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Suppliques et doléances des Juridiction, Amirauté, Consulat et Maîtres apothicaires de Saint-Malo en 1788 et 1789

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SAINT-MALO.

JURIDICTION ORDINAIRE DE SAINT-MALO.

[Cahier de doléances].

(Arch. d'Ille-et-Vilaine série B ; Registre d'audiences de la juridiction ordinaire et commune de Saint-Malo, 1787-1790, fol. 25 v°-28 v°).

Du lundi 30 mars 1789 aux onze heures du matin, en la chambre du Conseil, se sont extraordinairement assemblés M. Frostin de la Binolais, alloué de cette juridiction et pourvu du mandement de sénéchal, M. de Brécey, lieutenant, et M. le procureur fiscal, à eux joints M. Proust père, procureur fiscal des régaires du chapitre, et M. Proust fils, alloué des régaires de l'évêché.

M. le procureur fiscal de Saint-Malo a dit :

MESSIEURS,
Vous êtes assemblés par ordre du Roi pour proposer, remontrer, aviser sur la réforme des abus, l'établissement d'un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l'administration, sur la prospérité générale du royaume et le bien de tous et de chacun les sujets de Sa Majesté.

Voici le moment ou jamais de combattre des abus particuliers à cette ville. Les officiers municipaux, par deux délibérations du 12 novembre 1788, ont travaillé avec zèle à réformer la France et la Bretagne, mais qui songera, si ce n'est vous, à la réforme de la municipalité ? Le vœu de la généralité des habitants vous est connu, mais quelle sera la corporation qui se chargera de l'exprimer à l'hôtel de ville même ? Elles sont presque toutes dans la dépendance des officiers municipaux. C'est à vous, Messieurs, qui ne dépendez que de la raison et du devoir, de servir d'organe à ceux qui n'osent s'exprimer ouvertement sur les vues de l'organisation et les abus de l'administration de la municipalité. Mais peut-on bien nommer ainsi une assemblée composée dune trentaine d'armateurs et capitaines de navire, qui s'établissent eux-mêmes les représentants d'une population de vingt-cinq mille personnes ? Peut-on se dire, sans le plus étonnant abus des termes, les agents d'une ville et d'un faubourg considérable sans qu'aucun des habitants ait été même consulté sur l'élection ? Les charges municipales sont en quelque sorte héréditaires ; cinq ou six familles, qui se croient sans doute patriciennes sont en possession depuis bien des années de former cette extraordinaire aristocratie ; il est des professions qui exigent plus d'étude, plus de connaissance, plus d’aplication, et par cela même elles rendent ceux qui les excercent plus propres à la conduite des affaires. Tels sont les magistrats, les avocats, les médecins, les notaires, les procureurs, les chirurgiens, et dans toutes les communautés de ville du royaume non seulement ils sont admis, mais recherchés avec empressement ; à Saint-Malo, ils sont exclus, au moins par le fait (voir note qui suit).

Note : Dans la séance de la communauté de la ville de Saint-Malo du 28 janvier 1789, le maire Sébire aîné, en faisant connaître que deux échevins, Potier de la Houssaye et Meslé de Grandclos, et deux assesseurs, Magon de la Villehuchet fils et Gardin fils, demandaient à être remplacés, avait « rappelé à l’assemblée que MM. les avocats de cette ville lui avaient représenté, il y a quelque temps, requête tendante à être admis parmi les officiers de la municipalité », et il avait ajouté que « MM. les Docteurs en médecine se plaignaient également de ce qu’aucun d’eux n’était appelé » (Arch. commun. de Saint-Malo. BB 40. fol. 25). Les nouveaux échevins qui furent alors élus, Herbert de la Porte-Barrée et Brignon de Lehen, étaient des négociants ; il en fut de même des candidats désignés pour les places d’assesseurs (Ibid.).

Aussi quels grands services les municipaux ont-ils rendus ? Quels privilèges utiles ou honorables nous ont-ils procurés ? Tandis que d'autres villes moins importantes que la nôtre en ont acquis dans les derniers temps, ils n'ont pas su même conserver ceux que la bravoure et la loyauté des anciens Malouins avaient obtenus de nos Rois.

Ce privilège si honorable et si flatteur de se garder soi-même, qu'est-il devenu ? Ils en ont fait un fardeau pour la classe la plus indigente des citoyens.

Diront-ils que c'est à leur zèle que nous devons la conservation de ce privilège que le militaire voit subsister avec un oeil d'envie et dont il a sollicité la destruction ? Hé ! Messieurs, vous avez conservé le privilège de faire garder les murs par vos perruquiers, par vos cordonniers et autres artisans, ou, pour mieux dire, par des vieillards infirmes qu'ils payent pour cela. Vous gardez, dites-vous, votre ville, et vous n'en gardez pas les clefs ? C'est à l'autorité militaire que doivent s'adresser pour entrer ou pour sortir, dans les nécessités les plus pressantes, des citoyens qui jouissent du droit de droit de se garder eux-mêmes.

