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LE CLERGE DE TELGRUC SOUS LA REVOLUTION.

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A la fin du XVIIIème siècle, on commençait à sentir, même dans notre province, une certaine évolution dans les mentalités. Les idées des " philosophes " et des " économistes " avaient la faveur de gens dits " éclairés ", même de quelques ecclésiastiques, séduits par ce qu'elles renfermaient de généreux et de libéral.

Et comme, par ailleurs le bon peuple aspirait à secouer le joug trop lourd du Régime, beaucoup de prêtres applaudirent à la convocation des Etats Généraux en 1789 et montrèrent même de l'empressement pour la rédaction des "Cahiers de doléances" et l'organisation des élections primaires qui se faisaient dans les locaux paroissiaux. Les débuts de la Révolution suscitèrent dans le pays bien des espoirs ; l'abolition des privilèges provoqua une certaine satisfaction chez nos populations. Certains membres du Clergé se montrèrent réticents, ainsi le recteur et le curé de Crozon... Ils déplorèrent, sans protester publiquement, la nationalisation des biens du Clergé.

Les nouvelles divisions administratives, le remplacement des paroisses par les communes pour le temporel, le transfert de l'Etat-civil aux municipalités n'ont guère posé de problèmes. Notons que pendant une bonne partie de la Révolution la Presqu'île comprenait deux cantons : Crozon avec Roscanvel et Camaret, Argol avec Telgruc et Landévennec. Ni Lanvéoc, ni Trégarvan n'étaient communes.

Les premières grosses difficultés ont apparu avec le vote par l'Assemblée Constituante, le 12 juillet 1790, de la Constitution civile du Clergé, qui prétendait organiser en dehors du Pape l'Eglise de France. Une telle mesure était inacceptable pour les chrétiens instruits parce que contraire aux structures essentielles de l'Eglise. Et pourtant, le 27 novembre, l'Assemblée décida que tous les prêtres fonctionnaires (recteurs et curés pour les paroisses) devraient prêter serment de fidélité à la dite Constitution.

La réaction fut très vive dans certains endroits. Beaucoup de prêtres refusèrent le serment : ce sont les "insermentés" ou "réfractaires". Ils jugeaient que tout ce qui est "légal" n'est pas pour autant permis. D'autres, par entraînement, pensèrent qu'ils pouvaient soutenir une loi du pays, à laquelle le roi ne s'était pas opposé et que le pape n'avait pas encore condamné : ce sont les " assermentés " ou " jureurs ".

Dans notre presqu'île, ont prêté serment : Argel : Jolec, recteur et Palud, curé. Trégarvan : Pelliet, curé. Landévennec : Riou, recteur. Roscanvel : Pavec, curé ; il s'est ensuite rétracté.

Ont refusé le serment : Crozon : Joseph Heussaff d'Oixant, recteur. Louis Meillard, curé. Les onze prêtres habitués, qui n'étaient pas tenus au serment, ont publiquement manifesté leur désaveu pour la Constitution civile. Camaret: Le Marchand, recteur et Troniou, curé. Roscanvel : Graveran, recteur. Parmi les prêtres originaires de Telgruc, Corentin Riou de Kérédan, recteur de Saint-Hernin, a refusé de prêter serment.

Signalons à son sujet l'anecdote suivante : " On raconte à Telgruc qu'au temps de la Révolution, un prêtre était venu se cacher dans le bois de Kérédan ; il était du village et connaissait bien les lieux et les gens. Or il advint que les révolutionnaires en eurent vent et comme il y avait une prime à toucher, ils vinrent pour l'arrêter l'envoyer en prison et peut-être à la guillotine. Mais voilà que les rondins et les billettes se mettent à tournoyer et les coups tombaient drus comme grêle sur les bonnets rouges, qui n'attendirent pas leur reste".

