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NOTRE-DAME DE LA GRAND'PORTE

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DURANT LA GUERRE DE 1939-1944

Quand la guerre éclata en 1939, avec un ensemble admirable, les Malouins tournèrent aussitôt leurs regards vers Notre-Dame de la Grand'Porte et se portèrent en foule à son petit sanctuaire des remparts. Régulièrement tous les soirs, à la tombée de la nuit, quand par ordre de la « défense passive » s'éteignaient les bougies de la Grand'Porte, un nombre impressionnant de fidèles se rendaient à la Cathédrale réciter en commun le Chapelet et invoquer notre patronne.

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

Lorsqu'en Juin 1940, nous fûmes menacés de l'invasion, les Malouins redoublèrent encore de ferveur ; et M. le Chanoine Dean, Curé-archiprêtre de la Cathédrale, après avoir consulté ses paroissiens, fit solennellement le vœu, si nous étions préservés de l'invasion, d'organiser dans la suite une journée de prières et une procession en l'honneur de Notre-Dame de la Grand'Porte. Hélas ! nous ne fûmes pas exempts de l'occupation ; et pendant plus de quatre ans, nous avons souffert sous la botte du teuton ! Cependant, nos compatriotes ont considéré comme une grâce insigne de la Vierge vénérée, d'avoir été presque épargnés par les bombardements, jusqu'au moment du siège de Saint-Malo. Le voeu paroissial se fit solennellement à la Cathédrale le 16 Juin 1940, et l'église n'était pas assez grande pour contenir tous les fidèles qui se pressaient en foule sous les voûtes séculaires. Après de nombreuses prières et des invocations touchantes, du haut de la chaire, M. le Curé, lentement et d'une voix émue, prononça au nom de ses paroissiens la formule du voeu et, à partir de ce jour, sans aucun fléchissement, les Malouins vinrent en plus grand nombre encore s'unir au chapelet qui fut récité chaque soir à la Cathédrale. La statue vénérée de la Grand'Porte fût couverte de fleurs et entourée de lumières, jusqu'au moment où les allemands prirent les clefs de la niche de la Vierge, et en interdirent l'accès. Cependant, sur les demandes réitérées des fidèles, l'ennemi finit par rendre les clefs du petit sanctuaire à l'autorité religieuse ; mais il défendit d'y laisser brûler des bougies. Lors du bombardement aérien, au cours duquel, le 12 Mai 1944, quelques bombes tombèrent sur notre ville, nous avons considéré comme une grâce insigne de la Madone vénérée, que des bombes d'aussi gros calibre, tombant au milieu d'un quartier très peuplé, ne fassent qu'une seule victime, et encore étrangère au pays ! 

Saint-Malo en 1944.

Jusqu'au siège de la ville, la confiance de tous ne se ralentit pas, et nous conservâmes le ferme espoir que notre Vierge Tutélaire protègerait sa Cité, et que Saint-Malo serait toujours préservée d'un nouvel incendie. Malheureusement, il ne rentrait pas dans les desseins de la divine Providence que nos désirs et nos prières fussent exaucés.

Les Malouins furent très peinés quand ils virent la niche de la Grand'Porte fermée et l'accès de la Vierge rendu impossible, de ne plus pouvoir y aller porter leurs fleurs et leurs bougies. Ce fut sans doute ce regret qui inspira à une pieuse personne de faire exécuter une reproduction de la statue de la Grand'Porte par un sculpteur du pays, et de l'offrir à M. l'Archiprêtre pour la placer dans sa cathédrale. L'inauguration de la nouvelle statue eut lieu le jour du Rosaire, le premier dimanche d'Octobre 1942 ; et quand, au mois de Mai 1943, Monseigneur Roques, Archevêque de Rennes, Dol et Saint-Malo vint donner la confirmation dans la paroisse, il tint à aller s'incliner devant la nouvelle statue de la Vierge vénérée. La Vierge a été placée dans les ailes du choeur, du côté de l'épître, dans l'embrasure d'une fenêtre ogivale qui se trouve entre la porte de la sacristie et le tombeau du Curé Huchet. Aussitôt placée dans la Cathédrale, la nouvelle statue fut entourée du respect et de la vénération des habitants de Saint-Malo, qui lui apportèrent bientôt les lumières et les fleurs que les ordonnances boches empêchaient de porter à la statue séculaire de la Grand'Porte.

