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VIDAMES DE CHARTRES, SEIGNEURS HÉRÉDITAIRES DE TIFFAUGES

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VIDAMES DE CHARTRES, SEIGNEURS HÉRÉDITAIRES DE TIFFAUGES, HÉRITIERS DE LA BRANCHE CADETTE DE THOUARS. 1441-1607.

Nous voici arrivés à l'époque où la seigneurie de Tiffauges appartient aux vidames de Chartres, par l'alliance de l'un d'eux, Jean de Vendôme, deuxième du nom, avec Catherine de Thouars, veuve de Gilles de Rais (Retz) , dame de Tiffauges et de Pouzauges.

A aucune époque du moyen âge, le titre de vidame, et en particulier celui de vidame de Chartres, n’a été une qualification d'une médiocre valeur. Au XVIIème siècle même il était loin d'être tombé comme tant d'autres en désuétude ; à en croire l'un des plus illustres écrivains de cette époque, qui lui-même l'a porté, voici ce qu'il en dit :

« Les titres de comte et de marquis sont tombés dans la poussière par la quantité de gens de rien et même sans terres qui les usurpent, si bien que les gens de qualité qui sont marquis ou comtes, qu'ils me permettent de le dire, ont le ridicule d'être blessés qu'on leur donne ce titre en parlant à eux. Il reste pourtant vrai que ces titres émanent d'une érection de terre et d'une grâce du roi, et, quoique cela n'ait plus de distinction, que ces titres dans leur origine et bien longtemps depuis ont eu des fonctions et que leurs distinctions ont duré bien au delà de leurs fonctions. Les vidames, au contraire, ne sont que les premiers officiers de la maison de certains évêques, par un fief inféodé d'eux, et à titre de premiers vassaux conduisaient tous les autres vassaux à la guerre, du temps qu'elle se faisait entre seigneurs les uns contre les autres, ou dans les armées que nos rois rassemblaient contre leurs ennemis, avant qu'ils eussent établi leur milice. Il n'y eut donc jamais de comparaison entre le titre de vidame, qui ne marque que le vassal et l'officier d'un évêque et les titres qui par fief émanent du roi. Mais comme on n'a guère connu de vidames que ceux de Laon, d'Amiens, du Mans et de Chartres..., ce nom de vidame a paru beau » [Nous : Saint-Simon. — Mémoires complets et authentiques. Paris, Delloye, 1842, 20 vol. in-12, t. III, p. 240].

Ville de Tiffauges (Vendée).

Le vidame, vice dominus, était dans la plus large acception du mot le remplaçant ou le lieutenant des seigneurs et notamment des princes. Mais l'usage prévalut de bonne heure de réserver cette dénomination aux personnages chargés de la direction des intérêts temporels des seigneurs ecclésiastiques. Ils furent eux-mêmes choisis, dans l'origine, parmi les clercs, et remplissaient véritablement les fonctions de majordomes ou d'économes. Les violences du régime féodal ne permirent pas aux évêques de maintenir dans ces limites l'institution des vidames ; il leur fallut chercher en eux des protecteurs. C'est ce qu'ils firent en les choisissant parmi les seigneurs puissants et intéressés d'ordinaire par des raisons de voisinage ou de co-propriété à ménager les domaines ecclésiastiques. Les fonctions de vidame consistaient particulièrement à répondre au ban du roi pour l'évêque, à mener ses vassaux à la guerre, à le défendre contre ses ennemis et à rendre la justice. Les vidamies, qui, conformément à l'esprit de l'époque, avaient été bien constituées en fiefs, étaient fort lucratives et honorifiques, au moins dans les premiers siècles. Elles donnaient la préséance sur tous les vassaux du diocèse, attribuaient de fort beaux revenus et investissaient d'une autorité qui donna même naissance à de fréquents abus concertés avec l'évêque ou dirigés contre sa puissance. Cela est si vrai qu'on arriva faire trafic de la vidamie, de sorte qu'Innocent III dut mettre cette opération au nombre des actes de simonie. L'importance de ces offices diminua avec le progrès des âges et fut réduit presque à rien dans les temps modernes. On connaît douze évêchés ou archevêchés qui ont eu des vidames laïques ; ce sont ceux d'Amiens, de Beauvais, de Cambrai, de Châlons, de Chartres, de Laon, du Mans, de Meaux, de Reims, de Rouen, de Senlis et de Sens.

Les abbayes eurent aussi leurs vidames. C'est ainsi que les comtes de Vexin s'honoraient du titre de vidames de l'abbaye de Saint-Denis. Toutefois, cette désignation paraît avoir été moins fréquente pour les lieutenants des abbés que pour ceux des évêques, et on leur donnait plus généralement le nom d'avoués ; l'époque de la Révolution il n'existait plus aucun vidame de monastère.

C'est par une note du chartrier de Thouars, que nous apprenons qu'après un an de veuvage, Catherine de Thouars épousa en secondes noces Jean II de Vendôme, vidame de Chartres, seigneur de Lassay au Maine, qui après s'être signalé dans la guerre contre les Anglais, dont il avait été prisonnier, venait de concourir à la prise de Pontoise. Ce Jean II de Vendôme, chevalier conseiller du roi, était fils de Robert de Vendôme et de Jeanne de Chartres.

L'acte le plus ancien où on le trouve mentionné comme seigneur de Tiffauges et de Pouzauges, porte la date du 14 juin 1442. C'est le contrat du mariage bientôt consommé entre Marie de Rais, fille de Gilles de Laval et de Catherine de Thouars, et Prégent de Coëtivy, amiral de France. Plusieurs conditions n'ayant pas été acceptées par celui-ci, entre autres l'obligation de prendre les noms, armoiries et titres de la baronnie de Rais, « et aussy que c'est grand charge audit sr de Coictivy de porter le nom et armes de Rais et de lesser les siennes propres de la sie de Coictivy » [Note : Chartrier de Thouars. — Note de M. P. Marchegay], un nouveau contrat fut rédigé le 26 juillet à Tiffauges, où cette union paraît avoir été célébrée. Marie de Rais n'eut pas de postérité, de l'amiral, mort en 1450, ni de son parent André de Laval, sgr de Lohéac, maréchal de France, et comme elle mourut avant sa mère, la succession passa tout entière aux vidames de Chartres.

