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LA FABRIQUE ET LES SEIGNEURS DE SAINT-THEGONNEC

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Depuis l'annexion de la Bretagne à la France, le roi était considéré comme seigneur fondateur des églises paroissiales de cette province. Aucune modification ne pouvait y être faite sans son autorisation. Il fallait en outre l'agrément des nobles possesseurs de certains privilèges, du moins si la modification projetée devait porter atteinte à leurs droits honorifiques. L'autorisation royale était toujours gracieusement accordée, et les seigneurs s'empressaient la plupart du temps d'accéder au désir qu'avaient les paroissiens d'embellir leur église. S'ils faisaient parfois quelques difficultés, c'était pour sauvegarder leurs droits seigneuriaux. C'était tantôt une tombe de leur famille qui devait disparaître par suite de l'agrandissement d'une partie de l'église, c'était d'autres fois leurs armoiries qu'une modification apportée dans l'église devait cacher. Autant de causes de dissension entre le Général de la paroisse et les Seigneurs de l'endroit, souvent même c'était là un motif de s'opposer à l'embellissement de l'église. C'est ainsi qu'en 1670, la dame douairière de Lezerdot et du Herlan, Marie de Clisson, voulut s'opposer à la construction des orgues. Elle possédait un écusson dans la grande vitre, au-dessus du portail du bas de l'église et elle n'entendait pas que la mise en place des orgues vînt cacher ses armoiries. Le Général de la paroisse ne se laissa pas déconcerter par cette opposition ; il risqua un procès et passa outre. Il fut cependant condamné à mettre en évidence sur le buffet des orgues, les armes de la seigneurie du Herlan et de Lezerdot, ce qu'il fit de bonne grâce, puisqu'il avait atteint son but qui était de construire les orgues et d'exhausser le bas de l'église à cette occasion.

En 1732, l'ancien rétable du maître-autel fut transporté sur l'autel du Saint-Sacrement. Mais par malheur ce retable qui était plus élevé cachait la lisière que possédait la famille du Herlan le long de ce mur. Dame Charlotte de Rogon, veuve de Messire Claude Du Parc, seigneur du Herlan, mécontente de ce changement qui portait atteinte à ses droits honorifiques, intenta un procès au Général de la paroisse.

Le procès le plus curieux à bien des titres est celui qui fut intenté au Général par le comte de Kérouartz devant la juridiction royale de Léon à Lesneven, le 6 mai 1755. Il nous montre avec évidence le soin jaloux avec lequel les seigneurs veillaient sur leurs privilèges ainsi que le désir des paroissiens de voir disparaître toutes « ces prééminences odieuses » et de secouer la tutelle des nobles pour se soumettre directement à l'autorité royale. Ce procès nous donne encore des indications précises au sujet de plusieurs modifications faites dans l'église paroissiale.

Le comte de Kérouartz voulait contraindre le Général à le reconnaître comme seigneur fondateur et premier prééminencier de l'église paroissiale de Saint-Thégonnec, et le 14 juin 1755, ce titre lui fut reconnu par une sentence du tribunal de Lesneven. Mais le Général de la paroisse considérant cet arrêt comme « l'ouvrage d'une partialité ouverte et d'une complaisance outrée des juges de Lesneven pour le seigneur de Kérouartz, ou l'ouvrage de leur animosité prémarquée contre le Général de ladite paroisse » en appela au Parlement de Bretagne.

Il adressa au Parlement la requête suivante rédigée par l'avocat Brunel [Note : Dans l'exposé des deux requêtes, nous avons résumé certains passages et supprimé quelques autres qui n'étaient que des redites ou qui n'offraient aucun intérêt particulier. Ces modifications ne changent en rien la physionomie des débats].

I. REQUÊTE DU GÉNÉRAL DE LA PAROISSE DE SAINT-THÉGONNEC AU PARLEMENT DE BRETAGNE, LE 27 NOVEMBRE 1756.

Le Général prouve dans sa requête que les seigneurs du Penhoat n'ont pas été les fondateurs de l'église. Il ne refuse pas au comte de Kérouartz, possesseur du fief du Penhoat, les droits honorifiques qui peuvent lui être dus comme seigneur féodal de l'église paroissiale, mais il ne le reconnaît pas comme seigneur fondateur et premier prééminencier de l'église.

« Voilà les seuls motifs de l'opposition du Général à l'approprîment du seigneur de Kérouartz au siège de Lesneven, laissant le soin du surplus aux gens du Roy dudit siège.

Tous les Docteurs feudistes ont divisé les prééminences dans les églises en deux espèces : sçavoir les personnelles qui sont des marques d'honneur qu'on rend aux personnes de mérite ou à leur famille et qui ne passent point leur personne ou leur sang ; et les réelles sont celles qu'on rend aux personnes à cause de leur terre.

