incendie en juin 1751, puis reconstruite cinq ou six ans après. Ce fut la dernière demeure des Chiens du Guet.

Après avoir descendu un escalier de 27 marches, divisé en trois paliers, on arrive au bastion Saint-Philippe, appelé parfois bastion Saint-Michel, formant un triangle irrégulier et qui domine l'avant-port. Il date du deuxième agrandissement (1714). Il. reçut le nom de Philippe, à cause de Philippe II d'Orléans, neveu du roi et futur régent de France. Antérieurement à 1714, l’ancien mur d'enceinte de la ville, qui suivait à peu près la rue d'Estrées, venait frapper le rempart à la hauteur du prerniicr escalier, descendant de la Hollande sur ta courtine qui le rejoint au bastion Saint-Philippe. A l'angle du pâté de maisons (maisons blanches) formé par la rue d'Estrées et la rue Claude-Guy Louvel, se trouvait l'Ancienne Comédie et à l'angle de cette même rue et de la rue de Toulouse, les Fours du Chapitre ou Grands Fours. La belle courtine du sud, qui se prolonge jusqu'au bastion Saint-Louis et qui domine du côté intérieur les rues Saint-Philippe et d'Orléans et, à l'extérieur le quai de Dinan, est percée, à son milieu par la Porte de Dinan, flanquée de deux beaux escaliers. Le bastion Saint-Louis, nommé ainsi en l'honneur de Louis XIV, a été élevé à deux époques, la partie sud, lors du deuxième agrandissement en 1714, la partie est, lors du troisième en 1721. Il figure sur certains plans sous le nom de Saint-François ; à la place de l'échauguette qui se dresse à son extrémité sud-est, se trouvait primitivement un éperon très accentué qui protégeait la cale dite de l'Eperon, aujourd'hui quai Saint-Louis ou quai Neuf (1722). L'escalier, muni d'une rampe de fer qui donne accès de la rue de Chartres au bastion Saint-Louis est appelé quelquefois l'Escalier Rouge, parce qu'au temps de la Révolution, un magasin, logé sous cet escalier et le rempart, abritait, dit-on, les bois de justice. Une longue courtine conduit du bastion Saint-Louis à la Grande Porte, dont elle contourne les deux grosses tours ; puis vient la Grande Batterie, avec ses dix-luit embrasures dont sept commandaient le Sillon et onze la Petite Grève et les Talards. La Grande Batterie s'amorçait sur la Tour Générale ; mais, le rempart a été coupé pour donner accès au Jardin des Douves de création récente. Les deux tours de la Grande Porte dominaient la Demi-Lune, la Salle de Commerce et le Ravelin, tandis que la Grande Batterie, à peu près à la hauteur de la rue Sainte-Barbe dominait le vieux quai, flanqué au sud du Pilori de l'Amirauté ; les quais neufs, commencés en 1669, se continuaient alors jusqu'à la hauteur de la porte Saint-Vincent ; un pont voûté, édifié en 1754, donnait entrée à la mer dans les fossés du château qui asséchaient de six heures en six heures ; les quais neufs se prolongeaient dans la direction de l'est ; ils avaient été achevés en 1714, par M. Lionnais de la Bussière ; on trouvait encore à leur extrémité, sous la tour des Moulins, un autre pont voûté (1754), qui donnait aussi entrée à la mer dans les fossés du château. Toutes ces dispositions ont disparu depuis les nivellements du Bassin à flot et de l'Esplanade. Pour les retrouver, il est nécessaire de se reporter aux plans antérieurs à 1820.