Le vidame Jean II de Vendôme avait eu de Catherine de Thouars un seul fils, qui fut leur héritier après leur mort, qui arriva en l'année 1462.

Ce fils, nommé Jean IV de Vendôme, fut le premier vidame qui ajouta à son titre celui de prince de Chabannais, qu'il possédait du chef de sa mère. Il avait épousé, le 7 novembre 1459, Jeanne de Brezé, fille de Pierre de Brezé, seigneur de la Varenne, grand sénéchal de Normandie, et de Jeanne Crespin. Sa femme lui avait apporté 1000 livres de rente et 1200 écus d'or une fois payés. Son douaire fut fixé à 600 livres. En conséquence de la spoliation des héritiers de Louis d'Amboise, vicomte de Thouars, ce seigneur de Tiffauges et de Pouzauges eut à reconnaître pour son suzerain immédiat Nicolas d'Anjou, marquis de Pont-à-Mousson, puis Louis XI lui-même. De son temps, le sceau de la ville et châtellenie de Pouzauges, portait d'or aux fleurs de lis de sable avec une épée d'argent en pal, brochant sur le tout. Jean IV dut mourir vers 1485. C'est en cette armée du moins que nous voyons son fils Jacques de Vendôme lui succéder.

Dans un rôle de l'arrière-ban du Poitou, suivi de l'état de ses garnisons dans les châteaux et places fortes limitrophes de la Bretagne [Note : Archives du château de Saint-Loup. Original sur papier, documents inédits pour servir à l'histoire du Poitou et des provinces de l'Ouest; publiés par la Société des antiquaires de France], nous trouvons en 1489 les noms des nobles de l'arrière-ban du Poitou « qui ont esté mis et ordonnés pour la garde des places estant en frontière de Bretagne durant l'emynant pereil », et parmi eux, ceux commis à la garde du château de Tiffauges et qui sont :

Jehan Goulart. Jehan de la Haye. Amorry Charbonneau. François Pillot. Jacques Rousseau. Jehan Brissonneau (Enjou). Jehan Baudry. Françoys Jousseaume. La vefve du Plessis-Millon. Jacques de Nozillac. Pierre Lamoureux. Françoys Tersonneau. Pierre de la Pintrollière. Guillaume de la Guibertière. Les deux Fontenay, pour leur père et pour leur oncle. Jehan Charlot. Pierre Michelet (Enjou). Françoys de la Jarrye (Enjou). Jehan Doubleau (Enjou). Jehan Nyppon(Enjou). Jehan du Plessis, sr de la Bourgognère. Regné Meynart, sr de la Toschepraye. Jehan de Chabannais, sr de Comporté. Mery Tizon, sr d'Argenses. Jehan de Cantilly, lieutenant de Tiffauges. Françoys Mestay, sr de la Florencière (Enjou). Richard Goulart, sr de Biliy (Enjou). Françoys de Talensac, sr de la Jarrye. Le sr de la Fouraterie (Enjou). Gilles de la Grésille, sr de la Tremblaye (Enjou). Regné Le Comte. Regné de la Haye, sr de Monbaud (Enjou). La vefve de Jehan Rousseau, sr de la Mazure (Enjou). Jehan de la Rivière, sr de la Moulieu (Enjou). Charles Gouffier, sr de la Bretonnière (Enjou). Anthoine Bonfilz, sr de la Musse (Enjou). Guillaume Bujet, sr des Landes. Geoffroy-Guillon pour la garde de la place de la Fortière [Note : Probablement de la Fortière, commune de Saint-Etienne du Bois, canton de Palluau].

Jacques de Vendôme fut grand-maître des Eaux-et-Forêts de France et de Bretagne. Il épousa en 1497 vers Noël, Louise Malet, dame de Graville, fille et héritière de Louis Malet, amiral de France, sire de Graville et de Marie de Balzac. Elle lui apporta en mariage la terre de Graville, dans le pays de Caux (Haute-Normandie). Restée veuve avant le mois de janvier 1507, elle fut assistée dans la tutelle et gouvernement de ses enfants par son illustre et non moins habile père, que, peut-être à cause de cela, plusieurs écrivains, entre autres M. Léon Audé, ont pris pour un seigneur de Pouzauges. Jacques de Vendôme eut trois enfants, une fille, puis Louis de Vendôme, qui suit, et un autre fils, Charles, qui fut tué dans les guerres d'Italie.

1507-1526. — Louis de Vendôme, l'aîné, était conseiller chambellan du roi, chevalier de son ordre et grand veneur de France. Il fit trois campagnes en Italie, et dans les deux premières il eut trois chevaux tués sous lui. Il était capitaine de cinquante lances le 17 juillet 1523 et fut pourvu au mois de janvier suivant de la charge de capitaine de cent gentilshommes de la maison du roi, à la tête desquels il se trouva à la bataille de Pavie. La plupart restèrent sur le champ de bataille et lui-même y fut fait prisonnier, mais recouvra sa liberté au moyen d'une rançon [Note : Père Anselme. T. VIII, p. 721].

Ce fut Louis de Vendôme qui éleva au Havre une des deux fortes tours qui défendaient l'entrée du chenal, et dont l'une était appelée la tour du vidame [Note : Description géographique et historique de la Haute-Normandie. T. Ier, p. 196].

Le cartulaire de Pouzauges contient divers actes relatifs à l'administration de ses fiefs, tant par sa mère et par son aïeul que par lui-même. Le principal est un jugement contradictoire rendu entre lui et Louis II de la Trémoille, mais conformément aux conclusions de celui-ci, le 27 janvier 1521, par le présidial de Poitiers. Il déclare fini le Parage de Tiffauges, parce que le lignage ne se pouvait précompter ni montrer ; c'est-à-dire que le chemier ou chef de la branche aînée, ne pouvant plus hériter du fief, son possesseur descendant d'une branche cadette, cessait de le tenir comme parent et devenait vassal immédiat. La première réception par le vicomte de Thouars, des foi et hommage-lige, baiser et serment de féauté du baron de Tiffauges, n'eut lieu cependant que le 28 juin par suite de l'opposition du vidame, auquel la cessation du parage donnait au suzerain, et attribuait des charges et devoirs nouveaux.

Il avait épousé Hélène Gouffier, fille du grand-maître de France, qui ne lui donna qu'un fils, François de Vendôme. Il mourut, dit le P. Anselme, dans son château de Tiffauges, le 22 août 1526, âgé de 26 ans. On est redevable à Jean Bouchet de Poitiers, de son épitaphe, assez curieuse pour en donner connaissance.

