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LES THOUARS, SEIGNEURS DE TIFFAUGES

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SEIGNEURS DE TIFFAUGES. — PREMIERS VICOMTES DE THOUARS, SEIGNEURS TEMPORAIRES DE TIFFAUGES. — 876-1283.

Nous avons vu que l'un des premiers possesseurs du territoire de Tiffauges fut un comte du nom de Girard, neveu de Lambert comte de Nantes ; mais, depuis ce dernier jusqu'aux véritables seigneurs de ce pays, il subsiste une lacune qu'il nous est impossible de combler et que nous devons laisser dans l'obscurité, faute de documents. Nous voici au moment où cette seigneurie appartient à la famille de Thouars, sans que nous puissions expliquer comment et à quelle époque. Existait-il un château ou forteresse lors de l'existence du comte Girard ? Probablement, mais nous ne pouvons rien affirmer. Il est supposable que le Castrum établi par les Romains avait subi bien des modifications et que peut-être une habitation y avait été élevée dans son enceinte : nous ne verrons que plus tard les seigneurs de Thouars y élever le château dont nous pouvons encore voir les ruines aujourd'hui.

Le château de Tiffauges (Vendée).

Nous commencerons donc au moment où nous voyons paraître les premiers vicomtes de cette famille : nous les passerons sommairement en revue, ne nous appuyant plus longuement que sur les documents que nous trouverons sur ceux qui ont été plus particulièrement seigneurs de Tiffauges et qui en porteront le nom, et en cela, l'Histoire de Thouars, par M. Hugues Imbert, nous sera d'un véritable secours. Ainsi, parlons un peu de la vicomté de Thouars et de ces institutions, comme étant la pierre fondamentale de l'édifice que nous cherchons à élever.

Cette vicomté était une des plus considérables du royaume : il en relevait à foi et hommage vingt-six baronnies, savoir : Airvault, Bressuire, la Forêt-sur-Sèvre, la Loge-Fougereuse, Saint-Hermine, Mareuil et la Vieille-Tour réunies, la Chaise-le-Vicomte, la Grève, Sigournay Pouzauges Mouchamps les Essarts, Palluau, Apremont, Commequiers et Challans réunis, Riez, la Garnache et Beauvoir-sur-Mer réunis, Brandois, Montaigu, Tiffauges, Mortagne, Châteaumur, Mauléon et Argenton-Château. Il y avait un comté, celui des Mottes, huit châtellenies indépendantes de celles comprises dans les baronnies, savoir : la Maurière, la Jarrie, la Raslière, la Merlatière, Rocheservière, Saint-Gervais et Chaveuil réunis, le Mesle-Fougereuse et la Chapelle Saint-Laurent. Ajoutons à cela sept bailliages, la ville de Thouars d'abord, puis sa banlieue divisée en six baillages, qui étaient: celui d'Orvallois, de Coulonges, d'Aironnois, de la Grande-Marche, de la Petite-Marche et du Bouchage.

La baronnie de Tiffauges, à cette époque, n'était pas non plus une petite terre, et sa composition peut donner une idée de ce qu'étaient les vint-cinq autres et l'étendue de terrain qu'englobait la vicomté de Thouars. La baronnie de Tiffauges comprenait les paroisses de la ville de Tiffauges, de Breffier (la Bruffière) en Marche, Cugand, Boussay-Marche, Saint-Symphorien, Saint- Martin, Voisy, Concourson, Torfou, la Romagne, Saint-Christophe-des-Bois, Saint-André-de-la-Marche, Saint-Macaire et les Landes-Genusson.

Avant de passer à l'histoire des vicomtes de Thouars, dont la série est si difficile à établir, suivant M. Imbert, il faut se faire une idée du mode particulier de succession adopté par cette famille, car la similitude des prénoms et le silence et l'obscurité de certaines chroniques contribuent à faire de ce travail une tâche très-pénible.

Les membres de la famille de Thouars ne se succédaient pas de père en fils, suivant l'ordre naturel. Quand un vicomte venait décéder, son frère le remplaçait, et ainsi de suite jusqu'au dernier. Ce n'était qu'après la mort de celui-ci que le fils aîné devenait à son tour vicomte titulaire. Les frères étaient considérés comme usufruitiers, seulement chacun des enfants prenait le titre de vicomte, sans en exercer les fonctions et seulement à titre honorifique. Les enfants, du vicomte ne recueillaient, au moment de sa mort, que les meubles et une provision comprenant les deux neuvièmes des immeubles de la succession. Ce droit de retour, qui était en usage dans les pays compris entre la Sèvre et la Dive, c'est-à-dire à Mauléon (Châtillon), Bressuire, Parthenay, Thouars, est longuement expliqué dans l'ancienne coutume du Poitou rédigée en 1417 (1).

Le premier vicomte dont on fasse mention porte le nom de Geoffroy. On n'en connaît pas l'origine, et on ignore s'il se rattache à ses successeurs par quelques liens de parenté. Il est à croire cependant qu'il fut le premier des vicomtes suivants, mais aucun document ne nous le prouve.

Après lui viennent Savary Ier de Thouars , de 903 à 926 ; son frère Adhémar, abbé de Saint-Maixent, et Aimeri, qui monte sur le trône vicomtal sous le nom d'Aimery Ier, en 926. Il épousa une femme du nom d'Aremburge, dont il eut deux enfants, Savary II et Aimery II, qui règnent successivement, le premier de 936 à 943 et le second de 943 à. 956.

Aimery épousa Aliénor selon les uns, Hardouine selon d'autres, sans plus de détails que pour les précédents, et dont il eut deux fils, Herbert ou Arbert Ier et Savary, qui signe une donation faite l'abbaye de Saint-Florent de Saumur, en août 994, faite par son neveu Aimery III.

Herbert Ier de Thouars succède, en 956, à Aimery II ; il assiste comme témoin à plusieurs donations et épouse Aldéarde, fille de Kadelon, vicomte d'Aunay et de Sénégonde, dont il eut cinq fils : Aimery III, qui lui succéda, puis Savary et Raoul, qui devinrent successivement vicomtes après leur aîné ; Thibaut, qu'on trouve mentionné dans plusieurs chartes, et Geoffroy, qui ne figure également que dans des chartes. Herbert mourut vers 987, et sa femme Aldéarde au commencement du XIème siècle ; ce fut elle qui fonda le monastère d'Airvault. On trouve Herbert mentionné dans un grand nombre de chartes de 956, 969 et 970, notamment dans une de 955 ou 956, l'an douzième du règne de Lhotaire, portant don à Saint-Cyprien de Poitiers de quelques biens. Aimery III, fils aîné du précédent vicomte, lui succéda. On prétend qu'il avait réuni le titre de comte de Nantes à celui de vicomte de Thouars. Marié à Elvis, on ne lui connaît point d'enfants. Il mourut vers 990, car nous voyons son frère, Savary III, lui succéder cette même année. On ignore quelle femme il épousa, cependant il eut un fils du nom de Geoffroy. Il mourut en 1004 et fut remplacé par son frère Raoul Ier, qui régna jusqu'en 1015 ; il épousa Aremburge, surnommée Asceline, et de ce mariage il eut plusieurs enfants, dont l'aîné s'appelait Aimery ; sa fille, nommée Audéarde, épousa Hugues IV de Lusignan ; les autres sont inconnus.

Geoffroy, dixième vicomte de Thouars, régna de 1015 à 1055 ; il épouse Aénor et en a quatre enfants : Aimery IV, Savary, seigneur de Fontenay, Geoffroy et une fille nommée Gognore. L'époque du décès de Geoffroy n'est pas connue d'une manière précise. D. Fonteneau dit qu'il avait cessé d'être vicomte vers 1050. Dans un autre passage, il dit qu'Aimery ne lui succéda qu'en 1058. Sur la fin de sa vie, il se fit moine à Saint-Michel-en-l'Herm.

Aimery IV lui succède de 1055 à 1093. Il entre en guerre avec Geoffroy Martel, comte d'Anjou, et fait partie de l'expédition de Guillaume le Conquérant en Angleterre : il commandait l'aile gauche à Hasting, fit proclamer Guillaume roi d'Angleterre, et revint en Poitou chargé de richesses et de belles et riches étoffes et dentelles.

Aimery s'était marié deux fois : premièrement à Arengarde de Mauléon dont il eut deux enfants, Aimery et Raoul, et, deuxièmement, à Ameline, qui lui donna trois enfants : Herbert II, Geoffroy III et Hildegarde, qui épousa Hugues de Lusignan, dit le Diable. Ce fut cet Aimery qui fit construire le château de la Chaise-le-Vicomte et l'église paroissiale du même lieu ; il mourut vers 1093.

