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LE CHATEAU DE TIFFAUGES

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Tiffauges, comme nous l'avons déjà dit, est un des points les plus pittoresques de la Vendée, les ruines de son antique forteresse méritent également de fixer l'attention. Situées au nord, sur une élévation qui sépare les hauteurs de la ville des rives de la Sèvre et de la Crûme, elles embrassent une vaste étendue et couvrent l'emplacement qu'occupait autrefois la grande station romaine ou Castrum établi, dit-on, par Jules César.

Ce Castrum a commencé par une butte artificielle ou motte de terre, dont fut recouvert le sommet du rocher sur lequel reposent les ruines actuelles. C'est, sous ce rapport, l'avantage de ce qu'on retrouve à la Garnache, aux Essarts, et ce qui a probablement existé aussi à Clisson et à Montaigu.

Le Castrum, qui ne s'entendait pas seulement d'un camp, désignait aussi une place entourée de murs ; il était en général fortifié naturellement et situé sur un rocher ou sur une élévation naturelle du sol, qui avait ordinairemént une très-grande étendue et une grande hauteur, ce qui permettait de ce point de commander aux collines environnantes. Castrum enim propriâ naturâ munitum erat. Nam centinorum aut eo amplius pedum ab excisa vallatur lapide, non murorum structione ; in medio autem ingens stagnum aquœ, liquore gratissimum ; ab aliâ vero parte fontes uberrimi, ita ut per portum rivus defluat aquœ vivœ. Sed in tam grande spatio munitio ista distenditur, ut manentes infrà murorum septa terram excolant fruges que in abundantia colligant [Note : Gregor. Turon. Historia Francorum lib. III, cap. XIII, apud Bouquet, t, II, p. 192].

Le château de Tiffauges (Vendée).

Nous ne pouvons en dire autant du Castrum Tefalien, qui ne possédait pas ces étangs et ces eaux vives sur son sommet, mais dont il était entouré à sa base : pour la seconde partie, cela est plus exact, car, encore maintenant, tout autour des ruines de la forteresse, on ne trouve que des terrains livrés à la culture et entourés des murs de l’enceinte. La motte primitive nous montre encore quelques traces au centre du mamelon sur lequel le château a laissé ses ruines. On distingue encore l'enceinte primitive du fossé, qui était plus visible il y a peu d'années, lorsque les fermiers n'avaient pas déblayé et aplani ce terrain.

Nous avons bien maintenant une idée du Castrum de Tiffauges, pendant la domination romaine ; mais depuis ce moment jusqu'au XIIème siècle, où nous voyons s'élever sur ce plateau une formidable citadelle, qu'était devenu ce point si bien situé ? Qu'étaient devenus ces fortifications probables ? Comme cette contrée fut saccagée par les barbares Normands, on peut supposer qu'ils en détruisirent les constructions. Tout porte à croire qu'il y avait eu là un château ou forteresse, comme on en construisit beaucoup du Vème au VIème siècle à l'imitation de ceux qu'avaient élevés les Romains, car après l'invasion normande, nous trouvons au IXème siècle un comte de Tiffauges qui devait y avoir une habitation. Une des preuves de ce que nous avançons est que, du temps de Charlemagne, il y avait une organisation ressemblant à celle, qui avait existé sous l'empire romain, pour la garde des frontière ; des comtes étaient chargés de la défense d'une certaine étendue de pays, comme au temps où fut rédigée la Notice des dignités de l'Empire. Ainsi le comte des limites du pays nantais figurait à la bataille de Fontenay en 841 ; et le fameux Roland, qui périt à Roncevaux, était qualifié par Eginhard de comte des Marches Bretonnes, comes Britannici limitis. Tiffauges, en effets comme Clisson et plusieurs autres endroits, furent, du temps des Romains comme dans les temps postérieurs, considérés comme des points importants où étaient réunis les officiers et les hommes qui devaient surveiller les frontières.

L'établissement du régime féodal et la multiplication des châteaux forts sont deux évênements intimement liés qui ont changé la face du pays dans le cours du IXème au XIIème siècle. Ce régime fut si avantageux au IXème siècle, que la plupart des possesseurs de terres libres et indépendantes offraient leurs terres aux seigneurs du voisinage, pour les recevoir d'eux ensuite, et obtenir par cette inféodation fictive la protection de ceux dont ils se constituaient ainsi bénévolement les vassaux.

