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Histoire du Monastère de Saint-Benoît

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Monastère de Saint-Benoît (ordre du dit Saint-Benoît et Congrégation de Saint-Maur) situé en la ville de Saint-Malo. 

- Commencement ou origine de l'Etablissement de l'Ordre de Saint-Benoît dans la ville de Saint-Malo.

- Etablissement du Monastère des Pères bénédictins-anglais dans la ville de Saint-Malo, leur Eglise bâtie et Aggrégation de leur Monastère à la Congrégation des Pères Bénédictins de Saint-Maur en France.

- Introduction des Pères Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur en France dans ce Monastère de Saint-Benoît dans la Ville de Saint-Malo et ce qui est arrivé de plus remarquable jusqu'à la fin du XIXème siècle.  

AVANT-PROPOS

J'ai habité pendant treize ans les bâtiments claustraux du Monastère de Saint-Benoît, en Saint-Malo et, dès les premiers temps de mon séjour, je me suis vivement intéressé à ce vieux logis taillé à grand renfort de cloisons en chêne, dans les vastes salles du Couvent, à la vieille Eglise qui montre encore les moulures brisées de son ancienne ornementation, aux dates inscrites sur les linteaux des portes, à l'écusson qui surmonte la porte du cloître, etc., témoins muets d'un passé déjà lointain.

Pendant deux siècles, ces bâtiments ont abrité des Bénédictins anglais d'abord, français ensuite. A force de travail et d'économie, avec l'aide de personnes pieuses et charitables, ces Religieux avaient créé, non sans difficultés et contrariétés de toutes sortes, ce bel établissement qui, vers 1750, était considéré comme le « Bijou de la Congrégation de Saint-Maur » (Guillotin de Corson : Pouillé historique de l'archevêché de Rennes, Tome III, page 114).

Nouveau venu dans le pays, je restai longtemps dans l'ignorance à peu près complète de son passé et, en 1895, je ne pus fournir aucun renseignement sérieux à trois Bénédictins anglais, professeurs au Collège de Saint-Gregory de Downside près de Bath, comté de Sommerset, venus à Saint-Malo pour visiter la maison fondée au XVIIème siècle par la Congrégation anglo-bénédictine.

Ce n'est qu'après mon entrée dans la Société historique et archéologique de l'arrondissement de Saint-Malo que je connus l'existence de deux manuscrits, conservés aux archives municipales, qui donnent des renseignements fort intéressants sur le monastère de Saint-Benoît :

Le premier, tiré des Grandes Recherches de l'abbé Manet : plusieurs copies se trouvent entre les mains d'érudits de Saint-Malo et de la contrée.

Le deuxième, écrit par des religieux du couvent même, très peu connu. Son volume respectable a probablement fait reculer les copistes.

Sur ma proposition, le bureau de la Société a bien voulu autoriser la publication de ce manuscrit dans ses Annales.

Elle est accompagnée de vues photographiques et de notes explicatives qui rendent le texte plus compréhensible.

L'histoire du Monastère de Saint-Benoît est écrite sur un cahier muni d'une couverture en carton fort, recouverte en parchemin ; ce cahier mesure 0m29 sur 0m22. Il est paginé de 1 à 173 ; quarante-cinq feuillets, comprenant la période de 1747 à 1788, ont été coupés avec des ciseaux au ras de la couture.

L'écriture a changé plusieurs fois de main et un examen attentif de ces diverses écritures permet de fixer approximativement l'époque où a été commencé le manuscrit.

Le premier écrivain a vécu pendant l'épiscopat de Mgr Vincent des Marets (1703-1739).

La phrase suivante de la page 43 l'indique clairement : « Depuis plus de trente ans qu'il est évêque de Saint-Malo, il a honoré notre communauté, etc. » ; il est de la congrégation de Saint-Maur qui a pris possession du Couvent en 1669.

En 1731. il signale quelques lacunes qu'Il lui est impossible de combler (page 53), « parce qu'on a toujours négligé chaque année d'inscrire sur les livres des choses mémorables le nom des prédicateurs nommés par le T. R. P. général,  quoique nos règlements le recommandent ».

L’histoire du Monastère a donc été écrite d'après les actes transcrits sur les Registres Capitulaires. Ce premier écrivain disparaît à la fin de 1737 et, coïncidence curieuse, son successeur signale dans son premier alinéa la mort, « le 5ème jour de sa maladie » de Dom Louis Marie Lodin [Note : Dom, abréviation de Dominus, seigneur, signe de la noblesse de l'ordre des Bénédictins. Armoiries : « De sable à un St-Benoît d'or » (Guillotin de Corson)].

Le deuxième écrivain continue le manuscrit jusqu'en 1743. Jusque là l'écriture est élégante et correcte.

Le troisième écrivain relate seulement à la date du 9 octobre 1743, la mort de Dom Placide Ferron ; l'écriture est très négligée.

Le quatrième écrivain continue le travail de décembre 1743 à septembre 1747.

Le cinquième écrivain ne signale que la mort de Dom. Yves Le Fresne (27 septembre 1747).

Le sixième écrivain fait la relation des évènements survenus pendants les derniers mois de cette année.

Ici se trouve la lacune des quarante-cinq feuillets coupés.

Le septième et dernier écrivain a écrit l'histoire des années 1788 et 1789, qui clôture le manuscrit.

Au premier abord on est porté à croire à la soustraction des quarante cinq feuillets coupés. Un examen plus minutieux permet d'émettre une autre hypothèse.

En effet, la page 77 du manuscrit est incomplète et son verso, page 78, est blanc ; le recto de la page 167 est aussi blanc, et la relation continue au verso, page 168.

De ce qui précède, on peut donc induire que ce cahier a été paginé par avance : que vers 1747 le Registre capitulaire était fort mal tenu, ainsi que le signale déjà l'écrivain de 1731 ; les membres de la communauté allaient en diminuant, et lorsque l'écrivain de 1788 a repris le travail interrompu en 1747, il a d'abord relaté les évènements du jour, laissant assez de feuillets blancs pour relater les faits saillants arrivés de 1747 à 1788.

Mais la Révolution survint avant que ce travail ne fût commencé ; les feuillets blancs n'avaient plus aucune utilité, et ils ont été coupés par la personne qui a recueilli ou classé le cahier.

Les Registres des délibérations du Conseil de Ville et les archives municipales de Saint-Malo ont fourni quelques renseignements sur les relations de la Communauté avec les autorités civiles pendant la période précitée.

L'histoire du Monastère de Saint-Benoît peut se diviser en trois périodes.

1° La période de création (1611-1638), pendant laquelle les moines anglais, soutenus pécuniairement par la population de Saint-Malo et des environs luttent, quelquefois avec succès, contre l'Evêque et son Chapitre qui facilitent d'abord leur établissement, mais dans la suite mettent toutes sortes d'entraves à son extension.

Le Monastère est alors occupé par la Congrégation anglo-bénédictine formée par l'agrégation des trois couvents de Douai, Dieu-le-Ward et Saint-Malo.

2° La période de transition (1638-1669), au début de laquelle les Bénédictins anglais, pour se mettre à l'abri des tracasseries de l'Evêque et de son Chapitre, se rangent sous l'obédience de la Congrégation de Saint-Maur. Ils n'ont aucune voix au Chapitre général. Le Prieur élu, toujours français de nation, ne peut exercer sa charge sans la confirmation du Supérieur général de la Congrégation de Saint-Maur. Le monastère reçoit en outre les visiteurs français de la province de Bretagne.

3° Enfin la période de 1669-1790 pendant laquelle la Congrégation de Saint-Maur occupe le monastère avec des moines français.

Dès lors les Prieurs de Saint-Malo se rendent au Chapitre général annuel et prennent part aux élections de l'Ordre. Aussi, à partir de 1669, le Manuscrit relate les élections diverses et les décès survenus dans l'établissement.

L'Evêque et le Chapitre vivent en bonne intelligence avec les bénédictins, mais ne manquent jamais de faire des remontrances quand ils les soupçonnent, de vouloir éluder certaines clauses du contrat.

Un chapitre introductif est consacré à l'Ordre des Bénédictins, créé en Italie au commencement du VIème siècle, passé en Angleterre vers 597, expulsé de ce pays lors du schisme de 1534, et reconstitué en France sous le nom de Congrégation Anglo-Bénédictine, en 1606.

Les renseignements ont été puisés à des sources connues. Ils expliquent comment un Anglais de grande famille, ancien élève de l'Université d'Oxford, après avoir professé la théologie dans divers collèges anglais établis en France et en Belgique, fonda à Saint-Malo (1611-1619) le couvent de la rue Saint-Benoît, et succéda en 1623 à Charles de Lorraine, cardinal de Guise, sur le siège épiscopal de Reims.

A la suite du manuscrit, un chapitre spécial résume l'emploi et la destination des bâtiments du Monastère, pendant la période révolutionnaire, l'aliénation des bâtiments claustraux et de leurs annexes, l'installation dans l'église, en 1811, de l'Entrepôt des tabacs en feuilles de la Région, lors de la création du Monopole, enfin les transformations et constructions nouvelles exécutées depuis cette transformation jusqu'à nos jours.

Là plus grande partie des renseignements contenus dans ce chapitre a été tirée de documents absolument inédits.  

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INTRODUCTION

Origines des Communautés bénédictines

Le monastère du Mont-Cassin. — La Congrégation de Saint-Maur. — Les Bénédictins anglais. — Le schisme de 1533-1534 en Angleterre. — Expulsion des religieux. — Aperçu historique sur William Gifford, fondateur du couvent anglais de Saint-Malo.

L'Ordre des Bénédictins a été créé par saint Benoît, né en 480 à Subiacum, dans l'Ombrie (Italie méridionale). Ce moine, qui n'a jamais été ordonné prêtre, fonda en 529, le premier couvent de l'Ordre au Mont-Cassin à 75 kilomètres ouest de Naples, sur la route de Rome à Capoue. Il y mourut en 543.

Cet établissement devint rapidement célèbre et réunit un nombre considérable de religieux, clercs et moines, auxquels une règle sévère imposait des exercices de piété fréquents, la culture des terres, les travaux littéraires et l'enseignement.

Le Monastère du Mont-Cassin existe toujours. Sa bibliothèque est très riche en copies des principaux ouvrages grecs et latins ; elle possède aussi des chartes, diplômes et autographes célèbres.

L'Ordre des Bénédictins se répandit très vite dans le Centre de l'Europe et jusqu'en Grande-Bretagne et donna naissance à de nombreuses congrégations.

Nous ne parlerons que de celles qui ont occupé successivement le Monastère de Saint-Benoît à Saint-Malo.

Vers le milieu du VIème siècle, quelque temps avant la mort de saint Benoît dont il était le disciple préféré, Maurus quitta le Mont-Cassin avec quatre assistants pour se rendre en Gaule, où existaient déjà de nombreux centres chrétiens. Il s'établit à Glanfeuil-sur-Loire, sur un domaine qui lui fut cédé par écrit par un nommé Florus, seigneur de la cour du roi d'Austrasie, Théodebert, petit-fils de Clovis. Le couvent prit plus tard le nom de Saint-Maur-sur-Loire, où ses reliques restèrent jusqu'au IXème siècle.

La crainte des Normands les fit transporter à Saint-Pierre des Fossés, près Paris, qui fut dès lors appelé Saint-Maur des Fossés.

Ses disciples créèrent un grand nombre de monastères et abbayes (Citeaux près de Beaune, Cluny près de Mâcon, Saint-Vanne à Verdun, Marmoutiers près de Tours, etc., etc.) dont l'association donna naissance en 1621 à la célèbre Congrégation de Saint-Maur : la maison-mère fut établie dans l'abbaye de Saint-Germain des Prés, créée dès le VIème siècle par saint Germain, évêque de Paris, et devint la résidence du Prieur général.

Supprimée par l'Assemblée Constituante en 1790, cette congrégation fut reconstituée en 1833 par Dom Guéranger à Solesmes (Solesmes, prieuré de Bénédictins dés le XIème siècle, érigé en 1835 au titre abbatial. Eglise du XIIème siècle) près de La Flèche (Sarthe) et disparut de nouveau du sol français au commencement du XXème siècle.

Saint Augustin, moine d'Occident [Note : à  ne pas confondre avec saint Augustin, moine d'Orient, évêque de Hippone (Bône en Algérie) 354-430, l'un des Pères de l'Église latine] de l'abbaye bénédictine de Saint-André de Rome fut envoyé en Angleterre par le pape Grégoire le Grand, vers 597, pour y organiser la religion nouvelle, introduite dans le pays vers la fin du IIème siècle. Il était accompagné de 40 moines et clercs qui lui avaient été adjoints comme missionnaires.

Les légions romaines de l'empereur Honnorius (Empereur d'Occident) avaient dû évacuer l'Angleterre en 420, chassées par les Anglo-Saxons, devant lesquels s'enfuirent aussi un peu plus tard les moines bretons qui vinrent se fixer en Armorique (Note : Exode de St Malo, St Magloire, St Colomban, St Samson, etc.).

Les moines romains traversent les Gaules en passant par Marseille, Lyon, Autun, etc., dont les évêques leur fournissent des secours de route : ils s'embarquent sur les côtes normandes et débarquent à Tanet (Note : Tanet, anse sablonneuse entre les villes modernes de Ramsgate et de Sandwich), duché de Kent, à l'embouchure de la Tamise.

Avec le consentement d'Ethelbert, roi du pays, dont la femme Berthe (Note : Fille de Caribert, roi des Francs de Paris et petit-fils de Clovis) était chrétienne, et qui lui-même se convertit au christianisme avec ses sujets, les missionnaires créent un grand nombre de monastères et de diocèses et Saint-Augustin s'installe lui-même à Cantorbéry (Note : Cantorbéry à 80 kilomètres de Londres est restée la résidence de l'archevêque de l'Eglise anglicane, primat de toute l'Angleterre. Il conserve dans ses armoiries le pallium accordé à saint Augustin) résidence d'Ethelbert, en qualité d'archevêque et primat d'Angleterre, après avoir été sacré par Vigile métropolitain d'Arles. Il reçoit du pape le droit de porter le pallium en célébrant la messe et meurt vers 605 (Note : Les renseignements sur les missions de saint Maur en France, et de saint Augustin en Angleterre sont tirés de l'ouvrage de M. le comte de Montalembert : Les Moines d'Occident) suivant de près dans la tombe le pape Grégoire le Grand son ami.

Les couvents, les diocèses se multiplient, les moines défrichent les terres, créent de vastes domaines et attirent à eux de nombreux disciples.

La conquête de l'Angleterre par Guillaume de Normandie en 1066, facilita encore la diffusion du christianisme qui arriva à son apogée au commencement du XVIème siècle.

En 1509 monta sur le trône d'Angleterre Henri VIII, fils de Henri VII, chef de la maison des Tudor [Note : Richard III, dernier roi de la maison d'Anjou (Plantagenets), pé­rit à la bataille de Bosworth, gagnée par le duc de Richmond, qui régna sous le nom de Henri VII (1485-1509). Cette bataille termina la guerre des Deux Roses, entre York et Lancastre].

Ce prince lettré et excellent théologien s'aperçut, après vingt-quatre ans de mariage, que son union avec Catherine d'Arragon, fille de Ferdinand V, roi d'Arragon, et veuve de son frère aîné Arthur mort à quinze ans, union autorisée avec dispense par le pape Jules II, était incestueuse d'après la loi de Moïse, qui défend au frère d'épouser la femme de son frère [Lévitique, chapitre VIII, verset 16 « Vous ne découvrirez pas ce qui doit être caché dans la femme de votre frère, parce que c'est la chair de votre frère » (Argument de Henri VIII pour demander le divorce)].

Ce fut un prétexte hypocrite : Henri voulait épouser Anne Boleyn, demoiselle d'honneur de la reine. Mais le pape Clément VIII refusa énergiquement de casser un mariage autorisé par son prédécesseur Jules II [Deutéronome, chapitre XXV, verset 5 « Lorsque deux frères demeurent ensemble et que l'un d'eux sera mort sans enfant, la femme du mort n'en épousera pas d'autre que le frère de son mari, qui, la prendra pour femme et suscitera des enfants à son frère » (Argument des défenseurs de la Reine). Cf. Schisme d'Angleterre, par Ch. Audin].

Après des discussions sans fin, Henri VIII, tout en se déclarant fervent catholique, rompit avec le pape et fit prononcer le divorce par l'archevêque de Cantorbéry, le cardinal Cranmer complètement acquis à ses idées, et après s'être fait proclamer protecteur et chef de l'Eglise par le parlement, il épousa Anne Boleyn en 1532. Catherine d'Arragon fut internée dans un couvent et sa fille Marie fut déclarée enfant illégitime.

Excommunié en 1534 par le pape Clément VII, Henri VIII par le Bill des six articles, sépara l'Angleterre de l'obédience pontificale, mais maintint le dogme catholique dans son intégrité.

Ce Bill, approuvé par le Parlement, causa de grands troubles dans tout le royaume ; des personnages illustres, ministres, cardinaux, catholiques et réformés périrent sur l'échafaud ; les couvents furent pillés, les moines dispersés et leurs terres furent attribuées au roi qui en donna une partie à la noblesse et aussi à quelques grands dignitaires de l'Eglise, pour les récompenser de leurs bons services : n'avaient-ils pas approuvé ses actes les plus arbitraires et souvent contradictoires ?

Henri VIII mourut en 1547 après avoir épousé six femmes dont trois lui donnèrent des enfants, un fils et deux filles qui régnèrent successivement sans laisser de postérité (Cf. Histoire d'Angleterre par le docteur John Lingard, et Histoire d'Angleterre par Emile de Bonnechose).

Pendant le règne d'Edouard VI (1547-1553), fils de Jeanne Seymour, qui succéda à son père, la Réforme fit de grands progrès en Angleterre.

Marie Tudor (1553-1558), fille de Catherine d'Arragon la première femme de Henri VIII, d'abord déclarée illégitime, puis réintégrée dans ses droits par testament de son père, succéda à son frère Edouard. Fille d'une mère espagnole, elle rétablit le catholicisme et fit périr sur l'échafaud et les bûchers un grand nombre de réformateurs. Le cardinal Cranmer, qui avait prononcé le divorce de sa mère, condamné d'abord en Angleterre, et ensuite en Cour de Rome, fut décapité malgré la rétractation publique de ses erreurs.

Elisabeth I (1558-1603), fille d'Anne de Boleyn, organisa par le Bill des 39 articles la religion anglicane dont elle se déclara le chef en 1562. Elle resta toute sa vie hostile au catholicisme et aux congrégations religieuses dont les membres, protégés sous Marie, durent se disperser de nouveau. Avec elle s'éteignit la maison des Tudor. Elle fit mettre à mort Marie Stuart, reine d'Ecosse, dont le fils lui succéda sur le trône d'Angleterre.

Jacques Ier (1603-1625) descendait par son grand-père Jacques IV, de la fille aînée de Henri 7, père de Henri 8.

Fervent partisan de la religion réformée, il fit décréter par le Parlement le serment d'allégeance qui refusait au pape tout droit de déposer les rois et de délier les sujets du serment de fidélité.

Le schisme créé par Henri VIII est définitivement établi et la religion anglicane est déclarée religion d'Etat, avec défense absolue de l'exercice de tout autre culte.

Beaucoup de catholiques anglais vinrent sur le continent, soit pour y pratiquer leur religion en toute sécurité, soit pour s'instruire dans les collèges anglais établis en France et en Belgique, et parmi eux William Gifford, le fondateur du souvent anglo-bénédictin de Saint-Malo.

Né en 1554, dans le comté de Hamps, Gifford descendait par son père des Giffarts ou Giffords de Longueville près Dieppe (Seine-Inférieure) (Note : Cf. William Gifford, dit Gabriel de Sainte-Marie, 87ème archevêque de Reims, par l'abbé Haudecoeur, membre de l'Académie nationale de Reims, brochure, Reims 1898) qui avaient accompagné Guillaume de Normandie lors de la Conquête de l'Angleterre en 1066 et devinrent dans la suite comtes de Buckingham.

Elève en 1567 de l'Université d'Oxford, il quitta cet établissement quatre ans après, pour ne pas prêter le serment schismatique imposé à ceux qui désiraient prendre des grades en Angleterre.

Il se retira avec plusieurs de ses compatriotes à Louvain (Note : Louvain, ville de Belgique qui possédait une Université dés 1426) ; il y acheva ses études, suivit ensuite les cours de la Sorbonne à Paris et fut appelé à Reims par le célèbre Allen [Note : Allen, prêtre catholique anglais qui avait refusé de reconnaître Elisabeth Ier comme chef de l'Eglise d'Angleterre. Il devint archevêque de Malines (Belgique) et cardinal] qui avait transporté dans cette ville le collège qu'il avait fondé à Douay.

En septembre 1579, Gifford alla à Rome pour y faire ses études théologiques et y fut ordonné prêtre en 1582.

ll retournait à Reims lorsqu'il fut arrêté à Milan par saint Charles Borromée (Note : Saint Charles Borromée, cardinal et archevêque de Milan, membre influent du Concile de Trente, canonisé en 1615 par le pape Paul V), archevêque de cette ville dont il devint l'ami et le théologal.

A sa mort, arrivée en 1584, Gifford retourna à Reims où il enseigna la théologie avec tant d'autorité qu'il devint bientôt célèbre et se concilia la protection de la famille de Guise.

Entre temps il se fit recevoir docteur en théologie de l'Université de Pont-à-Mousson [Note : Pont-à-Mousson (Meurthe-et-Moselle), siège d'une Université depuis 1572].

Après l'assassinat des Guise (Note : Henri Ier de Lorraine, duc de Guise, et son frère Louis de Lorraine, archevêque de Reims, assassinés aux Etats Généraux de Blois, 1588) protecteurs de Gifford, Allen ancien supérieur du collège de Reims, devenu archevêque de Malines, l'appela auprès de lui pour en faire son théologal et son chapelain.

Il fut ensuite nommé, en 1597, par le pape Clément VIII, doyen de Saint-Pierre de Lille, charge qu'il résigna après dix ans, pour devenir recteur de l'Université de Reims.

En 1606, Charles de Lorraine, sur les conseils de William Gifford, avait offert aux Bénédictins anglais l'ancienne collégiale de Saint-Laurent de Dieulevard (Note : Dieu-le-Ward, bourg situé à 21 kilomètres N.- 0. de Nancy) pour y reconstituer leur Ordre avec les membres dispersés des communautés anglaises, et ainsi avait été fondée une nouvelle congrégation anglo6bénédictine.

En 1608, à l'âge de cinquante-quatre ans, Gifford quitta le monde pour aller faire son noviciat à Dieu-le-Ward, sous le nom de Gabriel de Sainte-Marie. Il fit sa profession de foi en 1609, fut aussitôt élu prieur et devint le prédicateur ordinaire de Charles de Lorraine, duc de Guise (Note : Ne pas confondre avec le cardinal Louis de Guise, assassiné aux Etats de Blois).

En février 1611, il vint à Saint-Malo pour fonder au haut du rocher de Saint-Aaron le monastère de Saint-Benoît dont le Manuscrit publié à la suite de notre étude raconte l'histoire.

Pendant son séjour à Saint-Malo (1611-1619), il prêcha en Bretagne, en Poitou, en Saintonge ; en 1617 il fut nommé Président de la nouvelle congrégation anglo-bénédictine, charge qui lui imposait le séjour fréquent de Paris, où il se fit entendre dans les plus grandes chaires (Notre-Dame). En 1619 il devint auxiliaire du Cardinal de Guise, archevêque de Reims, qui lui fit donner l'évêché d'Archidal [Note : Archidal, Archidiapolis ou Arcadiapolis, évêché suffragant de Héraclée (Périnthe), située en Thrace sur la Propontide ou mer de Marmara] in partibus infidelium. Il ne fut remplacé qu'en 1622 dans ses fonctions de Prieur du Monastère de Saint-Malo, par le R. P. Dom Josselin de Sainte-Marie, ainsi qu'on le verra au chapitre II du Manuscrit.

Il contribua beaucoup de son argent à la fondation du Prieuré anglais de Saint-Edmond, commencé par l'abbesse de Chelles (Sœur du Cardinal de Guise), dans le faubourg Saint-Jacques de Paris.

Quand le cardinal de Guise mourut en 1621, D. Gabriel de Sainte-Marie prononça son oraison funèbre, dans la cathédrale de Reims.

Il entreprit ensuite, avec grand succès les prédications du Carême à Saint-Germain l'Auxerrois à Paris (Note : Saint-Germain l'Auxerrois, fondé par saint Germain, évêque d'Auxerre, qui passa deux fois en Angleterre, pour combattre l'hérésie propagée dans les Communautés chrétiennes) en présence du roi, de la reine, de la cour et du parlement ; Louis XIII lui envoya bientôt le brevet de l'archevêché vacant, confirmé par les bulles de Rome qui lui accorda aussi le pallium. Il prit possession de son siège le 12 février 1623 et prêta serment au roi, comme archevêque, duc et premier pair de France.

Il mourut le 9 avril 1629 et fut enterré derrière le grand autel de la cathédrale de Saint-Rémy.

Le chanoine Petit-Pied fit son oraison funèbre à la cathédrale et D. Marlot « dressa » aussi un discours funèbre. Enfin son panégyrique fut prêché par M. de Maupas, abbé de Saint-Denis de Reims, lors de la translation de son coeur à l'abbaye de Saint-Pierre-les-Dames, dans la même ville.

Dans les honneurs, il n'oublia jamais les Bénédictins ses frères et souvent il envoya des secours aux trois couvents qu'il avait habités ou fondés : Dieu-le-Ward, Saint-Malo et Saint-Edmond de Paris.

Il a laissé comme ouvrages littéraires des discours, sermons, oraisons funèbres et quelques traités sur des sujets religieux publiés à Lille, Douai, Reims, Anvers et Paris.

Un volume de 375 pages petit in-8°, dédié à Mgr le Gouverneur alors évêque de Saint-Malo, fut imprimé dans cette ville en 1613 par Pierre Marcigay (Note : Pierre Marcigay, premier imprimeur connu de Saint-Malo, où il vint se fixer à la fin de 1601 ou au commencement de 1602). Il a pour titre : Traité singulier pour l'éclaircissement et résolutions de quelques controverses de ce temps, spécialement touchant la prédestination et l'autorité de la Sainte Ecriture.

Un exemplaire de ce livre est à la bibliothèque de Saint-Malo. Il est signé : Gabriel de Sainte-Marie, Prieur des Bénédictins macloviens, Docteur en saincte Théologie et Théologal de Saint-Malo.

Il porte la marque de l'imprimeur : Une main sortant d'un buisson d'épines et portant un bouquet de fleurs, avec la devise : Ex dolore gaudium.

NOMS DES ÉVÊQUES

qui ont gouverné le Diocèse de Saint-Malo, de 1611, date de l'arrivée des Bénédictins Anglais jusqu'à la fermeture du Monastère en 1790.

Guillaume Le Gouverneur, 1611-1630.

Michel de Paris, mort avant d'avoir rejoint son poste..

Achille du Harlay, 1630-1646.

Ferdinand de Neuville, 1647-1657.

François de Villemonté, 1658-1670.

(Pendant l'épiscopat de François de Villemonté, en Avril 1669, les Bénédictins Anglais sont remplacés par les Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur).

Sébastien de Guémadeuc, 1671-1702.

Vincent François des Marets, 1703-1739.

Jean-Joseph Fogasses de la Bastie, 1739-1767.

Antoine-Joseph des Laurents, 1767-1785.

Courtois de Pressigny, 1786-émigré en 1790.

(Revint à Saint-Malo en 1800 et administra son diocèse jusqu'au Concordat, devint en 1819 archevêque de Besançon).

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Histoire du Monastère de Saint-Benoît

CHAPITRE I

Commencement ou origine de l'Etablissement de l'Ordre de Saint-Benoît dans la ville de Saint-Malo, Province de Bretagne (Style et orthographe du XVIIIème siècle).  

Ville de Saint-Malo : couvent de Saint-Benoît

Couvent des bénédictins de Saint-Malo en 1687

Le schisme d'Angleterre arrivé sous le Pontificat de Clément VII et sous le règne de Henri VIII avant infesté tout ce Royaume, les Catholiques souffrirent une cruelle persécution. Ce Roy fit mourir ou chassa de ses Etats tous les prélats, prêtres et religieux qui s'opposèrent à ses volontés et qui voulurent défendre la puissance et primatie du Pape, confisqua tous leurs biens, fit razer ces grands et illustres Monastères, si respectables par leur antiquité et honorez par la sainteté des grands hommes qui y a voient vescus.

La Religion catholique changea tellement de face en si peu de tems qu'on ne vit plus de Religieux en Angleterre ; par conséquent ce grand Ordre de St-Benoit qui fleuri dans ce Royaume depuis mille ans, dont les religieux étoient les premiers apôtres, se vit à la veille d'être tout détruit, si Dieu n'eût inspiré aux moines du Montcassin, nos premiers pères, pour en empêcher la ruine totale, de recevoir au Novitiat et à profession des Anglais dans le dessein d'y rétablir un jour ce grand Ordre ; c'est pourquoy en 1588 ces Religieux reçurent au Novitiat et à Profession un nommé Grégoire Payras, Personnage très docte et d'une vie exemplaire, dont l'exemple fut suivi de plusieurs autres de la Nation, recommandables par leur piété et leur saine doctrine qui firent tous profession pour leur Congrégation anglicanne. Dans ce même temps les Moines de la Congrégation de Valladolid (Note : Vallodolid, ville d'Espagne, dans la Vieille Castille, célèbre par son Ecole de droit, son couvent et Eglise de San-Benito, St-Benoit, fondés par les Bénédictins du Mont-Cassin, etc.) en Espagne de notre Ordre de St-Benoît, animez du même zèle en reçurent aussi plusieurs à profession.

Les Religieux de ces deux Congrégations n'ayant rien épargné pour l'éducation de tous ces religieux anglais, soit du côté de la piété, soit des sciences et voyant qu'ils en avoient un nombre suffisant pour faire des Missions dans leur pays et des Etablissemens dans les pays circonvoisins, ayant commencé par obtenir la permission du Pape Clément VIII, ils en envoyèrent vers l'an 1602 (Note : Dernière année du règne d'Elisabeth à laquelle succéda Jacques Ier en 1603) une partie dans l'Angleterre afin d'assister par leurs bons exemples et leurs exhortations leurs compatriotes persécutez et ramener dans le sein de l'Eglise leurs frères égarez ; il y en eut cinq qui souffrirent le Martyr pour la défense de la Foy, cependant notre Seigneur donna une si grande bénédiction à leurs paroles que non seulement Elle consola et fortifia les catholiques, mais encore Elle enleva au parti hérétique un nombre considérable de ceux qu'il avait engagés dans l'erreur.

Ces bons Religieux ayant trouvé dans l'Isle un ancien et vénérable Moine du monastère de Yvesmoutiers [Note : Yvesmoutiers — Westminster, un des quartiers de Londres sur la rive droite de la Tamise, à l'ouest de la Cité ; autrefois ville particulière, célèbre par son antique abbaye, bâtie sous Henri III (1216-1272) et Edouard Ier (1272-1307), sépulture des rois et des grands hommes d'Angleterre], nommé Sigebert (et de son nom du monde Robert Buckleuïl). Buckleuïl - Buckley, bénédictin anglais, né en 1517, avait fait les voeux de religion entre les mains de l'abbé Teckenham à Westminster au temps de la reine Marie (1553-1558). Son existence monastique ne fut guère qu'une longue série de poursuites et d'emprisonnements. En 1603, il était retiré à Cisson, près de Wendham, dans le comté de Norfolk, il avait 85 ans, était infirme et presque aveugle, lorsque vinrent le trouver D. Anselme Beech et D. Thomas Preston, arrivés d'Italie avec la mission de rétablir l'Ordre des Bénédictins en Angleterre. Il fut arrêté à la suite de la Conspiration des Poudres, complot formé en 1605 sous Jacques Ier, dans lequel furent impliqués quelques religieux — il s'agissait de faire sauter le roi, le ministre et le Parlement. — Dénoncés, les coupables furent livrés au supplice et des entraves nouvelles furent apportées à l'exercice du culte. Buckley subit une longue réclusion à Satehouse Prison, et c'est là que le 21 Novembre 1607, il donna l'habit de l'Ordre à François Robert Sadler et à Thomas Maihew. Remis en liberté, Robert Buckley revint habiter Wendham où il mourut le 22 février 1610 à l'âge de 93 ans. Il fut inhumé à Pontshale dans le Surrey (Bibliographical Dictionary of the English Catholics, 1885 — Gillow) que par une divine Providence après avoir souffert toutes sortes de calamitez, persécutions et prisons, pour la deffence de la Foy était resté seul de tant de milliers de Religieux tuez ou chassez par les ordres de Henri VIII, ils se servirent de cette heureuse rencontre pour rétablir la Congrégation anglicanne et pour cet effet le 21 de novembre 1607 ce bon vieillard les associa et incorpora de leur consentement à son monastère de Yvesmoutiers et à la Congrégation anglicanne qui subsistoit encore en sa personne. Et pour plus grande seureté leur donna l'habit et fit faire de nouveau profession ; laquelle Association le Chapitre général du Monastère, tenu en 1608 approuva et ratifia et en 1609, ce vénérable vieillard la confirma derechef par acte authentique, et donna de nouveau à ces Religieux tous les Droits, Privilèges et Biens non seulement de son monastère de Yvesmoutiers, mais encore de toute la Congrégation anglicanne, laquelle Union et Association Paul V. (pape) approuva le 1er de Septembre 1609. Et par ce moyen la Congrégation anglicanne de l'Ordre de St-Benoit, qui sembloit être ruinée et anéantie fut rétablie par ce bon Religieux de Yvesmoutiers, avec ceux de la Congrégation de Montcassin en Italie et de Valladolid en Espagne.