Son exemple ne fut pas suivi par son neveu, Louis LE MONZE (1748-1801). Ce dernier, fils de Maître Louis Le Monze, notaire de la juridiction abbatiale de Landévennec et de Jeanne Riou, son epouse, était né à Kéredan en 1748. Son père mourut en 1760, laissant six enfants. Louis, l'aîné, après avoir reçu la tonsure dans la cathédrale de Quimper, fut envoyé poursuivre ses études à l'Université de Paris. Prêtre en 1772, il devint en 1774 professeur de philosophie, puis professeur de sciences en 1775 au Collège de Quimper. Il y connut comme collègues Claude Le Coz, futur évêque constitutionnel d'Ille-et-Vilaine et Yves-Marie Audrein, qui devait devenir évêque "intrus" du Finistère (1798-1800).

En 1789, Louis fut nommé recteur de Langonnet, paroisse de l'ancien diocèse de Cornouaille. Il y avait été solennellement installé et remplissait dignement ses fonctions. Sa mère, Jeanne Riou, après avoir partagé ses biens entre ses six enfants et laissé le manoir de Kérédan à son fils Maurice, -- moyennant certaines clauses qui assuraient son propre avenir, -- était venue vivre auprès de son aîné, au presbytère de Langonnet. En 1791, le nouveau recteur prêta serment à la Constitution civile du clergé, A-t-il agi par opportunisme ? Avait-il été marqué par les idées nouvelles pendant ses années de professorat ? Ce qui est certain, c'est qu'il a opté pour la Révolution, dont il ne connaissait pas encore, il est vrai, toutes les outrances.

Pour le récompenser de son civisme, l'Administration du Département du Finistère allait le nommer bientôt professeur de mathématiques à l'Ecole centrale de Quimper, qui remplaçait l'ancien collège confisqué. Il y recevait un traitement annuel de 1 200 livres, Dans la suite, le professeur Le Monze se posa comme acquareur de biens nationaux pour le compte de sa mère, de son frère Maurice et pour son propre compte. Avec la fortune, c'étaient aussi les honneurs qui se présentaient à lui : élu curé constitutionnel de Recouvrance (Saint-Sauveur de Brest) par 123 voix sur 152 votants, le citoyen Le Monze reçut de l'évêque intrus Audrein sa nomination en termes fort élogieux. Il préparait déjà son installation solennelle, dont il avait prévu la liturgie dans les moindres détails.... Mais le calme n'étant pas encore revenu, le nouveau curé hésita à se rendre à Brest …… Ses craintes n'étaient pas sans fondement, car Le 29 décembre 1800, l'évêque, qui avait pris la diligence à Quimper pour se rendre à Morlaix, fut arrêté avec son escorte au bas de la côte de Saint-Hervé en Briec par douze chouans. Le prélat essaya de se défendre, mais fut tué d'un coup de fusil à bout portant.

Avec la mort de son protecteur s'effondraient les espoirs de Louis Le Monze ; il devait mourir professeur à Quimper, le 4 mars 1801. Il avait eu le mérite d’être fidèle à la mémoire de son ami : il avait organisé à Telgruc une quête pour venir en aide à la nièce de l'évêque ; celui-ci était mort fort pauvre.

Comme Le Monze, Guillaume D'Hervé, de Lézuoc, alors qu'il était curé de Daoulas, prêta lui aussi le serment, mais avec des réserves. Il devait mourir curé constitutionnel d'Argol, en 1803.

D'une maniere générale, le clergé de Telgruc n'a pas montré, pendant la Révolution, l'attitude courageuse de la majorité des prêtres de notre région. La population ne semble pas avoir apprécié son comportement.

Voyant l'un de ses prêtres les plus remarquables, Louis Le Monze, pactiser avec les intrus au point de se porter acquéreur des biens d’Eglise, et d'autres, devenus incapables d'exercer convenablement leur ministère, le peuple de Telgruc s'est laissé gagner par une certaine méfiance à l’égard des ecclésiastiques.

