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EXHAUSSEMENT DE L'EGLISE DE SAINT-THEGONNEC, en 1714

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§ I. PROCÈS-VERBAL DE L'ÉTAT DES PRIVILÈGES DES SEIGNEURS DANS L'ÉGLISE.

En 1670 on avait déjà exhaussé le bas de l'église pour la mise en place des orgues, et enfermé ainsi le petit clocher jusqu'aux galeries entre les deux nouveaux pans de mur. En 1714, on donna à la nef et à l'abside l'élévation qu'elles ont actuellement, et depuis cette époque aucun changement n'a été fait dans l'église. Ici encore il fallut s'adresser au roi et obtenir l'autorisation des seigneurs prééminenciers ou fondateurs de l'église paroissiale. C'est ce que prouve cet « extrait des minutes du greffe du siège présidial de Quimper » :

« Ce jour, neuvième du mois de may environ neuff heures du matin, l'année mil sept cent quatorze, par devant nous escuier Guillaume Billoart seigneur de Kervaségan, conseiller secrétaire du Roy, maison et couronne de France, alloué lieutenant général au siège présidial de Quimper, en présence de M. le procureur du Roy du dit présidial, s'est présenté M. Pierre Buisson se portant procureur du général de la paroisse de Pleiber-Saint-Egonet, évêché de Léon, lequel nous a remontré que le général a formé le dessein de réédiffier la principale partie du bout de l'orient de leur église paroissiale, qui est dédiée sous l'invocation de Saint Egonet et de Notre-Dame de Vray‑Secours parce que la neff de la dite église se trouve trop étroitte et qu'elle est d'une si grande obscurité par le trop peu d'ouverture et de jour que pendant tout l'hyver les prestres n'y pouvant lire ont une fort grande peine de céllébrer le saint office avec toutte la décence convenable, et que d'ailleurs le bout oriental de la dite église ne se trouve pas en simétrie avec le bout occidental, lequel bout occidental a été réédiffié depuis peu de tems en l'endroit de la tour pour la commodité et le passage de la procession, et le dit général a dellibéré de faire la réédification du dit bout oriental pour la plus grande gloire de Dieu, pour l'agrandissement et l'embellissement de la dite église dont le devis et le marché ont été cy devant faits, et comme auparavant la démolition, il étoit nécessaire de faire un procès-verbal de la situation des prééminences, drois honorifiques et enfeus de la dite église, le dit Buisson a mis sa requette en ce siège présidial pour obtenir une commission à l'un des Messieurs de décendre sur les lieux pour être le dit procès-verbal fait en sa présence. Sur laquelle il a plû au Siège de nous commettre aux fins de la ditte requette par sentence du second de ce mois, en exécution de laquelle le dit Buisson nous a requis de nous transporter sur les lieux. Suivant laquelle réquisition et la ditte sentence nous avons monté à cheval le dit jour neuvième de may environ onze heures du matin, accompagné de M. le procureur du Roy, du dit Buisson et du soussignant commis au greffe juré au cas requis. Nous estants rendus au bourg de Pleiben en la distance de cinq lieues de la ville de Quimper nous y avons pris notre logement et le lendemain dixième du présent mois de may nous nous sommes rendus au bourg parroissial de Saint-Egonet en la distance de treize lieues de la ville de Quimper ».

Là ils trouvèrent le général de la paroisse en la personne de Jean-François Thoribé de Lannivinon qui leur déclara que les seigneurs possesseurs de privilèges dans l'église avaient été prévenus de leur arrivée et instruits du but de leur mission. Notification avait été faite à Messire Toussaint-François Kerhoent seigneur marquis de Coatanfao et comte du Penhoat ; à Dame Charlotte de Rogon veuve de Messire Claude Du Parc, seigneur de Lézerdot et du Herlan ; à Messire Joseph-Marie Du Dresnay, chevalier seigneur des Roches, gouverneur de Saint-Pol et pays circonvoisins ; à Messire Louis de Kérhoaz seigneur du Quélennec. Malgré la notification faite par le général et par le sieur Joncour recteur de la paroisse au prône de la grand'messe, le seigneur de Kérannot, Guy de Coëlosquet, prétendit plus tard qu'il n'avait pas été convoqué.