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

Ce fut exactement à cette même époque, qu'un artiste de la région, M. Dervaux, fit paraître une gravure sur bois représentant la Vierge de la Grand'Porte ; il avait fait reproduire au bas de sa gravure les vers de l'Abbé Manet : 

« Fille du Saint-Enfant dont vous êtes la mère,

Sans avoir altéré Votre Virginité,

Conjurez instamment Votre adorable Père,

De bénir à jamais la pieuse Cité.

Et qu'Il ne souffre pas qu'une flamme seconde

Vienne la dévorer jusqu'à la fin du Monde ».

Cette belle gravure permit aux Malouins de placer à leurs foyers la Vierge de la Grand'Porte et de lui rendre plus facilement un culte familial. A aucune époque Notre-Dame de la Grand'Porte n'a été entourée d'une plus grande dévotion et d'autant de respect que pendant la guerre car non seulement à Saint-Malo, mais à Paramé, Saint-Servan, et bien loin dans la région, on invoquait notre Madone et on la priait avec amour ! Ce fut pour l'inauguration de cette statue de chêne, qu'un prêtre de Saint-Servan composa un nouveau chant à Notre-Dame de la Grand'Porte ; voici du reste les paroles du cantique de l'Abbé Eugène-Morice Colas, qui a consacré tout son ministère sacerdotal au patronage de Saint-Malo ; ce cantique, très apprécié de la foule, a été chanté en choeur à beaucoup de nos cérémonies ; il est devenu le cantique populaire de Notre-Dame de la Grand'Porte ; il se chante sur l'air : O Marie, O Mère Chérie.

REFRAIN

Notre-Dame de la « Grand'Porte »

Qui de nos fiers remparts veille sur nos foyers

Garde au Pays Malouin son âme droite et forte

Protège-nous dans les dangers.

1

Devant l'image tutélaire

Qu'apportèrent jadis les flots,

Nous aimons à t'offrir ô Mère,

Nos voeux, nos joies et nos sanglots.

2

En ces temps de deuil, de souffrance,

Tout notre espoir repose en toi,

N'es-tu pas la Reine de France

Et la Mère du divin Roi !

3

Loin de Toi peut-être naguère,

Nous vivions aux jours de bonheur ;

Mais l'enfant revient, à sa mère

Dans le péril ou la douleur.

4

La devise « Toujours fidèle »

Fit la grandeur de nos aïeux ;

Unis sous ta douce tutelle,

Nous voulons la vivre comme eux !

5

Dans la famille inspire au père

D'être le chef, le protecteur ;

Accorde ton aide à la mère

Pour qu'elle en soit toujours le coeur !

6

A nos aînés servant la France

Dans les camps ou sous les drapeaux

Garde leur foi, leur espérance

Et l'honneur, abri des berceaux !

7

A nos jeunes, Vierge bénie,

Garde un coeur pur, loyal et fort

Car sur eux compte la Patrie

Pour reprendre un, nouvel essor !

8

Garde aux petits leur doux sourire

Et la clarté de leurs grands yeux

Où comme en un livre on peut lire

Tout l'amour de Jésus pour eux !

9

Protège dans leur course errante

Nos pêcheurs et nos matelots,

Pour eux, dans la sombre tourmente,

Sois toujours « l'Etoile des Flots ».

10

Donne au brave ouvrier qui peine

Courage en son rude labeur

Ecarte les semeurs de haine

De son esprit et de son coeur.

11

Soutiens nos prisonniers de guerre,

Nos travailleurs à l'étranger.

Et fais que notre humble prière

Hâte leur retour au foyer.

12

De ceux qui connaissent l'épreuve

Adoucis le deuil, les douleurs ;

Console la mère et la veuve,

De l'orphelin sèche les pleurs !

