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SÉNÉCHAUSSÉES DE QUIMPER ET CONCARNEAU

CONVOCATION DES ETATS GÉNÉRAUX EN 1789

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La convocation des Etats généraux dans les sénéchaussées de Quimper et Concarneau.

Les antécédents de la convocation.

Pour comprendre l'esprit qui animait les rédacteurs des cahiers de 1789, dans les deux sénéchaussées de Quimper et de Concarneau, il faut se rappeler les graves événements qui s'accomplirent en Bretagne au cours de l'année 1788.

On connaît la longue et ardente lutte soutenue par le Parlement contre les édits de Loménie de Brienne, qui violaient « la liberté bretonne ». Dans ce combat contre l'arbitraire royal, le Tiers Etat breton, dans l'ensemble, s'était rangé derrière les ordres privilégiés pour sauvegarder les franchises de la Bretagne. Mais bientôt, formulant ses revendications propres, en vue de la tenue des Etats provinciaux, le Tiers livrait à la Noblesse et au haut Clergé une bataille implacable. L'agitation révolutionnaire commença en Bretagne dès la fin de 1788, quelques mois plus tôt que dans le reste de la France. L'histoire de cette période tourmentée est bien instructive pour qui veut étudier l'élaboration des cahiers de 1789 (Sur cette période, cf. B. POCQUET, Les origines de la Révolution en Bretagne, t. II, et Aug. COCHIN, op. cit.). Toutefois, en la retraçant en détail, nous sortirions du cadre restreint on nous devons nous renfermer. Nous nous bornerons à rappeler brièvement quelques-uns des faits qui intéressèrent tout particulièrement nos deux sénéchaussées.

A peu près seule en Bretagne, la ville de Quimper manifesta ouvertement son hostilité contre le Parlement, au moment de sa résistance aux édits de mai (voir la note 1 qui suit). Cette hostilité était très significative. Certes, Quimper était intéressé à la création des bailliages. Mais il est évident aussi que la Noblesse, en soutenant le Parlement, songeait surtout à défendre ses privilèges. Le sénéchal de Quimper, Le Goazre de Kervélégan, et les bourgeois clairvoyants comprenaient « qu'une guerre déclarée à la Cour et une alliance avec la Noblesse n'étaient qu'une duperie pour la bourgeoisie et le peuple ». En se rendant à Versailles en août 1788, pour supplier le roi d'accorder les grands bailliages, Kervélégan servait peut-être ses intérêts, mais il se faisait assurément le mandataire officieux du Tiers Etat de toute la Cornouaille. Aussi. lorsque le comte de Botherel, procureur général syndic des Etats, parcourant la Bretagne peur réchauffer le zèle des partisans du Parlement, arriva à Quimper, y fut-il reçu, le 15 août, aux cris de « Vivent le roi et le grand bailliage ! An diable le Parlement ! » (voir la note 2 qui suit) .

Note 1 : Il semble bien cependant que dans quelques autres villes, notamment à Morlaix, on ait manifesté peu d’enthousiasme pour la cause du Parlement (Cf. M. MARION, Le Garde des sceaux Lamoignon et la réforme judiciaire de 1788, Paris, 1905 pp. 18 et sqq.).

Note 2 : Le 23 juillet 1788, six juges du présidial : Guymar, Bobet, Audouyn, de Reymond, Lunven et Delécluse, protestèrent, par une lettre au Garde des sceaux, contre l’arrestation des douze gentilshommes bretons. Le sénéchal Le Goazre de Kervelégan et le conseiller Du Run s'abstinrent. — Le 16 août 1788, ces six juges s'assemblèrent, à l'invitation de Botherel, pour demander le maintien de la constitution et des droits de la Province. On fit « prévenir, par Me Coroller, huissier, le sénéchal et les gens du Roi », qui répondirent « qu'il n'y avait pas audience » (Arch. du Finistère, série B. reg. du présidial de Quimper, chambre du Conseil [1784-1790] à la date).

A la fin de septembre, au moment où la plupart des villes bretonnes célébraient, avec un enthousiasme plus ou moins sincère, le triomphe des parlementaires, Quimper, persistant dans son attitude, refusa de s'associer à la joie générale. Bien plus, la population témoigna son mécontentement en bafouant le marquis de Kersalaün, l'un des doyens du Parlement (voir la note qui suit).

Note : De Kersalaün porta plainte immédiatement au procureur général. « Quelques jours après, trois conseillers viennent informer à Quimper. Le tapage recommence. Chaque soir pendant deux heures, la foule assemblée sous leurs fenêtres assourdit les conseillers du cri : Vive le grand bailliage ! » (J. TRÉVÉDY, Théophile-Marie Laënnec, broch. in-8°, Quimper, 1889, p. 16).

Quimper et la bourgeoisie cornouaillaise ne se passionnaient plus que pour les revendications à soutenir aux Etats de la province, qui allaient se réunir, le 29 décembre 1788. Dès le 13 novembre, immédiatement après Rennes et Nantes, la municipalité de Quimper délibéra sur les charges à donner à ses représentants aux Etats [Note : L’initiative vint des corps de métiers de Quimper]. Ces charges, véritables « cahiers de 88 », insistaient sur deux points essentiels : la réforme des impôts dans le sens de l'égalité, la double représentation du Tiers et, ce qui devait en être la conséquence naturelle, le vote par tête (Délibérations de Quimper, Arch. du Finistère E 1513). Concarneau suivit l'exemple de Quimper, Douarnenez, Pont-Croix et Audierne (Arch. municipales d’Audierne, reg. des délibérations, 1788-1792, fol 2), qui ne députaient pas aux Etats, crurent devoir formuler aussi leurs réclamations. Toute la substance des cahiers de 89 se trouve condensée dans les charges rédigées en vue des Etats provinciaux. On désirait ardemment, surtout, que, dès la ternue de 1788 des Etats de Bretagne, les députés du Tiers fussent égaux en nombre à ceux des deux autres ordres réunis et que le vote eût lieu par tête et non par ordre. D'autre part, le mode d'élection des députés aux Etats généraux préoccupait déjà vivement l'opinion publique.

L'assemblée des Notables, convoquée par Necker, ayant rejeté les prétentions du Tiers et décidé qu'il fallait s'en tenir aux formes de 1614, la municipalité de Quimper, après avoir voté au roi une somme de 2.400 livres à livre à titre de « secours volontaire patriotique », décida que deux députés, Le Goazre de Kervélégan et Le Déan, se rendraient à Versailles pour solliciter du roi une réponse favorable aux pressantes revendications du Tiers (Arch. municipales de Quimper, rég. de délibérations, 1788, 13 novembre). Kervélégan et Le Déan se concertèrent à Paris et à Versailles avec quelques autres députés des villes de Bretagne, chargés de la même mission, et présentèrent un placet au roi et à la reine. Ils furent assez favorablement accueillis à la Cour. Après avoir pris à Paris « le mot d'ordre des chefs du mouvement populaire » et estimant qu'il était essentiel « que les réclamations du Tiers Etat fussent aussi uniformes qu'elles étaient générales », ils adressèrent aux 42 villes qui députaient aux Etats de Bretagne un modèle de Charges (Cf. B. POCQUET, Les origines de la Révolution en Bretagne, t. II, pp. 29 et sqq.).

Les Etats s'ouvrant le 29 décembre, les députés des municipalités bretonnes se réunirent à Rennes, dès le 22, pour s'entendre sur la tactique à suivre. Ils rédigèrent à l'Hôtel de Ville un cahier commun qui devait être présenté aux Etats, au nom du Tiers tout entier. Ces délibérations du 22-27 décembre, où se trouvent résumées toutes les réclamations antérieures, témoignaient de la parfaite solidarité de la grande majorité des représentants du Tiers. Un très grand nombre des cahiers de paroisses rédigés au mois d'avril suivant, en vue des Etats généraux, s'inspirèrent de ce modèle, ainsi que de la lettre collective adressée de Rennes, le 5 janvier 1789, par les représentants du Tiers à leurs commettants (voir la note qui suit).

