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NOTRE-DAME DE LA GRAND'PORTE |
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RESTAURATION
DE NOTRE-DAME DE BON-SECOURS DANS SA NICHE AU-DESSUS DE LA GRAND'PORTE
Je me contenterai au début de ce chapitre de citer textuellement le récit de la restauration du culte de Notre-Dame de la Grand'Porte, fait par l'Abbé Manet dans son ouvrage sur « l'Incendie de Saint-Malo et la Statue réputée miraculeuse de la Très Sainte Vierge » ; et je ferai suivre cet intéressant récit des quelques renseignements supplémentaires que j’ai pu trouver.
« Sitôt que les orages politiques qui avaient désolé notre France furent calmés et qu’il fut permis à l’homme pieux de rendre un hommage public au Dieu qui lui avait donné l’être, le culte de Notre Sainte Patronne ne tarda pas à se rétablir : la ferveur, si longtemps comprimée, se manifesta avec transport. Cependant ce n’était encore qu’une bonace, et non un calme parfait : ce n’était pas à qui se serait mis en avant pour tirer de l’obscurité où l’avaient reléguée les impies, la Statue de Notre-Dame.
Enfin, il se trouva un homme au coeur duquel le Divin dispensateur des grâces avait mis une noble part d’énergie, une foi plus agissante, un plus ardent amour du bien que chez les autres ; cet homme nommé Boulleuc exerçait à Saint-Malo l’humble profession de portefaix ; il avait vu avec une tristesse profonde le culte de ses pères profané ; plus d’une fois, dans les jours de sanglante mémoire de la Révolution française, il avait mouillé de ses larmes la tombe obscure des martyrs ; c’était enfin un être doué de toutes les qualités qui font l’honnête homme, le bon chrétien, et surtout singulièrement attaché au culte de la Mère de Dieu. Déjà vieux, mais robuste encore, parce qu’il avait toujours vécu dans une grande pureté de moeurs, d’un caractère doux et juste, Boulleuc s’était acquis un véritable ascendant sur ses camarades ; tous le regardaient comme leur meilleur ami ; si quelqu’un d’eux avait besoin d’un conseil sage dans quelque affaire importante, il recourait à lui. L’idée vint à ce bon citoyen de rendre à la vénération des fidèles la statue de la Sainte Vierge ensevelie jusque-là dans la poussière de l’oubli, comme un vil bloc de pierre délaissé, au fond de la grotte qu’elle occupait précédemment ; mais il ne le pouvait seul : il fit donc part de ses intentions à quelques-uns de ses confrères qui applaudirent à son projet et lui proposèrent généreusement de l’aider de leurs bras pour l’exécution de cette bonne oeuvre. Il fut décidé, qu’à une heure convenue, ils se rendraient dans la grotte. En effet, un soir la porte étant restée ouverte, ils y entrèrent librement, et, sans autre appareil que leurs cordes, ils parvinrent sans accident à remettre sur pied la Statue de la Patronne de Saint-Malo, et, le matin, les habitants du quartier de la Grand'Porte furent fort surpris de voir la Vierge remise en place.
Le bruit de l’action de Boulleuc se répandit bientôt dans toute la ville ; de toutes parts on se pressait pour jouir d’un spectacle impatiemment désiré ; mille pieuses acclamations retentissaient. On se demandait comment ces braves gens avaient osé, avec leurs cordes, entreprendre l’érection d’une masse aussi pesante.
Mais, si la foule applaudissait au pieux travail de Boulleuc et de ses confrères, il n’en fut pas ainsi des autorités du temps qui n’avaient pas été consultées sur ce rétablissement soudain : elles jugeaient le dévouement de cet homme un dangereux exemple, et pensèrent qu’il était de leur devoir de l’en punir, en lui infligeant un emprisonnement dont elles n’osèrent cependant prolonger la durée au-delà de deux jours.