« Les fabriques requérants de nous transporter en la dite église en présence de M. le procureur du Roy et seigneurs cy dessus dénommés et autres qui se trouveront pour la conservation de leurs droits et qu'il soit procédé au procès-verbal en leur présence et aux périls et fortunes des défaillants. Suivant lesquelles remontrances, déclarations et réquisitions nous nous sommes transportés dans la dite église de Saint Egonnet où après avoir à genoux adoré le Très Saint Sacrement avons ordonné qu'il soit présentement procédé au procès-verbal de la situation de la dite église, prééminences drois honorifiques et enfeux ».

Suit l'inventaire des armoiries contenues dans les fenêtres de l'abside :

« Donnons pour appuré que dans la maîtresse vitre étant au pignon oriental du maître-autel, composée de plusieurs soufflets remplis de vitre peint ; dans le bas de laquelle vitre sont les figures de la passion de Notre-Seigneur, et que dans tous les soufflets qui sont au dessus des dites figures il n'y a aucuns écussons ny armoiries qu'un seul écusson placé dans les soufflets supérieurs portant d'or à la face de gueules comblé d'une couronne de marquis que les dits fabriqueurs ont dit être les armes de la seigneurie de Penhoat appartenant au seigneur de Coatanfao, seigneur du fief, haut justicier, premier prééminencier de la dite église. Ce qui a été ainsy reconnu par les dits seigneurs Des Roches, du Quélennec et de la dame de Lézardeau.

Du côté de l'épître du même autel, il y a une autre vitre en ver blanc dans laquelle il n'y a que deux écussons dans les deux soufflets du côté supérieur... L'écusson qui est à la droite est party de pourpre au Lyon rempant d'argent morné ; au second couppé ; au premier échiqueté d'or et de gueule et au second d'argent à la fleur de lys d'or accompagné de deux macles de même. En l'endroit M. Allain François Le Milbeau auditeur en parlement faisant pour le procureur fiscal de Penhoat, dit que le peintre a fait erreur contre les principes du blazon, ayant marqué le fond d'argent avec la fleur de lys et macle d'or au lieu d'avoir marqué que le fond étoit d'azur comme il doit l'être ».

Même observation pour le second écusson qui contenait aussi les armoiries du Penhoat.

« Donnons pour appuré que dans la vitre qui est proche le maître autel, au côté de l'évangille, laquelle est composée de ver blanc, il n'y a aucun autre écusson que les trois écussons dont sont chargés les trois soufflets supérieurs de la dite vitre ».

Ces trois écussons qui portent les armoiries du seigneur de Penhoat sont surmontés d'une couronne de marquis. Ici le procureur du roi fait remarquer que les armes du seigneur du Penhoat ont pris la place de celles du roi. Le général, dit-il, est en faute d'avoir depuis si longtemps [Note : Depuis le 22 juin 1667, lors de la reconstruction de l’abside] négligé de placer les armes du roi au-dessus de celles du Penhoat, dans les trois soufflets, au sommet des trois vitraux.

Cependant en examinant plus attentivement la maîtresse vitre le procureur remarque que « dans la place du fleuron du milieu de la couronne de marquis on apperçoit un très petit écusson en pointe et en forme de coeur de largeur d'environ deux pouces et demy et de hauteur d'environ quatre pouces portant party de France et de Bretagne.

En l'endroit M. le procureur du roy a soutenu qu'il paroit que le dit écusson autant petit qu'il est a été placé par le dit général pour rectiffier la faute qu'il avoit faite d'avoir obmis de placer les armes du roy en supériorité ».

Pendant l'examen des vitres du sanctuaire, Guillaume Audren, fermier de la seigneurie et comté du Penhoat, prétend que son maître n'a pas eu le temps de réunir ses titres et s'oppose en son nom à la reconstruction de l'église. Le général de la paroisse déclare que tous ceux qui seront cause d'un retard quelconque dans l'exécution des travaux seront rendus responsables des dommages causés. « La raison de la religion est de toutes les raisons la plus forte et la plus supérieure », quels que soient les droits honorifiques qu'on puisse avoir.