En résumé, le tour actuel des remparts de Saint-Malo est peu différent de ce qu'il était autrefois dans son tracé de la Tour Quicqu'en Groigne au Fort à la Reine, à la Tour Bidouane, aux Petits Murs, de la Grève de Bon Secours, et à la Hollande, tout le front de mer par conséquent ; mais on perd matériellement son tracé dans la partie sud, est et nord-est. Quelques brèves explications doivent être fournies au sujet de la modification des remparts dues aux accroissements successifs, postérieurs à 1155. A cette époque, le rempart sud suivait approximativement, à partir de la Hollande (enmarchements), la rue d'Estrées ; la rue des Vieux Remparts fléchissait un peu vers le sud, s'enflait de la tour des Ardillets ou Ballue, reprenait la direction de l'est, coupait la Cour des Récollets, atteignait l'ancien Fosse du Nay ou des Dinannais, coupait la rue de la Fosse, s'incurvait jusqu'à l'ancienne Tour Mouillée ou Tour Terre Neuve ou encore des Espagnols, remontait vers le nord en laissant à gauche la Cour aux Choux, suivait le côté droit de la rue des Cordiers, atteignait près de la rue de l'Abbaye Saint-Jean, la Tour du Départ ou des Cordiers et se dirigeait en droite ligne vers la Tour sud de la Grande Porte ; il prenait ensuite la direction du nord et, après avoir longé la cour du Petit Judas, s'amorçait à la Tour de la Poissonnerie, remontait en ligne droite à la Place de la Croix du Fief ; là s'ouvrait la Poterne de ce nom ; le rempart longeait la rue Corne de Cerf (rue Jean de Châtillon) jusqu'à la hauteur du Canal de Mer-Bonne ou d'Egypte, suivait la rue Garangeau ou de la Vieille Ménagerie, traversait la place Saint-Thomas et allait se souder à la Tour Générale.

En 1721, un accroissement provisoire avait aménagé un mur partant du bastion Saint-Louis, suivant la rue d’Asfeld, coupant l'ancien Eperon triangulaire de 1618, la rue des Forgeurs, laissant à l'est la Tour du Départ et se terminant à l'extrémité du quai Neuf, presqu'en face de la Tour Sud de la Grande Porte.

Au point de vue sanitaire la ville de Saint-Malo a eu souvent une mauvaise presse. Bien avant Gustave Flaubert, on la traitait de ville puante. Il est bien certain que la propreté de la cité des Corsaires laissait, aux siècles passés, beaucoup à désirer, mais n'était-ce pas le sort commun de toutes les villes de France ? Il est vrai que Saint-Malo était difficile à tenir « en état de netteté ». Sa population très dense, supérieure à 10.000 habitants, pour une surface de 15 hectares, diminuée encore par les grandes cours et les jardins du Manoir Episcopal, des couvents et par les cimetières, s'entassait dans des rues étroites, bordées de hautes maisons de verre et de bois, où le soleil pénétrait bien rarement. Heureusement, la ville était bien balayée par les vents du large et aussi par les vents de terre et c'était pour les Malouins, ainsi qu'ils le disaient, la meilleure répurgation de leur ville. Il ne semble pas, au surplus, que Saint-Malo ait été éprouvé par des épidémies plus funestes que celles qui sévirent dans les pays voisins. On a bien gardé le souvenir d'une peste qui, en 1348 et 1421, aurait fait des ravages dans la cité ; mais le fléau sévissait dans toute la Bretagne et dans presque toute la France. Ce qui ferait croire que Saint-Malo n'était pas plus éprouvé par les maladies que les autres localités, c'est qu'en 1507 la ville ne possédait ni médecin, ni chirurgien, ni apothicaire ; aussi la reine Anne, pour attirer les praticiens, leur concéda-t-elle par un édit, de sérieux avantages et les exempta d'impôts ; un apothicaire Etienne Salmon et un chirurgien Pierre Chauches accoururent pour soigner les infirmes ; il n'est pas dit qu'ils les guérirent.

Cependant les édiles rendaient, de temps en temps, de sages ordonnances pour assainir la ville ; il était défendu aux parents d'envoyer leurs enfants dans les rues pour « y faire leurs immondices » ; le poisson répandait une odeur infecte ; la police intervenait pour empêcher les habitants d'empuantir leurs quartiers « par les ouilles et les saumures » ; les personnes, de quelque condition qu'elles fussent, ne pouvaient prendre « dehors leurs aiséments » ; elles devaient avoir à leur domicile des latrines, des chaises percées ou tout au moins de petits tas de sable, ce qui permettait d'attendre le passage du cureur, lequel passait trois fois la semaine « en dedans des remparts ».