ÉPITAPHE DE MONSIEUR LOYS DE VENDOSME, VIDAME DE CHARTRES.

Si vous voulez jamais faire dueil d'homme
Larmes jetez pour Loys de Vendosmes,
Le bien des biens qu'on aveu trespasser
Avant qu'il peust vingt et cinq ans passer.
Mort la surprins en la fleur de son âge,
Aussy gaillard et hardy personnage
Qu'on ne pourroit entre mille choisir,
Lorsqu'il peuvait prendre temps et loisir
Pour secourir la couronne et le sceptre.
Chambellan fut et conseiller du roy,
Et grand Veneur de France dont l'arroy
Fut si très-bien aux affaires pugniques,
Qu'il feust aimé de tous les gens belliques.
Par injustice a homme onc ne meffit
Et tant de biens en peu de temps il fist
Au bien public par martialles armes,
Qu'il eut renom entre les bons gens d'armes.
Le roy le fist de l'ordre chevalier
Quand eust passé de dangers un millier ;
Voire le cheif de ses cent gentilzhommes,
Où il n'acquist d'or ni d'argent grans sommes,
Car il n'estoit chiche ne parcial,
Mais si courtois, magnifique, libéral,
Qu'il despensoit pour faire au roy service
Et au commun, en droiture et justice,
Tous ses bienfaitz, gages et revenus
Sans que jamais en ayt rien retenu,
Pour s'enrichir, ainsy que sa famille
Et si avoit de rente trente mille.
Trois fois il feust et trois fois retourna
De l'Italie, el si bien s'atourna
Et acquitta, qu'ayant ès mains l'espée
Toujours en vint vaillant comme Pompée.
Et es deux fois premières dessoubz luy
Furent occis trois chevaulx : cest ennuy
Ne le peust onc esloigner de proesse,
Mais fust vainqueur par sa grande hardiesse.
Au dernier coup, à Pavie eust tant d'art,
Qu'il fist marcher dessoubz son estendart,
Autour du roy, pour supporter les sommes
De cest aisault, lesdictz cent gentilzhommes,
Dont la plus part furent au camp occis,
A leur honneur. A présent sont assis
Au ranc des Preux qui sont morts sans reproche
Dont les gens droicts font seulement approche.
Et quant à luy portant d'honneur le priz
Entre les morts fut en bataille pris
Cherchant la mort, plus tôt qu'en fuyant vivre,
Et par rançon depuis fust délivre.
Mais quand il fust au lieu de son repos
Avec les siens tenant toujours propos
De faire mieulx qu’il n'avoit en sa vie,
Ung mal le print, auquel si bien n'obvie
Qu'il avoit fait aux belliqueux dangers
Par luy passez entre les estrangers ;
Car il est mort de ceste maladie,
Au mois d'aoust vingt et deuxième jour
L'an mil cinq cent vingt six au séjour
Qu'il faisoit lors au château de Tiffauges ;
Dont fut baron, de Techon et Pouzauges
De Confollant, Milly en Gastinois
Et de Maslan, prince de Chabannois
Tant riches lieux et de Chartres vidasrne.
Priez Dieu qu'il pardonne à son âme.

Note : Généalogies, effigies et épitaphes des Roys de France et de diverses personnes, composées par le Traversem Jean Bouchet, scientement revisez et corrigez par l'auteur mesme. — Poitiers. Jacques Bouchet, 1545, in-f°

Hélène Gouffier, sa femme, après avoir rendu comme tutrice les foi et hommage dus par celui-ci, se remaria le 16 septembre 1527 avec François de Clermont, seigneur de Traves.

François de Vendôme, orphelin avant l'âge de quatre ans, fut élevé par son oncle, Claude Gouffier, seigneur de Boisy, et fut guidon de sa compagnie de 50 lances en 1543 ; et en 1556, après la mort de Bonnivet, il devint colonel-général d'infanterie.

Renommé à la cour par sa beauté, sa bravoure, son esprit et ses richesses, il manquait du jugement et de la modération indispensables pour donner un relief durable à chacun de ses avantages. Il fut marié avec Jeanne d'Estissac, fille de Louis d'Estissac, dont il n'eut pas d'enfants.

A des excès désastreux et à des dépenses ruineuses, vinrent s'ajouter les intrigues et persécutions d'ennemis beaucoup moins honnêtes, mais infiniment plus habiles que lui. Plongé le 20 août 1560 dans un des cachots de la Bastille, il n'en sortit vers le 17 décembre que pour faire son testament et mourir, vers Noël, gardé à vue dans une chambre du palais des Tournelles. Il était âgé de 38 ans et n'avait pas eu d'enfants légitimes de sa femme Jeanne d'Estissac ; mais il paraît qu'il avait peuplé les environs de ses châteaux de Lassay et de la Ferté de bâtards, aux mères desquels il fit de nombreux dons.

Le principal de ses nombreux légataires fut son oncle Gouffier, grand écuyer de France. Il lui laissa la baronnie de Pouzauges, rompant ainsi le lien qui l'unissait à celle de Tiffauges, depuis près de cent quatre-vingts ans.

Il avait également démembré quelque peu son domaine de Tiffauges, comme nous en avons la preuve dans ce document que nous devons à l'obligeance de M. Benjamin Fillon et que, vu son importance, nous reproduisons en entier [Note : Voir pièces justificatives, n° 6], en y ajoutant les notes que nous croirons nécessaires et en rectifiant certains noms de lieux qui ont changé depuis.

Ces aliénations de rentes formaient un total assez respectable, s'élevant à la somme de onze mille cinq cent quarante-quatre livres, et nous verrons, dans la suite, ses héritiers continuer à aliéner d'autres biens plus importants encore, et surtout comme nous le prouve la suite de ce document.

Les procédures, liquidations et autres formalités de la prise de possession de Pouzauges furent assez rapides pour l'époque : au bout de cinq ans et cinq mois, le grand-écuyer Boisy fut admis à rendre au vicomte de Thouars ses foi et hommages-liges. Tiffauges dut attendre près de cinquante ans avant d'avoir un propriétaire définitif.