Le procureur du roi poursuit l'examen du sanctuaire. Il y trouve plusieurs tombes.

« Il y a dans le sanctuaire du côté du levant une tombe ellevée de deux pieds de hauteur composée d'une seule pierre de taille de la longueur de sept piedz et trois poulces et de trois piedz un poulce de large, sur le milieu de laquelle est un écusson sur cartouche chargé d'une face conforme à l'écusson des armes de Penhoat ; à chaque côté duquel tombeau et au bas bout d'icelluy il y a un simple écusson qui n'est chargé d'aucune pièce, lequel tombeau ainsy ellevé joint par le haut bout le mur angulaire du sanctuaire, le dit tombeau joint les trois marches du grand autel. En paralèle du dit tombeau, du côté de l'épître, il y a un autre tombeau ellevé de deux piedz et huit pouces composé d'une seule pierre de taille de huit piedz de longueur sur trois piedz et demy de large ; sur laquelle pierre tombale il y a au milieu un écusson placé sur une cartouche chargé d'un lyon rempant traversé par une face ».

A chaque bout de la tombe se trouve un écusson semblable, et un peu plus bas un banc de cinq pieds et un pouce de long sur trois pieds et sept pouces de large et deux pieds de hauteur. A l'extérieur de ce banc se trouvent gravées les armes du Herlan : « Un écusson parti au premier d'argent à trois jumelles de gueules ; au second coupé ; au premier d'argent à six rosettes d'or, trois en chef, deux en coeur et une en pointe, et au second d'or au lion rempant de sable traversé d'une fasce de gueules. L'écusson est entouré d'un collier de l'ordre de Saint-Michel ».

Le seigneur Des Roches proteste de ce qu'on ait fait mention de la tombe du Herlan avant de parler de la sienne. C'est lui après le seigneur du Penhoat qui doit être considéré comme principal prééminencier de l'église de Saint-Thégonnec. Le sanctuaire et la nef, dit-il, sont les places les plus distinguées de l'église. Or il possède une tombe plate, presqu'au milieu du sanctuaire, du côté de l'évangile et à la distance de deux tombes de celle du Penhoat, tandis que la tombe et le banc du Herlan sont situés hors du sanctuaire. Le banc du Luzec se trouve dans la nef de l'église, à six pieds et demi de la chaire à prêcher, à vingt pieds et demi du crucifix et à quatorze pieds du second pilier du côté de l'évangile. Ce seigneur prétend être le seul à posséder une tombe dans la nef. Ce sont là autant de privilèges qui doivent classer la seigneurie de Luzec immédiatement après celle du Penhoat.

« Le seigneur Des Roches requiert que mesurage soit fait de la distance qu'il y a entre son banc et le principal autel, de la distance qu'il y a entre son banc et l'image du crucifix, celle de Notre Dame de Vray-Secours, et de la chaire du prédicateur, affin qu'après la réédification de la dite église son banc soit placé dans la même situation et les mêmes distances observées, et soutient au surplus vers le général de la paroisse qu'une partie considérable des revenus de l'église rellevant de ses fieffs, son consentement est nécessaire avant qu'ils puissent exécuter leur dessein ; ce qu'il veut bien leur accorder, étant persuadé que c'est le zèle qu'ils ont pour la gloire de Dieu et la décoration de son saint temple qui les a engagés à faire cette entreprise et requiert enfin qu'après que le présent procès-verbal sera fait et parfait il luy en sera dellivré copie en due forme ».

La suite de l'enquête constate dans le sanctuaire l'existence de huit pierres tombales dont six sont de simples pierres ardoisières sans armoiries et les deux autres des pierres de grain dites pierres rousses. Ces huit pierres tombales sont renfermées entre la tombe du Penhoat du côté de l'évangile, et celle du Herlan du côté de l'épître.

