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LES SEIGNEURS DE TIFFAUGES.

MARIE DE RIEUX, HENRI DE GONDY et LOUIS DE COSSÉ-BRISSAC

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MARIE DE RIEUX. — HENRI DE GONDY ET LOUIS DE COSSÉ-BRISSAC, SEIGNEURS, APRÈS ACQUISITION, DE LA SEIGNEURIE DE TIFFAUGES. — 1607-1702.

Par décret de la chambre de l'édit, — les vidames de Chartres étant protestants, — et aux criées du parlement de Paris, la baronnie de Tiffauges fut adjugée dès le mois de juillet 1607 à Marie de Rieux, veuve de Guy de Scépeaux, comtesse de Chemillé et dame de Mortagne. Marie de Rieux était fille de Guy de Rieux, seigneur de Châteauneuf, vicomte de Donges, et de Jeanne du Chastel. Cette acquisition, dont nous ignorons le montant et la date, dut être faite à un prix modéré, car l'adjudicataire, craignant de voir Mme Charlotte-Brabantine de Nassau, veuve du duc Claude de la Trémoille et tutrice de leurs enfants, accorder à quelqu'un de ses parents et alliés le droit de prélation pour exercer le retrait de cette belle et importante terre, fit intercéder le connétable de Montmorency, oncle du défunt duc de Thouars, pour obtenir que l'adjudication reçût son plein et entier effet. Pendant que la lettre du connétable arrivait lentement de Pézenas, où elle avait été écrite le 15 août, à Vitré, où se trouvait la duchesse, celle-ci, le 21 du même mois « en considération de la parenté qui est entre ses enfants et messire Philippe de Mornay, chevalier du Plessis-Marly, et aussi des bons offices et amitiés que lesdits enfants ont reçus et reçoivent chaque jour dudit sr du Plessis en plusieurs affaires et en exécution de la promesse par écrit qu'elle lui en a cy-devant faite », lui cède ledit droit de prélation pour retirer les château, terres, seigneurie et baronnie de Tiffauges, et le subroge au lieu et place de ses enfants, héritiers du duché de Thouars. Des circonstances que nous ignorons également paralysèrent ce bon vouloir en faveur de l'illustre et loyal ami de Claude de la Trémoille, et Marie de Rieux devint définitivement dame de Tiffauges le 7 octobre 1609, ayant payé le droit de rachat ainsi que tout le prix de l'acquisition, et ayant été reçue par la duchesse tutrice aux foi et hommage-lige, baiser et serment de fidélité dus à ses enfants, puis ayant juré sur les saints Evangiles de leur être bonne, fidèle et loyale vassale.

Ville de Tiffauges (Vendée).

Marie de Rieux ne survécut pas longtemps à cette acquisition ; elle mourut en l'année 1611. Elle avait une fille unique, Jeanne de Scépeaux, qui épousa Henri II du nom, duc de Montmorency et de Danville, premier baron, pair, amiral et maréchal de France, chevalier des ordres du roi, comte de Dammartin et d'Offremont, surnommé la Gloire des Braves. Cette union n'ayant pas été consommée à cause de la trop grande jeunesse des époux, le duc n'avait que quatorze ans, M. de Montmorency, son père, la fit casser afin d'avoir pour bru l'une des filles naturelles d'Henri IV, mariage dont la mort du roi empêcha la conclusion. Devenue libre, elle épousa alors Henri de Gondy, duc de Retz et de Beaupreau par sa femme, pair de France et marquis de Belle-Ile, chevalier des ordres du roi et capitaine de cent hommes d'armes de ses ordonnances.

L'illustration des Gondy remontait à Catherine de Médicis. Avant elle, ils s'étaient surtout distingués dans la banque, comme au reste la plupart des grandes familles florentines, mais avec elle les plus hautes dignités vinrent ajouter pour eux leur prestige à celui que donne la fortune. Henri de Gondy prit parti pour Marie de Médicis, lors de sa lutte avec Louis XIII, mais il déserta honteusement la cause de cette princesse à la bataille des Ponts-de-Cé. Plus tard, en 1622, il fut atteint d'une balle près du roi au siége de Saint-Antonin, qui lui brisa le genou et le rendit boiteux pour sa vie.