Le vicomte Herbert II succéda à son père Aimery IV comme vicomte titulaire. Une charte de 1095, mais qui cependant paraît antérieure d'au moins deux années, nous fait connaître Aimery et son fils Herbert comme les promoteurs de la réforme à l'abbaye d'Airvault, [Note : Dom Fonteneau, t. XXVI, p. 169] par Pierre II, évêque de Poitiers. Dans cette même année, Herbert donne, du consentement de sa femme Agnès, le bois Albouin et d'autres biens à l'église Saint-Nicolas de la Chaise [Note : Dom Fonteneau, t. XXVI, p. 177]. La même donation comprend une foire avec tous les droits en dépendant et deux serfs nommés Constantin et Pierre de la Porte.

Herbert, continuant l'œuvre de son père, s'occupa activement du monastère de Saint-Nicolas de la Chaise et le combla, de biens. Lorsque l'église fut achevée, Pierre II, évêque de Poitiers, vint en faire la dédicace sur la demande du vicomte. Nous trouvons dans une charte tous les détails de cette cérémonie, qui fut faite avec une pompe inusitée le 7 décembre 1099, en présence d'un grand nombre de prêtres et de seigneurs [Note : M. P. Marchegay. Cartulaire du Bas-Poitou].

Parmi ces derniers se trouvaient le duc d'Aquitaine, Guillaume IX et sa mère Hildegarde. Herbert, à l'occasion de cette dédicace, donne à l'église de Saint-Nicolas la terre de Crèthe, celle de Durand de Greillé, la terre et la forêt de Morin, celle de Guillaume Belin, les ouches de Saint-Florent, l'église de Limozin et différents droits. Tous les barons et officiers du vicomte présents à cette cérémonie, constituent personnellement des cens ou rentes au profit de l'église. On compte au nombre des premiers Maurice de Montaigu, Ebbe de Parthenay, Simon d'Arivault, Hugues de Doué ; Sigibrand de Passavant Aimery d'Argenton-le-Château, Rainard de la Forêt-sur-Sèvre, Jean de Bressuire, Aimiry de Tillé, Guillaume de Châteaumur, Maurice de Pouzauges, Guillaume Bertrand des Essarts. Etienne de Bournezeau, Bernard de la Roche-sur-Yon, Barbotin d'Apremont, Goscelin de Lezay, Pierre de la Garnache, Urvoy de Commequiers. Par cette nomenclature, qui n'est pas complète, on peut cependant se faire une idée de l'étendue de la vicomté de Thouars à la fin du XIème siècle. Parmi les officiers de la cour d'Herbert, on trouve Gaultier Buzin, fermier des fermes et du pont de Saint-André ; Guillaume, fermier du Clos-du-Vicomte ; Raoul, prévôt du. vicomte ; Rainauld, préposé du pont de Saint-Jacques ; Nollard de la ferme de Saint-Martin ; Raimond de la Porte des hommes de Sainte-Marie, et Girard Corals du clos Meynard, domaine situé dans l'enceinte même de la ville de Thouars. Hildegarde, femme de Hugues de Lusignan, sœur du vicomté Geoffroy, donne XX sous de rente ; Geoffroy de Tiffauges, son frère, et Raoul de Mauléon, son oncle, donnent dix sous de rente.

C'est la première fois que nous trouvons dans la série des vicomtes, le nom de Tiffauges accolé à un des membres de cette famille, mais aussi, par la suite, nous le verrons plus fréquemment, surtout au moment où cette seigneurie devient l'apanage de la branche cadette. Enfin, c'est le premier seigneur de Tiffauges qui soit connu. Il jouissait de cette châtellenie comme puîné, par provision de son aîné et par forme de bienfait, comme on disait alors, en vertu du droit de retour de l'héritage paternel [Note : M. P. Marchegay. Recherches sur les seigneurs de Tiffauges].

Nous arrivons ainsi à la fin du XIème siècle, à cette époque remarquable ou les populations, exaltées par les prédications fanatiques du moine Pierre l'Hermite, furent entraînées à la conquête de la Terre-Sainte. Herbert, héritier de l'esprit aventureux de son père, dut, un des premiers, se mettre à la tête du mouvement qui se fit dans ses domaines, et son départ fut bientôt décidé. Il fut accompagné dans cette entreprise par sou frère Geoffroy de Tiffauges. Un document conservé à la Bibliothéque Nationale constate que, dès l'année 1098, il se trouvait en Palestine avec plusieurs membres de sa famille, Jehan, seigneur de Largeasse, Aimery, seigneur de Pouzauges et Aulmaury.

Dans Raymond des Agiles, chapelain du comte de Toulouse, nous trouvons un autre personnage nommé Faraldus de Thoart, sans doute parent d'Herbert, qui assista à Antioche à la découverte de la lance dont Jésus avait été percé [Note : Gasta Dei per Francos, par Raymond des Agiles, pp. 151-153].

Un autre document plus précis donne de longs détails sur le voyage et le séjour en Terre-Sainte d'Herbert et de son frère Geoffroy. Il date les événements qui s'y rattachent de l'année 1101, à l'année 1104 [Note : M. P. Marchegay. Cartulaire du Bas-Poitou]. Résolu à accompagner Guillaume IX, duc d'Aquitaine, jusqu'à Jérusalem, Herbert réunit ses barons au château de Thouars pour leur faire ses adieux. Après avoir exprimé sa volonté d'être inhumé dans l'église de la Chaise-le-Vicomte, il confirma entre les mains de Guillaume, abbé de Saint-Florent-de-Saumur, le don de la moitié de son mobilier, qu'il avait déjà fait au profit du monastère de la Chaise. Toute l'assemblée fondit en larmes, au moment où le vicomte quitta sa ville pour se rendre à Poitiers. Une semblable émotion gagna l'évêque Pierre II et ceux qui l'entouraient, lorsque Herbert, lui-même tout en pleurs, reçut le signe des croisés.

Pendant que le vicomte, attendant le jour du départ, était campé avec les autres croisés, dans un endroit de la ville appelé le Pré-Royal, un moine de Saint-Aubin d'Angers vint le trouver, pour le prier de rendre gratuitement à cette église, une chape d'un tissu précieux qu'elle lui avait vendu pour le prix de 300 sous. Le vicomte ne voulait y consentir qu'à la condition que la somme lui serait restituée, mais le moine réitérant sa demande en pleurant, Herbert ému, se retourna du côté des siens en disant : « Voici que nous entrons dans le chemin qui conduit à Dieu, et nous tenons à 300 sous. Il vaut mieux faire cette largesse ; les religieux prieront pour nous ». Tout le monde l'approuvant, il remit la chape au délégué de l'église de Saint-Aubin, et ce dernier partit en le remerciant et en louant le Seigneur.

Les croisés, conduits par le duc d'Aquitaine au nombre de 150 000, se mirent en route dans la deuxième semaine de carême de l'an 1101. Deux autres corps, beaucoup moins importants, sous les ordres de l'archevêque de Milan, des comtes de Parme, de Nevers et de Bourges, étaient partis quelque temps avant eux, et avaient été presque entièrement anéantis. Les pèlerins de Guillaume eurent à peu près le même sort. En sortant de Constantinople, ils s'avancèrent dans une contrée aride, qui n'avait pas été explorée par leurs devanciers.

Ils eurent beaucoup à souffrir de la faim et de la soif, dans un lieu nommé la vallée des Flambeaux. Ils furent attaqués par l'ennemi et dispersés. Ceux que le fer épargna, moururent de faim ou furent dévorés par les bêtes féroces ; et il en resta bien peu qui purent se rendre à Jérusalem. Le vicomte Herbert et son frère Geoffroy de Tiffauges furent assez heureux pour y arriver à Pâques. Baudouin, roi de Jérusalem, invita Herbert à dîner avec lui, ce jour-là ; mais le vicomte refusa et préféra partager son repas avec ses pauvres compagnons.

Après avoir visité les lieux saints, Herbert, voulant regagner sa patrie, s'embarqua avec d'autres croisés et dépassa le port de Jaffa ; mais le troisième jour, il fut obligé de rentrer dans ce port pour éviter une tempête. Le lendemain, il remporta une victoire sur les infidèles ou les païens, comme dit la chronique, qui dévastaient les environs. Après le combat, on vint lui dire que Geoffroy, son frère, avait été tué par l'ennemi, et il fut tellement frappé de cette nouvelle, qu'il s'affaissa mourant sur son cheval, et on fut obligé de le ramener à Jaffa dans un état désespéré. Le neuvième jour de sa maladie, le 5 des calendes de juin 1104 dans la semaine de la Pentecôte, il rendit le dernier soupir entre les bras de son frère, dont on avait faussement annoncé la mort. Il recommanda à ce dernier avant de mourir, l'église Saint-Nicolas-de-la-Chaise, en faisant encore un nouveau don au profit de cette église. Il fut inhumé le jour même de sa mort, près de l'église de Saint-Nicolas de la ville de Jaffa, sur le bord de la mer.