Note : Cette lettre, publiée par MM. Sée et Lesort, résume d’une façon saisisante, en 14 articles très nets, l’arrêté du 27 décembre, « Bien des délibérations et des cahiers de paroisses en ont reproduit des passages et il semble qu’il faille y voir le prototype du modèle qui aura le plus de succès en avril » (H. SÉE et A. LESORT, Cahiers de doléances de la sénéchaussée de Rennes, t. I, Introduction, p. LXXV).

On sait que la dernière tenue des Etats de Bretagne fut extrêmement agitée et stérile, par suite de l’entêtement des ordres privilégiés et de l'obstruction systématique organisée par les 49 représentants du Tiers (Sur la dernière tenue des Etats de Bretagne, cf. B POCQUET, op. cit., t. II, pp. 136 et sqq.). Quand, le 14 janvier, les Etats ayant été prorogés, l'Intendant de Bretagne invita les municipalités à donner de nouveaux pouvoirs à leurs députés ; les villes de Quimper et de Concarneau, par leurs délibérations du 22 janvier, maintinrent purement et simplement les charges précédemment données, manifestant ainsi leur irrévocable résolution de ne renoncer à aucune de leurs demandes (Arch. du Finistère, E 1513, imprimé, 4 pp. — Audierne maintint ses charges le 25 janvier). D'ailleurs, les Etats de Bretagne, indéfiniment suspendus par un arrêt du roi (31 janvier), ne devaient plus se réunir. Désormais, toutes les espérances du Tiers allaient se tourner vers les Etats généraux.

 

La convocation.

Le règlement du 24 janvier ne suffisait pas pour régler en Bretagne le mode d'élection des députés aux Etats généraux. La Bretagne étant un pays d'Etats, ses représentants, conformément à la tradition, devaient, être élus « dans le sein de l'assemblée nationale de la province » (Protestation de l’ordre de la Noblesse, Rennes, le 12 janvier, citée par H. POCQUET, op. cit., p 205). Les ordres privilégiés entendaient que, sur ce point, l'antique constitution bretonne fût strictement observée. En revanche, une des revendications essentielles du Tiers exigeait l'élection de ses représentants par sénéchaussée, suivant le régime adopté dans le reste de la France. Une députation, dont faisait partie Kervélégan, se rendit à Versailles pour supplier le roi de « se prononcer entre le Tiers Etat et les deux autres ordres ». Admise à l'audience royale du 14 mars, elle présenta au roi un mémoire. Elle obtint gain de cause car, le 16 mars, parut la « Lettre et règlement du roi pour la convocation de la province de Bretagne » (A. BRETTE, Recueil de documents relatifs à la convocation des Etats généraux de 1789, t. I, p. 259). Ce règlement spécial distinguait en réalité quatre ordres : la Noblesse, le haut Clergé, le bas Clergé et le Tiers Etat.

La Noblesse devait « faire choix de ses députés dans la forme usuelle » et se réunir A Saint-Brieuc, le 16 avril, pour y rédiger son cahier et élire 22 députés. Le haut Clergé était convoqué à Saint-Brieuc, à la même date. Quant aux membres du bas Clergé, ils devaient s'assembler dans la ville épiscopale de leur diocèse, le 2 avril, pour rédiger leurs cahiers de doléances et nommer des électeurs, qui à leur tour désigneraient des députés aux Etats généraux. Enfin, les habitants des villes et des campagnes devaient se réunir par paroisses et par sénéchaussées pour procéder à l'élection des 44 deputés du Tiers. Six sénéchaussées, dont Brest et Lesneven, devaient élire directement leurs députés ; les 19 autres, dont Carhaix, Châteaunef-du-Faou, Quimperlé, Morlaix, Concarneau et Quimper, étaient tenues de réduire, dans des assemblées de sénéchaussées, le nombre de leurs électeurs, avant de procéder « par arrondissement » à l'élection des députés. Ce mode d'élection, ingénieux mais compliqué, avait pour effet d'envoyer aux Etats généraux des députés élus au troisième degré. Il y eut donc, dans les sénéchaussées de Quimper et de Concarneau, trois sortes d'assemblées régulières (voir la note qui suit) et, par suite, trois séries de cahiers : les cahiers des paroisses, le cahier de chaque sénéchaussée, le cahier général commun aux deux sénéchaussées.

Note : Dans les villes de Quimper et de Concarneau, il y eut une quatrième sorte d’assemblées, celles des corps et corporations qui précédèrent « l’assemblée du Tiers Etat de la Ville ».

La Noblesse, le haut Clergé réunis à Saint-Brieuc, du 16 au 20 avril, refusèrent de députer aux Etats généraux. La Noblesse déclara « désavouer formellement quiconque, au préjudice de sa protestation, et en vertu d'élections faites hors du sein des Etats de Bretagne, prétendrait assister aux Etats généraux avec le titre de représentant de la province » (A. DUCHÂTELLIER, op. cit., t. I, pp. 152 et 154). De plus, l'ordre de l'église protesta « contre les dispositions du règlement du 16 mars qui opéraient dans le clergé une division sans exemple, aussi funeste à la religion qu'au bien de la province » (A. DUCHÂTELLIER, op. cit., t. I, pp. 152 et 154).

Le bas Clergé de Cornouaille s'assembla à Quimper, les 2, 3 et 4 avril. Il désigna 32 électeurs qui, le 20 avril, élurent trois députés (voir la note qui suit).

Note : Le règlement du 16 mars n’avait pas fixé le nombre des députés respectifs du clergé de premier ordre et du bas clergé. Le haut clergé ayant refusé de députer aux Etats généraux, le nombre des représents du bas clergé fut fixé à 22 pour toute la Bretagne, dont trois pour l’évêché de Quimper.

La lettre du roi pour la convocation des Etats généraux et les documents y annexés (règlements du 24 janvier et du 16 mars, lettre du comte de Thiard du 17 mars) parvinrent à Quimper et à Concarneau, le 26 mars. Ce jour même, Le Goazre de Kervélégan arrivait de Versailles où il avait été retenu « plus de quatre mois comme député de la municipalité de Quimper, puis comme député de l'ordre du Tiers assemblé à Rennes » (voir la note qui suit). Le lendemain 27 mars, le sénéchal, dans une audience extraordinaire, rendit une ordonnance minutieuse pour l'exécution des ordres qu'il venait de recevoir.

Note : Procès-verbal des séances du 16 au 22 avril, dressé par Le Goazre de Kervélégan (Arch. du Finistère, série B). Pour l'exposé des travaux de l'assemblée préliminaire de la sénéchaussée de Quimper et de l'assemblée d'arrondissement, nous suivons ce procès-verbal.

L'assemblée de la sénéchaussée fut fixée au 16 avril, à 8 heures du matin. A la diligence du procureur du roi, Le Dall-Kéréon, « les maires, échevins, et autres officiers municipaux des villes, bourgs, villages, paroisses et communautés du ressort seraient sommés par un huissier royal de faire lire et publier au prône de la messe paroissiale et aussi à la porte de l'église », le dimanche 5 avril, les lettres et les règlements concernant la convocation.

Pour faciliter la tâche des procureurs terriens ou marguilliers des paroisses rurales, une instruction fut rédigée en langue bretonne (voir la note qui suit).

Note : « Pour faciliter aux paysans la marche qu’ils doivent suivre, on a fait imprimer en breton l’instrution ci-jointe. Je vous en mets la traduction au dos, dans la crainte que l’on prête aux rédacteurs des intentions qu’ils n’eurent et n’auront jamais » — Lettre de Le Goazre à l’Intendant, 3 avril 1789 (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1808). Le texte breton de même que le texte de la proclamation de la Noblesse, ont été publiés dans les Annales de Bretagne, t. XXVII, p. 1.