Comment le peuple ne regarderait-il pas comme une surcharge un privilège dont les officiers municipaux et tous ceux qui sont destinés à entrer un jour dans la communauté de ville se disent exempts ? Exempts d'un privilège : l'expression n'est pas française au moins, et il y a bien d'autres reproches à lui faire ; on peut dire que tel homme est incapable ou indigne de jouir d'un privilège aussi honorable, mais non exempt.

S'il pouvait exister une liste de gens non contribuables à la garde de la ville, elle ne devrait être composée que de ceux qui avanceraient ne pas se sentir disposés à repousser par eux-mêmes l'ennemi en cas d'attaque. Il y a bien des années que je me récrie hautement contre cette étrange exemption et j'ai offert, tant pour vous que pour moi, de contribuer à ce service, non pas personnellement en temps de paix, puisque nos fonctions ne le permettent pas, mais par hommes en état de porter un fusil et s'en servir, qui seraient à notre solde.

Dernièrement encore, chez le seigneur évêque, où il y avait une nombreuse assemblée, je frondais la prétendue exemption et notre digne prélat déclara vouloir contribuer comme tous les autres habitants au service de la garde, soit en proportion de ses facultés pécuniaires, soit à raison du nombre des gens qui composent sa maison.

Messieurs du chapitre ne furent pas plutôt instruits de ce projet que, par délibération capitulaire du (en blanc), ils chargèrent leur député à la maison de ville de souscrire en leur nom la renonciation à une exemption aussi onéreuse à la classe des citoyens qui n'a d'autre ressource pour vivre que son travail journalier, et d'en faire déclaration à l'assemblée municipale.

Cette déclaration eût été faite en conséquence devant les municipaux s'ils avaient paru disposés à suivre le bon exemple qui leur était donné. Quelques-uns d'eux, mais en très petit nombre et hors l'assemblée, souscrivirent la renonciation. Mais les autres ont fait preuve qu'ils tiennent encore à l'ancien usage  ; ils ne sentent pas combien il est révoltant de charger sept ou huit cents journaliers, qui n'ont rien à garder, de la conservation des personnes et des biens de sept à huit mille citoyens ayant des héritages et coffres-forts à mettre en sûreté, et qui refusent d’y veiller par eux-mêmes ou par gens à leur solde.

Voilà ce qu'est devenu le privilège de se garder soi-même, tandis qu'il a été entre les mains de la municipalité, telle qu’elle a été composée. Mais ce n’est pas le seul reproche qu’il y ait à lui faire. Les municipaux, qui ont fait de si grands sacrifices pour écarter tous ceux qui par était pouvaient le mieux surveiller l'administration, n'ont fait aucune démarche pour écarter de leur assemblée le lieutenant pour le Roi à Saint-Malo. Que dis-je ? Il est sur la liste à la tête des officiers municipaux ; il n'est pas là seulement pour empêcher qu'il soit pris aucune délibération contraire à l'autorité du monarque et à ses droits ; il est vraiment le premier membre de la municipalité ; il donne sa voix avant les autres sur les affaires les plus minces comme sur les plus importantes.

On ne sait ce qu'admirer le plus, ou de la complaisance d'un militaire décoré, qui représente le Roi dans la ville et qui veut bien en être le premier échevin, ou de la faiblesse de nos tuteurs ; qui ont bien voulu associer à l'administration municipale un étranger, dont les intérêts sont nécessairement en opposition avec les nôtres.

Quel grand service nous ont encore rendu nos municipaux dans la circonstance actuelle ? La communauté, autrement composée qu'elle n'est, aurait fait valoir auprès du ministère l'importance d'une ville comme la nôtre et aurait réussi facilement à obtenir la députation aux Etats généraux d'un au moins et peut-être de deux députés, et que l'élection fût faite dans nos murs. Il faudra au contraire que douze députés de notre ville se déplacent et aillent porter leur voix à quinze lieues, sans espérer que nous soyons représentés par un de nos concitoyens à l'assemblée générale de la Nation.

La municipalité, qui convient dans une de ses délibérations du 12 novembre que les citoyens de toutes les classes doivent former une assemblée qui s'occupera du bien de tous, a eu deux occasions de mettre ce principe en pratique, mais ce n'est pas pour Saint-Malo qu'elle a parlé.

Le Roi a jugé que la représentation du Tiers n'était pas suffisante aux Etats de la province : il a voulu en conséquence, après l'ouverture des dits Etats, que les villes nommassent de nouveaux députés en nombre double de celui usité.

C'était bien là une circonstance pour nos municipaux d'appeler les corporations pour faire choix de ces députés, mais elle veut tout faire par elle seule. Après avoir reconnu que le vœu de Sa Majesté est que les citoyens de toutes les clases soient consultés sur l’intérêt commun, elle prend le parti de choisir, sans consulter personne, deux députés ; elle décide arithmétiquement que deux est le double de deux et les deux députés partent pour Rennes.

Là, dans l'assemblée du Tiers, on trouve que notre municipalité a fait une légère erreur de calcul et on prétend que le double de deux est quatre, on écrit à nos municipaux qui ont eu, par l'effet de leur distraction, une seconde occasion d'assembler les citoyens de toutes les classes ; ils n'en font rien et nomment seuls encore deux autres députés.