13

Pendant la lutte meurtrière

Pour les victimes, les héros,

A ton Jésus mort au Calvaire,

Demande l'éternel repos !

14

Sur nous gronde toujours l'orage

Menaçant la ville et le port ;

Epargne-nous l'affreux carnage,

Défends-nous des oiseaux de mort.

15

Ton peuple qui t'aime et t'implore

Tu ne l'abandonneras jamais,

O Mère, fais lever l'aurore

Du beau jour béni de la Paix !

16

Guidés par tes mains maternelles

Sous le ciel redevenu bleu,

Nous resterons « toujours fidèles »

A la France, à l'Eglise, à Dieu !

17

Et quand enfin viendra notre heure,

Avec tous nos morts glorieux,

Près du Dieu vivant qui demeure,

Porte-nous dans tes bras aux Cieux !

L'Abbé MAURICE COLAS.

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

Voici maintenant un autre Cantique composé par M. Martin, distingué sculpteur et délicat poète, en l'honneur de N.-D. de la Grand'Porte :

A NOTRE-DAME DE LA GRAND'PORTE

I

Là-haut de ton épais rempart

Vierge de la Grand'Porte,

Sur nos marins prêts au départ

Oh ! jette ton regard !

Quand le vent les emporte

Loin, sur les sombres flots

Vierge de la Grand'Porte

Guide nos matelots.

II

Quand le bateau va naufrager

O Vierge si clémente !

Tu sus toujours le protéger.

Ecarte le danger,

Quand souffle la tourmente

Sur la vague en courroux

O Vierge si clémente !

Veille, veille sur nous.

III

Tu nous protégeras toujours

Vierge tutélaire !

Quand ils demandent ton secours,

Vers tes enfants accours.

De la Cité Corsaire

Chasse tout noir complot

O Vierge tutélaire

Protège Saint-Malo.

Signé : J. MARTIN.

Jusqu'au six août 1944, la ville de Saint-Malo était demeurée presque intacte ; mais ce jour-là, bien que leurs troupes fussent à Saint-Malo, et l'armée Américaine encore loin de chez nous, les allemands commencèrent à tirer sur la ville. Leur première victime fut notre beau clocher ; et afin de bien montrer que cette destruction était absolument calculée et voulue, dès qu'ils l'eurent détruit, sortant de leurs abris, ils vinrent dire aux personnes qui se tenaient au poste de secours de la Grand'Porte : « Ne vous inquiétez pas, vous n'avez absolument rien à craindre, nous faisons simplement quelques tirs d'essais ; ils ne vous feront aucun mal ».

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

   
   

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

A partir de ce moment leur tir devint intense ; et ils commencèrent à arroser la ville avec des obus incendiaires ! Après la délivrance de Saint-Servan et de Paramé par les américains, les 8 et 9 août, l'arrosage de Saint-Malo par les allemands avec des obus incendiaires redoubla d'intensité. Les américains avaient pour objectif le château, qui les bombardait ; mais les coups trop longs tombaient sur le quartier de la rue Châteaubriand, sur le Collège et ses environs. Les canons allemands de la Cité et de Cézembre, eux, tiraient le plus souvent sur la ville, et très particulièrement sur les maisons corsaires, qui faisaient la beauté de Saint-Malo. Etant allé le 9 Août, jour de la délivrance de Saint-Servan, voir mon confrère l'Aumônier du Rocher, et m'étant rendu le 10, le 12 et le 13 Août de Saint-Servan à Paramé, par la Montagne Saint-Joseph, entre la Côte de la Goutte et Paramé, je dominais entièrement la région ! Je puis donc en la circonstance parler comme témoin oculaire : Au cours de ces voyages sous le bombardement — sans doute assez dangereux — je voyais parfaitement les lueurs des canons allemands partant de la Cité et de Cézembre ; mais je ne distinguais pas assez nettement le Fort de la Varde pour pouvoir parler de ses tirs avec la même certitude. Quelques instants après avoir vu ces lueurs de départ, j'entendais le coup, de canon ; et quand l'obus ne frappait pas dans un endroit déjà en flammes, je voyais l'arrivée et j'entendais l'éclatement ; et alors, là où il avait frappé, se déclarait presqu'aussitôt un nouvel incendie.