Ils divisent encore les réelles en deux espèces : les grandes et les petites. Les grandes sont : la litre, ou armes au-dedans ou au dehors de l'église, la tombe ou le banc au choeur, les prières nominales, et le droit d'être encensé. Les petites sont la préférance pour recevoir l'eau bénie, le baiser de paix et le pain béni et pour aller à la procession. Il s'agit aujourdhuy de sçavoir à qui sont dues les prééminences réelles. Monsieur de Perchambaut, d'après tous les docteurs feudistes, dit en termes formels (art. 254, de sede inst.) qu'elles sont dûes dans les églises paroissiales ou succursales à ceux qui les ont fondées, à leur femme et enfents sans qu'il soit besoin de titre, s'ils n'y ont renoncé, et dit aussy dans le même article que celuy qui a doté l'église passera pour le premier fondateur, celuy qui l'a bâtie pour le second et celuy qui a donné le fond où elle est bâtie pour le troisième. Or, le seigneur de Kérouartz a-t-il fait voir que ses vendeurs ou leurs ancestres, ayant doté l'église paroissiale de Saint-Egonnec, l'ayent fait bâtir ou donné le fond pour la bâtir ; non sans doute, et c'est même ce qu'il ne fera jamais voir ; donc il ne peut se dire fondateur ny premier préminencier dans cette église. Mais, objecte le seigneur de Kérouartz : qui sont donc les fondateurs de cette église ? Elle est enclavée dans le territoire de mon fief de Penhoat ; par conséquent les propriétaires de ce fief sont censés ou l'avoir fait bâtir, ou du moins avoir donné le fond pour la bâtir, et par suite de conséquence, j'ay le droit de me dire seigneur fondateur et premier preminencier de cette église. Cette objection ne presse point et largement ne conclut en rien en faveur du seigneur de Kérouartz et la réponse sera prompte et facile. Premièrement : c'est qu'il est bien constant et même sans contredit raisonnable que l'église parroissiale de Saint-Egonnec dédiée à Notre-Dame de Vrai-Secours a esté bâtie dès les premiers siècles que la religion chrétienne a esté pratiquée dans cette province ; la première batisse de cette église est d'un temps si reculé qu'il n'est pas possible d'en donner l'époque. Tout ce que l'on peut dire et tout ce qui est à présumer juris et de jure, c'est que cette église a esté fondée du temps que les ducs de Bretagne estoient seuls seigneurs propriétaires du fond de toute la province, et que ça esté un duc de Bretagne qui aura donné le fond aux habitants de la paroisse de Saint-Egonnec pour bâtir cette église, et que ces habitants animés d'une grande ferveur pour la religion, auront bâti cette église à leurs propres frais et dépens ; outre que la présomption est naturelle, que ce sont les ducs de Bretagne qui ont donné ce fond pour la bâtir, elle est même de droit puisqu'il est prouvé par le procès verbal des juges de Quimper de mil sept cent quatorze que les armes de Bretagne se sont trouvées en supériorité tant dans la maîtresse vitre que dans le pignon oriental en dehors incrustées en pierre. On peut donc dire avec raison qu'il n'y a que le Roy, depuis la réunion de la Bretagne à la Couronne de France, et les habitants de la paroisse de Saint-Egonnec qui soient en droit de se dire fondateurs de cette église, et que c'est mal à propos que les seigneurs de Penhoat, sous ombre qu'ils sont seigneurs du fief où est enclavée cette église, osent prétendre en être fondateurs, puisqu'il est vray de dire que l’église paroissiale de Saint-Egonnec avoit été bâtie long temps même avant que les fiefs eussent été connus en cette province ».

Origine des fiefs.

« Suivant tous nos autheurs, les fiefs ne doivent leur origine qu’aux guerres qu’ont eu les souverains, et à la disette d’argent dans leurs trésors pour payer leurs officiers tant militaires que domestiques. Enfin les souverains se trouvans tellement épuisés qu’ils ne pouvoient payer leurs officiers en argent, ils se virent obligés de céder à leurs officiers et à chacun suivant son rang et son mérite la jouissance d'une certaine quantité de terre pour leur entretien et appointement, et ce fond assigné pour les dits appointements s'appelloit suivant nos autheurs beneficium, feudum, ou feudum, mot allemand qui signiffie, dit-on, stipendium, salarium. Voilà, l'origine des fiefs. Dès le commencement ces fiefs n'étoient qu'à viager, mais les grands officiers, à qui on avoit donné le gouvernement des provinces, profitant de l'embarras et de la faiblesse des forces des Roys épuisées par les guerres, s'arrogèrent la propriété des terres soumises à leur gouvernement. Ce que les Roys furent obligés de tollérer, sous la condition de foy et de service. Enfin ces gouverneurs de province qu'on appelloit ducs s'érigèrent en souverains, faisoient battre monnoye, déclaroient la guerre, et pour se soutenir créèrent aussy à l'exemple des Roys des charges dans leur province ; et pour s'assurer des gens à leur service, leur donnèrent aussy la jouissance de certaine quantité de terre en payement de leurs gages. Enfin les grands officiers des provinces qu'on appelloit ducs se trouvans aussy épuisés par les guerres qu'ils avoient déclaré et soutenu se trouvèrent aussy dans la même nécessité de tolérer que leurs officiers subalternes s'arrogeassent semblable propriété de leurs possessions sous les mêmes conditions de foy et de service. Les marquis et les comtes qui avoient reçu des terres considérables des ducs, se firent aussy des hommes de foy et de service par la donation de certains moindres fiefs, et c'est aparament ce que les comtes de Landivisiau ont fait en faveur des ancestres des vendeurs du seigneur de Kérouartz en leur concédant le fief de Penhoat. Or, comme ça esté Hugues Capet trente sixième roy de France et le premier de la troisième race, proclamé et couronné roi en neuf cent quatre vingt sept, qui, pour rendre les grands seigneurs attachés à son service, leur donna leur gouvernement et seigneurye à titre d'hérédité et à perpétuité qu'ils ne possédoient auparavant qu'à simple titre d'usufruit et à viage. Il résulte par suite de conséquence que cette église a esté bâtie dès les premiers siècles que la religion chrétienne a esté connue et pratiquée en cette province. Donc il résulte par un enchennement des mêmes conséquences que ce sont les ducs de Bretagne et les habitants de la paroisse de Pleibert Saint-Egonnec qui sont les seuls fondateurs de cette église paroissiale ; sçavoir les ducs de Bretagne, pour avoir donné le fond pour la bâtir et les paroissiens pour l'avoir doté et fait bâtir. La preuve de ces justes et naturelles conséquences se tire : 1° de ce que les armes de Bretagne ont toujours esté en supériorité tant dans la maitresse vitre au dessus du grand autel oriental, en dehors et même incrustées en pierre. 2° de ce que la paroisse de Pleibert Saint‑Egonnec est dans une possession même plus qu'immémoriale d'accorder à qui bon luy semble des droits honorifiques dans la susdite église de Pleibert Saint-Egonnec sans la participation, aprobation ny consentement des seigneurs de Penhoat. La preuve de ce dernier fait se tire de plusieurs actes, et notamment de celuy du sept décembre mil quatre cent quatre vingt quatorze, par lequel il se voit que le dit Général de Saint-Egonnec a accordé et commendé à noble escuyer Hervé Huon, seigneur du Herlan, un lieu et place en la ditte église pour faire un enfeu, tombe et entènement au devant du crucifix et y avoir droit d'ensevelir, y faire mettre pierre tombale, escabeau et accoudoir, et ce en faveur et pour payer par chacun an à la dite église vingt deniers monnoye à chaque terme de Saint-Michel Monte Gargam, sur l'hypotecque de tous les biens du dit seigneur du Herlan, avec néantmoins liberté au dit seigneur du Herlan de faire assiette en fond d'héritages, en une pièce de terre en icelle paroisse pour assurance du payement de la susdite rente annuelle. Une seconde preuve que ce sont les paroissiens de Pleibert Saint-Egonnec qui sont les fondateurs et qui ont fait bâtir cette église paroissiale se tire du contrat du troisième octobre mil cinq cent cinquante sept ».