L'autre parti de ces Religieux anglais fut envoyée dans les pays circonvoisins de l'Angleterre pour y faire des établissemens, afin d'y recevoir les Anglais qui voudroient se rendre religieux ; le premier Etablissement fut dans la ville de Douay en Flandres [Note : Douay — Douai (Nord) où fut fondé le premier couvent et en même temps collège de Bénédictins anglais, sous le vocable de Saint Grégoire. C'est aussi de Douai que sont repartis en 1892 les Bénédictins pour créer en Angleterre le collège de Saint Grégory de Downside, près de Bath, comté de Sommerset], par la faveur et assistance du T. R. P. Dom Philippe Carrenet, Abbé régulier de Saint-Waast d'Arras (Note : Saint-Waast, prêtre de l'évêché de Toul, chargé d'instruire Clovis dans la religion chrétienne ; devint évêque d'Arras au VIème siècle. Inhumé en 540 dans l'endroit où fut élevée plus tard l'abbaye de Saint-Waast près d'Arras), qui les protégea et leur fit bâtir le célèbre collège de St-Grégoire, tant pour eux que pour ses propres Religieux ; peu de temps après, on leur donna l'Église de  St-Laurent, située au bourg de Dieu le Ward, dans l'évesché de Thul en Lorraine (Note : Thul — Toul en Meurthe-et-Moselle, évêché fondé au VIème siècle) et dans les terres de l'Evesque de Verdun, où une partie de ces Religieux anglais se retirèrent ; dès qu'ils y furent arrivez, un chacun tâcha de les assister, mais principalement Mgr Artur Pitsius, Chanoine et Théologal du célèbre Monastère de Saint-Romaric [Note : Saint-Romaric, célèbre abbaye fondée en 620 par un puissant seigneur de ce nom, qui avait d'abord vécu à la cour de Clotaire II. Autour de cette abbaye s'est établie la ville de Remiremont (Chef-lieu d'arrondissement des Vosges)], et grand vicaire de l'illustrissime Cardinal Charles de Lorraine, Evesque de Verdun, lequel obtint non seulement de Lui, et de Mgr Jean Mallaucus, Evésque de Thul., la permission de leur Etablissement, mais aussi contribua beaucoup de ses deniers pour la construction de ce Monastère et leur servit de Père pendant qu'il vescut.

Ces Religieux ayant reçu à profession dans ces deux nouveaux monastères plusieurs Anglais ne pensoient qu"à se procurer de nouveaux établissemens convenables pour y élever des sujets propres pour leurs Missions et sçachant que la ville de Saint-Malo était un port considérable où abordent souvent les Anglais. ils prirent la solution de s'y établir : pour cet effet, ils y envoyêrent deux de leurs religieux, l'un nommé de son nom de religion Dom Gabriel de Sainte-Marie et de son nom du monde Guillaume Gifford, de l'illustre maison des Giffords qui a donné à l'Angleterre plusieurs prélats, comtes et barons, lequel voulant quitter le monde où il s'étoit rendu recommandable parson insigne piété et sa grande doctrine, afin de se consacrer tout à Dieu, il se retira au Monastère de Saint-Laurent de Dieu le Ward où il fut reçu avec une grande Joye de toute la Communauté qui connaissoit son mérite ; après son année de Novitiat, il y fit profession et peu de temps après il en fut élu Prieur ; croissant toujours du plus en plus en mérite, il fut nommé Président de la Congrégation Anglicanne. L'autre Religieux qui fut envoyé avec le R. P. Dom Gabriel de Sainte-Marie se nommait Dom Jean Barnez. Johnes Barnes, bénédictin anglais, docteur ès-arts de la sacrée Théologie et premier assistant pour la Congrégation d'Espagne, n'a pas dû rester longtemps à Saint-Malo. Bayle, dans son Dictionnaire historique et critique, Leyde et Amsterdam 1702, et Gillow, dans le Dictionnary Bibliographical of the english Catholics, 1885, lui consacrent de longs articles qui peuvent se résumer comme suit : — D'abord étudiant à l'Université d'Oxford, Barnes fit ses études théologiques à Salamanque, entra en 1604 au Monastère des Bénédictins de Valladolid, y reçut la prêtrise en 1608. Il professa la théologie à Dieulouard et à Douay. Elu Prieur de ce dernier couvent, il ne put s'accorder avec ses Religieux, se retira d'abord à Oxford où il prépara les éléments de ses écrits futurs, ensuite à Paris et refusa énergiquement de rentrer dans un autre couvent de l'Ordre. Interné par arrêté royal le 5 décembre 1626, il fut dirigé sur Cambrai et après sur Rome où il mourut dans un asile d'aliénés en août 1661. Il est l'auteur de plusieurs livres dont les deux suivants furent les causes principales de ses tribulations : La Dissertation « Contra aequivocationes », Paris, 1625, in-8°, dirigée contre Lessius, né à Brecht près d'Anvers, 1554-1623, casuiste de l'Ordre des Jésuites, dont les écrits furent censurés en 1687, par l'Université de Louvain. Lessius suscita de vives disputes par sa morale facile et par ses opinions sur la prédestination et la grâce ; Le « Catholico romanus pacificus » Oxford 1680, in-12, libelle contre le Saint-Siège, qui circula longtemps sous forme de manuscrit et ne fut imprimé qu'après la mort de l'auteur. D. Gabriel de Sainte-Marie et D. Barnes avaient fait leurs premières études à l'Université d'Oxford, à 30 ans de distance ; ils sont partis ensemble de Dieulouard où ils ont dû se lier à cause de leur commune origine. Le séjour de Barnes à Saint-Malo doit être placé entre son professorat de Dieulouard et celui de Douay. Les deux moines se brouillèrent plus tard. En effet Barnes, dans son « Examen trophaeorum Congregationis Praetensae Anglicanae ordinis Sancti Benedicti » Rhemis, 1622 in-8°, combattit énergiquement la tentative de fusion des branches italienne et espagnole, avec la vieille congrégation anglo-bénédictine préconisée par D. Gabriel de Sainte-Marie. Celui-ci, devenu archevêque de Reims mit fin à cette dispute par sa lettre, sous forme de déclaration, du 10 avril 1625. Barnez était un personnage d'une grande piété et érudition, lequel fuyant la persécution qui s'était élevée dans sa patrie contre les Catholiques, prit le parti de l'abandonner et de se faire Religieux dans notre Ordre où il eut le bonheur de faire aussi Profession.

Ces deux Religieux éminents en vertu et instruits de la science des Saints qui est propre à convertir les âmes arrivèrent heureusement à Saint-Malo au mois de Février de l'année 1611, en un temps où il y avait besoin d'ouvriers pour travailler à la vigne du Seigneur ; ils s'y firent aussitôt connaître par leur modestie, bon exemple et entretien, un chacun commença à les converser, écouter leurs exhortations et les assister dans leurs nécessitez. Messieurs les Chanoines étant bien informez de leur bonne vie et saine Doctrine (le siège épiscopal étant vacant par la mort du R. P. en Dieu Messire Jean du Bec) leurs permirent de prêcher et de confesser dont ils furent si satisfaits et le public si édifié (Dom Gabriel de Sainte-Marie ayant rempli presque pendant toute l'année la chaire de la Cathédrale) que ces Messieurs leurs firent délivrer de l'argent pour payer leurs pensions, lesquels s'emploiérent avec zèle au salut des âmes qui dans ce temps étoient assez mal dirigées.

Faute de personnel capable, confessant infatigablement de jour et de nuit et exhortant les malades dont ils prenoient un grand soin dans les derniers momens, également des pauvres comme des Riches, sans acceptation de personnes : le Seigneur bénit visiblement leurs travaux en sorte qu'en peu de temps Saint-Malo se trouva tout changé pour les moeurs, ce qui engagea Monseigneur Guillaume Le Gouverneur nouvellement promu à l'Evesché de Saint-Malo, à donner au Père Dom Gabriel de Sainte-Marie par forme de provision la Prébende de la Théologale [Note : M. Jouon des Longrais, archiviste paléographe, dans son livre Jacques Doremet, sa vie et ses ouvrages Rennes, Plihon et L. Hervé. 1894, nous montre combien était difficile et délicate la tache du nouveau théologal, pages 41-42. Il y avait surtout à remettre dans sa voie un Chapitre séculaire qui, tout en possédant quelques membres tout adonnés à l'étude et à la prière, montrait peu de zèle. Fréquemment atteint par des faveurs abusives qui lui adjoignaient des sinécuristes à peu prés laïques, il s'absorbait dans les compétitions de prébendes et de dignités, dans de multiples et interminables procès. On voyait, non sans étonnement, dans une ville dont la Seigneurie appartenait aux gens d'église, le peu d'efficacité des réformes et des institutions du Concile de Trente, admises en France. Ainsi la belle institution des Théologaux, destinée à disséminer dans tous les centres des docteurs en Sorbonne, défenseurs attitrés de la foi, y était en décadence depuis la Ligue. Guillaume le Gouverneur, heureux d'avoir dans sa ville épiscopale ce grand théologien de l'église de Milan, le mit en possession de cette chaire du dogme, 2 août 1711. Page 56. Guillaume le Gouverneur entreprit la refonte des Statuts synodaux de l'Evêché avec son vicaire général Doremet. Mais la plus grande part — dans l'annotation de ces statuts — doit revenir au prieur des Bénédictins. anglais, Gabriel de Sainte-Marie, jadis théologal de Milan, devenu théologal de Saint-Malo. Ce livre est imprégné de la doctrine et des exemples de saint Charles Borromée et plein d'emprunts à ses Actes, à ses Instructions, aux conciles ou synodes particuliers, aux usages de l'Eglise de Milan,. etc., etc.] qui était vacante par la démission de Monsieur Nicolas de Brévoir, Evesque de Coutances et par l'avis de son chapitre et du consentement de Messieurs de la Communauté de l'Hôtel de Ville de Saint-Malo et donner la Préceptoriale [Note : Préceptoriale ou Grande Ecole. Etait située dans la rue Mahé de la Bourdonnays, autrefois appelée rue du Cheval Blanc dans la partie comprise entre la rue de la Victoire et le rempart. Elle fut tenue par les Bénédictins anglais jusqu'à leur sortie du couvent en 1669. Les successeurs de Barnes étaient les R R. PP. Boniface de Montsarrat, Placide de Saint-Thomas, martyrisé en Angleterre en 1629, Romain de Saint-Guillaume, Bédé. Forster etc., etc. Les Bénédictins de Saint-Maur n'acceptèrent point cet emploi et furent remplacés par des prêtres séculiers] vacante au R. P. D. Jean Barnez. Messieurs les habitants leur offrirent aussi l'Eglise de Saint-Sauveur avec l'Hôpital qu'ils faisoient bâtir pour en avoir soin et y acquitter les Fondations ; mais comme cet emploi ne convenoit pas à leur Profession. ce qui les détournoit du principal but de leurs Missions, ils les en remercièrent.

En même temps les nommés Gilles Toutin et Olivière Gautier sa femme, Sieur et Dame du Moulin-Neuf, comme Hamon Bodin et Jeanne Cotard, leurs offrirent une Chapelle située en la Paroisse de Paramé, fondée sur le titre de Notre-Dame de Liesse avec une maison et jardin y joignant appelée de Clermont (Note : Clermont ou Clairmont, à 2 kilomètres de Paramé, route de la Buzardière à Château-Malo, propriété vers 1908 de M. Severette, cultivateur anglais) qu'ils avoient fait bâtir dès l'an 1602, en une pièce de terre appelée le Clos du Pont, dépendant de la Maison de Clermont, appartenant au Sr. Hamon Bodin, pour laquelle fondation le Sr. Toutin avoit donné cinq Bouesseaux (Note : Bouësseau - Boisseau. Mesure ancienne de volume pour les grains. Valait environ 12 litres 5) six Godets (Note : Godets, douzième partie du boisseau) de froment, mesure de Saint-Malo, à lui dus par chacun an, au jour de Noël, sur la terre de la Mettrie aux Chanoines (Note : Métairie aux chanoines, existe toujours vers 1908 sur la route de Paramé à Saint-Coulomb) située en la dite Paroisse de Paramé, appartenant à Yvonne Petit, femme de Bernard Boullain, à la charge de dire par le chapelain une Messe chaque semaine pendant le cours de l'année, le tout fait par la permission de Monseigneur Jean du Bec, pour lors Evesque de Saint-Malo qui la consacra le 24 d'avril 1604. Et mit dans l'Autel des Reliques de Saint-Suliac Abbé et Confesseur et y donna les Indulgences ordinaires à ceux qui la visiteroient le jour de sa consécration ; suivant le Procez-verbal qui en fut fait le 28 de juillet et insinué au vingtième livre du Greffe des Insinuations le 16 de septembre 1606 ; de plus le Sr. Ramon Bodin en faveur de nos Pères Anglais augmenta cette fondation de deux bouëssaux, huit godets et demi de froment, rentes qui lui étoient dues par Françoise Boullain, veuve de Pierre Baudran sur l'hypothèque des maisons, terres et héritages de la Massuère, paroisse de Paramé, et de 70 pieds (Note : Pied. Mesure de longueur ancienne. Variable, 0m32480) de terre de longueur à prendre au dit Clos du Pont, au bout du sus-dit Jardin, à la charge de dire les Sept Fêtes de Notre-Dame, une Messe basse, outre celles ci-dessus fondées : toutes lesquelles fondations les Religieux acceptèrent et promirent d'acquitter à jamais, suivant le traité fait et passé par devant Mahé et Lescien, notaires Royaux, devers qui la Minute est restée le 20 d'octobre 1611. Et le 25ème jour du dit mois et an les Religieux en prirent possession en présence de ces deux notaires ; peu de tems après, honorable homme Jean Goret sieur du Gravier et Claudine Pépin sa femme leurs donnèrent une pièce de terre enclose, appelée la Courte Pièce, avec quatre sillon sise au bout d'icelle, le tout contenant trois quarts de Journal (Note : Journal. Mesure de superficie, 48 ares 62. 3. Variable) de terre, située dans la même Paroisse de Paramé, à la charge de dire tous les ans, le 7 de juin une grande Messe de Requiem pour leurs parents et amis trépassée, suivant l'acte passé par Sommers notaire le 26 février 1613.

Tous ces bienfaits engagèrent nos deux Religieux à en appeler d'autres, pour se joindre avec eux afin de supporter une partie du soin et sollicitude qu'ils prenoient pour le Salut des âmes qui tous ensemble vacquèrent avec zèle et piété à prêcher, catéchiser, confesser les habitants de Saint-Malo et de visiter les malades : ainsi ces bons Religieux pensoient qu'il étoit à propos pour pouvoir continuer leurs fonctions à la plus grande gloire de Dieu dans cette Ville de Saint-Malo, d'y acquérir quelques héritages de l'argent qui provenoit des dans que faisoient quelques sujets tant français qu'anglais, auxquels ils donnèrent le St Habit de la Religion, et après le Novitiat, leurs firent faire profession solennelle pour leur Congrégation, afin de se mettre parlà en état d'y bâtir un monastère de notre Ordre : Parce que le lieu de Clermont, distant d'une lieue de cette ville, étoit trop éloigné pour qu'ils pussent commodément rendre service au public dans toutes leurs fonctions spirituelles, et qu'ils ne pouvoient pas espérer non plus de posséder toujours la Théologale, ni la Préceptoriale, lesquels Bénéfices ne leurs étoient point unis.

Dans l'espérance d'obtenir les permissions requises pour leur établissement dans cette ville de Saint-Malo, le R. P. Gabriel de Sainte-Marie, pour lors Prieur claustral de sa Communauté de Clermont achepta et acquit au nom et au profit de ses confrères, tant présens que pour ceux qui leurs succéderoient, de Maitre René Bergeot et d'Etiennette Ebrard sa femme, par acte passé par devant Thibaud et Mahé Notaires royaux, devers qui la Minute est restée le 19 de Février 1616, une maison située proche les grands fours banneaux (Note : Fours banneaux. Etaient situés dans la rue des Cimetières, dénommée rue Danycan vers 1908, dans la partie haute, à gauche en montant), plus une allée pour sortir dans la rue qui va de Saint-Aaron à la grande Eglise avec leur petit jardin, pour le prix et somme de cinq mille cent # (Note : Livre. Pièce d'argent valant vingt sols, équivaut au franc vers 1908) ; trois ans après, sçavoir le 7 septembre 1619, les Religieux acheptèrent de noble homme André Pépin Sénéchal de Saint-Malo et de Delle Guillemette Hérisson, sa femme, une autre maison contiguë aux précédents acquêts, pour la somme de neuf mille sept cents # par contrat passé par Bodieure et Thibaud Notaires royaux et par le même contrat le Sr. Pépin bailla aux dits Religieux un autre jardin contenant environ trois cordes (Notes : Cordes. Mesure de superficie. Variable, à Saint-Malo, 60 mq. 78) et un quart de terre. Enfin l'an 1620, ils acheptèrent encore du Sr. Frotet Olivier une autre maison avec un petit jardin pour la somme de trois mille trois # par contrat passé par Jonchée notaire le 22 Février 1620 tous lesquels Acquêts relevants de la Seigneurie des Réguaires (Note : Réguaires — Régaires. Juridiction temporelle des Evêques) et à la charge de payer à la Récepte de Mgr l'Evesque au Jour St-Gilles 1er septembre de chacun An les deniers de rente qui sont dûs.

Les Religieux ayant par les Acquêts faits des Sieurs Pépin, Bergeot et Frotet une espace de trente trois cordes et demie de terrain suffisant pour bâtir une Eglise, dortoir et cloître, firent leurs diligences pour obtenir les permissions nécessaires et requises en pareil cas, afin de s'y établir et s'adressèrent premièrement au seigneur Evesque et à MM. les Chanoine et Chapitre de la Cathédrale, Seigneurs spirituels et temporels de la ville de Saint-Malo auxquels ils présentèrent leur Requête au mois d'Avril 1620, tendant à ce qu'il leur fut permis d'édifier sur les fonds par eux acquis une Eglise avec un Monastère pour leur demeure, dont ils seroient à jamais paisibles possesseurs, ce qui leurs fut accordé d'une manière très gratieuse de la part du Sgr Evesque Monseigneur Guillaume le Gouverneur, qui aimoit d'une affection toute paternelle ces bons Religieux mais MM. les Chanoines aussi Sgrs leurs firent des conditions fort extraordinaires et très fâcheuses parce qu'elles sont toutes contraires à l'Institut et l'Esprit de notre Ordre : 1° que le dit Etablissement ne seroit qu'un hospice et non un Monastère.... que dans l'Eglise ou Chapelle on n'y diroit que des basses Messes, qu'on n'y chanteroit point l'Office divin en plain chant, mais seulement qu'on le réciteroit en psalmodiant.... qu'on n'y diroit aucunes Messes solennelles.... qu'on n'y enterreroit personne, à l'exception seulement de leurs Religieux et domestiques... de n'y ériger aucune frairie et fondations hypothequées sur les Fonds relevant des Fiefs des dits Seigneurs Evesque et Chanoines. .. de ne faire aucun nouvel Acquêt dans la ville, mais qu'ils jouiront seulement de ceux qu'ils venoient de faire pour leur Etablissement et de ne pouvoir aussi constituer aucune Rente sur les maisons de la dite Ville, ny même sur aucuns biens, terres ou héritages, relevant des Réguaires ou fiefs des dits Seigneurs.... qu'ils assisteront à toutes les processions générales indiquées et devant tous les prêtres de la paroisse.... qu'au surplus ils confesseront dans leur Eglise avec l'approbation et permission de l'Ordinaire, qu'ils y prêcheront et cathéchiseront, et pourront même enseigner la Jeunesse dans leur maison.... qu'ensuite les susdites conditions seront homologuées tant au Parlement de la Province de Bretagne que par le Chapitre général des dits Religieux.

Fait au Chapitre de la Cathédrale de Saint-Malo, tous les Chanoines capitulairement assemblés pour traiter de leurs affaires, en la manière accoutumée le 3 d'avril 1620.

C'est pourquoi le B. P. Dom Léandre de St-Martin, Président des Pères Bénédictins de la Congrégation anglicanne, présenta au nom de ses Religieux une autre Requête le 30 mai 1620 à Mgr l'Evesque et Messieurs les Chanoines et Chapitre de la Cathédrale de Saint-Malo, conformément aux conditions susdites proposées par les dits Sgrs Chanoines et que les dits Religieux avoient acceptées le 7 d'avril de la présente année pour le zèle qu'ils avoient du service de Dieu et l'avancement des fidèles dans la Piété : laquelle Requête avec les permissions cy devant requises furent toutes homologuées au Parlement de Bretagne l'année suivante le 13 mai de 1621 et ensuite par le Chapitre Général tenu à Douay le 18 juillet de 1621.

 

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CHAPITRE II

Etablissement du Monastère des Pères bénédictins-anglais dans la ville de Saint-Malo, leur Eglise bâtie et Aggrégation de leur Monastère à la Congrégation des Pères Bénédictins de Saint-Maur en France.

Honnorable homme Jean Salmon, sieur de la Chesnaye et Etiennette Paton, sa soeur, veuve de Jean Hacout, sieur de Clérice ayant seu la permission que les Religieux avoient obtenue de bâtir une Eglise et un Monastère sur les fonds qu'ils venaient d'acquérir leur donnèrent la somme de deux mille #, pour commencer ces bâtimens, à la charge de dire à perpétuité la veille de Noël, après le Vêpres les litanies de la Sainte-Vierge, et un De Profundis pour le Repos de leurs âmes et celles de leurs parents et amis trépassez suivant l'acte passé devant Odinen Notaire royal le 23e décembre de 1620.

L'année suivante, les Religieux firent faire une cloche pour leur Eglise par Nicolas Pelletier, fondeur à GrandVille pesant deux cent quatre vingt quatre livres et demie qui leur est revenue à 14 s. 6 deniers la livre.

Le R. P. Dom Gabriel de Sainte-Marie, Prieur claustral des Religieux de cette Communauté ayant été nommé Visiteur de l'Ordre de Fontevrault dès l'année 1619 et ensuite appelé pour prêcher dans l'Eglise cathédrale de Notre-Dame de Paris, il fut fait Evesque d'Archidal, à la sollicitation de Madame Marie de Lorraine, Abbesse de Chelles, qui affectionnoit beaucoup ce R. Père, à cause de ses grandes qualités et son rare mérite, lequel succéda ensuite, par la mort d'Illustrissime Louis de Lorraine, cardinal de Guise à l'archevesché de Reims (Note : L'écho lointain de cette nomination parvint rapidement à Saint-Malo. En effet, dans un ouvrage de la fin de 1622, Doremet, vicaire général écrit : « Comme j'achevois cecy sont venues nouvelles qui certifient que le révérendissime évêque d'Archidal est à présent archevesque, et duc de Rheims, premier pair de France, Légat né du St-Siège apostolique : dont se resjouist toute cette ville, en laquelle il a esté théologal ». Cf. Doremet, etc., etc. par M. Jouon des Longrais, p. 43) ; par ce changement le R.P. Dom Josselin de Sainte-Marie (Note : D. Josselin de Sainte-Marie, successeur de D. G. de Sainte-Marie à la Théologale le remplaça aussi dans sa charge de Prieur des Bénédictins) fut élu et nommé Prieur de la Communauté qui se mit aussitôt en état de s'accommoder dans les emplassements acquis les années précédentes et de travailler à y faire bâtir ; mais tous les Religieux très surpris lorsqu'au milieu de leurs bâtimens on leurs signifia le 22 décembre de l'an 1622, une opposition de la part de MM. les Chanoines, nonobstant le Concordat du 3 d'avril de 1620, homologué au Parlement et à leur Chapitre général, faute à eux de n'avoir pas payé les Lots et Ventes et Indemnités de leurs Acquêts et n'avoir pas aussi exécuté les clauses du dit Concordat : à quoi les Religieux répondirent qu'ils étoient prêts et s'offroient même de payer à qui la Cour l'ordonneroit ; mais comme il y avoit instance aux Requêtes du Palais entre Mgr l'Evesque et eux, au fief duquel les héritages étoient, ils ne les pouvoient pas payer qu'à définition de procès.

Dans la même année 1622, la Communauté des Dames Religieuses de Sainte-Victoire (Note : vers 1928, caserne de Victoire) de cette ville et nouvellement établie à Saint-Malo (laquelle est sortie de l'abbaye de Montmartre proche de Paris) fut affligée de la peste, mais le R. P. Prieur Dom Josselin de Sainte-Marie qui en étoit le Confesseur et le Directeur avec Dom Célestin Trembric de St-Jean, anglais de nation, et Proffez de notre Communauté eurent un tel soin de ces bonnes Religieuses, nos soeurs, qu'ils ne les abandonnèrent jamais ; ainsi pendant cette maladie il n'y eut qu'une soeur converse qui en mourut, laquelle fut enterrée la nuit par nos Pères : cette Communauté étoit pour lors composée de deux Dames Religieuses professes et de quinze Novices.

Après que la maladie eût entièrement cessé, nos Pères se retirèrent dans leur maison de Clermont où ils firent une quarantaine.

Six ans après, savoir l'an 1626, nos Pères eurent l'agréement de M. le Marquis de Coasquën lors Gouverneur de la Ville pour le Roy, avec le Château et Forts de Saint-Malo, qui le leur signa d'autant plus volontiers qu'il avait bonne connaissance de leurs mérites. Et de l'affection que MM. les Bourgeois avoient pour eux et dont il fut confirmé par le consentement général de la Communauté de l'Hôtel de Ville qu'ils lui firent voir, signé des plus notables d'entre eux : toutes ces permissions n'étant pas encore suffisantes, sans celle du Roy, nos Pères présentèrent une Requête au Roy etant à Nantes (Louis XIII, 1610-1613) le 13 Juillet de 1626, par laquelle ils supplièrent Sa Majesté de leur permettre de bâtir une Eglise, avec un Logis stable et manable pour leur demeure dans les fonds qu'ils avoient acquis. Le Roy, après avoir vu le consentement de l'Evesque, du Chapitre de Saint-Malo, ensemble celui des habitants de la ville avec celui du marquis de Coasquën, Gouverneur de Saint-Malo du 28 de may 1626, leurs permit par ses lettres patentes du mois de juillet de bâtir une Eglise et Maison, lesquelles lettres furent vérifiées au Parlement de Bretagne le 15 de septembre 1626 et enregistrées au Greffe (sans préjudice des Droits de Fief des Seigneur Evesque et Chapitre de Saint-Malo), et à la charge que les Supérieurs du dit Monastère seroient Français de nation. Deux ans après, le Roy leur accorda des Lettres d'amortissement des susdits Fonds par eux acquis, qui furent l'année suivante enregistrées à la Chambre des Comptes de Nantes, le 13 de juin 1629 et au Parlement de Bretagne le 28 novembre de 1629.

Quoique les Bâtimens de ce Monastère sur les susdits Fonds achetez furent commencés vers l'an 1621, ils ne purent de longtemps être achevez par rapport à la pauvreté des Religieux ; et des oppositions et procès que leur suscitèrent en divers tems MM. les Chanoines de la Cathédrale. Cependant la couverture du dortoir fut faite et achevée en l'an 1627 ... Quand il fut question de bâtir l'Eglise (ce qui arriva en 1626), au lieu d'une petite Chapelle de Bois que les Religieux avoient fait construire, en attendant d'en faire une autre plus solide et plus spatieuse, pour lors MM. les chanoines s'y opposèrent de tout leur pouvoir, car voyant que les Religieux avoient fait quelques provisions de Matériaux et puis les fondemens de cet Edifice assez spatieux, que même ils avoient obtenu la permission du Roy de prendre quelques espaces de la Rüe pour servir à rendre l'Eglise plus proportionnée et plus commode, en cédant par autre part quelque espace pour l'élargissement de la même Rüe, les susdits chanoines, poussez d'un zèle autre que celui de la gloire de Dieu, firent dans leur Assemblée capitulaire une Délibération par laquelle ils révoquoient autant qu'ils pou voient le traité et concordat fait en 1620 avec les mêmes Religieux auxquels ils firent signifier cette délibération avec deffence de passer outre.

Mais parce que les Religieux poursuivoient leur ouvrage, Mrs les Chanoines se pourveurent devant leurs Juges de Saint-Malo, et leur firent rendre un Jugement par lequel deffences furent faites aux Religieux de continuer leurs Bâtimens et à leurs ouvriers d'y travailler aucunement sur peine de prison, avec pouvoir à MM. les Chanoines de les y faire mettre ; ce qu'ils firent exécuter avec la plus grande rigueur contre trois ou quatre manoeuvres les jours suivants ; mais les Religieux se pourveurent au Parlement et ensuite au Conseil du Roy, où ils obtinrent un arrêt qui leva les dites deffences, et permit de faire continuer les dits Batimens. MM. les Chanoines ayant présenté une Requête civile, interrompirent ce travail en vertu d'arrêt du 13 may de 1633.

Enfin après bien des procédures, par le moyen et intervention de Mrs les Bourgeois, il y eut une transaction dans ce même mois de May 1633, confirmée par Arrêt du Conseil au mois d'Août 1634, en conséquence de quoi, les Bâtimens de notre Eglise commencez furent continuez et achevez l'an 1637. Quoique nos Pères fussent si traversez dans leur nouvel Etablissement, ils ne laissoient pas de servir Mrs les habitants avec autant de charité et de zèle que dans le Commencement.

Car la Peste étant dans la Ville, et ne voulant pas manquer dans cette occasion de rendre leurs services aux malades, deux des Religieux s'offrirent pour assister ceux qui étoient à l'Hôpital de la Santé, dont l'un s'appeloit Dom Robert Guillet de la Ville de Dinan en cette Province de Bretagne, et Profez de ce Monastère, lequel après avoir rendu aux Malades toutes sortes de bons services, en leurs administrant les sacrements de Pénitence et d'Eucharistie, mourut de peste âgé de 34 ans, le 8 8bre (8 Octobre) de 1629 ; l'autre Religieux étoit Dom Célestin Trembric de St-Jean (dont on a parlé cy devant), qui mourut dans ce même exercice de charité le 25 8bre (25 Octobre) de 1629, âgé de 34 ans, lesquels furent tous les deux enterrés au dit Hôpital.

Le 10 d'Avril 1629 (Note : M. l'abbé Haudecoeur, de Reims, son biographe, indique le 9 avril comme date de sa mort) mourut à Rheims notre T. R. P. Dom Gabriel de Sainte Marie, dit Guillaume de Gifford, archevêque de la même ville, après avoir rendu à son Peuple tous les devoirs d'un bon Pasteur, à qui notre Monastère est infiniment redevable pour tous les soins qu'il en a pris au commencement de son établissement, et pour tous les secours qu'il en a reçu tant spirituels que temporels. Et quoiqu'on ne puisse pas dire que nous n'ayons point proprement dit de Fondateur jusqu'à présent, parce que notre Monastère est le seul, de tout l'Ordre de St-Benoît qui soit sans Rentes, terres, ny revenus et que le Fond même sur lequel il a été bâti, a été achepté et payé des deniers des Religieux Bénédictins Anglais, cependant c'est une justice d'assurer que cet illustre archevesque en est le premier Fondateur : aussi en reconnaissance de tant de bienfaits, on fait tous les ans dans notre Eglise un service solennel pour le repos et le salut de son âme.

Dans la même année, Mgr Guillaume le Gouverneur, Evesque de Saint-Malo, ayant toujours favorisé nos Pères Anglais et les aimant d'un amour véritablement paternel, à cause des bons services qu'ils rendaient à son peuple, leurs remit tout ce qu'ils pouvoient luy devoir des Lots, et Ventes et Indemnités des acquêts qu'ils avoient faits dans son fief ; à la charge qu'ils chanteroient dans leur Eglise, à perpétuité une grande messe de Notre-Dame, tous les Samedis de l'année pour le repos de son âme, Par acte passé devant Béchaud notaire royal le 14 de 9bre (14 Novembre) 1629 ...... Le 25 Juin de l'année suivante, ledit Seigneur Evesque mourut dans Saint-Malo et fut enterré dans le choeur de sa Cathédrale. Messire Achille de Harlay, Seigneur de Paris, lui succéda à l'Evesché.

Depuis l'année 1630, il s'est fait quelques donations à notre Eglise, à la charge d'acquitter quelques messes à certains jours marquez pendant le cours de l'année, ce qui s'est toujours pratiqué depuis ce temps là fort exactement : Il est à remarquer que ces donations ne sont fréquemment que l'honoraire des susdites messes, l'acquit qui en est provenu a été employé aux frais pour le Batiment de l'Eglise.

Le 4 de Février 1634. Demoiselle Etiennette Salmon, Veuve de Jean Hacout, Sieur de Clérice de Saint-Malo donna aux Religieux un Dixmereau (Note : Dixmereau, Disme. Dixième partie de la récolte d'une terre. Impôt en nature) inféodé appelé la Ville-Hamon qui se lève à la Xème gerbe de tous grains en la Champagne de la Ville-Hamon et celle de dessous les Vignes au Terroir du Village de Büat et autres endroits circumvoisins de la Maison de la Tourniole, en la Paroisse de Pleudihen, Evesché de Dol, par acte passé par Guichet, notaire Royal, à la charge de dire à perpétuité une Messe le Vendredi de chaque semaine, pour ses Parents et Amis trépassez ; de plus une 2ème messe par an le Jour de son décez qui fut le 19 de Septembre 1634 ; cette donation étant la plus considérable, il serait ennuieux de rapporter les autres ; qui n'est cependant affermée au plus haut prix qu'à 45 #.

