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DEBUT DE LA REVOLUTION AU TEMPLE-DE-BRETAGNE

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Beaucoup de documents de l'époque révolutionnaire, délibérations, correspondances, procès-verbaux de police, faits militaires, ont disparu des archives départementales et municipales ; cependant sur ce champ dévasté nous ferons quelques glanes qu'il sera intéressant de recueillir. Des personnes, compromises à travers les événements tragiques de ces dix années d'anarchie, ont pris soin de détruire tout ce qui pouvait entacher leur mémoire. Les deux principaux acteurs du drame révolutionnaire au Temple sont deux étrangers, établis dans le pays depuis quelque temps, Nicaise et d'Ozeville ; revenus au pouvoir, même sous la Restauration, ils ont dû soustraire beaucoup de pièces ; quelques autres aussi n'ont pas manqué de s'associer à ces compromis.

L'histoire de cette Révolution devrait être écrite avec du sang : elle fait tache dans nos annales françaises, toutes pleines d'actions héroïques et de beaux gestes à travers les siècles passés. Nous serons bien obligés, en certaines pages, de raconter des faits déshonorants ; mais ce sera toujours avec regret et discrétion. Et d'ailleurs que le lecteur fasse la part à la bonne foi qui put inspirer plusieurs de ces hommes épris de liberté, trompés par les maîtres de ce temps-là lancés à corps perdu dans le nouvel état de choses, dont on disait qu'il allait rendre à la France le bonheur et la prospérité. Que de consciences faussées, que de vaines utopies ont fait en effet commettre des fautes pendant cette période d'audacieuses innovations !

Ces remarques préalablement faites, nous entrons dans récit des événements révolutionnaires qui se sont accomplis au Temple.

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Le début, comme partout, est marqué par un enthousiasme qui se fait voir dans toutes les classes de la société.

En 1789, tels sont les noms des personnalités qui se laissent lire dans les écrits de l'époque : Le Flo de Trémélo, l'unique gentilhomme de la localité, qui devait habiter la Cour, propriété de Mme de Walleton, — d'Ozeville, venu de Normandie, qui supprimera bientôt l'apostrophe de son nom, pour s'appeler démocratiquement Dozeville, — Nicaise, également étranger au pays, maître-de-poste, — Lebreton, syndic de la paroisse, et Maugendre, scribe, ceux qui d'une plume exercée, rédigèrent les actes civils et les procès-verbaux de séances, — Pierre Bézier, aubergiste, qui devait devenir maire plus tard, — Rebondin, maître-d'hôtel de l'Ecu-de-France et taillandier — Maraud, maître-d'hôtel de la Cour-des-Ducs-de-Bretagne, — Gascoin qui tenait l'auberge de la Croix-Rouge, en Malville, — Bricard, notaire de la juridiction, — Héraut, boulanger, enfin Potiron, Blanc, Thiret, Dabbé, Boutin, Pageot, Clément, Moisan, 0llivier, Even, Bernard, Moriceau, Robineau, etc.

Le 8 août 1788 le roi, ayant décidé de convoquer les états-généraux, la France entière entra dans le mouvement. On sentait en effet le besoin d'un total remaniement dans le rouage administratif. Au mois d'octobre suivant, Louis XVI convoqua les notables des paroisses, pour préciser les conditions dans lesquelles se ferait le choix des députés de la Nation.

En Bretagne, comme en Dauphiné, on remarqua une grande effervescence dans les esprits : la classe bourgeoise, lasse d'une longue humiliation, semblait aspirer à rentrer dans l'exercice de ses droits séculaires. Ce n'était pas sans appréhension que les hommes clairvoyants constataient cet état d'âme dans la bourgeoisie. Le tiers, qui jusque-là n'avait été rien dans les affaires, voulait être désormais quelque chose, sinon tout.

Le peuple fut donc appelé à élire ses représentants par des délégués paroissiaux qui auraient le droit électif. Dans ces réunions présidées par le sénéchal ou le bailli, on rédigea ce qu'on appelle les cahiers de doléances, c'est-à-dire qu'on exprima des voeux et que l'on indiqua quelques réformes à obtenir. Voilà un fait étrange dans l'histoire qu'un peuple tout entier, représenté par deux millions de délégués, dictât ses volontés à ceux qu'il nommait ses mandataires.

C'est le 30 mars 1789 que les notables du Temple au nombre de 62, les plus imposés et âgés au moins de 25 ans, se réunissent dans la sacristie de l'église, sous la présidence de maître Bricard, notaire royal et procureur fiscal de la commanderie, en l'absence du sénéchal de Nantes. Etaient là : J. Bernard, J. Rebondin, René Loyseau, Julien Mariaud, André Guillard, P.-J. Lebreton et d'autres..

La convocation avait été affichée et, la veille, au prône de la messe paroissiale, le recteur l'avait officiellement publiée.

On choisit d'abord comme commissaires Jean Rebondin et P.-Julien Lebreton, qui rédigent sur place les doléances des présents. Comme partout ailleurs, on veut conserver le plus haut respect pour la personne du roi ; on demande la sûreté pour l'Etat, le maintien des privilèges de Bretagne, l'établissement d'un ordre fixe et durable dans l'administration, on veut la prospérité et le bonheur du royaume.