Le 3 octobre 1557, noble homme Julien de Kéronyant, sieur de Coasvout et demeurant au dit lieu, obtint du Général de la paroisse l'autorisation de construire une chapelle. Cette chapelle qu'il fit faire à ses frais est située du côté de l'évangile au-dessous de la chapelle faite, dit-on, depuis peu de temps.

Si les seigneurs du Penhoat avaient été vraiment les fondateurs de l'église, c'est à eux, qu'eut dû s'adresser le sieur de Coasvout pour obtenir cette autorisation. Jamais le Général d'une paroisse ne peut permettre de modifications dans son église sans l'assentiment des seigneurs fondateurs. Or le seigneur de Coasvout s'adressa au roi Henri II, fondateur de l'église paroissiale par représentation des anciens ducs de Bretagne. Il construisit sa chapelle avec une voûte et quatre tombes, un escabeau et un accoudoir, et il fit mettre ses armes dans le vitrail au-dessus de sa chapelle. Le tout se fit sous les yeux du seigneur du Penhoat qui ne fit aucune opposition. Ce qui est incompréhensible de la part des seigneurs fondateurs.

C'est en vain que le seigneur de Kérouartz objecte que l'église et le cimetière se trouvent enclavés dans les dépendances du fief du Penhoat et relèvent directement de ce fief. — On vient de prouver que l'église et le cimetière ont été construits avant l'origine même des fiefs, sur un terrain donné par les ducs de Bretagne.

« D'ailleurs supposeroit-on même que l'église paroissiale de Saint-Egonnec relève prochement du fief de Penhoat, et qu'elle ait été aussy bâtie depuis la concession du dit fief aux autheurs et prédécesseurs des vendeurs du seigneur de Kérouartz on ne peut pas conclure encore de là que les seigneurs du fief de Penhoat soient fondateurs et premiers préminenciers de cette église, parce que les seigneurs de Penhoat ne faisant point voir avoir doté, fait bâtir cette église, ny donné le fond pour la bâtir, seroient toujours censé avoir allienné soit par féage ou autrement au Général de la paroisse le fond et le cimetière de cette église avec rétention de simple mouvance ».

Dans ce cas même il n'aurait pas droit aux grandes prééminences réservées exclusivement aux fondateurs, mais seulement aux petites prééminences réelles.

Autre objection du seigneur de Kérouartz.

En 1540, lorsque les paroissiens de Saint-Thégonnec voulurent refaire un pignon de leur église, ils s'adressèrent aux juges du Penhoat qui accordèrent cette autorisation. Ils y mirent une condition, c'est que seules les armes du Penhoat fussent représentées sur ce pignon. C'était donc de la part des paroissiens reconnaître le titre de fondateur au seigneur du Penhoat.

L'avocat du Général répond ainsi à cette objection. Ces juges, dit-il, étaient incompétents, puisqu'encore une fois l'église paroissiale relevait directement du roi de France. « La deffense faite au Général de souffrir qu'aucun autre y auroit aussy fait metre ses armes prouve bien clairement qu'il n'y avoit cy-devant aucunes armories dans le susdit pignon et que c'est là le commencement de la possession des seigneurs de Penhoat à s'arroger des grandes prééminences réelles. D'ailleurs une ordonnance de 1539 pour la Bretagne fait défense à toutes personnes de prétendre à aucunes préminences, enfeus, bancs, accoudoirs, écussons, armories, ny autres enseignes de leurs maisons, à l'exception des patrons et fondateurs, à moins de prouver ce droit par une possession ou par écrit. Mais il arriva beaucoup de désordres quand on voulut dépouiller toute la noblesse de ces honneurs, y en ayant très peu qui pussent les justifier par un titre légitime, il fut fait une autre ordonnance dans la même année qui conserva chacun dans les droits dont il estoit en possession avec néantmoins deffense expresse de les usurper à l'avenir, de sorte que s'il paroit que la possession ait eu son commencement depuis 1539, elle est illégitime. Cette ordonnance fut faite pour s'opposer au torent de la vanité qui emporte presque tout le monde et parce que d'ailleurs les préminences sont très odieuses d'elles-mêmes et qu'elles ont tiré leur origine de la vanité et de la violence ».

Toutes les prééminences postérieures à 1539 sont donc nulles ; or ce n'est qu'à partir de 1540 que l'on voit les seigneurs de Kérouartz placer leurs armes dans l'église.