Non seulement j'ai été le témoin de ces bombardements avec des obus incendiaires, d'une ville qu'ils occupaient encore ; mais je puis affirmer qu'à ce moment, l'infortunée Cité Corsaire ne formait qu'un immense brasier, dont les énormes flammes lançaient des lueurs sinistres, qui éclairaient au loin la mer et les environs.

En mettant ainsi volontairement et sans aucune raison stratégique, le feu aux quatre coins de la Ville, les boches espéraient la brûler entièrement avec la plus grande facilité ; mais bientôt ils constatèrent que ce procédé ne donnait pas le résultat qu'ils comptaient, il ne marchait pas assez vite ; alors, perdant tout sens moral, ils commencèrent à employer les pastilles, les tubes, les bouteilles et les plaques incendiaires, pour détruire plus rapidement nos maisons. Même après l'évacuation de la ville, qui eut lieu le 13 Août (entre six et huit heures du soir) et la prise de Saint-Malo par les américains, qui se fit le lendemain, les boches continuèrent à brûler méthodiquement la ville. De nombreux allemands étaient restés cachés dans les caves ; et d'autres, venant de Cézembre par vedettes rapides, s'unissaient à eux pour incendier nos demeures.

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

J'ai encore assisté le 23 Août à l'arrestation d'un soldat allemand déguisé en américain, qui se cachait dans les ruines des maisons aux environs de la Porte de Dinan. Saisi par les pompiers de Saint-Malo, il fut aussitôt interrogé et livré aux troupes de nos libérateurs. Comme un vulgaire ballot, il fut en ma présence chargé dans un camion et dirigé vers les camps de prisonniers. Les allemands se sont attaqués méthodiquement à tout ce qu'il y avait chez nous d'artistique et de beau ; ils se sont acharnés particulièrement sur les belles maisons corsaires et de la Compagnie des Indes qui entouraient notre ville et lui donnaient un cachet si spécial ; ils ont voulu détruire tout ce qui rappelait un souvenir ! A quelques exceptions près, il ne nous ont laissé que les immeubles insignifiants et de style douteux ; tout ce que nous avions de laid et d'indésirable à Saint-Malo ! D'une enquête officielle faite sur l'ordre du Maire, il ressort d'une façon certaine que l'incendie de la ville de Saint-Malo, qui ne répondait à aucun besoin, avait été annoncé d'avance ; qu'il a été calculé et voulu ; et que pour le réaliser, l'ennemi s'est servi d'engins incendiaires, déposés à la main par ses équipes, dans chacune de nos maisons. Les différents témoignages rassemblés, ont établi que bien des portes d'entrées ont été défoncées à coups de haches ; et que souvent le feu éclatait à la fois à tous les étages de demeures qu'aucun obus n'avait touché ; mais dans lesquels on avait entendu les soldats allemands monter les escaliers de leur pas léger et caractéristique, et défoncer les portes à coup de haches ou de marteaux.

Le 13 Août, vers quatre heures de l'après-midi, un obus ayant frappé la fenêtre qui se trouve au-dessus de l'entrée principale de la Grand'Porte, après avoir traversé l'appartement où quelques années avant la guerre, les francs-maçons de notre région avaient eu le mauvais goût et le manque de pudeur d'établir une loge, vint atteindre la Vierge de la Grand'Porte. Frappée en plein dos la statue si aimée des Malouins tomba dans la rue, brisée eh morceaux. Réfugiés dans les salles des tours, et dans les caves voûtées, qu'ils ne quittaient que pour passer dans d'autres caves, quand leurs maisons étaient en feu, jusqu'à ce moment les malouins, restés plus de 2.000 dans la ville, ne songeaient nullement à partir. Une demande d'armistice avait cependant été faite par le Maire, dès le vendredi 11 ; il avait demandé à l'ennemi d'informer les américains que beaucoup d'habitants étaient encore réfugiés dans l'enceinte des remparts ; et que 360 parmi les plus valides des hommes, étaient prisonniers au Fort National ; qu'il serait donc à souhaiter qu'on les laisse sortir avant d'attaquer la ville. Jusqu'alors cependant, tous les malouins assiégés étaient décidés à rester dans leurs caves ; cependant, quand les personnes réfugiées dans les tours de la Grand'Porte, virent tomber en morceaux leur Vierge vénérée, elles furent saisies aussitôt d'un grand découragement et elles n'eurent plus qu'un seul désir, sortir de cet enfer. Puisque Notre-Dame de la Grand'Porte, en se laissant atteindre, semblait les abandonner, il leur fallait au plus vite quitter les ruines du pauvre Saint-Malo !