En 1090, Herbert avait voulu épouser Almadis, sœur de Boson de Charroux, mais il paraît que ses projets de mariage ne réussirent pas, puisque nous avons vu qu'en 1095, sa femme s'appelait Agnès. Puis il avait épousé en secondes noces une femme nommée Hildéarde, qui fit un don à l'abbaye de Bourgueil vers 1123 ou 1126, et se disait veuve d'Herbert et mère d'Aimery [Note : Cartulaire de Bourgueil. Note de M. Marchegay].

De ces mariages, le vicomte avait eu un fils nommé Airnery et, peut-être un autre portant comme son père le nom d'Herbert.

Le vicomte avait pris, comme tous les seigneurs qui étaient allés en Palestine, des armoiries qui restèrent celles de la maison de Thouars. Il portait : d'or semé de fleurs de lis d'azur, au franc quartier de gueules. Son écusson se trouve le 258ème dans la salle des Croisades au musée de Versailles. M. Lainé adoptant l'opinion du P. Anselme, qui n'attribue ces armes qu'à Aimery VII, vicomte qui régna de 1182 à 1225, pense qu'il y a dans cette circonstance erreur d'un siècle et qu'Herbert n'a pas eu d'armoiries. Il ajoute que dans le cartulaire de Marmoutier (T. II, p. 364 et 365), on trouve deux sceaux des vicomtes de Thouars, des années 1210 et 1218, portant au lieu de fleurs de lis, huit merlettes avec un franc quartier, sans pouvoir désigner les émaux. Il en conclut que ce sont là les premières armoiries de la maison de Thouars.

Nous pensons, comme M. Hugues Imbert que nous suivons en cela que M. Lainé doit être dans l'erreur. En effet, on trouve dans un manuscrit de la bibliothèque nationale, intitulé : Conquête de la Terre Sainte, par Godefroid de Bouillon, en 1098 (fonds Colbert n° 9816), les renseignements suivants copiés sur une note communiquée à M. Imbert par M. Ledain de Parthenay.

« Le vicomte de Thouars, d'or à fleur de lys d'azur et un quartier de gueulles.

Mgr Jehan de Thouars, écartelé des armes de Dreux et de Thouars.

Mgr Jehan de Thouars de Lachiesze (Largiaise) les armes de Thouars à un écusson noir et à un léoncheau d'or rampant en l'écusson.

Mgr Aimery de Thouars de Poustauges (Pouzauges) sembla ble, à une épée d'argent en quartier.

Mgr Aulmaury de Thouars, d'or à fleurs de lys d'azur et au quartier de gueulles à une coquille d'argent ».

Il résulte ce ce document, que le vicomte de Thouars et les membres de sa famille partaient d'or à fleurs de lis d'azur, au franc quartier de gueules dès l'année 1098. Mais il en résulte aussi que les Thouars, qui n'étaient pas de la branche aînée, n'adoptaient pas rigoureusement ces armes, puisque Jehan de Thouars de Larchiesse y ajoutait un lionceau d'or rampant sur fond de sable ; et Aimery de Thouars de Pouzauges, une épée d'argent, et le dernier Aimery une coquille d'argent.

Nous n'avons point trouvé d'armoiries particulières pour les seigneurs de Tiffauges, nous pensons que peut-être elles se confondaient avec celles des seigneurs Pouzauges, ces deux baronnies formant ensemble l'apanage de la branche cadette de Thouars. Quant aux sceaux des chartés de 1214 à 1218, ce sont ceux d'Aimery de Thouars, seigneur de la Roche-sur-Yon et de Machecoul, le seul des membres de la branche cadette qui eût adopté un blason de fantaisie [Note : Cartulaire de Marm. Bib. Nat., n° 5441, fonds latin. Pr. de la Roche-sur-Yon, f°s 365-366].

La mort d'Herbert à la croisade rendait vacant le trône vicomtal, ce fut donc, suivant la coutume du Thouarsais, Geoffroy, seigneur de Tiffauges, qui dut l'occuper et devenir le treizième vicomte titulaire. La guerre, allumée déjà depuis plus d'un demi-siècle contre les comtes d'Anjou et les ducs d'Aquitaine, n'était pas encore terminée. Foulques Réchin, comte d'Anjou, et Geoffroy-Martel, son fils, étaient alors en pleine lutte avec Guillaume IX. En marchant contre celui-ci, le dimanche 5 des calendes de septembre de l'année 1104, ils arrivèrent devant Thouars, grande et noble place, et mirent le feu à son château. Cet événement obligea le vicomte à se réfugier à la Chaise. Il y fixa sa résidence en attendant la reconstruction du château de Thouars et s'y occupa principalement à faire des donations au profit du monastère de Saint-Nicolas du même lieu, et il y institua les nouvelles coutumes qui devaient régir cette châtellenie [Note : M. P. Marchegay. Cartulaire du Bas-Poitou].

Nous avons lieu de croire aussi que ce fut vers cette époque que, revenant de la Terre-Sainte et ayant profité de son séjour dans ces lieux, Geoffroy, qui avait été seigneur de Tiffauges avant de monter sur le trône vicomtal, dut construire le château de ce nom, qui semble remonter à cette époque. Nous n'affirmons rien à ce sujet, surtout n'ayant aucun document à l'appui.

Le 28 août de l'année 1104, Geoffroy avait réglé les droits des moines de Saint-Florent, qui desservaient l'église de Saint-Nicolas de la Chaise [Note : D. Fonteneau, t. XXVI, p. 149]. Il se trouvait, en ce lieu avec Ameline, sa femme, lorsque ces religieux firent un accord avec les neveux du clerc Jean relativement aux droits que ces derniers prétendaient avoir sur l'église de la Chaise, construite par leur oncle, sur l'ordre du vicomte Aimery [Note : M. P. Marchegay. Cartulaire du Bas-Poitou].

Geoffroy soutint, vers 1106, une guerre assez longue avec Ebbon, seigneur de Parthenay, avoué du monastère de Luçon, pour la possession de l’île de la Dive, que les abbayes de Luçon et de Saint-Michel-en-l'Herm se disputaient, et qui avait été attribuée à cette dernière abbaye par le Saint-Père. La lutte fut terminée en 1107, par l'entremise de Pierre II, évêque de Poitiers, qui réussit à amener ces moines à faire une transaction [Note : M. P. Marchegay. Notice sur les Larchevéque. — Ledaim. Hist. De Parthenay, p. 74].

En 1120, Geoffroy, effrayé de l'énormité de ses crimes, c'est la formule ordinaire, donne à l'église de Saint-Nicolas de la Chaise et aux moines de Saint-Florent de Saumur, pour le repos de son âme, de celle de son père, de sa femme et de ses enfants, six métairies, savoir : la métairie située à côté du château de la Chaise et occupée par Gérald Néron, qui la cultive avec ses propres bœufs, puis celle dite de Cavillonaria, plus les trois métairies d’Audurnum de Berberuera, de Gosbertum Arnulfi et de Gosbertum Cavillonem. Il donne, en outre, des terres, des prés, la dîme des blés due au château de la Chaise, les fermiers et leurs bestiaux. Il était âgé de près de 80 ans lorsqu'il fit cette donation, à laquelle assistèrent et consentirent Ameline, sa femme et ses fils, et enfin son frère Geoffroy de Tiffauges [Note : M. P. Marchegay. Cartulaire du Bas-Poitou]. Geoffroy, mentionné comme frère du vicomte dans la charte qui précède, est plus probablement son fils. On trouve en effet, dans un titre de 1123, portant donation de la terre des Deux-Lucs, par le vicomte Geoffroy et Ameline, sa femme, au profit du prieuré de Saint-Nicolas de Poitiers, les signatures de Geoffroy et d'Aimery, enfants du vicomte.

Toutes nos recherches prouvent que Geoffroy avait épousé Ameline et qu'il eut de ce mariage quatre enfants, savoir : Aimery, qui devint vicomte de Thouars après son père ; Pierre, surnommé l'Evêque ; Savary, et enfin Geoffroy, seigneur de Tiffauges.

On croit aussi que le vicomte Geoffroy se maria en secondes noces avec Marie. En effet, une vicomtesse du nom de Marie est bien mentionnée dans des titres de 1132 et 1146, mais son mariage avec Geoffroy n'est rien moins que prouvé, et quant à ses enfants, il n'en est question nulle part [Note : Note de M. P. Marchegay].

D'après divers titres de l'abbaye de Saint-Jouin, ainsi que d'après le Père Anselme, il serait à supposer qu'un autre Geoffroy, neveu du précédent, aurait été seigneur de Tiffauges de 1139 à 1143, que son fils Savary aurait possédé cette châtellenie en 1200. Entre eux, il faut aussi placer, vers 1167, Arbert ou Herbert, puîné du dernier Geoffroy, connu par une donation faite à l'abbaye de la Grainetière, près les Herbiers, conservée à la bibliothèque de Poitiers, dans la collection de Dom Fonteneau.