Le château de Tiffauges (Vendée).

Ces rapports multipliés établirent alors entre les possesseurs des terres des devoirs réciproques, dont le principal était le service militaire. Le vassal s'engageait à prêter à son suzerain le secours de son bras, lorsqu'il en était requis, et à conduire avec lui un certain nombre de guerriers. Alors tous les hommes d'armes qui, du IXème au Xème siècle, reçurent en fief tant de parcelles du domaine des comtes, sous l'obligation de les conduire à la guerre, commencèrent chacun leur établissement dans la campagne par la construction d'une petite forteresse, ne fût-elle composée que d'une tour. La confiance de chaque gentilhomme dans la force de sa demeure, dans la bonté de son cheval, de son armure défensive, développèrent en lui, une valeur qu'on n'avait point aperçue, tant qu'il n'avait eu aucun moyen de résistance.

Le régime féodal n'a donc pas été sans avantages pour le temps où il est venu ; il n'a pas été non plus sans force et sans éclat. De grands faits d'armes, des hommes célébres, la chevalerie, les croisades, la naissance des langues et des littératures modernes l'ont illustré, et, comme l'a dit avec raison un des premiers publicistes de notre époque, « le temps durant lequel a régné le système féodal, a été pour l'Europe moderne, ce que furent pour la Grèce les temps héroïques » [Note : Guizot. Essai sur l'histoire de France].

Mais ce n'est point ici la place d'expliquer le mécanisme du système féodal ; nous devons nous en tenir à la description et à l'appréciation des constructions du château de Tiffauges ; et c'est ce que nous allons essayer de faire avec les derniers vestiges qui nous restent, et qui n'en rendent pas notre travail plus facile.

Les anciens châteaux ont été le sujet de tant de vicissitudes et de changements, et en même temps l'ouvrage de tant de générations, que, s'il fallait en rechercher les dates primitives, nous entrerions dans un travail sans fin, qui pourrait certainement fournir la preuve de grandes recherches, sans cependant écarter le brouillard épais qui règne sur ces temps presque fabuleux. D'autant que ces monuments, essentiellement militaires, ne nous offrent guère que des masses de maçonnerie, sans ornements souvent, ni sculptures, qui puissent démontrer le goût de l'époque et en désigner la date.

C'est vers le milieu du XIIème siècle, et sans doute après un retour des croisades, que s'élevèrent les constructions de la forteresse de Tiffauges ; car dans des documents nous avons trouvé que les vicomtés de Thouars, possesseurs du fief de Tiffauges, y firent élever des murailles, et nous sommes à peu près persuadé que ces documents veulent parler de l'enceinte extérieure du château, qui, bien évidemment pour nous, est la partie la plus ancienne. On y sent encore la tradition romaine, et son imitation par les Mérovingiens et les Carolingiens ; les pierres en petit appareil, grossièrement taillées, noyées dans le ciment, sont callées par des pierres plates formant, comme dans la construction romaine, des espèces de cordons ressemblant à ceux que l'on exécutait en briques. De distance en distance et à portée de trait, sont de petites tours flanquantes, peu saillantes, les unes cylindriques et les autres un peu aplaties. Il faut aussi reporter à cette époque la construction du formidable donjon de forme rectangulaire et entouré de fossés.

L'entrée de la forteresse se trouvait à mi-côte de la route actuelle de Montaigu à Tiffauges, à un magnifique bastion, qui défendait le passage de la chaussée de la Sèvre et du chemin qui, de ce point, remonte vers la ville ; bastion démoli en 1791 par ordre du district de Montaigu, sous le fallacieux prétexte qu'il menaçait ruine. A cette entrée, il y avait une porte flanquée de deux tourelles, dont les ruines existaient encore il y a peu d'années, mais qui disparurent pour faire place à la route stratégique qui traverse aujourd'hui ces contrées. Cette entrée, maintenant démolie, laisse un espace couvert de débris, qu'il faut traverser pour arriver à une porte qui conserve encore ses mâchicoulis et ses créneaux et conduisant à la seconde enceinte formée par le donjon ou forteresse principale et primitive. Cette porte présente, en face de la route, un portail arqué en cintre surbaissé et surmonté d'une muraille de quatre mètres d'épaisseur. A l'est, cette muraille, flanquée de tourelles, se dessine au-dessus d'une prodigieuse élévation de terres et de rochers. La route qui passe au pied, est, dans cet endroit, tellement resserrée entre cette élévation et les rochers où le bourg est bâti, qu'on se croirait presque transporté dans les ravins du Jura et des Alpes, au pied, de l'un de ces châteaux légendaires décrits par l'Arioste. C'est de là, surtout, qu'on peut remarquer les causes principales de l'abandon de cette forteresse dominée au midi par les rochers de la ville, de laquelle, lors de l'invention de la poudre, il était facile de foudroyer le château sans courir grand péril.