Le banc du seigneur du Quélennec est situé dans l'aile droite de l'église, à quatre pieds de la chaire à prêcher. Dans la muraille du côté nord vis-à-vis du troisième pilier auquel est adossé ce banc, se trouve un enfeu creux et en voûte de huit pieds de hauteur y compris le couronnement et de huit pieds de largeur. Sous la voûte on trouve un tombeau d'environ dix pouces de haut, six pieds quatre pouces de long et deux pieds quatre pouces de large. Un banc à trois accoudoirs est placé sur le tombeau et au couronnement de la voûte se voit un écusson chargé d'un arbre ou houzard de sinople. Un autre écusson porte les armoiries du Quélennec.

« Donnons pour appuré que du côté de l'épître, il y a une aisle faisant le paralèle du côté de l'évangile ; à la prendre du niveau du mur angulaire du sanctuaire jusqu'au mur de la dite aisle où est placée la grande vitre, la dite aisle n'a que vingt et un pieds de longueur sur seize pieds trois pouces de large, et que l'aisle de la dite église qui est du côté de l'épître porte trente et un pieds et un pouce de long tirant du coin angulaire du sanctuaire jusqu'à la maîtresse vitre de la dite aisle, sur seize pieds trois pouces de largeur ».

Le procureur du roi poursuit l'examen de la chapelle pour constater les droits seigneuriaux de la famille du Herlan :

« La dame de Lézerdot soutient que si dans la médiocre vitre qui est derrière l'autel de saint Jean, ses armoiries ne se trouvent pas à présent placez, cependant les armes de la seigneurie de Herlan y ont toujours été placez au soufflet supérieur qui est à présent en verre blanc ; mais l'impétuosité des vents rompit les armes qui faute d'occasion de trouver un ouvrier qui sut faire le verre peint ont été remplacez en verre blanc ».

M. le Procureur reconnaît à la famille du Herlan le droit de lisière tout autour de sa chapelle et même le long des murs jusqu'au bas de l'église. Elle a aussi le droit de placer ses armoiries dans les vitres, mais toujours au-dessous de celles du roi :

« Dans le mur du pignon de la dite chapelle, au dessous de la grande vitre, il y a un enfeu en voute taillée dans le mur de largeur de dix pieds sur neuff et quatre pouces de hauteur ; après l'avoir fait mesurer par le dit Phily [Note : Maçon du bourg], et que dans chaque côté du dit enfeu sur l'ordre d'icelluy il y a un écusson chargé d'un lyon rempant de sable à la fasse de gueule brochant sur le tout. ... Au haut du mur extérieur du pignon, il y a un défaut de pierre ou place d'armes destiné pour y mettre les armes du Herlan ».

La continuation de l'enquête signale l'existence d'autres tombes dans l'église :

« Donnons pour appuré que dans l'endroit du Coeur de Messieurs les prêtres, sous l'un des bancs après l'avoir fait retirer, il y a une tombe plate, pierre ardoisine joignant le premier pillier de la neff du côté de l'évangile, chargée d'un écusson portant une face chargée de trois roses, accompagnez de trois mollettes d'éprons, deux en cheff, une en pointe, laquelle tombe a été reconnue dépendante de la terre de Knily. Sous la neff de la dite église, près l'autel de saint Jean-Baptiste, il y a un banc à trois accoudoirs ayant six pieds trois pouces moins de long sur deux pieds et deux pouces de large et deux pieds et demy de haut et à la face du dit banc donnant vers le maître autel il y a un écusson qui est party au premier bandé au franc quartier chargé d'une fleur de lys, au second chargé de trois quintes feuilles, deux et une.

Sous le dit banc il y a une tombe ellevée au dessus des autres d'environ cinq pouces, et en l'endroit le seigneur Des Roches a soutenu que le dit banc luy appartient à cause de sa seigneurie de Leuzec située dans la paroisse de Saint Egonnec ».