En 1611, à la mort de Marie de Rieux, avant le 16 décembre, Henri de Gondy s'excuse de ne pouvoir venir à Thouars rendre ses foi et hommage, étant obligé d'assister aux Etats de Bretagne « dont il ne peut estre sitost de retour ». Des difficultés surgirent alors pour la quotité du rachat et amenèrent, en 1613, M. et Mme de Retz à prétendre que Tiffauges relevait, non de la maison de la Trémoille à cause du duché de Thouars, mais du roi à cause de son comté de Poitou. Le parlement de Paris fit bonne justice de cette prétention, qui ne tarda pas à être suivie d'un nouveau rachat.

Depuis la Ligue, l'histoire de Tiffauges est bien pauvre, et les documents qui pourraient donner quelque lumière, sont presque nuls. Nous trouvons cependant que le 16 août 1614 le Poussin était à Nantes : il se rendait à Tiffauges, chez un de ses amis que malheureusement les documents que nous consultons ne nomment pas [Note : Mellinet. Commune et milice de Nantes]. Nous savons seulement que c'était un jeune gentilhomme poitevin qui s'était lié à Paris avec cet artiste et qu'il l'emmenait chez lui. Il paraît aussi, que la mère de ce nouvel ami, loin de favoriser les arts, et considérant un peu le Poussin comme un domestique de son fils, lui faisait payer son hospitalité par des services qu'elle lui imposait, ce qui l'obligea à quitter bientôt ce désagréable séjour, pour continuer à courir le monde.

Louis XIII, lorsqu'il vint à Nantes, fit une excursion à Clisson, et l'y trouva peignant des vues de ce pays et du château qu'on reconnaît, dit-on, dans plusieurs de ses tableaux et plus particulièrement dans l'un d'eux. Nous nous demandons, aussi, comment il se fait que nul historien n'ait tenté des recherches sur le séjour du célèbre peintre à Nantes et dans les environs ; que nul n'ait parlé des tableaux qu'il faisait alors pour les moines de l'Oratoire, qui se préparaient à s'établir à Nantes, tableaux qu'on pouvait encore voir, à la veille de la Révolution, dans cette savante Communauté qui, l'une des premières, avait deviné le talent du Poussin.

On croit généralement aussi, et sans doute avec raison, que Gabriel Hullin, procureur fiscal à Tiffauges, naquit dans cette ville. Il publia, en 1616, le Traité de la nature et usage des Marches, séparant les provinces de Poitou, de Bretagne et d'Anjou (vol. in-12 fort rare et imprimé à Nantes). Gabriel Hullin dédia ce livre à Henri de Gondy, duc de Retz. Cet ouvrage a eu son utilité dans son temps et lui valut plusieurs lettres de compliment, dont une est signée Jean Guerry, avocat à Tiffauges, dont nous verrons bientôt paraître un des descendants, dans les événements qui surgirent à la fin du XVIIIème siècle [Note : Bibli. du Poitou ; par Dreux-Duradier].

Jeanne de Scépeaux mourut le 20 novembre 1620, à Princé, dans le pays de Rais ; elle avait eu de son mari deux filles, Catherine et Marguerite, qui étaient mineures à sa mort et qui restèrent sous la tutelle de leur père jusqu'à sa mort, qui arriva lu 12 août 1659, également à Princé.

Catherine de Gondy, l'aînée, épousa son cousin, Pierre de Gondy, comte de Joigny, en 1633, et le retard qu'ils apportèrent à rendre leurs devoirs féodaux, amena, en 1634, la saisie de Tiffauges et celle de Mortagne. Treize ans après seulement, Pierre rendit son aveu et dénombrement, tâche fort difficile alors, par la destruction du château de Tiffauges, qui obligeait de refaire à nouveau et entièrement ce volumineux travail, consistant dans l'énumération de tout ce qui composait le fief. Cet aveu, terminé seulement au mois de décembre 1647, signé le 21, fut reçu par les officiers du duché de Thouars le 11 mai suivant. Nous en donnons un extrait, car il offre d'autant plus d'intérêt qu'il est unique, nul autre n'ayant été dressé depuis lors. Ce volume faisant partie du chartrier de Thouars, est écrit sur parchemin, c'est un in-folio carré, relié en panne rouge, signé et scellé, contenant 128 feuillets, daté du château de Beaupreau, et passé devant Allard et Chesné, notaires dudit lieu [Note : Note de M. Marchegay. Notice et recherches sur les seigneurs de Tiffauges. Voir aux notes justificatives la pièce n° 8].