En 1554, objecte encore le comte de Kérouartz, le Général de Saint-Thégonnec reconnut formellement le seigneur du Penhoat pour fondateur de l'église. L'acte est du 17 juin 1554.

Cet acte, répond le Général, n'a pu être qu'extorqué par la violence. D'ailleurs nous ne serions pas embarrassés pour trouver des actes de violence à l'actif des seigneurs du Penhoat.

En 1617, une altercation eut lieu entre les gens du seigneur marquis de Mollac et de Rosmadec et quelques particuliers de Saint-Thégonnec, au sujet des prérogatives de ce seigneur comme possesseur du fief du Penhoat. Il prétendit que ses gens avaient été maltraités, et fit décréter de prise de corps par le présidial de Quimper : Yan Le Sénéchal, Yan Le Grand, Yves Couloigner, Jacques Mahé et Yves Pouliquen. « Ces incensés subirent interrogatoire et eurent ensuite le procès ». La cause fut portée jusqu'au Parlement de Bretagne. Le Général de Saint-Thégonnec intervint dans le procès et demanda à ce que le seigneur de Mollac et de Rosmadec ne pût prétendre à aucune prééminence dans l'église en vertu de sa terre du Penhoat. Telle fut aussi la conclusion du Parlement le 4 octobre 1618. Le seigneur fut condamné aux frais d'appel, et le procès retourna à Quimper. Mais là il n'osa pas appeler le Général de la paroisse pour réclamer les prééminences dues au fondateur de l'église.

Mécontent d'avoir été débouté de sa demande à Rennes le baron de Mollac résolut de se venger. « Il envoya un de ses gentilshommes à Saint­Egonnec pour obliger le nommé Cordenic tailleur de pierre qui travailloit à la batisse d'une nouvelle tour que faisoit faire le dit Général pour l'ornement de leur église, d'insculper les armories de la terre de Penhoat au lieu le plus éminent. Lequel Cordenic ayant refusé d'y satisfaire sans au préalable avoir l'ordre du Général, le dit gentilhomme commença par le maltraiter de sorte qu'aux cris de force survint François Kériel, l'un des paroissiens, remontra au dit gentilhomme qu'alors il maltraitoit ce tailleur de pierres ; mais ce même gentilhomme, n’écoutant aucune raison maltraita également le dit Kériel tant à coups d'épée que de bâton et même de telle façon qu'on le crut en danger de Mort ».

Conclusion. — Il est si vrai que le fonds de cette église et du cimetière a été autrefois donné au Général par les ducs de Bretagne que jamais ils n'ont été compris dans les aveux fournis à la seigneurie du Penhoat. Que le seigneur de Kérouartz fouille tant qu'il voudra les vieux titres du fief de Penhoat ! — Enfin il est aussi évident que c'est le roi et les habitants de Saint-Thégonnec qui sont les fondateurs de l'église paroissiale. Quand il s'était agi en 1667 de reculer l'abside, les paroissiens eurent naturellement recours aux juges présidiaux de Quimper. L'autorisation fut accordée par sentence du 22 juin 1667, et on n'y mit qu'une condition, c'est que les armes du roi fussent placées « en supériorité et dans le lieu le plus éminent ».

 

II. REQUÊTE DE M. DE KEROUARTZ AU PARLEMENT DE BRETAGNE.

« A Nosseigneurs du Parlement supplie humblement Messire Jacques-Joseph-René de Kérouartz chevalier du dit lieu et de Penhoat... contre le Général de la paroisse de Saint-Egonec appelant de sentence rendue en la juridiction royale de Léon à Lesneven, le 14 juin 1755, suite et diligence de Yan Riou et Yan Perron, marguilliers de la dite paroisse... Disant par M. Poulain son avocat que les sophismes hazardés sous le nom du Général de la paroisse de Saint-Egonec se feroient pour prouver combien son appel est désespéré. Il est même étonnant qu'on oze proposer de pareils sophismes contraires aux vérités les plus évidentes. Il s'agit au procès de sçavoir si le suppliant comme acquéreur de la seigneurie et comté de Penhoat, reconnu par le Général de Saint-Egonnec pour seigneur féodal et haut justicier de l'église et cymmetière de cette paroisse a pu être maintenu dans la qualité de seigneur fondateur. Malgré les titres et les intersignes les plus évidents, ce Général conduit dans tous les tems par des brouillons, a ozé contester ce titre par une opposition fondé à l'aproprîment du suppliant du 12 février 1753. On fera connoître dans la suite toute la bassesse de ce procédé qui mériteroit toute l'indignation de la cour, quand même le droit du suppliant ne seroit pas si évident au fond... Le Général conclut seulement au débouttement de la prétention de fondateur et de premier prééminencier, et il acquiesce au droit de haut justicier de l'église ; procédé bizarre qui prouve l'aveuglement de ceux qui se sont rendus maîtres de ce Général. Avant que d'établir les droits de M. de Kérouartz, il est nécessaire pour éviter les répétitions d'exposer sommairement toutes les objections de l'appelant ».

Ici sont brièvement exposées les raisons invoquées par le Général pour refuser au seigneur du Penhoat le titre de fondateur de l'église.

Réponse aux objections du Général.

« Le suppliant se reprocheroit de s'arrêter à la chimère sur l'ancienneté de l'église de Saint‑Egonnec. En quelque tems que la religion chrétienne se soit établie en Bretagne, on ne peut pas conclure que toutes les paroisses se soient formées dans des temps si reculés. Le nom même de Saint-Egonnec donne lieu de penser que cette paroisse ne s'est formée que depuis les siècles de barbarie où fut inventé le nom de ce saint que le Père Lobineau met au nombre des saints inconnus dans sa Vie des Saints de Bretagne. En sorte que le nom même du saint ne remonte pas avant XIIème ou le XIIIème siècle, et la dédicace de l'église à Notre‑Dame de Vray-Secours ne peut rien diminuer de la preuve de nouveauté qu'on vient de raporter. On est dispensé par là de faire une dissertation sur la vérité indubitable, qu'en Bretagne les fiefs ont été héréditaires dans les premiers tems de l'irruption des Bretons dans l'Armorique.