Dès 1252, un Hôtel-Dieu est fondé au lieu dit le Licorne près la chapelle Saint-Thomas. (Aujourd’hui : le Café Continental et l'Hôtel de France) ; « dans la vue que les indigents, les infirmes, les étrangers, les femmes en couches et autres nécessiteux y trouvent dans leurs langueurs le secours nécessaire ». Il y restera trois siècles ; le Sanitat, établi aux Talards, devint insuffisant : l'Hôtel- Dieu fut construit ; mais un incendie le détruisit en 1745 ; il fut relevé de ses ruines ; c'est l'établissement actuel. Ce qu'il a de plus intéressant, avec son puits surmonté d'un petit dôme s'appuyant sur des colonnettes, ce sont les pots de sa pharmacie. Leur authenticité est incontestable ; ils ont des enseygnes extraordinaires. Voici le Catholicon, électuaire purgatif, qui était bon pour toutes sortes de maladies et qui était souverain, (comprenne qui pourra) contre la constipation et... le contraire, le Catholicon tant prôné à Paris, en 1593, par un charlatan espagnol et qui faisait des merveilles, à en croire la Satyre Ménippée !

Il y a aussi les Mondificatifs et les Tussilages, dont les pots ont gardé l'odeur du pas d'âne et du coquelicot, l'Alkermès, liqueur de table que l'on préparait à Naples et maintes jolies fioles, d'une légèreté extrême, presqu'impondérables, dont le verre possède la délicatesse du Venise. Quelle est l'origine de ces pots aux formes variées, le plus souvent harmonieuses, aux flancs plutôt onduleux que rebondis, avec des becs fins et longs et de gracieuses tubulures ? Leur couleur est uniforme : lettres et ornements bleus sur fond blanc ; aucune marque de fabrique ; d'après les connaisseurs, c'est du Rouen.

Une salle possède aussi une très belle aiguière en cuivre rouge ; la tradition veut qu'elle ait été rapportée de Rio de Janeiro par Duguay-Trouin. C'est peu vraisemblable.

Il est à remarquer qu'à une époque où la puériculture, comme on dit aujourd'hui, était inconnue, Saint-Malo veillait avec soin et intelligence sur la natalité. Les faiseuses d'anges étaient l'objet d'une surveillance très étroite ; quand une fille se présentait chez une matrone ou sage-femme pour y prendre pension, en attendant ses couches, elle était interrogée par un officier de police qui s'assurait de ses moyens d'existence et lui demandait ce qu'elle comptait faire de son fruit (sic). Les questions, quelquefois, n'étaient rien moins que discrètes. Angélique Louvenant était domestique chez un gros armateur de Saint-Malo. Elle se présenta, un jour, chez Suzanne Oger, matrone, en lui disant qu'elle était grosse de huit mois et qu'elle désirait accoucher chez elle. Celle-ci, après s'être assurée que la fille était solvable, avertit l'autorité administrative ; la police interrogea la fille et elle déclara « qu'elle était enceinte des oeuvres de M. J. de la D., pour avoir eu sa compagnie charnelle dans une des premières journées du mois de juin dernier (1731) et par deux fois le même jour ». La malheureuse mourut, peu de temps après, de son hidropisie (sic) ; mais M. J. de la D., fut condamné comme père putatif à payer tous les frais de la pension de la fille chez la matrone. Il est probable qu'il avait protesté et résisté à cette demande, puisqu'il fallut un jugement (7 septembre 1731), pour qu'il s'exécutât.

Quand les femmes du peuple, les indigentes, accouchaient chez elles, la matrone de l'hôpital, qui jouissait à Saint-Malo d'une grande considération, se rendait auprès de la parturiante (sic), où elle trouvait généralement des dames visiteuses qui avaient déjà apporté à la femme en gésine des secours en nature et en argent ; la matrone, selon le cas, accouchait la femme ou la confiait aux soins d'une ménagère expérimentée. Il y avait à Saint-Malo un cours d'accouchement qui durait deux mois ; une des directrices de ce cours, Mme du Coudray, inventa même une machine, représentant le corps d'une femme ; on y plaçait le corps d'un enfant factice, dans toutes les positions imaginables et, après chaque position, du Coudray montrait à ses élèves, comment il fallait s'y prendre (Archives départementales d'Ille-et-Vilaine (1326-1327) cité par le Docteur HERVOT).