Les Allemands n'avaient pas transmis aux Américains la demande d'armistice de l'avant-veille ; et M. le Maire et le Sous-Préfet commençaient à s'inquiéter vivement de leur silence ; quand, en même temps que les Malouins qui demandaient à sortir, un soldat allemand se présenta à la Grand'Porte où s'était établi le Maire il venait au poste de secours demander des anesthésiques pour des blessés. Monsieur Delannoy, maire de Saint-Malo, profitant aussitôt de cette demande, eut la bonne inspiration de se servir de ce moyen pour renouveler la demande d'armistice et essayer encore une fois de sauver la population, dont la situation devenait d'heure en heure plus tragique.

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

Les occupants ayant autorisé deux personnes à quitter la ville pour aller demander des anesthésiques aux américains, M. Delannoy vint trouver l'Abbé Colas, aumônier de l'Hôtel Dieu, et il lui demanda de se dévouer avec M. Le Normand pour le salut de tous. Les deux interprètes, un grand drapeau blanc à la main, traversèrent donc les lignes sous le feu des combattants, et ils eurent le bonheur de parvenir sans accident auprès des troupes américaines. Reçus par un commandant, ils lui firent part de la situation critique dans laquelle se trouvaient leurs compatriotes ; et ils lui demandèrent de faire cesser le feu pendant quelques heures pour leur permettre de sortir. Le commandant se rendit facilement à leur demande ; et il promit de faire arrêter les tirs d'artillerie, dès qu'il verrait avec ses jumelles le cortège des habitants sortir de la ville ; il ne le ferait reprendre que quand les derniers rangs atteindraient Rocabey. Les deux parlementaires reprirent aussitôt le chemin du retour, et purent rentrer sans incident au poste de secours de la Grand'Porte. Le Maire, qui les attendait avec impatience, donna aussitôt l'ordre à tous les assiégés civils, sans aucune exception, de quitter la ville en flammes puisque ses lourdes maisons commençaient à tomber ; et de prendre par le quai Duguay-Trouin le chemin de Paramé.

Celui qui n'a pas contemplé le spectacle lugubre de Saint-Malo en feu et qui ne s'est pas rendu compte de la situation terrible dans laquelle se trouvaient ses habitants, réfugiés dans les caves des maisons, sous un bombardement intense, et manquant d'eau et de vivres ; celui qui n'a pas vu le triste état dans lequel le boche a laissé nos maisons, ne peut arriver à comprendre comment un plus grand nombre de personnes n'a pas été écrasé et tué. Si le siège s'était prolongé plus longtemps, combien ne seraient jamais sortis vivants de leurs caves ; car seules quelques-unes, plus spécialement solides, ont résisté aux éboulements et au feu ; mais toutes leurs ouvertures ont été fermées par la chute des maisons ; et il eut fallu de nombreuses journées de travail pour arriver à dégager leurs entrées et permettre aux réfugiés de sortir. Il semble donc évident, que beaucoup de nos compatriotes seraient restés dans les décombres, si le siège s'était le moindrement prolongé.

Saint-Malo durant la guerre de 1940-1944.