En traversant cette porte, on arrive dans une cour, à droite de laquelle s'élève un corps de bâtiment également en ruine : c'est l'ancien donjon, dont les murs gigantesques s'enfoncent dans des fossés à demi comblés. On y voit encore quelques petites tours plates et peu ressorties des murs, probablement des contre-forts, et quelques portes basses et étroites, où l'on reconnaît l'ogive primordiale.

Les plus anciens documents écrits touchant les manoirs et les châteaux (documents qui, en Angleterre, remontent au XIIème siècle), désignent souvent la demeure fortifiée du seigneur par le mot Aula, hall. C'est qu'en effet, ces sortes d'établissements militaires ne consistaient qu'en une salle défendue par d'épaisses murailles, des créneaux, des contre-forts munis d'échanguettes et de bretêches flanquantes. Les dépendances de la demeure seigneuriale n'avaient relativement qu'une importance minime, et en cas d'attaque sérieuse, la garnison, abandonnant bientôt les ouvrages extérieurs, se renfermait dans le donjon, dont les moyens défensifs, étaient formidables pour cette époque. Ce que nous venons de dire se rapporte parfaitement au donjon de Tiffauges, et précisément, vers le XIIIème siècle, de nouvelles défenses plus importantes furent exécutées en avant de cette formidable construction, et même, vers les XIVème et XVème siècles, de nouveaux bâtiments s'ajoutèrent à cette masse rectangulaire.

Le château de Tiffauges (Vendée).

M. Dugast-Matifeux, dans quelqués notes sur Tiffauges, prétend que le donjon était plus petit, ce qui motiva les annexes qui y furent faites sur la fin des guerres de religion, probablement au temps de la ligue ; et il attribue à cette époque le bâtiment carré qu'on aperçoit en avant du donjon, ainsi que le fossé qui l'entoure et le pont-levis. Nous ne partageons pas cette opinion : il est probable, comme nous l'avons dit tout à l'heure, que ce bâtiment a été élevé postérieurement au grand, mais ce n'a pu être qu'un siècle ou un siècle et demi après. On peut le reconnaître au système de défense et aux mâchicoulis, détails de construction qui disparurent généralement lorsqu'apparut l'invention des armes à feu.

Outre l'enceinte générale, le donjon était entouré de fossés larges et profonds, dont il subsiste encore une partie. Le pilier qui soutenait le pont-levis est encore debout. Par ce pont, on entrait dans une salle voûtée, dans laquelle on ne peut pénétrer aujourd'hui que de l'autre côté, en traversant et escaladant des décombres. A la porte de cette salle existait une herse, dernière ressource des châtelains en cas de siége. En déblayant ces ruines, on pourrait y trouver peut-être d'autres chambres et des appartements bien conservés. En gravissant également d'autres débris à travers les ronces et les cerisiers sauvages, on aperçoit à quelques pas au-dessous, dans un pan de mur tourné vers l'Orient, la fenêtre d'une pièce isolée et à demi masquée par les arbustes et le lierre : on y parvient en se laissant glisser et on y trouve une jolie pièce voûtée en cintre surbaissé avec nervures reposant sur des écussons trop frustes pour pouvoir les reconnaître ; la porte qui devait communiquer avec les autres pièces est encombrée ; la croisée carrée, divisée par des meneaux formant la croix, semble donner la date du XIIIème siècle.

La seconde enceinte offre non moins d'intérêt : elle s'étend depuis les douves qui baignent le donjon jusqu'aux servitudes rurales établies sur l'emplacement des murs qui séparaient cette seconde enceinte de la troisième et formait ce qu'on pouvait appeler la cour d'honneur.