 

Instruction pour les Etats du Royaume de 1789.

1. — Dès que les ordres du Roi vous parviendront, le syndic de votre paroisse les fera publier au prône de la grand'messe et les lira encore au peuple quand il sera sorti de l'église.

2. — Après ces publications-là, tous les délibérants, et de plus encore, tous les hommes âgés de 25 ans, qui paient les impositions, se réuniront mardi prochain, septième du mois d'avril, et les jours suivants, s'il est besoin, ainsi qu'il est ordonné par la sentence de M. le Sénéchal de Quimper.

3. — Quand vous serez tous assemblés, vous prendrez une délibération pour exposer au Roi, tous les besoins de votre paroisse, de la Bretagne, et même du Royaume ; et après cela, vous choisirez des députés pour porter votre délibération à Quimper, sans faute, le jeudi seize du même mois d'avril, à huit heures du matin.

4. — Il ne sera pas nécessaire d'écrire cette délibération sur papier timbré ; le Roi permet de se servir de papier commun.

5. — Vous ferez deux copies de votre délibération, dont une restera aux archives de la paroisse, et vos députés apporteront l'autre à Quimper.

6. — Pour mettre votre délibération par écrit, vous vous conformerez au modèle que vous trouverez dans les papiers que le Roi vous a fait adresser.

7. — Maintenant, pour savoir bien combien de députée votre paroisse peut envoyer à Quimper, il faut prendre garde au nombre des ménages logés dans des demeures séparées (en comprenant les pauvres et les riches).

8. — Si votre paroisse compte deux cents ménages de cette espèce, et quand il y en auroit moins, vous choisirez deux députés.

9. — S'il y a plus de deux cents ménages, vous choisirez trois députés.

10. — S'il y a plus de 300 ménages, vous choisirez quatre députés, etc. C'est pour vous donner une explication plus facile des volontés du Roi, que l'on vous adresse cette présente instruction.

 

Les assemblées et les cahiers.

La convocation s'effectua d'abord dans la sénéchaussée de Concarneau. Le sénéchal Du Laurens de la Barre, par son ordonnance du 26 mars, avait fixé l'assemblée de sa sénéchaussée au 7 avril. La plupart des cahiers des paroisses de cette sénéchaussée furent rédigés les 3, 4 et 5 avril. Les opérations électorales furent très précipitées dans cette circonscription (voir la note qui suit).

Note : Le sénéchal de Concarneau reçut les instructions relatives aux assemblées, le 22 mars. Mais les lettres de convocation ne lui parvinrent que plus tard et il faisait remarquer à l’Intendant, dans son accusé de réception, du 13 mars, « que les délais ordonnés par le règlement du le 16 de ce mois sont extrêmement courts, que surtout, les lettres de convocation n’étant pas encore parvenues, les délais sont même presque impossibles pour faire assembler toutes les personnes dénommées au règlement du Roi, du 24 janvier dernier ». (Arch. d’Ille-et-Vilaine C 1806).

Dans la sénéchaussée de Quimper, les huissiers se mirent en campagne le 3 avril et, dès le dimanche 5, les pièces relatives à la convocation purent être publiées dans les paroisses rurales. Les assemblées eurent lieu du 7 au 14 avril. D'ailleurs, dit Kervélégan, « nous avons pensé qu'il était intéressant et convenable à l'ordre public de donner le plus de temps possible aux habitants des villes et à ceux des campagnes de s'occuper de la Pâque et remplir dans ce moment les devoirs de la religion » (Procès-verbal de l’assemblée de la sénéchaussée de Quimper).

A. — ASSEMBLÉES DES VILLES. — Dans les deux sénéchaussées, deux villes seulement, Quimper et Concarneau, rédigèrent leurs cahiers et élurent leurs députés conformément aux dispositions des articles 26, 27 et 28 du règlement du 24 janvier. Les corporations, corps et communautés et les habitants ne tenant à aucune corporation eurent, dans ces deux villes, des assemblées particulières où furent choisis des représentants chargés de se trouver à l'assemblée électorale.

A Quimper, le 13 et le 15 avril, les conseillers délibérants de la municipalité, réunis aux 31 mandataires des corporations, corps ou communautés de la ville, désignèrent 15 commissaires pour la rédaction de leur cahier et nommèrent 8 députés à l'assemblée de la sénéchaussée (Procès-verbal de l'assemblée du Tiers Etat de la ville de Quimper, 13 et 15 avril - cf. Arch. du Finistère).

Concarneau, qui ne figurait point sur l'état annexé au règlement du 16 mars, n'admit néanmoins dans son assemblée électorale que les officiers municipaux et 16 représentants des corps et communautés (Extrait du registre des délibérations de la ville et communauté de Concarneau 4 avril - cf. Arch. du Finistère).

Dans les autres petites villes, Pont-l'Abbé, Douarnenez, Pont-Croix et Audierne, les assemblées furent soumises au même régime que les paroisses rurales. En fait, à Pont-l'Abbé et à Douarnenez, les bourgeois, qui ne purent s'entendre avec les artisans, paysans ou marins, eurent des assemblées distinctes et rédigèrent des cahiers particuliers.

B. — ASSEMBLÉES DES PAROISSES RURALES. — Les assemblées primaires furent partout très régulièrement tenues dans les campagnes. Elles eurent lieu, le plus souvent, dans les sacristies où se faisaient d'ordinaire les délibérations des paroisses. Cependant, faute de place, à Douarnenez, à Pont-l'Abbé, à Locmaria, on s'assembla dans les églises. Le nombre des comparants fut très variable. Parfois le général seul procéda à la rédaction des doléances et à l'élection des députés. Plus souvent, la plupart des habitants, âgés de 25 ans, domiciliés et portés au rôle des impositions, se firent un devoir de comparaître. Certaines revendications semblent avoir été longuement discutées. Les ratures que l'on remarque sur quelques cahiers, ceux de Poullan et de Lanvern, par exemple, paraissent témoigner que l'accord ne se fit pas toujours facilement. A Pont-l'Abbé, notamment, de vives discussions s'élevèrent entre les bourgeois et le bas peuple. Les habitants de Pont-l'Abbé se réunirent à deux reprises, les 5 et 11 avril, sans parvenir à se mettre d'accord sur les demandes à formuler. Le 13 avril, les bourgeois ayant de nouveau rejeté certaines doléances des artisans et des paysans, ceux-ci se retirèrent dans la chapelle de Saint-Sauveur pour protester et rédiger le cahier de leurs revendications particulières (voir la note qui suit). A Douarnenez, en revanche, les bourgeois eurent à se plaindre de l'attitude du président de l'assemblée qui ne permit pas à l'un d'entre eux de donner lecture du « Cahier des charges arrêtées à l'Hôtel de Ville de Bennes, du 22 au 27 décembre 1788 ». Les bourgeois accusèrent le sénéchal d'avoir admis à l'assemblée une foule tumultueuse « d'enfants de tous âges, de femmes, de filles et de manœuvres non domiciliés, de séditieux dont plusieurs même étaient ivres », d'avoir encouragé le peuple à ce désordre « par des assemblées clandestines et nocturnes ». Enfin, les bourgeois et négociants, trop convaincus qu'ils ne pouvaient avoir à cette assemblée la part qu'ils devaient y prendre, se retirèrent, se réservant de protester et de délibérer ultérieurement (Extrait du procès-verbal des négociants de Douarnenez, 6 avril). Sauf ces incidents exceptionnels, et qui ont d'ailleurs l'intérêt de révéler de véritables luttes sociales, les réunions ne furent point troublées. Partout, on prit le plus grand soin de se conformer à l'esprit et à la lettre des prescriptions des règlements, afin que les opérations fussent bien régulières. Aucune formalité ne fut oubliée, si ce n'est à Melgven. Là, les paysans négligèrent de faire signer leur cahier et de dresser un procès-verbal des opérations électorales ; l'irrégularité heureusement put être corrigée en temps utile (Procès-verbal de l'assemblée préliminaire de la sénéchaussée de Concarneau, 7 avril).