Enfin il a fallu un ordre exprès du Roi pour que toutes les corporations fussent appelées pour concourir à l'élection des députés aux Etats généraux ; ce n'est pas la faute de notre municipalité si nous ne sommes pas exclus formellement de ce droit, qui appartient à tous citoyens : elle demande en propres termes, dans ses deux délibérations du 12 novembre, que les sénéchaux et procureurs fiscaux des seigneurs fussent privés de toute représentation aux Etats particuliers de la province et aux Etats généraux.

Ce n'est certainement pas pour tirer vengeance d'une aussi étrange motion que nous nous déterminons à faire la critique de la forme municipale. Nous avons si longtemps méprisé cette exclusion de fait que nous aurions continué de la voir du même oeil encore si nous pouvions nous refuser au vœu des habitants de toutes les classes, qui veulent enfin sortir de la nullité où les tient la municipalité sur des affaires communes à tous.

Arrêtez donc, Messieurs, qu'il sera demandé dans le cahier du Tiers de cette ville que tous les corps et corporations seront désormais assemblés de trois ans en trois dans la forme prescrite par le règlement du vingt-quatre janvier dernier, pour élire par député tous les membres qui doivent composer l'assemblée du corps de ville.

Après vous avoir fait quelques observations, Messieurs, sur les vices de l'organisation du corps municipal, je vais parcourir très rapidement, parce que le temps ne permet pas de détail, les abus énormes de son organisation.

Toute comptabilité est suspecte du moment qu'elle est secrète : quiconque administre les deniers publics doit afficher aux yeux de tous l'état de la recette et de la dépense ; sur trente municipaux, il n'y en a pas, dit-on, six qui sachent en quoi consistent les revenus de la ville et encore moins leur emploi.

Pendant bien des années, le mauvais état de la banlieue, de nos quais, de nos rues annonçait que les revenus de la ville étaient insuffisants pour nous procurer les commodités dont jouissent les habitants des autres villes, bien moins importantes que la nôtre. En hiver nous n'étions pas éclairés, quoiqu'il y ait des fonds spécialement destinés et colloqués pour cela. Enfin un nouveau maire, depuis longtemps appelé en cette place par le vœu de tous ceux qui étaient privés de voix électives et qui plus d'une fois en avait été écarté par la brigue et par la cabale de quelques électeurs, nous a fait connaître, par les travaux publics qu'il a entrepris, quelles sont nos ressources lorsque les finances seront sagement administrées (voir note 1 qui suit) : il a substitué à des lanternes insuffisantes des reverbères que nous ne connaissions guère que de nom et dont plusieurs villes sentaient l'avantage depuis bien des années, quoiqu'elles eussent des revenus bien moindres (voir note 2 qui suit).

Note 1 : Sous l'administration du maire Le Breton, la ville de Saint-Malo a dépensé pour les banlieues et autres travaux publics : en 1780, 13.644 l. ; en 1781, 36.204 l. ; en 1782, 24.349 l. Reportons-nous maintenant à l'administration de Sébire : en 1786 il a été dépensé 23.174 l. « pour les réparations et entretiens des banlieues de la ville de Saint-Malo, tant par la route de Normandie que par celle de Bretagne, des pavés de la ville et du faubourg, » etc. ; en 1787, 38.498 l. ont été consacrées principalement « pour la refaite à neuf de la banlieue de Saint-Malo sur la route de Rennes. l'entretien de celle de Normandie » ; en 1788, une forte part des 50.503 l. spécifiées dans les dépenses a été consacrée à « la refaite à neuf de la banlieue sur la route de Rennes, reconstruction de la cale, vieux quai, réparation du pavé de la ville, de la chaussée de Saint-Servan, réparation des quais et fortifications... » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 815, Comptes de Saint-Malo).

Note 2 : Il y avait eu autrefois à Saint Malo, des lanternes que l'on allumait depuis la Toussaint jusqu’à Pâques et dont l'entretien se payait à l'aide d'un fonds spécialement affecté à cet usage ; mais, en raison du mauvais état des finances de la ville, de la hausse du prix des suifs et de la réduction d'une rente payée par le Roi à la ville pour un prêt qu'elle avait fait au Trésor en 1698, la municipalité décida, le 19 octobre 1771, de supprimer l'éclairage. A la suite d'une plainte adressée sur ce point par le subdélégué Gautier à l'Intendant, celui-ci écrivit le 20 octobre 1781 à la municipalité pour l'inviter à rétablir l'éclairage (Ibid., C 445).

C'est encore à l'honnêteté du maire actuel que nous devons la connaissance de quelques autres abus commis par ses prédécesseurs. Il fut question, dans les premiers jours de sa nomination, de lui faire signer, suivant l'usage, une quittance de huit cents livres pour intérêts d'un capital supposé par lui prêté pour les besoins de la ville ; il rejeta avec indignation la proposition et est, dit-on„ parvenu, à forcer ses devanciers à restituer une aussi indigne perception.

Nnus ne serions certainement pas si pressés de réclamer la réforme de la composition de la municipalité et de son administration si Sébire devait rester longtemps chef de cette assemblée ; mais ce n'est que par complaisance qu'il a bien voulu continuer ses fonctions pendant une année, attendu les circonstances ; la prudence ne nous permet donc pas de négliger l'occasion qui se présente aujourd'hui d'attaquer des abus dont il n'a pas pu seul détruire la source et qui renaîtront dès qu'il aura quitté sa place.

