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SAINT-NÉRIN

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SAINT NÉRIN.

Saint Nérin est l'éponyme de la paroisse de Plounérin, petit village, situé sur la hauteur, à 14 kilomètres en ligne droite au sud de la Lieue-de-Grève, canton de Plouaret. Cette paroisse s'appelait Ploenerin à la fin du XIVème siècle. On retrouve encore cette forme en 1444 (A. LONGNON, Pouillés de la province de Tours, p. 345 et 347) et dans un acte de 1537 conservé dans les archives de M. René Le Guen, au bourg de Plounérin. Saint Nérin a toujours été le patron de l'église paroissiale. La statue que Gaultier du Mottay notait en 1869 (Iconogr. et hagiogr. bret., p. 66) a été remplacée par une statue neuve, mais le saint y est toujours représenté avec les mêmes attributs épiscopaux, mitre et crosse. En 1759, les archives de la fabrique, qui s'appelle fabrique de Saint-Nérin, mentionnent un legs par testament de 6 sols et 20 sols à Saint-Nérin (Arch. Dép. C.-d.-N., G. Plounérin). A aucun moment le souvenir du saint patron de la paroisse n'a disparu ; le prénom de Nérin est encore porté, en 1919 le recteur m'a signalé qu'un réformé de la Grande Guerre le portait et que l'on venait d'imposer ce nom à un enfant nouvellement baptisé.

M. Joseph Loth n'a tenté aucune interprétation de ce nom qui semble inexplicable (Ns., p. 97) ; il n'existe pas comme nom de famille, on ne peut établir de rapprochement avec aucun autre nom, et l'on n'a pas de forme ancienne.

Je suis passé à nombreuses reprises à Plounérin, sans jamais y séjourner, ce qui fait que j'ai bien peu de renseignements sur ce saint. En avril 1912, je vis le vicaire. Il me dit qu'il ne savait rien sur saint Nérin, si ce que le saint avait sa statue dans l'église, et qu'il était représenté, aussi avec crosse et mitre sur une bannière datant d'une trentaine d'années. Le vicaire me promit de me copier un cantique ancien que chantait une vieille femme ; il ne savait pas grand'chose sur ce cantique, quoiqu'il en soit, il ne me l'envoya pas, soit qu'il n'ait pas retrouvé la vieille chanteuse, soit qu'il se soit aperçu que ce cantique ne concernait pas saint Nérin [Note : Je crois qu'il s'agit de la chanson satirique concernant la chapelle Saint-Kirio et les protestants, voyez à notre chapitre sur S. Kirio].

En août 1919, je revins à Plounérin, j'eus le bonheur d'y rencontrer l'abbé Le Bescond, qui est un fervent de nos vieux saints locaux, et qui a fait de l'église de Plounérin, le sanctuaire dédié aux saints compagnons de saint Efflam, grâce aux superbes verrières qui décorent maintenant l'église [Note : Les numéros de Kroaz ar Vretonned, ont beaucoup parlé de ces verrières élevées par souscription publique (années 1919 et 1920). Voir aussi le Bulletin paroissial de Plounérin, 1919-1920]. M. l'abbé Le Bescond m'assura que la tradition existait encore très pure et très ferme, de saint Nérin venu avec saint Efflam. Il me dit que saint Nérin avait sa fontaine à quelques kilomètres sud du bourg, au pied de la montagne, et qu'il se proposait de la faire restaurer. Enfin, l'abbé Le Bescond me détailla toute la verrière consacrée aux compagnons de saint Efflam : un médaillon représente saint Nérin apprenant les petits enfants à prier, un autre représente saint Nérin sacré évêque, un troisième enfin représente le saint priant pour les enfants de la paroisse morts au champ d'honneur pendant la Grande Guerre [Note : Tout ceci a été résumé dans un article de Kroaz ar Vrelonned, 20 a vezeven 1920. L'abbé Le Bescond m'avait ajouté verbalement que S. Nérin avait dû apporter le culte de N.-D. de Bon Voyage, qui a en effet une chapelle en Plounerin, le long de la grand'route Paris Brest. C'était une supposition faite d'après la N.-D. de Pitié qui selon le dernier cantique de S. Efflam aurait été apportée par S. Carré. Voyez notre chapitre sur S. Carré].