Les archives hospitalières ont conservé aussi le nom de Mlle Turpin ; elle eut de graves démêlés avec le corps médical. On lui reprochait d'abuser de la saignée. Elle saignait tellement qu'on fut obligé de lui défendre, par une sorte d'arrêté municipal qui lui fut dûment signifié, de pratiquer une saignée sans la permission écrite de Mlle du Fougeray, alors économe ou intendante de l'Hôtel-Dieu. Il y eut de véhémentes protestations : « Les apoplectiques auront beau jeu pour trépasser », s'écrièrent les partisans de Mlle Turpin. Il paraît que l'aumônier, frappé d'une congestion cérébrale peu de temps après l'arrêté prohibitif, mourut d'un coup de sang qui aurait pu être évité, si Mlle Turpin n'avait pas été empêchée de fendre l'oreille au pauvre prêtre.

Chose bizarre : certains empiriques et plusieurs rebouteurs étaient protégés par la Municipalité et même par des médecins ; un aventurier, d'origine italienne, frère François Viala, exerça, à Saint-Malo, publiquement et sans diplôme, la médecine pendant trois ans. Il guérissait par l'action combinée de bains chauds, aussi chauds que possible, et par l'absorption de crottes de souris ! M. Corre, malouin de qualité, « menacé d'une paralysie à la jambe », alla le consulter. Frère François lui fit prendre un bain aromatisé si chaud qu'on entendit dans tout le quartier les hurlements de douleur du patient. On accourut ; la porte était verrouillée ; il fallut l'enfoncer ; on trouva le malheureux Corre complètement cuit dans le sabot, (on sait que les baignoires d'alors avaient cette forme) ; quand on le retira, « la chair se détachait partout où l'on mettait la main ». La foule allait faire un mauvais parti à l'empirique, mais il réussit à prendre la fuite et à se réfugier à l'église ; il fut protégé par M. Picot, maire, qui gardait, on ne sait pourquoi, toute la sévérité des règlements pour le sieur Cabanac, autre empirique, concurrent du frère François. Il déclara que ce fâcheux accident aurait pu arriver à tout le monde et l'empirique échappa, non seulement à la justice répressive, mais encore fut autorisé à continuer à exercer, pendant un an, son art de guérir !

Habitant une ville où les relations étaient fréquentes avec l'étranger, notamment avec les Indes où le choléra et la peste sévissaient presque toujours, les Malouins, ils avaient bien raison, craignaient la contamination de l'extérieur. Un bureau de santé, vigilant, surveillait les entrées des navires ; en 1665, on prend même soin de créer trois petits bateaux visiteurs, qui interdiront l'entrée de la rade à tout navire d'une provenance suspecte. Le bureau a même qualité pour condamner à l'amende tout capitaine qui enfreint les prescriptions sanitaires ; à Cézembre sont organisés des « cazernes et angares », pour les malades et les marchandises. Cézembre était le lazaret de Saint-Malo. Les navires, « porteurs de mauvais germes », qui avaient eu à leur bord des malades et des, morts, étaient vidés et perfumés (désinfectés) à Cézembre et amenés devant l'Eperon, à Saint-Malo, « où ils étaient coulés pendant plusieurs marées pour être mieux purifiés ». On ne tenait aucun compte, malgré les protestations véhémentes des armateurs, de la valeur des marchandises ainsi détruites ou avariées. On trouvait parfois, dans les cendres, de l'argent fondu. Il était attribué à l'Hôtel-Dieu.

On avait bien songé à établir un lazaret au Grand Bé, mais l'îlot était d'un accès difficile, la mer l'entourant deux fois en 24 heures ; les Talards, au contraire, étaient d'un abord beaucoup plus aisé ; mais le Chapitre, qui était propriétaire des terrains, n'entendait pas céder gratis pro Deo la plus petite toise carrée de son bien ; on finit par s'arranger et les Talards purent, vers 1583, recevoir des contagieux ; le Grand Bé ne fut pas complètement désaffecté ; on conserva deux ou trois petits bâtiments pour y recevoir des convalescents et des suspects ; on y éventait aussi les marchandises provenant des ports dont l'état sanitaire avait été signalé comme douteux.

(E. Dupont).

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