Le Monastère de Saint-Benoît dans la ville de Saint-Malo fut dédié à notre St-Patriarche, dez le commencement de sa Construction ; il est situé au Lieu le plus élevé de la Ville qui se nommoit autrefois les Champs Vauvers, du côté du Septentrion ; ce Monastère bien loin d'avoir aucuns droits, rang et prérogatives, il est réduit à observer des conditions fort extraordinaires à un Monastère de l'Ordre de St-Benoît. L'église qui dans sa grandeur est la plus proportionnée (Note : L'Eglise Saint-Benoit mesurait 34m10 de longueur, dont 7m90 pour le Choeur et 26m20 pour la Nef. La largeur de la Nef était de 8m10. Six chapelles rangées symétriquement des deux côtés de cette Nef et longue chacune de 3m40 donnaient à l'Eglise une largeur totale de 14m90. Dans ces mesures n'est pas comprise l'épaisseur des murs extérieurs, uniformément de 0m70 dans tout le pourtour) et la plus accomplie de toutes celles qui sont à Saint-Malo, n'a point encore été consacrée, soit qu'on n'en ayt pu faire la Dépence jusqu'à présent, ou qu'on n'ayt pu en obtenir la Permission de nos Supérieurs les Evesques.

Enfin MM. les Chanoines et les Religieux étans fatiguez de plaider ensemble, ceux-ci à cause de leur Pension pour la Préceptoriale dont ils n'étoient point payés, et ceux-là à cause des Lots, Ventes et Indemnités qu'ils demandoient aux Religieux pour l'acquit de leur Emplassement, afin de vivre en paix les uns avec les autres ; ils terminèrent leurs différens par une Transaction passée par devant Jousset Notaire Royal le 30 de May de 1634, par laquelle il fut dit que Mrs les Chanoines prendroient en paiement pour les Lots, Ventes et Indemnités qu'ils prétendoient, la somme de 2.879 # qu'ils devoient aux Religieux pour quatre années et un quart de pension de la Préceptoriale. Et en cas qu'il leurs en fut dû davantage, ils se payeroient sur les fruits de la dite Préceptoriale qui seroient dûs à l'avenir aux Religieux. Pour l'autre différent que les Religieux avoient au sujet du Bâtiment de leur Eglise et Mrs les Chanoines avoient fait casser par Arrêt du Parlement du 19 de 9bre (19 novembre) 1630, il fut aussi terminé par un Arrêt du Conseil Privé du 11 d'Août 1634, par lequel le Roy en son Conseil permit aux Religieux de parachever leur Eglise et autres Batimens, homologué à cet effet et confirmé la transaction cy-dessus avec autres traitez faits entre eux : ordonne que les Religieux ne seroient que dix de Communauté en nombre et seroient visitez par le Révérend Evesque de Saint-Malo, s'ils n'aimoient mieux se mettre sous la Congrégation de St-Maur ...... En 1636, les Religieux firent bâtir une petite maison entre la porte du St-Esprit sur la Rue, et joignant les grands fours et notre Eglise, dans l'espace du fond qui restait de l'Aquêt qu'ils avoient ci-devant fait.

Mgr L'évesque de Saint-Malo, pour lors Achille de Harlay fit signifier dès le 10 de février 1635 aux Religieux Bénédictins-Anglais qu'il iroit faire la Visite régulière dans leur Monastère, s'ils n'aimoient mieux se mettre sous la dépendance des Supérieurs Majeurs de la Congrégation de St-Maur, suivant l'Ordonnance de l'Arrêt du Conseil privé du Roy de 1634. Les Religieux déclarèrent à Sa Grandeur qu'ils optoient se mettre sous l'Authorité et Dépendances de la Congrégation de St-Maur et pour cet effet, ils presentèrent une Requête le 11 d'Août 1635, au T. R. P. Dom Grégoire Tharisse, Supérieur Général de la Congrégation de Saint-Benoît, dite de Cluny et de Saint-Maur, à ce qu'il luy plaise les aggréger à sa Congrégation.

Le T. R. P. général, après avoir été bien informé, (tant par les Religieux qu'il avoit commis à cet effet, que par plusieurs autres personnes dignes de Foy) de la bonne vie et moeurs des Religieux Bénédictins Anglais, du fruit signalé qu'ils faisoient dans la ville de Saint-Malo et dans l'Angleterre, voulut bien les favoriser et assister de tout son possible, et contribuer en tout ce qu'il pourroit, afin qu'ils continuassent de vivre toujours dans l'esprit de leur vocation, et s'occuper avec plus de consolation aux Ss emplois auxquels leur profession les obligeoit pour la plus grande gloire de Dieu, l'honneur de nôtre St-Ordre, l'Edification du prochain, et obéir aux ordres du Roy et désir du Sgr Evesque, comme aussi en conséquence de la résolution prise par lui, et les autres supérieurs d'icelle Congrégation assemblés à leur Diette, reçoit ces R. R. P. P. selon leur demande, pour être agrégés à la Congrégation de Saint-Benoît (ditte de Cluny et de St-Maur) afin d'être gouvernés et régis par les Supérieurs de cette Congrégation et demeurer sujets comme les autres Monastères à la visite et correction des R. R. P. P. visiteurs qui seront nommés par les Chapitres généraux pour visiter les monastères de la Province de Bretagne. Le présent Contrat d'union, agrégation et incorporation fait et sous les clauses et modifications qui s'en suivent ........ à Sçavoir que les conditions portées tant par lettres patentes du Roy, que par l'arrêt de vérification d'icelles au Parlement de Bretagne seroient inviolablement observées par les Religieux Bénédictins de Saint-Malo : qu'en conséquence une partie des dits Religieux demeurant dans ce Monastère de Saint-Benoît seroient Français de nation, que le Supérieur étant élu ne pourroit faire l'exercice de sa charge sans avoir obtenu sa confirmation, du T. R. P. Supérieur Général de la dite Congrégation ; que nul étranger ne seroit admis pour être membre de la Communauté que ceux qui seroient Anglais de nation ; qu'aucun sujet ne seroit reçu à profession que par l'avis du R. P. visiteur de la Province, et après avoir obtenu la permission du T. R. P. Général ; qu'aucun religieux ne seroit envoyé en mission, n'y ne sortiroit du Royaume sous quelque prétexte que ce fût, sans avoir pris obédience du T. R. P. Général, et que le R. P. visiteur de la Province auroit juridiction sur tous les Religieux de cette Communauté de Saint-Benoît pendant et hors le tems de sa visite, selon l'Exigence des cas ; que non obstant la susdite congrégation, les Religieux ne seroient point tenus, ni obligés aux Rigueurs et austérités (Note : Par dispense du Saint-Siège, les Bénédictins anglais en France étaient autorisés à manger de la viande les Dimanche, Mardi et Jeudi) qui se pratiquent dans la Congrégation qu'ils n'avoient point professée, et ne pouvoient être astreints à autre chose qu'à vivre selon leur Profession (Note : Profession. — Serment et vœux faits par le Novice au moment de son admission définitive dans l'Ordre), et autres assemblées de la dite Congrégation, le tout suivant l'acte passé à Paris par devant Le Moine notaire au Châtelet, entre le très T. R. P. Dom Grégoire Tharisse, supérieur général et le R. P. Dom Dieudonné Supérieur des Religieux Anglais à Saint-Malo, et faisant pour eux le 26 de Juin 1638.

Le Bienheureux Dom Ambroise de Berlo, Religieux Profez de ce Monastère de Saint-Malo fut martirié en la ville de Lanclastre en Angleterre, le 10 de Sept. 1641. Il étoit originaire du même Lieu, et naquit à Manchestre, petite ville de cette Province de Lanclastre, d'une famille noble selon le monde, mais beaucoup plus vénérable par la pureté de la Foy qui ne peut être corrompue, ni même tant soit ébranlée par toutes les Rigueurs, que les Princes hérétiques exercèrent contre les fidèles de ce Royaume ; il fut élevé avec grand soin dans la maison de son père qui, ayant remarqué dans son enfant un désir véritable de se consacrer à Dieu, l'envoya à Doüay pour y étudier ; de là il alla à Vallodolid (Espagne) faire sa philosophie, et ensuite il y étudia la théologie, puis revint à Doüay, où il prit l'habit de l'Ordre de St-Benoit dans le Monastère de cette même ville, appelé de St-Grégoire : mais comme le Prieur étoit son parent, il crut qu'il feroit son Novitiat avec plus de tranquillité au Monastère de St-Benoît de Saint-Malo ; aussi il l'y envoya achever : ce novice passa ce tems dans une pratique exacte de la Règle, afin de prendre bien l'Esprit de la Règle et de son Etat, après lequel il fit profession, ensuite il retourna à Doüay et fut élevé au Sacerdoce.

Ayant appris qu'un de nos Pères étoit parti pour une mission dans sa Province, il demanda la permission de l'aller joindre et il se rendit à Lanclastre, brûlant du désir d'entrer au Combat avec les ennemis de la Religion, tant pour convertir les moins opiniâtres que pour donner aux autres l'occasion de lui faire son Procès, selon leur coutume ; il étoit par conséquent presque assuré de la victoire parcequ'on lui avoit annoncé de la part de Dieu qu'il seroit martir ; en effet il prêcha avec un zèle si plein de Foy qu'il eut la consolation de ramener au sein de l'Eglise catholique plusieurs hérétiques, ce qui lui attira la haine des ministres qui l'ayant surpris dire la messe, le saint Jour de Pâques, dans une chapelle où il y avoit plusieurs fidèles, se saisirent de sa personne et l'emmenèrent en lui faisant souffrir mil injures et affronts de la populace, au Juge de la Ville qui le condamna à la prison où après avoir demeuré quatre mois, chargé de fer, il fut cité en Justice et accusé d'être Prêtre et de n'avoir pas obéi à l'Edit du Boy qui portoit que tous les prêtres sortiroient du Royaume avant le 7 d'Avril de la présente année 1641.

Le Juge lui commanda de répondre là-dessus, ce qu'il fit d'abord, disant que l'Edit ne spécifioit que les Jésuites et les Prêtres du Séminaire, que pour lui il étoit Religieux de l'Ordre de St-Benoît et par conséquent exclu de l'Arrêt de Bannissement ; le jour suivant, le Juge assembla les douze Jurez et interrogea le Confesseur de J. C. en leur présence, sçavoir s'il avoit quelque chose à produire pour sa Justification... Non, dit-il, et je n'ay ni le désir, ni la pensée d'éviter la condamnation qui me doit introduire dans le séjour des Bienheureux... Sur cette réponse, il prononça son Arrêt dans les formes ordinaires, ce qui mut le coeur de tous les Assistans ; il n'y eut que le Bienheureux martir qui tressaillit de Joye, ne pouvant s'empêcher d'en donner des marques par une action de grâce publique, qui causa bien de l'admiration, même aux ennemis de la Foy ; il prononça ensuite un pardon général pour tous ses Persécuteurs ; pendant le peu de tems qui s'écoula entre celui de l'Arrêt et celui de l'Exécution, il fut visité de la plupart des Catholiques de la Province qui voulurent assister à sa mort et recueillir ses prétieuses Reliques : le Saint étant arrivé au Lieu où ce sanglant Sacrifice devoit être consommé, il exhorta le Peuple d'ouvrir les yeux sur le miserable Etat où l'hérésie l'avoit engagé afin de retourner dans le sein de l'Eglise catholique leur mère ; il pria à haute voix pour tous ses ennemis et en secret pour sa propre personne ; après le bourreau ouvrit son corps par le milieu et le déchira en quatre quartiers ; ainsi finit glorieusement cet Illustre Martir pour la Foy de J. C.

Peu de temps après, les Religieux firent faire la Citerne qui est au milieu du cloître, laquelle coûte 4000 #. Elle est composée de trois voûtes en berceau, supportées par deux Murailles de Refend ; celle du milieu a huit pieds quatre pouces (Note : Pouce, 12ème partie du pied ou 0.324 : 12 = 0.027) de large et les collatérales huit pieds et un pouce chacune ; les murailles de refend chacune un pied et demi d'épaisseur, le tout faisant pour la largeur vingt-sept pieds six pouces ; la longueur des trois voûtes est de vingt-huit pieds quatre pouces ; la hauteur au dedans des trois voûtes est de onze pieds huit pouces. Dans les deux murailles de refend il y a six arcades, trois à chacune ; chaque arcade ayant trois pieds huit pouces de largeur, et sept pieds de hauteur. Il y a au milieu un Cisterneau de huit pieds en carré et de trois de profondeur ; il y a aussi deux gros piliers boutans de chaque côté des murailles collatérales, de sept pieds de hauteur, d'un pied et demi d'épaisseur et de deux pieds et demi de large. Tout le vide de de cette citerne contient sept mille sept cent soixante cinq pieds quatre cent quatre vingts pouces cubes et donnant à chaque pied cube dix huit pots d'eau et pour chaque tonneau quatre cents quatre vingt pots, il se trouve que la citerne contient environ deux cent quatre vingt onze tonneaux d'eau (Note : Le tonneau vaut 4 barriques, la barrique contient 225 litres, la citerne contient donc 4x225x291 = 291.000 litres ou 2.919 hectolitres).

 

Ville de Saint-Malo : couvent de Saint-Benoît

Ville de Saint-Malo : couvent de Saint-Benoît

Plan de la Citerne

(située au milieu du cloître du Monastère de Saint-Benoît)

Le 3 d'Avril 1651, Noble homme Pierre Pépin et Delle (Demoiselle) Guillemette Salmon sa femme et Sieur et Dame de la Coudre, par un zèle et dévotion qu'ils avoient à St Vincent Ferrier de l'Ordre  de Saint Dominique et appelé dans ces derniers siècles l'Apôtre de la Bretagne-Armorique, en fondèrent la Fête pour être célébrée par les Religieux dans leur Eglise le 5 d'Avril de chaque année, sous le Rit des Offices doubles avec deux Vêpres et la grande Messe, à la fin de laquelle le De Profundis avec l'Oraison. Puis fondèrent une messe basse le jour de St Pierre, 29 de Juin, le tout pour le Repôt de leurs âmes après leur decez et celle de tous leurs Parents et amis, pour laquelle fondation, ils donnèrent aux Religieux la somme de 640 # qui fut employé aux bâtimens de l'Eglise, suivant l'acte passé par Jonchée Notaire Royal.

Le 19 de Novembre 1653, les Demoiselles Françoise Cheville et Guyonne Cheville sa soeur, Dame des Vergers, léguèrent par testament rapporté par Le Grand et de la Bouéxière, Notaires royaux à Saint Malo, une partie de leurs biens aux Religieux Bénédictins du Monastère de Saint Benoit, à la charge de dire à perpétuité, chaque jour de l'année dans leur Eglise, une messe à l'heure douze heures, pour le Repos de leurs âmes, après leur décez et pour leurs amis et parents vivants et trépassez. Mais comme les héritiers de ces Demoiselles, ayant vu l'Etat du testament, s'opposèrent à ce qu'il fut exécuté, les Religieux pour le bien de la Paix, firent une transaction entre ces Messieurs le 12 Juin de 1662, raportée par Jonchée notaire royal par laquelle les dits Sieurs Héritiers s'obligèrent de payer pour chacun an, le jour St-Michel aux Religieux la somme de 300 # pour dire et acquitter cette Messe, sçavoir Charles Le Gobien Sr. des Douêts la somme de 150 #, et René de Lopriac, Seigneur Baron de Coëtmadeuc, Conseiller au Parlement de Bretagne, la somme de 75 # et Guillaume Cheville, Sieur du Pont de Het et Pierre Cheville, Sieur de la Ronce avec Julien Artur Sieur de Pompée, à cause de sa femme Demoiselle Perrine Cheville, tous héritiers la somme de 75 #. Et ce sur Hypothèque spécial des biens dépendant de la dite Succession.

Il est arrivé quelque temps après que le Sr. Le Gobien fut obligé de vendre les terres hypothéquées pour la Rente 150 # : à quoi les Religieux s'étant opposés après plusieurs procédures, par sentence de la Justice de Saint-Malo du 23 d'Avril 1687, les Religieux furent condamnés de recevoir la somme de 1800 # qui étoit en dépôt de restant de la vente des Douëts, à valloir sur le franchissement de la rente de 150 # dû par le dit Sr. Le Gobien ; laquelle somme fut delivrée à Melle de la Lande-Magon le 26 Avril du même mois par acte passé par Boléric notaire royal en l'acquit des dits Religieux pour franchir une partie d'une rente de 150 # qu'ils lui devoient par Contract de Constitut. Et le 14 de Juin en suivant, par acte rapporté par Jonchée Notaire Royal à Saint-Malo, Madame Guillemette Heurtault, épouse du Sr. Le Gobien acheva d'affranchir la dite Rente de 150 # aux Religieux en comptant la somme de 1200 # qu'elle donna à leur acquit à la Demoiselle de la Lande-Magon, pour franchissement d'une pareille rente de 150 # qu'ils lui devoient. Le Restant de la Rente de 150 # se paye par M. Bernard Piochau, Sr. de Tréquintin, à cause de Dame Jeanne Artur son épouse, fille de M. Julien Artur, Sr. de Pompée, mari de Demoiselle Perrine Cheville et sur l'hypothèque de sa maison située dans la ville de Saint-Malo, rue de la Houssaye et de la ville Psa lette, lequel payement se fait au jour de Saint-Michel, suivant l'acte passé par Le Grand Notaire Royal à Saint-Malo le 2 de Xbre (2 décembre) 1679.

 

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CHAPITRE III  

Introduction des Pères Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur en France dans ce Monastère de Saint-Benoît dans la Ville de Saint-Malo et ce qui est arrivé de plus remarquable jusqu'à la fin du XVIIème siècle passé.

Les Révérends Pères Bénédictins de la Congrégation Anglicanne qui avoient fait aggréger leur Monastère de Saint-Benoît situé en la ville de Saint-Malo à la Congrégation de Saint-Maur en France dès l'année 1638, voyant que par la Miséricorde de Dieu ils avoient plus de liberté de pouvoir retourner en Angleterre (Note : Le Contrat d'Union du 26 Juin 1638 dit « qu'aucun Religieux ne seroit envoyé en mission, ni ne sortiroit du Royaume sous aucun prétexte, sans avoir pris obédience du T. R. P. Général, etc. ») selon leurs voeux et Institut de leur Congrégation et considérant d'ailleurs que leurs jeunes religieux qui étoient destinés pour leurs missions pourroient être mieux elevés dans la ville de Paris, ou dans les autres Lieux où ils étoient déjà établis, que dans la ville de Saint-Malo. et pour plusieurs autres grandes considérations mûrement réfléchies, firent de grandes instances aux Chapitres généraux de la Congrégation de Saint-Maur et présentèrent diverses Requêtes aux Supérieurs Majeurs de cette Congrégation, afin qu'ils envoyassent de leurs Religieux au Monastère de Saint-Benoît dans la ville de Saint-Malo, pour y acquitter les charges et Fondations dont ils pouvoient être tenus et remplir leurs Places.

A quoi acquiesçant le T. R. P. Général de la Congréga­tion de Saint-Maur, Dom Bernard Audebert, et désirant seconder les bonnes Intentions de nos RR. PP. Bénédictins de la Congrégation Anglicanne autant qu'il lui seroit possible, par là contribuer suivant l'Esprit de l'Ordre de Saint-Benoît aux Missions d'Angleterre, exécutant la Résolution qui avoit été prise au Chapitre Général au mois de May 1668, et de l'avis et consentement des RR. PP. assistans, sous le bon plaisir de notre Saint-Père le pape, avec la permission du Roy (Louis XIV, 1643-1715) l'agrément et le consentement de Monseigneur François de Villemonté, pour lors Evesque de Saint-Malo, du 29 Xbre de 1668 (29 décembre 1668), fut convenu ; les RR. PP. Bénédictins de la Congrégation Anglicanne d'une part, et de l'autre avec les Supérieurs Majeurs de la Congrégation de St Maur en France, tous Religieux Profez de l'Ordre de St Benoît de la manière qui s'ensuit... Sçavoir que les RR. PP. de la Congrégation Anglicanne voulant pour les sus-dites considérations quitter et céder leur Monastère de Saint-Benoît situé dans la Ville de Saint-Malo, il seroit à perpétuité soumis entièrement à la disposition des Supérieurs et Chapitres Généraux de la Congrégation de Saint-Maur, pour y être uni et incorporé, et par là régi et gouverné en la même façon que tous les autres Monastères d'icelle Congrégation de Saint-Maur en France, conformément aux Bulles de nos St. Pères les Papes d'heureuse mémoire Grégoire XIII et Urbain VIII et autres Lettres patentes de Louis XIII, vérifiées ez Cours de Parlement de ce Royaume ; les Supérieurs Majeurs de la Congrégation de Saint-Maur s'obligeoient d'envoyer des Religieux Profez de leur Congrégation et en nombre suffisant dans le dit Monastère de Saint-Benoît pour en acquitter toutes les charges et fondations des Messes, y garder l'observance régulière, conformément à la règle de Saint-Benoît, et aux Ss Canons de l'Eglise, et remplir par là les places monachales des Religieux Profez de la Congrégation Anglicanne lesquels, pour cet effet, Supérieur et Religieux de cette Congrégation Anglicanne seroient nécessairement retirés et mettroient ez mains des Religieux de la Congrégation de Saint Maur tous les ornemens de l'Eglise, livres de la Bibliothèque, meubles et immeubles tant de leur Monastère que de la Chapelle et maison de Clermont, à eux appartenans, et moyennant, et en considération et reconnaissance de ce que dessus les Pères de la Congrégation de St-Maur demeuroient chargés de toutes les Dettes dont ce Monastère de Saint-Benoît pourrait être tenu et d'en acquitter les RR. PP. de la Congrégation Anglicanne, vers leurs créanciers, lesquelles dettes pouvoient se monter à la somme de 14925 # ... de plus le T. R. P. Général de la dite Congrégation de Saint-Maur et du consentement de ses RR. PP. assistans comme il est dit cy dessus désirant contribuer de tout son pouvoir au rétablissement de notre Religion catholique, apostolique et romaine aux trois royaumes d'Angleterre, Ecosse et Irlande, et donner par là moyen à nos RR. PP. Bénédictins de la Congrégation Anglicanne de continuer leurs missions, il leur seroit donné à perpétuité 2000 # de pension par an exempte de toutes charges, payables à deux termes égaux aux Pères de la dite Congrégation Anglicanne, présentement établis dans la ville de Paris, autant de tems qu'ils auroient quelque demeure fixe en France... De plus que les Religieux de la Congrégation de Saint-Maur, qui reçoit la Communauté du Monastère et convent de Saint-Benoît en la ville de Saint-Malo, seront obligés de dire dans leur Eglise à perpétuité une grande messe des défunts avec deux basses messes le 22 d'Avril de chacun an pour le repos de l'âme de l'Illustrissime et Révérendissime Père en Dieu Dom Gabriel de Sainte Marie (dit Guillaume de Gifford) mort archevesque de Rheims et cy devant Religieux Bénédictin de la Congrégation Anglicanne et premier supérieur de cette communauté de Saint Benoît, dont on a déjà parlé, le tout fait à Paris dans l'Abbaye de Saint-Germain des Prez suivant l'acte passé par devant Le Moyne notaire royal du Châtelet, le 1er Mars de 1669 .... . Le traité cy-dessus homologué au Parlement de Bretagne le 19 de Juin 1670.

Les Religieux de la Congrégation de Saint-Maur payèrent à Monseigneur de Villemonté, pour lors Evesque de Saint-Malo, avant que le traité cy-dessus eut été fait la somme de 4000 # pour les lots, ventes et droits de fiefs qu'il pouvoit prétendre, suivant un acquit du 20 Xbre (20 décembre) de 1668.

Le traité cy-dessus ayant son plein effet par l'acceptation des deux parties, le R. P. Dom Philippe Le Roy, Visiteur de la Congrégation de Saint-Maur, dans la Province de Bretagne, accompagné de Dom Hilaire Pellier, Procureur Syndic de l'ordre dans cette Province, présenta une Requête à Mgr. l'Evesque de Saint-Malo, et à MM. les Chanoines de son Eglise Cathédrale pour les supplier de permettre aux Religieux de la Congrégation qui devoient succéder aux Pères Bénédictins de la Congrégation Anglicanne, de chanter l'office divin à haute voix et en plein chant suivant l'usage de leur Ordre dans l'Eglise du Monastère de Saint-Benoit de la dite ville de Saint-Malo, et au reste qu'ils garderoient les clauses et conditions portées dans l'acte du consentement donné pour l'établissement de nos Pères Anglais à Saint-Malo du 3 d'Avril 1620. A quoi inclinant favorablement, le Seigneur Evesque avec MM. les Chanoines permirent aux dits Religieux de chanter leur office à haute voix, selon l'usage de leur ordre, aux charges et conditions de leur Requête, suivant l'acte extrait du Registre du Chapitre de l'Eglise Cathédrale de Saint-Malo du 29 de Mars 1669, par de Lisle, secrétaire du dit Chapitre.

Les Religieux de la Congrégation de Saint-Maur en vertu des sus-dits Traitez et Permissions prirent possession de l'Eglise et du Monastère de Saint-Benoît, situés dans la ville de Saint-Malo le 1er d'Avril 1669, ainsi qu'il s'en suit : Sur les dix heures du matin, les RR. PP. D. Anselme William, Prieur, D. Ambroise Bride, D. Philippe Connétable, D. Augustin le Terlin, et D. François Chamberlain, tous Religieux Profès de la Congrégation Anglicanne et Moines conventuels résidans au dit Monastère, en présence des Srs. Chapelin et de Lisle, Notaires Royaux et Apostoliques et de noble Homme François Gaillard, sieur de la Motte, ancien Procureur sindic de la ville de Saint-Malo, assisté des Srs. de la Ville Anne, Artur, aussi ancien sindic, de la Guerrandaye, Martin Jean des Noz, Sgr. des Guimerais et de plusieurs autres habitans notables, mirent en possession réelle et actuelle de ce Monastère, Eglise et de toutes les appartenances les Religieux Bénédictins représentez par les RR. PP. Dom Philippe Le Roy, visiteur susdit, D. Arsène Mancel institué et nommé Prieur de ce Monastère, D Raphaël Simon, D. Julien Cohüe, D. Pierre Chauvinière, D. Jules Lézot et D Jacques Morin, tous Religieux Profez de la Congrégation de Saint-Maur, envoyés en obédience au dit Monastère de Saint-Benoît. Pour avoir, le dit R. P. D. Philippe Le Roy, entré dans l'Eglise fait Prières devant le Grand-Autel et celuy baisé, fait aspersion d'eau bénite, sonné la cloche et toutes les choses re­uises à une vraye Possession actuelle et réelle : Et afin que la chose fut rendue plus solennelle, il plut à Mgr. François de Villemonté, Evesque de Saint-Malo de faire l'honneur à toute la Communauté de célébrer pontificalement la Grande Messe du St Esprit au Grand Autel de la dite Eglise, assisté des susdits Religieux qui la chantèrent, lequel Sr. Evesque voulut bien aussi signer l'acte de cette prise de Possession avec les Mrs. Bourgeois cy-devant nommés, duquel acte la Minute est demeurée vers de Lisle Notaire apostolique.... depuis ce tems là Mgr l'Evesque fit paraître dans toutes les rencontres les témoignages d'une bonté toute paternelle, tant au P. Prieur qu'aux autres Religieux de sa communauté, en les approuvant pour prêcher et confesser ; il leur accorda même pendant un an entier la Chaire de la Cathédrale, ce fut D. Julien Bourgonnière qui la remplit avec toute l'édification possible et au Contentement du Public. Et comme les Religieux donnoient tous leurs soins pour assister le Public, encore plus les malades, soit de jour, soit de nuit, ils s'attirèrent par là l'affection et la confiance d'un chacun qui se porta par un zèle plein de volonté et d'émulation à leur faire les mêmes assistances qu'ils faisoient aux Religieux Anglais, tant pour la décoration de leur Eglise que pour les aider à faire construire les autres Bâtimens dont ils avoient besoin pour l'observance régulière.

Une fille ancienne et fort estimée pour sa vertu, appelée Marie Litré, qui depuis longtemps avoit souhaité l'Introduction des Religieux de la Congrégation de Saint-Maur, leur fit présent, à leur arrivée, de beaucoup de beau linge de toutes façons .... Mr et Melle de la Richardière en considération de D. Gilles Lezot leur fils donnèrent 200 # à la Communauté avec le Parement du grand Autel à fleurs d'or et 80 # en argent pour achepter des Etoffes afin d'habiller les Religieux qui pouvoient en avoir besoin.

Quoique les Religieux de la Congrégation de Saint-Maur eussent été reçus à Saint-Malo avec bien de l'agrément ils ne laissèrent pas d'y être inquiétez au sujet de la Chapelle et maison de Clermont : car le même Jour qu'ils prirent possession de leur Monastère et Eglise de Saint-Benoît, le Sr. Pierre Ménage et Françoise Bodin sa femme, Sieur et Dame de la Marre comme héritiers des Sr. Toutin et Bodin, fondateurs de la Chapelle de Clermont, prétendant que par la cession que les RR. PP. Bénédictins anglais venoient de faire de leur Monastère, ils étoient en droit de pourvoir à la nomination du Chapelain de leur Chapelle : parce qu'elle ne leur avoit été donné que pour autant de tems qu'ils seroient à Saint-Malo, selon les raisons qu'ils vouloient alléguer ; ainsi ils crurent jouir du plein droit pour en pourvoir Messire Guillaume Ménage prêtre qui étoit leur fils et qui s'en fit mettre en possession le 3 Avril de 1669, ce qui n'empêcha pas que nos Pères, en vertu de leur traité n'en prissent aussi possession le 6 et 7 du même mois, sans aucune opposition, mais le 11ème jour de ce mois, étant allés à la Chapelle du dit Clermont, pour faire l'inventaire des meubles, ils trouvèrent le Sieur Guillaume Ménage prêtre saisi de la maison, y demeurant, ce qui les obligea de présenter requête à Mr l'Alloué (Note : Alloué. — Nom du second Juge d'une Juridiction. Le premier s'appelle Sénéchal, le troisième lieutenant) des Réguaires de Saint-Malo pour requérir sa descente, afin de faire cesser ce trouble, lequel ayant descendu, chacune des Parties dit ses Raisons dans son Procès-Verbal et ayant étez renvoyés à l'audience pour leurs être fait droit, la sentence fut rendue le 17 du présent mois, qui apointa les Parties à écrire et produire, et cependant adjugea la récréance au Sr. Ménage ; mais les Religieux ayant appelez de cette sentence au Parlement, ils eurent un Arrêt le 8 Juillet de 1669 par lequel ils sont maintenus dans la possession de la Chapelle et maison de Clermont et le Sr. Ménage débouté de ses demandes sur les Provisions qu'il avoit eues.

Pour obvier à un pareil procès, les RR. PP. prièrent noble homme Guillaume Trublet, Sr. de la Thiollays et les Demoiselles Olives Salmon, femme de noble homme Allain Martin Sr. de la Pavissière et Guillemette Salmon Veuve de Pierre Pépin, Seigneur de la Coudre, comme tous héritiers de noble homme Jean Salmon, Seigneur de la Chesnaye et Demoiselle Etiennette Salmon femme de Jean Hacout, Seigneur de Clérice, de ratifier les Fondations et Donations qu'ils avoient cy devant faites aux Religieux Bénédictins Anglais dès le 23 Xbre (23 décembre) de 1620 et le 4 Février de 1634, comme celle qu'avoit faite la Demoiselle de la Coudre, le 3 Avril de 1651, les dits Sieurs et Dames portez par la Dévotion qu'ils avoient à Saint-Benoît et l'affection qu'ils conservoient pour les Religieux, ratifièrent tous d'une pleine et bonne volonté ces donations le 4 de Février 1670 par acte passé par Ourzin Notaire Royal.

Les Religieux de la Congrégation de Saint-Maur étant paisibles possesseurs de leur Monastère de Saint Benoît avec toutes ses appartenances trouvèrent qu'il manquoit bien des choses à la décoration de leur Eglise, et qu'il leur falloit faire quelques bâtimens nécessaires pour l'Observance Régulière ; c'est pourquoi ils n'ont pas manqué d'y faire travailler aussitôt qu'il leur a été possible .... Mgr Sébastien de Guémadeuc succéda cette année 1670 à l'évesché de Saint-Malo, et il en fut évesque 32 ans pendant lequel tems, il protégea toujours notre Communauté en l'honorant dans toutes les occasions de sa bienveillance.

Le 5 May de 1670, Mademoiselle Marie de la Ronce, authorisée d'honorable homme Bertrand Madé, Seigneur de la Bréhaudays son mari, donna à notre Monastère quinze # de rentes, à la charge de dire à perpétuité par les R. P. quatorze messes par chacun an, par acte passé par Guyhommats notaire royal le 5 de May 1670.

En 1671, le R. P. Prieur D. Arsène Mancel fit faire un grand Autel avec plusieurs grands tableaux et statues pour l'orner, et dorer le tabernacle, tout cet ouvrage coûta la somme de 1500 # que donnèrent Madame Lalande-Magon, Mr de la Lande-Magon son fils, et Madame Lalande Séré sa fille, avec Melle Chopelin qui y contribua beaucoup de ses deniers et par ses soins.