Les héritiers paternels de François de Vendôme étaient ses trois cousins germains, deux fils et une fille, enfants de sa tante Louise et de François de Ferrière, seigneur de Maligny en Bourgogne. Ce fut l'aîné, Jean, qui recueillit le titre de vidame de Chartres et les domaines qui y étaient attachés. Alors aussi parut le calvinisme, qui entraîna les guerres de religion.

Le château de Tiffaiuges (Vendée).

La réforme en France commença sous l'influence du calvinisme pendant le règne de François Ier et se poursuivit sous ses successeurs. Ce fut d'abord comme en Allemagne, sous Luther, une question religieuse qui devint bientôt une question politique. Les grands, qui aspiraient au pouvoir, prirent parti contre ou pour la réforme, et de là naquirent ces longues et violentes guerres qui ne finirent que sous Henri IV, par la promulgation de l'édit de Nantes, accordant aux réformés une entière liberté de conscience et de culte ; édit malheureux, car il n'eut pas la durée nécessaire pour calmer les esprits et fut, peu de temps après, révoqué par le petit-fils de son auteur.

La réforme donc fut signalée sous François Ier, par le massacre des Vaudois du Dauphiné, et sous François II, par la conjuration d'Amboise. Ces commencements de la réforme firent présager tous les excès auxquels peut se porter le fanatisme religieux. Les dissidents s'en tinrent d'abord à des attaques contre les mœurs dissolues du clergé. Les Colloques du Hollandais Erasme, dialogues satiriques, où l'auteur attaquait les abus et les moeurs du clergé, avec esprit, et en même temps avec modération, tirés à vingt mille exemplaires, furent rapidement épuisés. Les Psaumes traduits par Clément Marot furent bientôt chantés par les gentils-hommes et par les dames.

La cour de Marguerite de Navarre était le rendez-vous de tous les partisans des nouvelles opinions. Malgré toutes les rigueurs et toutes les précautions, le calvinisme se glissa furtivement dans toutes les villes, et se fit des adhérents dans toutes les classes, surtout dans la noblesse, qui y trouvait des moyens d'opposition contre la royauté. Ce fut en 1561 à Paris, que les calvinistes fondèrent leur première église. En moins de six ans, on vit des temples réformés dans plus de trente villes, entre autres à la Rochelle et jusque dans les plus petits endroits du Poitou. En 1558, il y eut à Paris une assemblée de trois à quatre mille calvinistes, dont s'alarma le pouvoir royal. Henri II sévit contre plusieurs conseillers du Parlement, entre autres contre Anne du Bourg, qui, s'étant en pleine assemblée déclaré pour le calvinisme, fut brûlé à Paris, en place de Grève, en 1559. Quant aux guerres de Religion auxquelles donna lieu ce nouveau schisme, elles ne commencèrent que sous François II. Ce prince, époux de Marie Stuart, avait succédé en 1559, à son père Henri II. Les Guises, princes de Lorraine, oncles de la reine et chefs du parti catholique, furent chargés du gouvernement, au grand dépit de la reine-mère, Catherine de Médicis, des princes du sang et de la noblesse, dirigée par le connétable Anne de Montmorency, et du parti calviniste, à la tête duquel se trouvaient Antoine de Bourbon, roi de Navarre, le prince de Condé son frère, l'amiral Coligny, etc. Aussi les réformés réunis aux catholiques mécontents formèreent la conjuration d'Amboise en 1560, complot qui fut découvert par les Guises, à qui les partisans en voulaient.

A la mort de François II, Catherine de Médicis, de si fâcheuse mémoire, débuta par accorder sa protection aux calvinistes, en rendant la liberté au prince de Condé, en prorogeant les Etats d'Orléans et en tenant le colloque de Poissy en 1561, dans l'lle-de-France, entre les députés huguenots et les députés catholiques ; colloque d'où sortit l'édit de janvier, qui permettait aux réformés de se réunir sans armes hors des villes et par ce fait la première guerre civile commença par le massacre de Vassy.

Tiffauges pendant ces guerres fut un peu oublié, quoique appartenant aux vidames de Chartres, qui tenaient le parti huguenot. Cependant de 1566 à 1569, nous trouvons dans les affiches du Poitou un document concernant Tiffauges et qui est une exemption accordée aux Herbiers, par Daillon du Lude et dont voici, d'après la publication qu'en a déjà faite M. Dugast-Matifeux, la teneur dans son entier :

« Guy de Daillon, comte du Lude, chevalier de l'ordre du roy, gouverneur et lieutenant-général pour sa majesté en ses pays et comté de Poitou, capitaine de cinquante hommes d'armes des ordonnances dudit seigneur et sénéchal d'Anjou ; aux juges et officiers de Tiffauges, salut : — Nous, en considération des frais et autres dépenses faites pour le service du roy par les manans et habitans de la paroisse des Herbiers et pour aucunes autres raisonnables considérations que ne voulons pour bonne occasion autrement déclarer, avons iceux paroissiens déchargé et déchargeons pour l'avenir, par ces présentes, de la taxe de la somme de trente livres tournois, pour leur part de la soulde des gens de guerre estant au chasteau dudit Tiffauges, pour la garde d'iceluy ; contributions du magasin pour les gens de guerre à cheval estant audit lieu sous la garde du seigneur de Bois-Chollet [Note : Rolland de la Boucherie, sr du Bois-Chollet, par l’Herbergement], à commencer du sixiesme jour du présent mois, à la charge que lesdits habitans payeront ce qu'ils pourront devoir du passé, jusqu'audit jour, ensembles tout ce à quoy ilz ont esté cotisez pour la munition du chasteau dudit lieu, pour la nourriture des gens de guerre y estant en cas d'assiegement et au lieu de la dite parroisse des Herbiers, que nous avons pour les causes susdites deschargée et deschargeons, vous mandons que cottisiez et imposiez la dite somme de trente livres tournois sur les manans et habitans des parroisses de Saint-Michau de Montmarcus [Note : Saint-Michel de Mont-Mercure] et le chastelier de la chastellenie de Chasteaumur, et les contraigniez au payement d'icelle, depuis ledit jour sixiesme du présent mois à l'avenir, tant et si longtemps que la nécessité le requerrera et pareillement la munition de foin, paille et aveine, pour l'entretien et nourriture des chevaux desdits gens de guerre, estant dans ladite place, sous la charge dudit seigneur de Bois-Chollet, en ce qui reste à payer seulement de la quotité à laquelle ladite parroisse des Herbiers auroit par nous été taxée ; et le tout faites lever, et au payement contraignez les cottisez par les rigueurs portées dans la commission qui vous feust par nous expédiée dès le sixiesme jour de décembre dernier passé. De ce faire, en vertu du pouvoir à nous donné par ledit seigneur roy, nous avons donné et donnons, puissance, pouvoir, auctorité, commission et mandement spécial, par ces présentes auxquelles avons fait mettre notre scel et signé de vostre main. A Niort, le 14 janvier 1568, signé Guy de Daillon, par commandement de M. le comte, Raisseau et Berelle, pour copie et scellé de cire rouge » [Note : Cette pièce provient d'une copie que le feudiste Moigas, assassiné au soulèvement de la Vendée par les royalistes, avait communiqué au journaliste Jouyneau Desloges, qui l'avait insérée dans ses affiches du Poitou de 1781, n° 46, pp. 181, 182, et que M. Dugast-Matifeux a publiée dans sa notice sur le bourg de L’Herbergement Antier].