Les voeux proprement dits que formule l'assemblée sont les suivants : 1° suppression des rentes féodales sur les landes improductives ; — on devait payer 50 sous par journal ; 2° établissement des sièges royaux à la place des juridictions seigneuriales ; 3° imposition égale et commune aux trois ordres, y comprise la corvée pour l'entretien des grands chemins ; 4° égalité dans le nombre des députés du tiers avec ceux de la noblesse et du clergé ; 5° disparition du droit de lods et ventes ; 6° suppression des fours banaux et moulins — il y avait un four dans le bourg et plusieurs moulins aux alentours ; 7° agrandissement de la paroisse, très resserrée dans ses limites ; 8° exonération pour la paroisse d'entretenir son presbytère ; 9° que les recteurs, étant du tiers, figurent aux états-généraux en même proportion que les autres députés ; 10° ils protestent contre l'obligation où sont les roturiers et les vassaux de conduire les matériaux nécessaires à l'entretien des moulins seigneuriaux ; 11° augmentation de la portion congrue « pour la vie et l'entretien d'un prêtre honnête, même dans l'ordre de Malte » — la portion congrue ou traitement des vicaires‑perpétuels, comme était celui du Temple, s'élevait seulement à 700 #, ce qui évidemment était insuffisant pour vivre ; 12° qu'il n'y eût plus de droit de déshérence ; 13° ils demandent enfin qu'un commis-greffier soit résidant au bourg pour la prompte liquidation des différends — ils étaient, disent-ils, obligés d'aller à Nantes pour comparaître devant Messieurs les Justiciers (Archives départementales, C. 577).

Toutes ces réclamations sont modérées et paraissent fort justes. Les bons habitants du Temple, un peu privilégiés, vivant sous un régime à part, n'avaient point à se plaindre des vexations du seigneur féodal, jouissaient de la paix avec le commandeur qui les laissait cultiver leurs terres ou exercer leurs métiers. On sent d'ailleurs, en lisant ces cahiers de doléances, que les délibérants suivent les bonnes inspirations de leur recteur.

Le 20 septembre suivant, réunis par ordre et de nouveau, les notables persistent dans leurs déclarations ; ils ajoutent néanmoins qu'ils sont prêts à adhérer « à ce que fera la municipalité de la ville épiscopale ». Pour porter à Nantes le procès-verbal des deux séances, ils députent René Loyseau. Signent : Defaye, P. Bézier, Boutin, J. Rebondin, Lacôte, Gergaud, F. Rebondin, Moriceau, Loyseau, P. Gergaud, Lebreton, syndic, Bricard, procureur-fiscal.

Pour se conformer au décret de l'Assemblée Constituante — 14-29 décembre 1789 — qui établissait les paroisses en communes, les notables s'assemblent, le 14 février suivant, dans le but de procéder aux premières élections municipales. P.-J. Lebreton, ci-devant syndic, est élu maire ; sur 31 votants, J. Rebondin est déclaré procureur par 17 suffrages. Tous les deux, en séance, jurent fidélité à la nation, au roi et à la loi et de maintenir la constitution du royaume. Le conseil communal est ainsi composé : P. Mariaud, R. Loyseau, P. Guillon, J. Gergaud. Ch. Moison et P. Marand.

Peu instruits sur les lois nouvelles, ces braves gens avaient omis de désigner ceux qui devaient constituer le corps municipal proprement dit : ils réparent leur erreur dans une réunion subséquente et nomment Guillaume Moisan et Jacques Boutin, qui prêtent immédiatement le serment exigé des officiers municipaux. Le procureur de la commune accepte la charge de buraliste, pour recevoir les déclarations de l'impôt patriotique et aussi celle de trésorier.

On remarque que d'Ozeville et Nicaise, qui n'étaient que des exotiques et peut-être inconnus au rôle des contributions, ne figurent point dans la première administration locale. Laissez faire : ils s'imposeront plus tard par leur républicanisme de circonstance.

Voilà donc la petite commune constituée légalement : elle ne comptait que 150 communiants ou adultes, ce qui représente une population totale de 225 individus au maximum, par conséquent beaucoup moindre que de nos jours. Le Temple devenait une des 18 municipalités composant le district de Savenay ; mais d'après la Constitution de l'an III (22 août 1795) elle aura l'honneur de figurer parmi les chefs-lieux de canton et cela jusqu'à la Constitution de l'an VIII qui rattachera les deux communes du Temple et de Vigneux à Saint-Etienne-de-Montluc et celle de Malville à Savenay [Note : Dès le 14 janvier 1791, les notables du Temple avaient demandé que leur localité devint chef-lieu de canton, comme point central entre Vigneux et Malville. Cette requête fut envoyée au Département, mais sans succès immédiat].

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Cependant les événements se précipitent avec les décrets prononcés par les réformateurs de la Constituante ; puis le comité ecclésiastique élabore la trop fameuse organisation du clergé qui va porter le trouble dans les populations catholiques et le scandale dans l'Eglise.

Le 14 juillet de cette année 1790, on fait au Temple la prestation du serment dit du Pacte fédéral avec grandes pompes et cérémonies. La religion est de la fête, parce qu'on ne croit pas encore qu'on peut s'en passer, tant elle est ancrée au fond des coeurs dans notre noble pays de France. « Après la première messe, précédée du chant du Veni Creator, le corps municipal et ensemble la commune étant assemblés dans le cimetière, comme à l'endroit le plus convenable — il entourait l'église — et ont fait, tous ensemble, (sic) le cri de Vive la Nation, le Roi et la Loi ! répété par trois fois » (Archives municipales. Cahier des délibérations capitulaires).

A la suite de cette manifestation toute patriotique, chacun des officiers municipaux fait le serment légal et tous, avec le peuple, rentrent à l'église, où le recteur entonne le Te Deum. Enfin réunis à la sacristie, ils rédigent le procès‑verbal et promettent d'en envoyer une expédition au district. C'est le recteur qui l'écrit et le signe.