Malheureusement, on est obligé de le dire, la légende de saint Nérin compagnon de saint Efflam est une légende récente. Elle est issue du cantique En Enor da zent Koz Plistin, le nouveau cantique de saint Efflam, composé par l'abbé Joncour et imprimé en 1807. Car tous ceux qui s'étaient occupés de saint Nérin antérieurement à ce cantique ont ignoré ce détail. Ils avaient puisé leurs renseignement auprès du Clergé local, qui ne leur a pas parlé de saint Efflam. Voici ces notices :

TRESVAUX, op. cit., I, p. LXIII (1836) : Saint Nérin, c'est le patron de la paroisse de Plounérin, autrefois du diocèse de Tréguier, aujourd'hui du diocèse de Saint-Brieuc. Il est honoré comme évêque et sa fête se célèbre le troisième dimanche de mai. La tradition du pays porte qu'il vint dans cette paroisse et qu'il y mourut. On croit qu'il était de Grande-Bretagne et qu'il se réfugia en Armorique lors de l'invasion des Saxons ; mais on n'a rien de certain touchant son histoire, et l'Anglia Sacra de Warton, ouvrage estimé, ne cite aucun évêque de ce nom.

GAHADY, op. cit., p. 119 (1839) : Saint Nérin, évêque, 3ème dimanche de mai. La tradition du pays enseigne qu'il était de la Grande-Bretagne, qu'à l'époque de l'invasion des Saxons, il se réfugia dans l'Armorique, se fixa dans la commune qui a pris son nom et qu'il y mourut.

JOLLIVET, Géographie des C.-d.-N., IV, p. 160 (1859) : Plounérin = paroisse de Nérin. La tradition du pays nous apprend qu'il était de la Grande-Bretagne, qu'à l'époque de l'invasion des Saxons il se réfugia dans l'Armorique et se fixa dans la commune qui porte aujourd'hui son nom, où il mourut.

GAULTIER DU MOTTAY, Iconogr et hagiogr. Bret., p. 66 (1869) : Saint Nérin, Sanctus Nerinus, évêque, VIIème s., 15 mai. En ornements pontificaux, mitré, crossé, bénissant, à Plounérin, dont il est patron.

Il n'y a d'ailleurs, de ces quatre notices, que celle du chanoine Tresvaux qui ait de l'intérêt, et elle mérite toute notre attention, car nous savons que parmi les prêtres auxquels le chanoine Tresvaux avait demandé des renseignements, se trouvait au premier rang l'abbé Le Quéméner, recteur de Plounérin (TREVAUX, op. cit., I, p. IX, n. 2.) ; les autres notices semblent inspirées de la première ; quoiqu'il en soit, elles suffisent pour montrer qu'à cette époque on ne rangeait pas Nérin parmi les compagnons de saint Efflam. Nérin compagnon de saint Efflam est donc, une fausse légende de création moderne qu'il faut rejeter.

Saint Nérin est le patron de Plounérin. Venu de Grande-Bretagne, comme il l'a été dit par le chanoine Tresvaux, ou venu d'Irlande, c'est-à-dire venu d'une façon comme de l'autre, des îles, de même que la plupart des saints armoricains, nous ne savons pas s'il est venu avec saint Efflam ; l'on serait d'autant moins fondé à le croire qu'il n'existe pas, ou tout au moins, il n'existe plus, à proximité du rivage de la Lieue-de-Grève de chapelle ou de nom de lieu, rappelant que c'est à la Lieue-de-Grève qu'il a abordé. Il a pu aborder en tout autre endroit, et par conséquent en dehors de la petite troupe qui accompagnait saint Efflam.

Saint Nérin, évêque.