Dans cet extrait de l'aveu et dénombrement de la seigneurie de Tiffauges, que nous empruntons, en entier, à M. P. Marchegay qui l'a déjà publié dans ses recherches sur les seigneurs de Tiffauges, article inséré dans l'Annuaire de la Société d’Emulation de la Vendée, le titre de vicomté donné à Tiffauges dans ce document datait seulement d'une douzaine d'années, c'est-à-dire de 1635, quoique Pierre de Gondy veuille le faire remonter au moins à l'érection de Thouars en duché. Tiffauges aurait alors hérité de la dénomination du fief principal comme siége d'un de ses châteaux les plus importants, assigné jadis en douaire ou en apanage aux veuves et fils des vicomtes.

Marguerite de Gondy, soeur cadette de Catherine et seconde fille d'Henri de Gondy, obtint Tiffauges avec le duché de Beaupreau par un partage dont nous ignorons la date. En 1645, à l'âge de trente ans, elle avait épousé Louis de Cossé, duc de Brissac, pair et grand pannetier de France.

Le coadjuteur, beau-frère de cette Marguerite de Gondy, nous la représente comme ayant les plus beaux yeux du monde, « mais jamais si beaux que quand ils se mouraient. Très-belle, dit-il, d'ailleurs, et du plus grand éclat du monde, des lys et des roses en abondance, la bouche très-belle, du défaut à la taille, mais peu remarquable, et qui étoit beaucoup couvert par la vue de quatre-vingt mille livres de rente et l'espérance du duché de Beaupreau ».

En 1654, il se passa un événement assez remarquable à Nantes, et dans lequel les seigneurs dont nous nous occupons en ce moment jouèrent un certain rôle ; nous voulons parler de l'évasion du cardinal de Retz, du château de Nantes où il était retenu prisonnier. Il existe à ce sujet deux lettres ; la première, de Louis de Cossé, duc de Brissac, pair et grand pannetier de France, vicomte de Tiffauges, et cousin-germain par sa femme du cardinal. C'est un billet adressé au sieur Hère, maître des requêtes, pour le remercier des ménagements dont il a usé envers lui dans l'information relative à l'évasion du cardinal de Retz, et dans laquelle il avait eu une certaine part et avait joué un rôle important. Ce billet, daté de l'année 1655, au mois d'avril, et sans signature, est conçu comme suit :

« Monsieur,
L'esperance que l'on me donnait que vous vous rapprocheriez de cette province m'avoit fait différer les remercimens que ie vous dois de tant de bontés que vous avés fait parestre pour moy. J’aprends encore les nouvelles obligations que ie vous ay de la manière avec laquelle vous avez bien voulu parler de ma conduite, ie vous assure que ie en auray toute ma vie une très parfaite reconnoissance »
.

L'autre pièce a été publiée, ainsi que celle que nous venons de donner, par M. P. Marchegay dans la Revue des Provinces de l'Ouest, et il la tenait lui-même de M. l'abbé Gautier, qui en était alors le possesseur. Elle ne porte ni le nom de l'auteur ni celui de l'imprimeur, mais elle a dû cependant être publiée à Nantes en 1654. Le but de cette lettre est de justifier Paul de Gondy, cardinal de Retz, du reproche qui lui fut alors adressé d'avoir manqué à sa parole en trompant la surveillance du maréchal de la Meilleraye, et de chercher à prouver que la cour n'avait pas observé les conventions en vertu desquelles le cardinal fut remis à la garde du maréchal, qu'il s'était uniquement engagé à ne point s'échapper tant qu'il serait sur le chemin de Vincennes à Nantes, et que, craignant avec raison un changement de prison, il avait voulu sauver sa vie en se procurant la liberté par les moyens que Dieu et son esprit lui ont présentés.

Louis de Cossé-Brissac mourut en 1661, laissant un fils, Henri-Albert, et une fille, qui épousa, le 18 mars 1662, François de Neuville, duc de Villeroy. En raison du délaissement fait par sa mère, elle hérita de Tiffauges, dont son mari rendit hommage le 22 décembre 1665.