On s'explique dès lors que la paroisse n’ait fourni que trois prêtres au diocèse depuis le Concordat jusqu'à nos jours, alors que pendant le même temps dans l'ensemble de la Bretagne le recrutement sacerdotal a largement dépassé les besoins du pays. La pratique religieuse aussi s’est considérablement relâchée, pendant la tourmente.

Aussi le premier recteur nommé après le Concordat ne tarda-t-il point à exprimer à l'évêché son désappointement ; dans une première lettre du 18 février 1804, il présentait ainsi sa fiche paroissiale : " Voici les notes que vous me demandez. Le Patron de l'église de Telgruc se nomme saint Magloire. Dans cette succursale, il y a 1657 âmes et 1250 communiants environ. Deux prêtres seraient nécessaires eu égard à l’éloignement du bourg de la plus grande partie des habitants; Je puis dire que je suis seul prêtre ici, l'autre étant presque hors d'état d'agir. Je m'appelle Pierre-Hyacinthe CORGAT né à Guerne-en-Poullou en la ci-devant paroisse de Plourach en 1744, 22 mars, ordonné prêtre en 1770. Monsieur Louboutin se nomme aussi Pierre, né à Kergaradec en Plonévé-Porzay en 1741, ordonné en 1771, Les autres demandes ne concernent pas cette commune, où il n'y a qu'une simple chapelle".

Le 6 juin suivant, il confie au secrétaire de l'évêché sa grande déception et trace le tableau suivant de la situation : " Je vous avoue naïvement, monsieur, que je ne suis venu à Telgruc qu'à contre-coeur et que j'ai bien de la peine à m'y habituer. Vous ne sauriez imaginer combien ce peuple est grossier, ignorant, insoucieux à tous égards. La foi y est comme éteinte et presque point de moeurs. Si je n'avais pas eu un peu de religion (sic) et si je n’étais esclave de l'obéissance, il m'eût été difficile d'y tenir l'espace même de trois mois ".

Son séjour ne fut guère plus long. Monsieur Corgat ne tarda pas à être nommé curé de Beuzec-Conq (1804-1827).

Quant au vicaire, malgré son peu d'aptitude pour le ministère, il fut bientôt nommé recteur de Landévennec où il mourut le 20 mars 1806, âgé de soixante-cinq ans.

Et de la fin de juin 1804 jusqu'au début de février 1807, Telgruc n'eut pas de prêtre... Le service religieux fut assuré par le recteur d'Argol, Nicolas Moreau, né à Dinéault en 1764, ordonné en 1790. Il avait exercé le ministère à Crozon ; considéré comme réfractaire, il avait été déporté en rade de l'île d'Aix. Nommé recteur d'Argol en 1802, il conserva son poste jusqu'en 1814. Son maire, M. Le Millour, appréciait hautement son zèle pastoral et prit sa défense en maintes circonstances.

Enfin, en 1807, Telgruc reçut un desservant, Joseph MEILLARD, né à Crozon le 15 septembre 1751 ; il avait exercé longtemps le ministère dans sa paroisse natale, avant, pendant et après la Révolution : il avait même été élu maire de sa commune en 1790. Fatigué par toute une vie de travaux et d'épreuves, il mourut le 13 février 1810.

Peu de temps après, de 1812 au mois d'août 1819, Telgruc allait de nouveau se trouver sans prêtre, faute de logement, Et pourtant le maire, Hervé Savina, qui avait épousé une fille de Claude Le Monze, (une nièce de Louis,) multipliait les démarches pour obtenir un recteur. Le 11 février 1813, il écrivait au curé de Crozon, Bernard Doucin, qu'il a " loué pour le desservant une maison au bourg occupée jusqu'ici par Melle Férec, aubergiste," le suppliant d'intervenir auprès de Monseigneur. Il renouvela sa demande le 20 avril et le 2 juillet 1819.

Enfin en 1820, on signale deux prêtres à Telgruc : Pélen, recteur et Le Bars, vicaire. A leur tour, ce sont eux qui assurent le service d'Argol, depuis le départ de M. Le Guen (mars 1821) jusqu'à l'arrivée de son successeur, M. Cantinat, le 18 janvier 1822.

