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LA MUNICIPALITE ET LE DISTRICT DE MORLAIX (1793-1794)

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Au plus fort de la tourmente révolutionnaire, les paroissiens de Saint-Thégonnec ne furent pas privés des secours religieux de leurs prêtres fidèles. Les registres des baptêmes et des mariages datés de cette époque attestent que l'on faisait peu souvent appel au ministère des prêtres intrus. Ces actes sont signés de noms de prêtres dont aucun n'avait prêté serment à la Constitution civile. C'étaient François Abgrall et Alain Le Roux qui signent tous deux : « curé d'office », Jean Combot, prêtre de la paroisse, Nicolas Marie Moal, ex-vicaire de Saint-Pol et Toussaint Yves Costiou qui exercèrent le ministère principalement à Pleyber-Christ, François Ignace Luguern, vicaire à Guiclan, H. Le Guen et Yves Kérébel, curé de Minihy. Tous ces prêtres demeurèrent sur le territoire de Saint-Thégonnec et aux environs durant l'époque révolutionnaire.

Ils prenaient soin de changer souvent de lieu de retraite autant pour ne pas compromettre les personnes qui leur donnaient asile, que pour dépister les recherches de la police. Aussi, nombreuses sont dans la paroisse les familles qui peuvent réclamer l'honneur d'avoir donné l'hospitalité à un prêtre non assermenté. Chaque village, pour ainsi dire, possède « sa cachette ». Le dévouement des habitants, et souvent leur présence d'esprit devant les gendarmes qui pénétraient chez eux à l'improviste (car ceux-ci se défiaient de la municipalité) sauvèrent la vie à plus d'un prêtre traqué.

Dans un village non loin de la chapelle de Sainte-Brigitte, était caché un prêtre réfractaire. La police eut vent du fait, et deux gendarmes se présentèrent pour mettre la main au collet « de l'ennemi de la République ». Ils trouvèrent à la cuisine la maîtresse de la maison en train de préparer le déjeuner pour ses bestiaux. La femme leur fit bon accueil et subit leur interrogatoire sans se trahir. Pendant l'entretien survint le prêtre en question. La fermière vit son embarras et coupant court à l'entretien, elle s'adressa à lui d'un ton de mégère : « Hé ! va donc, fainéant, porter ce barbotage aux bestiaux ! ». Le prêtre ne se le fit pas dire deux fois, et de l'air le plus naturel du monde se mit à accomplir sa nouvelle fonction. Les gendarmes le prirent pour un des garçons de la ferme. C'est ce qui le sauva.

La municipalité ne montrait pas beaucoup de zèle dans la poursuite des prêtres réfractaires. Lorsque des avertissements avec menaces leur arrivaient du District de Morlaix, les agents municipaux se réunissaient à la maison commune, et chacun d'entre eux prenait à sa charge de surveiller une partie déterminée de la paroisse. Mais ils se hâtaient eux-mêmes de rendre public le résultat de leurs délibérations, et ceux qui donnaient asile à un prêtre insermenté étaient informés à temps de l'heure fixée pour les perquisitions. Il n'était donc pas difficile de soustraire le prêtre aux recherches des agents municipaux.

Si même, ils avaient voulu l'application de la loi, ils auraient dû commencer par se dénoncer eux-mêmes. Ils étaient les premiers à avoir recours au ministère des prêtres cachés. Nous voyons François-Marie Rideller, secrétaire de l'administration municipale et notaire de Saint-Thégonnec, faire baptiser son enfant le 26 juin 1793 par Nicolas Marie Moal, prêtre catholique de Léon. Le parrain de l'enfant fut Salomon Marie Le Roux, autre agent municipal.

Le 7 nivôse an II, le maire reçut un nouvel avertissement du District de Morlaix, pour lui rappeler que le nom de la commune de Saint-Thégonnec rappelait trop la féodalité ou la superstition : « Le 7 nivôse an II (27 décembre 1795). Dans une République, citoyen, il ne doit exister aucun signe qui retrace le souvenir de la tyrannie ou de la superstition. Le nom de ta commune rappelle encore ce temps d'opprobre où l'homme, avili par le despotisme, courbait ignominieusement la tête à l'aspect d'un prélat mitré. Il faut se hâter de faire disparaître à jamais, tout ce qui peut rappeler ces siècles de barbarie et d'ignorance. Je t'invite donc à stimuler les Officiers municipaux de ta commune, pour qu'ils aient à lui donner un nom plus digne du caractère républicain, et qui ne répugne pas aux sans-culottes. Je t'assure que cette opération doit être célère, afin que les changements dans la nomenclature des communes de la République soient insérés dans les décrets de la Convention nationale et sur les nouvelles cartes de la République ».