Le seigneur de Luzec exige qu'après l'achèvement des travaux son banc garde la même place honorable dans l'église : « Dans les temps précédents, dit-il, l'église étoit moins allongée par le bout oriental et le maître autel étoit beaucoup plus proche de son banc ou son banc plus proche du maître autel de moitié qu'il n'est à présent, de sorte que c'est l'allongement de la neff de la dite église qui fait que son banc est plus éloigné du maître autel. Dans le nouveau projet que l'on fait de porter le maître autel plus loin, son banc se trouvera presque au bas de l'église, déclarant opposer formellement l'allongement de la neff si mieux n'aime le général faire advancer son banc vers le grand autel à proportion ; à quoy on peut d'autant moins résister que dans la première situation de la dite église, son banc se trouvoit mieux placé ».

Le seigneur du Quélennec fait la même réclamation, pour son banc qui se trouve à côté de la chaire à prêcher. 19 mai 1714. ROYON, greffier.

 

§ II. PROTESTATION DE GUY DE COETLOSQUET.

Le 16 juin 1715, Guy de Coëtlosquet, chevalier, seigneur de Kérannot, conseiller du roi, et son lieutenant civil et criminel au siège de l'amirauté établi à Brest, vint protester contre l'expertise faite en 1714. Il se trouvait pour affaires à Rennes, lors de cette expertise, qui attribua à Louis de Kerhoaz, seigneur du Quélennec et de Coatcoulouarn une tombe appartenant en réalité à la famille de Kérannot. Cette tombe plate de pierre grise armoriée des armes du Hellin qui sont d'azur à deux coupes d'or, était située dans la nef du côté de l'évangile, près de l'autel de la sainte Trinité. Le seigneur de Kérannot et du Hellin possède les titres de propriété de cette tombe. D'ailleurs les armes relevées en bosse sur cette tombe prouvent qu'elle appartient au seigneur du Hellin, et de tout temps elle a servi à inhumer les ancêtres de ce seigneur. Ainsi Anne Le Roux sa grand'mère et dame Bonaventure Quintin sa mère y ont été enterrées. Cette tombe lui appartient de la part de dame Barbe Denis dame de la Palue, propriétaire de Kérannot.

M. de Coëtlosquet réclame également une tombe plate qui touche celle des seigneurs de Lézerdot située dans le sanctuaire. C'est dans cette tombe qu'ont été inhumés tous les anciens seigneurs de Kérannot : Messire Gilles Quintin son aïeul et Robert du Coëtlosquet son père. Les seigneurs de la Palue ont fait une fondation de dix-huit livres de rente pour l'entretien de cette tombe, avec la charge pour la fabrique d'y allumer deux cierges pour les jours marqués par la fondation.

Messire Louis de Kerhoaz reconnaît le bien fondé des réclamations du seigneur de Kérannot.

Mais Messire Joseph-Marie Du Dresnay, seigneur de Luzec, ne veut pas renoncer à ses droits sur la tombe située dans le sanctuaire. Il n'y a dans le sanctuaire, dit-il, que deux tombes réservées, celle de Penhoat et celle de Luzec.

La fabrique tranche le différend en attribuant la tombe à Guy de Coëtlosquet tout en le laissant se tirer ensuite d'affaire pour les difficultés qui pourraient s'élever à ce sujet.

 

§ III. MISE EN ADJUDICATION DES TRAVAUX.

Le 29 octobre 1713, les travaux avaient été mis en adjudication et le sieur Etienne Le Marchand, architecte et entrepreneur, en était demeuré adjudicataire. Il présenta lui-même un plan et devis qu'il devait exécuter pour la somme de 14.200 livres. La fabrique ne sut jamais d'où il était, et elle ne lui confia les travaux que sur garantie sérieuse. Jean-Elie-Denis sieur de Trobriant, demeurant en son manoir du Cosquerou en Ploujan, évêché de Tréguier, et noble homme Jean-Baptiste de la Voye, demeurant à Morlaix, paroisse de Saint-Melaine, se présentèrent caution pour Etienne Le Marchand. D'après les conditions du marché, la fabrique devait payer à l'entrepreneur 11.000 livres en différents termes, c'est-à-dire 1.000 livres au 1er janvier et 1.000 livres tous les deux mois jusqu'au paiement total de la somme de 11.000 livres. Les 3.200 livres qui restaient ne devaient lui être remboursées qu'après l'achèvement de l'ouvrage et si son travail était accepté après expertise. Le Marchand fit pour la charpente un sous-marché avec Lazare Flutter.