Monsieur Le Rest succède au recteur Pélen et s'occupe de la réfection de la toiture de l’eglise. En 1837, nous trouvons comme recteur l'abbé Mesangroaz.

Pendant la première partie du XIXème siècle, à la faveur du Concordat et des dispositions bienveillantes des gouvernements successifs, grâce aussi à l'harmonie qui existe entre la paroisse et la municipalité et malgré l'absence, à deux reprises, pendant quelques années, de prêtres résidant sur place la situation religieuse semble s'être améliorée à Telgruc.

La lettre qu'écrivait en 1851 le nouveau recteur Delaunay à son ami M. Evrard, secrétaire de l'évêché, peu de temps après sa nomination rend un tout autre son que le compte-rendu pessimiste du premier recteur concordataire. Sans doute, le ministère présentera des difficultés en raison de l'étendue de la paroisse, de la dispersion des villages, de l’état des routes pendant l'hiver. Mais le paysage est si beau, si varié, si propre au calme et à la méditation. Quant au peuple, il est abordable, " assez docile passablement pacifique, peu agressif si ce n'est le dimanche au sortir de l'auberge et quand sa gaieté se répand en chants plus ou moins harmonieux, comme hier, 26 décembre, pour la foire des domestiques…… par ailleurs, généreux pour les dons en nature ".

Il aurait pu ajouter, -- mais c’était inutile, puisque chaque année les registres paroissiaux étaient envoyés à l'évêché, -- que tous les habitants étaient baptisés et enterrés religieusement.

M. Delaunay fut secondé par son vicaire, l'abbé Brisson.

En 1857, le nouveau recteur, l'abbé Troussel, conserva quelque temps le vicaire. Dans la suite, il en reçut deux autres, les abbés Tréguier et Querné. Son principal souci fut, en dehors du ministère ordinaire, la restauration de l'église paroissiale, qui réclamait de très grosses réparations.

Son successeur, Maurice Monfort entra en fonction en 1866 et demeura recteur de Telgruc jusqu'en 1889. C'était le frère de Pierre Monfort, premier recteur de Lanvéoc, paroisse détachée de Crozon en 1862. Il eut successivement comme vicaires les abbés Pouchat, Kerlidou et Jaouen.

Avec l'abbé Mingant, recteur de 1890 à 1899, qui eut comme collaborateurs les abbés Jaouen et Merrien, les difficultés surgissent. Le presbytère réclame des réparations immédiates. En ce moment, la municipalité se trouve affnontée à un double problème : assurer la restauration de l'édifice et loger les instituteurs. Dans une lettre du 21 novembre 1891, le Préfet, mis au courant, écrit à l'évêque et lui propose de distraire les parties superflues du presbytère et de les céder à la commune. On décide de construire un logement plus petit pour le clergé et de garder le reste à l'usage des services communaux. En mars 1892, le Conseil municipal et le Conseil de Fabrique se mettent d'accord. Le dossier est expédié à la Préfecture et un arrêté du 7 avril suivant autorise la distraction d'une partie du vieux presbytère pour l'usage de la municipalité et des maîtres d'école. En principe, cet arrangement paraissait raisonnable. Mais était-il viable dans la pratique ?

Chacun tenant à son indépendance et à sa tranquillité, le voisinage allait devenir une cause de frictions, une source de plaintes.

Au début, on composa. Le rectorat de l'abbé Cornic fut de courte durée, 1899 à 1904, et la crise n'éclata pas de son temps.

Mais l'abbé Calvez prenait la direction de la paroisse à une période de conflit aigu entre la Troisième République et l'Eglise de France. Les catholiques, les Bretons entre autres, étaient exaspérés par les mesures vexatoires de Combes et autres anticléricaux de même acabit ... : lois contre les Congrégations religieuses, défense d'enseigner, expulsions, loi de la Séparation, qui était une dénonciation unilatérale du Concordat, système des fiches dans l'armée, inventaires des biens d'Eglise......
Les "Républicains" au contraire prétendaient se poser en défenseurs des droits de l'homme, de la liberté et du Progrès.