Les entrées de ville sont portées à un point qui étonne les étrangers ; ce sont des impôts sur les denrées et objets de première nécessité, qui surpassent les taxes ordinaires que supportent les habitants de la France [Note : En ce qui concerne les droits d'entrée à Saint-Malo et Saint-Servan, voy. aussi cahiers de Saint-Malo et Saint-Servan].

Comment ces impôts ont-ils été établis ? Quel en a été l'objet ? Quels sont les habitants qui y ont consenti ? On n'a sur le tout que des connaissances vagues et imparfaites. Certainement quiconque paye une taxe doit savoir au moins en vertu de quoi il la paye, à quelle dépense utile à tous elle est destinée et quel doit être à peu près le terme du payement.

On assure que certains droits d'entrée ont été établis pour la construction de quelque partie des murs, de quai, de chaussée, etc., mais, lorsque ces ouvrages sont achevés et payés, à quoi bon faire durer au delà la contribution ?

On dit aussi qu'une forte partie de nos revenus tourne au payement d'appointements d'un gouverneur qui nous gouverne de loin, que nous ne voyons pas, et de commandants que nous ne voyons guère (voir note qui suit). Mais les municipaux, par leur étrange apathie sur un abus aussi révoltant, feraient croire au bruit populaire suivant lequel ils ne sont pas plus grevés par les entrées de ville qu'ils ne le sont par la capitation, dont ils sont en possession de faire eux-mêmes l'égail sans consulter, comme on le fait partout ailleurs, des gens de toutes professions sur les facultés de leurs confrères.

Note : Le maire Sébire, dans sa lettre da 26 mars 1786, dit à ce sujet : « La ville de Saint-Malo payait autrefois à MM. ses Gouverneurs la moitié de ses revenus patrimoniaux. 2.000 l. de logement et 600 l. de bois de chauffage. A force de représentations, elle ne paye plus depuis 1776 à M. son Gouverneur qu’une somme fixe de 5.550 l., sans aucune retenue. Quoique les revenus de la communauté soient par là bien moins grevés, on peut cependant dire que la place de gouverneur est sans aucunes fonctions à l'égard de la ville de Saint-Malo. Depuis cinquante ans, elle a eu cinq gouverneurs, dont elle n’en a vu ni connu un seul, quoique, depuis ce nombre d’années, la France ait essuyé trois guerres avec l’Angleterre. En 1758, les ennemis de l’Etat firent deux descentes sur les côtes de Saint-Malo, et elle n’eut point le bonheur de posséder son gouverneur » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 3932). En 1789, c’était le marquis de Roncheroles qui était gouverneur de Saint-Malo (Almanach de Bretagne de 1789).

Au surplus, on ne sera en état de prononcer sur cette partie intéressante de l'administration municipale que quand ses comptes seront soumis, comme ils doivent l'être, à l'examen de tous les citoyens, qui, pendant un délai fixe, auront la faculté de les voir dans un dépôt public et de faire leur observation ensuite en présence des juges ordinaires. C'est à ceux-ci qu'il appartient d'inspecter cette comptabilité, si enfin les règles du bon sens et de la justice succèdent aux nombreux travers de l'arbitraire. Il était commode pour les municipaux de rendre leurs comptes par devant les commissaires départis, mais il faut au moins avoir les connaissances locales pour pouvoir régler des comptes de cette espèce. Dira-t-on qu'ils peuvent se procurer des instructions par leurs subdélégués ? Mais c'étaient précisément les maires de Saint-Malo qui étaient subdélégués ; il n'y a pas longtemps que cet incroyable abus subsistait encore, et il peut renaître demain (voir note qui suit).

Note : L'intendant de Bretagne écrit, le 5 mars 1770, à M. de Boisglé, qui quitte à ce moment la mairie de Saint-Malo : « ... J'aurais désiré que vous eussiez continué de vous charger des affaires de la subdélégation ; mais, comme elles passent depuis longtemps entre les mains du nouveau maire, j'ai proposé à M. Le Breton de vous succéder en qualité de mon subdélégué » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 432). Après Le Breton, les fonctions de maire et de subdélégué furent distinctes ; la subdélégation fut donné à Lorin, puis, en 1781, pendant quelques mois, à l’avocat Gautier, lequel eut pour successeur Pierre-Louis Robert de la Mennais, négociant, gendre de Lorin, et pére du célebre Félicité de la Mennais (Ibid., C4).

Arrêtez donc, Messieurs, qu'il sera demandé par le cahier du Tiers Etat de cette ville qu'à l'avenir les comptes de l'administration de la municipalité seront rendus publics par le dépôt qui en sera fait tous les ans en votre greffe pour y être examinés par tous les citoyens qui le désireront, et cela pendant quinze jours, avec faculté qu'ils auront de fournir des débats sur chaque article qui en sera susceptible, pour les dits comptes être ensuite réglés par vous et sans frais.