Note : Procès-verbal de l'assemblée de la ville de Pont-l'Abbé, 13 avril, et cahiers des charges et doléances des paroisses et hameaux de Pont-l’Abbé (artisans et paysans), 13 avril (Arch. du Finistère, série B).

Il ne semble pas que la domination des seigneurs se soit fait sentir au moment de la rédaction des cahier (voir la note 1 qui suit). Les comparants paraissent avoir toujours délibéré et voté librement. Les officiers seigneuriaux, qui, en principe, devaient présider les assemblées des paroisses, ne remplirent que rarement cette mission. S'y refusèrent-ils de parti-pris ou les tint-on à l'écart ? Les procès-verbaux ne nous renseignent guère à cet égard. Sur 85 assemblées, 10 seulement furent présidées par les sénéchaux ou juges des lieux, et 5, par des procureurs fiscaux ou leurs substituts (voir la note 2 qui suit). En l'absence des juges, 36 assemblées furent tenues par des notaires, 6 par des procureurs, 3 par des avocats, une par un capitaine du guet, une par un recteur et les autres, environ une vingtaine, par le syndic ou le procureur terrien de la paroisse assisté du greffier ordinaire des délibérations.

Note 1 : Dans la sénéchaussée de Rennes, les officiers seigneuriaux jouent un rôle bien plus important (Cf. H. SÉE et A LESORT, op. cit., passim).

Note 2 : Le procureur fiscal de la seigneurie de Quimerch (en Bannalec), présidant l'assemblée électorale de Tourch, se borne à déclarer qu'il ne signe le cahier de cette paroisse « que pour constater sa présence à cette assemblée » et « qu'il proteste contre différents articles, attendu qu’ils attaquent la propriété ».

Dans l'ensemble, il faut renoncer à trouver dans les cahiers des paroisses « l'expression originelle et originale » de la pensée des paysans cornouaillais. La plupart des cahiers furent rédigés par des hommes de loi, en dehors des assemblées.

Nous nous sommes efforcés de nous rendre un compte exact de l'influence que les modèles ont pu exercer sur la rédaction des cahiers. Parmi ces modèles, il en est de particuliers, qu'a pu imposer tel ou tel personnage influent, et notamment tel ou tel président d'assemblée. Toutefois, dans notre région, l'influence des officiers seigneuriaux a été bien moins considérable que dans la sénéchaussée de Rennes, précisément parce qu'ils n'ont qu'assez rarement présidé les assemblées électorales. — Quant aux modèles généraux, on peut aussi saisir leur influence ; c'est ainsi que les Charges d'un bon citoyen des campagnes, répandues dans toute la Bretagne, ont assez souvent servi de thèmes aux doléances et aux vœux de nos paroisses rurales ; on s'est parfois inspiré aussi des délibérations du Tiers de Rennes, de Quimper et de Nantes.

Il ne faut pas oublier que la plupart des comparants étaient des illettrés, qui ne parlaient que la langue bretonne et qui ne connurent les modèles qu'à travers la traduction et les commentaires des hommes de loi. Plusieurs procès-verbaux notent que divers documents furent traduits « en vulgaire langage breton ». Mais, le furent-ils toujours ? Il est permis de croire qu'en bien des cas les scribes interprétèrent plus ou moins fidèlement la pensée des comparants. Ceux-ci durent, le plus souvent, s'en remettre à la bonne foi de quelques bourgeois connus pour leurs tendances libérales et leur attachement à la cause populaire. C'est pourquoi le même président fut sollicité par de nombreuses paroisses. Arnoult, notaire royal à Pont-l'Abbé, présida quatre assemblées ; Clorennec, notaire royal à Concarneau, en présida quatre autres et ces cas ne furent pas isolés. A Plomelin, les paysans comparaissant devant maître Arnoult, « représentent que pénétrés de reconnaissance pour les services que M. de la Brémaudière a dans toutes les circonstances rendus aux habitants de la paroisse et connaissant le zèle dont il est toujours pénétré pour leurs intérêts, ils désirent qu'on députe vers lui pour le prier de les aider de ses lumières et de ses conseils dans la rédaction de leur cahier de charges. Sur quoi, délibérant, tous ont d'une voix unanime adopté cet avis et envoyé deux d'entre eux au château de Rossulien où ils ont communiqué à M. de la Brémaudière le vœu de l'assemblée. M. de la Brémaudière a répondu qu'il était sensible à cette marque de confiance et qu'il se rendait volontiers à leur désir » (Procès-verbal de la paroisse de Plomelin).

Toutefois, l'influence des inspirateurs bourgeois ne fut pas toujours passivement subie. A côté des revendications générales concernant la constitution de la province ou celle du royaume, revendications dont les paysans certes ne comprenaient guère la portée, on trouve presque toujours des revendications particulières, qui sont l'œuvre propre des paysans. A Irvillac, le notaire s'étant peut-être refusé à insérer certaines récriminations contre le régime seigneurial, les paysans firent écrire par une autre main et sur une feuille spéciale, quelques-unes de leurs doléances les plus bardies. Quelques cahiers, entre autres ceux de Goulien, Loperhet, Dirinon, Tréogat, Lababan, ont été entièrement écrits par les paysans eux-mêmes. Ces cahiers se reconnaissent facilement à leur écriture, à leur orthographe et à leur style incorrects.

Condition sociale des députés des paroisses. — 254 députés des paroisses ou des villes furent électeurs du second degré aux assemblées des deux sénéchaussées. On y comptait 193 paysans, pour la plupart domaniers, 5 marins-pêcheurs, 3 artisans et 53 bourgeois. Ceux que nous avons cru pouvoir ranger dans la catégorie des bourgeois comprenaient : 1 procureur du roi, 3 juges seigneuriaux, 1 procureur fiscal, 7 avocats, 10 notaires, 1 industriel, 24 négociants, 2 vivant de leurs revenus, 1 ex-officier, 1 entrepreneur menuisier, 1 receveur des devoirs et 1 boulanger.

Parmi les 193 paysans, 149 purent signer, 44 étaient absolument illettrés.

C. — ASSEMBLÉE DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE CONCARNEAU. — Le 7 avril, à 8 heures du matin, les 63 députés des 18 paroisses de la sénéchaussée de Concarneau se trouvèrent réunis dans l'auditoire du sénéchal Louis Du Laurens de la Barre. Celui-ci présida, assisté de Yves-François Le Beau, procureur du roi, et de Me Berrivin, greffier. Concarneau ayant tenu à nommer 8 députés au lieu de 4, en violation de l'article 31 du règlement du 24 janvier, Me Decourbes, avocat, représentant de Nizon, demanda « la réduction des députés nommés par cette ville ». Le sénéchal, « attendu que cette réduction pouvait causer du trouble », jugea néanmoins que les 8 députés de la municipalité, corps et corporations de Concarneau auraient voix délibérative. L'assemblée procéda ensuite, sans incident, à la rédaction de son cahier général, puis au choix des quatre électeurs qui devaient se rendre, le 21 avril, à l'assemblée d'arrondissement à Quimper. Ces députés furent Yves-François Le Beau, procureur du roi au siège de Concarneau, Hilaire-Pierre Decourbes, avocat, Jean-Marie Aumont, entrepreneur à Pont-Aven, et Jean Coten, cultivateur à Lanriec.

Enfin, l'assemblée, ayant constaté que la sénéchaussée de Concarneau serait trop faiblement représentée à l'assemblée d'arrondissement à Quimper, exprima le vœu que l'un des trois députés à élire aux Etats-généraux fût obligatoirement choisi dans la sénéchaussée de Concarneau (voir la note qui suit). On verra que ce désir assez légitime ne sera pas réalisé.