Ces dispositions furent annulées au commencement de 1668, au moment où jouissait de la vicomté Henri-Albert de Cossé-Brissac, par une transaction qui, à la charge de payer 400,000 livres à sa sœur, attribua notamment à Henri-Albert la vicomté de Tiffauges.

Ses nombreuses dettes ne lui permirent pas de le garder longtemps, et les poursuites commencées en 1672 par ses créanciers aboutirent, il est vrai, vingt ans plus tard, à une saisie, pendant laquelle le commissaire-général des saisies réelles, François de Forcadel, rendit les foi et hommages dus à Thouars en 1696 et en 1700.

Dans l'intervalle, le duc de Brissac étant mort, le 29 décembre 1698, sans postérité, un décret du parlement ordonna la vente de Tiffauges, et une première criée et adjudication eut lieu à la barre de la cour le 14 décembre 1699 en faveur du duc d'Aumont, à un prix qui est resté inconnu, en même temps qu'on ignore les circonstances qui motivèrent une nouvelle adjudication.

Au mois d'avril, dans les premiers jours, Guerry, chargé d'une mission, partit pour l'île de Noirmoutier, muni de toutes les pièces nécessaires [Note : Voir, aux pièces justificatives, le n° 13]. On lui donna, en outre, deux proclamations ou lettres adressées aux commandants des ports d'Angleterre et aux autorités Espagnoles, auxquelles il s'était chargé de les remettre en mains propres [Note : Voir, aux pièces justificatives, le n° 14]. Après s'être délivré à lui-même un laisser-passer [Note : Voir, aux pièces justificatives, le n° 15], il partit le 8 avril et arriva le 11 à Noirmoutier, au milieu des troupes de son parent, le chevalier Guerry de la Fortinière, qui s'était emparé de cette île le 16 mars précédent. Les vents contraires l'empêchèrent de s'embarquer, et dans peu de temps son projet ne fut plus un secret pour ceux qui l'entouraient. Il était encore à Noirmoutier lorsque le général Beysser y entra le 30 et le fit prisonnier. On le conduisit à Machecoul et de là à Nantes, le 7 mai au soir, avec les dames de Tinguy, de Rorthais, Taconnet, Imbert de la Terrière, deux demoiselles Bevier, une religieuse, MM. de Rorthays, de Chasteigner et plusieurs autres personnes arrêtées en divers lieux.

Guerry fut écroué aux Saintes-Claires, en vertu de l'ordre suivant du comité central :

« Le concierge de la maison d'arrêt des Saintes-Claires recevra les nommés Bernard Fontenay... Pierre-Augustin Guerry, tous venant de Machecoul et envoyés à Nantes par le général Beysser, et dont le concierge fera la garde. Au comité central, le 7 mai 1793, l'an II de la république. Signé : BOUGON, BEAUFRANCHET, DOUILLARD, PIERRE GRELIER » [Note : Greffe du Tribunal civil de Nantes. — Registre d'écrou de la maison d'arrêt des Saintes-Claires, p. 20].

Guerry avait alors 58 ans. Son procès traîna en longueur, et il espérait être acquitté comme plusieurs autres des individus amenés à Nantes avec lui. Mais à Noirmoutier, les citoyens Pierre Pineau et Viaud-la-Rivière, officiers municipaux, ayant été chargés par le général Esprit Baudry et la municipalité, de faire des perquisitions au domicile qu'il y avait occupé, se saisirent d'une boîte qui contenait un journal de ce qui s'était passé à Tiffauges, depuis 1789 jusqu'au 12 mars 1793 ; d'un autre journal relatant les faits, depuis le 12 mars 1793 jusqu'au 30 du même mois, des détails sur le combat du château de l'Oye ; le passe-port des chefs des armées d'Anjou et de Poitou, ainsi que les deux commissions dont nous avons parlé, plus, le passe-port, qu'en sa qualité de membre du comité de Tiffauges, il s'était délivré à lui-même. Cette découverte fut immédiatement communiquée à Goupilleau, de Montaigu, par le général Esprit Baudry.

Guerry, à cette fatale nouvelle, de la découverte de ses papiers, tenta de s'évader ; et voici ce que l'on écrivait encore à cette occasion à Goupilleau de Montaigu : « Guerry de Tiffauges a fait un essai pour sortir des Saintes-Claires, où il était détenu, par le moyen de ses draps, et en voulant passer par une fenêtre. Il s'est brisé un bras, et on l'a transporté au Bouffay. Il a été bien mal ; mais on croit qu'il n'en mourra pas. Il préfêre apparemment la guillotine. Je ne conçois pas pourquoi on ne s'occupe pas de suite de son procès.... ».