D'après les réclamations légales faites de toutes les parties du royaume et connues par la voix de l'impression, nous pourrions peut-être nous dispenser de nous occuper d'objets généraux. Néanmoins il en est un si important que nul ne peut se dispenser de s'en occuper : je veux parler de la consolidation de la dette nationale ; quelqu'énorme, quelqu'illégale qu'elle soit, nous [ne] pouvons la désavouer, il y aura de grands sacrifices à faire pour s'en charger, mais l'honneur de la Nation française ne permet ni calcul ni raisonnement sur ce point.

Arrêtez donc que, dans le cahier du Tiers Etat de cette ville, il sera consenti à la consolidation de la dette nationale et fait soumission de l'acquitter dans les proportions et par les moyens qui seront réglés par les Etats généraux. Et a déclaré le dit sieur procureur fiscal nommer pour députés du siège à l'assemblée générale de cette ville qui tiendra après-demain Monsieur l'alloué et Monsieur le lieutenant, et a signé.

Les sièges réunis, faisant droit sur les réquisitoires du procureur fiscal, ont nommé et député le lieutenant et le procureur fiscal de la juridiction ordinaire pour se transporter à l'assemblée générale de cette ville, qui tiendra après-demain à l'hôtel des communes, à l'effet de requérir qu'il soit demandé dans le cahier du Tiers Etat de cette ville :

Premièrement. — Que tous les corps et corporations seront désormais assemblés de trois ans en trois ans, et toutes les fois que besoin en sera, dans la forme prescrite par les anciens règlements et celui du vingt-quatre janvier dernier, pour élire les membres qui doivent composer l'assemblée municipale.

Deuxièmement. — Qu'à l'avenir les comptes de l'administration de la municipalité seront rendus publics par le dépôt d'un double, qui sera fait tous les ans au greffe du siège pour y être examiné par tous les citoyens qui le désireront, et cela pendant quinze jours, avec faculté qu'ils auront de fournir des débats sur chaques article qui en sera susceptible, pour les dits comptes être ensuite réglés par les juges à qui la connaissnce en appartient et san frais.

Troisièmement. — Que, dans le dit cahier du Tiers Etat, il soit consenti à la consolidation de la dette nationale et fait soumission de l'acquitter dans les proportions et par les moyens qui seront réglés par les Etats généraux ; et au surplus pour les dits députés concourir avec les autres membres de la dite assemblée à la rédaction de leur cahier de doléances, plaintes et remontrances, et, après la rédaction dudit cahier à l'assemblée qui sera tenue par Monsieur le sénéchal de Rennes le sept avril prochain, donner aux dits députés tous pouvoirs généraux et suffisants de proposer et remontrer, aviser et consentir tout ce qui peut concerner les besoins de l'Etat, la réforme des abus, l'établissement d'un ordre fixe et durable dans toutes les parties de l'administration, la prospérité du Royaume et le bien de tous et de chacun les sujets du Roi, promettant les dits sieurs agréer et approuver tout ce que les dits députés qui seront nommés auront fait, délibéré et signé en vertu des présentes, de la même manière que si les dits sieurs comparants y avaient assisté en personne.

Fait et arrêté en la chambre du conseil à Saint-Malo, ce trente mars 1789.

[Signatures de de Brécey, Rocher, Proust fils].

 

AMIRAUTÉ.

PROCÈS-VERBAL. [Registre d'audiences de l'Amirauté de Saint-Malo, du 18 mars 1788 au 30 juin 1792 (Arch. dép, d’Ille-et-vilaine, série B, fonds de l'Amirauté de Saint-Malo, déposé au greffe du Tribunal de commerce de cette ville), fol. 35 v°.]. — Assemblée à l'auditoire de l'Amirauté, le 30 mars, sous la présidence de M. de Launay, lieutenant général (84). — Comparants : Frostin de la Binolay, lieutenant particulier et alloué (17) ; De Fredot du Planty, conseiller, les trois autres charges de conseillers étant vacantes ; Bossinot de Vauvert, avocat et procureur du Roi (39) ; Vincent, interprète et courtier (39) ; Caruel, aussi interprète et courtier et de plus huissier visiteur (36), les autres charges d'huissiers et sergents étant vacantes ; Dutuit, commis juré à l'exercice du greffe (capité avec sa femme, marchande de morues, 9). — Députés : le siège royal de l'Amirauté désigne Bossinot de Vauvert et De Fredot du Planty pour le représenter à l'assemblée qui se tiendra le 1er avril à l'Hôtel de Ville de Saint-Malo, « parce que néanmoins les présentes vaudront protestation au nom du siège contre la présidence accordée en cette occasion au maire ou autres officiers municipaux, les officiers de l'Amirauté ne députant à l'assemblée dont il s'agit que pour se conformer aux vues de Sa Majesté et sans que leur démarche puisse leur être opposée en aucun cas, vu qu'elle n'est déterminée que par les circonstances ».

 

CONSULAT DE SAINT-MALO.

SUPPLIQUE AU ROI DU CONSULAT DE SAINT-MALO, du 25 octobre 1788.
(Arch. Nat., H 563, pièce 162).