De 1200 à 1230, les documents restent muets sur ces seigneurs ; cependant, au mois de juin de cette dernière année, un acte du Trésor des chartes [Note : Arch. nat. J. 124] nous montre Guy de Thouars, seigneur de Tiffauges, dominus Theofaugi, qui rend au roi de France Louis IX ou saint Louis, alors campé devant le château des Ponts-de-Cé, foi et hommage-lige pour la vicomté de Thouars, qui devait lui revenir comme chef de famille, après la mort de Raimond, son oncle.

Aimery, fils de Guy, héritier présomptif de la branche aînée, et qui devint vicomte, sous le nom d'Aimery IX, possédait Tiffauges avant 1246. Son oncle Aimery VIII étant mort, on trouve Guy à Paris, où il rend ses foi et hommages au roi de France et au comte de Poitou, son frère, et leur reconnaît en même temps le droit de mettre des garnisons dans les châteaux et villes fermées lui appartenant, ainsi que dans ceux de son neveu et de son frère, pendant tout le temps que durera la guerre avec le roi d'Angleterre et le comte de la Marche. Cette charte se termine par un serment de fidélité à saint Louis et à son frère. [Note : Arch, nat. J. 190, n° 25].

On trouve fréquemment dans les actes de cette époque l'accomplissement d'un devoir semblable, c'est-à-dire la remise au suzerain des châteaux tenus de lui. Pour Thouars, Alphonse se contente d'un engagement général, mais pour Tiffauges il n'en est pas ainsi. Guy doit le livrer au comte pour cinq années, à partir de la Pentecôte, et lui payer en outre annuellement 120 livres pour frais de garde. Les cinq années expirées, le château doit être remis au vicomte en l'état où il avait été remis, et sans avoir subi aucune détérioration.

Le 12 novembre 1250, nous voyons Aimery, vicomte de Thouars et plusieurs autres seigneurs jurer d'aider de leurs conseils et de leur pouvoir Abbe de la Roë, chevalier. Cette charte est en langue vulgaire et une des plus anciennes de cette époque émanant d'un vicomte de Thouars [Note : M. P. Marchegay. Cart. du Bas-Poitou, f° 307]. Le 27 novembre 1250, il traite avec les chanoines de Saint-Hilaire de Poitiers et leur assigne une rente de 30 sous à prendre sur leurs hommes de la Coindrie, au lieu de celle de 60 sous que réclamait le chapitre pour la célébration de l'anniversaire du Geoffroy, fondé par Aimery son frère, vicomte de Thouars. Le sceau en cire verte attaché à cette charte représentait un personnage à cheval [Note : Dom Fonteneau, t. IX, p. 281].

Il donne, en 1251, à l'abbaye de Saint-Laon de Thouars, le fromentage qu'il percevait sur les hommes de l'abbaye aux Petites Roches, à la Roche-Baudin, et à la Touche-au-Noir, et un denier de taille sur le fief Matara, afin de se dispenser du service d'une rente de 10 setiers de froment sur les moulins de Thouars, constitué à ladite abbaye par Guy son père, pour célarer chaque année l'anniversaire de sa mort. Cette charte, en langue vulgaire, était revêtue du sceau du vicomte portant d'un côté un personnage à cheval et de l'autre côté l'écusson de Thouars [Note : Bibl. Nat. Cartulaire de Chambon, f° 39].

On voit également dans une charte en langue vulgaire de la même année, le vicomte Aimery, du consentement de ses frères Regnaud et Savary, traiter du mariage de sa nourrice Denise avec Durant Gendréa de la Chaise le Vicomte [Note : M. P. Marchegay. Cart. du Bas-Poitou, p. 46, Voir la note n° 2 du P. J].

Le 14 mai 1253, il constitue au prieuré de la Chaise 51 sols et 12 den. de cens et reconnaît différents droits appartenant à ce prieuré [Note : M. P. Marchegay. Cart. du Bas-Poitou, f° 39].

Il existe une charte du mois d'octobre 1254 appartenant à M. Benjamin Fillon, qui est d'une grande importance pour la maison de Thouars c'est l'abandon au vicomte Aimery IX par Aimery vicomte de Rochechouart et Jeanne de Mauléon sa femme, de tous les biens provenant des successions de Savary de Mauléon, frére aîné de Jeanne, et de Raoul, fils de Savary, moyennant cent dix livres de rente [Note : Cette pièce, qui se trouve dans le recueil de D. Fonteneau, o été publiée avec quelques erreurs dans la Revue anglo-française].

Aimery fit son testament dans ce même mois d'octobre de la même année. Cette puce contient des legs nombreux aux abbayes et aux églises du Poitou ; un legs de 300 liv. pour marier des orphelins, et un legs de 200 liv. au profit des serviteurs du testateur. Les abbayes de Saint-Laon de Thouars, de Saint-Jean de Bonneval y sont comprises pour 10 sous, à condition de célébrer à perpétuité son anniversaire. Il institue pour ses exécuteurs testamentaires l'archidiacre de Thouars, les abbés de l'Absie, de la Grainetière, de Mareuil et de Chambon, et les chevaliers Guillaume Armengeos et Guillaume Rulfi, en les chargeant de vendre dans ses bois et forêts jusqu'à concurrence de 500 livres pour assurer l'exécution de ses legs.

Renaud et Savary ses frères donnèrent leur consentement à l’exécution de ce testament, particulièrement pour la clause relative aux 5000 l. de bois à prendre dans les forêts. Cette charte, datée du mardi après l'Assomption de l'année 1254, était revêtue du sceau de Regnaud de Thouars ; Savary, qui n'avait pas de sceau, avait prié Mihiel, doyen de Montaigu, d'apposer le sien en tèmoignage de vérité.

Aimery mourut le 11 décembre 1256 ; il avait eu deux enfants de son mariage avec Marguerite de Lusignan, fille de Hugues, comte de la Marche : 1° Guy, qui devint vicomte plus tard, et 2° Alix, femme de Geoffroy de Châteaubriant.

Regnaud, comme puîné d'Aimery, était seigneur de Tiffauges ; à la mort de son frère, il devient vicomte en titre. Les premières années de son règne vicomtal furent troublées par la guerre qui éclata entre lui et le duc d'Anjou, frère de Louis IX. Le jeune Guy de Thouars, fils d'Aimery IX, se trouva aussi en cause dans ce conflit, à cause de la vicomté dont il devait hériter plus tard. Regnaud avait épousé Aliénor de Soissons., fille de Jean comte de Soissons et de Marie dame de Chimay, mais il n'avait point eu d'enfants.

En 1260, le lendemain de la Pentecôte, un titre du chartrier de Thouars montre Savary de Thouars recevant de son aîné le vicomte Renaud, à titre de partage, 150 l. de rente dont 40 sur la taille de Tiffauges, in tallia de Tiffaugiis. Neuf ans plus tard, à la mort de Renaud, en 1269, la terre de Tiffauges est occupée au nom du comte de Poitou, qui la tenait de Savary, devenu à son tour vicomte titulaire de Thouars. Par lettre du lundi 3 juin, Alphonse mande à son sénéchal du Poitou, de délivrer le château de Tiffauges avec sa garnison, si toutefois il en a une, à Etienne Maréchal, chevalier, auquel il en confie la garde à raison de 5 sous poitevins par jour jusqu'à la Purification (2 février 1270) ; et à partir de cette époque, pour trois années à raison chacune de 100 l. qui seront payées par le vicomte Savary [Note : Arch. nat., J. 319 f° 4, v°].

Dix jours avant que le premier terme expirât, le comte de Poitou écrivait de Paris à ses sénéchal de Poitou et châtelain de Tiffauges, castellano Theoffagiorum de délivrer immédiatement ledit château à Aliénor de Soissons, veuve du défunt vicomte Renaud, si toutefois le vicomte Savary y consent [Note : Arch. nat. J. 319, f°s 21 et 22]. Ces prescriptions étaient la conséquence des démarches faites par Aliénor pour que le comte favorisât sa demande en assignation de douaire.

Savary, devenu vicomte, attacha son nom à une réforme de la plus grande importance pour le rachat des fiefs à merci. Au mois de mai 1269, le comte de Poitou, cédant aux sollicitations du vicomte de Thouars, de Hugues l'archevêque, seigneur de Parthenay, signa le traité réglant le droit de rachat à une année de revenu. Cette ordonnance est tellement intéressante que nous ne pouvons mieux faire que de la donner en entier aux pièces justificatives que nous donnons à la fin de cet ouvrage [Note : M. P. Marchegay. Cart. du Bas-Poitou, f° 310. Voir le n° 3 aux P. J.].