Malgré ce témoignage de réprobation de la part des chefs de l’administration, l'oeuvre de notre fidèle chrétien n’en fut pas moins durable : on craignit, en détruisant ce qu’il avait fait, de soulever les esprits, ce qui fût sans aucun doute arrivé ; car tous les coeurs à cette époque, las des tragédies sanglantes et des comédies ridicules de nos rénovateurs du genre humain, soupiraient après les douces et majestueuses fêtes de la piété, appelaient de tous leurs voeux le rétablissement de la seule religion qui puisse faire le bonheur de l’homme dans le court pèlerinage de la vie, parce que seule elle est pleine d’amour et de divines espérances : la Sainte Vierge resta donc en place.
Quelques respectables personnes, parmi lesquelles nous citerons Mesdames Delastelle, Leclerc, Lechault, enflammées d’un saint zèle, s’occupèrent d’orner convenablement la grotte : elles firent à cet effet des quêtes, et leurs bourses suppléèrent à ce qui manquait : tout fut rétabli avec un ordre et un goût admirables ; un véritable enthousiasme présidait à la restauration de cet antique monument de la piété de nos bons aïeux.
Le culte sacré de Marie reprit alors à Saint-Malo une splendeur nouvelle, l’ancienne et touchante coutume de venir faire chaque soir en commun la prière publique dans l’oratoire dédié spécialement à la Mère du Sauveur [Note : Nous n’avons malheureusement pas pu retrouver le mandement de Mgr de la Villemonté relatif à la Vierge de la Grand'Porte, dans lequel il autorise l’usage de se réunir soir et matin à la grotte de la Vierge et d’y faire la prière en commun, pas plus que celui de Mgr. des Laurents ordonnant la consécration de son diocèse à la Sainte-Vierge] fut reprise par les citoyens voisins de la Grand'Porte, et le vertueux Boulleuc ne fut pas un de ceux qui suivirent, le moins constamment cette sainte pratique, qu’il terminait d’ordinaire par l’invocation suivante, que nous a conservée une pieuse personne témoin auriculaire : Vierge Sainte ! ma bonne Mère, qui êtes dans les Cieux ! que votre admirable nom soit à jamais béni dans toute la terre !... Amen ! Ainsi soit-il ! Et vous, mon Dieu ! daignez par l’intercession de la créature accomplie dont nous venons de vénérer ici-bas l’image, continuer de verser vos plus tendres bénédictions sur tout l’univers. Jetez un regard de compassion sur nos frères encore souffrants dans le purgatoire, sur tous les infidèles, les hérétiques, les schismatiques, les impies et les autres pécheurs quelconques qui ont le malheur de marcher ici-bas dans les voies de la perdition ; sur tous ceux de votre Eglise militante qui marchent déjà dans la carrière du salut ; mais qui ne courent pas encore assez pour arriver au but de leur vocation en Notre Sauveur Jésus-Christ. Sur toutes les puissances qui régissent ce monde, afin qu’elles ne s’y proposent dans leurs desseins que des vues d’ordre, de justice, de bonheur et de paix, sur votre Sainte Eglise Catholique, apostolique et romaine, afin qu’il n’y ait plus parmi tous vos enfants qu’une seule croyance et un seul troupeau, comme il n’y a qu’un seul Pasteur pour tous ceux qui ayant péché dans Adam ont fous été rachetés in Jésus-Christ, votre Fils Unique, fait Homme dans le temps par l’opération du Saint-Esprit, dans le sein de Marie toujours vierge, avant, pendant et après son enfantement... Dieu souverainement miséricordieux ! Veuillez spécialement rendre heureuse la France, ma belle Patrie, la Bretagne et la Ville de Saint-Malo qui m’ont donné le jour, et préserver surtout cette dernière de revoir jamais avant la fin du monde un second 27 octobre 1661... Daignez en un mot m’octroyer à moi-même, misérable pécheur, pendant le peu de temps qui me reste encore à vivre, les trois choses dont le nom commence par un P, et que vous demandait autrefois avec insistance un vieux Bas-Breton, pauvre comme moi : mon Pain quotidien, qui grâce à votre bonté ne m’a jamais manqué en travaillant, la Patience, que j’ai toujours gardée dans mes peines, au milieu même des trésors que mon état m’a souvent obligé à remuer, à l’unique profit du propriétaire qui mettait sans cesse au rabais le prix de mes sueurs ; et le Paradis que vous avez solennellement promis à tous ceux qui vous auront constamment aimé jusqu’à leur dernier soupir. Amen ! Ainsi soit-il ! Amen » [Note : Notice Intéressante, sur le Fatal Incendie de la Ville de Saint-Malo, Abbé MANET, pages 37 à 42].