Les vidames de Chartres, possesseurs du château de Tiffauges et de la Vicomté, étaient, nous l'avons déjà dit, du parti calviniste, et la garnison de ce château faisait, paraît-il, des excursions sur les terres voisines de Clisson qui étaient du parti catholique. C'est alors que nous voyons le gouverneur de Nantes, M. de Bouillé, ordonner au Capitaine Cardelan de commander plusieurs compagnies d'hommes d'armes pour accompagner l'artillerie que l'on faisait conduire de Nantes à Tiffauges et à Montaigu, pour réduire ces places et plusieurs autres au pouvoir du roi, suivant la Commission suivante :

« Georges de Bueil, seigneur de Bouillé, chevalier de l'ordre du roy, capitaine de cinquante hommes d'armes de ses ordonnances, gouverneur et lieutenant général de sa majesté en Bretagne, au capitaine Kardelan, salut. D'autant que nous avons ordonné plusieurs compaignies, pour conduire et faire escorte à l'artillerie que nous faisons marcher de cette ville de Nantes, devant Tiffauges, Montaigu et autres places circonvoisines, pour les réduire en l'obéissance du roy, nous est besoin eslire quelque vaillant et expérimenté capitaine, aux ruses de guerre, pour, en nostre absence commander aux dites compaignies commissaires de la dicte artillerie et autres, etc. A ces causes nous a plains confiant de (vostre) bon hardise [Note : Courage. Hardiesse, par opposition à Couardise], vaillante et longue expérience au maniement et conduite des armes, vous avons commis et député, et par ces présentes vous commettons et députons chef et lieutenant général, en nostre absence, pour commander aux dites compaignies, commissaires et autres ordonnez à la conduicte de la dicte artillerie et généralement d'y faire toutes et chascunes les choses que ferions et faire pourrions si présent en personne y estions. De ce faire, nous avons donné et donnons plains pouvoirs, commission et mandement spécial, même de faire défense à tous soldats ordonnés pour ladicte conduite de se tenir serrés en bataille, sans s'écarter en forme ou manière quelconque sur les peines des ordonnances. Donné à Nantes sous nostre signé et cachet d'armes le XVIème mars 1569. Signé G. DE BOUILLÉ et par Mgr BILLET » [Note : Cette Commission a été publiée dans la Revue des Provinces de l'Ouest, par M. P. Marchegay].

Cordelan muni de tels pleins pouvoirs, partit emmenant ses compagnies et son artillerie. Il avait environ 500 hommes pour réduire ces deux places de Montaigu et de Tiffauges. C'était en carême et les soldats faisant alars abstinence, la ville eut ordre de les fournir « de vin, pain et harengs ». Chaque pain était de grison, et pesait une livre. A l'approche de la troupe Montaigu fut évacué, en sorte que Landreau, qui en fut établi commandant, ne trouva ni eau pour boire, ni munition d'aucune espèce, « sinon des murailles, des maisons rompues et sans hostes ni hotesses » [Note : Guimar. Annales de Nantes, p. 322]. Voici, du reste, comment l'historien La Popelinière raconte ces affaires.

« Comme l'armée de Monsieur se préparait à la journée de Bassac, Puy-Gaillard et Bouilé, gouverneur d'Angers et de Nantes, voyant les courses et les incommoditez ordinaires que les protestants de la garnison de Montaigu et Tiffauges (d'où ils recevoient de grandes prestes) que par Landereau qui les asseurait que Montaigu prins, tiendroit en bride tous les protestans du Poitou assistez de Frontenay puisné de Rohan, la Motte, Chateauroux et plusieurs autres chevaliers de l'ordre.

Landereau cependant, avec quelques-uns, fut sommer Tiffauges, qui n'en est eslongné (Montaigu) que de trois lieues, ou estoit Chef-Moterie, le ieune Casan qui avoit un peu mieulx avisé à son affaire. Car dès lors qu'il y feust estably chef, au rapport de quelques siens amis, par le vidasme de Chartres, qui en est seigneur, y entretint environ quarante soldatz sans les gentilzhommes et autres voisins qui se retiroient en la ville comme Gran-Moulin et plusieurs autres, lesquelz aidez de la garnison, sortoyent souvent sur ceux de Clisson qu'ils mettoyent prins d'attirer en la campagne, et y demeuroit tousiours quelqu'un d'une et d'autre part, mesure à la dernière saillie, ilz auroient prins le capitaine Perret et sept ou huit autres catholiques : desquelz ilz eurent rançon. Mais le différent qui survint entre Motterie et Griffon, procureur du vidasme, qui y avoit sept ou huit hommes de défense avec luy, fut occasion que leur garnison se rompit, se desbandans chascuns peu-à-peu pour les riotes et querelles particulières, qu'ilz y voyoient lesquelz empeschoyent qu'aucun ne donnast ordre à faire les provisions requises à telle place si forte et de si grande estendue...