Tiffauges, par des actes qui n'ont pas été conservés, avait été probablement affecté à cette destination, comme à la provision des cadets. Lorsque Aliénor en fit la demande à son beau-frère, Savary dut nécessairement lui opposer l'engagement qu'il venait de prendre vis-à-vis du comte, et la bienveillance de celui-ci ne lui fit pas défaut. Après avoir recommandé à son sénéchal, le 11 août 1269, d'appuyer la requête de la veuve, il ordonne, le 17 janvier 1270, de lui délivrer le château de Tiffauges, moyennant la promesse de le lui remettre toutes les fois qu'elle en serait requise [Note : M. Marchegay. Recherches sur les seigneurs de Tiffauges]. Elle donna pour caution son père, son oncle, le seigneur de Cœures et autres, par acte du vendredi avant la Chaire de saint Pierre 1270 [Note : Cet acte est en entier aux Preuves de l’histoire de Montmorency, p. 116].

Si l'on en croit le Père Anselme et plusieurs autres généalogistes, il n'y aurait pas eu d'enfants issus du mariage d'Aliénor de Soissons avec Renaud de Thouars, mais plusieurs actes cependant prouvent le contraire.

Quand Tiffauges fut livré à Aliénor pour compléter son douaire, il lui avait été assigné plusieurs revenus en Talmondais et dans l'île de Ré. Dans la cession qu'elle en fit, le 30 octobre 1273, à Guyon de Thouars, seigneur de Talmont, en échange d'une rente de 60 livres, la veuve déclare agir tant en son nom qu'en celui de son fils mineur Huguet, qui devra confirmer ces dispositions à sa majorité, autrement elles seront comme non avenues. Cet acte [Note : Cartulaire de Pouzauges, n° 4] fut ratifié par la cour du roi, à la session de la Chandeleur de 1274. Elle ratifia, en 1279, un contrat d'échange fait entre les religieux de Saint Crépin en Chaye et ceux de Saint-Eloi Fontaine, de quelques droits accordés à ceux-ci par son frère. Pour l'acte qui fut ratifié par la cour du roi à la Chandeleur, on a eu le tort d'imprimer dans le précieux recueil des arrêts connu sous le nom d'Olim [Note : Ce qu'on appelle les Olim est une des sources les plus importantes du droit au moyen âge ; ce sont tous les registres qui contiennent les arrêts des cours de Parlement et qui se suivent sans interruption, depuis le milieu du XIIIème siècle jusqu'à la fin du XVIIIème. C'est le plus vaste monument juridique que possède la France. Les Olim doivent être considérés comme la tête de cette grande collection des arrêts du Parlement, qui n'en sont nullement séparés, et forment au contraire avec eux une suite ininterrompue. Les Olim ont été écrits en latin ; on y trouve cependant quelques actes en français, à partir du XIIIème siècle. Les renseignements contenus dans ces registres sont du plus haut intérêt en ce qui touche les droits de la royauté et l'organisation de la justice, et ont servi à rectifier souvent l'histoire du Parlement], tant dans le texte qu'à la table principale, Cefanges et Chefanges, nom dans lequel il est à peu près impossible de reconnaître le nom du bourg de Tiffauges.

Cet Huguet de Tiffauges, qui ne porta jamais le nom de Thouars, se maria très-jeune, et sa femme décéda vers l'année 1281, l'ayant institué légataire universel. Un second passage des Olim donne des renseignements curieux sur l'exécution de son testament et sur l'existence au moyen âge de la pénalité connue sous le nom de mort civile. La femme d'Huguet se nommait Amicie et était nièce et héritière présomntive de Maurice de la Forêt, chevalier, seigneur de Belleville (en Thouarçais ?). Avant la mort de sa nièce, celui-ci avait eu avec le seigneur de Châteaumur, appelé aussi Maurice et également chevalier, un grave procès dont l'objet reste inconnu. Le duel fut ordonné par la cour de Thouars, et il eut lieu en présence du vicomte. Huguet de Tiffauges prétendait que, le seigneur de Belleville ayant été vaincu, on devait le considérer comme mort et par conséquent adjuger à lui-même cette succession, ouverte au profit de sa défunte femme Amicie, dont il était héritier. Jocelin de la Forêt, aussi neveu de Maurice, répondait en leurs deux noms, que celui-ci n'avait été vaincu ni de fait ni par aveu.

Si avant la fin du duel et avec l'assentiment du vicomte, son oncle s'en était remis à Maurice de Châteaumur pour la conclusion du procès, il n'y avait pas lieu de le traiter sommé s'il eût succombé. La cour de Thouars donna raison à Jocelin de la Forêt, et le légataire d'Amicie ne fut pas plus heureux au conseil du roi, qui le débouta de son appel à la session de la Pentecôte 1282

Huguet paraît avoir survécu à peine un an à ce procès, car, en 1283, nous voyons paraître Hugues de Thoars, seigneur de Pouzauges et de Tiffauges, ainsi que de la moitié poitevine de l'île de Bouin, qui commence la branche héréditaire de la seigneurie de Tiffauges.

Le château de Tiffauges (Vendée).

BRANCHE CADETTE DES VICOMTES DE THOUARS SEIGNEURS HÉRÉDITAIRES DE TIFFAUGES ET DE POUZAUGES. — 1283-1418.

Nous trouvons ici une confusion de noms qu'il semble assez difficile de débrouiller, mais que cependant, grâce aux recherches de MM. Hugues Imbert et Paul Marchegay, nous espérons pouvoir retrouver.

La confusion consiste dans l'existence, à cette époque, de quatre seigneurs de la maison de Thouars portant le prénom de Hugues. D'après le P. Anselme [Note : P. Anselme, vol. IV, p. 196], le personnage de Hugues de Thouars, dont nous devons nous occuper, était le troisième fils du vicomte Guy et de Marguerite de Brienne, fille de Jean, comte d'Eu. Il est cité dans une ordonnance de Philippe le Bel, portant que tous les propriétaires nobles ou ecclésiastiques seraient obligés de fournir, par 500 acres de terre, un gentilhomme armé et sa monture [Note : Bibl. nat., collect. Dupuy, vol. 499, f° 80 v° et 81 r°]. On le voit aussi figurer dans le rôle du ban des seigneurs convoqués en 1304, pour la guerre de Flandres. Parmi ces noms, on voit ceux des vicomtes de Thouars, Hugues de Thouars, Jehan de Thouars et un autre Hugues de Thouars, peut-être celui qui nous intéresse [Note : Rôle de plusieurs bans, par Delaroque, p. 154]. Il ne devint pas vicomte viager, étant mort avant ses deux aînés Jean et Louis, mais ses héritiers directs et les vidames de Chartres, issus de son arrière-petite-fille Catherine de Thouars, possédèrent simultanément Tiffauges et Pouzauges de 1283 à 1560.

Selon le P. Anselme, Hugues de Thouars se maria deux fois : de son premier mariage avec Isabeau de Noyers, fille de Guy, seigneur de Chéneché, et de Marie de Châtillon, il eut six enfants, quatre fils et deux filles, savoir :

1° Miles de Thouars, seigneur de Tiffauges et Pouzauges ;
2° Aimery de Thouars ;
3° Renaud de Thouars, évêque de Luçon ;
4° Jean de Thouars ;
5° Marie ;
6° Louise ;

Il épousa en secondes noces Jeanne de Beauçay, fille de Guy de Beauçay, dont il eut deux enfants, un fils et une fille :
7° Guyon ou Guyard, seigneur de la Cheze ;
8° Aliénor de Machecoul.

M. de La Fontenelle cite et partage l'avis des auteurs d'après lesquels Hugues n'aurait pas eu d'enfants de Jeanne de Beauçay [Note : La Fontenelle. Histoire des évêques de Luçon, p. 68, note 4], que M. Imbert dit femme du vicomte de Thouars et non du seigneur de Tiffauges, tous deux du même nom. Peut être, suivant M. Marchegay, serait-il plus naturel de croire que, d'un premier mariage, Hugues aurait eu un fils, Gaucher de Thouars, son successeur direct, et Aliénor, qui épousa Girard de Machecoul, et que son second mariage aurait eu lieu avec Isabeau de Noyers.

Hugues fut, en 1295, envoyé avec le sire de Harcourt par le roi Philippe le Bel sur les côtes de la Rochelle, pour s'opposer aux Anglais, qui menaçaient la France d'une descente. En 1403, à Ancenis, il délivrait au trésorier des guerres une quittance de 750 livres, dont le sceau représente un cavalier caparaçonné de fleurs de lis. Les deux actes les plus anciens dans lesquels Hugues est nommé, sont de l'an 1283, 8 octobre et 9 décembre. C'est dans une charte de Girard Chabot, chevalier seigneur de Rais, par laquelle, en échange de la cohue et du minage de Machecoul, il donne aux religieux de Fontenelles : 1° le grand marais Dex-le-Fist (situé entre ceux d'Etienne et de Jean Justeau, nommé le marais de la Gasquetière) libre de tout droit de garde host et montrée, mais pour lequel il sera payé annuellement au seigneur de Rais 40 setiers de sel et 40 sous plus la dîme ; 2° le marais de la Barbotinière dans l'île de Bouin, sauf les 25 aires de salines d'Etienne Blandin, moyennant, outre la dîme, une redevance annuelle de 20 setiers de sel et 20 sous. C'est à cause de ce dernier marais, et comme seigneur pour partie de l'île de Bouin, que paraît Hugues de Thouars, seigneur de Pouzauges et de Tiffauges [Note : M. P. Marchegay. Cart. des sires de Rays, p. 33].