L'an 1672, le 31 de Juillet, le R. P. Dom Jean Lorier mit son obédience entre les mains du P. Secrétaire de ce Chapitre, qui en fit la lecture à toute la Communauté, et la transcrivit ensuite sur le Livre des Actes Capitulaires, en la manière accoutumée ; après quoi, il prit le Gouvernement de la Communauté, en étant nommé et institué Prieur selon nos Constitutions ; le 1er ouvrage qu'il entreprit fut l'autel de l'Enfant Jésus qui est de bois doré et qui coûta 600 # ; cet argent fut donné par Mademoiselle Lalande-Magon et Mr. son fils en partie ; les autres personnes qui y contribuèrent furent Melle de la Fontaine Le Roux, Melle des Valliers-Briand, et Mademoiselle des Fougerays ; de plus Mademoiselle des Landes-Séré y donna un parement d'autel qui coûta 200 # ; Mademoiselle des Colombiers Ebrard y donna une Croix d'argent de 200 livres avec deux Chandeliers aussi d'argent du prix de 200 # .... Le 20 Xbre (20 décembre) de la même année les Religieux acheptèrent une horloge avec ses trois timbres pour la somme de 550 #.

Dans l'année 1673 le cloître fut fait et achevé, et pavé dans son entier pour le prix de 2300 #, dont la plus grande partie fut payée de l'argent que fit présent au Monastère Mademoiselle Lalande-Magon avec Mr. son fils...

Le 17 d'août 1674 Melle Charlotte de la Baye, Veuve de noble homme Jean Gravé, Sr. de la Barre, donna aux RR. PP. de Saint-Benoît par testament passé par Mr. André Havard prêtre et notaire apostolique demeurant à Dinan la somme de 1800 # à la charge de dire à perpétuité dans leur Eglise deux messes basses par chaque semaine à l'autel privilégié, pour le repôt de l'âme de son feu mari, et d'Elle après sa mort.

Dans la même année on fit faire l'autel du Saint-Esprit qui est de pierre blanche avec deux belles colonnes de marbre noir, la boiserie autour de la croisée avec le Confessionnal le tout contre seize à dix-sept cents # : ce qui est provenu des charités ordinaires de Mademoiselle la Lande-Magon qui donna 266 livres, Madame des Antons-Boullain 200 #, Mme des Landes-Séré avec plusieurs autres personnes de piété y contribuèrent beaucoup.

En 1675, le 5 de Juillet, le R. P. D. Jean Lorier fut continué et nommé Prieur par le Chapitre général tenu cette année à l'Abbaye de Saint-Benoît sur Loire. Il commença par faire travailler au bâtiment qui sert d'Hôtellerie et d'Infirmerie lequel fut achevé l'année suivante 1676 avec le 4ème côté du cloître, le tout coûta 4800 #... cet argent est venu en partie des charitez qu'on a fait à notre monastère et l'autre de l'épargne des Religieux ..... La communauté se trouvant incommodée d'être obligée de chanter l'office divin dans une tribune, ce qui est contraire à l'usage de la Congrégation, elle fit faire en 1677 un chœur avec de belles chaises qui ont coûté avec le balustre qui enferme l'autel du Saint-Esprit et celui de la Sainte-Vierge la somme de 5000 # : cet argent fut donné en partie par M. de la Villebague, M. de Fougeray, M. le Connétable, M. de Vauleraux, Mademoiselle des Landes-Séré, Mademoiselle des Antons-Boullain, Mademoiselle de la Barre-Gravé ; M. de Thiollays-Collet fournit le bois pour le Balustre. L'autre partie est venue de 1200 # qu'on eut pour la Fondation de M. du Fresne, Sieur de la Chapelle dont on va présentement parler... Le 28 Janvier de la même année 1677, Messire Jacques du Frêne, Sieur de la Chapelle et Chanoine de l'Eglise Cathédrale de Saint-Malo avec Demoiselle Bertranne du Frêne, sa soeur, veuve de feu Yves Offray, Sieur de la Gallonnays firent une donation à ce Monastère de la somme de 1.200 # à la charge que les Religieux réciteroient tous les jours après l'Angelus de Matines ces paroles, le Celebrans commençant « Deo Gratias » et le Choeur continuant « et Maria », afin d'honorer à leurs intentions la naissance de Jésus-Christ par l'Intercession de la Sainte-Vierge et prier par là pour le repos de leurs Ames et pour leurs parents et amis Trépassez.

L'an 1678, le 14 de Juillet, le R. P. D. Pierre Ferrier fut nommé et institué Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur tenu à l'Abbaye de Saint-Benoît sur Loire... M. de la Chipaudière-Magon, Connétable de la Ville de Saint-Malo, n'ayant point d'enfant, fit cette même année un voeu, de faire continuer dans notre Eglise de Saint-Benoît un autel en l'honneur de la Sainte-Vierge, pour lequel il donna cent Cinquante Louis d'Or (Note : Louis d'Or. — Valeur variable suivant les temps. 14 à 20 livres ou francs) ; aussitôt Mademoiselle conçut et eut un fils qui fut nommé Nicolas du nom de son père et son grand-père ; il donna de plus au même autel une croix d'argent avec ses deux chandeliers du prix de 600 # ; cet autel est de bois doré avec plusieurs sculptures, orné de trois belles figures et de deux colonnes de marbre noir .... En 1680 le R. P. Prieur fit faire l'autel de Notre-Dame de Pitié, dédié aussi à Saint-Samson et Saint-Bernard, parce que M. de la Corderie-Grout, qui contribua beaucoup à cette dépance, portoit le nom de Bernard et eut depuis un fils Religieux dans notre Congrégation, qui s'appelait Bernard Grout ; cet autel est de bois doré, avec plusieurs figures de bois étoilées, il a coûté la somme de 870 # donnée en partie par plusieurs personnes de piété. L'année suivante 1681, la Communauté fit bâtir une Sacristie dans un espace de Jardin joignante d'un côté le Choeur de notre Eglise, et de l'autre les Grands Fours Bannaux, avec la Gallerie qui y conduit, et du dortoir à l'Eglise, le tout pour le prix et somme de 4896 #.

L'an 1681, le R. P. D. Pierre Ferrier fut continué et nommé Prieur de ce Monastère le 27 de Juin par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur tenu à l'Abbaye de Saint-Benoît sur Loire [Note : Saint-Benoît-sur-Loire, arrondissement de Gien (Loiret) célèbre abbaye du VIIème siècle et une de plus grandes basiliques romanes de France ...]. L'année suivante 1682, il fit faire l'autel de la Conception de la Sainte-Vierge et de Saint-Yves qui est de bois doré, avec deux figures de bois étoffées, l'une de Saint-François de Salles, et l'autre de Sainte-Thérèze, le tout a coûté 845 # ; cet argent a été donné par plusieurs personnes charitables, attachées à notre maison, et par les soins de D. Louis Thoumin. S-prieur et de D. François Périchon, pour lors Religieux de ce Monastère .... En 1683, M. de la Gervesais-Magon fit présent à notre Monastère par son testament de la somme de 300 # afin d'avoir part aux prières de la Communauté et cet argent fut employé pour achepter une 2ème cloche pour sonner l'office divin, laquelle pesait 324 livres et fut refondue en 1690 par Charles Huys, Sr. de la Fosse, Maître Fondeur à Saint-Malo. Elle fut augmentée de 75 liv. qu'on paya 18 s. la livre et 5 s. par livre pour la fonte nouvelle, ce qui revenoit à la somme de 167 # 5 s. pour la main de l'ouvrier, tant pour l'augmentation du métal qui faisoit la somme de 67 # 10 s. que pour la fonte, qui faisoit 99 # 15 s. Ainsi cette cloche pèse présentement 399 livres. Elle fut bénite dans notre Eglise à la prière du R. P. Prieur par M. Simon Grand-Vicaire et Archidiacre de Saint-Malo le 29 Novembre de 1690, et nommée Marie par M. de la Chipaudière-Magon Connétable de la Ville et Mademoiselle des Landes-Séré sa soeur .... Dans la même année on fit faire l'autel de Sainte-Marguerite par les soins de D. Ignace Chevalier ; il coûta la somme de 430 #.

Le 28 de Juin le R. P. D. Jacques Morin fut nommé et institué Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur tenu à l'Abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, mais le 18 de Xbre (18 décembre) de la même année le R. P. D. Charles Turpin qui était Prieur de Saint-Clément de Craon [Craon (en Mayenne), ancienne Seigneurie, Abbaye du VIIème siècle) lui succéda, et fut nommé par le T. R. P. D. Benoît Brachet, pour lors Supérieur de notre Congrégation, Prieur de ce Monastère.

Les Religieux de ce Monastère ayant été taxez par Mrs du Bureau de la Chambre Ecclésiastique de ce Diocèze de Saint-Malo pour le Don Gratuit des années 1681, à la somme de 210 # payables en trois années et dont ils avoient toujours étez exempts comme ne jouissant d'aucuns revenus ecclésiastiques, ny en possédant aucuns Bénéfices, remontrèrent avec honnêteté par leur Requête l'injustice de cette Imposition, quoique sans effet, parce que MM. les Commissaires députez pour juger de semblables contestations qui sont Juges et Parties rendirent une sentence le 5 de Juillet de 1683 qui ordonnoit que la somme à laquelle les Religieux avoient été imposez, seroit par eux acquittée : dont les Religieux interjetèrent appel à la Chambre Souveraine Ecclésiastique à Tours où le Procez ayant été instruit dans toutes les formes contre les Religieux, et M. le Syndic du Clergé de Diocèze de Saint-Malo, il y eut Jugement souverain et en dernier Ressort le 7 juin de 1684, qui ordonnait que les Sommes payées et Consignées par les Religieux leurs seroient rendues avec main levée, des Saisies sur eux faites, pour raison de la ditte Taxe, ce qui fut exécuté.

Mais quelque temps après le Syndic du clergé de ce Diocèze, s'étant pourvu au Conseil en Cassation de ce Jugement, Et sans que les RR. fussent ouïs, surprit le 3 Avril de 1685 un Arrêt sur sa Requête, par lequel, sans s'arrêter au Jugement souverain de Tours, il étoit ordonné que celui du Bureau du Clergé seroit exécuté selon sa forme et teneur et les Religieux condamnés aux frais de l'Arrêt. En vertu duquel M. le Syndic du Clergé fit payer de nouveau les 210 # et les frais du dit Arrêt .... ; Les RR. PP. pour s'opposer à l'exécution de cet Arrêt, présentèrent Requête au Roy ( Louis XIV), où après avoir exposé tous leurs griefs, le Roy en son Conseil y ayant égard, ordonna par un Arrêt du 21 d'Août 1685, que les parties pour la Réduction et Modération de leur Taxe, procéderoient en Première Instance au Bureau Diocésain de Saint-Malo. Et en cas d'appel à celui de Tours ; qu'au surplus l'arrêt du 30 d'Avril dernier seroit exécuté... Mais comme M. le Syndic du Clergé et les Religieux avoient dépensez en Frais chacun de leur côté plus de 1000 # et que s'il falloit recommencer à plaider pour faire modérer cette Taxe, ils pourroient bien dépenser les uns et les autres autant d'argent ; Pour le bien de la paix, et pour assoupir tout Procès entre les deux parties, ils firent le 24 Novembre de 1685 une transaction en présence de Monseigneur Sébastien de Guémadeuc, Evesque de Saint-Malo, rapportée par Boutreu Notaire Royal, par laquelle les Religieux se soumirent à payer, pour leur part du Don Gratuit de 1685, dix Livres par chaque Terme et ce pour les années 1686, 87 et 88 qui somme toute fait celle de 60 # à raison de deux Termes par An. Et pour ce qui regardoit la Taxe de 1680 et tous les frais et exécutions faites en conséquence, les uns et les autres s'entrequitteroient respectivement, sans que la dite Transaction put nuire aux Droits de chaque Partie, pour les Dons gratuits qui pourroient se lever dans la suite des Tems.

Dans l'année 1687, on fit faire l'Autel de l'Ange gardien par les soins de D. Simon Talourd : le R. P. Prieur du Mont Saint-Michel pour lors D. Guillaume de Rieux fit faire le Tableau par F. Jean Loyseau, dont il fit présent à cette Chapelle, Et D. Jean Poirier, Religieux de ce Monastère eut soin de faire faire l'Autel de Saint-Jean l'Evangéliste et de Saint-Symphorien. Tous ces deux autels ont coûté la somme de 1160 #.

Le 17 Mars de la même année, les Demoiselles Marie et Jeanne Rabé soeurs, ayant de tout tems une dévotion particulière à notre glorieux Père Saint-Benoît, dont Elles sont Filles par les Lettres de Filliation que le Chapitre Général de la Congrégation leurs a accordez, firent présent à notre Monastère de Saint-Benoît de la somme de 3000 # qui furent employées aux Bâtimens qu'an fit construire sur la Rüe joignant la porte du dit Monastère et commencés en 1691 (Note : Cette date est inscrite sur le linteau intérieur de la Porte d'entrée du Monastère, sur laquelle les bâtiments en question sont bâtis en partie) à la charge seulement d'avoir part aux Prières de la Communauté, qui feroit un Service solennel le jour de la Mort d'une chacune Soeur avec l'office des morts, et un Annuel de Messes avec un autre Service solennel le jour du bout de l'An, ce qui a été fidèlement exécuté.

C'est à ces bonnes demoiselles que le Monastère leurs a obligation qu'on prêche dans notre Eglise les Fêtes de la Conception et de la Nativité de la Sainte-Vierge comme le jour de Saint-Maur, 15 de Janvier, les deux fêtes de notre P. Saint-Benoît, le 21 de Mars et le 11 de Juillet, le jour de Saint-Placide, le 5 d'Octobre et la fête des Ss Moines de notre Ordre qui est le 13 de Novembre. On expose dès six heures du matin ces fêtes-là, le Saint-Sacrement sur l'Autel, qu'on ne renferme que le soir après le Salut et la Bénédiction, qui se font après Complies ; il y a un grand concours de Peuple, qui vient à notre Eglise dans ces jours de Dévotion pour approcher des Sacrements .... C'est ce qui a engagé les Supérieurs à établir une Station dans notre Eglise : Et à y nommer tous les ans un Prédicateur pour la remplir, parce que outre les Sermons ci-dessus on prêche après vêpres tous les Dimanches d'Avent et de Carême, le Jour de Noël, de la Purification de la Sainte-Vierge, le Vendredi-Saint, le Saint Jour de Pâques, les trois fêtes de la Pentecôte et la Toussaint, ce qui peut faire en tout 25 sermons seulement pour la Gloire de Dieu, parce qu'il n'y a aucune rétribution et que ces sermons ne sont point fondés.

Le 20 Juin de cette année 1687, le R. P. D. Charles Turpin fut continué Prieur de ce Monastère par le Chapitre de la Congrégation de Saint-Maur, assemblé à l'abbaye de Saint-Benoît sur Loire.

Les Religieux de ce Monastère, après avoir obtenu la Permission du T. R. P. S. Général de notre Congrégation (comme ils l'ont toujours requise en pareilles occasions conformément à nos Déclarations sur notre Règle, ainsi que le Livre des Actes Capitulaires en fait Foy) acceptèrent une fondation de 28 # de rente pour deux Messes par mois de chaque année, à perpétuité dans notre Eglise qui est le Jeudy de la Semaine, faite par Demoiselle Françoise Thorant, Veuve de Pierre de Nouël, Sieur de l'Ecluse et au Rapport de Troublet, Notaire royal à Saint-Malo le 20 d'Août 1687.

Le 26 Février de 1688, par Acte passé par devant Jonchée Notaire royal à St-Malo, la Communauté amortit et affranchit pour la somme de 500 # en argent sonnant et ayant cours 9 Bouësseaux de froment de Rente racheptable et qui étoient dûs par ce Monastère sur une partie des Acquêts que nos RR. PP. Bénédictins de la Congrégation Anglicanne avoient devant faits, dont on a parlé dans son Lieu (c'est l'emplacement qui suit la Porte de l'Eglise, où l'on a bâti les années suivantes deux Maisons avec la Porte du Monastère). Cet argent fut compté et payé à la Dame Riou, Douairière de Menouats comme créancière, et étant aux droits des héritiers de feu Jacques Baudouin, Sieur du Pont-Robert.

En 1689, on a fait un second Ciboire d'argent qui a coûté 150 #, parce qu'un seul ne suffisait pas à cause de la grande quantité de Communions.

Le 16 de Juin 1690, le R. P. D. Pierre Gingats fut nommé et institué Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur, assemblé à l'Abbaye de Marmoutiers (Note : Marmoutiers, Martini monasterium, abbaye de Bénédictins à 2 kilomètres de Tours sur la rive opposée de la Loire, fondée en 371 par Saint-Martin, évêque de Tours. En ruines. Les moines étaient surtout occupés à transcrire les livres) proche Tours... Dans cette année on fit faire une Chasuble avec Deux Tuniques de velours noir avec la Moire d'Argent qui ont coûté 200 #.

Suivant la Déclaration du Roy du 5 Juillet de 1690, pour la Levée des Droits des nouveaux Acquets et Amortissement depuis 1641, la Communauté de ce Monastère fournit au Roy sa déclaration le 13 de septembre de 1690. Elle fut taxée à la somme de 819 # que les Religieux payèrent au Sr. Nicaise Pernez, Receveur des dits droits, dont il leur donna quittance.

Le 20 8bre (20 octobre) de la même année 1690, les héritiers de feu M. du Clos-Doré Magon remirent à la Communauté la somme de 300 # dont il faisoit présent par son testament pour avoir part aux Prières des Religieux. Cet argent fut employé pour commencer les Bâtimens qu'on fit construire sur la Rüe depuis la Grande Porte de notre Eglise, et entre lesquels se trouve la porte de notre Monastère, dans l'intérieur d'icelle, il y a comme une petite cour avec une Allée de cloître qui sert de parloir pour les femmes ; on a aussi ménagé de la Place dans le Plan de ces Bâtimens pour avoir pour la Communauté une chambre commune spacieuse qui manquoit aux Lieux Réguliers, et au-dessus est la Bibliothèque ; il y a quatre fenêtres qui donnent toutes sur le Cloître du côté du Midi.

Le R. P. Prieur fit commencer ces deux maisons au commencement de 1691. Et sur la fin de 1692, elles furent achevées et mises en état d'être louées. La demoiselle Jeanne Rabé nous aida beaucoup en nous prêtant de l'argent à différentes fois, mais qui lui a été remboursé dans son entier dans la suite des tems, cette entreprise a coûté autour de 14000 # et l'argent dont on s'est servi pour cet ouvrage est venu en partie du remboursement d'un contrat de 2000 # de principal que nous avions sur nos Pères de Lantenac (Note : Lantenac. Abbaye située au hameau du même nom, Commune de la Ferrière, arrondissement de Loudéac, Côtes-d'Armor, fondée en 1153 par Saint-Eudon ou Odon). Item d'un affranchissement de rente de 25 # par an dûe par M. de Chantoiseau et pour la somme de 500 # une fois payée... 4000 # que le T. R. P. Général permit à la Communauté d'emprunter, qu'elle a ensuite remboursées... Le reste de l'argent a été pris sur l'Epargne des RR. PP. et venu de quelques présents qu'on a faits au Monastère... Le 15 de Juin 1692, mourut dans ce Monastère de Saint-Benoît D. Ignace Chevalier qui fut enterré proche la Chapelle de Sainte-Marguerite, qu'il avoit fait faire ; il était âgé d'environ 16 ans... Le 17 de Juillet de la même année, D. François Périchon mourut âgé de 61 ans ; il fut enterré proche la Chapelle de Saint-Yves qu'il avait fait faire.... L'année suivante 1693, le 25 d'Avril mourut D. Julien Cohüe âgé de 77 ans, il a été enterré dans la Croisée du Côté du Nord, devant le Confessionnal du Saint-Esprit.

Le 22 de Juin 1693, le R. P. D. Julien Bourgonnière fut nommé et institué Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur assemblée à l'Abbaye de Marmoutiers, proche de Tours.

Le 26 Jour de Novembre 1693, la Flotte Anglaise [Note : Après la révocation de l'Edit de Nantes, par Louis XIV, il se forma contre la France une coalition connue sous le nom de Ligue d'Augsbourg (1686) dans laquelle entrèrent l'Empire d'Allemagne, l'Espagne, la Hollande et l'Angleterre. La flotte française commandée par Tourville fut en partie détruite dans la baie de la Hougue, Manche, par les flottes anglaises et hollandaises réunies sous le commandement de Russel, 1692. Sur terre au contraire les armées françaises prirent Namur et remportèrent les victoires de Fleurus, Steinkerque, Nervinde, etc. en 1692, 93 et 94. Le traité de Rywick termina les hostilités en 1697] a passé devant la Ville de Saint-Malo, qui étoit un Jeudy, sur les trois heures de laprès-midy ; elle s'arrêta dans un Lieu appelé la Fosse aux Normands (Note : Fosse aux Normands, au sud du Fort de la Conchée). d'où les Ennemis jettèrent dès les sept heures du soir avec deux Galiottes plusieurs Bombes sur la ville ; ainsi continuant jusqu'au Samedy matin sur les huit heures, toutes ces bombes eurent peu d'effet parce qu'il n'y en eût tout au plus qu'une cinquantaine qui tombèrent dans la Ville et proprement une qui endommagea la Croisée qui donne sur le Grand Autel de la Cathédrale, mais le Dimanche suivant qui était la veille de Saint-André, sur les huit heures et demie du soir, l'air étant fort obscur, les Anglais firent couler un vaisseau chargé de poudres et de feux d'artifices avec quantité de bombes, lequel ayant passé devant le Fort-Royal, il fut aperçu par la sentinelle qui, quoique sans pouvoir rien distinguer à cause des ténèbres de la nuit, Cependant on tira du Fort un coup de Canon pour avertir que quelque chose étoit passé : à ce bruit la sentinelle qui étoit en faction sur la muraille, regardant de près, aperçut ce vaisseau qui venoit d'échouer sur un rocher entre la Ville et le Fort ; on tira aussitôt un salut de mousqueterie sur ce vaisseau ; les ennemis se croyant découvert s'empressèrent d'y mettre le feu : l'air dans un moment parut tout enflammé, la ville couverte de flammes, la plus grande partie des maisons tremblèrent, les ardoises des couvertures tombèrent et dans plusieurs rues les portes des magasins ou celliers s'ouvrirent ; les vitres furent presque partout rompues, les planchers agités avec tant de violence, que chaque particulier croyoit qu'il était tombé plusieurs bombes sur sa maison ; toutes les vitres de notre Eglise du côté de la rue, comme celles du réfectoire se trouvèrent brisées avec les barres de fer qui les retenoient, la voûte de l'Eglise de la Croisée du Nord, où est l'autel du Saint-Esprit fut enfoncée, il tomba dans le Jardin quantité de pièces de bois du débri de cette machine infernale ; le Mas de ce vaisseau, avec le Virevaut (Note : Virevaut, cabestan) qui est une pièce de bois fort pesante furent trouvées dans la Ville. Quoiqu'il en soit la divine Providence préserva si bien tous les habitants dans ces tems-là, qu'il ne s'en trouva pas un seul de blessé, mais au contraire les Conducteurs de cette machine qui y mirent le feu périrent tous et en furent accablez : le lendemain la Flotte ennemie se retira sans avoir réussi dans le mal qu'elle se préparoit de faire à toute la ville, en la réduisant en cendres. Un Religieux du Monastère de Saint-Benoît, témoin oculaire a écrit une relation pittoresque et très détaillée de ce Bombardement, sans nom d'auteur, dont le récit du Manuscrit n'est qu'un Résumé. On y lit en effet à la deuxième page : « quand sur les sept heures du soir, ils commencèrent à jetter Leurs Bombes dont la 2ème passa par dessus nostre Eglise de Saint-Benoît ». Il existe aussi sur le même sujet un Poème lyrique en 112 strophes de 10 vers de 8 syllabes, réparties en IX Odes, composé par un moine du même Couvent, ainsi qu'il ressort de la 2ème strophe de la V Ode : « Je vois sans sortir de ma Chambre, Qu'Il (l'Anglais) va pour assiéger Cézambre ». Evidemment « Chambre » est là pour rimer avec Cézambre. Mais le Moine pouvait très bien voir Cézambre des fenêtres Nord du Grenier de l'Eglise, ainsi qu'il est facile de s'en assurer. Cette Chronique rimée est suivie d'une Epigramme et de trois Sonnets, de la même facture et de la même main et porte au pied la mention Par F. T. C. M. B. I. traduite comme suit par M. de la Borderie : Par Frère T. C. Moine Bénédictin Indigne. Le Registre Capitulaire du Couvent, malheureusement disparu, nous aurait donné le nom du Rimeur. Cf. Le Bombardement et la Machine Infernale des Anglais contre Saint-Malo en 1693. Nantes, Société des Bibliophiles Bretons 1885. Un exemplaire se trouve à la Bibliothèque de Saint-Malo. Dans la Préface de cette Brochure, M. de la Borderie attribue à tort le Couvent de la Victoire aux Bénédictins : la Victoire était habitée par les Religieuses Bénédictines.

En 1694, on se servit pour la 1ère fois aux Fêtes de la Pentecôte des Chappes rouges qu'on avoit fait faire aux dépens du Monastère... Le 7 Juillet de la même année 1694, M. du Val le Fer donna à ce Monastère la somme de 500 # en argent à la charge d'acquitter dans notre Eglise à perpétuité une Messe par semaine pour le repos de l'âme de Madame son épouse et pour toute sa famille... Le jour de la Toussaint de cette présente année, on commença d'officier avec des Chappes (c.-à-d. le Celebrans avec ses chantres) et à la Fête de Noël suivante le 1er Chantre porta le bâton, dont la lanterne revient à 227 #.

En 1695, peu de tems après Pâques, Madame de la Corderie Grout, mère de D. Bernard Grout, notre Confrère, qui avoit donné cy-devant un beau parement d'autel à la Chapelle de l'Enfant-Jésus, fit présent à notre Monastère de Vingt Loüis d'Or, avant de quitter Saint-Malo, qui valaient dans ce tems-là 14 # chaque Loüis d'Or, ce qui venoit à la somme de 280 #, avec l'argent qu'elle avoit cy-devant donné le tout faisoit la somme de 700 #, à la charge de dire un Annuel de Messe pour Monsieur son mari, mort depuis quelque tems auparavant, ce qui a été acquitté .... Depuis que les Chapelles de notre Eglise furent faites et boisées, on les voit présentement, avec les Confessionnaux, plusieurs personnes de Piété les ornèrent de beaux parements d'autel en différents tems, également au Grand Autel.

Le 14 de Juillet 1695, les Anglais et les Hollandais parurent devant Saint-Malo avec 80 voiles et 20 Galliotes à bombes ; depuis deux heures après midi ils bombardèrent pendant quatre heures le Fort de la Conchée, sans l'endommager en rien ; le lendemain 15 de ce mois, sur les cinq heures du matin, deux Galères de notre Port avec sept Chaloupes tirèrent plusieurs coups de canon sur les vaisseaux des ennemis, mais le vent étant changé, elles furent obligées de rentrer ; les ennemis n'ayant plus d'obstacles vinrent avec toutes leurs forces mouiller vers les Hougmeaux (Note : Hougmeaux. — Ce nom ne figure pas sur les cartes modernes de la Rade) d'où ils bombardèrent pendant dix heures de suite la ville : l'air étoit à tout moment rempli de bombes et de pots-à-feu ; il y a cinq maisons brûlées et plusieurs autres fracassées ; neuf bombes tombèrent en différents endroits de notre Monastère, une sur le coin de l'Eglise qui brisa plusieurs chaises du Choeur, deux qui ruinèrent une partie de la muraille qui donne sur les Cimetières, une dans le soupirail de la Cave qui donne sur notre Jardin, une sur la maison de la Rüe qui appartient à notre Monastère, une sur notre grande Maison proche la porte de notre Monastère, qui enfonça tous les planchers avec les Clouaïsons, les autres tombèrent plus heureusement dans le Jardin sans faire de mal, à l'exception des vitres de l'Eglise et du dortoir qui furent presque toutes brizées, plusieurs bombes tombèrent sur l'Eglise Cathédrale et autres lieux qui portèrent assez de perte, mais par un effet de la divine Providence, la plus grande partie tomba dans les Graives, Jardins, Rües et autres lieux sans aucuns mauvais effets. Il n'y eut aussi que 15 ou 16 personnes de tuez.

Le 13 de Juillet 1696, le R. P. D. Julien Bourgonnière fut continué et nommé Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur assemblé à l'abbaye de Marmoutiers lez Tours. En cette présente année la suivante 1697, la Communauté a payé pour la taxe des Galère (Note : Taxe des Galères. Taxe pour l'entretien de la Flotte du Roi) 65 # et pour sa capitation 113 # non compris les Taxes pour le Don Gratuit (Note : Don gratuit. Taxe volontaire que le Clergé s'imposait sur la demande du roi ou des Etats généraux) ... Le 22 Janvier de 1698 on a commencé à travailler à la voûte de l'Eglise ; quoy qu'elle ne soit que de bois, elle est cependant très belle et estimée par les ouvriers qui y sont connaisseurs ; elle fut achevée et finie au mois d'Octobre de la même année. Ceux qui ont contribuez à cet ouvrage sont Mme de la Chesnais-Gardin qui en 1693 avoit déjà fait un présent à la Communauté de 300 # pour remercier Dieu de l'heureux retour de ses vaisseaux, M. de la Lande-Magon avec Mademoiselle sa mère, Mme des Vallées de Briand, M. du Pin le Fer, M. du Breuil-Gris, M. du Pont-Bougis, Mademoiselle Jeanne Rabé, avec quelques parents du B. P. Prieur.

Le 9 Juillet de 1698 mourut dans ce monastère, Dom Jean Pastier âgé ..... ? Il a été enterré proche de la chapelle de Saint-Yves.

Le 15 de Juillet 1699, le R. P. D. Placide Le Duc fut nommé et institué Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur assemblé à l'Abbaye de Marmoutiers proche Tours ; il étoit fort estimé dans cette ville par ses bons sermons ; il avoit beaucoup de talent pour la prédication étant S.-Prieur de ce Monastère le Triennat précédent ; il avoit accompli avec édification la Station dans notre Eglise. D. Placide Leduc, « bénédictin laborieux et modeste », élu Prieur en 1699 était déjà au Couvent de Saint-Benoît lors du Bombardement de Saint-Malo en 1693. A cette occasion il composa une Poésie latine de 158 vers, qui se termine ainsi : - Si quaeris, viator, - Quo anno Angli tulerunt infaustae expeditionis poenas ? - Collige numerales hujus versus apiccs : - Del ope, InfIXI fVerVnt angLI In InterltV qVeM feCerVnt. - Vis etiam scire quas Deo grates egerimus ? - Aspice in excelso triumphalis hujus Crucis apice - Inscriptum Lemma : - Deo saLVatorl saCrVIM - eX hVIVs VrbIs - Voto. - D. P. LEDUC, Benedictinus. Cf. Le Bombardement et la Machine infernale, etc., etc. déjà cité. D. Placide Leduc est aussi l'auteur de l'Histoire de l'Abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, publiée pour la première fois d'après le ms. de l'auteur par R. F. Le Men, archiviste du Finistère (Quimperlé, Th. Clairet, 1863, vol. in-8°). Cette Histoire, arrêtée au 30 août 1682, a été écrite d'après le célèbre Cartulaire de l'Abbaye de Quimperlé qui, après avoir changé plusieurs fois de mains depuis 1789 se trouve vers 1908 au British Museum de Londres. D. P. Leduc était donc moine de l'abbaye de Quimperlé avant de venir à Saint-Malo. 

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CHAPITRE IV

De ce qui s'est passé de plus mémorable dans ce Monastère de Saint-Benoît, en la Ville de Saint-Malo, depuis le commencement du XVIIIème siècle.

Le 15 de Décembre 1701 mourut dans ce Monastère D. Jean Grout, âgé de 64 ans ; il a été enterré proche de la Chapelle de Saint-Jean et de Saint-Symphorien... Le 28 de Feuvrier 1702, on fit fondre notre 2ème cloche qui pèse présentement 388 livres ; elle fut bénite par le R. P. Prieur, et nommée Jean-Marie ; le parrain fut M. Jean Magon, Sieur de la Lande, qui donna 100 # de présent, et la marraine Mademoiselle Marie Nepveu, épouse de M. Artur de Pelan.... Le 14 de Juillet 1702, le R. P. D. Julien Bourgonnière fut nommé Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur, assemblé à l'abbaye de Marmoutiers, proche de Tours....

Le 12 Feuvrier de l'année suivante 1703 mourut dans ce Monastère D. René Le Roy âgé de 67 ans ; il a été enterré proche la Chapelle de Saint-Samson et le Saint-Bernard...

Le 4 de Mars 1702, mourut dans son Château de Saint-Malo de Baignon [Note : Saint-Malo de Baignon, arrondissement de Ploërmel (Morbihan), autrefois du diocèse de Saint-Malo. Très ancienne Résidence d'été des Evêques de Saint-Malo. Dans son Eglise on voit les tombeaux de quatre de ces Evêques. Le Château ou Maison de plaisance vendu nationalement en 1790, a été transformé en habitation moderne] le Révérendissime Père en Dieu, Messire Sébastien de Guémadeuc, qui avoit gouverné ce Diocèse pendant 32 ans, auquel succéda Monseigneur Vincent Colbert des Marêts qui prit possession de l'Eglise Cathédrale et de son Evesché un Dimanche, le 17 Mars de 1703.

Depuis plus de 30 ans qu'il est Evesque de Saint-Malo, il a honoré dans toutes les occasions notre Communauté de sa protection, et de sa bienveillance et même de sa confiance plusieurs de nos Prieurs de Saint-Benoît.