Pendant les huit jours qu'il a duré et les quelques jours qui ont suivi, sur 865 maisons que comprenait la vieille cité corsaire, 683 ont été anéanties ; et les cent quatre vingt deux autres ont été toutes plus ou moins endommagées. Parmi la population civile, au cours de tous ces combats et ces dangers, 37 personnes seulement ont été tuées ; et dans ce nombre, nous comptons les 14 hommes ou jeunes gens tués au Fort National, ainsi que les pompiers et les membres de la défense passive, tombés en remplissant leur devoir. Au cours de la captivité au Fort National, les allemands n'ont fait parvenir aucune nourriture à leurs 360 prisonniers ; et il fallut que des habitants de Saint-Malo se dévouent, et traversent sous la mitraille les grèves minées, pour aller les ravitailler. Il semble extraordinaire également, que sur ces 360 personnes, obligées de demeurer sans aucun abri sous le feu des allemands et des tirs américains, il n'y ait pas eu plus de victimes. Est-il permis de dire, que Notre-Dame de la Grand'Porte a sacrifié sa statue pour sauver ses enfants, et les obliger, malgré eux, à sortir de leur ville ? La chose est fort possible ; mais ce qui est incontestable, et qu'on ne peut comprendre c'est que, sur ces deux mille et quelques centaines de personnes ayant subi ce siège infernal, il n'y ait eu que 23 victimes dans la ville. En plus de tous les dangers dont nous venons de parler, il est un autre fait qui ne doit pas être passé sous silence et qui doit même être souligné : c'est que les allemands embusqués sur les remparts, et leurs patrouilles qui parcouraient les rues, tiraient impitoyablement sur toutes les personnes qu'ils voyaient, même sur les infirmiers et infirmières de la Croix-Rouge, qui ravitaillaient les caves et soignaient les blessés ; même sur la police et sur les pompiers, qui essayaient d'éteindre les incendies ; et également enfin, sur les malheureux et malheureuses, qui chassés de leurs caves par le feu, traversaient la rue pour passer dans une autre cave.

En tout cas, sans aucun doute, les Malouins doivent une éternelle reconnaissance à leur Vierge Protectrice qui leur a permis de passer indemnes au milieu de si terribles dangers !

Ville de Saint-Malo.

 

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LA STATUT MUTILEE DE NOTRE-DAME DE LA GRAND'PORTE

Dans un chapitre précédent, nous avons expliqué que la Statue de Notre-Dame de la Grand'Porte est en calcaire en conséquence, la blancheur de sa pierre tranchant nettement parmi les débris de granit de nos maisons, il a été facile de retrouver au milieu de tout ce chaos les restes de sa statue vénérée. Ce furent des descendants du pieux Bouleuc, de celui qui 150 ans auparavant, en pleine révolution, avait rétabli le culte de Notre-Dame de la Grand'Porte, qui les premiers recueillirent ses restes et les déposèrent soigneusement sous une voûte, dans la cour de l'Hôtel d'Asfeld, vieille demeure historique, dans laquelle Thérèse des Bassablons avait été enfermée, et où elle se trouvait quand elle prit le chemin de l'échafaud.

A peine les restes de notre chère Statue de Notre-Dame de la Grand'Porte furent-ils déposés en ce lieu, son culte se réorganisa aussitôt ; et comme autrefois dans sa niche des remparts, on accourut de tous côtés l'invoquer ; et la statue fut entourée de bougies et de fleurs. En constatant cet amour de nos compatriotes pour l'antique Vierge protectrice de la cité corsaire, et l'amour de Marie pour ses enfants, je ressens une bien vive émotion qu'il m'est très difficile de contenir.

La Statue de Notre-Dame de la Grand'Porte étant classée comme monument historique, seuls les Beaux-Arts, sont qualifiés pour la réparer et toucher à ses restes. Sera-t-il possible de restaurer la Statue de Notre-Dame de la Grand'Porte et de la remettre dans sa niche ; ou en sera-t-on réduit, après l'avoir remise en état, à la placer dans un endroit plus abrité que la niche des remparts, ou à substituer un moulage à la Vierge miraculeuse ? Telles sont les questions qui nous ont longtemps préoccupés ; mais heureusement nous pouvons être assurés maintenant que la Vierge est réparable et que, comme après l'incendie de 1661, comme après la révolution, à la grande joie des Malouins, Notre-Dame de la Grand'Porte reprendra sa place séculaire dans sa niche des remparts.