Rien à cette époque n'était encore changé au Temple, M. Boisiau, malgré les appréhensions que lui causait cette effervescence populaire, restait à son poste ; pourtant l'heure des difficultés et de la persécution même va sonner pour lui et pour tous les prêtres fidèles du royaume.

Passait souvent par le bourg, en ces premiers mois d'agitation politique, un mauvais génie qui devait exercer dans toute la région la plus funeste influence. Vicaire à Malville depuis quelques semaines après l'avoir été successivement à Guémené, Conquereuil, Saint-Similien, Pierric, Beslé, Joseph-Rose 0llivier appartenait à une famille très nombreuse et aussi très considérée dans tout le pays. Il était fils de Charles 0llivier, procureur fiscal de Vigneux. Celui-ci de trois femmes avait eu 30 enfants. Cette nombreuse lignée était répandue à Vigneux et dans les paroisses circonvoisines et occupait des emplois publics, comme procureurs fiscaux, justiciers ou notaires. On peut dire qu'on rencontrait partout des 0llivier comme on trouvait des Magoët. Un oncle de Joseph-Rose, bien plus jeune que lui, occupait la cure de Vigneux, sa paroisse natale depuis 1776, personnage très édifiant et très recommandable. Le vicaire de Malville se faisait appeler de la Béhinière et avait une propriété à la Croix-de-Pierre, en Vigneux. Ce malheureux ecclésiastique, préparé déjà toutes les défections, faisait par ses conversations et sa conduite pressentir le triste rôle qu'il allait jouer dans le drame de la Révolution au pays natal. L'ambition dut l'égarer souvent ; toutefois la bonne Providence lui ménagea le temps de réparer ses erreurs. Nous aurons, hélas ! bien des fois l'occasion de citer son nom dans les pages qui vont suivre.

Les premiers décrets publiés par la Constituante, malgré les réformes importantes qu'ils apportaient dans l'Eglise, avaient peu touché les habitants du Temple qui se trouvaient dans des conditions toutes particulières et locales. Ainsi celui du 27 août 1790, qui exigeait qu'on envoyât à la Monnaie le superflu de l'argenterie des églises et des monastères, n'atteignait pas la paroisse du Temple, parce qu'elle relevait de l'ordre de Malte. Egalement dans la confiscation des biens du clergé, ceux de l'ordre n'étaient pas compris, pour l'heure du moins. Le recteur lui-même, simple congruiste, à la solde de la commanderie, ne se trouvait point astreint à faire sa déclaration. Il en était de même de la suppression des dîmes ; ce qui dût se faire cependant, c'est l'abolition des droits féodaux et des titres de noblesse. De nobles il n'y avait que M. de Trémélo et d'Ozeville, lequel d'ailleurs se dit simple cultivateur et enlève sa particule, comme nous l'avons dit.

Cependant, le 29 juillet, on demanda un rapport sur l'ordre de Malte : ce qui semblait annoncer que bientôt ses biens très considérables en France seraient confisqués comme les autres.

La constitution civile du clergé, qui ne devait entrer en vigueur qu'à la fin de janvier, mais qui déjà alarmait les consciences catholiques, eut son retentissement dans la petite paroisse du Temple. La prestation du serment constitutionnel devenait en effet exigible de la part de tous les ecclésiastiques occupant dans le royaume une fonction publique et, par là même, était atteint le recteur du Temple. Quelques prêtres, par faiblesse ou par ignorance, eurent le malheur de jurer : de ce fait, ils se séparaient de l'Eglise catholique et on les appelait jureurs ou assermentés et s'ils venaient à accepter des fonctions curiales, ils devenaient des intrus, c'est-à-dire des pasteurs sans mandat et sans juridiction. M. Boisiau n'était pas homme à commettre cette compromission ; aussi dut-il prévoir que bientôt il serait mis en demeure de se retirer [Note : Le maire de Temple avait bien accusé réception du décret pour la prestation du serment, mais n'avait rien appris de ce qui s'était passé. Aussi le 6 mars, le District, arrêta qu'on procéderait à l'élection du curé constitutionnel du Temple. — Archives départementales, L. 1187].

Pendant le mois de janvier les choses allèrent vite. On procéda à ce qu'on appelle tes élections des curés, dans chaque chef-lieu de district. Voilà donc que quelques citoyens se rassemblent à Savenay et nomment ici et là les pauvres prêtres qui s'étaient empressés de jurer. On en rencontra peu dans la région ; cependant se mettaient sur les rangs le curé et le vicaire de Malville, Guillotin, recteur de Fay, et les Cordeliers de Savenay. C'est dans ce couvent évacué qu'on trouva le gardien Courtois pour Cordemais et Salmon pour le Temple. Ces élections ne durent avoir lieu qu'au mois de mai [Note : Les procès-verbaux ont été perdus].

Né en 1748, profès de 1773, étranger au diocèse, Salmon faisait partie de la communauté de Savenay depuis plusieurs années ; dès le 4 janvier il avait prêté serment et sollicitait un poste : c'est le Temple qui eut le malheur de l'avoir comme curé constitutionnel. L'installation eut lieu le 15 mai ; nous n'avons point le récit officiel de cette cérémonie scandaleuse. Il inaugura son ministère par un premier baptême le 20 suivant. En même temps Courtois occupait Cordemais, Braud était maintenu à Malville et 0llivier eut l'audace de remplacer son oncle à Vigneux. Ces quatre prêtres, s'isolant de ceux qui étaient demeurés fidèles à Dieu, à l'Eglise et à leur conscience, aimaient à se visiter et à se fréquenter. Ainsi l'on constate, par les registres paroissiaux du Temple, que l'intrus de Vigneux fait un baptême en cette paroisse le 20 septembre et que, le 18 octobre, celui de Cordemais célèbre un mariage avec dispense accordée par Minée, l'évêque schismatique de la Loire-Inférieure. Pendant ses absences assez fréquentes, Salmon avait recours à ses confrères.