Dans le premier acte, Hugues porte le titre de valet, prouvant qu'il n'a pas dépassé de beaucoup l'âge de majorité. En 1302, le samedi avant l'Ascension, Raoul Bort, valet, lui cède les moulins des Aysloes ou d'Ambeste sur la Sèvre, près Tiffauges, moyennant des rentes et redevances annuelles se montant à 11 livres en argent et 39 setiers et demi de seigle. Isabelle, femme de Hugues, confirme cet échange, en ce qui peut conserver son droit de douaire, assigné sur Tiffauges, comme le furent dans la suite ceux des femmes de leurs descendants. Et peu d'années avant sa mort, il promet à Aliénor, sa fille, en arrêtant son mariage avec. Girard de Machecoul, seigneur de la Bénate, 500 livres de rente dans l'île de Bouin, et décide qu'en cas de contestation toutes les difficultés seront soumises à l'arbitrage de François Code, abbé de Notre-Dame de Poitiers, Raoul de la Fresche, official de Nantes, le vicomte de Melun, le seigneur de Pouancé et Hugues, frère aîné de ladite Aliénor [Note : M. P. Marchegay, Cart. des sires de Rays, p. 44]. C'est sur le passage suivant de cet acte : Et seront liés en cette chose la dame de Pouzauges et Huguet son fils aîné, que s'appuie la conjecture faite par M. Marchegay au sujet des femme et enfant de Hugues de Thouars. Son fils, de même nom, peut avoir été l'aîné de ceux d'un second lit, puisqué Gaucher posséda avant lui Tiffauges et Pouzauges.

On suppose que Hugues mourut en 1324, mais M. Hugues Imbert pense qu'il y a là une erreur qu'il a constatée par le cartulaire de l'abbaye de Chambon, près de Thouars, qui porte que cette mort eut lieu le 9 janvier 1318.

C'est le moment où nous voyons apparaître Gaucher de Thouars (1318-1330). Par deux actes, dont le premier passé à la Roche-sur-Yon le 3 février 1320, est une assignation par Gaucher de Thouars, seigneur de Pouzauges et de Tiffauges, à sa sœur aînée Aliénor; sur les revenus de l'île de Bouin de 250 livres de rente, faisant partie de la dot promise par leur père Hugues de Thouars lorsque le mariage d'Aliénor avait été arrêté avec Girard de Machecoul, seigneur de la Bénate et du Bois-Aimeri [Note : M. P. Marchegay, Cartulaire des sires de Rays, p. 44]. Le second est la confirmation, de cette donation sur les aires de marais salants, terres et vignes énumérés par ce même Gaucher [Note : Vidimus délivré au Parlement de Poitiers le 4 février 1432. (Cartul. des sires de Rays, p. 45)].

Dans le premier de ces actes, Gaucher de Thouars est qualifié seigneur de Tiffauges et de Pouzauges, titre qui est omis dans le second. Il est également fait mention de ce Gaucher dans le P. Anselme, qui lui donne pour femme Jeanne d'Amboise, veuve de Geoffroy de Mortagne en Saintonge, vicomte d'Aunay, dont il n'eut pas d'enfants, et qui lui survécut quarante ans environ, s'étant remariée à Guillaume Flotte, seigneur de Revel, chancelier de France. Pour son douaire, Gaucher lui avait assigné la seigneurie de Tiffauges. Elle en fut déboutée et mise hors par son beau-frère, Miles de Thouars, qui s'empara même « des biens et ménage qu'elle avoit audit chastel, c'est assavoir une littière garnie, sans chevaux ; une table de cyprès ; une courte-poincte de bougran blanc ; ung coffre barré en fer et ung autre petit coffre qui estoit dedans iceluy, et plusieurs lettres appartenant à ladicte dame, qui estoient dedans ceulx coffres » [Note : Cartulaire de Pouzauges, n° 13]. Un grand procès eut lieu, à la suite de ce différend, et en vertu d'une transaction homologuée au Parlement de Paris le 28 août 1374, la dame de Revel dut faire abandon des tours et donjon, chaste!, terres, seigneurie et revenus de Tiffauges moyennant une rente viagère de 700 livres, plus la somme de 800 florins appelés francs, d'or fin et de bon poids, à titre de dommages et intérêts [Note : M. P. Marchegay. Recherches sur les seigneurs de Tiffauges et de Pouzauges].

1330-1334. — Dans les Recherches sur les seigneurs de Tiffauges et de Pouzauges, de M. Marchegay, nous voyons des actes mentionnés d'après lesquels, en conséquence de la mort de Jean Ier vicomte de. Thouars, le 25 mai 1332, Hugues le jeune, seigneur de la moitié poitevine de l’Ile de Bouin, comme de Pouzauges et Tiffauges, aurait payé au roi de France, comte de Poitou, le 20 novembre suivant, un rachat, mais qui n'était pas dû par lui comme tenant en partage des biens détachés de la succession de Thouars. Suivant Besly, ce Hugues de Thouars serait mort en 1334, entre le 25 mars et le 21 mai ; et il semble hors de doute qu'il est le fils aîné de la dame de Pouzauges qui confirma avec lui la dot d'Aliénor de Thouars. On lui attribue aussi un sceau des contrats de Bouin, magnifique œuvre du XIVème siècle, appartenant à la collection de M. F. Parenteau et consistant en une rosace à huit lobes, dont cinq ornés de feuillages, dans laquelle est placé un écu, dont le franc quartier porte une épée en pal (Pouzauges), et le corps, des fleurs de lis (Thouars). L'aigle, reproduit huit fois dans la bordure, est le signe héraldique de la maison de Noyers, d'où était sortie Isabeau, mères du seigneur qui sans doute fit graver ce sceau [Note : Ce sceau est reproduit dans l'Annuaire de la Société d'Émulation de la Vendée. 1860. T. VI, p. 199].

1334-1337. — Jean Ier de Thouars, fils de Hugues, paraît avoir été le successeur immédiat de Hugues II, mort sans enfants, et même peut-être sans avoir été marié. On ignore tout à fait la date de son avénement et même celle de sa mort ; il n'est connu que par un acte passé à la Roche-sur-Yon le 8 avril 1338, en présence notamment de Guillaume Foucher, valet, et de Jean Rabateau, clerc. « Noble dame Jehanne Mathas, jadis femme de fehu monsieur Joan de Thoars, chevalier, seigneur de Posauges », en reconnaissance des grandes bontés et courtoisies, ainsi que des services qu'elle avait reçus de révérend père en Dieu frère Renaud de Thouars, évêque de Luçon [Note : Placé dans l'abbaye de Luçon, avant que le Pape Jean XXII en fit un siége épiscopal, il en était devenu troisième évêque, le 16 mai 1334. (Note de M. Marchegay)], et d'Aimery de Thouars son frère, leur donne tous ses biens meubles et immeubles. L'évêque doit en avoir l'usufruit, la nu-propriété étant attribuée à Aimery et aux siens. Ce dernier, le plus jeune des fils de Hugues et d'Isabeau, et Regnaud, qui semble avoir été l'aîné de Jean, avaient peut-être protégé sa veuve contre les rigueurs analogues à celles exercées contre la veuve de Gaucher.

Jeanne de Mathas ne survécut guère, paraît-il, à ces dispositions ; car dès l'année suivante, les donataires prenaient procuration pour vendre ses biens. Celle d'Aimery, datée de Naples, où il était alors au service de Robert le Sage, roi de Jérusalem et de Sicile, s'appliquait aussi à ses autres possessions et revenus, dont son éloignement de France ne lui permettait pas de retirer un bon profit. Que quidem bona jura, redditus et proventus, propter corporalem absentiam ejusdem Aymerici de regno Francie, nec bonum nec utilitatem procurant [Note : Ces pièces, dont les originaux existent aux Arch. Nat. J. 181. n°s 77-79 sont citées par La Fontenelle en note des pages 69 et 70 de son Histoire du Monastère et des Evêques de Luçon (note de M. Marchegay)].

Les domaines de Jeanne situés en Saintonge furent, à cause de leur voisinage des provinces soumises aux Anglais, demandés par le roi de France, Jean, et lui furent vendus en 1341 à raison de 4 000 livres.