Avant de commencer les travaux il fallait obtenir l'autorisation des seigneurs prééminenciers de l'église ; mais la fabrique, prévoyant certaines difficultés, fit mettre dans le contrat une clause qui interdisait à l'architecte de réclamer toute indemnité si le mauvais vouloir des seigneurs venait à mettre obstacle à l'exécution de l'entreprise. D'après le plan de l'architecte, on devait reculer de deux à trois pieds une tombe de la famille de Lézerdot et prendre deux à trois pieds sur la chapelle du Herlan. Le recteur Maurice Joncour, accompagné de douze de ses principaux paroissiens, se rendit au château de Kéranroux en Ploujean pour demander l'autorisation par écrit de la dame de Lézerdot, mais il fut obligé de s'en retourner sans avoir obtenu de réponse favorable. Peu de jours après, Marchand vint se vanter d'avoir en sa possession un écrit de la dame de Lézerdot l'autorisant à exécuter son plan, mais il refusa de montrer cet écrit. Les fabriciens voulurent vérifier son affirmation. Ils ne pouvaient croire que là où ils avaient échoué, un autre, et surtout un étranger à la paroisse, eût pu réussir. C'était à eux et non à d'autres que l'autorisation devait être donnée. Ils déléguèrent l'un d'entr'eux nommé Jean Thoribé de Lannivinon pour contrôler les dires de Marchand. Thoribé se fit accompagner au château de Kéranroux par Rannou, notaire royal à Morlaix. L'acte notarié rapporte ainsi la visite faite au château de Kéranroux :

« Nous, notaire, nous sommes de compaignie avec le dit Thoribé, transportés jusques au dit chateau de Kéranroux, où y estant rendus en parlant à la damoiselle de Lézerdot fille de la dite dame de Lézerdot trouvée dans la cuisine de la dite maison, et luy ayant demandé où estoit la dame sa mère, elle nous a déclaré qu'elle estoit allé au bourg de Ploujan à la messe ; et comme elle auroit pu rester quelque temps, nous l'aurions priée de vouloir bien faire aller son garson l'avertir que nous estions venus luy faire sommation à requeste du dit Thoribé sy ou non elle auroit donné son consentement au dit Marchand comme il l'a soutenue pour la réédification de l'esglise de Saint-Egonnec, et si elle n'a point reffusé aux dits paroissiens de donner son consantement tant au sieur recteur qu'aux paroissiens pour la dite réédification. Sur quoy elle auroit envoyé le garson vers le bourg, feignant de la chercher, et estant revenu tost après, il nous auroit dit que la dite dame estoit allé à Kergariou et qu'elle n'auroit pas été si tost à la maison ; sur quoy aïant fait lecture à la dite damoiselle des réquisitions cy-dessus, elle nous a déclaré que la dame sa mère n'a donné aucun consentement au dit Marchand, que bien est vray il le luy a demandé plusieurs fois et avoir offert dix pistolles pour l'avoir sans l'avoir obtenu ».

Quant au refus essuyé par le recteur :

« Elle a dit qu'elle n'a aucune connoissance de ce fait, et avoir veü le dit sieur recteur plusieurs fois au dit manoir de Kéranroux mais ne sçavoir pour quel sujet, et est sa réponse qu'elle a reffusé de signer quoy que de ce interpellé. RANNOU, notaire royal ».