Note : Le sénéchal de Concarneau écrit à l'intendant, le 8 avril : « L'assemblée de notre sénéchaussée, dont la population et l'étendue doivent égaler, à peu de chose près, celles du ressort de Quimper, frappée de n'avoir que le cinquième des électeurs qui doivent concourir à la nomination des députés aux Etats généraux, craint avec raison, de n'avoir aucun représentant pris dans son sein, d’où il résulterait que l'intérêt général de la commune et le commerce considérable et particulier à notre ville pourraient être mal ou négligemment défendus par des députés étrangers à son ressort et sans connaissance du local.
En conséquence, Monsieur, l'assemblée nous charge de déposer ses inquiétudes dans votre sein, et de vous prier de vouloir bien donner à la sénéchaussée de Quimper les ordres nécessaires pour que, des trois députés à nommer le 21 courant, conformément à la lettre, il y en ait un de pris et nommé dans le ressort de notre sénéchaussée. Elle vous adresse cette prière avec d'autant plus de confiance que l'étendue de son ressort est immense et qu'il comporte au moins une population de quarante mille âmes ».

Dans sa réponse, l’intendant, disait : « Je ne puis, Monsieur, donner aucun ordre à ce sujet, n’y étant pas autorisé par le ministre ; mais il y a lieu de croire que les représentations des électeurs de votre sénéchaussée ne seront pas infrutueuses (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1806).

 

D. — ASSEMBLÉE DE LA SÉNÉCHAUSSÉE DE QUIMPER. — L'assemblée préliminaire de la sénéchaussée de Quimper eut lieu, du 16 nu 22 avril, dans la salle dite « des actes publics » au collège de Quimper, l'auditoire du présidial étant trop exigu. Le sénéchal, Le Goazre de Kervélégan, président de droit, fut assisté de Le Dall-Kéréon, procureur du roi, de Mes. Gelin, greffier, et Chesnel, huissier. L'appel constata la présence de 184 députés des villes ou paroisses. Sitôt l'assemblée régulièrement constituée, un membre demanda à présenter une motion :

« Vous savez, dit-il, qu'il règne dans le premier tribunal de la Basse-Bretagne une division affligeante pour tous les citoyens. Vous connaissez, aussi bien que moi, les motifs de la conduite de plusieurs membres du présidial. Il est trop notoire qu'ils n'ont cessé de se montrer les ennemis du bonheur des justiciables de leur ressort et je m'abstiendrai de vous analyser leur conduite. Mais une dernière démarche achève de les caractériser. S'il faut en croire le cri public, ils ont déposé hier au greffe du présidial une protestation inconsidérée. Ils prétendent, non seulement que nous agissons inconsidérément, mais que le Roi n'avait pas le droit de faire procéder à la convocation des Etats généraux dans la forme qu'il a prescrite. Cette audace est d'autant plus condamnable que Sa Majesté déclare dans son règlement, particulier pour la Bretagne qu'elle regardera comme ennemis de l'Etat et coupables envers Elle et envers la nation tous ceux qui se permettraient aucune démarche, aucun écrit propre à renouveler en Bretagne des troubles et des dissensions ».

L'assemblée se fit donner lecture de la protestation des juges « réfractaires et rebelles aux ordres du roi ». Puis, « mortellement affligée que des juges particulièrement institués pour faire exécuter les ordres et les volontés du roi aient osé blâmer et qualifier d'illégale une décision que Sa Majesté a rendue dans sa sagesse et dans sa bonté », l'assemblée arrêta unanimement d'adresser, par le prochain courrier, un placet au roi « pour supplier Sa Majesté de retirer aux auteurs de cette protestation les pouvoirs qu'elle leur a confiés », ces hommes étant « indignes d'être les arbitres de la fortune, de la vie et de l'honneur de ses sujets ». C'était une dénonciation en règle et l'on décida de la rédiger avant de procéder à aucune autre opération. Des commissaires furent nommés à cet effet et l'assemblée se sépara « au cri général de Vive le roi ! ».

Le lendemain matin, vendredi 17, lecture fut faite du placet. Nous citons quelques extraits de ce document on l'on trouve un écho de l'agitation intense qui précéda la convocation en Basse-Bretagne :

« Sire, disaient les représentants de la sénéchaussée, nous devons compte de notre mission aux 90.000 hommes qui nous ont choisis pour leurs représentants et ce serait tromper la confiance qui nous est donnée que de ne point déférer, à votre justice, la protestation incendiaire que six juges du présidial de Quimper ont déposée au greffe de cette sénéchaussée et dont il circule dans le public plusieurs copies manuscrites... Nous connaissions ces juges. Devenus depuis deux ans les dénonciateurs d'un de leurs confrères et uniquement occupés de leurs querelles particulières, votre intérêt leur a dès ce moment paru nul.

Les lois de mai étaient, pour la plupart, avantageuses au grand nombre de vos sujets, mais elles attaquaient, les usurpations de notre Parlement. Nos juges crurent trouver une occasion d'enchaîner la reconnaissance des magistrats bretons en soutenant leurs protestations. Ils s'en firent les agents.

Eux seuls accueillirent, Sire, le sieur de Botherel, lorsqu'au mois d'août il arriva en cette ville dans l'intention d'y porter l'esprit de révolte et de rébellion.

C'est à eux que les citoyens de Quimper doivent cet arrêt, dicté par la fureur, qui les livre à la plus affreuse inquisition (voir la note qui suit)… Le souvenir de notre humiliation nous est cher.

Note : Allusion à l’arrêt du Parlement de Rennes du 11 octobre 1788, rendu sur le rapport de Kersalaün, qui ordonnait d'informer sur les faits relatifs au passage du comte de Botherel à Quimper. A l'instigation de Kersalaün et des privilégiés, une enquête fut faite à Quimper, à la fin d'octobre, par des commissaires du Parlement. Cette enquête dirigée contre Kervélégan et ses amis, à qui on ne pouvait reprocher « d’autres crimes que d’avoir osé se montrer sujets soumis et fidèles », n’eut pas de suite, la procédure ayant été annulée par un arrêt de non-lieu rendu en conseil du Roi (Voy. DUCHÂTELLIER, op. cit., p. 76). Les six magistrats étaient ceux-là même qui, le 16 août 1788, sur l’invitation de Botherel, se réunirent pour demander « le maintien des droits et de la constitution de la Province ». C’étaient : Guymar de Coatidreux, alloué ; Bobet de Lanhuron, lieutenant ; Audouyn de Keriner, doyen ; De Reymond, Delécluse de Longraye et Lunven, conseillers (Arch. du Finistère, reg. du présidial, chambre du Conseil, 1784-1790).

Cependant nous gémissons encore de voir que, ne pouvant nous perdre, nos persécuteurs s'attaquaient au magistrat vertueux qui nous a servi de guide dans ces circonstances où la fraude a tout tenté peur nous égarer et qui a porté aux pieds de Votre Majesté nos vœux et nos supplications.

Mais est-il étonnant qu'ils refusent opiniâtrement de concourir avec le chef de leur compagnie, puisqu'ils portent l'audace jusqu'à contester à Votre Majesté le droit de convoquer son peuple dans la forme qu'elle juge la plus convenable à l'intérêt public ?

Ils ont encouru, Sire, la peine prononcée par votre règlement du 16 mars et nous ne pouvons plus les regarder que comme les ennemis de la nation et de Votre Majesté.

Nous vous supplions, Sire, de remplacer par d'autres magistrats ceux que nous ne saurions plus respecter ».

Cette adresse, « souscrite de tous les députés qui savent signer », fut envoyée à Bertrand de Molleville, ancien Commissaire départi de la province, « avec prière de la faire mettre sous les yeux de Sa Majesté et d'en solliciter les fins ».