Le different neantmoins des soldatz fist quitter cette place mal pourvue et aux chefs et aux soldatz qui de la première semonce (à laquelle Landereau leur fist entendre que Montaigu estoit ici peins et que tout le camp marchoit à la prinse de Tifauges) respondirent si froidement, que s'estans tous retirez et enfuis la nuict suyvante, le capitaine Prion, que le vidasme y avoit sur la fin envoyé se voyant seul et abandonné de tous, fust contrainct rendre la place, en laquelle on y mist le capitaine Goisnière, lequel brusla tout le chasteau et donjon aussi : afin que cette place ne servit plus de retraicte aux uns et aux autres, se contentans les catholiques d'avoir Montaigu et Clisson places voisines. Peu de jours après, Motterie fut tué d'un harquebuzade, comme il estoit avec Cressonnière, à la prinse du chasteau de la Forest-sur-Seure, qu'ilz prindrent sur les catholiques aux despens de quelques protestans qui y furent tuéz par les assiégez » [Note : La Popelinière. — De la vraie et entière histoire des troubles et choses mémorables advenues tant en France qu'en Flandres et pays circonvoisins, depuis l'an 1562].

Il paraît qu'on fut content des services qu'en cette circonstance rendit le capitaine Cardelan, et des succès auxquels il avait pris part, car le trente et un août de la même année, le roi lui envoya le collier de l'ordre de chevalerie, et lui donna le titre de capitaine de 200 arquebusiers et de commandant de l'infanterie assemblée pour la défense du pays comme nous le voyons par la lettre suivante signée de Charles IX.

A Monsieur de Cardelan, capitaine de deux cens arquehusiers, et pour notre service en Bretaigne commandant à l'infanterie assemblée pour la garde et défense du pays.

« Monsieur de Cardelan,
Les chevaliers de mon ordre
[Note : Ordre de Saint-Michel] estons près de moy, ont advisé de nous eslire et associer en la compaignie dudit ordre. Pour laquelle élection vous notifier et nous présenter de ma part le collier dudit ordre, si vous l'avez agréable, j'envoie présentenient mémoire et pouvoir au sieur de Bouillé ; vous priant, Monsieur de Cardelan, de nous rendre devers luy pour cest effect, et estre content d'accepter l'honneur que la compaignie nous désire faire ; qui sera pour augmenter de plus en plus l'affection et bonne volonté que je vous porte et vous donner occasion de persevérer dans la dévotion qu'avez de me faire service, ainsy que vous fera amplement entendre de ma part le sieur de Bouillé, auquel je vous prie adjouster sur ce autant de foy que vous feriez à moy mesme. Priant Dieu, Monsieur de Cardelan, qu'il vous ait en sa saincte et digne garde.

Escript au Plessiz-les-Tours, le dernier jour d'Aoust mil cinq cens soixante et neuf. Signé CHARLES, et plus bas, BRULART » [Note : Bibl. nat. (fonds des Blancs-Manteaux. vol. III, f°s 215 et 218].

Après ces événements, il n'est plus parlé de Tiffauges que quelques années après, pendant les guerres de religion et après la saint-Barthélemy, où nous trouvons parmi les acteurs de ce déplorable drame, le vidame de Chartres, qui réussit à échapper à ce honteux massacre. C'est à l'époque de la Ligue que reparaît Tiffauges, époque que l'on rencontre toujours lorsqu'il s'agit de l'histoire de ces contrées. Dans le peuple et dans les agents secondaires qui en firent partie, le but de la Ligue fut la conservation de la religion catholique ; mais pour les chefs ce ne fut que pure ambition, et là fut surtout le véritable but de cette manifestation. Les Guises, qui en furent les auteurs, n'aspirèrent d'abord qu'à maintenir leur autorité, mais plus tard, de même que leurs successeurs, ils aspirèrent au trône. Comme nous pouvons le voir dans la personne de Philippe Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur. Formée en 1576, la Ligue n'apparut en Bretagne et en Poitou que vers 1582, avec le duc de Mercœur, que le roi envoyait en Bretagne comme gouverneur.

A peine arrivé à Nantes, ce nouveau gouverneur ne se contente pas de vouloir faire subir ses lois à la Bretagne, ou commandait pour le roi Henri IV le prince de Dombes, il cherche aussi à s'emparer de quelques places du Poitou. Il envoie à cet effet des secours à Clisson, qui est menacé par Montaigu et Tiffauges, dont il est peu éloigné. Déjà il avait pris le château de la Séguinière, près du bourg du même nom et situé à une lieue de Cholet à deux de Mortagne et à trois de Tiffauges, car nous trouvons le mandement suivant du duc de Mercœur.

Mandement du duc de Mercœur au capitain Les Sansys, commandant de la Séguinière, de choisir cent arquebusiers à cheval pour garder et conserver cette place.

« Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur, et de Penthièvre, pair de France, prince du Saint-Empire et de » Martigues, gouverneur de Bretagne et les gens du conseil d'Estat et des finances du dit pays estably pour la manutention de la religion catholique, apostolique et romaine, conservation et liberté de la Province, attendant l'assemblée des Estats, au capitaine Les Sanzys, commandant sous l'autorité de Monsire de Mercœur, au château de la Séguinière salut : Estant besoin pour le bien des nostredite sainte religion et de l'union des catholiques, conserver le dit chasteau en l'obéissance d'icelle, et, pour ce faire et restreindre les couvents et empescher les entreprises que font jouincellement sur iceluy les ennemis de nostredite sainte religion et union, estant es environ de la dite place, leur faire la guerre, les travailler et incommoder tant qu'il sera possible, et que la situation du lieu y sera propre ; mesme les empescher de se prévalloir des deniers des tailles et autres publics ne quelconques autres commoditez de lieu et pays circonvoisins, establir audit chasteau un bon nombre de gens de guerre : Nous, acertainé de leur fidélité au bien et avancement de la dite religion et union catholique, et de votre valeur et expérience au fait de la guerre, vous mandons choisir, eslire et mettre sur le nombre... etc., cent harquebuziers à cheval des meilleurs et plus aguerris soldats et zélés catholiques que pourrez trouver, et iceux mettre, loger et retirer avec vous au dit chasteau, pour sous nostre autorité et vostre commandement, les garder, conserver et maintenir, faire la guerre par tous les moyens que verrez à propos, aux ennemis de nostre sainte union, leurs fauteurs et adhérens ; mesme empescher qu'ils ne reçoivent aucuns deniers des tailles et autres royaulx et publiés du lieu et pays circonvoisins, mesme d'iceux vous emparer, les prendre et saisir pour satisfaire et les employer au payement de la solde et appointemens de nos susdits soldats. De ce faire, nous avons donné et donnons pouvoir, puissance, autorité et commission.