Mais d'ailleurs à quoy bon remonter au déluge pour suivre l'appelant dans des visions et des lieux communs que le dernier praticien auroit honte de proposer même dans un tribunal subalterne et peu éclairé. L'appelant s'est-il flatté de persuader à la Cour que le Roy et les généraux de paroisses soient fondateurs de toutes les paroisses de la province. C'est cependant ce qui résulteroit de l'étrange sistème qui fait le fondement de son appel.

Il est constant qu'il y a en Bretagne un grand nombre de paroisses infiniment plus anciennes que celle de Saint-Egonnec. Mais quand elles ne seroient pas plus anciennes. Comme la longueur des temps et les guerres ont fait perdre tous les anciens titres des seigneuries, il est certain que la plus part des seigneurs ne prouvent la qualité de seigneurs fondateurs que par la circonstance que l'église est dans leur fief, et qu'il n'y a point d'autre personne qui prouve en être le fondateur. C'est là une vérité indubitable.

Sans s'arrêter plus longtemps aux chimères on va discuter en peu de mots les autres objections.

I°. Il est absurde de vouloir faire passer le Roy pour fondateur d'une église sous prétexte que ses écussons sont dans le lieu le plus éminent, au-dessus des armes du seigneur de la paroisse. Personne, dit Evin (Questions féodales, page 170), n'ignore que le Roy peut faire mettre partout où il lui plaît des écussons en quelque lieu de l'église qu'il soit.

En cela il use de son droit de souverain, et il ne peut venir dans l'esprit d'aucune personne qu'un écusson du Roy au-dessus d'une vitre nuise à la supériorité qu'a son vassal seigneur féodal et haut justicier du bourg et paroisse, ny que son droit soit annulé par le défaut d'un tel écusson.

Aussi en 1667 et en 1714, le Substitut de M. le Procureur général quoi qu'excité par les brouillons de la paroisse ne prétendit point que le Roy fût ny fondateur ny seigneur féodal de l'église. Il réclama seulement le droit attaché à la souveraineté et commun à toutes les paroisses de la province. C'est ce qu'on fera voir plus particulièrement dans la suite en discutant en détail les titres produits de part et d'autre.

Il n'est pas moins étrange de voir l'appelant soutenir que les paroissiens doivent être regardés comme fondateurs de l'église, parce qu'ils sont présumés l'avoir bâtie. Jamais une proposition si fausse n'avoit été hazardée. En général dans toutes les paroisses de la province, ce sont les paroissiens et le décimateur qui font la dépense du bâtiment de l'église paroissiale et qui sont présumés l'avoir faite dans l'origine, mais ils n'ont pas pour cela le titre et les honneurs de fondateurs, parce qu'ils n'ont fait que remplir leur obligation, et que ce titre et ces honneurs sont le prix d'une libéralité faite par celui qui n'étoit point obligé de la faire. Par exemple si un particulier bâtissoit ou réédifioit une église, il auroit tous les droits de fondateur, parce que c'est une pure libéralité ; au lieu que si une église brûlée est rebâtie par les décimateurs et les paroissiens, il n'y a en cela aucune libéralité, aucun bienfait envers l'église. C'est une dette qu'ils acquitent et qu'on les contraindroit d'acquiter, s'ils refusoient ou même s'ils tardoient de s'y soumettre. Voilà donc encore une des chimères de l'appelant pleinement détruite. Mais comment oze-t-il fonder son objection sur des actes de 1494 et de 1557 qu'il ne produit même pas. Ce qui donne lieu de penser qu'ils contiennent en faveur de la seigneurie de Penhoat la reconnoissance de seigneur fondateur.

D'ailleurs sur ce que dit l'appelant, il est évident que les actes qu'il allègue ne peuvent lui être d'aucune utilité, car jamais on n'a contesté aux généraux des paroisses le droit de concéder aux paroissiens des tombes et des bancs dans la nef pour des rentes qui leur sont payées. Ainsy a la prétendue concession d'un enfeu et d'un escabeau devant le Crucifix par l'acte de 1494 ne seroit que l'exercice d'un droit qui apartient à tous les généraux de paroisses quoy qu'aucun d'eux ne donne dans la chimère d'être fondateurs de leurs églises.

Il en est de même du droit de concéder des chapelles. Ainsy le général avoit sans difficulté droit de permetre d'en bâtir une, auprès de la nef, au-dessous de la grande chapelle, et comme celui qui devoit la bâtir en devenoit le propriétaire, il devoit nécessairement y jouir des droits de bancs, enfeu, et quand même il auroit obtenu des lettres patentes confirmatives de cette concession, on ne pourroit pas en conclure que le Roy fût fondateur de l'église. Si l'appelant vouloit produire ces prétendues lettres patentes, on y verroit que le Roy ne les avoit point données comme fondateur, mais seullement comme souverain protecteur de toutes les églises de son royaume. Et peut-être que cette formalité fut alors jugée utile parce que l'ordonnance et la déclaration de 1539 étoient récentes et que la prohibition généralle de l'ordonnance de 1539 contre toutes les prééminences prétendues par ceux qui n'étoient point fondateurs paroissent exiger que la concession du général fût authorisée par lettres patentes dérogatoires à cette ordonnance.

Mais enfin toutes ces pièces ne paroissent point et l'on est convaincu que le général les suprimera toujours parce qu'elles ne lui seroient d'aucune utilité et qu'elles contiennent même quelques reconnoissances avantageuses au droit du suppliant. C'est l'induction naturelle qu'il a le droit de tirer du défaut de représentation de ces pièces.