La municipalité se soumit à cet ordre, et pendant quelques années Saint-Thégonnec s'appela tout simplement Thégonnec ou Egonec, surtout dans les actes de vente des biens nationaux.

Le District de Morlaix veillait à l'observation des lois républicaines et à tous moments il lui arrivait, par l'intermédiaire des délégués de l'époque, des dénonciations contre les municipalités de son ressort. Les officiers municipaux de Saint-Thégonnec, comme bien d'autres d'ailleurs, reçurent une lettre pleine de menaces pour n'avoir pas encore abattu les croix qui se trouvaient sur le territoire de la commune : « 16 thermidor, an II (3 août 1794). Je suis instruit que, malgré les diverses instructions que nous vous avons faites d'enlever les croix qui existent sur votre commune, vous n'avez fait jusqu'ici aucune démarche pour les faire disparaître ; je vous déclare que si, à la prochaine tournée que je ferai dans votre arrondissement, ces restes impurs du fanatisme insultent encore aux yeux des bons citoyens, je serai forcé de vous dénoncer aux autorités supérieures, vous serez traités comme suspects, et vous savez la honte attachée à cette punition ».

La municipalité n'exécuta pas cet ordre impie. On peut croire que la chute de Robespierre, avec la réaction thermidorienne qui en fut la conséquence, arrêta ce zèle des sans-culottes de Morlaix.

Le 29 thermidor an II (16 août 1794), l'instituteur de l'endroit adressa un rapport au district pour dénoncer les officiers municipaux : « VIVE LA MONTAGNE ! Dubois, instituteur à Saint-Thégonnec, aux citoyens de la Société populaire composant le Comité de surveillance, Morlaix. Préposé, par l'organe de vos collègues, à l'instruction de la jeunesse de cette commune, je me fais un devoir indispensable de vous instruire des abus qui y règnent. Déconcerté du peu d'enfants qui viennent à nos instructions, j'ai invité la Municipalité à employer un moyen que j'ai cru efficace pour et augmenter le nombre : elle ne m'a fait aucune réponse... Je ne vois pas pourquoi des instruments (les cloches) inventés pour fanatiser le peuple, ne servent pas aujourd'hui à le rappeler au républicanisme, malgré le décret qui ordonne la descente des cloches, hors dans les temples conservés, il y en a ici cinq, trois moyennes et deux grosses. Le ci-devant Angelus sonne quatre fois par vingt-quatre heures. Ce monument de superstition ne devrait-il pas être susbtitué par un autre son (sic) ; les décades ne devraient-elles pas être annoncées, la veille et le jour, par un son distinct, pareillement les fêtes nationales ? Rien de cela... Il n'y a pas une seule enseigne républicaine, pas même à la maison commune. Vous savez aussi qu'on a conservé, dans le temple de cette commune, deux croix et autres effets en argent qui devraient être à la fonte ».

A cette lettre était jointe copie de celle adressée à la Municipalité de Saint-Thégonnec par le même instituteur, le 15 Thermidor (2 Juillet). Elle démontre que la neutralité scolaire n'est pas une invention récente : « La ci-devant chapelle de Saint-Joseph me paraissant propre à rassembler les enfants de votre commune pour l'instruction que je suis chargé de leur procurer, je requiers que vous vouliez bien faire enlever les objets qui y sont, et qui gêneraient cet établissement si intéressant au bonheur des jeunes enfants des agriculteurs. Dans ces lieux il ne doit y exister de marques d'aucun culte. En conséquence, vous voudrez bien les faire tous sauter ».

La dénonciation du sieur Dubois ayant été communiquée par le District aux Officiers municipaux, ceux-ci y répondirent par la lettre suivante, qui finira de nous édifier sur le rôle odieux que jouait à Saint-Thégonnec le nouvel instituteur : « VIVE LA RÉPUBLIQUE UNE ET INDIVISIBLE ! Les Officiers municipaux de la commune de Saint-Thégonnec, aux citoyens Administrateurs du District de Morlaix. Le 5 Vendémiaire an III (26 Septembre 1794). CITOYENS. La dénonciation faite contre nous par le citoyen Dubois, instituteur, ne nous a que très peu surpris ; nous avions appris de bonheur que, depuis longtemps, il s'était acquis le titre de célèbre dénonciateur. C'est peut-être le seul talent qu'il ait eu pour se faire valoir, et auquel il est redevable de la place qui lui est confiée. Il aurait donc tort de se départir d'un système qui lui a si bien valu jusqu'à présent.