Le 13 d'Avril 1703, mourut dans ce Monastère le R. P. D. Julien Bourgonnière, âgé d'environ 67 ans, qui en étoit alors Prieur ; il avoit été cy-devant Prieur de notre Monastère pendant deux triennaux, c'est-à-dire depuis 1693, jusqu'à 1699 ; c'était un excellent Religieux, bon Supérieur plein de tendresse pour ses Confrères ; il se faisoit aimer et estimer tant du dedans que du dehors ; il était bon Prédicateur. Au commencement que nous fûmes établis dans ce Monastère, Monseigneur l'Evesque lui fit l'honneur de le choisir et de le nommer pour prêcher dans son Eglise Cathédrale où il contenta beaucoup le Public. Le Dimanche de Pasques de cette année qu'il mourut, il prêcha avec beaucoup d'édification ce Mistère, dans notre Eglise quoiqu'il se sentit déjà attaqué de son mal ; il finit ses jours le Vendredi suivant, après avoir reçu ses sacrements avec bien de la Piété ; il a été très regretté, et fut enterré proche la Chapelle de Sainte-Marguerite.

Le 1er Juin de 1703, le R. P. D. Nicolas Hougats fut nommé et institué Prieur de ce Monastère par le T. R. P. D. Claude Boitard, pour lors Supérieur Général de la Congrégation de Saint-Maur qui tenoit la Diète annuelle as­semblée à l'Abbaye de Saint-Germain des Prez à Paris...

... Le même jour, le R. P. Prieur ayant reçu pouvoir et Commission de Monseigneur l'Evesque de recevoir l'abjuration d'un jeune Suédois natif de la ville de Stokme (Note : Stokme. — Stockholm, capitale de la Suéde), âgé d'environ 25 ans appelé Jean Jausson, fils légitime de Jean Jausson et de Barbe Quinsdocters ses père et mère qui l'avoient élevé dans l'hérésie Luthérienne qu'ils professoient eux-mêmes ; mais étant venu heureusement pour lui en la ville de Saint-Malo, vers le mois de Mars de cette présente année, il se fit si bien instruire dans notre Religion catholique et romaine par un vénérable prêtre nommé Denys Mac'Arty, originaire d'Irlande que touché et éclairé par la grâce de J. Ch. il voulut et demanda à abjurer l'hérésie luthérienne, pour embrasser la Foy Catholique et Romaine ; le dit Jean Jausson étant accompagné du Sr. Mac'Arty Prêtre, vint trouver sur les 8 heures du matin le R. P. Prieur qui l'interrogea dans la Sacristie en présence. des Srs. Germon et Mac'Arty, Irlandais de nation, et de D. Sébastien de la Motte-Fouqué, Religieux de ce Monastère. Sur chaque article de notre Foy et sur les points de Controverse ayant affirmé, promis et juré de tenir et croire désormais tous et un chacun des dits articles de notre Foy et de renoncer à toute doctrine hérétique qu'il rejeta de tout son coeur, le R. P. Prieur, après un discours des plus touchans qu'il lui fit au pied du grand Autel, où un grand Peuple s'étoit assemblé dans notre Eglise, reçut l'abjuration du dit Jean Jausson, le réconcilia à l'Eglise Catholique et Romaine et lui donna l'absolution de l'Excommunication Majeure qu'il avoit encouru au sujet de la dite Hérésie.

Le lendemain, 2 de Juin 1703, le R P. Prieur reçut dans notre Eglise l'Abjuration d'un nommé Jean Adam, originaire de la Ville de Hambourg (Note : Hambourg, Ville libre et Port franc d'Allemagne, sur l'Elbe) fils légitime de Hendrick Adam et de Rébecca Jausson après l'avoir instruit lui-même dans notre religion. Il le réconcilia à la Sainte Eglise Catholique, avec les mêmes Cérémonies et lui donna l'Absolution de l'Excommunication qu'il avoit encourue de son hérésie.

Le 14 de Juin 1703, Laurent Regaislin, fils de Thomas et de Marguerite Voitparming, ses père et mère natif de Stockholm, âgé d'environ 25 ans, ayant été instruit par le R. P. Prieur de notre Religion, abjura entre ses mains son hérésie luthérienne où il avoit été élevé, et après avoir reçu de lui l'Absolution de son Excommunication, il le réconcilia à la Sainte Eglise Catholique et Romaine.

Notre Monastère de Saint-Benoît se trouvoit encore chargé de Neuf Bouësseaux de froment de rente, mais racheptable, sur les acquêts faits cy-devant par nos Pères bénédictins de la Congrégation Anglicanne, qui ont servi en partie d'emplacement pour bâtir les Lieux Réguliers, laquelle rente se payoit annuellement au Sr. Lincoët et à sa femme, Delle Marie Thérèse Béard, comme héritiers et aux droits de Pierre Jourdan et Colette Banneville sa femme. Le Sr. Lincoët et sa femme proposèrent au R. P. Prieur d'en faire compansassion avec les cinq Bouësseaux et 1/2 qu'ils devoient à notre Chapelle de Clermont, dont la Communauté jouissoit et étoit en Possession, parce que leur terre de la Métairie aux Chanoines étoit chargée de cette Rente, qu'ils vouloient bien et consentoient que la Communauté racheptât les autres trois Bouësseaux et 1/2 de Rente de froment à eux dus, ou à leurs houères (Note : Houères, héritiers) ou ayant causes, par notre Monastère pour le prix de la somme de 341 # 5 s une fois payée, estimant chaque Bouësseau à 3 # 5 s, ce qui fut accepté des deux parties, y consentans à cet affranchissement réciproque ; dont ils firent raporter l'Acte par devant Trédieu notaire royal à Saint-Malo le 30 juin de 1703. Cet argent fut pris sur la somme principale de 500 # qu'a voit donnée M. du Val le Fer pour faire dire une Messe par Semaine à notre Eglise, lequel n'avoit pas encore été placée.

En 1703, au mois de Juillet, on a fait la Réparation de la grande Vitre de la Croisée du côté Nord qui avoit été fort endommagée pendant le Bombardement de Saint-Malo, dont on a cy-devant parlé ; ce qui a coûté plus de 400 # à la Maison.

Le 17 de Xbre (17 décembre) 1703, la Communauté reçut la somme de 6000 # que lui avoit léguée par son testament raporté par Bernard notaire royal, par Messire Pierre de la Haye, comte de Plouars à la charge de dire tous les ans le 1er jour vacant après la Saint-Pierre, qui est le 29 de Juin une grande Messe solennelle des Morts et une autre grande Messe le 17 de Xbre (17 décembre) pour le Repos de son âme et que les Religieux prieroient à perpétuité pour lui ; de plus que cet argent fut employé à quelque bâtiment nécessaire et utile pour la gloire de Dieu, ce qui fut dans la suite exécuté très exactement, parce que la Communauté s'en servit pour achever notre Eglise, au bas de laquelle on fit un bel Orgue, avec la Voûte qui le soutient ; tout cet ouvrage est fort estimé des Connaisseurs.

Le 8 jour d'Octobre 1704, Homar Mahomet originaire de la Ville d'Alger en Barbarie ayant été recommandé par Monseigneur l'Evesque au R. P. Prieur Nicolas Hougats pour lors Prieur de notre Monastère de Saint-Benoît, afin de l'instruire dans notre Sainte Foy et Religion, pour le disposer à recevoir le Saint Baptême qu'il a demandé avec instance et persévérance, le dit Dom Hougats lui a servi d'Interprète, lequel fut ensuite baptizé par Msieur des Nods, pour lors Vicaire perpétuel et Chanoine dans l'Eglise Cathédrale de Saint-Malo. Ledit Homar fut nommé Nicolas Joseph Pétris, et a signé le Livre des Registres baptistères en Arabe.

En 1705 le R. P. Prieur a fait faire la Chaire du Prédicateur dans notre Eglise dont on avoit un extrême besoin depuis qu'il y a une station réglée ; elle a coûté la somme de 700 #. Cet argent ayant été donné en présent par plusieurs particuliers de nos amis de cette Ville ; notre Monastère n'a rien débourzé pour cet Ouvrage.

Le 24 du mois d'Avril de cette même année 1705. Monsieur Vincent François des Marêts notre Evesque de Saint-Malo, après avoir béni la première pierre pour achever de bâtir notre Eglise qui avoit été commencé par nos Pères Bénédictins Anglais, sans avoir pu être achevée jusqu'à présent à cause de l'extrême pauvreté de notre Monastère, ledit Seigneur Evesque la mis et posa sous la base de la colonne droite du Portail de l'Eglise en sortant, avec cette inscription qui est couverte par une plaque de plomb, avec les armes de Monseigneur : « Cette Eglise a été finie et achevée. L'Entrepreneur de cet Ouvrage ou l'Architecte qui travailloit sous les Ordres de Monsieur le Chevalier de Garengeau, Ingénieur du Roy, s'appeloit Jean Poullier dit La Jeunesse » (Note : Garangeau, 1647-1711, Capitaine du régiment de Champagne, ingénieur célèbre, dirigea les travaux de fortification de Saint-Malo, d'après les plans dressés par Vauban et aussi des divers agrandissements de la ville entrepris de 1701 à 1734. Une rue de Saint-Malo porte son nom). Il fit ensuite le Jubé pour l'Orgue dont la Voûte est très belle et estimée par sa délicatesse.

Dans la même année, on fit faire un Orgue tout neuf qui est un huit pieds bouché avec le positif qui est un quatre pieds bouché (Note : Chaque jeu d'un orgue est considéré comme un instrument distinct avec ses gammes. et l'orgue est d'autant plus riche qu'il a un plus grand nombre de jeux. La dénomination des jeux : 32 pieds, 16 pieds, 8 pieds, 4 pieds, etc. indique toujours la longueur du tuyau le plus long du Jeu. L'orgue le plus grand connu a 128 jeux. Lorsque le bâtiment n'est pas suffisamment élevé, les tuyaux sont bouchés à la partie supérieure et fournissent ainsi un son double ascendant et descendant. Le 8 pieds bouché représente un jeu dont le plus long tuyau a 8 pieds, mais dont le son équivaut à celui d'un 16 pieds ouvert. Le 4 pieds bouché représente un jeu dont le plus long tuyau a 4 pieds, mais dont le son équivaut à un tuyau de 8 pieds ouvert, etc., etc. Le son des tuyaux bouchés est moins harmonieux que celui des tuyaux ouverts). Jean Brouard, commis de notre Congrégation et françois Nicolas Duval, Religieux Convers, tous les deux facteurs d'Orgue firent et achevèrent ce bel Ouvrage qui avec l'Eglise furent entièrement finis, sur la fin de l'année 1707. Notre Eglise n'a point encore été dédiée ni consacrée ; les 6000 # qui avoient été léguées par M. le Comte de Plouars, Pierre de la Haye, avec le secours de quelques présens de nos Amis, et en particulier de M. de la Lande Magon qui y contribua beaucoup, mirent la Communauté d'entreprendre et finir ces deux Ouvrages qui sont sans doute de Conséquence pour notre Monastère.

Le 6 Jour de Juin 1705, Gustave Limberg, Suédois de nation, natif de Stockholm, âgé d'environ 25 ans fils de Jacques et de Marguerite Berg, ses père et mère, né de légitime mariage et Navigant de profession ayant cy-devant témoigné à Monseigneur notre Evesque un désir sincère et une ferme résolution d'abjurer la Religion Luthérienne, où il avoit été élevé, ce bon Prélat qui avoit une uraye confiance dans D. Nicolas Hougats, mit ce jeune homme entre ses mains, afin de l'instruire dans notre Sainte Foy et après lui avoir donné une commission spéciale pour recevoir son abjuration ; cette Cérémonie se fit dans notre Eglise, et entre les mains du R. P. Prieur, qui luy donna l'absolution de l'Excommunication qu'il avoit encourue à cause de son hérésie et le réconcilia ainsi à l'Eglise Catholique et Romaine.

Le 30 Juin de 1705, le R. P. Prieur D. Nicolas Hougats fut continué et nommé Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint Maur, assemblé au Monastère de l'abbaye de Marmoutiers proche de Tours.

Le 8 de Mai 1706, Demoiselle Joséphine Gaillard du Clos Le Large offrit à notre Monastère la somme de 600 # en argent pour être employée aux Bâtimens de notre Eglise, auxquels on faisoit pour lors travailler, afin de l'achever moyennant que la Communauté voulutt bien en sa faveur, pour Elle et ses parents et amis tant vivans que trépassez appliquer l'office et prière des 40 heures qui se pratiquent dans notre Monastère les trois fêtes de la Pentecôte, à commencer cette année, et de même à perpétuité, ce qui fut exécuté avec la permission du T. R. P. Général.

Le 4 de Juillet 1707, le R. P. D. Toussaint Courtin qui étoit Prieur de Saint-Clément de Craon en Anjou fut transféré et nommé Prieur de ce Monastère par le R. P. Prieur Supérieur Général D. Simon Bougis et du consentement de ses RR. PP. assistans et visiteurs de la Congrégation assemblés pour la Diète annuelle à l'Abbaye de Saint-Germain des Prez à Paris.

Le 14 Juillet de 1708, le R. P. Dom Martin Drouin fut nommé et institué Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur, assemblé à l'Abbaye de Marmoutiers proche de Tours.

Le 25 Janvier de 1709 mourut dans ce Monastère D. P. Monteau, âgé de 74 ans, il a été enterré proche de la Chapelle de Saint-Samson et de Saint-Bernard.

En 1710 le R. P. Prieur fit faire un dessin à Frère Guillaume de la Tremblaye, Religieux Convers de la Congrégation pour un nouveau Grand Autel dans notre Eglise qui fut fort approuvé par notre T. R. P. Général. M. du Colombier-Gris fit présent à la Communauté d'une grande quantité de Blocs de marbre blanc, avec deux belles tables pour servir à ce grand Autel ; comme Made de Granville-Loquet qui donna aussi trois grandes tables de Marbre blanc, avec trois Charretées de grands morceaux du même Marbre. M. de Beauvais le Fer fit venir de Gennes à ses frais et dépens les six belles Colonnes qui sont sur notre autel pour porter le couronnement, dont il fit présent. Elles ont coûté 2000 #. D Jean Le Mercier pour lors Religieux conventuel de notre Monastère prit la conduite de tout cet ouvrage qu'il a très bien fait exécuter.

Le 17 Janvier de 1711, mourut dans ce Monastère D.  Yves du Roz, âgé de 52 ans ; il a été enterré proche de la Chapelle de Saint-Samson et de Saint-Bernard ; il avoit été auparavant Prieur dans nos Monastères de la Province de France. Il étoit bon Prédicateur et faisoit faire avec édification les Retraites dans notre Monastère aux Mrs de la Ville qui y venoient.

Le 20 Juin de 1711, D. Martin Drouin fut continué et nommé Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur, assemblé à l'abbaye de Marmoutiers, proche de Tours.

Le 26 de Janvier 1712. on commença dans notre Eglise à faire faire un nouveau grand Autel qui est tout de Marbre blanc, tel qu'on le voit présentement. Le 19 Février de la présente année, Monseigneur de Saint-Malo fit l'honneur à toute la Communauté, de venir pour la première pierre de cet Autel, laquelle est du côté de l'Evangile, où on lit cette Inscription sur une table de Plomb bronzée, au haut de laquelle sont les armes du Seigneur Evesque : Lapis fundamentalis hujus Altaris positus est ab Illustrissimo et Reverendissimo D. D. Vincentio Francisco Desmaretz, Episcopo San-Macloviensi, die 19 Februarii anno Dei 1712.

Le 22 de Janvier 1713, mourut dans ce Monastère D. André Billot, âgé de 82 ans ou environ ; il a été enterré devant la Chapelle de l'Enfant Jésus.

Le 25 de Juin 1714, le R. P. D. Claude Patrou fut nommé et institué Prieur par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur, assemblé à l'Abbaye de Marmoutiers proche de Tours.

Par la Transaction ou Concordat fait en 1669, entre notre T. R. P. Supérieur Général d'une part et nos RR. PP. Bénédictins de la Congrégation Anglicanne de l'autre part qui cédoient leur Monastère de Saint-Benoît en la Ville de Saint-Malo à notre Congrégation de Saint-Maur. à cette condition qu'on leur payroit de pension par chaqu'un an pendant qu'ils auroient une Communauté en France, la somme de 2000 # à laquelle notre Monastère n'a pu satisfaire jusqu'à présent à cause de son extrême pauvreté, parce que n'étant point fondé, la Communauté ne subsiste que par les Messes et présents que les Mrs de la Ville luy donnent dont nos Supérieurs Majeurs sont parfaitement informez par les Actes de Visites : ainsi par un Acte de la Diète annuelle, en forme de Règlement pour notre Monastère de Saint-Benoît, il a été statué par notre T.R.P. Supérieur Général que la Congrégation de Saint-Maur paieroit cette pension de 2000 # de pension annuelle aux RR. PP. Bénédictins Anglais établis au faubourg Saint-Jacques à Paris (Note : Monastère et Collège anglais de Saint-Edmond) dont Elle étoit Cautionne, à condition que notre Communauté lui céderoit une somme de 4000 # de Principal qui lui appartenoit et qu'avoit entre les mains un appelé M. Hamon, Bourgeois de Saint-Malo, pour luy faire valoir. Item un Contrat de Constitut sur le Monastère de Saint-Sauveur de Redon, portant la rente de 125 # ; 3° une autre rente de 175 # constituée sur le Monastère de Saint-Melaine de Rennes. Notre Communauté a acquiescé très volontiers à toutes ces propositions par un Acte Capitulaire signé le 30 Septembre de 1715.

M. Gaubert a donné une somme de 2000 # à notre Monastère pour être employée à achepter et payer 4 pièces de Tapisserie pour servir à notre Eglise les grandes Fêtes ; elles ont été faites à Lille en Flandre et ne reviennent cependant qu'à la somme de 1500 #, toutes rendues à Saiint-Malo ; on les a exposées pour la 1ère fois à la fête de la Toussaint en 1715. Le même M. Gaubert avoit donné cy-devant une somme de 1000 # pour commencer notre Grand Autel et quelque temps après 500 # pour le même ouvrage .... plusieurs Dames et Mrs. de nos amis de cette Ville ont tous contribuez avec zèle pour faire achever ce bel ouvrage à la plus grande gloire de Dieu ... Le fils de Mademoiselle des Antons-Boullain donna en mourant 1200 # pour payer le couronnement de cet Autel avec les Chapiteaux des Colonnes, et afin que cet Autel soit parfait et fini, il y reste à placer 5 grandes figures de marbre blanc dont la principale doit tenir dans sa main le Saint-Sacrement : Elle doit représenter la Religion ; à ses 2 côtés, 2 anges en adoration, et aux deux bouts de l'autel, sur chaque pied-d'estail la figure de Saint-Benoît à la droite, et de Saint-Maur à gauche ..... En 1716 on a placé dans le Choeur l'Aigle qui est de cuivre coulé ; Elle a été faite à Rouen et revient à la somme de 750 #.

Le 29 de Juin de 1716 mourut dans ce Monastère un domestique âgé de 20 ans qui servoit la Communauté en qualité de Cuisinier ; il s'appeloit Pierre Torillé du bourg de Landévéneuc en Basse Bretagne, Evesché de Quimper ; il a été enterré dans le bas de notre Eglise.

Le 28 Juin de 1717 le R. P. D. André Le Maître fut nommé Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur, assemblé à l'Abbaye de Marmoutiers proche de Tours.

Le 7 Septembre de 1717 mourut dans ce Monastère D. Jacques Chapellière âgé de ... ? ans, il a été enterré devant la Chapelle de la Sainte-Vierge, où l'on dit la Messe de Six heures.

Le 7 Mars de l'année 1718 mourut dans ce Monastère D. Toussaint Courtin âgé de .... ? ans. Il avoit été Prieur de Saint-Benoît en 1707. Et depuis il y étoit resté en qualité de Sous-Prieur jusqu'en 1717 ; il prêchoit et confessoit avec beaucoup de zèle ; il a été enterré proche la Chapelle de Saint-Yves.

Le 17 Septembre de 1719 mourut dans ce Monastère D. André Le Maître qui en étoit Prieur ; il étoit âgé de ... ? ans ; il a été enterré au haut de la Nef, proche le milieu du Balustre du Choeur.

Le 26 Septembre de 1719 le R. P. D. Jacques Grassin fût nommé et institué Prieur de ce Monastère par le R. P. D. Charles de l'Hostellerie, pour lors Supérieur Général de notre Congrégation et du Consentement de ses RR. PP. Assistans.

L'année suivante 1720, le 19 d'Août il fut continué et nommé Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur, assemblé à l'Abbaye de Marmoutiers proche de Tours.

Cette année 1720, notre Grand Autel fut doré pour la somme de 1200 # ; de plus on fit acheter à Rouen quatre pièces de Tapisserie de point de Hongrie pour servir tous les jours communs de l'année au dessus du Choeur qui se trouvoit trop nud, afin de ménager et conserver les autres Tapisseries de point de Flandre qui sont très-belles.

Le 19 Juillet de 1723, D. Jacques Grassin fut continué Prieur par le Chapitre Général de la Congrégation tenu à Marmoutiers. Pendant son dernier Triennat, on fit faire un Ornement blanc fort propre pour servir aux fêtes du premier Ordre ; il y a un Chasuble, les 2 tuniques, la Chape pour le Célébrans avec le Parement pour le Grand Autel.

Le 14 Juillet de 1726, le R. P. D. Simon Mauger fut nommé Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur, assemblé à l'Abbaye de Marmoutiers proche de Tours.

Le 14 Mars 1727, une fille de cette Ville appelée Marie Nicolle donna à notre Monastère la somme de 1500 # pour que la Communauté priât Dieu pour Elle, et à la charge de dire à perpétuité tous les ans une grande Messe, et à la fin le Requiem Libera, le premier jour vacant dans le Carême, et une autre grande Messe des Défunts sans le Requiem, le 1er Jour vacant après la fête de tous les Saints. Cet argent a été placé chez les RR. PP. Bernardins de la Vieux Ville [Note : La Vieux-Ville, abbaye sur le territoire d'Epiniac près de Dol (Ille-et-Vilaine). Les Religieux bénédictins de Cîteaux prirent le nom de Bernardins après la réforme par Saint Bernard en 1115. François Thomé, évêque de Saint-Malo (1574-1590) fut abbé de la Vieux-Ville] à rente de Constitut (Note : Rentes de Constitut. — Le Constitut rendait une dette perpétuelle et transmissible) au Denier de l'Ordonnance.

Pendant le Carême de l'année 1729, le R. P. Prieur a fait faire le Marchepied du Grand Autel qui est tout de Marbre blanc et d'une figure octogone ; la main de l'ouvrier seul a coûté 120 #.

D. Etienne du Faure, Religieux de ce Monastère de Saint-Benoît ayant été élu Conventuel (Note : Conventuel. — Religieux nommé par Vote de la Communauté pour accompagner le Prieur à la Diète annuelle) de notre Communauté, quoique malade, fut obligé de se rendre à la Diette de la Province qui se tenoit cette année à l'Abbaye de Marmoutiers, les fatigues du voyage augmentèrent tellement son mal qu'il y mourut âgé de 54 ans, ou environ ; il avoit été cy devant nommé Prieur dans plusieurs Monastères de notre Province, et après avoir quitté la Supériorité, il se retira dans le nôtre, où il étoit Confesseur des Séculiers et Cellérier de la Communauté.

Le 9 de Juillet 1729, le P. P. D. Jean Placide Ferron fut nommé et institué Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur assemblé à l'Abbaye de Marmoutiers proche de Tours.

Le 30 Mars de 1731 mourut dans ce Monastère D. Benoit Michel Jouno, âgé de 48 ans ; il a été enterré dans la Croisée de l'Eglise du Côté du Nord, au pied du Confessionnal de l'autel du Saint-Esprit .... D. Jacques Hue a prêché pendant 2 ans de suite la station dans notre Eglise, c.-à-d. en 1730 et 1731 .... D. Denis Germon l'a prêché en 1732 et D. René Dancruffe en 1733. Je ne puis donner le nom de nos autres Confrères qui ont été nommés par le Chapitre Général ou par le T. R. P. Général aux Diettes annuelles, pour remplir cy-devant un si Saint-Ministère dans notre Eglise, parce qu'on a toujours négligé « chaque année de les écrire sur le livre des Choses mémorables quoique nos Réglements le recommandent ». Cependant plusieurs de nos Confrères ont prêché ici avec tant de fruit et d'édification pour le Public que nos Seigneurs Evesques les ont souvent nommés pour remplir la Station de la Cathédrale pendant l'Avent, le Carême et l'Octave du Saint-Sacrement comme dans ces dernières années D. Pierre Retou, D. Louis Rousseau et D. Nicolas Paterne.

Depuis l'année 1729, jusqu'en 1733, la Communauté a été obligé de faire recouvrir tout à neuf l'Eglise qui a été une dépance qui monte à prez de 800# ; on a fait aussi d'autres réparations et accommodemens sur les Lieux Réguliers qui étoient assez nécessaires.

Le 3 d'Août 1733 le R. P. D. Jean Placide Ferron fut continué et nommé Prieur de ce Monastère par le Chapitre Général de la Congrégation de Saint-Maur assemblé à l'Abbaye de Marmoutiers proche de Tours.

M. l'Abbé de L'Angle-Fauvel ayant légué par son testament à notre Communauté la plus grande partie de ses livres, qui étoient assez bien conditionnés, quelque temps après sa mort M. Jacques Ouvit, son beau-frère et exécuteur testamentaire, fit apporter dans notre Bibliothèque plus de 90 volumes de toutes les grandeurs et ce fut le 12 d'Août 1733, le tout sans aucune charge pour notre Communauté que de prier Dieu pour le Repos de l'âme du dit Abbé .... La Sacristie de tout temps a été entretenue assez proprement tant en Linge qu'en Ornement, quoiqu'ils ne soient ni riches, ni prétieux, comme dans plusieurs Monastères de la Congrégation ; aux Fêtes solennelles, il y a six Chandeliers d'argent avec la Croix sur le Grand Autel et les deux Chandeliers pour les deux Acolites qui sont aussi d'Argent, comme le Bâton du Chantre, l'encensoir avec la Croix processionnale qui est de Vermeil doré ; de plus trois Lampes d'argent, qui sont tous les Jours exposées, comme c'est la coutume à Saint-Malo, afin d'orner davantage l'Eglise et cinq Calices à la Sacristie pour les Messes. A l'Autel de notre Dame de Grâce il y a une croix de Vermeil et deux Chandeliers d'Argent et à la Chapelle de l'Enfant Jésus, il y a une croix et deux Chandeliers d'argent, comme l'on peut voir dans leurs Articles. Il y a sur le Grand Autel deux grands Reliquaires de Bois doré, où sont renfermez des reliques de Sancta Benedicta, Martire, de Sancta Félice, Martire, de Sancta Constantia, Martire, de Sancto Benigno, Martir, de Sancto Vincentio, Martir. Dans l'autre Reliquaire de Sancto Leone, Martir, de Sancto Fortunato, Martir, de Sancto Justino, Martir, de Sancto Florio, Martir, de Sancto Juliano, Martir, de Sancto Hongrato, Martir. Et dans deux petits Reliquaires aussi de bois doré de Sancto Honesto, Martir, et dans l'autre de Sancto Jovino, Martir.

Pendant les années 1729, 30, 31, 32 et 33, la Communauté fait recouvrir à neuf notre Eglise, cette seule opération a coûté plus de 800 # ; on a aussi fait faire d'autres réparations urgentes et nécessaires qui ont coûté plus de 300 #.

Notre Communauté ayant été employée depuis plusieurs années au Rolle des Décimes de l'Evesché de Dol pour payer la Subvention à cause du Dixmereau appelé Ville-Hamon situé dans la Paroisse de Pleudihen, du dit évesché de Dol, dont Elle jouit à cause d'une fondation faite dans notre Eglise de Saint-Benoît pour y acquitter à certains jours de l'Année des Messes ; comme ce Dixmereau n'a jamais été érigé en titre de Bénéfice ou Prestimonie (Note : Prestimonie. — Fonds ou revenu affecté par le fondateur à l'entretien d'un ecclésiastique, sans érection en titre de bénéfice) mais que c'est seulement pour payer l'honoraire des Messes, la Communauté présenta sa Requête à Messieurs du Bureau du Clergé de l'Evesché de Dol dans le mois d'Octobre 1731, qui fut communiquée le 7 Nov. de la même année à Mr. le Syndic et après ses Conclusions, ces Messieurs déchargèrent notre Monastère dessus leurs Rolles pour ne plus payer la Subvention à cause du Dixmereau de Villehamon. Fait et Arrêté à Dol le 28 Feuvrier 1732 et signé : Boutin, Président du Bureau.

En l'an 1734, notre Communauté a fait faire un parement à notre Grand Autel de Velours noir avec des bandes de Mouère d'Argent, le tout à coÜté avec les galons d'Argent 113 #. Mlle de la Pépiniaire la fille a donné la frange d'argent qui est uraye comme tous les galons.

Dans cette même année 1734, notre Très R. P. Général nomma à la Diette tenue à l'Abbaye de Saint-Germain des Prez au mois de May. D. François Heurtault, qui étoit pour lors zélateur dans le Noviciat de notre Abbaye de Saint-Melaine de Rennes pour prédicateur dans notre Eglise en l'an 1732, il avoit prêché presque tous les Sermons qui se font dans notre Eglise pendant cette année-là ; après avoir été approuvé du Seigneur Evesque, d'une manière assez gracieuse et tout le Public avoit été fort content de ses sermons, quoy qu'il ne fut obédiendier de cette Communauté cependant la veille des Fêtes, il vennoit de notre Monastère de Léhon, proche Dinan où il étoit pour lors zélateur de jeunes Profez, s'acquitter de ce saint Ministère, avec bien de l'édification. mais ayant été présenté cette seconde fois par son Prieur, il ne put obtenir les pouvoirs nécessaires du Seigneur Evesque qui avoit été prévenu contre ce bon Religieux, mais sans y avoir donné aucun fondement.

A la Diette annuelle de 1735, tenue en notre Abbaye de Saint-Germain des Prés, notre T. R. P. Général nomma pour Prédicateur dans notre Eglise, D. Denis Germont, qui avoit rempli avec édification notre Station pendant deux ans auparavant, mais il s'excusa d'y venir de crainte qu'on lui fit les mêmes difficultés à l'Evesché qu'à son Prédécesseur.

Notre Chapelle de Notre-Dame de Clermont située dans la Paroisse de Paramé, Evesché de Saint-Malo, ayant été employée au Rolle des Décimes pour payer la subvention de 1734, à la somme de 2# et 1735 à la somme de 3 #, laquelle Chapelle n'étant point en titre parce que c'étoit la première demeure de nos Pères Bénédictins Anglois, où ils s'étoient établis avec des Lieux Réguliers, y ayant une Communauté de cinq ou Six Religieux, dans laquelle ils avoient reçu à Profession quelques novices ; cette Chapelle fut conservée aux Pères Bénédictins de la Congrégation de Saint-Maur en France, lorsqu'ils prirent possession du Monastère de Saint-Benoît situé dans cette Ville de Saint-Malo par acte du 1er Avril 1669, comme un Membre dépendant du dit Monastère et un lieu propre à la Communauté pour se retirer en cas de Peste, Incendie causés soit par la Guerre ou le Feu du Ciel, dans laquelle Possession, ils furent maintenus par un Arrêt du Parlement de Bretagne rendu contradictoirement contre le Sr. Gilles Ménage Prêtre, le 28 Juillet de 1669 ; ainsi notre Communauté a été obligée de présenter une Requête par devant Messieurs du Bureau de la Chambre Ecclésiastique de cet Evesché de Saint-Malo, qui ont déchargé notre Chapelle de Clermont de l'Imposition pour la Subvention. A Saint-Malo le 26 octobre de 1735, et signé de la Pommerays, Recteur d'Irodouer [ote : Irodouer. — Commune du Canton de Bécherel (Ille-et-Vilaine)) et Syndic de l'Evesché de Saint-Malo].

Dans cette même année 1735, Madame de La Corbonnaye fit présent à notre Sacristie de quatorze Aulnes (Note : Aulne. — Valait 1m188) d'une belle étoffe de soye, à grandes fleurs qu'on nomme Zarrienne, ou étoffe à la Régence, dont la Communauté a achepté les Orfroies (Note : Orfrois. — Etoffe tissue d'or employée comme bordure) avec les Galons et Franges qui sont vrays, le tout coûte avec les fournitures et la façon 244 #. Mais plusieurs personnes de piété ont fait plusieurs petits présens pour aider à payer cette dépense ; par là on a deux ornemens complets pour servir l'un pour les fêtes de 1er Ordre et l'autre du 2ème Ordre ; aussi on doit présentement officier à ces fêtes, avec les chantres chappés et le Bâton, conformément à notre Cérémonial.

Monsieur de la Franquerie-Le Brun, le fils aîné a fait aussi présent dans cette même année 1735 d'un Chasuble complet de satin blanc brodé avec le Parement qui sert au Grand Autel, qu'il nous a envoyé de Pondichéry, où il est depuis plusieurs années, afin que la Communauté prie le Seigneur pour sa conservation et son heureux retour. Monsieur son Père a donné à la Communauté plusieurs barriques de vin à différentes années.