M. Félix Boisiau, né au Fuilet en 1745, prêtre de 1770 étant vicaire à Nozay, avait été nommé recteur du Temple en 1786. A l'arrivée de l'intrus, il était encore à son poste, mais logé dans une maison du bourg, après avoir forcément abandonné son presbytère à celui qui venait illégitimement le remplacer. Il y demeura plusieurs mois et dut célébrer dans la chapelle de Notre-Dame de Toutes-Vertus et non dans l'église paroissiale, profanée par le ministère de l'intrus [Note : Le district de Savenay avait, par un arrêté, toléré le maintien des chapelles rurales, en attendant que la Convention les fermât et les vendit]. Il résida au Temple jusqu'en janvier 1792 à titre privé, car le dernier acte qu'il signa comme recteur est du 2 mars 1791. On raconte qu'il chansonna Salmon et que ses couplets eurent beaucoup de succès dans la bourgade. Il avait d'ailleurs des partisans fort attachés parmi les bons catholiques de la paroisse. Mais enfin dénoncé par son concurrent, il dut quitter le pays et s'expatrier. Il est raconté qu'il mourut d'accident en abordant en Espagne, où il avait choisi son lieu d'exil [Note : Le 29 janvier on prévient le district que le sieur Boisiau fait enlever des meubles du presbytère. Sur l'avis du département il est mis arrêt sur le mobilier, parce que le dit recteur est obligé à des réparations à l'immeuble. — Archives départementales, L. 1186].

Que de misères et de scandales en ces malheureuses années, quelle grande épreuve pour les fidèles.

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Nous devons revenir en arrière dans notre récit pour ne rien perdre des rares documents que nous avons sous la main.

La gendarmerie nationale, établie dès le mois de janvier 1791, fut organisée en France par le décret du 30 mai. Il est donc probable que ce fut à cette époque que ces gardiens de la paix, qui n'avaient rien de commun avec les religieux militaires de Malte, vinrent prendre le poste de ceux-ci au petit bourg du Temple sur la route de Vannes.

Le 6 septembre l'Assemblée décréta l'organisation des courriers sur les grandes voies de France. Pour celle de Nantes à Brest par Vannes, on établit trois convois par semaine dans chaque sens. Le Temple dut voir ce changement avec satisfaction [Note : L'organisation des postes devait être remaniée dans la suite. Ainsi un décret du 9 nivôse an III fixait le salaire du personnel : le maître était payé 3 livres par cheval ; le postillon, 25 sous].

En séance du conseil des notables, 27 novembre, l'intrus Salmon se présente pour présider au choix des nouveaux marguilliers de la paroisse : on prit Joseph Brizay et Jean Potiron qui devait entrer en charge, selon la coutume du lieu, au 8 décembre prochain.

Déjà la municipalité a été remaniée : Lebreton, comme maire, cède l'écharpe à Moisan ; il cesse également ses fonctions de secrétaire-greffier et pourtant il est le plus lettré de la bande. Dans cette réunion il est question d'un reliquat de 112 # sur la construction du presbytère ; laquelle somme restait donc disponible. On en parlera encore juqu'en 1793.

Remarquons ici, en passant, la première apparition du nom de Nicaise figurant aux registres de l'église, comme parrain dans un baptême.

L'Assemblée Législative, qui succéda à la Constituante, déposséda les curés de la rédaction de l'état-civil et remit cette fonction entre les mains d'un officier municipal. C'est le 13 novembre 1792 que le dépôt des registres fut confié au maire Moisan. « Nous, maire et officiers municipaux du temple, avons arrêté le présent entre les mains du citoyen curé de cette paroisse » (Décret du 20 septembre).

Le citoyen Salmon avait écrit le 7 mars précédent aux administrateurs du district pour leur demander « à tirer de la ci-devant Cour des Comptes une expédition d'un aveu de 1500, rendu par les commandeurs de Malte et qui contient l'état des fondations devant être acquittées dans l'église du Temple » (Archives départementales, L. 782). Ce n'était pas pour faire la desservance de ces fondations, croyez-le bien, mais pour provoquer la vente des biens qui les constituaient. Le président du conseil du district était alors un sieur Ch. Magouët, proche parent et peut-être frère de l'ancien recteur du Temple ; il devait devenir plus tard le premier sous-préfet de Savenay. On fut d'avis de faire faire des recherches ; mais le Département, en séance du 1er prairial an II, classa définitivement l'affaire.

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La Révolution n'a pas été seulement destructrice et homicide ; elle a spolié et ruiné l'Eglise de France. Tous les biens du clergé avaient été mis à la disposition de l'Etat dans la séance du 2 novembre 1789. En vertu de cette loi, tous les bénéficiers ecclésiastiques durent faire leur déclaration et, les expertises faites, on se hâta d'ordonner les ventes qui commencèrent dès les premiers mois de 1791.

Au Temple, ces décrets de spoliation n'avaient pas d'application immédiate, car il n'y avait que des biens appartenant à l'ordre de Malte. Or ces biens, exclus par les premiers décrets de spoliation, n'y furent compris que bien plus tard, le 19 septembre 1792.