Garder la tête froide en ces circonstances eût été souhaitable, mais n'était-ce pas trop dur pour le commun des mortels ?

C'est dans tout ce contexte, nous semble-t-il, qu'il convient d'envisager le désaccord entre le recteur et la municipalité de Telgruc, désaccord dont il est hors de saison de raconter toutes les péripéties et qui aboutit, le 19 mars 1913, à la mise en interdit de la paroisse. L'ordonnance épiscopale déclarait : "Considérant que la résidence du clergé paroissial de Telgruc a été rendue impossible dans cette localité par le fait du Conseil municipal, avons ordonné ce qui suit :
Article I.- M. Calvez, recteur de Telgruc et M. Madec, vicaire, quitteront immédiatement la paroisse.
Article II.- Un prêtre, désigné par nous, résidera au presbytère d'Argol et sera chargé de faire le catéchisme aux enfants, d'administrer les malades et de procéder aux enterrements, sans solennité.
Art. III.- Pour les baptêmes et les mariages, les habitants s'adresseront aux paroisses voisines. A cet effet, nous autorisons expressément le clergé paroissial de Crozon, d'Argol et de Saint-Nic à inscrire les bans et à célébrer les mariages des habitants de Telgruc tant que durera la crise actuelle.
Art. IV.- Toutes les sonneries religieuses sont interdites, même pour l'Angelus et les enterrements.
Art. V.- Nous rétablirons le clergé paroissial à Telgruc lorsqu'on aura pu lui assurer un logement convenable"
.

Une telle situation était pénible. On ressentit encore davantage le malaise lorsque, à l'atmosphère de tension du début du siècle, succéda un climat d'union sacrée, après la déclaration de guerre et la mobilisation générale en août 1914. Mais la guerre, qui d'un côté calmait les esprits retardait par ailleurs les solutiens pratiques. On cherchait de part et d'autre un accommodement.

Enfin, en octobre 1916, après plusieurs mois de pourparlers, la municipalité et l'administration diocésaine se mirent d'accord : la commune fournirait un presbytère et l'évêque nommerait un nouveau recteur. C'était l'abbé Bourhis, qui par son caractère était tout disposé à arrondir les angles. Il devait rester quatorze ans à Telgruc, aidé d'abord par l'abbé Madec, puis par l'abbé Copy. Ce dernier fut vicaire de 1919 à 1931.

Il ne faudrait pas croire que les démêlés entre le clergé et la minicipalité aient " brouillé avec la religion " l'ensemble des paroissiens. A l'époque du pardon de Lanjulitte, on entendait fredonner les paroles suivantes : " Hirio, n'eus tam pardon :  Mouzet an Otrou Mer ous an Otrou persoun ! ". On les chantait sur l'air du grand "Magnificat" et on reprenait le refrain : " Pedit evidomp, santez Julitta ! Pedit evidomp, er ger a rankomp chou ! (bis) ".

Mais ce n'était pas méchant et Telgruc conservait un certain fond chrétien traditionnel, maintenu par l'éducation familiale, le catéchisme paroissial fréquenté par tous les enfants pendant plusieurs années, l'atmosphère habituelle de dignité morale et de réserve que l'on trouvait dans nos campagnes bretonnes, avec le sens de l'effort, la vie rude et frugale. Comme dans tous les pays de civilisation rurale, on appréciait fort les fêtes religieuses, qui se succédaient au rythme des saisons. C'était l’ocassion d'une détente, l'occasion aussi de manifester sa joie et sa reconnaissance au Créateur. Pardons et pélerinages venaient compléter le cycle liturgique annuel.