Ce détail iconographique doit retenir l'attention. Beaucoup de saints bretons en dehors de ceux qui ont été évêques d'évêchés connus, sont représentés avec les attributs épiscopaux [Note : On en trouvera de nombreux exemples dans GAULTIER DU MOTTAY, op. cit.]. Il est probable que pour beaucoup de ces statues, il n'y a là qu'une simple légende iconographique et cependant il semble très difficile d'en faire la règle générale concernant toutes les statues mitrées et crossées. Il y a d'abord un principe de statuaire qui s'oppose à cela : le sculpteur, qui exécute la statue d'après la commande du clergé ou des fabriques, aurait hésité à ajouter de lui-même des attributs aussi significatifs, réservés à des personnages trop spéciaux dans la hiérarchie ecclésiastique. Le sculpteur ne manquait pas de ressources s'il ne savait rien sur son saint, il pouvait le représenter en ermite, un livre à la main ; en second lieu, le clergé, ne se serait pas prêté à une usurpation de ce genre [Note : Malgré tout ce que l'on dit du clergé local désireux de rehausser son saint paroissial, une telle pensée a trop souvent fait défaut aux prêtres bretons], et le peuple n'aurait pas accepté de bonne grâce une telle innovation : le saint représenté comme évêque n'était plus le petit saint local, il devenait le, grand personnage ecclésiastique étranger à la paroisse. Un autre argument doit retenir ceux qui voudraient voir là une légende iconographique : les évêques étaient excessivement nombreux dans l'Eglise celtique ; la plupart des abbés avaient la dignité épiscopale et en dehors de ceux-ci, tant en Irlande que dans l'Ile-de-Bretagne, les évêques étaient en nombre considérable [Note : Cf. DOM GOUGAUD, Les Chrétientés Celtiques (Paris, 1911, in-12°), p. 212 et seq. En Irlande, il y avait autant d'évêques que de rois. Au sujet des évêques abbés, cf. à titre de curiosité, et que l'on pourrait prendre comme dernier écho : TRESVAUX, op. cit., p. LVII, S. Kirio « une statue qui le représente en évêque ou peut-être en abbé, car en Bretagne on donne souvent le même costume aux uns et aux autres »]. C'est aussi en nombre considérable que des évêques Irlandais ont émigré et sont descendus en Gaule avec leur titre plus ou moins précaire d'évêque ; ils ont été connus sous le nom d'episcopi vagantes ; plusieurs conciles ont eu à se prononcer contre eux [Note : Les episcopi vagantes ont été excessivement nombreux. DOM GOUGAUD, Ibid., p. 153-155, et BOISSONNADE, Les Relations entre l'Aquitaine, le Poitou et l'Irlande, du Vème au IXème s. (Société des Antiq. de l'Ouest, IV, 1917, pp. 187, 196, 197). L'exemple. le plus connu est S. Roman de Mazerolles, VIIème s., qui précisément est déjà appelé Sanctus en 673. — Il y a eu des episcopi vagantes français. S. Dié, évêque de Nevers au VIIème s., quitta son diocèse pour se consacrer à la vie solitaire dans les Vosges]. L'Armorique, qui a reçu un grand nombre de saints irlandais, a dû aussi recevoir bon nombre de ces episcopi vagantes, et ces évêques canonisés comme le fut l'évêque irlandais saint Roman de Mazerolles, qui lui, est un personnage historique, ont gardé dans la mémoire du peuple comme dans l'iconographie, les attributs de leur dignité épiscopale.

Telle doit être pour la plupart de nos saints bretons l'origine de leurs attributs pontificaux. La légende iconographique doit être rare, exceptionnelle. Cette constatation entraîne deux conséquences : 1° ces episcopi vagantes sont en général des Irlandais, Scoti ou ex genere Scotorum. Saint Nérin serait donc probablement un Irlandais, hypothèse qui correspond avec le fait que son nom ne paraît pas un nom brittonique ; 2° ces episcopi vagantes ne sont pas des débuts de l'Eglise celtique. Saint Roman de Mazerolles est du milieu du VIIème siècle, et c'est saint Boniface qui a le premier, au milieu du VIIIème siècle, lutté contre ces episcopi vagantes. Il en résulte que saint Nérin appartiendrait au VIIème ou VIIIème siècle. Il ne serait donc pas de l’époque de saint Efflam qui apparaît comme appartenant aux débuts de l'Eglise celtique. Ce ne sont là que des hypotheses bâties sur une première hypothèse [Note : Je ne me fais pas d'illusion sur l'hypothèse primitive, qui est d'ordre général, et qu'aucun argument approprié ne vient confirmer pour le cas de S. Nérin. Je sais très bien que dans certaines chapelles on a utilisé une statue d'évêque qui se trouvait là pour remplacer une statue en ruines parfois même l'ignorance de l'artisan qui a repeint les statues l'a induit en erreur : dans la chapelle Saint-Garan en Plestin, c'est une statue de S. Yves qui porte l'inscription S. Haran, alors qu'il y a deux statues d'anachorètes sans inscription. Je sais aussi que la crosse des abbés a pu entraîner bien des confusions] et cependant, ces hypothèses ne sont peut-être pas trop audacieuses, elles ne semblent pas soulever de grosses difficultés, elles paraissent simples, appuyées sur des faits précis, concordantes avec les données de l'histoire, et surtout elles ne partent d'aucun principe posé à priori, d'aucun postulat. Mais il importe de le répéter, ce ne sont que des hypothèses, on ne peut les vérifier, il faut attendre d'autres travaux, sur l'hagiographie bretonne, qui pourraient fournir des éléments de comparaison, ou des données d'ordre général permettant de conclure au particulier.

(R. Largillière).

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