Ce n'est pas à dire que les biens ecclésiastiques ne commençaient pas à se vendre à cette époque ; déjà la liquidation était très avancée et les acquéreurs n'avaient pas fait défaut, surtout dans le district de Savenay, où l'abbaye de Buzay, le monastère des Couëts et plusieurs autres communautés possédaient de riches domaines.

Les premières propriétés vendues au Temple furent celles qui constituaient ce qu'on appelle le temporel de la cure : ainsi, un petit champ sis sur le territoire de Cordemais, pour 187 # ; un autre s'étendant sur la paroisse elle-même, pour 1144 #.

On réservait à cette époque les presbytères et les jardins qui en dépendaient, afin que ces immeubles restassent à l'usage des prêtres constitutionnels. Mais, quand tout culte fut supprimé ou remplacé par celui de la Raison, ces maisons et terres restaient sans destination. En certains endroits on les mit à la disposition des instituteurs. Des instituteurs, c'étaient des épaves rares après la destruction de toutes nos écoles chrétiennes. Aussi un décret du 19 ventôse an IV ordonna de vendre les cures et leurs jardins.

Un pré, qui était une partie du pourpris de la cure du Temple, situé près le bourg, est adjugé à d'Ozeville pour 1005 # le presbytère lui-même, à Nicaise, pour 648 # le 24 ventôse an V. Il est vraisemblable que ces deux citoyens se sont disputé ces dépouilles du clergé. D'après un mémoire, Nicaise se plaît à énumérer comme décharges, toutes les dépenses qu'il a faites pour arriver à cette acquisition malhonnête : 216 # 16 sous. Ce document nous fait constater que d'Ozeville s'était refusé à comparaître pour faire le procès-verbal d'expertise, 23 frimaire an IV. A cette époque l'acquéreur habitait Vigneux. D'Ozeville avait acheté antérieurement, en l'an IV, une autre terre de la cure. Ces deux hommes se firent des parts beaucoup plus grosses : Nicaise paie 141.100 # une métairie appartenant aux carmélites des Couëts, en Saint-Etienne-de-Montluc ; d'Ozeville achète une métairie de Buzay en Cordemais pour 18.000 # ; il se rendit également acquéreur des biens curiaux de Lavau, avec un sieur Guihéneuf, pour 26.500 #.

L'intrus de Vigneux donnait lui-même l'exemple, en même temps que le conseil, pour pousser ses paroissiens dans ces opérations scandaleuses. Il se fit adjuger, en l'an IV, la cure et les dépendances de Vigneux pour la somme dérisoire de 2.890 #.

Après les biens du clergé, ce fut le tour des biens nobles, appartenant à ceux qu'on appelait émigrés, c'est-à-dire aux gentilshommes qui avaient quitté le territoire français. De ces biens qu'on appelle de seconde origine, il en existait peu au Temple, vu l'exiguïté de la commune qui ne couvrait pas plus de 160 journaux. Voici ceux que nous connaissons :

1° La métairie du Petit-Village, propriété de M. Espivent de Perran, vendue à Brizay le 21 frimaire an IV, pour 6.900 #.

2° Les maisons et terres de la Pionnerie ?...

3° Les biens de Mme de Valleton, maison, pré, aire et jardin de la Cour, une métairie au bourg, le tout acquis par d'Ozeville, 8 ventôse an VI.

Restait la grande prairie de la Commanderie, connue encore aujourd'hui sous cette dénomination, comprenant 5 journaux et demi ; elle fut achetée par d'Ozeville et compères, le 22 février 1793. — Voilà un simple laboureur qui s'enrichit bien vite...

Pour acheter les propriétés de l'ordre de Malte, il avait fallu attendre le décret du 19 septembre 1792 et même celui de la Convention du 22 octobre qui ordonnait la levée des scellés et la vente des biens.

Ainsi tout était liquidé au Temple. Les acquéreurs de ces propriétés n'en ont guère profité, comme on l'a constaté à peu près partout. Ainsi le fils de d'Ozeville mourut pauvre, remplissant les humbles fonctions de garde-champêtre. Il en sera de même de ceux qui, depuis la séparation de l'Eglise et de l'Etat, ont osé acheter des biens de Fabrique.

Les biens des chevaliers de Malte, dans tout le département, ont produit près de deux millions ; il y eut, en particulier, une terre, en Saint-Herblon, qui fut vendue 900.000 # ; à Nantes leur propriété de Sainte-Catherine et de Saint-Jean atteignit le prix de 154.000 #.

On sait que Napoléon, se rendant en Egypte, juin 1798, s'empara de l'île de Malte, où résidait le Grand-Maître ; le conquérant, à qui rien ne résistait, fit arborer le drapeau tricolore à la place de la bannière des illustres chevaliers. Ce fut un désastre pour l'ordre : églises pillées, couvent évacué, religieux dispersés, évêque forcé de ne plus reconnaître le pape, tous les cultes mis sur le même pied, et cela en faveur des juifs qui établirent là une synagogue. Et pourtant l'ordre de Malte existe toujours dans le monde, tandis que Napoléon-le-Grand n'est plus qu'une pincée de cendres au fond de son mausolée aux Invalides de Paris.

Au Temple restent peu de souvenirs de l'ordre qui a créé cette bourgade et a fait sa richesse et son renom dans les siècles passés. Cependant voyez cette croix de granit, plantée à l'entrée du vieux chemin de Vannes : elle est encore debout, témoin muet de la grande Révolution et du temps qui l'a précédée. Il est une autre croix, paraissant moins ancienne parce qu'elle est mieux travaillée : elle se trouve à un carrefour de cinq chemins, sur le territoire de Vigneux, à 500 mètres du Temple : elle aussi demeure encore, mais ses débris jonchent la base où elle reposait. Il semble que ce petit monument de pierres amoncelées, respecté en cet état par la génération actuelle, parle avec plus d'éloquence de ce qui a été et n'est plus. On l'appelle la Croix-Nicaise, comme on appelle l'autre la Croix-du-Commandeur. Ce n'est pas sûrement que Nicaise l'ait fait ériger, mais peut-être est-il celui qui l'a abattue.