De la manière dont il s'est comporté en arrivant ici comme instituteur, nous ne devions pas nous attendre à autre chose de sa part. Sa conduite et les liaisons qu'il a formées depuis qu'il réside parmi nous, nous ont confirmé dans l'opinion qu'il serait le digne émule de cet homme contre la malveillance duquel nous avons eu si souvent à résister, et qui, pendant qu'il habitait cette commune, en la quittant même, n'a cessé de la calomnier de la manière la plus atroce (Alanet, curé constitutionnel).

En arrivant dans cette commune, au lieu d'attendre, pour produire et enregistrer ses pouvoirs, quelque jour où nous serions assemblés, et sans nous en avoir donné avis, le citoyen Dubois vint à notre secrétariat, où il fit enregistrer sa commission par notre Secrétaire, qui n'eut qu'à peine le temps de faire avertir de se rendre au bureau deux Officiers municipaux et l'Agent national.

Il parla ensuite de son logement à des membres de la Municipalité. Ceux-ci lui indiquèrent le presbytère comme un endroit qui aurait pu lui convenir. Le citoyen Dubois ne goûta pas leur avis et demanda à voir une grande chambre où le citoyen Perrot tenait école. Il prétendit qu'une fois son installation faite, Perrot n'aurait plus d'emploi à cette chambre, par la raison, disait-il, que lui, Dubois, aurait alors seul le droit d'enseigner les enfants. En parlant de la sorte, le citoyen Dubois comptait, sans doute, pour rien la loi du 29 Frimaire, qui donne à tout citoyen le droit d'enseigner, en remplissant les conditions qu'elle prescrit. Enfin, le citoyen Dubois convint qu'il prendrait la chambre en question pour y instruire la jeunesse.

Le 10 Thermidor, le citoyen Dubois vint pour se faire installer ; il n'avait encore donné à la Municipalité aucun avis sur le jour auquel il comptait fixer cette installation. Il arriva au temple, où l'on publiait les lois, et, sans en conférer avec les Officiers municipaux qui étaient présents, il alla droit à la tribune et requit le Secrétaire Greffier de procéder sur-le-champ à son installation.

Mais revenons aux objets de sa dénonciation. Par sa lettre du 15 Thermidor, il nous a requis de faire enlever de la chapelle dite de Saint-Joseph les objets qui pouvaient y gêner ses écoles. Sur ce réquisitoire, nous vîmes que le citoyen Dubois avait changé d'intention sur le local de son établissement, et qu'il était décidé à agir de son propre chef, puisque, sans la participation d'aucune administration, il allait disposer d'un édifice national. Néanmoins, pour tâcher d'éviter avec lui toute discussion, nous fîmes faire les arrangements qu'il demandait.

Quant au moyen inventé par le citoyen Dubois pour rappeler aux parents l'obligation où ils sont d'envoyer leurs enfants à l'instruction publique, nous avons eu beau lire ses lettres, nous n'avons pu lui trouver l'efficacité qui lui est donnée dans la dénonciation.

Il lui fut répondu verbalement que les concierges du temple étant plus que surchargés par le service de la Municipalité, nous ne jugions pas à propos de les obliger à monter deux fois par jour dans la tour ; que le marteau de l'horloge, frappant à son ordinaire, pouvait suppléer au son que l'on aurait pu faire du bas du clocher ; qu'il y aurait de grands risques à laisser la corde suspendue à la cloche descendre jusqu'à terre, que les enfants et les malveillants trouveraient, les uns sans y penser, les autres par dessein, de quoi alarmer la commune en sonnant le tocsin mal à propos.

Quant à l'inculpation relative à la non-descente des cloches... Le citoyen Dubois montre assez clairement qu'il l'a faite plus par envie de dénigrer la Municipalité, que par esprit de patriotisme, car on a descendu et livré à la fonte la plus grosse cloche.

Le citoyen Dubois ajoute : " Vous savez, citoyens, qu'on a conservé, dans le temple de cette commune, deux croix et autres effets en argent ". Ah ! quelle découverte vient d'être faite par le citoyen Dubois !... Qu'il sache qu'elles sont portées sur l'état que nous avons remis à l'Agent national, et que déjà nous avons remis 28 marcs d'argent pour la monnaie.

Nous finirons, citoyens, par vous inviter à engager le citoyen Dubois à se tenir au pas de son institution ; vous nous éviterez par là des discussions qui ne pourraient tendre qu'à nous détourner des devoirs attachés aux fonctions dont nous sommes chargés. Salut et fraternité ! B. BRETON, maire ». (F. Quiniou).

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