Donné en conseil tenu à Nantes le seiziesme jour de septembre, l'an mil cinq cens quatre vingt neuf. Signé par le conseil PIÉTRIN et plus bas est escrit : Collationné à l'original par mon conseiller notaire et secrétaire du roi DULIS. » [Note : Affiches du Poitou du 11 septembre 1783, n° 371 p. 145].

Champigny commandait à ce moment Tiffauges pour le roi ; une trève fut conclue, mais le duc de Mercœur ne se ralentissait pas, et par de belles promesses il engagea cet infidèle commandant à lui livrer cette place. Celui-ci, malgré que la France eût salué du nom de Henri IV le Béarnais et l'eût en grande partie reconnu comme son roi légitime, se laissa séduire et rendit la place aux ligueurs. On ne pouvait faire mieux que de lui en laisser le commandement au nom de la ligue. Voici donc le traître Champigny bel et bien commandant une place importante pour le duc de Mercœur, et il débute par envoyer l'ordre suivant aux habitants de la Boissière.

« Aux parouessiens de la Bouessière,
Parouessiens de la Bouessière, je suis bien marry de la peine que m'avez donnée de vous envoyé quérir ; il ne viendra que à vostre perte, ne faillé d'apporter dedans lundy prochain les douze escuz pour les troys derniers moys et troys escuz pour la course et de quoy payer la despence. Si vous y faillé, je envoyré de rechef vous voyr : faites donc diligence de mettre hors le bestail qui est prins. Je me recommande à vous, c'est vostre amy. — Signé CHAMPIGNY.

Donné aussy ordre aux pionniers que deviez envoyer.
Escript château de Tiffauges, ce sabmedy au soir XXVIIIème febvrier 1592 »
.

Henri IV venait d'être sacré à Chartres et ses affaires allaient de mieux en mieux ; celles de la ligue, au contraire, semblaient décliner. Mercœur, le 23 décembre, conclut avec le roi une trève de quatre mois, qui fut à différentes reprises prolongée jusqu'à la fin de l'année. Pendant cette trève, le château de Tiffauges resta en séquestre jusqu'en 1597, où Champigny le reprit et le remit encore sous la domination du duc, qui y envoya le sieur Peraudière avec deux régiments.

Les affaires du roi continuaient à prospérer ; l'absolution du pape, trop longtemps différée, avait enfin été accordée le 16 septembre de l'année précédente. L'accommodement du duc de Mayenne suivit de près, et le roi confirma son traité par l'édit de Folembrai. Il assigna, de plus, un terme de six semaines aux princes lorrains pour jouir du bénéfice de l'édit. Le duc de Mercœur ne se pressait pas, il connaissait l'embarras du roi, qui assiégeait La Fère en personne. Henri, ne pouvant le déposséder, fit avec lui une trève générale pour deux mois, qui fut encore prolongée avec cette clause de ne reprendre les armes qu'après s'être avertis quinze jours d'avance.

Le pape, en réconciliant Henri avec l’Eglise, avait changé les instructions de son légat en France. Celui-ci, fatigué de l'obstination du duc de Mercœur, le menaça d'excommunication s'il ne se soumettait au roi. Mais ce gouverneur, si soumis à la cour de Rome tant qu'elle maudissait Henri, crut pouvoir braver le pape quand il ne lui commandait plus la désobéissance. Le duc, en 1597, restait seul en armes contre son souverain ; à peine cette année fut-elle commencée, qu'il denonça la fin de la trève et se prépara à porter la guerre en Anjou. Bientôt une trève nouvelle de deux mois suspendit les hostilités pour reprendre à Bourges d'éternelles conférences de paix.

La reine Louise, sœur du duc, faisait de vains efforts pour engager son frère à accepter les conditions avantageuses que le roi lui offrait ; elle négocia une trève depuis le 15 octobre jusqu'au 15 janvier. Le roi l'accorda d'autant plus facilement, que la campagne avait été très-laborieuse, que la saison était trop avancée, et que l'état de son armée et de ses finances ne lui permettait pas de passer en Bretagne cette année pour punir la longue félonie du duc.

Peu s'en fallut cependant qu'un événement inattendu ne terminât cette querelle d'une manière fâcheuse pour le duc. Quelques particuliers formèrent le projet de s'emparer de sa personne. Sachant que le duc se rendait souvent à son château d'Indret, ils résolurent de l'enlever et de le conduire à Beauvoir. Mais le complot fut découvert et les auteurs punis de mort. Duplessis-Mornay, sans connaître ce projet, en avait formé un tout semblable ; mais en apprenant la fâcheuse issue du premier, il renonça au sien.

Cependant, en 1598, Henri IV, fatigué de l'obstination du duc de Mercœur et libre de soins plus pressants, se décida à marcher en Bretagne. Dès le mois de janvier il se mit à la tête d'une armée de douze mille hommes de pied et de deux mille chevaux. Il était tellement résolu d'en finir avec les rebelles, qu’il fit avertir tous les commandants des villes qui tenaient pour le duc que s'ils ne se hâtaient de recourir à sa clémence, il les traiterait avec toute la rigueur des lois militaires. Cette sommation était trop sérieuse pour ne pas entraîner une défection générale. Presque tous les chefs ligueurs, sous les ordres du duc d'Anjou, en Poitou, en Bretagne, se soumirent avec empressement, et Nantes, restée à découvert, fut livrée à ses propres forces. A cette nouvelle, le gouverneur dut sentir que son règne allait finir ; mais, feignant d'être encore en état de résister, il se fit prêter deux couleuvrines par la ville, dont il arma le château, et fit changer toutes les clefs de la forteresse.

Mais tous ces vains préparatifs ne servaient qu'à marquer une négociation défavorable. En effet, le roi exigeait pour préliminaire que le duc abandonnât son gouvernement pour rentrer en grâce. Il fut donc contraint de faire l'aveu de cette clause humiliante à l'assemblée générale convoquée à l'hôtel-de-ville le 4 février, et la pria de joindre ses députés aux siens pour obtenir de meilleures conditions.

La ville nomma, pour le clergé, Descourans, doyen de l'église de Nantes, ou, à son défaut, M. de Mordelles, archidiacre ; pour les finances, Jean de la Tullaye de la Jarossière, maître des comptes ; pour la justice, René de Macé de la Vrillère, conseiller au présidial ; pour les bourgeois, MM. Loriot du fief et le marquis de la Branchouère, anciens maires.