Du Bouffay, Guerry fut transporté à l'Hôtel-Dieu, et là, il fut plus heureux qu'aux Saintes-Claires, car il parvint à s'échapper. Il y eut même à cette occasion une instruction judiciaire, dans laquelle furent impliqués le chirurgien Bacqua et l'économe de l'hôpital, l'hydrographe René Levêque et Françoise Monset, sa femme, parente de Guerry ; mais ils furent tous acquittés, faute de preuves suffisantes. Si le malheur qui lui était arrivé aux Saintes-Claires lui avait été bon à quelque chose, ce ne fut pas pour longtemps; car ce plénipotentiaire vendéen, s'étant après sa fuite réfugié à Tiffauges, pour y achever sa guérison, fut surpris dans sa retraite par une colonne de troupes républicaines qui s'était portée à l'improviste de ce côté, et percé de coups de baïonnettes, en représailles de l'assassinat commis précéderament sur Servanteau de l'Echasserie, à la Bruffière.

Malgré sa position, Tiffauges n'a jamais été un point bien important pendant les guerres de la Vendée ; il n'en est question que fortuitement, comme d'un lieu de passage et de ralliement, tantôt pour les troupes vendéennes, tantôt pour les républicains. C'est ainsi que nous voyons, quand les armées de Mayence furent envoyées en Vendée, les généraux Rossignol et Canclaux donner l'ordre à des détachements de ces armées, de se rendre le 13 septembre 1793 à Saint-Fulgent, puis le 14 aux Herbiers, de là à Tiffauges, qu'il fallait traverser pour se retrouver le 16 à Mortagne. De même lorsque l'armée de Charette fuyait l'armée de Mayence après avoir été repoussée de Logé, nous la voyons, essayant de tenir tête, à Saint-Georges, sans pouvoir y réussir, se replier à Montaigu, d'où, toujours repoussée par Beysser, elle dut se réfugier par la fuite à Clisson et à Tiffauges, où arrivait à son secours l'armée catholique forte de 20,000, sous la conduite des généraux d'Elbée, Bonchamp et de Lescure.

C'était le moment où eut lieu cette grande bataille de Torfou, si riche en faits de guerre, si fatale aux républicains, et la cause de ce beau dévouement de Chevardin au pont de Boussais. Cette bataille et cet épisode sont trop connus pour que nous venions les retracer encore, mais nous disons que ces faits doivent être rappelés ici à cause de la proximité des lieux où ils s'effectuèrent.

Depuis ces événements, jusqu'à la fin de l'année, il n'est question de Tiffauges que dans un rapport du représentant du peuple Carrier, de si sanglante mémoire, sur les différentes missions qui lui ont été déléguées; rapport imprimé par ordre de la Convention nationale [Note : Verger. Archives curieuses, etc. T. II, p. 72].

Tiffauges reparaît comme poste d'une division que commandait très-probablement le général Cordelier, à l'époque où le général Turreau, l'auteur des Colonnes infernales, commandait en chef ; nous le voyons par des lettres où il en est question, et par d'autres datées de ce lieu.

En réponse à une lettre du général en chef Turreau, faisant connaître qu'il n'était pas sans inquiétude sur le compte des généraux Cordelier et Crouzat, le général Moulin écrivait de Cholet qu'il partageait cette inquiétude ; que non-seulement ils ne paraissaient point aux postes de Tiffauges, mais qu'il n'avait pu par aucune patrouille ou découverte, apprendre où ils s'étaient retirés. Malgré cette lettre, cependant, Turreau annonçait au comité de salut public que Cordelier était à la poursuite de Charette, avec le général Duquesnoy. Cette correspondance nous dit quelle était la position du pays ; les endroits les plus rapprochés étaient garnis de postes républicains, comme à Tiffauges, Cholet, Chambretaud, et tous ces postes étaient continuellement harcelés ; plus de grandes batailles, mais des escarmouches continuelles.