A ce chapitre du bon Abbé Manet je me contenterai d’ajouter quelques compléments ou explications d’après des renseignements trouvés aux Archives de la Ville de Saint-Malo et aux Archives du Génie ; ces derniers m’ont été procurés par M. le Général de la Giclais.
La Vierge de la Grand'Porte fut replacée par les portefaix bien avant la signature du Concordat ; il ne nous a pas été possible de retrouver la date exacte de cette restauration ; mais il faut la placer entre 1797 et 1799. En voyant un beau matin la Vierge, remise en place dans sa niche au-dessus de la Grand'Porte, la Municipalité de Saint-Malo fut indignée et songea aussitôt à la faire disparaître. A cette nouvelle, l’ancienne confrérie des Portefaix se révolta et les « dames de la poissonnerie » transportées d’une sainte indignation vinrent se placer sur les marches de l’escalier qui conduit à la grotte de la Vierge ; elles avaient toutes à la main les grands couteaux qui leur servaient à découper la raie ; et elles menaçaient d’éventrer comme de vulgaires congres les profanateurs qui oseraient s’attaquer à la Madone. La manifestation se porta ensuite à la mairie pour demander la libération de Boulleuc. Effrayée à la vue de cette petite révolte, l’autorité municipale donna aussitôt satisfaction à la foule : Boulleuc fut délivré et la Vierge laissée à la vénération des Malouins ; Boulleuc était resté seulement un jour et demi en prison.
Notre-Dame de la Grand'Porte ne fut solennellement rendue au culte que le 1er Juillet 1802, un an après la signature du Concordat. Il existe dans les Archives du Génie de Saint-Malo, maintenant transportées à Rennes, deux pièces concernant cette restauration. Dans la première le Génie, auquel la grotte avait été attribuée en 1794, pour faire un magasin, déclare ne pas en avoir besoin et, consentir à la rendre aux Portefaix de Saint-Malo pour y replacer la Vierge. La seconde pièce n’est autre chose que le procès-verbal de remise du local, par un adjoint du Génie, à deux portefaix délégués. Il ne restait dans cette voûte que deux roues et des débris de bois ; le tout fut enlevé par le Génie et les portefaix prirent aussitôt possession de la grotte.
Au cours de la Révolution, l’aspect de la Grand'Porte changea singulièrement. Après l’incendie de 1661, on avait peu à peu remis en état ; le 18 avril 1662, le corps de garde était reconstruit ; le 16 juillet de la même année, on rétablissait l’horloge du clocher de la Grand'Porte ; en 1663, le Christ du ravelin au dehors de la porte, et la Vierge au dedans de cette même porte, étaient mis et remis en place ; et de 1714 à 1721 les remparts entre la Porte Saint-Vincent et la Grand'Porte avaient été reconstruits !
Le 22 avril 1793, un vote de l'Assemblée municipale avait décidé la démolition du clocher de la Grand'Porte et ordonné que des canons de 24 soient placés sur les deux tours. La cloche « Noguette » fut donc enlevée de sur la Grand'Porte ; mais, alors que les autres cloches de Saint-Malo étaient données aux communes voisines ou livrées au fondeur, « Gros Malo » et « Noguette » [Note : Cette « Noguette » rapportée par Duguay-Trouin, dont il est question ici, n’est pas la première cloche malouine ayant porté ce nom : un arrêté de la Municipalité en date du 18 décembre 1584 fait déjà mention en effet de « la cloche qui sert pour Noguett »] obtenaient grâce ; cette dernière, en souvenir de Duguay-Trouin, qui l’avait rapportée du siège de Rio-de-Janeiro en même temps que la populaire Sainte Barbe, que nous aimions tant dans notre enfance voir marcher en tête des processions de la Fête-Dieu et saluer par ses petits canons d’argent (?) les bénédictions du Saint-Sacrement !
Au point de vue esthétique, que la Grand'Porte a perdu dans la disparition de son Beau clocher et de son ravelin ! (abbé J. Descottes).
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