Note : Une copie de cette supplique fut adressée à Necker par les Consuls de Saint-Malo, qui lui écrivirent une lettre, datée du 25 octobre et débutant ainsi : « Nous avons l'honneur de remettre à Votre Grandeur copie de la requête que nous avons fait passer à M. Dupeuty, avocat, pour être présentée au Roi et à Nosseigneurs de son Conseil, à l’effet d’abtenir de Sa Majesté qu'Elle veuille bien permettre que le Commerce du royaume ait la faculté d'élire des députés de son corps pour le représenter dans l’assemblée prochaine des Etats généraux, et que le Commerce de cette ville jouisse de l’avantage de choisir un de ces députés parmi ses négociants… » (Arch, Nat., H 563, pièce,. 161). Cette lettre est signée de Quesnel, prieur ; Marion ancien prieur; Porée du Breil, deuxième consul ; Jean Duguen, procureur du Roi.

Au Roi et à Nosseigneurs de son Conseil.
SIRE,
Le siège royal du Consulat de Saint-Malo supplie Votre Majesté de daigner prendre en considération ses très humbles représentations en faveur du commerce, dont les intérêts lui sont confiés.

Vous avez daigné, Sire, annoncer comme prochaine l'époque des Etats généraux si universellement désirés ; de cette assemblée nationale, dont tous les bons Français espèrent que le premier effet sera la libération de l'Etat, la réforme des abus, le soulagement des malheureux, la renaissance enfin de ces vertus antiques, sans lesquelles l'Etat le plus nombreux n'est qu'une masse incohérente, de ces généreuses vertus qui pénètrent les hommes du noble enthousiasme de l'ordre et du bonheur général, par l'oubli même du mince intérêt personnel.

Dans cette auguste assemblée, où la Nation verra avec attendrissement son Souverain, son père au milieu d'elle, où tous les ordres de l'Etat s'empresseront de vous donner, Sire, les preuves les plus touchantes de l'amour qui caractérisa toujours le peuple français où s'agiteront les plus grands intérêts de Votre Majesté et ceux de ses plus fidèles sujets, qui en sont inséparables, les intérêts du commerce ne sauraient être oubliés.

Le temps n'est plus, Sire, où son existence pouvait être indifférente à la Nation. A l'époque même des derniers Etats généraux, en 1614, le commerce, encore au berceau, borné à une simple circulation intérieure ou à la seule consommation locale, ne pouvait avoir l'influence que depuis lors il a acquise sur la richesse de l'Etat, le bien-être de la Nation, la prospérité de la chose publique.

Dans ces temps reculés, le commerce n'était rien. Colbert ne l'avait pas encore tiré du néant ; il n'avait pas encore donné à nos manufactures l'impulsion qui les a portées ensuite au degré de perfection que quelques-unes ont acquis.

On n'avait pas l'idée de ces vastes spéculations, de cette combinaison d'opérations, qui sont la science du vrai négociant, science déjà si perfectionnée en Europe, mais pour laquelle nous n'hésitons pas de dire que les Français ont encore tant à désirer.

D'ailleurs, point de navigation : les colonies n'existaient pas encore pour nous. Cependant les Espagnols s'étaient déjà emparés de ces mines fameuses, dont ensuite notre industrie a su s'approprier une partie des produits ; mais nous ne soupçonnions pas qu'on pût tirer de l'Amérique d'autres richesses que des métaux.

Il n'est donc pas étonnant que, dans ce faible état du commerce, les intérêts ne parussent pas exiger qu'il eût des représentants aux assemblées nationales. Mais, Sire, les changements survenus depuis cette époque rendent sa position bien différente. Nos manufactures se sont accrues, nos colonies se sont formées ; de faibles établissements, dus en partie au hasard ou à des aventuriers obscurs, ont enfanté progressivement ces riches possessions, dont les productions ont étendu notre commerce chez toutes les nations de l'Europe et ont fourni pendant longtemps à nos ports l'aliment d'une navigation considérable.

La population de nos colonies s'est accrue avec les cultures, qui ont elles-mêmes multiplié les riches produits du sol américain, et cet accroissement respectif, en même temps qu'il versait des sommes énormes dans le trésor de l'Etat, avait donné une nouvelle énergie aux fabriques et à l'agriculture nationales, alors chargées de procurer à cette brillante portion de l'Empire français, établie au delà des mers, tous les objets de nécessité, de commodité, d'agrément, en échange de denrées dont l'habitude a fait un besoin.

Mais l'industrie européenne ne se borna pas à demander des productions à la terre ; elle voulut encore s'enrichir de celles de la mer.

De là, l'établissement des différentes pêches, tant sur les côtes du continent et des îles de l'Amérique septentrionale que sur le grand Banc de Terre-Neuve.

Les Français furent des premiers à prendre part à celle de la morue, et nos concitoyens surtout ont cultivé, dès son origine, cette laborieuse branche de navigation, qui a formé pour l'Etat ces marins intrépides, dont notre patrie s'est quelquefois glorifiée ; cette navigation, dont Votre Majesté connaît l'importance et qu'en cette considération Elle a daigné honorer de sa protection, qui seule peut la soutenir contre les efforts toujours incessants de la concurrence étrangère.