Dans cette même année 1735, René Guyomard, domestique de notre Monastère mourut le 29 Xbre (29 décembre) sur les 7 heures du soir après une maladie de plus de six mois qui enfin se déclara en une pulmonie. La nuit de Noël, il communia en notre Eglise, avec tous les fidelles après la Messe solennelle, mais le 28 se trouvant plus mal, le R P. Prieur à 5 heures du soir, lui donna les sacrements de l'extrême-onction ; depuis ce tems-là jusqu'au moment qu'il expira, il donna peu de marques de Connaissances. Le lendemain 30, on fit ses obsèques après nos Vespres canoniales, on récita d'abord les Vespres des Morts, ensuite on fit la levée du Corps qui étoit exposé dans le Parloir des femmes ; on entra dans l'Eglise par la porte qui est sous l'orgue, se donnant bien garde de passer par la Rüe pour ne pas donner sujet de mécontentement à M. le Curé de la Paroisse. Le corps fut exposé dans la Nef ; on récita un Nocturne et les Laudes des Morts ensuite on fit l'absoute, après quoi le corps fut enterré sous l'orgue, proche la Chapelle Saint-Michel (Note : Cette Chapelle Saint-Michel n'est pas mentionnée dans les Constructions. Plusieurs Chapelles sont dédiées à deux saints). Le lendemain on dit la Grande Messe, Ut in die Obitur etc. Il était natif de la paroisse de Saint-Yves proche Tréguier en Basse-Bretagne.

Nota-Bene. M. le Curé de la Paroisse se plaignit de ce que la Communauté eût fait cet enterrement dans notre Eglise sans avoir eu son agrément, ce qui étoit disoit-il aller contre un des articles de la transaction faite avec Messieurs du Chapitre de la Cathédrale lors de notre introduction dans ce Monastère, à quoi lui répliqua notre R. P. Prieur que la chose étant réglée par l'exception que ces Messieurs ont mis dans leur transaction ce que la communauté ne fera aucun « enterrement dans son Eglise de St-Benoît que pour leurs Religieux et leurs domestiques seulement » on n'avoit rien innové dans cette occasion ; par conséquent la dite transaction n'avoit été nullement viollée de notre part ; de plus qu'en 1716 le cuisinier de la Communauté étant mort dans ce Monastère, le lendemain Elle l'enterra dans notre Eglise à la manière accoutumée sans que M. Gravé, pour lors curé y trouva rien à redire : ce qui est de droit commun pour les Religieux ; parce que le Prieur de la Communauté étant le Curé né tant des Religieux que des domestiques, leurs donnant la Pasques, le St-Viatique et l'Extrême-Onction dans leurs maladies, il a aussi droit de les enterrer après leurs morts : ainsi finit cette affaire, après cet éclaircissement qui fut fait de bonne amitié de part et d'autre.

On a accordé des bancs dans notre Eglise à plusieurs familles qui payent chaque année une somme fixe, selon la grandeur du banc. M. Mercier 5 #, Mlle Cambrenon 4 #, Mademoiselle Gulcrif 3 # ; on feroit bien de suivre cette coutume dans la suite du tems, lorsque les bancs viendront à vaquer, parce que cela feroit une rentrée pour l'entretien de notre Eglise ; Mademoiselle de Belle-Isle pour le banc de Mademoiselle de la Palissade 6 #.

Le 7 Mars de cette année 1736, le R. P. Prieur ayant fait assembler la Communauté à la manière accoutumée pour élire un Conventuel, afin d'aller avec lui à la Diette Provinciale qui avoit été assignée en l'Abbaye de Marmoutiers-lès-Tours, le Jeudi d'après le second Dimanche d'après Pasques qui étoit le 19 d'Avril. Dom François Corbet, fut élu et nommé Conventuel de la Communauté à la pluralité des suffrages, conformément à nos Constitutions.

Le Chapitre Général de notre Congrégation, se tint ensuite ayant été assigné conformément à nos Constitutions pour ouvrir dans. la même Abbaye de Marmoutiers-lès-Tours le Jeudy d'après le 4ème Dimanche après Pasques qui étoit cette année 1736, le 3 May et fut terminé et fini le 26 du même mois par l'élection et promulgation de tous les Supérieurs de la Congrégation en la manière accoutumée.

D. Jean Placide Ferron qui depuis le Chapitre Général de 1729 avoit été nommé et continué Prieur de notre Monastère, ne pouvait plus le gouverner avec la qualité de Prieur conformément à nos Constitutions ; aussi nos RR. PP. Définiteurs pour des raisons à eux connues et approuvées n'ont point nommez à ce dernier Chapitre de Prieur dans notre Monastère de Saint-Benoît et ont laissé au T. R. P. Général le soin d'y pourvoir d'un Supérieur, qui doit gouverner la Communauté en qualité de Commissaire seulement .... Le même D. Jean Placide Ferron. ayant reçu du T. R. P. Général son obédience de Commissaire en date du Monastère de l'Abbaye de Saint-Germain des Prez à Paris le 12 du mois de Juin 1736, en fit faire la lecture à haute voix dans le Chapitre, en présence de tous les Religieux de la Communauté qui y étoient assemblés le 4 du mois de Juillet suivant par D. Léonard du Claux, secrétaire du dit Chapitre, et ensuite de l'élection de tous les autres Supérieurs, des Règlemens soit nouveaux ou confirmez par le Chapitre Général, avec la liste de nos confrères morts, et celle des Religieux nouveaux, Profez dans la Congrégation.

Nota. Il n'y a point eu cette année de Prédicateur nommé au Chapitre Général pour remplir la Station de notre Eglise.

Le 4 de Septembre 1736, Mrs. les Chanoines de la Cathédrale de Saint-Malo étant assemblez capitulairement dans leur Chapitre, il y eut quelques uns de ces Messieurs qui se plaignirent que dans notre Eglise de Saint-Benoît, la Communauté y faisoit des services solennels pour les morts, ce qui étoit contraire à un des articles auxquels la Communauté a renoncé lorsqu'elle a été introduite dans ce Monastère qu'ainsi ces Messieurs demandèrent un acte de Délimitation du Chapitre par lequel il fut fait deffence à notre Communauté de faire dans la suite des services solennels pour les morts dans notre Eglise de Saint-Benoît. M. Morin chanoine et pour lors Procureur sindic du Chapitre fut nommé pour notifier à la Communauté cette délibération ; ce qu'il exécuta avec toute la Politaisse et les bonnes manières qu'on pouvoit attendre de lui : ainsi le 7 du dit mois, il se donna la peine de vennir lui-même sur les 8 heures et demie du matin en surplis, bonnet et aumusse, à notre Monastère où il demanda le R. P. Prieur lequel le conduisit dans la Salle, pour le recevoir avec plus de distinction ; ce Monsieur lui fit part du sujet de sa Commission, à quoy notre R. P. Prieur lui répliqua avec toute l'honnêteté possible qu'il seroit bien fâché, avec toute la Communauté de violer en rien les conditions auxquelles on s'étoit soumis du tems de notre introduction dans ce Monastère, qu'il le prioit très instamment d'assurer tous les Messieurs du Chapitre qu'on garderoit fort religieusement comme on a fait par le passé les susdites conditions ; mais que Mrs. du Chapitre étoient mal informés de prendre de simples Grandes Messes pour des Services, parce qu'il n'y avoit point de Vigiles des Morts, qu'on n'y exposoit point de Lectique (Note : Lectique. De Lectum, Lecticulum, civière, brancard et par extension Catafalque) et qu'à la fin de la Grande Messe on y faisoit point d'Absolution avec l'aspersion et les encensemens, le Célébrans étant revêtu de Chappe et précédé de la Croix processionnale, qui sont les cérémonies qui se pratiquent dans toutes les Eglises en pareille Solennité. Qu'eux-mêmes savent bien distinguer dans leur propre Eglise entre une Grande Messe des Morts, qu'ils appellent un Obit et un service. Qu'ainsi on ne pouvoit empêcher notre Communauté de dire la Grande Messe à la manière accoutumée, ni de l'appliquer à l'intention des Personnes qui le demandoient (Note : Ici finit l'Ecriture du premier Ecrivain. L'alinéa suivant annonçant la mort de Dom Louis Lodin, le 5ème jour de sa maladie, il est permis de supposer que c'est lui qui a tenu le Manuscrit jusqu'à ce jour).  

Le 4 Janvier de la présente année 1738, mourut dans ce Louis Monastère de Saint-Benoît D. Louis Marie Lodin sur les trois heures 1/2 du Soir, le 5ème jour de sa maladie ; il demanda à recevoir le Sacrement de l'Eglise, et s'y prépara d'abord par la Confession ; ensuite après les Vespres, notre R. P. Prieur accompagné de toute la Communauté lui donna le Saint-Viatique et l'extrême-onction qu'il reçut dans de grands sentimens de componction, ce qui édifia infiniment tous les assistons. Le lendemain 5 de Janvier il fut enterré après la Messe solennelle de Requiem à la manière accoutumée dans notre Eglise au passage de la Chapelle de Saint-Bernard, dans laquelle il confessoit depuis près de 5 ans avec toute l'édification du Public. De plus il étoit sacristain de notre Eglise et s'acquittoit de cet office avec bien de l'exactitude ; lorsqu'il a fini sa carrière et que le Seigneur l'a appelé à lui, il étoit âgé de près de 60 ans et de 40 ans de profession qu'il fit dans notre Monastère de Saint-Melaine de Rennes dont il étoit natif.

La Communauté a fait réparer tout à neuf la couverture du dortoir avec un côté et demi du cloître, qui a coûté près de 300 #.

Le 31 Mars de 1739, D. Julien Guillotel a été élu et nommé Conventuel par la Communauté et conformément à nos Constitutions pour assister à la Diète de la Province qui s'est tenue cette année en l'Abbaye de Saint-Vincent du Mans. ayant été assignée et publiée pour le 16 Avril de la présente année 1739 ; ensuite le Chapitre Général de notre Congrégation de Saint-Maur a été ouvert le 30 Avril de la susdite année et tenu en l'Abbaye de Marmoutiers proche de Tours, à la manière accoutumée. Il a été fini et terminé le 19 May par l'élection et publication de tous les Sup. de la Congrégation. Le Révérend P. D. Jean Placide Ferron qui, après avoir été nommé Prieur de ce Monastère et continué par 3 Chapitres successifs, faisoit 10 années de suite de Supériorité ; mais à ce dernier Chapitre Général, il fut déchargé de la Supériorité et D. Hubert Benoît pour lors Prieur de Saint-Fiacre en Brie [Note : Saint-Fiacre en Brie, près de Meaux (S.-et-M) fondée par Saint-Fiacre d'Irlande (600-670), patron des Jardiniers, Abbaye de Bénédictins] fut nommé Prieur de ce Monastère pour lui succéder, lequel D. Jean Placide se retira dans notre Monastère de Saint-Melaine de Rennes qu'il choisit par préférence à cause du Novitiat ; mais après trois semaines de séjour dans ce Monastère, le T. B. P. Général de notre Congrégation, D. René Lanneau, du consentement de ses RR. PP. assistans, pour raisons à eux connues, a transféré le dit D. Hubert Benoît en l'envoyant Prieur de Saint-Pierre de Rebays [Note : Saint-Pierre de Rebays, près de Coulommiers (S.-et-M.), Abbaye de Bénédictins fondée en 634] en la province de France, lequel ne vint pas à Saint-Malo, et donna une nouvelle obédience de Prieur audit D. Jean Placide Ferron pour ce Monastère de Saint-Benoît, en la ville de Saint-Malo, où il se rendit le 19 Juillet de 1739, pour obéir aux ordres de ses Supérieurs et le lendemain ayant fait lire son obédience par le R. P. Secrétaire du Chapitre D Jean-Baptiste Cornille à haute voix, tous les Religieux de la Communauté étant capitulairement assemblés ; elle fut ensuite inscripte sur le Livre des Actes Capitulaires à la manière accoutumée.

Au Chapitre Général de 1739, D. Théodore Bonnières, qui étoit doyen de la Communauté de Saint-Denis en France et Directeur de la Récollection de nos Confrères (Note : Directeur de la Récollection. Récollection en style religieux, acte de se recueillir en soi même) fut nommé pour être prédicateur et remplir la Station de notre Eglise de Saint-Benoît ; il avoit cy-devant rempli avec édification et même avec applaudissement la Station de l'Abbaye de Saint-Germain des Prez, à Paris, pendant 2 ans entiers.  

Le 25 Sept. de 1739 qui étoit un Vendredi, sur les 2 heures et 1/2 après midi, mourut dans son Palais Episcopal, Monseigneur Vincent François des Marêts, âgé d'environ 83 ans, il avoit pris possession de son Diocèze en 1703 ; ainsi il a siégé 36 ans et quelques mois ; son gouvernement a toujours été plein de douceur, aimant que la discipline ecclésiastique se conservât avec régularité dans tout son Diocèze, et l'a pratiquée le premier par la résidence qu'il y faisoit, autant que les affaires de son Eglise et de la Province pouvoient le lui permettre ; son Naturel le portoit à la retraite et fuyoit surtout la conversation avec le Sexe ; dans toutes les occasions. il a honoré de sa bienveillance notre Communauté de Saint-Benoît, soit en approuvant les Religieux présentés par les Supérieurs tant pour prêcher que pour confesser dans notre Eglise, soit en demandant de nos Pères pour remplir les Stations de la Cathédrale, dont plusieurs ont prêché Avent et Carême avec l'Octave du St-Sacrement [Note : Monseigneur Vincent des Marêts eut des démêlés retentissants avec les Chanoines de son Chapitre, au sujet de la discipline ecclésiastique. Pour obtenir leur soumission aux Règles, il fallut l'intervention du Pape et du Conseil privé du roi (1728-1730)] .... Après que son corps fut embaumé et déposé sur son lit d'honneur, dans sa grande salle, revêtu de ses habits pontificaux, notre Communauté après avoir été invitée par MM. le Doyen et Chanoines du Chapitre, fut le Dimanche après nos Vespres, processionnellement, croix levée, jeter de l'eau bénite ; après avoir chanté le Respons subvenite avec le Psaume De Profondis le R. P. Prieur revêtu de l'Etole sur son froc dit à haute voix les Versets et la Collecte ; ensuite 4 Religieux restèrent pour réciter en entier l'Office des Morts .... Le Vendredi suivant la Communauté assista après les Vespres de la Cathédrale, au Convoy où le Corps du Seigneur Evesque fut porté et déposé dans le milieu du Choeur au-dessous de l'Aigle, et le lendemain, après la pompe funèbre, il fut enterré dans le Sanctuaire du Côté de l'Epitre, proche la grille de fer ...

Quinze jours après, un Samedi, M. l'Abbé des Antons-Boullain, Chanoine de la Cathédrale et Abbé de Meilleraye (Note : La Meilleraye, arrondissement de Châteaubriant, Loire-Inférieure, abbaye fondée en 1145 par des Religieux de Cîteaux. En 1817 les Trappistes prirent possession des bâtiments abandonnas depuis 1790 et y firent de grandes réparations), au Diocèse de Nantes, Ordre de Cîteaux prononça l'Oraison funèbre après le service divin .... (Nota. — MM. du Chapitre avoient assigné des places pour la Communauté. dans le Choeur proche la balustrade du Sanctuaire ; mais nous n'y fûmes point, parce que les Personnes qui gardoient les portes nous refusèrent l'Entrée, n'en ayant point étez averties ; à quoy il faudra prendre ses précautions en pareil cas.

Le 1er de Novembre qui étoit un Dimanche de la présente année 1739, mourut D. Guillaume Grignon âgé de Septante trois ans accomplis, prêtre et religieux Profez de notre Congrégation qui fut le 10 de Xbre (10 décembre) 1687 dans notre Abbaye de Saint-Melaine de Rennes (ainsi il avoit près de 52 ans de Profession), natif de Cancale, à 2 lieues de Saint-Malo et du Diocèze, après 22 heures de maladie seulement, qui étoit une descente qu'il portoit depuis de longues années ; mais ayant négligé de porter depuis quelques jours son bandage, la strangulation se fit sur les 9 heures du soir du jour précédent, et le chirurgien quelqu'habile qu'il fût ne put par tous ses soins remédier au mal. Notre R. P. n'eut que le temps de se confesser et sur les 6 heures du soir, le R. P. Prieur lui administroit le Sacrement de l'Extrême-Onction (n'ayant pu lui donner le St-Viatique à cause des renversements) ; à la dernière onction il rendit son âme à Dieu ; il a été regretté non seulement de ses Confrères, mais aussi de toute la Ville, par l'estime et la Confiance qu'il s'y étoit acquise, ayant été approuvé depuis 19 ans pour confesser les Séculiers dans notre Eglise s'acquittant de ce saint Ministère avec un grand zèle .... Il a été enterré le lendemain devant la Chapelle du Saint nom de Jésus où il confessoit ordinairement.

La diète annuelle s'étant tenue à la manière accoutumée, cette année 1740, dans notre Abbaye de Saint-Germain des Prez à Paris le Jeudy après la 4ème Semaine d'après Pasques, le T. R. P. Général a nommé Prédicateur D. Jean Baptiste Amouroux pour remplir la station dans notre Eglise de Saint-Benoit, lequel nous est venu de notre Abbaye de Saint-Jean d'Angely [Note : Saint-Jean d'Angely (Charente-Inférieure) — Cette ville s'est formée autour d'un Monastère fondé par Pépin, roi d'Aquitaine (817-838), deuxième fils de dit le Débonnaire] en Saintonge, où il étoit depuis près de 3 ans faisant les fonctions de Vicaire de la Paroisse de cette Ville ; il a été approuvé par Mr Goret de la Ville-Pépin, Doyen de la Cathédrale et seul grand Vicaire (le Siège Episcopal vacant) non seulement pour prêcher, mais aussi pour confesser les Séculiers. Nota : .... Il succéda à D. Théodore Bonnières qui nous a fait un honneur infini pendant le cours de sa station par ses bons sermons. Cependant, Mr. le Doyen voulat l'inquiéter sur son Sermon de l'Annonciation de la Sainte Vierge, sur quelques propositions des Deux Alliances où il étoit présent, il y avoit aussi 9 ou 10 de MM. les Chanoines, avec bien une trentaine d'Ecclésiastiques ; pour se justifier notre R. P. D. Théodore Bonnières sollicita un Chapitre qui lui fut accordé, et en présence de MM. tous les Chanoines, il y fut admis, où il justifia les propositions mal sonnantes qu'on vouloit lui attribuer dans son sermon avec toute l'Erudition possible, parce qu'il est aussi bon Théologien qu'excellent Prédicateur ; ensuite il fit un Compliment à toute l'Assemblée qui y fut fort applaudi ; aussi cette affaire fut terminée à l'honneur de notre Père et de toute notre Communauté : depuis il a continué de prêcher avec l'applaudissement de tout le Public et une édification qui n'est pas commune.

Notre Monastère a fait faire cette année un Encensoir d'argent, on a fait recouvrir tout à neuf la maison de la Chapelle de Clermont en Paramé ; cette dépense va bien à 200 #.

Le dix-huit de Feuvrier de la présente année, mil sept cent quarante-un, Monseigneur Jean Joseph de la Bastie de Fogasses, Evesque de Saint-Malo fit son entrée publique dans cette ville, sur les dix heures du matin qui étoit un Samedi ; et le soir sur les deux heures et demie, tout le clergé tant séculier que régulier s'étant rendu à l'Eglise Cathédrale, alla processionnellement au Palais Episcopal chercher notre Seigneur Evesque qui étoit en rochet, étole, chappe, crosse et mitre, d'où il sortit pour prendre possession de son Eglise Cathédrale avec toutes les cérémonies accoutumées : à l'entrée de l'Eglise, il prêta sous les orgues son serment de fidélité ; de là il fut conduit au Grand Autel, et notre Communauté de Saint-Benoît entra croix levée dans le Choeur, et se plaça autour du Balustre du Sanctuaire ; après le Te Deum qui fut chanté par la musique, le seigneur Evesque fut conduit à son thrône où Messieurs les Chanoines avec tous les Ecclésiastiques vinrent lui baiser la main et son anneau : ensuite il fut conduit sur le marche-pied de l'autel, où étant à genoux, on entonna l'hymne Veni Creator et la procession défila pour se rendre à la chapelle Saint-Thomas (Note : Chapelle Saint-Thomas. — Chapelle de l'Hospice Saint-Thomas qui occupait exactement l'emplacement du Café Continental, au fond de la place Chateaubriand) ; il y eut station où la musique chanta un Motet ; on continua la dite procession qui rentra dans l'Eglise Cathédrale, et après les Versets et Collectes, Monseigneur l'Evesque donna à son peuple la Bénédiction, qui fut suivie de la publication de quarante jours d'indulgences : ainsi se termina cette Solennité.

Etiennette de la Roche, fille majeure, étant âgée de près de Septante années, demeurante en cette Ville de Saint-Malo, a demandé à la Communauté qu'on célébrât à perpétuité dans notre Eglise de Saint-Benoît l'office de la Compassion de la Sainte-Vierge, le Vendredi avant le Dimanche des Rameaux, sous le Rite des doubles majeures avec deux Grandes Messes de Requiem pendant le Carême, pour ses parents et amis, ce qui ayant été proposé capitulairement par le R. P. Prieur, on a conclu unanimement par un acte, qu'on satisferoit aux pieuses demandes de cette bonne fille, qui a donné à cet effet la somme de Douze cents # à notre Monastère, qu'on a placée dans un Contrat de Rente sur la Veuve Madame des Landes-Porée, demeurante à Saint-Malo et qui au denier-vingt rapporte tous les ans soixante # (Note : Contrat de Rente — Acte hypothécaire à 5 du cent).

Le T. R. P. Général a nommé pour remplir la Station de Prédicateur dans notre Eglise de Saint-Benoît, D. Jean François Heurtault, qui nous est venu de notre Abbaye de Fécamp [Note : Abbaye de Fécamp (Seine-Inférieure), fondée en 664], en la Province de Normandie, où il avoit prêché l'année 1740 avec applaudissement ; lequel après avoir été approuvé par Monseigneur notre Evesque de Saint-Malo, a rempli ce Ministère avec tout le contentement et l'édification du public qui assistoit assiduement et en foule à ses sermons ; enfin il a fait beaucoup d'honneur à toute notre Communauté.

Le 22 et 23 du mois de Mars de la présente année 1742, le R. P. Prieur assembla capitulairement la Communauté comme il est porté par nos Constitutions pour élire un Conventuel, qui devoit aller à la Diette de notre Province assignée en notre Abbaye de Saint-Vincent du Mans (Note : . Abbaye de Saint-Vincent du Mans, fondée par l'Evêque Demnole au VIème siècle).

D. Gilles de Gennes fut élu conventuel et canoniquement à la pluralité des suffrages, ensuite proclamé par le R. P. Prieur.

Le Chapitre Général de notre Congrégation de Saint-Maur est tenu ensuite en la présente année 1742, ayant été assigné pour être ouvert selon nos Constitutions le Jeudi après le quatrième Dimanche d'après Pasques dans notre Abbaye de Marmoutiers proche Tours, qui cette année étoit le 26 d'Avril. Et fut terminé et fini par l'Election et Promulgation de tous les Supérieurs de la ditte Congrégation en la manière accoutumée le 24 de May.

Le 23 May de la même année, D. Jean Placide Ferron ayant reçu son obédience de Prieur pour notre Monastère de Saint-Benoît en la Ville de Saint-Malo après l'avoir remise entre les mains de D. Gilles de Gennes pour lors Secrétaire du Chapitre de notre Communauté, il en fit la lecture à haute voix en Chapitre assemblé à cet effet, avec la promulgation de la Liste de tous les Supérieurs de notre Congrégation, comme de tous les Religieux morts pendant le Triennat, avec la liste des nouveaux Profez, et des Règlemens tant confirmez que nouveaux ; toutes lesquelles choses ont été inscrites sur les différents Régistres particuliers de cette Communauté et signés.

D. Jean François Heurtault ayant prêché avec applaudissement la station dans notre Eglise la précédente année, le Chapitre Général l'a continué pour remplir les mêmes fonctions de prédicateur au grand contentement et édification de tout le public pour cette année.

En cette année 1742 la sécheresse a été si universelle qu'à la fin du mois d'Août notre Citerne de Saint-Benoît a tarry, quoique une des plus grandes de la Ville, après celle de la Cathédrale ; ainsi notre Monastère a manqué d'eau douce près de deux mois, ce qui a donné occasion de faire bien nêtoyer et ballayer la dite citerne, quoiqu'il se soit trouvé peu d'ordures à proportion de sa grandeur ; il y avoit plus de quarante ans qu'elle n'avoit tarrye.

De plus la même année 1742, la Communauté a fait faire des chassis neufs aux fenêtres du premier dortoir sur le jardin ; cette dépanse coûte plus de 100 #.

Le 22 Avril 1743, on a fait présent à la Communauté d'un ornement de velours noir qui est de Gennes ; l'aulne coûte 23 #, lequel consiste en une chappe, la chasuble, avec les deux tuniques ; il a été fait à Rennes, les galons qui sont urayes et le tout coûte neuf cent soixante livres — 960 #.

Le Revérend Père Dom Jean Baptiste le Boucher Prieur du monastère de notre Abbaye de Notre-Dame du Tronchet (Note : Abbaye du Tronchet, commune de Plerguer, près de Châteauneuf d'Ille-et-Vilaine fondée en 1170) évesché de Dol étant venu à Saint-Malo, mourut subitement vers les 4 heures du soir le 25 de Juin de la présente année mil sept cent quarante trois (Note : Il était né en 1678 et âgé de 65 ans environ) ; cette mort fut si prompte qu'on ne put lui donner aucun des sacrements de l'Eglise en pareil cas, ni lui procurer les soulagements corporels : son corps a été gardé plus de quarante heures avant d'être inhumé dans notre Eglise de Saint-Benoît, lequel a été enterré dans la croisée du Nord, devant l'Autel du Saint-Esprit le 28 de Juin 1743 ; il étoit natif de Rennes, et à l'âge de 20 ans, il fit profession dans notre Abbaye de Saint-Melaine de Rennes le 14 Janvier de 1698 (Note : Ici finit le travail du deuxième écrivain et avec cette fin coïncide encore la mort d'un Religieux).

Peu de temps après, le 9 d'Octobre de la même année mourut dans ce Monastère le R. P. D. Placide Ferron, âgé de 61 ans ; il étoit natif de Rennes et avoit fait profession dans notre Abbaye de Saint-Melaine de la même ville à l'âge de 18 ans, pendant les 43 ans qu'il a été dans la Religion, il ne s'est jamais démenti des sentimens de piété dans lesquels il est mort ; il a été Supérieur dans plusieurs de nos maisons et après avoir gouverné celle-ci avec autant de prudence que de douceur pendant l'espace de 14 ans, il mourut généralement estimé et regretté de la Communauté et de la Ville (Note : Le 3ème Ecrivain n'a fait que la relation de la mort de Dom Placide Ferron).

C'est sous son Gouvernement que la Communauté convint avec le Sieur François Marie Schiaffino, habile sculpteur de Gennes [Note : Schiaffino Francesco, sculpteur de grand renom, né à Gênes en 1689, mort en 1765, élève de son frère Bernardo et ensuite de C. Rusconi de Rome, a produit des oeuvres de premier ordre, dont les plus connues sont : Le Groupe de « Pluton enlevant Proserpine », au Palais royal de Gênes et le groupe de « la Ste-Vierge avec le Bambino », dans la Chapelle du même palais. Quatre Statues des « Vertus » entourant la châsse qui contient le corps de Sainte Catherine, dans la Chapelle de l'Hôpital Pammatone. Les Statues de « Saint Pierre et Saint Paul », dans l'Eglise paroissiale de Camogli. Un riche Autel avec Crucifix et diverses figures d'Anges exécutés pour le roi de Portugal et conservés dans la somptueuse Eglise de la Mafra, résidence d'été des rois à 26 kilomètres de Lisbonne. Ce dernier travail procura à Schiaffino de nombreuses commandes de l'Espagne et du Portugal. Il est inhumé dans l'Eglise Saint-Dominique de Gênes. Académie Ligurienne des Beaux-Arts à Gênes. (Lettre du 17 Août 1908). Les Bénédictins cultivaient beaucoup les arts : on trouvait dans l'Ordre des architectes remarquables, des peintres, des musiciens, etc. ; il n'est donc pas étonnant que la Communauté de Saint-Malo ait eu connaissance de Schiaffino, sculpteur attitré des Eglises et des couvents au XVIIIème siècle. Le commerce malouin avait des relations suivies avec Gênes et a ainsi facilité la commande des Statues et leur transport à destination], qu'il seroit fait à Gennes même, trois figures de marbre le plus beau et le plus fin dont la grandeur est marquée dans le Contrat qui fut passé en notre nom, entre le dit Schiaffino et les Correspondans de MM. Bancherots qui veulent bien continuer à se donner les mouvemens nécessaires pour la protection de ces trois Statues ; elles représentent : La Religion, Saint-Benoît et Saint-Maur ; elles ont été payées d'avance la Somme de 9000 #. Le R. P. D, Placide Ferron qui a reçu cet argent et qui l'a payé n'a dit à personne qui le lui avoit donné, de sorte que nous ne savons encore à qui nous en avons obligation. D. Placide Ferron a fait aussi plusieurs réparations à l'Eglise et à la Maison ; il est enterré devant la porte de la Chapelle de la Conception dans laquelle il confessoit ; il ne fut enterré que le 11 d'Octobre.

Ville de Saint-Malo : couvent de Saint-Benoît

La Religion

 

Ville de Saint-Malo : couvent de Saint-Benoît

Statue de Saint-Benoît

Ville de Saint-Malo : couvent de Saint-Benoît

Statue de Saint-Maur

Deux mois après la mort de D. Ferron, le 14 de décembre arriva le R. P. D. Victor de Fougeras ; il demeuroit à Saint-Germain des Prez à Paris, lorsque le T. R. P. Général D. René Lanneau lui donna obédience de Prieur de cette maison. Le même jour de son arrivée la Communauté reçut son Obédience qui fut lue devant Vespres, à la manière accoutumée et inscrite dans le Livre des Actes Capitulaires.

Vers le mois de Février de l'année suivante 1744, une ancienne et sainte fille voulant donner une dernière preuve de son attachement à notre Eglise et à notre Monastère mit entre les mains du R. P. Prieur, à différentes fois la somme de 7000 # à condition que jusqu'à sa mort pour lui en obtenir une bonne, et après pour le Repos de son Ame on diroit à perpétuité une Messe toutes les semaines et une autre tous les mois. La Communauté après avoir obtenu la permission du T. R. P. Général a reçu cette fondation pour laquelle on a placé sur une personne de Rennes la somme de 3000 #, en Contrat de Constitut au denier vingt.

La reste de cet argent fut employé en réparation à l'Eglise et à la Maison ; on a fait paver en marbre, noir et blanc le choeur et le Sanctuaire que l'on a agrandi et fermé d'une balustrade de fer ; toutes les Croisées de l'Eglise, à l'exception de celles qui sont sur les Chapelles et dans la Nef, ont été renouvelées en fer, en plomb et en vitres. Les armes de la Ville qui étoient sur les anciennes vitres ont été remises aux mêmes endroits aux frais de la Ville. Ces ouvrages furent faits dans le cours de l'année 1744.

Ce fut au commencement de Juillet de cette année 1744 qu'arriva le Saint-Jacques, vaisseau dans lequel était la belle Statue qui est placée au milieu du Grand Autel. (Note : L'Ecrivain de 1744 ne signale dans le texte que l'arrivée de « la Statue placée au milieu du grand Autel » lorsque le Sous-Titre annonce l'Arrivée des « Statues de marbre de Gênes ». C'est évidemment une erreur. Les trois Statues énumérées dans le Contrat passé par le Prieur D. Placide Ferron avec le Statuaire Schiaffino sont arrivées par le même bateau. Les statues de Saint-Benoît et de Saint-Maur furent placées aux deux extrémités du Grand Autel. D'après l'abbé Manet, ces trois statues, avec les six colonnes de marbre mentionnées en 1710 auraient passé la période révolutionnaire dans la grande boucherie, alors située sur l'emplacement des réservoirs d'eau de la rue Saint-Benoît. Elles ornent depuis 1801, le grand Autel de la Cathédrale].

MM. les Associés de ce vaisseau dont M. Ducoudray-Péré étoit armateur voulurent bien nous remettre le frêt et MM. Bancherots nous remirent les Assurances qui se montèrent à 150 #. Cette statue fut conduite avec beaucoup de précaution depuis la Grande Porte jusqu'à notre Eglise et ce ne fut pas sans beaucoup de peine qu'on la plaça sur son piédestal qu'on fut obligé de relever de 8 pouces parce que la statue paraissait un peu petite. Ce fut à peu près vers la même époque qu'on fit faire le Grand Autel en marbre et la crédence. Le. tableau qui est au-dessus du couronnement, les six chandeliers et la Croix de cuivre passé en vernis ; le Soleil de cuivre doré en or moulu, les deux chandeliers de cuivre qui sont aux deux bouts des stalles, tous ces ouvrages ont été faits à Paris par Raymond fondeur.

L'année suivante (Note : Le 4ème Ecrivain ne soigne nullement son travail. La belle ordonnance qui règne dans l'agencement des alinéa et la rédaction de ses prédécesseurs n'existent plus. L'écriture est défectueuse, les Sous-Titres s'allongent d'une façon anormale et sans raison. Il semble même que ces sous-titres aient été faits postérieurement au texte, pour le résumer), le R. P. Prieur, après en avoir obtenu la permission du T. R. P. Général, vendit à M. Farge orfèvre de cette ville, 6 chandeliers d'argent de différents gouts, tous bossés et remplis de plomb et 4 autres petits chandeliers aussi d'argent. Ce fut le même orfèvre qui quelque tems avant vendit un Calice d'argent d'un nouveau goust avec des burettes et une cuvette et 2 autres burettes et un petit plat d'argent ; on lui donna en échange un petit calice vieux et très léger, une croix d'argent, un petit plat et 2 anciennes burettes d'argent, le surplus fut payé en espèces.