Après bien des pourparlers, la dame de Lézerdot finit par donner son consentement. A la fin de mai 1714, le recteur accompagné des deux fabriciens en charge, Jean Thoribé de Lannivinon et François Thoribé de Kérescars, se rendit à Morlaix chez Jean Floch, notaire de la juridiction du Penhoat, et y fit appeler Charlotte de Rogon de Lézerdot comme tutrice de ses enfants mineurs. Un accord fut conclu aux conditions suivantes : Les seigneurs de Lézerdot conservaient leurs droits d'enfeu, de banc, d'accoudoirs, de voûte, d'arcade et de lisière. Le tout devait être rétabli aux frais de la fabrique. Le 3 juin suivant, au prône de la grand'messe, le recteur rendit compte à ses paroissiens du résultat de ses démarches. Il invita le général à se rendre à la sacristie à l'issue de la messe pour ratifier ou rejeter la convention conclue avec la dame de Lézerdot et du Herlan. Les douze notables suivants composaient, en 1714, le Général de la paroisse : Yves Martin de Lannivinon, Hervé Pouliquen de la Ville neuve, Jean Thoribé de Parc Gouanec, Jacques Cottain du Cozlen, Jean Madec de Bougès, Yves Breton de Menhars, Hervé Croguennec, Yves Caro et Yves Pouliquen de Goazanlan, Yves Le Maguet de Cosquéric, Guillaume Le Maguet et François Breton de Menhars. Les deux fabriciens et marguilliers en charge cette année étaient Jean Thoribé de Lannivinon et François Thoribé de Kérescars. Le général accepta les conditions proposées par la dame de Lézerdot.

Le prône de la grand'messe mettait toujours les paroissiens au courant des affaires de la fabrique. La plupart du temps, ils se contentaient d'approuver par un silence religieux les communications faites par leur recteur, mais d'autres fois, oubliant la dignité du saint lieu et le respect dû à leur pasteur, ils ne se gênaient pas pour protester bruyamment.

En 1651, le seigneur de Penfao reprocha à Louis de Kerhoaz, seigneur du Quélennec, d'avoir usurpé des droits honorifiques dans l'église de Saint-Thégonnec. Les paroissiens, gagnés par Louis de Kerhoaz, protestèrent au prône même de la messe et proférèrent des murmures et des menaces à son adresse.

Dans les premiers temps, les affaires de la paroisse étaient traitées en public. Dans le cimetière qui servait parfois de salle de délibération, à l'issue de la grand'messe, chacun était autorisé à donner son avis. Mais ces discussions étaient souvent tumultueuses et sans résultat. Plus tard, différents règlements vinrent limiter ce nombre exagéré de délibérants. Les notables de la paroisse, réunis sous forme de « corps politique » eurent seuls voix dans les discussions et surtout dans la solution des affaires. En 1656 le corps politique de Saint-Thégonnec se composait « d'honorables gens Yves Inizan, de Kerdépré, Hervé Caroff, Guillaume Rannou, Hervé Pouliquen du Hellin, Yves Bretton, Olivier Bretton, Nicolas Mazé, Hervé Guillerm, Hervé Kéramblouc'h, Mathieu Inizan, François Crenn, Jacques et François Caro, Jean Bretton de Penfao, Guillaume Pichon, François Perros, Guillaume Mazé, Jean Plassart, Alexandre Rioual, et plusieurs autres manants et habitants de la dicte paroisse faisant la plus saine et meure voix et corps politique d'icelle ».

Vers cette époque, des arrêts du Parlement de Bretagne organisèrent dans chaque paroisse un corps régulier de délibérants, appelé « le Général ». Ce général se composait de douze des notables de l'endroit. « Ses fonctions étaient des plus variées. Elles étaient tantôt civiles, tantôt religieuses. Plus souvent elles furent civiles et religieuses tout ensemble. Au titre ecclésiastique, il devait s'occuper du bon ordre des assemblées » et empêcher tout empiètement sur les droits de l'église. Aussi dans tous les procès de la fabrique concernant les privilèges des seigneurs, voyons-nous le Général intervenir et prendre en mains les intérêts de l'église. La gestion des deniers de la fabrique ne regardait cependant que le recteur et les deux marguilliers en charge.

 

§ IV. EXPERTISE.