Telles sont les objections sur lesquelles le Général fonde une chicane d'autant plus odieuse qu'elle est absolument gratuite. Il avoue qu'il lui est indiférent à qui la féodalité de l'église apartienne ; il reconnoit même la mouvance du seigneur de Penhoat et il déclare qu'il n'a jamais eu l'intention de la contester. Tout ce qu'il dit en faveur du Roy n'est que pour tâcher d'embarasser le suppliant dans un procès contre le domaine, et cette odieuse instigation n'a pas commencé d'aujourd'hui. De tous les tems il y a eu des brouillons dans cette paroisse, esprits bas et inquiets qui ont travaillé sourdement contre la seigneurie de Penhoat à chaque occasion qui s'est présentée de la compliquer avec le domaine du Roy. Cela se prouvera bientôt par les pièces même que l'appelant a produites et qui sont décisives contre lui. C'est le sort ordinaire de ceux qui défendent un procès injuste.

Avant que d'établir les principes constans qui ont été toujours suivis en cette matière, il convient de faire un détail sommaire des titres qui sont produits au procès tant par le suppliant que par le général. Les deux premiers titres sont du 4 avril 1540 et du 17 juin 1554 ».

Après avoir rappelé les objections du Général contre ces titres, l'avocat de M. de Kérouartz ajoute :

« 1° L'acte de 1540 n'est point l'ouvrage des juges de Penhoat. C'est une délibération du général de la paroisse. Les délibérants se trouvèrent au nombre de 61 entre lesquels étoient les seigneurs de Coasvout et du Herlan qui ont des fiefs dans la paroisse. Ainsy le moïen d'incompétence est absurde. D'ailleurs comment le général de la paroisse a-t-il pu l'immaginer tandis qu'il reconnoit le suppliant comme seigneur féodal de l'église. 2° Il est faux que les intersignes des hautes prééminences n'existassent point avant cet acte ; il porte expressement qu'il n'y a dans la fenestre du pignon souzain de l'église aucunes armes ny intersignes fors deux écussons des armes du seigneur de Penhoat. Voilà donc deux écussons alors existans. Les paroissiens s'obligent de les remettre et de ne permetre pas d'en metre d'autres. Ainsi le droit existant et prohibitif à tout autre est autentiquement constaté et reconnu, et le général ne retire de son objection que la honte d'avoir fait un mensonge. Que sert-il après cela de citer l'ordonnance de 1539, puisque l'existence des intersignes prohibitifs des hautes prééminences est constatée par acte. Il résulte qu'elles existoient avant cette ordonnance, et elles sont même présumées remonter à la plus haute antiquité.

Le second acte du 17 juin 1554 prouve que le général de la paroisse aussi mal conduit alors qu'il l'est aujourd'huy fit quelques entreprises sur les droits de la seigneurie de Penhoat qui donna lieu à un procès dans la juridiction de Lesneven sur les prééminences et tombes dépendantes de cette seigneurie. Les paroissiens ne pouvant soutenir l'injustice de leurs contestations reconnurent que le seigneur de Penhoat étoit fondateur de l'église. Ils s'obligèrent de faire à leurs frais une tombe élevée qui touchera d'un bout au pignon suzain de cette église joignant le bout du grand autel du côté de l'évangile, en laquelle mettront un écusson des armes du dit seigneur, et en l'endroit du dit grand autel feront autre tombe basse qui touchera l'un de ses bouts au degré du dit autel, en laquelle sera mis un écusson des armes du dit seigneur.

L'exécution de cette transaction est constatée par le procès-verbal de 1714 ».

Le suppliant ne possède pas l'original de l'acte de 1557 mais il ne le reconnaît pas comme suspect, ainsi que le prétend le général. Il va maintenant répondre à l'accusation de violences portée contre le seigneur du Penhoat.

« Quant aux violences que le général impute au seigneur de Penhoat, il est faux qu'il y en ait la moindre trace au procès ; il est même absurde de l'immaginer à l'égard de l'acte de 1554 qui, étant une transaction sur procès faitte dans l'assemblée du général de la paroisse où étoient les seigneurs Du Parc et Kergorlay seigneurs du Herlan et de Coasvout et d'autres gentilshommes ; tous soupçons de surprise et de violence sont contre la vraisemblance.

Le général qui avoit si autentiquement reconnu la qualité de seigneur fondateur par cette transaction sur procès, renouvela des chicanes 64 ans après par l'arrêt du 24 octobre 1618 qu'il a eu l'imprudence de reproduire. On voit que huit particuliers de ce général avoient été décrétés de prise de corps par le présidial de Quimper sur la plainte du marquis de Rosmadec seigneur de Penhoat. Ces parties ayant été reçues en procès civil, le marquis de Rosmadec releva appel de ce jugement et les accusés furent aussi appelants du décret de prise de corps. Le général intervint dans ce procès et oza soutenir que le seigneur de Penhoat ne pouvoit prétendre aucunes prééminences ny droits prohibitifs dans l'église. Le décret de prise de corps fut réformé et le règlement civil confirmé, sans doute parce qu'il étoit trop fort contre des domiciliers dont les violences pouvoient n'être pas susceptibles de peine afflictive ou infamante.

Mais le général qui se flattoit de surprendre un arrêt contre les droits honorifiques du seigneur de Penhoat ne put obtenir qu'un renvoy au tribunal de Quimper, et il abandonna absolument cette contestation puisqu'il ne reproduit pas la moindre pièce de procédure en conséquence de ce renvoy. Il est vrai qu'il fait à cet égard deux objections. La première que le seigneur de Penhoat persuadé qu'il ne pouvoit légitimement prétendre les grandes prééminences, n'oza jamais appeller le général au présidial de Quimper. Cette objection est absurde.