Mais le commerce, qui établissait des relations entre tous les hommes, qui unissait entre elles les nations les plus éloignées, qui enrichissait les unes du superflu des autres, qui portait en tous lieux l'abondance avec l'industrie, le commerce fit naître des jalousies et des discordes. Les souverains eux-mêmes y prirent part ; et, quand leurs armées cessèrent de combattre pour étendre les bornes de l'empire, elles se battirent avec acharnement pour accroître le commerce de la Nation.

Ce n'est pas la seule marque que le commerce ait reçu de la protection de nos Rois, à mesure que son importance le leur rendait plus cher. Il était encore peu de chose lorsque Charles IX, convaincu de la nécessité de soustraire les affaires mercantiles à la lenteur et aux frais des procédures ordinaires, avait institué les juridictions consulaires, que plusieurs de ses augustes successeurs se sont plu à multiplier dans le royaume, et dont vous-même, Sire, avez daigné augmenter le nombre dans cette province en créant le siège de Lorient (voir note qui suit). Destinés à rendre au commerce une justice et célère et gratuite, ces tribunaux se sont constamment attachés à remplir avec autant de zèle que d'équité les nobles fonctions qui leur sont confiées, et le commerce, qui en reconnaît de plus en plus l'utilité, bénit chaque jour et la personne et la mémoire des souverains qui les instituèrent.

Note : Le consulat de Saint-Malo avait été créé en 1594 et sa juridiction s’étendait sur assez grand nombre d'autres villes, comme Dol, Dinan, Lamballe. etc. Voy. à ce sujet un mémoire de 1756 (Arch. d’Ille-et-vilaine. C 1578), cité ci-dessus, t. II, p 454, n. 1. — En 1768, les commercants de Lorient avaient demandé l’établissement d’une juridiction consulaire ; le consulat de Lorient fonctionnait régulièrement en 1783 (Arch. d’Ille-et-Vilaine. C 1578).

L’érection des chambres de commerce fut un nouveau bienfait de Louis XIV. Chargés de représenter à l'administration les intérêts et les besoins du commerce, de l'éclairer sur les surprises auxquelles elle a toujours été exposée par le grand nombre de gens intéressés à la tromper ; formés d'ailleurs, en chaque place, de l'élite des négociants honnêtes, instruits et expérimentés, ces établissements paraissaient destinés à devenir, en quelque sorte, le conseil du ministère pour tous les objets relatifs au commerce, et, si les chambres ou les sièges consulaires eussent été consultés en certaines occasions intéressantes, si du moins on eût voulu avoir quelque égard aux réclamations qu'ils ont fait entendre tant de fois, ah ! Sire, nous osons le dire, le commerce aurait moins à gémir, et peut-être la Nation entière aurait-elle moins à regretter.

Il est donc évident que, dans le système actuel de l'Europe, la prospérité de l'Etat et celle du commerce se trouvent liées très intimement sous le rapport des richesses que celui-ci procure, de l'agriculture qu'il encourage, de la navigation qu'il fomente, de l'industrie qu'il excite, des bras qu'il emploie dans tous les genres.

De ces rapports dérive la science des intérêts du commerce, science, nous osons le dire, devenue infiniment importante, et par l'étendue des objets qu'elle embrasse, et par l'influence immédiate du commerce sur le bonheur, la fortune, l'existence même d'un très grand nombre de sujets de Votre Majesté.

Mais, pour que vous puissiez, Sire, prendre ces intérêts en considération dans l'assemblée des Etats généraux, il est indispensable qu'ils y soient discutés avec précision, il faut en développer les rapports compliqués et entrer en des détails que peuvent seuls connaître ceux qui, avec les lumières, la sagacité, les talents nécessaires, auront joint à leur longue expérience dans le commerce une étude profonde et réfléchie de ses vrais principes, de ces maximes fondamentales, qui, modifiées pour chaque branche individuellement, font prospérer l'ensemble, des abus tant généraux que particuliers qui s'opposent à ses progrès, des entraves enfin, qui, par de minces vues fiscales, et souvent sans aucun but apparent, gênent cette liberté sans laquelle il n'est pas même possible que le commerce existe.

Telle est, Sire, l'esquisse rapide de la tâche qui doit être imposée aux représentants du commerce. Eh ! qui pourra la remplir convenablement, si ce n'est d'habiles négociants ?

En rendant justice aux talents, à la capacité, au zèle des députés du Tiers Etat, qui, appelés par leur place à cette fonction, sont ordinairement élus parmi MM. les maires et officiers municipaux des villes, nous ne pouvons nous empêcher d'observer qu'on ne saurait exiger d'eux qu'ils soient versés dans la science du commerce. Choisis communément en des classes si étrangères à cette profession, des militaires, des juges, des avocats se trouveront souvent arrêtés sur nombre d'objets intéressants, qui ne peuvent être familiers qu'à des négociants consommés ; et vos vues paternelles, Sire, ne seraient pas satisfaites, si ces grands intérêts, étant imparfaitement traités ou faiblement approfondis, il en résultait que l'Etat ne retirât pas tout l'avantage qu'il a droit d'attendre d'un commerce national, florissant et étendu.