1837-1378. — Miles 1er de Thouars avait reçu ce nom au baptême ; il n'était pas encore répandu, mais il le fut plus tard dans le Poitou : c'était le nom que l’on donnait généralement aux aînés dans la famille de sa mère. Le P. Anselme n'en parlé que très sommairement. Il dit seulement de lui que, seigneur de Tiffauges et de Pouzauges et chevalier banneret, il se trouva à l’ost de Wirenfose en 1340, et que le 5 août 1353, il fit montre ou revue à Surgères avec douze écuyers et deux chevaliers bacheliers, dont le premier était son frère Aimery, et qu'il mourut après l'an 1354, n'ayant eu de Jeanne, dame de Chabannais et de Confolens, veuve du seigneur de Surgères, qu'un seul enfant, Renaud.

Il est question de ce seigneur dans plusieurs actes du Chartrier de Thouars ; ainsi qu'en 1337, nous le voyons arrenter des biens à Jean Bouchet, seigneur du Puy-Greffier, son sénéchal.

Au mois de juin 1342, il délivre aux habitants de l’île de Bouin une charte de confirmation des anciens priviléges et franchises dont jouissent les habitants de la dité île, auxquels il en ajoute lui-même de nouveaux : 1° L'établissement sur chaque navire arrivant dans cette île, d'un impôt de 4 deniers par charge, qui sera perçu par un receveur nommé par les habitants, et employé par eux à l'entretien des port, passages et ponts ; 2° Un droit de port d'armes pour se défendre des maliveaux de mer et autres pillards ; 3° Droit d'avoir une prison fortifiée ; 4° Réduction à une contenance raisonnable de la mesure de l'île, trop grande et par cela même désavantageuse aux habitants [Note : M. P. Marchegay. — Cartulaire des sires de Rais. p. 89-91].

En 1358, le 23 octobre, Mangot Biraude, avec l'autorisation de sa mère, confirme à noble homme monsr Miles de Thouars, chevalier sire de Pouzauges et de Chabannais, le don qu'elle lui avait fait du vivant de sou père, de sa personne et de tous et chacun de ses biens meubles et héritage, à part la provision, nécessité et administration de son corps, le cours de sa vie durant [Note : Cartulaire de Pouzauges. Manus. Pièce n° 5].

Le 22 février 1362, dangereusement malade à Limoges, où il était dans l'armée du roi d'Angleterre, il fait son testament et nomme comme exécuteurs son père Aimery de Thouars et son neveu Jean de Machecoul [Note : Cartulaire de Pouzauges. Manus. Pièce n° 6].

Miles de Thouars et Aimery son frère sont désignés par ordonnance du duc d'Aquitaine, prince de Galles, fils d'Édouard III, le 20 juillet 1364, comme curateurs de Louis, vicomte de Thouars, s'il est vrai, qu'il en eut besoin. Il paraît qu'au mois de juillet, Louis de Thouars était tombé gravement malade à Talmond, et qu'il avait même, disait-on, perdu la raison. Cela n'était pas si grave qu'on le pensait, car le sénéchal, s'étant rendu à Talmond, après avoir fait une enquête sur l'état mental du malade, ne jugea pas à propos de donner suite au mandat de curateur, qu'il était chargé de remettre auxdits Miles et Aimery de Thouars [Note : Notice et documents historiques par M. P. Marchegay. p..19].

Par un acte du 21 novembre 1368 , après avoir constaté que Jeanne de Chabannais avait eu en douaire de son premier mari Guillaume Maingo, 500 livres de rente, il lui assigne au même titre 200 livres sur l'île de Bouin, en attendant que le décès de Jeanne d'Amboise, veuvé de son frère aîné Gaucher, lui permette de l'avoir sur les château et terres de Tiffauges. C'est sans doute après, qu'eut lieu la transaction relative aux actes de violence que Miles commit envers sa belle-sœur, et dont nous avons parlé plus haut.

Enfin aux grandes assises de Poitiers, du premier au 31 mai 1378, il fait condamner Jeanne Droneline et son mari Jean Cathus chevalier, à lui rendre foi et hommage ainsi que les autres devoirs dus au seigneur de Tiffauges par Maurice Dronelin, chevalier seigneur de Saint-Fulgent, père de ladite Jeanne [Note : Cartulaire de Pouzauges, n°s 7, 7 bis, 12 et 13].

Miles de Thouars avait épousé Jeanne de Chabannais et de Confolens, fille d'Eschivat, seigneur desdits lieux, et de Sibille de Bouffé, dont il eut un fils, Renaud de Thouars, qui lui succéda, et une fille, Louise, mal à propos attribuée à Hugues et Isabeau de Noyers. Miles mourut avant le mois d'avril 1379 ; sa femme lui survécut plusieurs années et apporta à ses enfants les deux belles seigneuries de Chabannais et de Confolens, situées en Angoumois, qui restèrent toujours depuis aux seigneurs de Tiffauges, et formèrent ce bel apanage des seigneurs de Thouars de la branche cadette, qui se composait de la vicomté de Tiffauges, de la baronnie de Pouzauges, du comté de Confolens et de la principauté de Chabannais.

1379-1385. — Regnaud ou Renaud, fils du précédent, devint possesseur de Tiffauges à la mort de son père. Il était non-seulement majeur, mais encore chevalier, lorsqu'il intervint avec son père et sa mère dans leur transaction avec Jeanne d'Amboise, veuve de son oncle Gaucher. Le premier acte qu'on trouve de lui, est la réception faite le 12 avril 1379 de l'aveu et dénombrement de Jean de Puy-Guyon. Le 24 octobre suivant, Jean Boyrea ou Bouchereau, clerc de Mortagne, reconnaît devoir à Regnaud et à sa femme, 20 setiers de seigle, mesure de Tiffauges. Au mois de septembre 1381, sa mère et lui traitent ensemble, à cause du douaire de celle-ci, avec Jeanne de Surgères, sa fille du premier lit ; et le 15 février 1382, il assigne lui-même le douaire de sa femme sur l'île de Bouin tant que vivront sa mère et sa tante, par le décès desquelles ce douaire, dont le chiffre n'est pas indiqué, s'exercera sur Tiffauges [Note : Cartulaire de Pouzauges, passim].

Regnaud tenait probablement pour le parti anglais, et était parmi les défenseurs de Thouars assiégé par du Guesclin en 1372. Rentré dans le parti du roi de France, il se joignit à l'armée du duc de Bourbon, pour son expédition en Aquitaine contre les Anglais en 1385, et Froissart dans ses Chroniques, donne avec détails le récit d'une joute brillante tenue à Vannes en 1381, devant le duc de Bouquingham (sic), entre trois chevaliers français, dont faisait partie Regnaud, et trois chevaliers anglais.

« Là se mirent sur la place, dit-il, les François tout d'un lez et les Anglois d'autre ; et ceulx qui debvoient jouster estoient à pied et armés de toutes pièces, de bassinets à visière et de glaives à bon fer de Bordeaux, et d'épées de Bordeaux toutes pourvues. Or s'ensuivent les faicts d'armes. Premièrement le sire de Puisance, de Poitou et le sire de Vertaing d'Hainault, deux barons de haulte emprise et de grand hardiment, s'envinrent l'un sur l'autre et tout à pied, tenans leurs glaives asseurés, et passèrent le bon pas, et poinct ne s'espargnèrent, mais s'assirent les glaives l'un sur l'autre en poussant : le sire de Vertaing feust féru sans être blessé en chair, mais il férit par telle manière le sire de Puisance, qu'il transperça les mailles et la poitrine d'acier et tout ce qui estoit dessous, et trait sang de sa chair, et feust grande merveille qu'il ne le navra plus avant. Après recouvrèrent-ils les autres coups et firent toutes leurs armes sans dommage, puis allèrent se reposer et laissèrent faire les autres et regardèrent ».

Si d'autre part, on ne savait que c'est Regnaud de Tiffauges et Pouzauges qu'il s'agit, on ne saurait le reconnaître sous le nom que lui donne Froissart, de Puisance et Pouzances au lieu de Pouzauges.

C'est sans doute à lui aussi qu'il faut attribuer un sceau découvert il y a une douzaine d'années, et qui représente un chevalier combattant à pied, ayant près de lui un grand chien, et dont la légende porte : Sigillum, Rainaldi de Thoarcio militis.

Regnauld avait servi sous le connétable Bertrand du Guesclin en Guyenne, dans l'année 1371 et dans l'armée du rai. En 1380, il suivit également le roi à la guerre de Flandres, et en 1382, il assistait à la guerre de Bourbourg.

On le voit également figurer dans une montre d'Olivier de Clisson en 1375, puis en 1376 [Note : D. Morice. Preuves. T. II, col. 100-103] ainsi que dans un acte de payement du trésorier des guerres Jehan Flamenc en 1380 [Note : D. Morice. Preuves. Tom. II, col. 412].