Le seigneur de Penhoat étoit en possession des hautes prééminences par les écussons au haut de la maîtresse vitre prohibitifs à tout autre et par la tombe enlevée dans le sanctuaire du grand autel, du côté de l'évangile. Il avoit outre cela la reconnoissance du général pour sa qualité de seigneur fondateur portée dans la transaction sur procès de 1554 ; possesseur de tous ces intersignes et droits, il lui auroit été fort inutile d'intenter un procès qu'un seigneur fait toujours avec répugnance au général d'une paroisse dont il est fondateur. Ainsy c'étoit au général seul qu'il incomboit d'agir. On ignore s'il le fit, mais puisqu'il ne représente aucune procédure, on doit penser qu'il n'eut pas un succès avantageux. L'autre objection qui, en la suposant vraye, ne donneroit aucune atteinte à ce qu'on vient de dire, est que le marquis de Rosmadec ayant voulu faire graver ses armes au lieu le plus éminent d'une nouvelle tour que faisoit bâtir le général, le tailleur de pierres et un parois­sien ayant été maltraités, le général obtint un arrêt sur requête en date du 31 octobre 1619 qui commit les juges royaux des lieux pour informer et qui le mit sous la sauvegarde du Roy et de la Cour. On doit être convaincu que la prétendue tentative de 1619 dont le vénéral ne porte point de preuve tourna à sa honte, puisque les armes des seigneurs de Penhoat sont actuellement en bosse au clocher au dessus du cadran et de la principale porte de l'église . . . . . . ».

Le général, il est vrai, objecte que l'église paroissiale n'a jamais été comprise dans les aveux fournis à la seigneurie de Penhoat. « Pour que cette objection eût quelque valeur, il faudroit du moins que le général en eût rendu aveu à quelqu'autre seigneur. Or jamais il n'a rendu aveu ni au roi ni au seigneur de Landiviziau supérieur du seigneur de Penhoat. Personne n'ignore que les seigneurs, à l'exception de un très petit nombre ont toujours négligé de se faire rendre aveu des églises et des cimetières parce qu'il n'en peut résulter aucun profit de fief.

Le point essentiel et décisif est que par l'aveu du 27 septembre 1706 rendu à la seigneurie de Landiviziau supérieure en cette partie de la seigneurie de Penhoat, le suppliant est expressément inféodé de la qualité de seigneur supérieur et fondateur de l'église de Saint-Egonec. M. le duc de Rohan (Chabot) actuellement seigneur de Landiviziau n'a pas pu donner atteinte à ce droit et s'est borné à cet égard à de simples protestations... protestations d'autant plus frivoles que jamais la seigneurie de Landiviziau n'a eu aucun intersigne de prééminences dans cette église ».

Lorsque le général fit exhausser la nef et l'abside en 1714, le seigneur marquis de Coatanfao fit valoir ses droits comme possesseur du fief de Penhoat, et le procès-verbal constate que le substitut du Procureur général, malgré les excitations des paroissiens, se contenta d'exiger que les armes du Roy fussent placées au premier rang ; ce qui, comme on l'a vu, n'est qu'une preuve de sa souveraineté sur toutes les églises du royaume.

Ainsi dans ce procès, la bassesse du procédé s'est unie à l'extravagance de la contestation, et le général oze mettre sous les yeux de la Cour une conduite si odieuse .....

« Ainsi donc le suppliant a tous les titres pour se dire fondateur de l'église paroissiale de Saint‑Egonnec, et tout concourt en sa faveur : le défaut de qualité de son adversaire, les titres et les intersignes les plus anciens, l'enclave parfaite de toute part de l'église et du cimetière dans le fief de Penhoat. Enfin ni le Roy, ni le seigneur de Landiviziau qui est le supérieur n'ont aucune mouvance proche dans cette enclave ».

 

III. DÉNOUEMENT DU PROCÉS EN 1758.

Le 10 juin 1758, le général de la paroisse fut d'avis d'accepter l'arrangement proposé par M. de Kérouartz. Le seigneur du Penhoat reconnu comme « seigneur supérieur et fondateur de la paroisse de Saint-Egonnec, » avait droit à la prière nominale... Le banc de son enfeu devait être déplacé et posé dans la longueur qui se trouve « entre la tête du choeur et la marche de pierre du balustre de l'autel du Rosaire. Le déplacement de ce banc rendra plus facile le service divin et donnera plus de place pour aller de la sacristie au grand autel ». Ce transport ne devait pas cependant nuire aux droits des seigneurs particuliers dont les bancs et enfeus déplacés par ceux de M. de Kérouartz se trouveraient rejetés plus bas. Aujourd'hui encore on peut voir, auprès de l'entrée du choeur, du côté de l'évangile, une pierre tombale avec armoiries qui marque l'emplacement de la tombe du Penhoat. Le comte de Kérouartz de son côté renonçait à tous ses autres droits et prétentions.

Telles furent « les conditions d'accommodement convenues entre M. de Kérouartz et les marguilliers en charge, de l'avis de M. Du Dresnay, de M. le Recteur, curés et prêtres de la paroisse ».

 

CONCLUSION :

Si la fabrique était souvent en procès contre les seigneurs de la paroisse parce qu'elle s'attaquait à leurs droits honorifiques, les seigneurs de leur côté voulaient jouir de leurs anciens privilèges malgré les ordonnances royales et profitaient de la moindre occasion pour en acquérir de nouveaux. C'est ce qui résulte de la consultation suivante de M. Auffret, avocat, au sujet d'un procès entre la fabrique et la famille du Kerhoaz, seigneur du Quélennec, Coatcoulouarn, etc... La consultation est datée du 13 mars 1781.