Mais Cordelier n'était pas perdu ; nous le voyons par une lettre en date du 6, qu'il adresse à Turreau :

« En arrivant à Tiffauges, dit-il, je m'empresse de te rendre compte de ce qui s'est passé dans ma division depuis le premien de ce mois. J'attendais toujours ta réponse à ma dernière, avant de commencer mon mouvement, mais ton silence, joint au peu de renseignements que j'avais sur la position actuelle de l'ennemi, m'a déterminé à partir de Montrevault pour me rendre à Tiffauges, en passant par Gesté et Montfaucon.

J'ai ponctuellement exécuté tes ordres, de purger par le fer et le feu tous les endroits que j'ai rencontrés sur ma route, car indépendamment que tout brûle encore, j'ai fait passer par derrière la haie environ 600 particuliers des deux. sexes, etc. » [Note : Faire passer par derrière la haie était une expression de l'argot employé alors, qui signifiait : égorger, massacrer].

Le général Cordelier était donc le commandant de Tiffauges, chef d'une division ; nous l'apprenons par cette lettre et par d'autres, et par l'une du 7 février, qu'il adresse au même général Turreau, et dans laquelle il lui dit qu'il n'a pu porter secours au général Moulin, à cause du peu de cartouches qu'il avait, et qui devait à peine suffire aux 600 hommes qu'il avait trouvés à Tiffauges ; que cependant, vu les inquiétudes de Moulin, il projette d'aller à son secours et d'y revenir, pour prendre ensuite de nouvelles déterminations d'après les renseignements qu'il se sera procurés. Il l'avertit aussi qu'il attend Flavigny avec six cents hommes de Saint-Florent, mais que la moitié de sa troupe, effrayée des cris séditieux de l'ennemi, n'a pas encore paru à Tiffauges.

Nous trouvons encore mention de Tiffauges dans une lettre de l'adjudant général Dusirat au général en chef, datée du 5 avril 1794, de Saint-Christophe, où il dit que la cavalerie qui venait le rejoindre, en passant au pont de Tiffauges, l'a trouvé en feu, l'a éteint, et que les brigands s'étaient échappés. Mais, ces lettres épuisées, il n'est plus question de cette localité jusqu'à la fin de la guerre.

Depuis ce temps, jusque vers 1830, nous ne trouvons rien qui puisse nous intéresser sur Tiffauges. Cette période, depuis l'empire jusqu'à 1828, même à l'époque de 1815, ne nous offre pas le plus petit événement dont nous puissions vous entretenir. Notons en passant, cependant, qu'en 1828, la duchesse de Berry se promenait en souveraine chérie des habitants de ces contrées que nous avons décrites. « Le 6 juillet de cette même année, dit M. de Wismes, cette princesse, passant dans les environs de Tiffauges, eut l'intention de les visiter. A cette annonce, le marquis de la Bretêche, ancien soldat et officier des armées catholiques, ne pouvait rester inaperçu ; aussi s'empressa-t-il de préparer à cette princesse une réception qui fut digne d'elle et qui sut se faire remarquer parmi tant d'autres, qui lui furent faites sur ce sol hospitalier. Le marquis de la Bretêche eut l'heureuse idée de réunir sous les armes 2,000 Vendéens de la division de Montfaucon, qu'il avait commandée autrefois. Il les avait fait camper sous des tentes dans une de ses grandes prairies du Courboureau, où il avait fait établir un simulacre de camp. Dans une tente plus splendidement installée que les autres, il avait fait servir un déjeuner à la princesse, qui, pendant ce temps, put assister au défilé de ces troupes, dont elle put entendre les cris de bonheur et d'enthousiasme » [Note : Baron de Wismes. - Vendée pittoresque].