Si votre sagesse, Sire, daigne approuver cette très humble supplication du commerce, nous n'osons présumer qu'elle éprouve d'opposition de la part d'aucun des ordres de l'Etat, qui doivent y reconnaître le but d'utilité générale dont elle est animée. On n'aurait à y objecter que l'usage ou la forme antique ; mais qu'est-ce qu'une variation dans la forme, quand le fond n'en est pas altéré, quand d'ailleurs elle est nécessitée par de puissants motifs, de grands changements dans les circonstances, et qu'elle devient un acheminement au meilleur ordre des choses, au plus grand bien de l'Etat et au bonheur public ?

Ces considérations, Sire, dont l'objet est si important pour le commerce, nous encouragent à supplier Votre Majesté, avec toute la confiance que nous inspirent ses bontés paternelles, de vouloir bien ordonner que, lors de la convocation prochaine des Etats généraux, le commerce du royaume ait la faculté d'élire légalement des députés pour le représenter en cette assemblée ; que la place de Saint-Malo jouisse de l'avantage de choisir un de ces députés parmi ses négociants, et qu'ils soient admis aux Etats généraux avec voix délibérative pour y discuter sous vos yeux, Sire, et sous ceux de tous les ordres de la Nation les moyens de porter le commerce français au plus haut degré de splendeur et d'accroître les richesses qu'il doit procurer à l'Etat. Nous redoublerons nos vœux pour la conservation des jours précieux de Votre Majesté, la gloire et la prospérité de son règne.

 

MAITRES APOTHICAIRES.

Demandes des maîtres apothicaires formant la communauté de pharmacie établie à Saint-Malo et Saint-Servan.
(Feuillet incomplet appartenant à M. le docteur Hervot, médecin en chef de l'Hôtel-Dieu de Saint-Malo, qui nous l'a très obligeamment communiqué).

Ils prient MM. les rédacteurs du cahier de doléances pour la ville de Saint-Malo de demander en leur nom :

1°— Qu'il soit établi un nouvel ordre dans les finances du Royaume ; que cet ordre soit conçu et fixé de manière à écarter à jamais du cœur du meilleur des Rois les inquiétudes qui l'ont affligé depuis quelques années.

2° — Que les comptes de l'administration des finances soient désormais tenus en partie double ; qu'ils soient imprimés annuellement, pour que chaque citoyen soit à même d'en connaître tous les détails.

3° — Qu'il ne soit établi aucun impôt sans le consentement de la Nation rassemblée, dont le Tiers Etat forme la partie la plus essentielle.

4° — Que les Etats généraux soient périodiquement fixés à des époques rapprochées.

5° — Que les privilèges de la Bretagne soient maintenus et conservés, parce que néanmoins le Tiers Etat assistera aux Etats de cette province en nombre suffisant et égal à celui des deux ordres de l'Eglise et de la Noblesse réunis ; que le suffrage par ordre n'aura plus lieu, et qu'on ne comptera plus les voix que par individu.

6° — Que les fonds de la province ne seront plus dissipés avec la prodigalité qu'on a mise jusqu'ici dans leur emploi, et que les établissements qui seront désormais fondés soient également à l'avantage du Tiers Etat, comme ils l'ont été jusqu'ici pour les deux autres ordres, à l'exclusion du troisième.

7° — Que la province soit ouverte par le moyen des eaux navigables [Note : Le mot navigables a été ajouté en interligne, de la même écriture que celle du titre] dont l'établissement est inefficacement projeté depuis plusieurs années.

8° — Que la circulation des marchandises ne soit plus arrêtée dans l'intérieur du Royaume par les barrières et les bureaux de douane, qui seront désormais reculés aux frontières du Royaume.

9° — Que le fermier des devoirs de la province n'exerce plus un pouvoir despotique dans la forme de procéder qu'il emploie contre les prévenus de fraude : il faudra chercher un moyen qui concilie à la fois les intérêts de la ferme [Note : Le cahier portait d'abord « les droits du fermier », mais l'auteur de la correction précédente a biffé le mot « droit », a mis au-dessus de la ligne le mot « intérêts » et a transformé « du fermier » en « de la ferme »] et qui ne porte pas atteinte à la liberté et à la facilité que chaque citoyen doit avoir de se défendre.

10° — Que les codes civil et criminel soient réformés, la procédure simplifiée, les moyens d'obtenir justice plus courts et moins dispendieux.

11° — Que les privilèges de Saint-Malo soient conservés à cette ville, attendu que tous ses habitants sont pénétrés des mêmes sentiments de dévouement et de fidélité qui ont mérité à leurs ancêtres les glorieuses prérogatives qu'ils ont reçues en différents temps des Souverains.

12° — Que les abus sans nombre qui se sont glissés dans la formation de la municipalité et dans les opérations de ses membres soient réformés.

13° — Que cette administration cesse d'être la proie de quelques familles qui s'en sont emparées, et dans laquelle ils se perpétuent, à l'exclusion de la majeure partie des habitants.

14° — Que les comptes des revenus de ce corps politique soient tenus avec la même précision que ceux des finances du Royaume et de la province ; qu'ils soient annuellement imprimés, et que chaque citoyen soit à même...

(H. E. Sée).

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