On s'occupa ensuite de la lecture des différents cahiers des villes et paroisses des campagnes, « afin de les réduire en un seul ». Les commissaires nommés pour la rédaction du cahier général furent : Tréhot de Clermont, député de Pont-Croix, Dumarnay aîné et Grivart-Kerstrat, de Douarnenez, Botsey-Guezno, d'Audierne, de la Brémaudière, de Plomelin, et Du Boisjaffray, de Kerfeunteun.

Le samedi 18, dès l'ouverture de la séance, ou membre de l'assemblée rappela que le Parlement de Paris, par un arrêt du 6 mars (Arrêt de la Cour de Parlement, rendu les Chambres assemblées, les pairs y séant, du 6 mars 1789.) avait fait brûler, à la sollicitation du Parlement de Bretagne, le mémoire présenté au roi, le 6 février, par MM. Le Glezen, Lanjuinais, Le Chapelier et Varin, au nom de l'ordre des avocats et des facultés de droit de Rennes [Note : Discours et mémoire den avocats Rennes. Délibération des Facultés ne droit de Rennes concernant la malheureuse affaire arrivée, en cette ville, les 26 et 27 janvier 1789, Broch. in-8°, 1789]. « Pour voiler, dit-il, cette conduite odieuse, le Parlement de Paris a travesti en libelle un ouvrage inspiré par le patriotisme, fondé sur la raison et la vérité, souscrit par des citoyens estimés, adopté par un corps nombreux et respectable, et qui a mérité à ses auteurs la reconnaissance de la nation bretonne ». Cet arrêt violant à la fois « les droits des Bretons, les égards que mérite le peuple français et le respect dû à la majesté du trône », l'assemblée donna charge spéciale à ses députés aux Etats généraux de poursuivre la cassation de cet arrêt :

« 1° En ce que le Parlement de Paris, incompétent pour connaître de faits passés dans la Bretagne, a commis une violation manifeste des franchises de cette province.

2° En ce qu'il renferme un attentat contre la liberté publique, en flétrissant un ouvrage avoué, en faisant partager cette flétrissure aux auteurs de l'ouvrage, sans avoir daigné les entendre.

3° En ce qu'il est en contradiction avec les réclamations du Parlement de Paris lui-même, qui a posé en principe la liberté de la presse » (voir la note qui suit).

Note : Le 26 oût 1789, un arrêt du Conseil d'Etat du Roi annula l'arrêt du Parlement de Paris, du 6 avril, concernant un imprimé ayant pour titre « Mémoire au Roi des députés de l’ardre des avocats au parlement de Bretagne ».

De plus, remontant de la question d'espèce au príncipe, l'auteur de la proposition de dénonciation du Parlement de Paris demanda que « désormais aucun tribunal du royaume ne puisse brûler un ouvrage reconnu et signé de l'auteur et qu'une loi positive proscrive à jamais ces sortes de brûlures et permette de prendre à partie les tribunaux qui attaqueraient un écrivain en son honneur, sans l'avoir entendu dans sa défense ».

Le reste de la séance fut consacré à l'examen du travail des commissaires et à la discussion des articles du cahier général. Toutefois, an moment de clore la séance, un membre souleva un autre incident. Il dénonça à l'assemblée « un écrit répandu au nom du Clergé et de la Noblesse » (voir la note 1 qui suit), contenant des imputations calomnieuses à l'égard des étudiants et des jeunes gens de Rennes, à l'occasion des troubles des 26 et 27 janvier. L'assemblée, après avoir entendu lecture du libelle incriminé, d'un mémoire des jeunes citoyens et d'une consultation des avocats de Rennes (voir la note 2 qui suit), donna encore charge particulière à ses députés aux Etats généraux de demander qu'il fût nommé des commissaires « pour instruire contre l'imprimé el les inculpations atroces » dont les jeunes gens de Rennes avaient à se plaindre.

Note 1 : Mémoire présenté au Roi par les députés de l’ordre de l’Eglise et de la Noblesse de Bretagne, le 14 février 1789, Broch. in-8° de 16 pages.

Note 2 : Délibérations, mémoire à consulter et consultation pour les étudiants en droit et jeunes citoyens de Rennes, Broch. in-8° de 30 pages.

Le dimanche 19, à 8 heures du matin, l'assemblée se rendit en corps à l'église du collège « pour entendre la sainte messe qui y fut célébrée pour la plus grande commodité des députés ». Ensuite, l'assemblée continua l'examen et la réduction des différents cahiers.

Ce jour-là, les électeurs du bas Clergé de Quimper s'étaient réunis en vue du choix de leurs députés aux Etats généraux. Les députés des campagnes ayant appris « par la voix publique » que, dans leurs assemblées des 2 et 3 avril, leurs pasteurs avaient été endoctrinés, séduits ou menacés par des membres du haut Clergé et de la Noblesse, résolurent de présenter « une adresse à MM. les Electeurs du corps pastoral ». Le 20 avril, à l'ouverture de l'assemblée de la sénéchaussée, un représentant des campagnes proposa cette démarche :

« Nous savons, dit-il, que quelques ecclésiastiques, qui ne sont pas dignes de partager les sentiments de nos pasteurs, ont essayé de les intimider, en les menaçant du crédit du haut Clergé. On nous a même assuré, et c'est là notre douleur, que quelques membres du corps pastoral se sont laissés séduire par le haut Clergé et les insinuations de la Noblesse. Ces honnêtes pasteurs ont oublié, un moment que les habitants des campagnes sont aussi leurs frères... Alors que le peuple est instruit qu'on trahit sa cause, il est naturel qu'il se réveille pour aller la défendre… Notre vue rappellera à tous les membres de cette assemblée, qu'ils vivent sans cesse au milieu de nous et que c'est de nous qu'ils tiennent leur existence. Ceux dont nous avons à nous plaindre reviendront aux sentiments qu'ils ont quittés, sans s'en apercevoir, et ceux qui ont cessé de vouloir qu'on s'occupât de nous, reprendront, en nous voyant, l'énergie qu'ils n'auraient jamais perdue si le haut Clergé avait été moins impérieux ».

L'assemblée, après avoir « admis d'une voix unanime l'adresse proposée » désigna neuf de ses membres pour la présenter à l'assemblée des électeurs diocésains. A 2 heures de l'après-midi, le cahier des plaintes, doléances et remontrances de la sénéchaussée étant enfin terminé, tous les députés qui « savaient écrire » y apposèrent leurs signatures.

Sur ces entrefaites, en réponse à la démarche faite par les députés des campagnes, arriva une députation des électeurs de l'assemblée diocésaine. Les délégués du Clergé, trois recteurs et un moine, déclarèrent qu'ils avaient « le plus vif désir de contribuer au bonheur de leurs concitoyens et assurèrent qu'ils allaient s'occuper de l'Adresse des habitants des campagnes dont ils connaissaient les besoins ». Kervelégan les remercia au nom de l'assemblée.

Les ecclésiastiques s'étant retirés, on aborda la question de la réduction aux seize électeurs accordés à la sénéchaussée. Les députés proposèrent de donner mandat impératif à ces électeurs, quels qu'ils fussent, « de suivre le vœu général et unanime de l'assemblée qui voulait avoir son président (Kervélégan) pour premier député aux Etats généraux ». Le sénéchal remercia l'assemblée des marques de confiance qu'elle voulait bien lui donner, mais fit observer que les règlements s'opposaient à cette décision, « que le concours des électeurs de Concarneau était nécessaire et qu'enfin il ne fallait jamais gêner la liberté des suffrages ».