Cependant, si près d'une fête, nous approchions d'une époque où quelques troubles soulevèrent encore ce pays, qui avait tant besoin de repos, de tranquillité en même temps que de travail, pour se relever un peu de ses ruines trop nombreuses. En 1832, il y eut en effet quelques troubles dans la Vendée, mais ce n'était plus l'ancienne guerre, et à Tiffauges on ne trouve rien qui puisse être d'un grand intérêt; ce n'étaient que des faits isolés qui se présentaient, sans grande importance. Nous en trouvons quelques exemples dans des lettres. Ainsi le 26 janvier 1832, on écrit de Cholet qu'un M. Humeau, gendre de M. Guilbaud, notaire et maire de la commune de Mai, étant à la chasse prés de Jallais, fut rencontré par cinq chouans, qui tirèrent sur lui quatre coups de fusils, et, l'ayant approché, lui enlevèrent son arme [Note : Le Breton. Journal du 28 janvier 1832]. On apprenait encore que des chouans s'étaient présentés chez le maire d'Amailloux, avaient brûlé le drapeau tricolore, qui flottait à la porte de la mairie, avaient pris son écharpe et l'avaient emportée dans une gibecière, qui en contenait beaucoup d'autres ; puis s'étaient ensuite rendus chez le percepteur de Secondigny et avaient enlevé de sa caisse une somme de 6,000 francs. C'est ainsi qu'ils visitaient les maisons, pillaient partout et emportaient les armes qu'ils pouvaient trouver.

Mais le parti patriote ne se faisait pas non plus oublier, nous en avons des preuves dans le seul événement dont nous ayons eu connaissince par une lettre que M. de la Bretêche écrivait au journal l'Ami de la Charte, comme rectification de faits que ce journal avait racontés et dont voici le contenu :

« Quoiqu'il ne soit guère dans mes goûts d'occuper le public de moi, ayant su que vous aviez entretenu vos lecteurs de ce qui s'est passé à mon domicile du Courboureau, dans la soirée du 22 janvier dernier, je crois devoir vous adresser quelques détails qui serviront de complément et de suite à ceux que vous avez déjà publiés.

Il n'est que trop vrai que quelques militaires de la garnison de Tiffauges, sans aucune provocation de ma part, et sans aucun motif plausible, sont venus de neuf à dix heures du soir, tirer des coups de fusil sur les habitants du Courboureau ; notamment sur mon salon, où j'étais avec ma famille… Dès le lendemain, j'en ai écrit à M. le lieutenant-général Dumoustier, et j'ai fait des rapports semblables à toutes les autorités judiciaires, civiles et militaires de mon arrondissement, pensant qu'il importait trop à la tranquillité publique qu'un tel fait fût connu et promptement réprimé pour que je gardasse le silence. Je dois le dire, j’ai trouvé partout sollicitude et indignation ; n'étant détenteur ni de dépôt d'armes ni de poudre, (comme je l'ai déclaré à M. le lieutenant-général Dumonstier en réponse à sa lettre, par l'organe de M. le capitaine de gendarmerie Bourgeois). J'ai désiré vivement, sollicité et obtenu qu'on fît des enquêtes : la justice est venue sur les lieux, elle a entendu de nombreux témoins, et instruit maintenant l'affaire, qui sera dévolue aux tribunaux.

De son côté, M. le général Dumoustier s'est empressé d'envoyer ici M. le capitaine Bourgeois, qui s'est acquitté de sa mission avec zèle : il s'est assuré de la gravité du délit, de la modération impassible que moi et les miens avons montrée pendant cette aggression inouïe, et enfin de la véracité des faits. Il a fait saisir et conduire dans les prisons de Nantes un sous-officier désigné (mais non par moi), comme l'auteur du délit....., etc. » [Note : Le marquis de la Bretêche, auteur de cette lettre, est mort à Nantes le 12 septembre 1839, et ses restes inhumés au château du Courboureau].

Voilà tout ce que nous pouvons dire sur Tiffauges ; si nous avons donné si peu de chose, c'est que les documents ne sont pas nombreux, surtout pour les temps modernes. Tiffauges n'est plus qu'un petit bourg, dépendant du canton de Mortagne et de l'arrondissement de Fontenay. De ses murailles, il ne reste rien ; son château n'est plus qu'une ruine, qui compte maintenant parmi les antiquités du pays, avec l'église Saint-Nicolas, retirée du culte et servant aux usages d'un particulier. La vieille église Notre-Dame est remplacée par une église moderne, pastiche médiocre des anciennes constructions du quatorzième siècle, et qui ne se distingue en rien des autres églises neuves de notre époque. Enfin, Tiffauges, qui, dans les temps anciens, comptait au nombre des villes qui avaient une origine remarquable et intéressante, n'est plus rien, n'est visité actuellement que pour ses ruines et ses sites, à la vérité fort remarquables.

Enfin, nous nous trouverons heureux et récompensé de nos nombreuses recherches, si cet assai peut intéresser les personnes qui pourront en prendre connaissance.

(L. Prevel).

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