Les passeports n'arrivèrent que le 2 mars, et le lendemain les députés partirent pour Amers, où le roi s'était arrêté. La duchesse de Mercœur était partie dès le 20 février, afin d'avoir le temps de ménager ses intérêts particuliers ; et le chapitre, qui ne s'oubliait pas, avait pris les devants. Quoiqu'il eût indignement traité son évêque, Philippe du Bec, et qu'il l'eût banni de son évêché en le déclarant infâme et fauteur d'hérétique, il s'adressa à lui cependant et implora son crédit en faveur de la députation. Il ordonna aussi des prières publiques pour l'heureux succès de la négociation.

Mais ces démarches tardives eussent été d'un faible secours au gouverneur. « Il étoit, dit Péréfixe, perdu sans ressources, s'il ne se fût avisé, pour se sauver, d'offrir sa fille unique au fils aîné de Gabrielle d'Estrées, duchesse de Beaufort ». Ce jeune prince était César de Vendôme, qui n'avait encore que quatre ans, et la fille du duc en avait six.

Une alliance si illustre séduisit la belle Gabrielle ; elle parvint à la faire goûter au roi, qui ne pouvait rien lui refuser. En faveur de ce mariage, Henri IV sacrifia son juste ressentiment et accorda au duc un édit qui était moins une grâce que la récompense d'éclatants services, et qui excita la jalousie des plus fidèles serviteurs du roi. Par cet édit, le duc obtint deux cent trente et un mille écus et cent cinquante mille livres de pension ; de plus, quarante-cinq mille écus à prendre sur le reste des impôts de la province, et permission de lever cinq mille écus sur ses vassaux de Penthièvre, etc. Enfin il conserva sa charge le capitaine de cent hommes d'armes et de cinquante hommes soldés. Henri accorda à la députation de Nantes la paix qu'elle lui demandait, mais il exigea qu'elle fût signée par les habitants.

Cet accommodement se fit à Angers, le contrat de mariage fut passé au château, et les fiançailles célébrées avec la même magnificence que si c'eût été un fils de France légitime.

On ordonna à tous les gouverneurs des places voisines qui ne s'étaient pas encore soumises, de venir se soumettre au roi, sans espérer d'être compris ni dans l'édit de pacification, ni dans le traité du duc de Mercœur. Champigny, qui était maître à Tiffauges, était dans une fausse position, et le duc de Mercœur, sur la reconnaissance duquel il comptait sans doute pour obtenir une composition, avait négligé de le faire comprendre dans ses minutieux articles. C'est ainsi qu'agissent d'ordinaire les intrigants, qui ne négligent rien de ce qui les concerne personnellement, et ne manquent jamais d'oublier les autres dans la position où ils les ont compromis ; les choses se passent exactement comme dans la fable :

....... Or Dieu, j'en suis hors ;
Tâche de t'en tirer et fais tous tes efforts,
Car, pour moi, j'ai certaine affaire
Qui ne me permet pas d'arrêter en chemin
[Note : Lafontaine. Fables, le Bouc et le Renard].

Le commandant de Tiffauges était coupable, et il craignait avec juste raison d'être puni de sa rébellion prolongée et de payer pour son chef. Jacques de la Vigne de la Bastille lui fut envoyé à Tiffauges ; il le menaça d'une punition exemplaire s'il n'obéissait. Dans cette critique situation, il abandonna sur-le-champ la place qu'il tenait et s'avisa de l'expédient suivant, qui lui réussit. Connaissant le faible d'Henri IV, ce vert-galant, pour les femmes, et sachant que leur influence se faisait fortement sentir sur lui, il lui dépêcha sa femme pour demander grâce. Il suivait peut-être en cela l'exemple de son maître, qui s'était bien trouvé d’avoir employé le même moyen. Cette malheureuse était alors dans un état de grossesse avancée, qui rend les ménagements les plus délicats absolument nécessaires. Tant de cruauté de la part de son mari et l'incertitude sur le succès de sa démarche rendaient son état affreux. Les fatigues du voyage et l'émotion que lui donna la vue du roi hâtèrent l'époque de sa délivrance ; et au moment où elle se jetait aux pieds du roi pour implorer sa clémence, elle fut saisie des douleurs de l'enfantement. Emu et touché de ce tableau d'alarmes, d'amour conjugal et de souffrances, le roi ne put s'empêcher de pardonner en souriant, et n'eut que le temps de la faire transporter à l'hôtellerie où elle était descendue et où elle accoucha.

Ainsi finit la ligue en ce qui regarde la ville et le château de Tiffauges, qui revint à son propriétaire, le vidame de Chartres, qui toujours avait été fidèle au parti du Béarnais.

Tiffauges était alors saisi au nom du premier duc de Thouars, Louis III de la Trémoille, faute de paiement de rachats ou droits de mutation présents et arriérés, d'acquit de foi et hommage, puis de délivrance d'un aveu et dénombrement, qu'il était bien difficile de rédiger avant un partage définitif.

Nous avons vu que, de 1556 à 1560, François de Vendôme avait aliéné une grande partie des revenus de la baronnie de Tiffauges en cens et rentes ; sous ses héritiers, nous voyons la même chose se faire pour les métairies, comme nous le prouve la seconde partie du document déjà cité et qui se trouve aux pièces justificatives.

Il faut attribuer ce résultat à la guerre civile qui, au commencement de 1570, amena la dévastation de toute la baronnie et l'incendie du château, et à son occupation par le duc de Mercœur.

Suivant une pièce du chartrier de Thouars, Jean de Ferrières, qui était, on ne sait pourquoi, comme exilé en Angleterre, y mourut le 15 juillet 1597, deux mois après sa femme, Françoise Joubert.

Beraude de Ferrière, dame de Beauvoir-la-Node, ayant accepté la succession fraternelle sous bénéfice d'inventaire, afferma Tiffauges, le 27 septembre 1598, à raison de 2,400 livres ; puis faute de pouvoir payer des dettes et des frais se montant à 13,491 écus au soleil, et après procédures pour lesquelles elle eut, à défaut du consentement de son mari, à se faire autoriser par justice [Note : Voir le jugement aux pièces justificatives, n° 7], puis à lutter contre son propre fils, Prégent de la Fin, vidame de Chartres, elle dut s'avouer et se résigner à voir les nombreux créanciers de la maison de Vendôme obtenir la vente de la baronnie de Tiffauges.

(L. Prevel).

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