Les 2 autels de marbre des Chapelles du Saint-Esprit et de la Vierge furent faits en 1745. Les pierres de ces 3 autels ont été sacrées par le R. P. D. Hiacynthe Briançon, abbé de Saint-Vincent du Mans.

C'est le nommé Maurice Pierlet, maistre marbrier de Laval qui a fait et posé les Autels, le pavé, etc.

Quelque tems auparavant on avoit fait faire les Balustrades de fer qui ferment les chapelles de la Nef. C'est le Sr. Thénot serrurier qui les a faites, aussi bien que les Chandeliers à branches des Chapelles du Saint-Esprit et de la Vierge.

C'est Dufeu serrurier de la maison qui a fait la Balustrade du Grand Autel, les pupitres et les 2 chandeliers qui sont entre les Colonnes.

C'est dans le même tems qu'on a fait blanchir l'Eglise et qu'on a peint les piliers et les Corniches. Les bancs de notre Eglise furent tous ôtés en 1745. Ils nous produisoient très-peu et embarrassoient beaucoup. La ferme des chaises en est augmentée de plus de 500 #. On a fait faire plusieurs autres choses à l'Eglise dont le détail seroit trop long.

En 1746, on fit faire un dai fort propre pour les processions du Saint-Sacrement ; peu de tems après on en fit faire un autre pour le Jeudi et Vendredi Saint. Vers le même tems on fit faire deux Chappes noires pour les services ; une chasuble noire fort propre, 2 communes en noir, 2 autres communes en blanc ; une chasuble fort propre pour le 2ème ordre, en rouge ; on a fait raccommoder la plupart des autres ornemens.

On a aussi fait faire une écharpe fort propre pour les bénédictions du Saint-Sacrement.

On a fait faire les nouveaux Reliquaires du Grand Autel et des 2 autels du Saint-Esprit et de la Vierge.

On a fait accommoder la Galerie qui conduit du dortoir à l'Eglise, de façon que les chaises de l'Eglise y sont placées et que le passage est encore libre ; on a fait faire la porte de la Galerie et comme les loquets sont répandus par toute la ville, on a fait faire de nouvelles clavières et des clefs aux premières portes. Les 2 dortoirs ont été entièrement changés ; on a d'abord fait la Grande Croisée qui occupe tout le fond du dortoir ; on a ensuite abattu les chambres du côté de la Citerne qui étoient inutiles dans le dortoir d'en bas, et les bois qui étoient disposés en haut pour y faire des chambres du même côté de la citerne ; on a agrandi les fenêtres d'en bas, et en haut et en bas on a fait faire des croisées neuves ; on a fait faire des chambranles neufs aux portes des chambres du dortoir d'en bas, on a redressé du mieux qu'il a été possible les planchers des 2 dortoirs, on a fait faire les 2 escaliers qui montent du cloître au 2ème dortoir ; ou a fait accommoder les 3 dernières chambres du dortoir d'en haut ; on a fait faire les clouaïsons et les fenêtres, etc.. il y a encore dans le dortoir trèze chambres logeables en cas de besoin ; on a fait boiser la chambre commune comme elle est aujourd'hui ; on a fait faire la fenêtre cintrée qui donne du jour à l'escalier qui monte du 2ème dortoir au galetas ; on a fait faire la grande Echelle qui conduit aux cloches et plusieurs autres grandes et petites échelles à l'usage de la maison ; on a fait raccommoder et nettoyer l'orgue.

Le marteau des cloches, la lampe du dortoir et bien d'autres choses ont été faites de ce côté de la maison. Le réfectoire a été diminué d'une croisée qui sert de porte au jardin. La cloison, les portes du jardin, de la cuisine, du fond du réfectoire ont été faites ; les tables du Réfectoire ont été partagées en trois. La boiserie a été peinte à l'huile, les murs ont été blanchis ; les fenêtres qui s'ouvrent ont été faites. La cuisine a été raccommodée plusieurs fois, enfin elle a été voûtée ; on y a fait la grande croisée du Côté de l'Evesché, les fourneaux, le four, les tables, le pavé, on a plafonné la cuisine, etc. on a abattu la cloison de bois qui partageait la grande cave et on a fermé la nouvelle voûte pour en faire la Cave du Vin.

Le cloistre a été réparé et blanchi plusieurs fois en dehors et en dedans ; on a fait à la citerne tout ce qui y est aujourd'hui, la roue pour tirer l'eau, le réservoir de plomb, le robinet ; les conduits depuis la citerne jusqu'à l'entrée de la Cave sont de terre, tout le reste est de plomb, les robinets de la cuisine, du réfectoire, de la cave, du Jardin sont nouveaux. La porte d'entrée de la cave au cloistre et le parloir ont été faits nouvellement ; la fenêtre vis-à-vis celle du portier, la petite chambre où l'on sonne pour appeler les Religieux n'étaient point ...... L'hostellerie a été réparée ; on a fait faire les lieux communs avec toutes les précautions possibles ; on a fait approprier la chambre d'en bas à gauche pour y mettre un lit et y loger un Religieux en cas de besoin. La chambre vis-à-vis de celle où l'on mange a été achevée de boiser ; toute l'Hostellerie a été blanchie.

On a fait faire une grande quantité de linge à l'Hostellerie, au réfectoire, à la cuisine et à la Sacristie.

La porte vitrée qui conduit à la Gallerie du Jardin a été faite ; cette gallerie et la petite Salle du bout ont été appropriées ; la Salle a été pavée. Le Jardin a été tout changé ; on l'a fait ce qu'il est aujourd'hui.

Le mur mitoyen entre le cimetière et le jardin a été refait depuis les fondemens ; tous les murs ont été récrépis ; les lieux communs ont été transportés où ils sont aujourd'hui, on a réparé la petite cour qui est au bout du jardin, du côté des fours et on l'afferme aujourd'hui. Voilà un détail en gros de toutes réparations qui ont été faites à l'Eglise et à la maison depuis 1744.

Au mois de Janvier de 1747 Monseigneur le Duc de Penthièvre (Note : . L. J. Marie de Bourbon, duc de Penthièvre. fils du comte de Toulouse et dernier héritier des fils légitimés de Louis XIV, 1725-1793, servit sous le maréchal de Noailles et garantit la Bretagne d'un débarquement des Anglais), Grand Amiral et Gouverneur de Bretagne vint à Saint-Malo ; la Ville le reçût avec honneur, la Communauté fut à son tour le complimenter à l'Evesché. Le prince nous fit l'honneur d'assister au Salut qui se fit exprès pour lui la veille de Saint-Maur. On fit pendant le séjour du prince à Saint-Malo quelques Illuminations au dôme de l'Horloge dont on parut content ; le prince voulut bien nous témoigner de la satisfaction de la manière dont nous l'avions reçu ; il nous promit l'honneur de sa protection.

En 1745 le P. D. Gabriel le Gault fut élu Conventuel et le R. P. D. Victor de Fougeras fut continué Administrateur de cette maison (Note : Ici finit la relation du 4ème Ecrivain. Le travail est de plus en plus négligé. Cette fin coïncide encore avec la mort d'un religieux. Voir alinéa suivant).

Le Père D. Yves le Fresne, sous-prieur de ce Monastère mourut le 27 de Septembre de 1747 après avoir reçu tous les Sacremens ; il étoit âgé de 65 ans et fut enterré devant la Chapelle de l'Enfant Jésus où il confessoit (Note : Le 5ème Ecrivain n'a rédigé que les 5 premières lignes concernant D. Yves le Fresne ; tout le Sous-Titre est d'une autre main).

C'étoit un fort bon Religieux qui avoit parfaitement bien fait ses Etudes, il étoit en état de regenter (Note : En état de professer). En 1715 il fut licencié de l'un et l'autre droit dans l'Université d'Angers et fut pendant quinze ans Official (Note : Official. — Juge ecclésiastique délégué par l'Evêque pour exercer en son nom la juridiction contentieuse) dans notre Abbaïe de St-Florent le Viëil [Note : Saint-Florent le Viëil (Maine-et-Loire). — Ancien Monastère fondé par Charlemagne] qui a une Loi diocésaine et une juridiction quasi épiscopale sur dix Paroisses ; il y fut Prieur les trois dernières années des quinze qu'il y demeura et ensuite il fut encore Prieur de Lèvières (Note : Lévières. — Prieuré situé à l'extrémité Ouest d'Angers, sur la Maine, fondé par Geffroy Martel, comte d'Anjou en 1040, relevait de l'abbaye de Vendôme) ; il étoit infatigable au Confessionnal et étoit bon Casuiste, aussi grand nombre des personnes de la première considération de la Ville avoient-Elles confiance en lui et il fut regretté de toute la Ville, où il étoit très-estimé. Requiescat in Pace. Amen.

Observations à faire pour la Suite. — Quand on a marqué en l'année 1744 que les armes de la Ville avoient été remises aux frais de la Ville, il est à propos de raconter le fait. En 1744, quand on fit raccommoder les vitraux du Choeur, on ôta les armes de la Ville qui y étoient, dit-on, de temps immémorial et on ne les replaça point. Les Messieurs de Saint-Malo s'en étant aperçus en parlèrent à Mr. Du Clos Jolif, maire de Ville, qui vint en parler au R. P. Prieur, qui demanda par quel droit ces armes se trouvoient placées dans une Eglise qui ne dépendoit point d'eux ; qu'il ne se trouvoit rien dans les archives de cette maison qui fondât ce droit et que quand on lui feroit voir ce droit bien fondé, on remettroit ces armes. Mr. le Maire convoqua par 2 ou 3 fois la maison de Ville contre Nous à ce sujet ; il y eut des pourparlers entre Mr. le Maire et les députés de la Ville et le R. P. Prieur et enfin toutes réflexions faites ces armes furent remises sur les Vitraux du Choeur. Cette démarche nous fit beaucoup d'ennemis, aussi bien que d'avoir ôté les bancs de l'Eglise qu'il ne convient pourtant pas de remettre. Cette indisposition commence bien à passer.

Au sujet de Monseigneur de Penthièvre est à observer que lorsque son Altesse fut rendue à l'Evesché où elle logeoit, il fut d'abord complimenté par Monseigneur l'Evesque (Note : Alors Mgr. Fogasses de la Bastie, 1739-1767) et ensuite par le Chapitre en manteau long et bonnet carré. Après quoi le R. P. Prieur assisté de toute la Communauté lui fit son compliment ; il voulut voir la petite figure de la Conchée (Note : On ne trouve aucune trace de cette figure de la Conchée. C'était probablement une reproduction du Rocher de la Conchée et du Fort qu'il porte). On la porta à l'Evesché, il en parut content et fit mille politesses au R. P. Prieur et les Religieux qui l'accompagnoient. Ce fut alors qu'il promit au R. P. Prieur de se trouver à un Salut de Bénédiction du S. Sacrement dans notre Eglise qui se donna le lendemain exprès .......

Le 14 de Janvier de 1747, sur les 6 heures et demie du Soir, il est inconcevable le Monde qui s'y trouva. Il y eut une Illumination magnifique au Grand Autel. Le R. P. Prieur, en très peu de temps fit peindre les armes de en Huile et ces toiles étoient attachées à deux machines faites exprès en forme d'Arcade demi-cintrée par le haut. Ces arcades étoient remplies au dedans de Lampions qui faisoient un effet merveilleux et à la faveur desquels on voyoit même du bas de l'Eglise, comme en plein jour, les Armes du Prince et on lisoit la légende dont les Ecussons étoient environnés, quoique ces deux machines fussent placées sur les Corniches du demi-Cintre du Grand-Autel, c.-à-d. en haut des Colonnes, une d'un côté, l'autre de l'autre. Cette légende étoit heureusement trouvée rapport aux circonstances de la guerre où nous étions, et fut trouvée d'un bon goust. Elle étoit prise du 23ème Chapitre de la Genèse, Verset 6éme, où les Enfants de Heth se congratuloient d'avoir dans leur ville Abraham à qui ils dirent : « Princeps Dei et Pacis Est Apud Nos ». Cette légende étoit écrite en très gros caractères, et les Ecussons ornés et accompagnés des Marques des Ordres du Roy dont M. le Prince est Chevalier ; outre les Lampions dont tout l'Autel et le Choeur étoient garnis et placés avec adresse et goûst, il y avoit encore plus de deux cents bougies et cierges placés en des fiches et Chandeliers dans tout le Choeur et le Grand-Autel de façon que le Choeur et l'Autel étoient illuminés de plus de quatre cents lumières. Les Portes de l'Eglise étoient gardées par des Fusiliers Invalides du Château que M. de Tavignon, lieutenant du Roy au Château avoient envoyés à cet effet. Le R. P. Prieur les lui avoient demandés, Nous étions tous en aube et en chappe dans le Choeur quand sur les 6 heures et demie on vint avertir que le Prince venait ; il entra par la Porte du St-Esprit, pendant que nous allions par la Nef pour le recevoir à la Grande Porte du bas de l'Eglise. Nous le rejoignîmes à l'entrée du Choeur, sous la lampe où il s'arrêta environné de nombreux Seigneurs. Ce fut là que le R. P. Prieur lui présenta l'Eau bénite et ensuite lui présenta la Croix de Vermeil où il y a de la vraie croix à baiser et il se mit à genoux sur un carreau pour le faire ; ensuite il se leva et ce fut alors que le R. P. Prieur lui fit un compliment qui fut fort goûté, et auquel il répondit en peu de mots, et ensuite on le conduisit dans un banc à accoudoir que nous avions orné de notre mieux de Tapis et de Coussins, qui étoit placé au milieu du Choeur ; il y avoit des fauteuils et Chaises pour les Seigneurs et sa Suite ; pour Monseigneur d'Appolonie (Note : Monseigneur d'Apollonie : Evêque in partibus, de la suite du Prince. Apollonie, nom de plusieurs villes de l'Antiquité en Grèce, en Macédoine, dans l'Ile de Crête, en Palestine ?) il étoit placé dans la place du R. P. Prieur au Choeur. Tout le monde placé, le R. P. Prieur entonna le Te Deum que l'orgue continua alternativement avec le Choeur et le Peuple. Lequel fini on chanta le Pange lingua alternativement avec l'orgue, après quoi la musique de la Cathédrale qui avoit demandé cette grâce et qui étoit placée pour cela devant l'autel du St-Esprit, chanta un Motet ensuite le R. P. Prieur donna la bénédiction du St-Sacrement et un peu après le Prince s'en alla. Nous le reconduisîmes par la Nef jusqu'à la Grande Porte du bas de l'Eglise, où il fut remercié de l'honneur qu'il nous avoit fait et il répondit toujours gracieusement. Le R. P. Prieur alla le lendemain remercier plus amplement Son Altesse et ce fut alors aussi qu'il marqua plus au long combien il étoit sensible et reconnaissant de ce qu'on avoit fait pour lui, ajoutant qu'il trouvoit dans toutes les Maisons de l'Ordre de Saint-Benoît la même dignité et la même Grandeur, si propre et si naturelle à tout l'Ordre, etc., etc.   La Dépense qu'on a faite pour Monseigneur le Duc de Penthièvre va au Rapport du R. P. Prieur à environ 200 # car outre l'Illumination fameuse ......... (Note : Le 6ème Ecrivain a continué la rédaction depuis la mort du R. P. Yves Le Frêne jusqu'à la fin de l'année 1747).

................

(Ici se trouve la lacune dont il est parlé dans l'avant-propos)

................

Le Mercredi 10 Décembre sur les 7 heures du soir est mort D. Gilbert Marie Cunat, Prieur de ce Monastère depuis 1783 et qui venait d'être continué par le Chapitre Général tenu à Saint-Denys. le 2 Août et fini le 26 Août 1788. Il avait été nommé prieur pour la 1ère fois en Novembre 1766 et avait continué la même fonction jusqu'en 1778 pendant douze années de suite. Ce Religieux a toujours demeuré au Monastère depuis 1751 au mois d'Août qu'il vint y résider ; il a été successivement Procureur, Sous-Prieur et Sacriste de cette maison ; il y était beaucoup employé au Confessionnal et rendait d'ailleurs service au public, s'occupant à panser des plaies et ayant fait dans ce genre de très belles cures.

Il était entré jeune en religion, n'étant pas encore âgé de 15 ans ; il naquit à Rennes, en Novembre 1718 et est mort muni de tous les Sacrements, par un rhume totalement négligé, n'ayant gardé le lit que depuis le Dimanche au soir sur les 5 heures jusqu'au mercredi 10 Décembre 1788 qu'il est mort.

Il est enterré à la seconde Chapelle de l'Eglise. à la droite en entrant, qu'on appelle de l'Immaculée-Conception où il confessait depuis fort longtemps.

Le Monastère de Marmoutiers (Note : Le 7ème et dernier Ecrivain a fait la relation des évènements de 1788 et 1789), à la sollicitation de la Communauté de Saint-Benoît a fait don aux Capucins de Quimper dont la maison a été brûlée entièrement il y a 5 ans, des livres qui se trouvaient encore dans la Bibliothèque de Léhon près de Dinan (Note : Un arrêt du roi Louis XV en date du 6 Juillet 1766 ordonna à la Congrégation de Saint-Maur de régler la résidence de ses Religieux de telle façon que chaque Monastère en possédât au moins Dix. De là la suppression du Prieuré de Léhon, dont Saint-Malo reçut la Bibliothèque et quelques uns de ses revenus) en assez grand nombre à la Vérité, mais dont la meilleure partie avait été transportée ici.

Ces livres pourrissaient dans la poussière et on a jugé qu'on ne pouvait mieux les en faire sortir qu'en les plaçant chez les Capucins de Quimper. Le Père Aimé, gardien de Dinan, a été autorisé par la Communauté de Saint-Malo et la Lettre de Marmoutiers en date du 1er Mai 1789, à aller recueillir les débris de cette Bibliothèque, ce qu'il a exécuté dans le mois de Juin même année ; il les a emballés dans des barriques pour les faire passer d'abord à Saint-Malo et de là par mer à Quimper par la première occasion favorable.

Marmoutiers avait déjà donné aux Capucins de Dinan, l'horloge de Léhon qui leur sert actuellement, y ayant à la Vérité fait faire dans le temps beaucoup de réparations ; ils ont été fort sensibles à cette faible générosité.

Pour l'avent de 1788, la Cathédrale a fait changer l'heure des Sermons qui jusqu'à cette époque avaient toujours eu lieu à 8 heures du matin en avent comme en carême. Le sermon pendant cet Avent s'est fait le soir après les Vespres du Choeur et ce changement nous a été fort préjudiciable pour notre Eglise ; pour nous, servir du Prédicateur de la Cathédrale, nous avons indiqué notre Sermon à 9 heures le matin, mais ne s'étant presque trouvé personne, on alla annoncer que vu le petit nombre d'Auditeurs, il n'y aurait pas de Sermon, à l'exception du jour de Noël, où l'on a prêché à la grande Eglise selon l'usage ancien à 8 heures et le soir chez nous ; nous n'avons point eu de Sermons chez nous le reste de l'Avent quoique le Prédicateur se rendit toujours pour prêcher, mais le petit nombre des assistans s'y opposait.

Au commencement de cette année, l'heure pour la Messe de Paroisse qui se célébrait toujours auparavant à 7 heures et le prône aux 3/4 de l'heure, dis-je, a été fixée pour le présent et l'avenir à 8 heures et le prône immédiatement après, c'est à raison de ce changement que le Sermon a été transféré au soir, ce qui ne devait d'abord avoir lieu que pour les dimanches et fêtes, ainsi que le Seigneur Evesque l'avait demandé, mais le Vénérable Chapitre l'a statué et déterminé pour tous les jours de Sermon.

Ne pouvant nous servir du Prédicateur de la Cathédrale, vu la Concurrence de l'heure, nous avons eu recours à M. Lodoïser, Sacriste de la paroisse de Saint-Servan ; cet Ecclésiastique prêche bien et malgré cela notre Eglise a été peu fréquentée pendant tout le Carême. La Cathédrale attire le plus grand monde et en outre Victoire, Sainte-Anne, Saint-Sauveur et les Récollets font prêcher à la même heure de sorte que toutes les Eglises de la Ville ont le Sermon à la même heure. 

C'est ce qui fait que le bail de nos chaises pour l'Eglise a totalement tombé et de 700 # qu'elles nous rapportaient par le bail qui ne doit finir que dans 3 ans, nous n'en retirerons pas pour cette année 1789. 300 # ; ayant été nous-mêmes les premiers à souscrire à ce rabais qui ne fera qu'accroître de plus en plus et par notre petit nombre de Religieux et par le dépérissement de la religion et par la préférence que méritera toujours la Mère Eglise (Fin du manuscrit). M. Riéger (1908).

LISTE DES PRIEURS

du Monastère de Saint-Benoît depuis l'Installation de la Congrégation
de Saint-Maur 1er Avril 1669
(*1)

Dom Marcel Arsène

1669-1672 (*2)

Dom Lorier Jean

1672-1678

Dom Ferrier Pierre

1678-1684 (*3)

Dom Morin Jacques

1684- »»

Dom Turpin Charles

1684-1690

Dom Gingats Pierre

1693-1699

Dom Leduc Placide

1699-1702

Dom Bourgonnière Julien

1702- »» (*4)

Dom Hougats Nicolas

1703-1707

Dom Courtin Toussaint

1707- »» (*5)

Dom Drouin Martin

1708-1714

Dom Patrou Claude

1714-1717

Dom Le Maitre André

1717-1719 (*6)

Dom Grassin Jacques

1719-1726

Dom Mauger Simon

1726-1729

Dom Ferron Placide

1729-1739

Dom Hubert Benoît

1739- »» (*7)

Dom Ferron Placide

1739-1743

Dom de Fougeras Victor

1743-    ? (*8)

(Lacune du Manuscrit)

 

Dom Cunat Gilbert-Marie

1783-1788 (*9)

Dom Rousseau Jean

1788-1790 (*10)

*1 : Les Prieurs de la Congrégation anglo-bénédictine ne sont pas régulièrement désignés dans le le Manuscrit. Le premier fut D. Gabriel de Sainte-Marie ; le dernier fut D. Anselme William.

*2 : Les Prieurs de la Communauté de Saint-Malo étaient élus pour 3 ans, avec faculté de renouveler deux fois le Mandat. Toutefois une exception fut faite à cette règle pour D. Placide Ferron.

*3 : N'est resté que 6 mois à Saint-Malo.

*4, 5, 6, 8, 9 : Décédés au Couvent Saint-Benoît.

*7 : Fut nommé prieur de Saint-Malo, mais n'y parut point.

*10 : Sorti du Couvent en avril 1790.

 

DE 1747 A 1787

Dans notre Avant-Propos, nous avons signalé la lacune qui existe dans l'Histoire du Couvent de Saint-Benoît. Elle est arrêtée brusquement au 14 Janvier 1747, date de la cérémonie religieuse à laquelle assista à l'Eglise du Monastère le duc de Penthièvre, grand Amiral de France, et Gouverneur de Bretagne, en tournée d'Inspection à Saint-Malo. Au bout de 41 ans seulement, un 7ème Ecrivain consacre 2 Alinéas aux années 1788 et 1789. Que se passa-t-il au Monastère pendant ce long intervalle. Rien de bien important probablement. L'ère des procès avec le Seigneur Evêque et son Insigne Chapitre est close. Les Bâtiments claustraux, les Lieux réguliers sont ter­minés et l'Eglise a reçu sa riche ornementation dont les moines Ecrivains énumèrent avec complaisance tous les menus détails.

Les Diètes annuelles s'assemblent comme par le passé et les Prieurs y sont désignés et reconnus par la Communauté dans la forme accoutumée. Il ne restait plus qu'à assurer l'entretien des Bâtiments et les objets du Culte.

Mais voici la Révolution qui vient à grands pas, préparée par les Ecrits philosophiques des XVIIème et XVIIIème siècles. Les couvents se vident, les revenus diminuent en même temps.

Une grave mesure va être prise pour remédier à cette situation.

Le 6 Juillet 1766, le roi Louis XV, conseillé par les Evêques rend un Arrêt par lequel il ordonne à la Congrégation de Saint-Maur de prendre les dispositions nécessaires pour que chaque Etablissement fut habité au moins par dix Religieux. Cette condition première était inscrite dans les Bulles et Lettres patentes d'Erection de la Congrégation.

Le Chapitre Général assemblé en Septembre de la même année (1766) à Saint-Germain des Prés à Paris décide la suppression de la Conventualité d'un certain nombre de Prieurés, afin de créer des Communautés plus nombreuses.

Le Monastère des Bénédictins de Saint-Malo se trouvait dans les conditions prévues par l'arrêt du Roi : Peu de Religieux (Note : Ils n'étaient plus que six religieux), peu de Revenus fixes. Il devait disparaître.

La population s'émeut et dès le 21 Août 1766 M. White de Boisglé, maire de Saint-Malo, assemble son Conseil pour lui exposer la situation.

Le. Registre N° 37 du Greffe de la Ville et Communauté de Saint-Malo porte, à la date ci-dessus, la Délibération suivante :

Assemblée tenue à l'Hôtel-de-Ville où présidait Messire White, Seigneur de Boisglé, Maire de la Ville de Saint-Malo après avertissement fait à chacun de ceux qui doivent composer l'Assemblée, par le garde du corps de ville et le son de la cloche de la Grande Porte en la manière accoutumée ; le dit garde ayant affirmé avoir averti Mr le Doyen du Chapitre, pour que Messieurs les Députés du dit Chapitre y eussent assisté, si bon leur eût semblé. Présents. 

MM. Le Breton, Lieutenant de Maire. 

Dubois le Jeune, Commissaire de Police dans le faubourg Saint-Servan ..... Echevin.  

Potier de Lahoussaye ..... Echevin.

Jallobert Lainé ...... Echevin.  

Morrogh ...... Premier Consul en exercice.

Bossinot fils ...... Assesseur.

Moisan, Commissaire de Police dans le faubourg Saint-Servan ..... Assesseur.

Guillemant Des pêchers fils ..... Assesseur.

Le Clerc, Trésorier des Octrois et Patrimoniaux. 

Magon de Coetizac ....... Baillif des Eaux.

Magon de la Ville Huchet fils ...... Baillif des Eaux.

Vincent de Villemin .... Commissaire de Police dans la Ville.

Gaubert de la Flaudais .... Commissaire de Police dans la Ville;

Jolif de la Ville Huchet .... Commissaire de Police dans la Ville.

Duparc Louvel fils, Avocat et Procureur du Roi. 

Grandchamp Chevalier, Secrétaire, Greffier. 

Il a été fait lecture de la délibération précédente du 17 Juillet dernier. 

On prend la Résolution de solliciter la Conservation du Monastère des Bénédictins situé dans l'enceinte de la Ville

M. le Maire a représenté à l'assemblée que par un article de l'Arrêt du Conseil qui confirme les Bulles et Lettres patentes d'Erection de la Congrégation de Saint-Maur, il est réglé que les Religieux seront distribués de manière que dans chaque Monastère il n'y en ait pas moins de Dix. Que, pour satisfaire à ce Règlement, les Maisons de la Congrégation qui n'ont pas des biens suffisants pour entretenir Dix Religieux seront réunies, que le Monastère situé en cette ville n'étant pas pourvu des biens nécessaires pour soutenir la Conventualité de Dix est par conséquent du nombre des maisons qui seront réunies ; que cependant, par plusieurs raisons, il est non seulement utile mais nécessaire pour le Bien de la Ville que ce Monastère soit conservé : Premièrement, parce que le Clergé étant peu nombreux dans la Ville et n'y ayant qu'une autre communauté d'hommes, si le Monastère en question est supprimé, les habitants de la Ville seront difficilement servis dans leurs besoins spirituels. Secondement, parce que la pluralité des Corps et Communautés dans une Ville excite et entretient à l'avantage du Public, en les faisant chacun s'évertuer de plus en plus à mériter l'estime et l'amour du Public ; Troisièmement, parce que l'Eglise du Monastère dont il s'agit est la seule de la Ville, outre l'Eglise Cathédrale, où tous les jours l'exercice solennel de la Religion se fasse ; quatrièmement, parce que ce monastère avec seulement six Religieux ayant été utile à la Ville, le deviendra bien davantage lorsqu'il renfermera un plus grand nombre de Religieux : car plus une Communauté est nombreuse, plus Elle réunit de Lumières, de Talens et de Vertus. Cinquièmement, parce que les Armes de la Ville étant apposées aux Vitres du Choeur de l'Eglise de ce Monastère, c'est un Titre qui réclame pour lui le Secours de la Ville. M. le Maire a ajouté qu'il espérait donc que, par toutes ces considérations, l'Assemblée se porterait avec Chaleur à faire tout ce qui dépendrait d'Elle et à ne rien négliger pour procurer la conservation de ce Monastère.

Après avoir entendu M. le Maire, L'assemblée pleine de Vénération pour l'ordre de Saint-Benoît qui depuis tant de Siècles a rendu de si grands services à la Religion, à l'Eglise, et à l'Etat et dont le lustre a été renouvelé par la Congrégation de Saint-Maur, sentant d'ailleurs la Vérité et la Justesse de la Représentation de Mr. le Maire, a unanimement prié Mr. le Maire de faire au nom de la Ville toutes les démarches qu'il jugera nécessaires et propres à conserver le Monastère de l'Ordre de Saint-Benoît situé en cette ville, et de solliciter à cet effet partout où besoin sera. Signé : White de Boisglé.

Le Registre de la Correspondance renferme deux lettres de M. le Maire qui montrent que déjà à cette époque, il était urgent d'agir directement à Paris, pour obtenir des pouvoirs publics une solution favorable aux intérêts des localités : A MM. Jolly de Fleury. Conseiller d'Etat, et Baugeois de Boyne à Paris. Le 8 Mars 1767. « MESSIEURS, Frappés des raisons également vraies et solides contenues tant dans la lettre que le 24 de Sept. dernier, j'ai eu l'honneur de vous écrire et dont je joins ici copie, que dans la Délibération de l'Assemblée de Ville dont j'accompagnai cette lettre, vous vous êtes déterminé à conserver le Monastère des Bénédictins situé dans l'enceinte de la Ville de Saint-Malo, et, en conséquence vous avez alors réglé que le Prieuré de Léhon serait uni à cette maison. Depuis ce temps-là, avec tous les habitants de Saint-Malo, je ne cessais de me féliciter de ce que ce Monastère si utile, si nécessaire au bien-être de la Ville subsistât. Mais un avis que j'ai reçu est venu troubler mon contentement. On m'a averti que les Religieux de l'Abbaye de Marmoutiers avaient formé le projet de faire réunir à leur Abbaye et le Monastère de Saint-Malo et le Prieuré de Léhon et à cet effet vous sollicitaient de réformer votre ouvrage. Ne pouvant appercevoir ni deviner les raisons qui pousseraient à l'exécution d'un pareil projet ces Religieux, je pense que c'est une fausse allarme qu'on m'a donnée. Si elle était fondée, relativement à l'extrême besoin que la Ville de Saint-Malo a du Monastère situé en son enceinte et aux amples revenus que possède l'Abbaye de Marmoutiers à l'extérieur, la conduite des Religieux de cette Abbaye me paraîtrait semblable à celle de personnes qui, regorgeant de biens, se portent néanmoins à enlever aux autres leur petit et dur nécessaire. Quoi qu'il en soit de la réalité du projet en question, pour me délivrer de toute inquiétude à son égard, j'ai l'honneur de vous supplier très humblement et très instamment de maintenir votre premier ouvrage, le sujet pour les habitants de Saint-Malo de la plus vive comme de la plus sincère reconnaissance envers vous, de laisser en conséquence invariablement subsister le Monastère de Saint-Malo, dont la conservation est intimement liée avec le Bien être de la Ville, ne peut que concourir au plus grand bien de l'Eglise et de l'Etat et est conforme aux dispositions de l'Arrêt qui ordonne les Réunions duquel le voeu n'est pas que, pour rassembler par centaine dans un endroit les Religieux, les suppressions de Monastères soient multipliées à l'infini, mais bien qu'elles soient bornées au nombre nécessaire pour opérer la Conventualité de dix Religieux. Par l'union du Prieuré de Léhon au Monastère de Saint-Malo ce dernier objet est pleinement rempli. Car certainement les biens réunis de ces deux maisons peuvent entretenir plus de Dix Religieux. Je suis avec un.... etc. White de Boisglé ».

Au R. P. Cunat, Prieur des Bénédictins de Saint-Malo. Le 9 Mars 1767.

« Ci-joint est copie de la Lettre qu'en conséquence de celle dont vous m'avez honoré Vendredi dernier et des instructions particulières que le même jour Madame de Boisglé m'a données (!), j'ai écrit hier à MM. Joly de Fleury et Baugeois de Boiyne. Cette lettre a été enfermée dans une autre dont j'ai prié M. L'Intendant de l'étayer. J'augure au mieux du secours de M. L'Intendant ; car c'est aux mouvements qu'il s'est donnés, sur la lettre que je lui écrivis à Paris, que vous devez votre existence jusqu'à présent. Vous étiez rayés, et il vous fit remettre au nombre des maisons à conserver. J'espère donc que celui qui vous a redonné la Vie vous la conservera. Si cette conservation dépendait uniquement de la sincérité et de l'ardeur de mes désirs, je vous assurerais qu'elle serait certaine. En faisant tous mes efforts pour la procurer, j'ai la satisfaction de travailler à acquitter la juste reconnaissance que la Ville doit à votre Monastère, pour les services qu'il lui a certainement rendus et me propose de marquer mon attachement inviolable à l'ordre de Saint-Benoît, ordre respectable par tant d'endroits et de vous prouver en particulier l'entier dévouement, le parfait respect avec lesquels je suis... etc. White de Boisglé ».