Les prééminences et droits honorifiques de la famille du seigneur du Quélennec se réduisent, dit M. Auffret, à deux objets d'après le procès-verbal du présidial de Quimper du 9 mai 1714 :

1° Messire Louis du Kerhoaz assista au procès verbal pour réclamer un banc avec les deux tombes de pierre rousse et de grains qui le supportent. Sa prétention d'avoir deux tombes est nulle aujourd'hui, puisqu'une ordonnance royale du 15 mai, enregistrée le 23 août 1776, défend toute inhumation dans l'église. L'article premier de cette ordonnance porte « que nulle ecclésiastique ou laïque de quelque qualité, état et dignité qu'elle puisse être, ne pourra être enterré dans les églises, même dans les chapelles publiques ou particulières... ».

Exception est faite pour les archevêques, évêques, curés, patrons des églises, hauts justiciers et fondateurs.

Ceux qui avaient le droit de se faire inhumer dans l'église devaient construire « des caveaux pavés de grandes pierres tant au fond qu'à la superficie de 12 pieds quarrés en dedans d'oeuvre. Outre cette précaution, il est ordonné que l'inhumation ne pourra y être faite qu'à six pieds en terre, au dessous du sol intérieur. Ainsi les deux tombes de pierre rousse et de grains, ou plutôt les deux pierres tombales qui sont sous le banc du seigneur du Quélennec ne peuvent plus former une prétention de prééminences, puisqu'une loi promulguée dans tout le royaume, méditée depuis des siècles, et désirée par tous les vrais cytoyens met hors d'état sa soeur et son héritier de former aucune contestation sur cet objet. Si le dernier seigneur du Quélennec a été enterré dans l'église et sous ces deux tombes, c'est une infraction manifeste à la loi ; c'est une complaisance de Mr. le recteur, des ecclésiastiques et des paroissiens de l'avoir souffert. Le ministère public même était dans le cas de sévir à ce sujet ».

2° Quant au second point qui concerne le banc, et qui fait le sujet de la difficulté actuelle, il faut analyser les pièces qu'on a vu et examiné. « L'acte du 3 juin 1640 dit que le seigneur du Quélennec n'avoit lors sous la voute que l'église rebatissoit à ses frais qu'un accoudouer qui veut dire un prie-Dieu, simple, non clos ni fermé.

Cet acte prouve encore que la place où étoit cet accoudouer n'étoit point prohibitive au seigneur du Quélennec, puisque si cela avoit été il auroit été incontestablement obligé à des frais personnels de réparer cette voute, au lieu que l'on voit que l'église seule a payé toutes les dépenses.

Il est d'ailleurs bien visible que le seigneur du Quélennec avoit des amis et des partisans dans la paroisse de Saint-Thégonnec qui le favorisoient au préjudice de l'église, puisque l'acte de 1650 fait preuve que le Sr. Prouff lors recteur refusa de le signer. On va voir dans l'instant ce qui en étoit.

Le 4 octobre 1651, Messire Jean Duplessix seigneur de Penfao présenta aux juges royaux une requête où il exposa que le banc du seigneur du Quélennec avoit été posé au devant de l'autel de Notre-Dame des Victoires, sans droit, sans nulle clause ni condition, pendant qu'on rebatissoit la voute où il étoit cy-devant : que lorsqu'on a voulu remettre dans son ancienne place ce banc le seigneur du Quélennec s'y est opposé ; prétendant y mettre un autre banc : que le seigneur du Quélennec vouloit jouir de deux prééminences au lieu d'une seule : que le dit banc étant au devant du dit autel incomodoit notablement le public ; que le seigneur de Penfao gentilhomme propriétaire et habitant de la paroisse, ayant voulu remédier aux usurpations du seigneur du Quélennec, on lui fit des menaces de le maltraiter à coups de baton et on lui proféra des injures très atroces au prosne même de la grande messe paroissiale.

On ne voit point qu'elle a été l'issue de cette requête : Ce qui paroit d'une évidence certaine, c'est que le seigneur du Quélennec vouloit prétendre deux bancs, et comme le seigneur de Penfao l'exposoit, deux prééminences au lieu d'une.

Le procès-verbal du 9 mai 1714 porte qu'il y avoit un grand banc clos situé entre le troisième pillier de l'aille droite et y joignant, et le pilier auquel est attaché la chaire du prédicateur et à l'opposite d'icelle, étant éloigné du pillier soutenant la dite chaire et de la chaire de la distance de quatre pieds ».

Lors de ce procès-verbal de M. Laloué du présidial de Quimper, le seigneur ne réclame plus que le banc situé sous la nouvelle voûte, au-dessous du pilier de la chaire. Il fit mettre trois accoudoirs sous la voûte. Ces accoudoirs étaient placés sur un tombeau situé du côté nord de l'église, vis-à-vis du troisième pilier auquel était adossé son banc.

« Il s'opposa formellement à ce que dans la réédification que le général entendoit faire du bout oriental de son église paroissiale, le maître autel fut plus avancé qu'il n'étoit lors.

Cette opposition étoit vaine et illusoire, puisque dans tous les temps, on a vu et on voit encore aujourdhuy qu'on change de situation aux églises.

Ainsi le seigneur du Quélennec ne paroissant point avoir aucun titre qui justifie qu'il fut le bienfaiteur de l'église, n'ayant point de fief ni de terre qualifié dans la paroisse, encore moins de concession du droit de banc, il est vraisemblable que celui qu'il a aujourdhuy est l'effet de la pure complaisance des habitants de la paroisse, complaisance qu'ils peuvent rétracter dans tous les temps.

Il n'y a aucune prescription à opposer à l'église, parce qu'heureusement elle est toujours mineure »………… Consultation de Me Auffret, avocat. 13 Mars 1781. (F. Quiniou).

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