On ne rencontre point dans nos Archives que la chapelle de Notre-Dame de Toutes-Vertus et l'ancien cimetière qui l'entoure aient jamais été vendus notionalement. Beaucoup en effet de ces sanctuaires ruraux ont échappé à la voracité de l'ogre révolutionnaire, ou par mégarde, ou par une espèce de pudeur, dans la crainte de révolter l'opinion publique.

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Nous arrivons à l'année terrible de 1793. Elle s'ouvrit sous les plus mauvais auspices : l'anarchie régnait en France, les haines s'accentuaient entre les citoyens, la sécurité publique n'existait plus, la religion abolie, Louis XVI guillotiné, la famille royale emprisonnée au Temple, le clergé fidèle traqué, mis en arrestation et exporté, le trouble et la crainte partout.

Dans les premiers jours de cette année, on avait nommé des commissaires civils, chargés d'enquêter dans les communes sur l'état des esprits, les faits et gestes des mécontents, les obstacles que la Constitution rencontrait. Un sieur Audebon fut le premier qui passa au Temple, après avoir visité Cordemais et Vigneux. A Cordemais il était descendu chez le citoyen curé qui se plaint à lui de toutes les vexations dont il est l'objet de la part de ses paroissiens ; il lui apprend qu'on lui a enlevé les ornements et les objets du culte. A Vigneux, il reçoit également l'hospitalité chez l'intrus 0llivier, 7 février. Ce même jour il arrive au Temple, où il ne trouve que le maire Bézier. On lui dit que les habitants sont à une adjudication et que le curé est absent. Aux interrogations du commissaire le maire répond qu'il n'a pas à se plaindre de ses administrés, qu'il n'y a pas de garde-nationale, mais que tous les citoyens sont désarmés, que la lecture des lois et décrets se fait régulièrement. Il dénonce Loyseau comme suspect et Gaudin de la Bérillais, comme fauteur de rassemblements.

Le 3 mars s'était tenue la dernière assemblée capitulaire de la paroisse. Préside Pierre Bézier. Le citoyen d'Ozeville, qui était devenu procureur de la commune depuis le remaniement de la municipalité, fait une motion : « Il est à propos, dit-il, de recevoir l'argent et les clefs des Archives, dont J. Moisan, maire ancien, fut chargé le 27 novembre 1791 ». Le dit Moisan s'est présenté aussitôt et a énuméré la somme de 112 # 8 sous, savoir : 15 écus de 6 #, 66 # en pièces du 24 sous, 12 sous, plus 2 autres pièces de 12 sous et le reste en petite monnaie. Cette somme représentait le reliquat de la construction du presbytère : c'était tout l'encaisse communal. Signent le procès-verbal : Bézier, Moisan et d'Ozeville ; les autres déclarent ne savoir le faire. Et pourtant P.-J. Lebreton, P. Marand, P. Gergaud et quelques autres savent encore écrire !...

Le nouveau maire do Temple, quoiqu'il fût parfaitement illettré, devait avoir une certaine importance. Son père, Thomas, qui s’était marié en 1769, vit figurer à ses noces la marquise de la Haie-Mahéas, les deux filles de celle-ci, puis Messires de la Franchais, l'un officier de vaisseau, l'autre officier de régiment, sieurs de la Haie-Mériais. Au Temple un maître d'hôtel était quelqu'un [Note : Nous en connaissons au moins quatre dans la localité, lesquels ont toujours figuré dans l'administration].

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A cette date du 3 mars, la grande insurrection vendéenne était proche. Le peuple était si mécontent de tout ce qui se passait en ce temps-là, effrayé de ces levées d'hommes qu'on décrétait successivement, ne peut plus retenir son indignation : c'est un soulèvement général, non seulement dans le pays d'Outre-Loire, d'où était parti le mouvement, mais aussi un peu partout dans le district de Savenay, principalement à Campbon, Prinquiau, Chapelle-Launay, Savenay et Saint-Etienne ; c'est de cette dernière commune que le chef des insurgés était sorti, Gaudin de la Bérillais. Ce qu'ils voulaient surtout, c'était la liberté pour les prêtres fidèles et un adoucissement aux rigueurs de la Convention. A Cordemais, il y eut une émeute ; mais pour l'éteindre, on désarma les douaniers et l'on fit venir de Nantes une compagnie de la garde-nationale [Note : Dès le 24 mars 1792, la ville de Nantes avait envoyé à Cordemais un bataillon de la Mayenne pour protéger Courtois]. Au Temple on voyait passer et repasser quelques groupes de révoltés et une certaine agitation se manifestait, surtout parmi les bons catholiques, scandalisés de la conduite de l'intrus Salmon et tous prêts à le chasser de la localité. Lui-même, d'ailleurs craint pour ses jours : déjà on a pillé sa maison et on le menace de mort. Il fuit le 12 mars, la veille du soulèvement général, et se réfugie à Nantes à l'exemple de ses voisins, exposés aux mêmes dangers que lui. Le jour même de sa fuite précipitée il fait sa déclaration au district : « Hier il se forma dans le bourg un rassemblement de 7 à 800 hommes qui, après avoir désarmé les patriotes et s'être procuré des armes de toute espèce, se porta vers Couëron. Ce matin à 8 heures, un autre rassemblement, formé des habitants de Fay, a traversé le Temple, pour se rendre à Couëron ». Il dénonce, dans son rapport, comme les ayant vus dans les rangs, deux de ses paroissiens, Loyseau et Guaud.