C'est au XIVème siècle que les vicomtes de Thouars, de la branche cadette, seigneurs de Tiffauges, firent bâtir dans cette seconde enceinte une habitation plus commode et plus en rapport avec les besoins du luxe de l'époque, mais dénuée de tout appareil défensif ou militaire. C'est dans la partie ouest de cette cour que fut élevé ce logement, qu'ils habitèrent et qui ne fut détruit que dans le XVIème époque où il fut incendié pendant les guerres de religion et surtout au temps de la Ligue. Il ne reste plus aujourd'hui de ces bâtiments que les pignons des murs extérieurs, dont les angles aigus s'élèvent au milieu des débris que recouvrent les ronces. De la grande salle, la vue devait être magnifique et d'une imposante majesté : elle donnait sur la vallée profonde et spacieuse qu'arrose la Crûme ; elle était barrée au nord et au midi par deux longues draperies de rochers grisâtres, entre lesquels s'étendent des prés couverts d'aulnes et arrosés par ce petit torrent.

A l'est de cette esplanade et à côté des fortifications du donjon se trouvait la chapelle du château, édifice de la fin du XIIème siècle, mais qui n'offre que peu de restes de son ensemble. Elle date de cette époque de transition où l'ogive succède au plein cintre.

Mais le plus curieux de tous ces monuments que nous décrivons, c'est la crypte ou chapelle souterraine sur laquelle est construite celle dont nous venons de parler et dont le poids et le temps ont fait crouler la voûte inférieure. Cette chapelle, qui se trouvait dans cette enceinte bien avant les bâtiments même les plus anciens dont nous décrivons les restes, doit être de l'époque du Xème ou XIème siècle. Il ne faut, pour s'en assurer, que regarder avec soin et admirer les colonnes et leurs chapiteaux en granit aux sculptures primitives et grossières, les fenêtres en meurtrières longues et étroites, l'appareil de petite dimension. Le crypte est vaste, et on peut facilement en faire presque le tour, malgré les débris qui l'encombrent et qui proviennent de l'effondrement de la voûte. Il serait à désirer que les propriétaires de ces ruines, et cela ne leur coûterait pas cher, fissent faire des fouilles pour rejeter ces débris au dehors, avec quelques travaux d'appropriation, pour en ménager l’entrée plus facile et la conservation plus complète. Que de souvenirs alors on pourrait retrouver, si ces travaux avaient lieu, dans cette obscure et profonde enceinte ! Les pierres tombales qu'on y pourrait rencontrer donneraient peut-être des dates certaines de bien des événements et augmenteraient encore les documents si nécessaires à l'histoire en général. Seule, de la chapelle supérieure, une arcade en ogive est restée debout ; et sous son arc garni de lierre en mouvantes draperies, on jouit d'une de ces vues splendides peu ordinaires à nos contrées.

La troisième enceinte est formée au nord par des fortifications qui rappellent le siècle du beau gothique secondaire, c'est-à-dire la fin du XIVème siècle et le commencement du XVème. En y entrant, on ne voit qu'un espace entouré des murs et des fortifications, qui sont en même temps les murs extérieurs. Dans cette partie des fortifications, plusieurs tours et portes ont été ouvertes et restaurées à une époque assez moderne. C'est dans cette partie de l'enceinte opposée à l'entrée principale du château que se trouve la grosse et curieuse tour qui commande la chaussée qui fermait la Crûme. En y entrant, on trouve une salle à droite, voutée, bien conservée, décorée par de légers piliers et la voûte coupée par une nervure dans laquelle l'ogive vient se perdre presque inaperçue. La fenêtre est profonde, et comme dans la majeure partie des châteaux de ces pays, on y trouve de chaque côté de larges pierres servant de sièges. Les vitraux étaient retenus par des meneaux en pierre, formant la croix, suivant l'usage, dit-on, des anciens preux revenus de la Palestine. L'escalier tournant et voûté se rencontre à gauche de la porte d'entrée de cette salle ; il conduit soit à la terrasse supérieure, soit à la chambre inférieure dans laquelle nous allons entrer d'abord.