L'insigne Chapitre de la Cathédrale est lui-même revenu à de meilleurs sentiments à l'égard des Bénédictins. Il met tout en oeuvre pour assurer « la conservation en nos murs de ces Religieux qui nous rendent nuit et jour les plus grands services, avec autant de zèle que de succès ». La Décision prise par le Chapitre Général en Septembre 1766 reste en suspens. Aussi le 3 Avril 1767, le roi rend un nouvel arrêt en Conseil d'Etat pour rappeler ses ordres antérieurs. Alors le Chapitre Général se décide et supprime 27 Prieurés dont celui de Léhon (Note : l'Abbaye des bénédictins du Tronchet en Plerguer se trouvait au nombre des 27 établissement supprimés). Celui de Saint-Malo est conservé grâce aux démarches multiples et pressantes de M. White de Boisglé. 

Le 24 Mai 1767, l'ordre de dispersion est apporté aux Religieux de Léhon par le R. P. Baron, de la maison de Saint-Malo, nommé Procureur-Régisseur du Prieuré supprimé. Le R. P. Davy, Sous-Prieur de Léhon, est envoyé au couvent de Saint-Malo. 

La Mense Conventuelle de Léhon est attribuée à la Communauté de Saint-Malo. Mais sur la réclamation de l'abbaye de Marmoutiers, le Chapitre Général assemblé à Saint-Germain des Prés (Paris, 1772) lui adjuge la jouissance des revenus de Léhon, à charge de payer une subvention annuelle de 4000 # en faveur de Saint-Malo.

A partir de la Révolution

Fermeture des Etablissements religieux. — Vente des Biens nationaux. — L'Eglise de Saint-Benoît, d'abord Caserne, ensuite Magasin à fourrages. — Le Monastère de Saint-Benoît est transformé en Entrepôt général des Tabacs en feuilles de la Contrée.

Le 5 Mai 1789, le roi Louis XVI convoque les Etats généraux à Versailles.

Les Evènements se précipitent. L'Assemblée nationale transformée le 27 Juin en Assemblée Constituante détruit par décrets tout le vieil édifice monarchique.

Le 2 Novembre 1789, elle décrète que les biens du clergé sont mis à la disposition de l'Etat comme biens nationaux (Note : Les biens nationaux devaient servir de Gages pour l'émission du papier-monnaie trop connu sous le nom d'Assignat) « à charge par la Nation de pourvoir d'une manière convenable aux frais du culte et à l'entretien de ses Ministres ».

Elle ordonne à tous les titulaires de bénéfices et à tous les supérieurs d'établissements religieux de présenter sous deux mois une déclaration détaillée des biens, meubles et immeubles dépendant des dits établissements.

Le R. P. Chevreux, Supérieur général de la Congrégation de Saint-Maur écrit aux Religieux de son Ordre une lettre très digne et qui vraiment mérite d'être connue. Après les avoir exhortés à dresser un état exact de leur Monastère, il ajoute : « Je partage vos craintes sur l'existence de l'état que nous professons ; je chercherais en  vain à vous inspirer une confiance que je ne puis avoir moi-même. La Providence qui marque à son gré le terme de toutes choses humaines, sait mieux que nous ce qui convient à la gloire de la Religion ou bien de l'Etat. Elle tient en ses mains le destin des Assemblées ; elles ne prennent de résolutions que celles qu'elle permet et qui sont, selon ses desseins, toujours adorables, en nous punissant comme en nous récompensant. S'il était en mon pouvoir de fixer les opinions de l'Assemblée nationale, je les tournerais toutes à la prospérité d'un corps aux dangers duquel je ne puis refuser mes larmes, etc., etc. Au reste, s'il ne dépend pas de nous de conserver les liens qui nous unissent depuis tant d'années, il sera toujours en notre pouvoir de conserver l'habitude ldu travail, et de la vertu, de mériter l'estime de nos concitoyens par des services proportionnés à nos forces et à nos talents, leur amour pour la douceur de nos moeurs et leur confiance par notre respect pour les lois. Notre Ordre a eu la gloire d'être naturalisé en France presque dès son berceau (Au VIème siècle) ; il y a porté la lumière, a changé la stérilité des déserts en de fertiles campagnes ; il a adouci la férocité des moeurs de nos ancêtres, et quand l'ignorance couvrait tous ces ténèbres, il a conservé dans le Royaume le dépôt sacré de la Religion, les chefs-d'oeuvre de la Littérature, le germe des sciences et des arts, dans lesquels il s'est toujours distingué. Si un nous arrête dans cette carrière, si utile et si glorieuse, on ne nous empêchera pas du moins de continuer d'être vertueux : c'est le dernier tribut que nous devons à la Patrie ; c'est celui qu'il faut rendre jusqu'au dernier souffle de notre vie, pour qu'on ne puisse dans la suite nous refuser des regrets » (Archives municipales).

Le Supérieur Général ne se faisait aucune illusion sur le sort réservé aux Congrégations religieuses.

Dès le 22 février 1790 les registres, papiers, titres de propriétés et de rentes sont transportés à la Municipalité après inventaire fait en présence des Religieux qui signent le procès-verbal (Note : P. V. du 22 février 1790 dressé par MM. Chaumont, président du District de Saint-Malo et Sébire, officier municipal, délégués par le District portant inventaire des titres, registres et papiers justifiant la propriété des biens fonds, rentes et revenus, etc., etc. appartenant au Monastère de Saint-Benoît, en présence de D. Jean Rousseau Prieur, D. Jean David, S.-Prieur, D. Joseph de Juin, Sacriste, et D. Thomas Devy, Procureur, qui ont signé le dit P. V. avec les délégués (Archives Municipales).

Le même jour en exécution des Lettres patentes du roi données le 18 Novembre 1789, à la suite. du décret du 2 Novembre de l'Assemblée nationale et des Instructions du T. R. P. Général D. Chevreux, le Prieur, au nom de ses Religieux et au sien, présente à la Municipalité les déclarations écrites des biens, revenus, livres, meubles, linge, ornements d'église, argenterie, etc. de la Communauté, déclarations longues, minutieuses qui montrent le désir sincère de ne rien dissimuler.

Je reproduis ci-après celles qui concernent les biens immeubles et les revenus divers. (Les immeubles en Ville sont donnés suivant les tenues et aveux des 11 Décembre 1709 et 12 Novembre 1734 et relèvent du Seigneur Evêque de Saint-Malo pour la juridiction de ses Regaires).

 

EN VILLE

Prix de Location

#          S.      d.

a)

Couvent, Eglise, Cloître, Jardin ..........

»»

 

 

b)

e)

Une maison adossée aux murs de l'Eglise ..........

Une maison située près de la porte du Cloître et

100

 

 

 

bâtie en partie sur la dite porte ...........

368

 

 

d)

e)

Une maison située entre la porte du cloître et l'Eglise ......

Une maison au Levant avec entrée dans la rue du

60

 

 

 

Cimetière .............

60

 

 

 

Le tout représentant environ 3/4 de Journal (note)

 

 

 

 

 

A L'EXTERIEUR

 

 

 

f)

Chapelle et Propriété de Clermont en Paramé ...........

54

 

 

g)

Pièce de terre au village du Gué en Paramé ...............

24

 

 

h)

Dixmereau de la Ville Hamon en Pleudihen ............

60

 

 

i)

j)

Rentes de Constitut et Hypothécaires ............

Rentes payées par l'abbaye de Marmoutiers sur les

566

17

7

      revenus du Prieuré de Léhon ...........

k)     Subvention fournie par l'Abbaye de Bourgueil

4.000

 

 

 

(Indre et Loire) .........

600

 

 

l)

Subvention fournie par l'Abbaye de Saint-Serge d'Angers

400

 

 

 

 

TOTAL des Revenus et Subventions .......

6.292

17

7

 

 

Les Charges comprenant les Impositions diverses se

 

 

 

 

montent à .............

78

15

4

 

 

Et le Revenu net ressort à ........

 

6.215

 

02

 

3

 

Note : Le Journal de Saint-Malo est de 48 ares 62.

Le 13 Avril 1790, les députés de la Municipalité vérifient l'exactitude des déclarations faites par les Religieux. Il s'agit du Procès-Verbal du 13 avril 1790, dressé par MM. Mathurin Jacques de la Grésillonnaye, prêtre chanoine, et Cosson, négociant, officiers municipaux députés par la Municipalité, sur la requête présentée par les Religieux, déclarant l'inventaire conforme aux déclarations du 22 février. Signé : de la Grésillonnaye, Cosson, D. Rousseau Prieur, D. Thomas Devy, D. de Juin. Les cieux derniers Religieux déclarent aux députés de la Municipalité vouloir profiter des dispositions des décrets de l'Assemblée nationale, concernant les Congrégations, des 13 et 19 février 1790 qui les autorisent à sortir du cloître pour vivre en citoyen dans l'Etat civil et ecclésiastique et demandent à emporter leur petit mobilier. D. Rousseau, Prieur, déclare qu'il n'a besoin de rien et qu'il va se rendre à l'Abbaye de Marmoutiers. Etienne Lacan, domestique et portier du Couvent réclame dix années de gages arriérés à l'une 45 l.  (donc 450 l.). Le Pape, cuisinier réclame 2 années de gages à 60 1. l'une (donc 120 l.). Françoise Berrest réclame une bourse en cuir noir contenant 300 l. confiée au R. P. Cunat, Prieur décédé en 1788. La Bourse est retrouvée avec une étiquette de la main du Prieur portant qu'elle appartient avec les 300 l. à la Vve Vimard. Toutes ces déclarations et réclamations sont inscrites au Procès-Verbal (Archives municipales). Du reste D. Devy âgé de 45 ans, profès du couvent de la Daurade de Toulouse le 29 Nov. 1764, et D. de Juin, 51 ans, profès du même couvent de Toulouse le 26 Xbre 1759, avaient déposé à la Municipalité, dès le 26 Mars 1790, leurs déclarations écrites de vouloir quitter la Congrégation pour entrer dans le clergé séculier, déclarations faites en exécution du décret de l'Assemblée nationale du 19 Février 1790, pour bénéficier des pensions accordées aux prêtres et religieux, sur le produit de la vente des biens nationaux et dont le montant avait été fixé comme suit : - Au-dessous de 50 ans : 800 livres. - De 51 à 70 ans : 1.000. - Au-dessus de 70 ans : 1.200. Le Sous Prieur David qui a signé le Procès-verbal du 22 février ne figure plus à celui du 13 avril. Il a dû quitter Saint-Malo en Mars. (Archives municipales).

Le 21 Avril, le greffier de la Municipalité procède à la vente de quelques meubles, jusqu'à concurrence des sommes dues immédiatement par la Communauté et des frais faits pour y arriver. Le Procès-verbal du 21 Avril 1790, dressé par Maître Joseph Jacques le Baillif, secrétaire-adjoint, greffier de la Municipalité, portant vente de meubles qui produit la somme de 1038 1. 9 s. 6 d. Ils sont immédiatement répartis comme suit : - A Etienne Lacan, domestique 450 l. plus 6 l. de gratification ; - A Le Pape, cuisinier 120 l. plus 6 l. de gratification. Le solde après paiement des frais (qui ne sont pas indiqués) est remis par parties égales aux trois Religieux pour leur « subsistance provisoire et frais de voyage ». (Archives municipales).

Les Religieux ont dû quitter immédiatement le pays : aucun d'eux ne figure sur le premier Etat de paiement des pensions ecclésiastiques du district de Saint-Malo.

Le reste du mobilier fut vendu les 11 Juillet 1791 et 20 Février 1792. Un contre-inventaire fait avant la vente de 1791 fit découvrir un vol considérable de linge et d'objets de literie.

La Bibliothèque, comprenant 2.686 volumes dont :

in-folio grand .......

633

in-quarto ........

427

in-octavo ..........

264

in-12 ........

1.362

et logée dans la salle du 2ème étage du bâtiment du midi, au-dessus de la salle commune, fut transportée à la Municipalité ; elle a formé avec celle du couvent des Récollets (rue de Toulouse) le noyau de la Bibliothèque communale actuelle.

L'argenterie et les objets du culte en matière d'or et d'argent dont l'inventaire et l'estimation avaient été faits par Duchêne et Huguet orfèvres, furent expédiés à Nantes pour être monnayés. Leur poids était de 114 marcs et 4 onces (Note : Marc, Once. Le marc valait 8 onces ; l'once était la 16ème partie de la livre ; la livre valait à peu près le demi-kilog. d'aujourd'hui).

Les trois statues et les six colonnes en marbre blanc figurent à l'inventaire du Couvent, et auraient dû être mises aux enchères ; mais nul document officiel ne nous révèle pourquoi elles n'ont pas été vendues, ni ne nous désigne le local où elles ont été conservées de 1790 à 1801, année de leur installation sur le grand autel de la Cathédrale.

Charles Cunat dans la Notice qui fait suite à l'article Saint-Malo, dans le dictionnaire d'Ogée écrit : « Le 4 Juillet 1798, le piédestal de la Croix de Mission, transporté du Sillon sur la place de la Commune reçut la déesse de la Liberté, ornée du niveau et du bonnet phrygien. Cette déesse n'était autre que la belle statue de la Foi arrachée du temple, et métamorphosée en la nouvelle divinité ». Arrachée de quel temple ?

Plus loin il nous apprend que « le 6 Juillet 1797, l'Administration centrale du département autorisa l'autorité municipale à prendre possession de la Cathédrale pour l'exercice du Culte ; les fourrages qui y étaient logés furent transportés dans les Eglises Saint-Benoît et la Victoire. Mais le 24 Septembre de la même année, le Directoire après le coup d'état (Note : Coup d'état exécuté par Barras, Laréveillère-Lepaux et Rembel contre leurs collègues Barthélemy et Carnot, des Membres du Conseil. des Cinq cents et du Conseil des Anciens, accusés de favoriser la royauté. Barthélemy et Carnot furent déportés à Cayenne avec 53 membres des deux Chambres, des journalistes, des prêtres, etc., etc. Les émigrés rentrés en France furent obligés d'en sortir immédiatement) du 18 fructidor An V (4 septembre 1797) fit de nouveau fermer la Cathédrale et ce n'est que le 1er Novembre 1800 qu'elle fut définitivement rendue à sa destination première. Mais des réparations urgentes, nécessitées par les démolitions et détériorations subies par l'édifice pendant la période révolutionnaire, firent ajourner l'exercice du culte à la fin de 1801 ».

Desmazières de Seichelles dans sa brochure : L'Abbé Manet, sa vie et ses ouvrages (Rennes et Saint-Malo, 1860), écrit de son côté : « L'office divin s'était d'abord célébré en secret à l'Hôtel-Dieu, dans la salle des fièvreux ; puis la Chapelle St-Sauveur, convertie en hangar, fut déblayée, ouverte au public et la messe y fut dite bien avant d'être célébrée à la Cathédrale. Le pieux abbé se plut à orner si bien sa Chapelle qu'il finit par porter ombrage au grand curé de la Cathédrale, M. Le Saoût, dont l'Eglise ne s'ouvrit définitivement que douze ou quinze mois après St-Sauveur. Un différend survint entr'eux à propos des trois statues de St-Maur, de St-Benoît et de la Religion qui ornent actuellement le maître-autel de la Cathédrale. L'abbé Manet ayant caché ces statues pendant la Révolution, prétendait les garder à St-Sauveur. M. Le Saoût voulait les avoir dans son église. Un rescrit de l'époque vint donner gain de cause au curé. Ce rescrit ordonnait que tous les objets du culte devaient être remis dans le plus bref délai à la Paroisse près de laquelle ils seraient trouvés ; or, comme la Chapelle St-Sauveur n'était nullement paroisse, M. Le Saoût usa de son droit en prenant pour son église les deux statues de St-Maur et de St-Benoit et une foule d'ornements et d'objets servant au culte que l'abbé Manet avait amassés à grand peine ».

Le Rescrit de l'Epoque sur lequel se basait le curé Le Saoût est le décret du 4-14 Septembre 1792 ainsi conçu : (Voir Dalloz, Domaines nationaux, t. 17, pages 307 et 308. Répertoire jurisprudence générale).

ARTICLE 1er. — Les ornements tissus d'or et d'argent fin et ornements d'or et d'argent seront envoyés à la Monnaie.

TITRE XI. ARTICLE 10. — Le Ministre de l'intérieur disposera du surplus des ornements, linges et autres effets mobiliers servant au culte des églises, des congrégations et associations religieuses supprimées, en faveur des églises paroissiales et succursales, tant des villes que des campagnes, suivant les besoins de chacune et d'après les observations des municipalités, vérifiées par le Directoire.

Les termes de ce décret sont impératifs. Cependant l'abbé Manet raconte cet incident d'une façon différente, dans son « Histoire du monastère de Saint-Benoît », tirée des grandes recherches, etc. Note n° 7. « Les statues, les colonnes et plusieurs autres débris de cette marbrerie nous avaient été accordés en 1801 par la Municipalité de Saint-Malo pour la décoration de l'Eglise de notre Hôtel-Dieu ; mais les besoins de la paroisse ayant paru à un individu puissant préférables aux nôtres, il fit enlever à notre insu, tous ces objets de la grande boucherie où ils avaient passé le temps de la révolution et les fit transporter dans la ci-devant Cathédrale où il sont restés depuis ».

L'abbé Manet n'aurait donc pas eu connaissance du décret du 4-14 Septembre 1792, ni de l'exposition, sur la place de la Commune, de la Statue de La Religion comme déesse de la Liberté ?

Les immeubles de la Communauté de Saint-Benoît furent vendus à la Préfecture de Rennes aux dates suivantes après estimation faite par le citoyen Jean-Baptiste-Michel-Hyppolite Marion, expert de la Municipalité (Procès-verbal du 18 Décembre 1790) :

a) Le 18 Mai 1791, la maison donnant sur la rue des Petits-Cimetières (aujourd'hui rue Danycan), fut adjugée à Gouët François pour 1200 francs.

b) Le 1er Juin 1791, la pièce de terre du village du Gué en Paramé fut cédée à Crespel Léonore pour 1225 francs.

c) Le 6 Juillet 1791, la propriété de Clermont fut vendue à Fontan François René Hervé pour 1325 francs.

d) Le 24 Août 1791, la maison adossée au choeur de l'Eglise Saint-Benoît fut cédée à Sain René pour 1250 francs.

e) Le même jour, la maison située à droite de la porte du cloître et en partie bâtie sur cette porte fut vendue à Corbillé Marie pour 6000 francs.

f) Enfin le 8 fructidor an VIII (26 Août 1800) les Bâtiments claustraux, le bâtiment renfermant le réfectoire, les dortoirs, la cuisine et les chambres destinées aux ecclésiastiques étrangers et visiteurs de l'Ordre (Note : Le bâtiment renfermant le réfectoire, les dortoirs etc. et coté 4 sur la vue du couvent, 9 et 10 sur le plan a été démoli à une époque qu'il n'a pas été possible de déterminer, mais certainement antérieure à 1830. Au début du XXème siècle, son emplacement est converti en jardin), le cloître, le jardin et la petite maison située entre la porte du couvent et l'Eglise, furent adjugés à Pottier Guillaume et Hallot François pour 116.000 francs. Ce lot le plus important, estimé 21.000 francs par Marion, avait été mis en vente le 2 Mai 1791, sans résultat. Dans son Procès-verbal du 9 Ventôse An VIII (28 février 1800) le citoyen Labbé notaire à Saint-Servan fixa le prix d'estimation à 39,900 fr. L'adjudication du 26 Août produisit une somme triple soit 116.000 francs (Archives départementales. Fonds des Bénédictins de Saint-Malo).

La période révolutionnaire était définitivement close ; la confiance renaissait.

Vers la fin d'avril 1790 la Municipalité trop à l'étroit dans son local habituel de l'abbaye Saint-Jean s'installe dans la salle commune du Monastère, c'est-à-dire dans la salle du premier étage du bâtiment claustral, côté midi, faisant face à la salle des fêtes de l'Hôtel-de-Ville ; mais le 12 février 1791, elle s'établit dans le Palais épiscopal que le Directoire du District avait vendu à la ville.

Le Directoire, dont les bureaux étaient logés dans les petits bâtiments de l'évêché (où se trouvent actuellement les bureaux de la sous-préfecture) choisit comme lieu de réunion l'Eglise Saint-Benoît, et c'est là qu'on procéda le 29 Mai 1791 à l'élection d'un nouveau clergé, après le refus du clergé ancien de reconnaître M. Le Coz, élu. Métropolitain du N.- 0, avec résidence à Rennes (Note : Décret du 12 Juillet 1790 sur la Constitution civile du Clergé. Election des évêques et curés par les corps électoraux des paroisses. Dans l'assemblée du 29 Mai 1791 ont été élus : Curé de Saint-Malo : Duhamel, docteur en théologie. — de Saint-Servan : Chèdeville, aumônier de l'Hôtel-Dieu.). Il en fut ainsi jusqu'au 3 février 1794, date à laquelle le représentant du peuple Le Carpentier décida la transformation de l'Eglise en caserne.

En 1793, il fut question de transformer les bâtiments claustraux en prison du district. Les plans et devis sont aux Archives municipales. On devait aussi y installer la Bibliothèque commencée avec le fonds des couvents. Ces projets furent abandonnés.

Pour la préparer à cette destination, le Génie militaire dut changer la disposition des grandes fenêtres des chapelles et de la Nef et installer deux planchers pour créer autant d'étages.

Aucun document ne prouve que des soldats de la garnison permanente y aient été logés. Tout au plus, ces bâtiments avec leur installation rudimentaire pouvaient-il servir au logement des troupes de passage.

Le 6 juillet 1797, l'Eglise devint magasin à fourrages et en 1805, au moment où Napoléon préparait sa descente en Angleterre, elle fut transformée en magasin de vivres.

Les longues guerres de l'Empire avaient épuisé le Trésor. Il fallut trouver de nouvelles ressources pour entretenir les armées. Napoléon songea à mettre un impôt sur la vente des tabacs. L'étude de ce projet, vivement menée fut suivie du décret organique du 27 Décembre 1810 qui attribuait à l'Etat le monopole de la culture, de la fabrication et de la vente des tabacs. Les administrations intéressées prirent les dispositions nécessaires pour son exécution immédiate.

La culture du tabac fut interdite dans tous les départements dont la production annuelle était inférieure à 100.000 kilog. secs. L'Ille-et-Vilaine (arrondissement de Saint-Malo), seul des départements de l'Ouest remplissait cette condition. On créa donc un Entrepôt général à Saint-Malo, avec surveillance sur toutes les côtes de l'Océan et de la Manche, jusqu'à extinction des cultures interdites.

Le décret du 8 janvier 1811 organisa un personnel spécial, tant supérieur que subalterne et ouvrier. Le 4 avril suivant eut lieu la première séance du Conseil d'Administration [Note : Conseil d'Administration composé de MM. de Fermont, Contrôleur principal de la Régie, Jamoys Receveur principal, Rivet Contrôleur extraordinaire. Caignon Contrôleur de la Régie faisant fonctions de garde-magasin général. Bonnefin, ancien fabricant de tabacs, Contrôleur prés du magasin. Le 1er octobre 1811, M. Caignon, garde-magasin général provisoire est remplacé par M. Magon-Boisgarein, ancien fabricant nommé à titre définitif dans ces fonctions] qui vota une dépense de 8.000 francs destinés à payer la location, en ville, des immeubles reconnus aptes à loger les tabacs de la récolte 1810 encore entre les mains des planteurs.

Le Ministre des Finances rechercha de son côté parmi les bâtiments militaires inoccupés de la Place de Saint-Malo-Saint-Servan un immeuble suffisamment grand pour servir d'Entrepôt Général. Par lettre en date du 18 Mars 1811, le Comte de l'Empire, conseiller d'Etat, Directeur général des Droits réunis, François, demande à M. le Ministre de la Guerre, duc de Feltre, la cession aux domaines du Séminaire ou Caserne de la Concorde (Note : La Concorde. Séminaire créé en 1710, sur les plans de Garangeau, par Mgr des Marets) à Saint-Servan et de l'Eglise Saint-Benoît à Saint-Malo que l'Inspecteur général des côtes de l'Océan et de la Manche a trouvées aptes à remplir les conditions requises.

Le 4 avril 1811, le Directeur des fortifications de St­Malo fait connaitre au Ministère de la Guerre que la Place avait absolument besoin de la caserne de St-Servan, d'ailleurs récemment mise en état pour le logement de la troupe et notamment d'un bataillon du 86e régiment d'in­fanterie rentrant des Pontons d'Angleterre ; mais qu'on pouvait sans inconvénient céder la caserne St-Benoit à St-Malo.

Cette dernière proposition est acceptée par les Ministres de la Guerre et des Finances. Copie textuelle du procès-verbal de remise des bâtiments de Saint-Benoît, qui montre dans quelle situation lamentable se trouvait à. la date du 1er août 1811 le « Bijou de la Congrégation de Saint-Maur »« L'an mil huit cent onze, cejourd'hui premier août aux dix heures du matin. Nous Jean Baptiste Boullet S-Préfet faisant fonctions de Commissaire des Guerres dans la Place et arrondissement de Saint-Malo, etc. Nous sommes rendus à la dite Eglise avec M. Gault, receveur du domaine et M. Imbert chef du génie à Saint-Malo, à l'effet de procéder à la remise, etc. Cette Eglise dans laquelle on a pratiqué dans toute sa longueur deux planchers, est desservie au rez-de-chaussée par quatre bonnes portes, deux grandes, une moyenne et une petite ; elles sont garnies de toutes leurs ferrures et serrures ; il n'y a que la serrure de la moyenne qui a sa clef et la petite porte ne ferme qu'au verrou. Ce rez-de-chaussée est éclairé par huit bayes de croisées toutes garnies de bons châssis avec volets pleins, garnis de leurs fiches et capucines. Les deux planchers supérieurs sont desservis par un escalier avec tambour en bois et trois portes garnies de toutes leurs ferrures, serrures et clefs. Le plancher du 1er étage est supporté par son milieu dans toute sa longueur par trois linteaux et treize poteaux en bois ; ce 1er étage est éclairé par dix bayes de croisées ; une d'elles n'a point de châssis et les autres sont garnies de leurs châssis à petit bois et à capucines. Le plancher du 2ème étage est de nulle valeur et tombe en partie de vétusté ; il n'existe point de châssis aux seize bayes de croisées qui éclairent ce 2ème étage ; il y a seulement quelques vieilles barres de fer d'anciens vitraux. Le comble de la charpente, sous laquelle existe encore partie d'une ancienne charpente de voûte est au tiers neuf et les autres tiers tombent par vétusté. Le couronnement de celle de la voûte est suspendu par 4 grandes barres de fer. Le tiers de la toiture est presque neuf ; les deux autres sont vieux et menacent ruine. Adjacent à cette Eglise est un petit terrain très étroit qui a une longueur de quarante sept mètres soixante cent, et une largeur de quatre mètres soixante-dix centimètres, réduit où l'on communique par la petite porte à l'intérieur de l'Eglise. La ci-devant sacristie n'a aucune fermeture, les escaliers, poutres, planchers, charpentes du comble et toitures tombent en ruine et menacent d'une chute prochaine. Toutes les dépendances de cette Eglise sont renfermées sous la seule clef indiquée à la moyenne porte. Enfin cette clef a été remise aux mains de M. Gault, receveur ainsi que celles des portes des étages indiqués ci-dessus. De tout quoi, etc... Signé : Imbert, Boullet, Gault ».

Le 9 Janvier 1812 le Conseil d'Administration s'assemble spécialement pour examiner les plans et devis des travaux à exécuter pour l'appropriation de la caserne Saint-Benoît en Entrepôt général des tabacs. Architecte M. Hauron.

Le Réglement du Compte des travaux exécutés cette même année et des achats d'ustensiles accuse une dépense de 31.136 fr.

Mais la culture du tabac augmente dans l'arrondissement de Saint-Malo et aussi les frais de location des nombreuses annexes (Note : Les annexes étaient au nombre de 17 en 1828. La plus importante se trouvait dans les Magasins de la Vieux-Ville, rue de Toulouse, occupés jadis par l'entreprise de camionnage de M. Avril, dont le bail ne fut résilié qu'en 1874) et de surveillance du Personnel ouvrier.

Aussi en 1831, l'Administration fait étudier un projet d'agrandissement de l'Entrepôt général. Il s'agit de construire un vaste bâtiment au long de la rue Danycan, mesurant 42 mètres de longueur et 15 de largeur, avec sous-sol, rez-de-chaussée, trois étages et greniers, venant se souder au transept de l'église, en face de la chapelle Saint-Aaron au moyen d'un pan coupé. Ce projet prévoit la démolition du choeur et des deux maisons y attenantes et l'établissement, dans l'église, de quatre planchers correspondant à ceux du bâtiment neuf. Architecte M. Peynaud.

Ce plan est approuvé et immédiatement exécuté. Les 21 et 22 juin 1832, l'Administration des tabacs fait l'acquisition des maisons et terrains compris dans l'emplacement choisi [Note : Actes des 21 et 22 juin 1832, présents : MM. Godefroy, sous-préfet de Saint-Malo, représentant M. le Préfet d'Ille-et-Vilaine ; Antoine, inspecteur des tabacs à Saint-Malo et Bigot de Préamenu, inspecteur de l'Enregistrement et des Domaines à Rennes, portant acquisition par l'Etat - 1° des deux maisons Guérin, achetés en 1791 par Gouet et Sain ; - 2° une partie de jardin provenant du lot Pottier et Hallot, propriétaire Mme Pinède, veuve Siméon Santerre ; et - 3° l'ancienne prison de ville, propriétaire Mlle Duguen, voisine immédiate, qui l'avait acquise du Bureau de Charité le 10 Décembre 1828, auquel le département l'avait concédé le 14 juin 1827].

Les bâtiments furent achevés en deux ans. Les dépenses d'acquisition (maisons et terrain) et de constructions ont été arrêtées à la somme de 147.529 fr. 80 (Note : Se décompose : Acquisition de maisons et terrain 10.000 francs. Constructions 137.529 fr. 80).

La citerne qui se trouve sous le bâtiment neuf, avec regard dans la rue Danycan, a été bâtie aux frais de la ville de Saint-Malo et sur sa demande. Sa capacité est de 4.435 hectolitres environ. Coût 6.602 fr. 40 (Note : La ville de Saint-Malo s'est ainsi procuré à peu de frais l'eau de pluie d'une toiture d'environ 1200 mètres carrés, eau qui a longtemps alimenté la fontaine de la Cathédrale, près de la porte Saint-Côme.

L'Administration s'est réservé le droit de rachat au prix de revient. Contrairement aux dires de M. Cunat, dans sa Notice historique sur Saint-Malo, la Ville n'a fourni à l'Etat aucun subside, soit pour achat de terrains, soit pour constrictions.

Les entreposeurs, même après l'agrandissement de 1832, étaient toujours logés en ville, c'est-à-dire en dehors du magasin, dont ils avaient la responsabilité pécuniaire.

Aussi en 1852, le chef du service des tabacs propose avec raison « la location des bâtiments claustraux aliénés en 1800, inoccupés pour le moment et séparés de l'Entrepôt général par un mur dans lequel il suffisait de percer une porte ». Et depuis cette année les entreposeurs sont logés dans ces bâtiments peu à peu appropriés à leur nouvelle destination.

En 1853 et 1854, les bureaux disséminés dans l'établissement sont installés dans les chapelles latérales de l'église, dont les murs de refend soutenaient toujours, (et soutiennent encore) les voûtes de ces chapelles. La pose des planchers nécessita l'enlèvement des dalles de l'Eglise et on se trouva en présence des ossements des moines et de leurs serviteurs, décédés dans la Communauté de 1619 à 1789. J'ignorE si ces ossements ont été transportés au cimetière de la ville ou remis dans leur place primitive.

Enfin, en juillet 1873, l'Administration des tabacs acheta à la ville de Saint-Malo, représentée par son Maire, M. Houitte de la Chesnais [Note : Acte passé à Rennes le 14 juillet 1873, par devant M. le Préfet d'Ille-et-Vilaine, assisté de MM. Hubert, Directeur des Domaines à Rennes et Delestre, Directeur des tabacs à Morlaix et de M. le Maire de Saint-Malo. Prix de Vente : 15.000 francs. Cet acte mentionne que MM. Pottier-Fromendière, et Hallot-Lafontaine, premiers acquéreurs ont revendu ces immeubles à M et à Mme Fortin par acte de M. Cor, notaire à Saint-Malo du 22 Germinal an X, (12 Avril 1802) et que ces derniers les ont cédés, par acte du même notaire en date du 24 Fructidor an XII (11 Septembre 1804) à M. et Mme Siméon Santerre, dont Mme Françoise Santerre, veuve de M. René Thomas-Desessarts, était la fille] les bâtiments claustraux, la cour dans laquelle est située la grande citerne, le jardin créé sur l'emplacement des réfectoire, dortoirs et cuisine démolis, et la petite maison située entre la porte du cloître et l'église, immeubles dont elle était locataire depuis 1852.

Sous l'administration de M. Rouxin, maire, la ville de Saint-Malo les avait acquis de Mme Françoise Santerre. veuve de M. René Thomas-Desessarts, pour prélever sur la cour et le jardin les terrains nécessaires à l'agrandissement de la Maison commune (Acte des 23 et 24 novembre 1870, passé par devant M. Lemaire, notaire à Saint-Malo).

C'est donc en juillet 1873 que fut reconstituée presque en entier l'ancienne propriété des Bénédictins, par la réunion nouvelle des bâtiments claustraux à l'église bien transformée du Monastère. Restent cependant distraits : la maison de la rue Saint-Benoît, à droite de la porte du Monastère, et en partie bâtie sur cette porte, et le grand jardin dépendant de la maison Thierry-Fougeray, sur la place de la Paroisse. (R. Riéder).

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