Les seize électeurs, nommés successivement, à la pluralité des voix, furent : Souché de la Brémaudière, propriétaire, vivant de ses revenus au château de Rossulien en Plomelin (150 voix) ; Perrin, négociant à Quimper (150) ; Le Baron du Boisjaffray, avocat, résidant au manoir de Kerlividic (142) ; Chevalier, boulanger à Quimper (125) ; Alain Le Brun, cultivateur à Peumerit (125) ; Le Pape, cultivateur à Loctudy (118) ; Le Bris du Rest, notaire à Pont-Croix (114) ; Pierre Le Floch, cultivateur à Ploneis (100) ; Mathieu Kerloch, cultivateur à Goulien (99) ; Pierre Le Tymen, cultivateur à Briec (96) ; Joseph David, cultivateur à Laz (95) ; Tréhot de Clermont, sénéchal du marquisat de l'ont-Croix (91) ; Autret, marchand à Daoulas (88) ; Coadou, cultivateur à Plogonnec (85) ; Moulin, ex-officier (82) ; Le Déan, jeune, ancien subrécargue de la Compagnie des Indes (79), ces deux derniers demeurant à Quimper.

Assemblée d'arrondissement. — Le lendemain, 21 avril, à 8 heures du matin, les quatre électeurs de la sénéchaussée de Concarneau vinrent se joindre au seize électeurs de la sénéchaussée de Quimper, réunis sous la présidence de Kervélegan. Cinq Commissaires : Souché de la Brémaudière, Le Baron du Boisjaffray, Tréhol de Clermont, Le Beau et Decourbes « vaquèrent sans interruption et sans délai » à la rédaction du cahier général commun aux deux sénéchaussées. Dans la matinée du mercredi 22 avril, ce cahier fut adopté et signé par les électeurs. A 3 heures de l'après-midi, on procéda, conformément à l'article 47 du règlement du 24 janvier, à l'élection des trois députés aux Etats généraux.

Au premier tour, Le Goazre de Kervélégan fut élu, à l'unanimité. Pour l'élection du deuxième député, deux tours de scrutin se trouvèrent « nuls par défaut de pluralité ». Au troisième tour, Souché de la Brémaudière et Le Déan se trouvant seuls en concurrence, Le Déan fut élu. Procédant de même à l'élection du troisième député, deux scrutins furent encore déclarés « nuls par défaut de pluralité ». Au dernier tour, Souché de la Brémaudière et Le Guillou de Kerincuff, avocat à Quimper, étant seuls concurrents, Le Guillou fut proclamé troisième député.

Trois scrutins furent encore nécessaires pour le choix du premier député suppléant. Souché de la Brémaudière, en concurrence avec Morineau, négociant à Concarneau, fut élu.

Il remercia mais déclina le mandat. Dans un nouveau scrutin, toutes les voix se réunirent en faveur de Morineau. Restait à choisir un second suppléant. A un deuxième tour. Tréhot de Clermont obtint la pluralité des suffrages.

Les opérations électorales étaient terminées. Toutefois, les députés furent dans l'impossibilité de prêter serment le jour même. Les juges de la sénéchaussée s'étant rendus « incompérents par leur protestation » du 15 avril, et M. Durun, seul conseiller qui pût en cette circonstance remplacer le sénéchal, étant malade, il fallut « requérir un des anciens avocats du siège ». Le serment ne put être prêté que le 23 avril, à 10 heures du matin, devant Me Jean-Baptiste Démézit, doyen de l'ordre des avocats de Quimper et ancien maire de cette ville.

Frais de la convocation. — Il ne semble pas que les électeurs aient été indemnisés de leurs frais de voyage et de séjour (voir la note qui suit). Cependant, en exécution du règlement du roi (30 mai 1789), des états furent dressés par les juges des sénéchaussées « pour constater les taxations et frais de voyage à allouer aux électeurs qui ont nommé les députés aux Etats généraux et les autres dépenses relatives à la tenue des assemblées de bailliages et sénéchaussées ».

Note : En 1790 et 1791, lors des élections départementales du Finistère, les électeurs réunis à Quimper demandèrent vainement à être indemnisés de leurs frais de voyage et de séjour. Si les électeurs de 1789 avaient été indemnisés, il est probable qu'on n’eût pas manqué d'invoquer ce précédent ; or, il n’en fut pas question.

« L'état des frais et dépenses de l'assemblée du Tiers Etat de la sénéchaussée de Concarneau », certifié, le 28 août 1789, par L.-M.-J. Du Laurens, s'élève à 230 livres. Les députés de Concarneau, Kernével, Melgven, Nevez, Nizon et Pont-Aven sa trève, Perguet, Pleuven, Scaër et Trégunc « ont renoncé à leur taxe ». Les autres députés, « ayant requis la taxe », devaient recevoir : ceux d'Elliant, Fouesnant, Lanriec, Locamand, chacun 10 1. ; ceux de Gouesnach, Saint-Evarzec et Tourch, chacun 15 l. Frais de publication, d'impression et de local : néant (Arch. du Finistère, L 24).

Un état similaire fut dressé, sans doute, pour la sénéchaussée de Quimper. Nous n'avons pu retrouver cet état.

En ce qui concerne la sénéchaussée de Léon (à Lesneven), l'état des dépenses, signé le 3 septembre 1789 par le sénéchal Nicolas Cosson de Kervodiès, s'élève à 13.398 l. « Dû à 14 huissiers, pour notifications aux paroisses, 336 l. (à chacun 24 l.) ; au procureur du roi, pour frais d'impression du cahier général et port des imprimés, 120 l. ; au sénéchal, pour façon des exploits, copies, cire, ficelle, 72 l. ; à chaque électeur, de 60 à 90 l. » (Arch. du Finistère, L 24).

Provenance des cahiers. — Les cahiers de la sénéchaussée de Quimper et de Concarneau, que nous publions, proviennent de la série B des archives du Finistère, dans laquelle sont conservés aussi les cahiers des sénéchaussées de Brest, Carhaix, Châteauneuf-du-Faou, Lesneven, Quimperlé, encore inédits. Ce sont donc les originaux que nous avons eus entre les mains. Ils sont signés par ceux des comparants qui étaient capables de donner leurs signatures.

Les doléances du Tiers et les assemblées du bas Clergé de Cornouaille. — Nous croyons nécessaire de dire quelques mots sur les assemblées électorales du bas Clergé de Cornouaille (Voy. Jean SAVINA, Le Clergé de Cornouaille à la fin de l’ancien régime et sa convocation aux Etats généraux de 1789, Quimper, Mme Bargain, 1926). On sait que le Clergé, qui ne députait pas aux Etats de Bretagne, fut considéré, en 1789, comme formant une sorte de quatrième ordre (Cf. Lettre et règlement du Roi pour la convocation de la province de Bretagne : art. 12, 13 et 14).

Ce bas Clergé, généralement d'origine paysanne, qui n'avait guère à se louer des ordres privilégiés, notamment du haut Clergé, et qui était souvent réduit à la portion congrue, se trouvait avoir bien des intérêts communs avec le Tiers Etat. D'ailleurs, le Tiers s'était toujours efforcé de se tenir en communion d'idées et de sentiments avec les prêtres des campagnes. Les députés du Tiers aux Etats de Bretagne avaient demandé, en décembre 1788, « que les recteurs des villes et campagnes soient admis aux Etats par députés élus par leurs pairs » (Délibération du Tiers à Rennes, 22-27 décembre 1788, paragraphe 7), que « les portions congrues des recteurs et curés ou vicaires soient augmentées » (Lettre des députes du Tiers, 5 janvier 1789, art. 11). De très nombreux cahiers de paroisses demandent l'amélioration du sort des recteurs et vicaires et « que tous les membres du clergé aient une part raisonnable de tous les biens ecclésiastiques ».

Il semblait donc qu'une union étroite fût toute naturelle entre le Tiers et le Clergé de second ordre (voir la note qui suit). Le Tiers comptait bien sur l'appui de ce clergé qu'il sollicita ouvertement. Nous avons vu que, le 20 avril, une « adresse des députés des campagnes » fut portée par une délégation officielle à l’assemblée diocésaine, réunie en ce moment à Quimper. Cette adresse, souscrite par les députés paysans, mais depuis longtemps concertée par les bourgeois, résumait les revendications essentielles du Tiers, revendications susceptibles pour la plupart de recevoir l'approbation du bas Clergé.