Cette seconde salle est souterraine du côté de la cour, mais du côté du nord elle se trouve encore à plus de cent pieds au-dessus des rives étroites de la Crûme. Au milieu et en face de la cheminée, existe une ouverture carrée dans le dallage. Si l'on descend par cet orifice, on se trouve dans une salle souterraine et humide, ne recevant de jour que par cette ouverture pratiquée dans la voûte. Dans deux endroits de cette pièce, on aperçoit des baies cintrées, aujourd'hui comblées, et qui pouvaient être des passages souterrains conduisant aux autres tours ou communiquant avec les autres bâtiments de l'enceinte. Quoi qu'on en ait dit, il nous paraît impossible d'admettre que ces réduits fussent destinés à la garde des prisonniers, ou de les confondre avec ces rares cachots connus sous le nom d'in Pace ou d'oubliettes, En remontant l'escalier dont le noyau en pierre est creux pour permettre de transmettre des ordres d'un étage à l'autre comme avec un porte-voix, on arrive, en passant devant la première salle, à un curieux chemin de ronde qui la contourne extérieurement. Le jour ne pénètre dans ce passage que par des meurtrières, et lorsqu'on y entre, il faut prendre la précaution de ne poser les pieds que sur les consoles longues et étroites qui soutiennent le parapet de la galerie et séparent les ouvertures des mâchicoulis. Un banc de pierre étroit et occupant tout le pourtour du chemin de ronde permettait aux hommes d'armes de combattre assis pour lancer leurs flèches par les meurtrières ou verser par les mâchicoulis l'huile et la poix bouillante et tous autres engins et projectiles usités à cette époque. On y remarque, en outre, un effet d'acoustique remarquable et des plus bizarres : un mot dit à voix basse à l'une des extrémités de cette courbe s'entend aussi distinctement à l'autre extrémité que s'il était prononcé à haute voix. Au bout de cette galerie, une poterne conduit sur la plateforme de la tour, d'où on peut voir la digue qui servait jadis à exhausser le niveau de l'eau pour inonder les fossés du château du côté du village et jouir d’une perspective immense, peut-être même unique par son incontestable beauté, et embrasser en même temps toute l'étendue de la forteresse.

La Crûme et la Sèvre lèchent presque les pieds de sa muraille, et l'escalier aboutissant à une poterne basse et étroite permet de descendre jusqu'au bord de leurs eaux.

On serait vraiment tente de donner à ces constructions une date beaucoup plus ancienne que celle qui doit lui être imposée véritablement. En effet, en visitant ces salles, ces chemins de ronde, ces mâchicoulis, on est tenté d'attribuer à cette construction la date du XVème siècle, comme la petite tour située à quelques mètres et qui semble avoir servi de modèle à son constructeur. Cependant, à force de recherches, nous sommes tombé sur une page de l'écrivain La Popelinière, et voici ce que nous y avons trouvé : « Au pied de la montagne passe la Seure, du costé de la Ligence de Beaumont et de l'autre vers la ville en ung grand estâg lequel sa bonde levée courre dedans la riuière : si bien que la riuière et l'estâg défendent aisément la place de ces deux endroictz. Vray est qu'on y pourroit aller sur la chaussée de l'estâg : mais pour la garde de ceste avenue, il y a ung moyen secret que le père de Francoys de Vendosme dernier, décédé vidasme de Chartres, y fist faire par la grosse tour neuve : laquelle s'avance si fort sur ce coin qu'elle peust aisément défendre la chaussée et les deux courtines qui regardent tant sur l'estâg que sur la riuière. Tour vrayement ingénieuse et digne d'estre imitée par les architectes et les ingenieux de ce temps ». Nous voici donc fixé, puisque la construction de la tour eut lieu pendant que Louis de Vendôme, vidame de Chartres, était seigneur et possesseur de Tiffauges, vers 1527, ce qui nous oblige à considérer cette tour comme une construction du XVIème siècle, malgré toutes les apparences.

Le château de Tiffauges (Vendée).

Nous ne dirons rien de la petite tour située à quelques mètres à droite de cette grosse dite tour du Vidame, et qui, comme celle-ci, tout en étant semblable dans ses aménagements, jouit aussi du même effet d'acoustique.

En somme, ce château, véritable chef-d'œuvre d'architecture, témoigne encore par ce qu'il en reste de la rare habileté de ceux qui ont présidé à sa construction et à sa distribution.

Nous pensons, en terminant cet article, avoir fait connaître les différentes époques des constructions de Tiffauges ; mais s'il y avait erreur, il ne faudrait pas trop nous en vouloir ; il est tellement en ruine qu'il est bien difficile à notre époque d'en faire et donner une description complète.

(L. Prevel).

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