La fabrique vit qu'Etienne Le Marchand n'avait pas fidèlement rempli les conditions du contrat ; elle fit une demande d'expertise qui eut lieu le 13 mars 1716. Elle choisit pour défendre ses intérêts, Pierre Coussais, entrepreneur des ouvrages du roi, Lazare Flutter prit pour expert Jacques Le Chapelain, maître charpentier, et Marchand se fit représenter par Thomas Vaudrein, entrepreneur. Guy de Coëtlosquet seigneur de Kérannot assistait la fabrique comme conseiller. Il se fit prendre en litière à Brest et reconduire à Saint-Thégonnec aux frais de l'église. Ce voyage revint à 28 livres.

Les experts reprochent à Marchand d'avoir employé trop de moellons et du mortier de terre dans la construction des murailles, tandis que, d'après le plan, les murs devaient être de pierres de taille et faits à chaux et à sable.

Quant aux piliers qui soutiennent les arcades de la nef, ils n'ont ni la grosseur ni l'élévation voulues et ne sont pas également distants entre eux. « Ce qui porte plusieurs préjudices à la paroisse : 1° Si l'église demeuroit en cet état, elle seroit irrégulière et on n'a démoli l'ancienne que pour cette raison. 2° Les chapelles des basses ailes ne seront pas égales entre elles. 3° Les colonnes de la nef n'étant pas à égale distance les unes des autres, il en résulte que les arcades qui sont en plein cintre ne sont pas de même hauteur ».

Ces piliers devaient avoir 16 pieds au lieu de 13 pieds 2 pouces.

Les deux arcades qui donnent sur la nef du côté de la grosse tour sont si mal faites qu'on a été obligé de mettre dans les murailles, au-dessus des clefs de ces arcades, une pièce de bois d'une longueur de 20 pieds. La première arcade du côté nord joignant le pilier des hautes ailes est trop étroite de 18 pouces. La seconde et la troisième sont conformes au plan, tandis que la quatrième est trop large de 4 pouces et la cinquième trop étroite de 2 pieds 6 pouces.

« C'est là une difformité au lieu que l'exécution du plan eût été un agrément ».

Les fenêtres et les vitraux n'étaient guère mieux réussis. « La fenestre de la basse aile du coté du midy joignant la tour est plus étroite que celles qui sont subsistantes dans l'ancien ouvrage du côté nord. Elle a un pied dix pouces de moins en largeur et quatre pieds et demi de moins en hauteur ».

Enfin les contreforts et les arcs-boutants nouvellement construits ne sont pas unis avec le corps de l'ouvrage.

La conclusion de l'expertise fut que les travaux exécutés par Marchand n'étaient pas acceptables. A part quelques piliers et quelques arcades, le tout était à refaire. Il restait sur les lieux assez de pierres de taille pour achever l'ouvrage tout en suivant le plan primitif. La grosse charpente faite par Lazare Flutter n'attendait que la construction des murailles pour être mise en place. Les deux cautions de Marchand devaient rendre à la fabrique 6.000 livres des 11.000 qu'elles avaient touchées. Elles devaient en outre payer 150 livres livres pour les frais de l'expertise et tous les matériaux qui n'avaient pas été employés devenaient la propriété, de la fabrique. Le paiement de la somme de 6.150 livres devait se faire en espèces sonnantes et non en billets de l'Etat ou en quelqu'autre papier. Sans cela la fabrique ne se contenterait pas de la somme de 6.150 livres. Le général de la paroisse gardait son recours contre Marchand pour le reste de la somme et il s'engageait à continuer les travaux à ses frais. Il confia l'entreprise à Yan Plédran, maître maçon, payé 20 sols par jour. Les autres ouvriers furent : le fils de Yan Plédran, qui touchait 6 sols par jour ; Yves Le Roux et Guillaume Saliou, 18 sols ; Jean Gouzieu et Yves Provost, payés 14 sols.

Le général aurait mieux fait de remettre sa dette à un entrepreneur insolvable au lieu de lui intenter un procès qui dura plusieurs années et qui coûta à l'église plus d'un millier de livres. C'est le cas de dire que le jeu ne valait pas la chandelle. (F. Quiniou).

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