Regnauld avait épousé Catherine de Lohéac, fille d’Eon, chevalier, seigneur de Lohéac et de Béatrix de Craon. Il en eut deux fils et une fille : Jean II de Thouars, Miles de Thouars, deuxième du nom, et Béatrix de Thouars, qui épousa Geoffroy, comte de Quintin. On trouve cette dernière mentionnée dans un acte de fondation de l'église de Quintin comme suit : « Comme nostre saint Père le pape, qui ores est, ait octroyé gracieusement à nous Geoffroy seigneur de Quintin et à dame Béatrix de Thouars nostre compaigne, ses lettres en rescrit apostolique adressées à vénérable et discret homme l'official de Tréguer, pour en faire l'exécution, etc. ». Regnauld mourut vers 1885.

1385-1395. — L'aîné du fils de Regnauld, Jean de Thouars, deuxième du nom, devint seigneur de Tiffauges et de Pouzauges, sous la tutelle de sa mère Catherine de Lohéac. D'après plusieurs titres de l'abbaye de Saint-Nicolas d'Angers, de laquelle dépendaient les églises du vieil et du nouveau Pouzauges, le sceau établi aux contrats à Pouzauges pour le seigneur de la ville et châtellenie dudit lieu, noble et puissant, Jehan de Thouars, avait pour garde Nicolas Brunet, dont Catherine de Lohéac autorisa son fils à anoblir les biens en 1389. Le dessin de ce sceau, conservé par Dom Rousseau [Note : Vol. XIII n° 9819 de sa collection à la bibl. Nat. Départ. des mm. SS], porte sur un écu chargé de fleurs de lis qui est de Thouars, un franc quartier à l'épée en pal qui est Pouzauges, comme cela a déjà été dit. Ce doit être celui dont la matrice, appartenant à M. F. Parenteau, a figuré à la dernière exposition arthéologique de Nantes [Note : Catalogue de l'exposition Archéologique de Nantes. P. 120, n° 104]. Dans son dessin, D. Rousseau n'a pas cru devoir reproduire l'ange qui, les ailes déployées, appuie ses deux mains sur l'écu.

Plusieurs actes du Cartulaire de Pouzauges, et relatifs à Jean de Thouars, nous montrent la bonté et le soin que la dame de Lohéac donne à ses enfants dans l'administration de leurs biens, au lieu de rechercher, comme ce serait son droit et à son âge, d'accepter un second mari. Après de longs débats, elle transige en leur nom avec leur tante Louise de Thouars, femme de Louis de Beaumont, seigneur de Bressuire, relativement à la part héréditaire de celle-ci dans la succession de son père Miles Ier. Elle y réclamait le quart dans les biens nobles, et la moitié dans les biens roturiers, n'ayant eu par contrat de mariage que 4 000 livres de rentes à asseoir en biens fonds [Note : Toute jeune et encore enfant, elle avait été mariée à un autre enfant de moins de quatorze ans], et 1200 guyennois [Note : Monnaie des ducs de Guyenne, inférieure de deux cinquièmes à la monnaie dite tournois, ou de Tours] une fois payés. La transaction passée le 16 septembre 1386, homologuée au Parlement de Paris le 26 juillet 1387, lui donne notamment par démembrement de Pouzauges, la Mote de Sigournay où soulloit avoir chastel, et l’herbergement assis en la ville de Sigournay appels Tartezaine, avec toutes leurs dépendances tant en fiefs qu'en domaines, entre autres 400 journaux de vignes ou environ à pic franches, ensembles en un ténement sans rien y avoir entre deux, assises à Sigournay et environ. Le 29 juin 1388, par un payement de 80 livres, elle compléta le renboursement des 200 guyennois d'or, que son défunt mari avait empruntés à Guy, seigneur d'Argenson.

Jean de Thouars était encore mineur et n'était pas marié lorsqu'il mourut en 1395.

1395-1419. — Miles II de Thouars était également mineur, quand il succéda à son frère, et l'un des premiers actes de la tutelle de sa mère fut de lui faire signer, le 20 août 1395, une transaction avec Nicolas du Bouchet, valet, sieur du Puy-Greffier. En reconnaissance des bons et loyaux services reçus de son père Jean du Bouchet, Miles Ier lui avait donné l'hommage et féauté du fief de Saint-Marsault, appelé le fief de la Tour, tel que le tenait défunt Robert de Sanzay, chevalier. Enhardi par la jeunesse de Miles et surtout oublieux des bienfaits de son aïeul, Nicolas s'avise de fixer ses assises de la Tour au temps même où le suzerain tenait les siennes ; refusant aussi de faire faire par ses sujets le guet dû au château de Pouzauges par tous les habitans roturiers de châtellenie. Catherine de Lohéac obtient la reconnaissance des droits de son fils, en renonçant à faire venir pour le guet les habitants de la Favrelière et de la Grelouze, paroisse dudit Saint-Marsault [Note : Cartulaire de Pouzauges, n°s 9-21-22 et 23].

Comme seigneur de Tiffauges, elle lui fit recevoir l'aveu de portion de la Palluellière en Gétigné, le 17 août 1396. Comme seigneur de Pouzauges, il reçut lui-même en 1409 l'hommage de Perrotin de Talensac, seigneur de l'Oudrière, antérieur de plus d'un siècle et demi au premier membre de cette famille [Note : Léon Audé. Annuaire de la société d'émulation de la Vendée. Vol. 6, p. 253 et suivantes].

En 1412, il acheta en la paroisse de Boufféré deux journaux de pré et une pièce de terre, à raison de 35 livres en écus d'or du coin du roi, chacun de 22 sous 6 deniers la pièce. Dans la même année, nous trouvons Miles de Thouars possesseur du fief de Malleville, appelé parfois Malla-villa dans les vieux titres, et quelquefois fief l'Évêque. On ne sait combien de temps ce fief resta dans cette famille et par qui il fut vendu, car en 1440 il appartenait à la famille de Laval [Note : Dictionnaire des terres et seigneuries du comté nantais. De Cornulier].

Le 12 décembre 1416, il bailla à rente perpétuelle, moyennant 15 sous, à Georges Achard, boucher à Pouzauges, des maisons, mazureaux et vergers, « sis près la quéruelle de l'église de Saint-Jacques, le grand chemin entre deux, par lequel l'on vait de la cohue dudit Pouzauges et de la chapellenie dudit lieu. ».

En 1419, dans un compte d'Etienne Courtet, général des finances du comte de Vertus, pour le fait de la guerre destinée à réduire Parthenay à l'obéissance du roi, on trouve une mention de Miles de Thouars le jeune, seigneur de Pouzauges, chevalier banneret, avec 2 chevaliers et 20 écuyers [Note : D. Morice. Preuves, T. II, col. 992].

Le P. Anselme dit que Miles II fut nommé capitaine de Fontenay-le-Comte, par lettres patentes du 30 janvier 1411. Suivant le même auteur, il aurait épousé Béatrix de Montjean, fille de Renaud, seigneur de Montjean, et en aurait eu une fille, Catherine de Thouars. Il y a là une erreur, car outre Catherine, Miles eut une autre fille, dont nous allons nous occuper et qui se nommait Marie. Miles mourait en 1419.

Voici l'analyse du seul acte connu parlant de Marie de Thouars, et encore est-il relatif à son testament :

Très-noble et puissante demoiselle Mlle Marie de Thouars, dame de Pouzauges et de Beaurepaire, et sœur aînée de madame Catherine, élisant sa sépulture en l'abbaye de la Grenetière avait assigné aux moines deux rentes perpétuelles, l'une de 50 livres en deniers, l'autre de 50 setiers de seigle « pour dire chacun jour perpétuellement... en l'église et moustier dudit lieu... vigilles et vespres des morts, et une messe à note pour les âmes d'elle et de MMgrs ses prédécesseurs... ». Après avoir touché ces rentes « par aucun temps », les moines cessent d'en être payés vers 1443, quoiqu'ils eussent fidèlement accompli les prescriptions de la défunte. Ils portent donc l'affaire en la cour du roi à Poitiers, réclamant huit années d'arrérages. Catherine de Thouars et son second mari opposent un refus complet, « ladite damoiselle Marie ayant fait ledit don et legs quand elle estait au lit de la mort, à heure qu'elle estoit si griefment détenue de la maladie de laquelle elle mourut, qu’elle n'avait sens ni entendement. ». Par transaction du 20 octobre 1452, ils consentirent cependant à acquitter le legs, les moines ayant réduit à deux années la demande d'arrérages.

Quoique Marie de Thouars ait vécu près de quarante ans, les circonstances qui la firent rester fille paraissent avoir rendu purement nominal son titre de dame de Pouzauges et de Beaurepaire.

Sa cadette, Catherine, fut donc la principale, comme elle devint la seule et unique héritière de Miles II, et termina la série des seigneurs du nom de Thouars, seigneurs héréditaires de Tiffauges.

(L. Prevel).

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