Dans ces tristes circonstances, il y eut des meurtres et des massacres. On lit au registre de l'an II, 11 floréal, qu'un homme, René Boullery, fut tué d'un coup de fusil dans le bois du Thiémais et l'on ajoute au-dessous de l'acte de décès : « Le Juge-de-paix, officiers de police et de santé, sont à la poursuite des Brigands » — On appelait ainsi les catholiques insurgés — et n'ont pu rédiger le procès-verbal de constatation » (Archives municipales).

Cette croix, élevée à quelque distance du Temple, sur le chemin de Vigneux, que quelques personnes appellent encore aujourd’hui Croix-des-Brigands, marquerait, dit la tradition locale, la sépulture de plusieurs insurgés qui auraient été fusillés dans cet endroit.

En ces jours-là, on attendait le passage du général Beyser, qui venait, avec son armée, au secours de la ville de Nantes menacée par les Vendéens : retardé à La Roche‑Bernard, il prit une autre voie, plus courte, pour rejoindre ses hommes qui, eux, avaient traversé le Temple [Note : Nous constatons bien d'autres passages de troupes sur cette grande route de Vannes : ainsi le 24 avril, le bataillon de Seine-et-Oise, composé de 700 hommes traversa le Temple et y fut ravitaillé. — Archives départementales, L. 1194. Les réquisitions étaient fréquentes. Le 18 septembre, on réclame les attelages à bœuf ; une autrefois, le son, l'avoine, le blé, le seigle sont enlevés aux boulangers et aux cultivateurs, Ces réquisitions sont datées du 13 frimaire, du 9 germinal, du 25 floréal, an II].

Le calme s'étant un peu rétabli, les républicains, défenseurs et protecteurs de Salmon, s'attendaient à voir reparaître le fuyard, mais en vain. Il écrit à la municipalité une lettre datée du 20 mai et partie de Nantes, dans laquelle il s'excuse de sa fuite : On m'en veut comme curé constitutionnel, dit-il ; puis il annonce qu'il est devenu aumônier de l'Hôtel-Dieu. « Je n'ai pas cette place, poursuit-il, par mécontentement des habitants, mais pour ma sécurité personnelle ».

En Post-scriptum, il déclare « que, dans la précipitation de son départ, il a oublié les Saintes-Huiles pour les infirmes, qui se trouvent dans une armoire de la sacristie » et il prie de les lui envoyer par un jeune homme sûr qu'il désigne.

Toutes ces excuses ne furent pas du goût de la municipalité du Temple ; aussi le conseil dans la séance du 18 septembre, délibéra en ces termes : « Considérant que depuis le 12 mars dernier, jour auquel le citoyen Salmon, leur curé, fut obligé de se réfugier à Nantes à cause du danger pour sa vie exposée au brigandage qui régnait alors, il n'a pas cherché à revenir, avoir soin, comme il l'avait promis, du troupeau qui lui était confié, malgré le calme qui a régné ici depuis la deuxième semaine de ce brigandage : cela prouve qu'il n'est pas attaché à lui, ou qu'il se soucie peu de son état ; considérant encore qu'il est extrêmement gênant aux citoyens de la paroisse de courir çà et là quand ils ont besoin du ministère sacerdotal, il prie l'Administration de le suspendre de son traitement jusqu'à ce qu'il revienne... En outre il doit la contribution foncière pour 1792, 10 #, 16 sous, et la contribution mobilière, 85 #, 19 sous. Ce que l'Administration voudra bien avoir égard et en faire la retenue si avant il refusait de revenir » (Archives départementales, série L. 782).

Voilà bien l'intrus, entré, comme pasteur dans la bergerie, non par la porte mais par la fenêtre ou la brèche, et qui abandonne aux loups son troupeau au moment du danger.

Cette lettre envoyée au département est signée Bézier, maire, et d'Ozeville, procureur. Elle est l'oeuvre de ce dernier qui, sans en avoir conscience, parle encore le langage évangélique et chrétien.

Le triste personnage que fut Salmon ne revint jamais au Temple et ce fut heureux pour ces braves gens qui se sont mépris à son sujet. Dans la suite, il s'effondra jusqu'à l'abîme, nous voulons dire jusqu'à l'abdication de son sacerdoce éternel, et disparut on ne sait dans quelle abjection [Note : Au mois de juillet qui suivit les troubles il réclame une indemnité avec la veuve Maréchal et sa nièce, pour les dommages à eux causés ; l'affaire n'eut pas de suites. — Archives départementales, L. 1194].

Après Audebon, commissaire civil, le district envoya dans le canton du Temple un des membres de l'Administration, le fameux Gourlay, de Savenay. Il fait un long rapport de sa tournée qu'il commença en avril et termina en septembre. Les trois paroisses qu'il déclare les plus rebelles à la Constitution sont : Campbon, Prinquiau et la Chapelle-Launay — et ce sont encore les plus chrétiennes aujourd'hui. — « J'y ai semé la terreur et l'effroi, dit ce terroriste de villages ». C'est le 23 avril qu'il passe au Temple, après avoir visité Cordemais, Bouée et Vigneux. Au cours de cette inspection, il fit des captures, entre autres, celle de l'abbé Loquet [Note : C’est lui qui fit périr ce bon prêtre et plusieurs autres] et de Gaudin de la Bérillais, le chef des insurgés.