Note : Fait curieux : un recteur, messire Jean-Guillaume Le Bris, recteur de la paroisse de Landeleau, représenta les paysans à l'assemblée de la sénéchaussée de Châteauneuf-du-Faou (Arch. du Finistère, cahiers de la sénéchaussée de Châteauneuf, série B).

Dans quelle mesure, pendant la période électorale, l'attitude du Clergé de Cornouaille concorda-t-elle avec celle du Tiers Etat ? On ne saurait y répondre avec précision sans recourir au cahier de doléances de l'assemblée diocésaine. Malheureusement nous n’ovons pu retrouver ce cahier, et le procès-verbal, qui a été conservé, ne nous renseigne qu'imparfaitement à cet égard.

L'assemblée diocésaine de Cornouaille se tint dans une salle du collège, à Quimper, les 2, 3 et 4 avril, Environ cent recteurs s'y rendirent, représentant un peu plus de la moitié des paroisses de Cornouaille. De l'avis général, la convocation avait été trop hâtive (Lettre du subdélégué à l'Intendant, 23 mars 1789. Voy. Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1808). Bien des prêtres, convoqués tardivement, furent retenus dans leurs paroisses par les devoirs de leurs fonctions ou les difficultés du voyage. Une trentaine de paroisses ou trèves, situées sur la rive gauche du Blavet, se trouvaient séparées du siège épiscopal par 25 ou 26 lieues de mauvaises routes. Toutefois, certains durent s'abstenir volontairement; sollicités, tiraillés en sens divers, ils ne surent à quoi se résoudre. Une ardente campagne, en effet, avait été menée par la Noblesse et le haut Clergé pour dissuader le bas Clergé de se faire représenter aux Etats généraux en dehors des formes « antiques et essentielles » consacrées par la conetitution bretonne (Lettre du sénéchal de Quimper au Garde des Sceaux, 3 avril 1789. Voy. Arch. Nat., B3 39).

L'assemblée adopta un cahier de charges et doléances, comprenant 14 articles, et nomma 32 électeurs, à qui elle donna pouvoir « d'ajouter aux dites charges et doléances ce qui serait par eux jugé convenable, suivant les circonstances et événements qui pourraient avoir lieu » jusqu'au jour de l'élection des députés aux Etats généraux.

L'assemblée des électeurs du diocèse siégea, les 20, 21, 22 et 23 avril. Elle élut pour président son doyen d'âge, Louis Bernetz, recteur de Querrien, et pour secrétaire, l'abbé Boissière, secrétaire de l'évêché de Quimper (Procès-verbal de l'assemblée de MM. les électeurs du diocèse de Quimper. Voy. Arch. Nat., B3 39).

Le bruit s'était répandu que l'assemblée diocésaine avait subi trop passivement l'influence du haut Clergé et de la Noblesse et que, par suite, les résultats de cette assemblée n'étaient pas de nature à satisfaire les paysans. Dès le 20 avril, les électeurs du Tiers jugèrent à propos, par une démarche courtoise auprès des électeurs du corps pastoral, de contre-balancer les ingérences indiscrètes et autoritaires des ordres privilégiés. C'est ainsi que fut résolue « l'adresse des députés des campagnes » résumant avec une netteté vigoureuse les plaintes des paysans. Louanges discrètes au clergé paroissial, amertume des plaintes, âpreté des revendications, tout dans ce document est exprimé de la manière la plus judicieuse et la plus persuasive (Cf. l'adresse des députés des campagnes).

Une partie du clergé rural se montra favorable aux doléances paysannes. Toutefois, l'unité de vues était loin d'être complète dans ce Clergé, Pendant que certains recteurs jugeaient d'une nécessité primordiale la réduction des privilèges de la Noblesse et du haut Clergé, d'autres se montraient plus soucieux de préserver leurs propres privilèges à l'encontre des revendications égalitaires du Tiers :

« Le cahier du diocèse de Quimper... ne consent aux impôts que sous forme d'abonnement :

Les députés, déclare-t-il, demanderont la conservation des privilèges du clergé et le droit de s'imposer lui-même, de n'offrir au roi que des dons gratuits, les seuls qui soient analogues à la nature des biens dont il jouit et dont chaque individu n'est que l'usufruitier ;

Puis, il ajoutait deux articles spéciaux pour demander : l'un, que les catholiques fussent appelés aux charges et offices publics, à l'exclusion des a-catholiques ; l'autre, que les Jésuites, le cas échéant, fussent rappelés et, sinon, qu'aucun corps ne reçût la charge de l'instruction publique s'il ne dépendait de l'ordinaire » (KERVILER, La Bretagne pendant la Révolution, Soc. des bibliophiles bretons, 1912, p. 13).

Ainsi, sur deux points essentiels, tout au moins, l'égalité des citoyens et la laïcité de l'Etat, le bas-clergé cornouaillais se séparait du Tiers.

Le 21 avril, l'assemblée adopta l'ensemble du « cahier des charges et doléances au nombre de 26 articles ». Le lendemain, trois recteurs furent élus députés aux Etats généraux : Leissègues de Rozaven, recteur de Plogonnec, Jacques-Louis Guino, recteur d'Elliant, Loëdon de Keromen, recteur de Gourin. Ou leur donna « charge de ne se présenter aux Etats généraux que dans le cas où quatre diocèses de Bretagne, non compris celui de Quimper, y auraient des députés, à moins, toutefois, qu'ils ne reçussent des ordres du roi, auxquels ils se conformeront ».

Les résultats des assemblées du Clergé furent considérés comme un succès par le Tiers. « Malgré les insinuations du Clergé du premier ordre, dit Le Goazre, nos recteurs ont nommé pour députés aux Etats généraux MM, Leissègues de Rozaven, Guino et Loëdon. Ils préparent leur voyage et partiront » (Lettre de Le Goazre à l'Intendant, 23 avril 1789. Voy. Arch. d’Ille-et-Vilaine., C 1801). Succès relatif cependant., puisque, sur un point capital, la question des impôts, le clergé demandait le maintien de ses privilèges (voir la note 1 qui suit). Mais le choix des députés paraissait d'un bon augure. On savait ces députés « désireux de s'occuper des besoins du peuple ». L'un d'entre eux, Guino, avait même été chargé, le 20 avril, d'en donner l'assurance aux représentants du Tiers (voir la note 2 qui suit).

Note 1 : Les trois députés du Clergé de Cornouaille, Leissègues, Guino et Loëdon, ne parlèrent point à l'Assemblée Constituante. « Ce triumvirat de recteurs semble avoir fait une ligue de silence », disait en parlant d'eux l’Almanach des députés, de l'Assemblée Nationale. Tous trois votèrent à peu près constamment avec la gauche de l'Assemblée et prêtèrent le serment. Toutefois, Leissègues et Loëdon se rétractèrent et moururent en exil.

Note 2 : Il est intéressant de comparer l'attitude du clergé du diocèse de Quimper à celle du clergé des diocèses de Rennes, Dol, Saint-Malo. Tréguier, etc.. Voy. H SÉE et A. LESORT, Cahiers de la sénéchaussée de Rennes, t. IV, Paris, 1912. Cf. aussi PORÉE, Cahiers des curés et des communautés religieuses du baillage d'Auxerre, Auxerre, 1927 (Coll. des Documents économiques de la Révolution).

IMPÔTS DES PAROISSES. — Les chiffres relatifs aux impôts des villes et paroisses ont été puisés aux documents suivants, conservés aux archives d'Ille-et-Vilaine, série C :
Capitation : C. 3981 et 3982.
Fouage : C. 3958.
Vingtièmes : C. 4599.
Les autres références ont été indiquées au cours de l'étude.

(H. E. Sée).

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