La démolition de la statue par un obus, nous a permis de l'examiner à nouveau, de plus près et plus attentivement que jamais ; aussi, sommes-nous absolument affirmatifs dans les conclusions que nous avions déjà tirées : « Sur toute sa surface, à l'exception de la partie du dos qui fut appuyée à la muraille, la statue de N.D. de la Grand'Porte a subi l'épreuve d'un violent incendie ; et l'on peut affirmer avec une certitude absolue, que, comme l'enseigne la Tradition, la Vierge a supporté en 1661 le premier incendie de Saint-Malo, que la cérémonie de 1663 ne fut qu'une restauration, et que, comme l'affirment les archéologues, la statue est bien une oeuvre du début du XVème siècle ! ».

Les affirmations de l'Abbé Manet en ce qui concerne les brisures de la Vierge sont très exactes ; et il restera bien longtemps encore, quoi qu'on dise et quoi qu'on fasse, le Grand Historien de Saint-Malo. Ses indications ont du reste été très faciles à vérifier ; car dans la chute de la statue, tous les morceaux recollés autrefois se sont de nouveau séparés et ont laissé bien visible la trace des réparations. Nous pouvons donc être très affirmatifs et redire avec certitude que les têtes de la Vierge et celle de l'Enfant Jésus avaient déjà été brisées et que le nez de la Vierge avait bien été refait ; quant à cette autre fracture signalée à la hauteur des genoux, lors de l'accident du 18 Mai 1843, elle est également exacte mais elle a eu lieu un peu au-dessus des genoux, par conséquent légèrement plus haut qu'il n'avait été dit.

Nous donnons dans cette seconde édition trois photographies représentant la réorganisation du Culte de Notre-Dame de la Grand'Porte, aussitôt après sa mutilation. La première, montre les morceaux épars ; dans la seconde, la tête de la Vierge est déjà l'objet d'un culte. Dans la troisième, des mains pieuses ont cherché à remonter la Vierge ; et la vue de cette statue reconstituée dont le regard semble encore adouci, a quelque chose de touchant ! Ce fut cette pieuse pensée qui donna à M. le Chanoine Déan l'idée de replacer les morceaux de Notre-Dame de la Grand'Porte dans sa niche, et de les y laisser exposés, lors de la visite de Notre-Dame de Boulogne à Saint-Malo. Tous se souviennent assez nettement pour que je n'aie pas besoin d'insister davantage, de cette grandiose manifestation Mariale et de l'imposante et très impressionnante cérémonie qui se déroula le 19 Mars 1945, devant la Grand'Porte, dans les ruines de Saint-Malo. A la foule immense des fidèles de la ville et de toute la région, s'étaient jointes les nombreuses équipes d'ouvriers qui travaillaient au déblayement des ruines ; tous ils contemplaient respectueusement, le chapeau à la main, cette imposante manifestation ; et parmi eux il en fut qui ne purent maintenir leur émotion et laissèrent couler des larmes.

Le jour de la première Communion, la procession des enfants se fit aussi dans les ruines. Un an auparavant, à pareil jour, j'avais l'honneur de présider cette cérémonie ; que de craintes nous avions alors ; et avec quelle ferveur nous avions demandé à cette bonne mère, d'écouter favorablement la prière des premiers communiants et de nous délivrer au plus tôt du joug odieux de l'étranger ! Un mot encore d'une autre cérémonie accomplie également devant la Vierge mutilée, la dernière manifestation avant son départ pour Rennes où elle va être restaurée : Le jour de la Fête-Dieu, la procession, selon la coutume traditionnelle, se rendit au reposoir de la Grand'Porte, et s'arrêta devant les débris de la Statue bien-aimée de notre protectrice.

Saint-Malo : statue de Notre-Dame de la Grand'Porte

Quelques jours après, tous les morceaux, chargés sur un camion, prenaient le chemin de Rennes ; c'est là que le distingué sculpteur Albert Bourget, professeur à l'Ecole des Beaux-Arts de Rennes, va les réunir et restaurer la statue séculaire de Notre-Dame de la Grand'Porte. (abbé J. Descottes).

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