De retour à Savenay, il se félicite de ses succès (2 juillet), en disant que les routes de Vannes et de Rennes sont libres de Brigands. En septembre, il retourne à Campbon où les troubles n'avaient point cessé. Cette bonne et excellente paroisse est dans tout le district de Savenay celle qui s'est montrée la plus ardente à défendre la religion.

A Gourlay succède comme commissaire le trop célèbre Minée, ci-devant évêque constitutionnel de la Loire-Inférieure et devenu président du département. Sa mission ne dura que quatre jours, du 26 au 30 pluviôse an II, 4 au 8 février 1794. C'était Carrier, lui-même, le monstre exécré de la Terreur à Nantes, qui députait ce pacificateur, rénégat de tous ses serments, au milieu de nos populations restées chrétiennes envers et contre tout. On lui avait donné, pour sa sécurité, 120 hommes d'infanterie et 20 dragons ; il ne visite que Campbon et Bouvron, les paroisses les plus irréductibles. Pourtant il dut, à n'en pas douter, traverser le Temple, en se rendant de Blain à Savenay. C'est dans cette dernière ville qu'il rencontra Gourlay, à la tête de 400 hommes de troupes (Archives départementales, L. 239).

Salmon parti, le Temple restait sans prêtre pour le moment ; bientôt il en aura trop pour son bonheur. Or l'intrus de Vigneux, qui s'intéressait beaucoup au Temple, lui envoya son vicaire, Louis-Constant Retailleau : celui-ci commença à résider le 3 ventôse an II. De cet ecclésiastique, étranger au diocèse, nous ne savons que peu de choses. On pourrait même se demander s'il était vraiment prêtre, car l'année suivante, le 3 brumaire, il se dit âgé de 25 ans à peine. Il dut rester au Temple jusqu'à la suppression du culte. Que devint-il après ? On croit que, écœuré de ce ministère déshonorant et stéril, il eut le courage de se rétracter et s'exila à Jersey, pour rentrer en l'an VI, et se fixer à Saint-Herblain, où il est signalé, à cette époque, comme précepteur des enfants de Mme de Jasson à la Bouvardière [Note: Retailleau parti, le culte fut supprimé en fait. Que restait-il dans l’église ? Sans doute peu de choses. Le 17 mai 1793 on réclame la cloche qui n’avait pas encore été envoyée à la Monnaie (Archives départementales, L. 287].

0llivier de Vigneux essaya de se déprêtiser en remplissant les fonctions d'agent municipal et après de juge-de‑paix pour le canton du Temple. Courtois de Cordemais s'y fit instituteur public, Braud de Malville se retira dans une propriété qu'il avait acquise dans sa paroisse. Ainsi finissait dans la honte ce culte constitutionnel, dont personne ne voulait plus, tant il paraissait avili par les malheureux qui l'exerçaient.

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Au Temple, dans la terrible année 1793, il y eut — chose étonnante ! 26 naissances ; l'année suivante, 18. P. Bézier restait au pouvoir avec d'Ozeville, procureur de la commune ; l'adjoint, c'était l'ancien maire, Moisan. Voici maintenant la composition de la municipalité, d'après les élections du 18 brumaire an III. — 8 novembre 1794 :

Corps municipal. — P. Bézier, maire, cultivateur et aubergiste de profession ; P. Marand, 1er adjoint, également cultivateur et aubergiste ; 2ème adjoint, Charles Robinau, remplaçant Gergaud non élu ; Dominique d'Ozeville, agent municipal et en même temps agent de la Commission civile et militaire.

Conseil municipal. — J. Gergaud, maréchal ; P. Mariaud, cultivateur ; M. Labande, id. ; J. Mariaud, id. ; Jos. Brizay, tailleur ; J. Héraut ; J. Rebondin, aubergiste et taillandier. On avait éliminé J.-B. Moisan et P.-Jul. Rebondin de la catégorie des notables. Cependant on est obligé de constater, dans le procès-verbal des élections, que Lebreton est le seul capable de remplir les fonctions de maire et de juge-de-paix. Pour cette dernière fonction, c'est l'intrus, Joseph 0llivier, ex-curé de Vigneux, qui est choisi [Note : Le 10 octobre 1793 traversa le Temple l'horrible machine de mort, qu'on appelait la guillotine : elle se rendait, bien escortée, à Guérande où, elle allait fonctionner].

Dans les années qui suivirent, en l'an IV, V et VI, il y eut beaucoup de changement dans l'administration locale.

Ainsi en l'an V, Marand signe seul les actes en qualité d'agent municipal — ce titre équivalait à celui de maire ; en l'an VII, Rebondin lui succède ; l'année suivante, d'après la nouvelle Constitution, celui-ci reprit le titre de maire de la commune.

Le Directoire avait remplacé la Convention : un calme relatif régnait dans nos paroisses, mais les églises étaient encore fermées ou abandonnées, les objets du culte dispersés et vendus, les prêtres fidèles toujours recherchés et incarcérés. Sur tous les champs de bataille de l'Europe, le sang des enfants de France coulait à flots. Malgré tout, ce n'était qu'une époque de transition et un nouvel orage révolutionnaire était toujours menaçant.

Il faut dire pourtant que des lois réparatrices étendaient la liberté des cultes. On était revenu déjà des saturnales de la déesse Raison et des utopies des Théophilanthropes. Les temples allaient se rouvrir ; mais les premiers prêts à y rentrer, c'étaient les prêtres jureurs, restés dans le pays, tandis que ceux qui étaient demeurés fidèles, exilés ou déportés, attendaient, sur la terre étrangère qu'on leur ouvrit les portes de la patrie. (P. Grégoire).

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