Les grands événements de la vie étaient marqués par des actes religieux auxquels on attachait une très grande importance. Il suffit de penser aux festivités qui entouraient le baptême, la première communion, le mariage. La célébration de la mort présentait encore un caractère plus solennel ; qu'on se rappelle la chapelle ardente que l'on préparait pour le défunt la veillée silencieuse et priante à laquelle participaient parents et voisins, le cortège funèbre, modeste peut-être lorsqu'on ne disposait que d'un char-à-banc, mais qui témoignait de tant de respect pour le disparu...

La participation aux obsèques et aux services pour les Trépassés montrait à tous combien le culte des morts est ancré au cœur des Telgruciens, ce culte qui suppose la foi en la vie future et en la communion des saints.

Nous ne voulons pas dire que tout fût parfait dans la paroisse, mais assurément le successeur de M. Bourhis dut être heureux d'y arriver. Ce fût l’abbé Le Breton, originaire de Plomodiern, précédement recteur de Roscanvel. Il fut secondé par l'abbé Copy qui bientôt fut chargé de la paroisse de Peumerit, puis par l'abbé Goulven Chuiton, qui devint quelques années plus tard recteur de Roscanvel, puis de Guengat.

En 1939, un jeune prêtre, Marcel Le Goff, vint prendre la relève, mais pour peu de temps, car la guerre ayant privé Crozon de presque tous ses vicaires, l'abbé Le Goff fut appelé à exercer le ministère dans cette paroisse. Le recteur Le Breton, malgré son âge, dut en 1940 assurer seul le service de Tengruc, en attendant qu'en 1941, on lui donnât comme auxiliaire l'abbé Jean Le Bars, qui céda, vers la fin de 1943, la place à l'abbé Heydon.

Les années de l'"Occupation" furent, on le sait, bien pénibles pour toute notre région. La libération tant attendue amena pour Telgruc la catastrophe : le malencontreux bombardement du 3 septembre 1944 détruisit presque entièrement le bourg et l'église, provoqua la mort de 64 soldats américains, de 40 FFI, et de 32 civils, sans compter de nombreux blessés. L'abbé Heydon fut tué et le recteur blessé.

Depuis septembre jusqu'en novembre, le service paroissial fut assuré par le clergé de Crozon et par celui d'Argol. Puis François Philippe, originaire du Juch et vicaire à Brest, fut nommé recteur. Il dut d'abord résider à Argol jusqu'au jour où il trouva un tout petit logement pour lui-même et son vicaire, l'abbé Pavec, nommé en juillet 1945.

Une baraque servit d'église paroissiale provisoire en attendant que le service de la Reconstruction pût commencer ses travaux. Mais en ce moment l'abbé Philippe était déjà devenu curé de Concarneau. Et c'est à son successeur Jean Sergent, de Pont-Croix, que revint la charge de toutes les démarches nécessitées par la reconstruction.

Il eut comme vicaires les abbés Yves Le Com et Jean Geléoc. L’abbé Jérôme Coadou, de Pluguffan, jusqu'alors aumônier des Ursulines à Morlaix, le remplaça en juin 1956. Privé de son vicaire l'année suivante, il exerça seul le ministère ; il eut à s'occuper de la réfection du clocher et entreprit les premières démarches pour l'électrification des cloches.

Son successeur, Yves Lannuzel, arrivé à Telgruc en novembre 1959, a dirigé la paroisse pendant plus de treize ans avec beaucoup de dévouement. Dans sa retraite, qu'il a voulu prendre parmi les siens, il est resté disponible. Quant à nous, nous n'aurions jamais écrit cet article, si M. Lannuzel lui-même ne nous avait fourni une documentation abondante, que nous n'avons fait qu'effleurer. Nous le remercions bien sincèrement.

Vers 1973, le recteur est Monsieur Auguste Le Coat, né en 1925 à Guilers-Brest et précédemment vicaire à Saint-Mathieu de Quimper.

(Th. Keraudren et A.-H. Dizerbo).

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