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L'ANCIENNE VILLE DE TIFFAUGES

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Nous avons parlé jusqu'à ce moment de l'ensemble du pays, revenons maintenant à la description des lieux habités. Et d'abord, parlons du bourg ou ville de Tiffauges, puisque ville il y a, et cherchons à savoir quelle pouvait être son origine. Il y a là encore bien des difficultés : car des deux collines ou mamelons qui se font face, et qui étaient occupées, laquelle l'a été la première ? Est-ce celle qui conserve encore à son sommet les ruines du château, ou bien celle sur laquelle le bourg est assis ? Nous sommes bien embarrassé de le dire, mais nous pencherions cependant pour accorder l'ancienneté au castrum remplacé depuis par la motte féodale, sur laquelle fut élevée la forteresse. Mais la ville était aussi fort ancienne, nous en avons la preuve dans la découverte du cimetière creusé dans le schiste, et dont nous avons parlé plus haut. Quant à ce qu'elle était au moyen âge, nous allons l'apprendre en laissant parler un écrivain du seizième siècle dans son langage pittoresque et original, La Popelinière.

Ville de Tiffauges (Vendée).

« Autrefois, dit-il, et même du temps des Anglois, la ville de Tifauges a esté forte, ceincte de bonnes murailles, et bien fossoyée, bien bastie et peuplée de grand nombre de bonnes et riches maisons. Mais comme en temps de guerre plusieurs (voulans euiter le malheur qui ordinairement s'ensuict) se retirent aux villes et places fortes : aussi le cours du temps a faict, que ceste ville autrefois riche et belle n'est plus qu'un vague et poure bourg, s'estant chacun retiré es lieux de plus plaisante et plus profitable demeure : Com aussy les seigneurs du lieu, ont laissé ruiner du tout les murailles et combler les fossez, n'y restant presque autre chose pour marque de ville que les portes » [Note : La Popelinière. — De la vraie et entière histoire des troubles et choses mémorables advenus tant en France qu'en Flandre et pays circonvoisins, depuis l'an 1562, p. 173. 1 vol, in-8°, par Pierre Davantes. La Rochelle, 1573].

Cet auteur, qui écrivait à la fin du XVIème siècle, nous montre Tiffauges comme ayant déjà de son temps, bien perdu de son importance. Ce n'est plus en effet qu'un bourg, après avoir été une ville entourée de fossés et indépendante des fortifications du château. Elle était, comme lui, défendue de deux côtés par la Sèvre et par le ruisseau de la Crûme, dont les eaux, retenues par trois chaussées, formaient trois étangs dans la vallée qu'elle parcoure. Le château défendait le troisième côté, qui était d'ailleurs presque inaccessible par la nature même et les dispositions du terrain. Le quatrième côté avait une ceinture de murailles avec plusieurs tours et au pied un large fossé creusé dans le roc.

Eglise de Tiffauges (Vendée).

Quelques personnes, à qui nous parlions de cette localité et qui connaissaient la contrée, ne semblaient pas convaincues que la ville de Tiffauges eût été, à une certaine époque, entourée de murs. La Popelinière cependant nous l'affirme, et si nous voulons d'autres preuves, nous n'avons qu'à jeter les yeux sur un aveu de 1721, que nous transcrirons dans la suite de cet ouvrage et qui indique les fortifications de la ville existant encore à cette époque. « Plus, la ville de Tiffauges, y trouvons-nous, située au-devant dudit château, aussi close et fermée de murailles, fossés, portes, tours et autres forteresses ».

Tiffauges avait autrefois deux paroisses, Notre-Dame et Saint-Nicolas, par conséquent deux églises et fort anciennes l'une et l'autre. Parlons d'abord de Notre-Dame c'était une vieille église comme il s'en rencontre encore beaucoup dans le département de la Vendée, à cul-de-four, aux baies étroites et cintrées, enfin une construction du XIème siècle. En 1857, il prit fantaisie au curé et à la fabrique de la reconstruire, et pour le moment les fonds nécessaires n'étant pas complétés, on ne pût démolir et reconstruire que la nef ; mais, quelques années plus tard, on continua la démolition du chœur et on acheva l'érection de l'église que nous pouvons voir actuellement, sur les plans d'un abbé de la contrée, dont nous ignorons le nom, et qui, cumulant à ce qu'il paraît, les fonctions de recteur et d'architecte, ne réussit à faire qu'un assez faible pastiche dans le style de la fin du XIIIème siècle. L'intérieur, surchargé de dorures et de peintures assez médiocres, n'a plus rien de cette simplicité qui plaisait tant dans l'ancien et vénérable temple qu'elle remplace aujourd'hui. Cette église, surmontée d'une flèche, a, par ce fait, perdu tout le cachet qu'ont en général nos vieux édifices de la Vendée.

Les renseignements que nous fournissent les pouillés pour cette paroisse nous apprennent qu'autrefois les deux paroisses de Tiffauges dépendaient de l'abbaye de Maillezais [Note : L'évêché de Maillezais fut érigé en 1317, à la demande du roi de France. Le pape Jean XXII partagea en trois parties l'antique évêché de Poitiers et créa ainsi ceux de Maillezais et de Luçon; Cet évêché fut dans la suite réuni à celui de La Rochelle, sous le nom d'évêché de La Rochelle, après la prise de cette ville par le roi Louis XIII]. La nomination de la cure de Notre-Dame appartenait à l'abbé de Saint-Jouin-de-Marnes. Dans ladite élise, toutes les chapelles, à part celle de Saint-Michel appartenaient à l'église ; plus tard, beaucoup de chapellenies fondées dans cette paroisse appartenaient à des seigneurs du voisinage. C'est ainsi que nous voyons dans le pouillé de l'abbé Aillery, à la visite de Monseigneur de Menou, de 1738 à 1740, les mentions suivantes : chapellenie de Saint-Michel, au seigneur d'Asson, 400 liv., 2 messes par semaine ; chapellenie de Sainte-Marguerite, 30 liv., patronage laïque, 1 messe par semaine ; chapelle Saint-Jacques, au bas de l'église, à Mgr de la Roche-Saint-André, 300 liv., 2 messes par semaine ; chapelle Saint-Jean, patronage laïque, 100 liv., 2 messes par semaine.

L’autre paroisse, non moins ancienne, de la ville de Tiffauges, était celle de Saint-Nicolas. Beaucoup de personnes lui donnent la date du XIIIème siècle ; noms serions assez tenté, d'après sa construction et le genre de son architecture, ses baies étroites comme des meurtrières et allongées, et ses ornements assez primitifs, de lui donner une date peut-être aussi ancienne que celle de Notre-Dame, sinon plus même. Cette chapelle, située sur l'extrémité de la partie relativement plane-du monticule, sur lequel la ville de Tiffauges est assise, est dans une position magnifique ; autour d'elle, le terrain descend en pente et permet de l'examiner de la base à son sommet.

Ruines de l'ancienne église Saint-Nicolas à Tiffauges (Vendée).

Comme celle de Notre-Dame, la cure de Saint-Nicolas était à la présentation de l'abbé de Saint-Jouin-de-Marnes, et son revenu était de 400 livres. Il y avait dans cette cure plusieurs bénéfices, savoir : le prieuré conventuel de Saint-Vincent, qui était servi dans cette église et sous le même patronage avec un revenu de 1500 livres ; puis la chapellenie de Sainte-Catherine qui rapportait douze boisseaux de froment, trois setiers de seigle, deux messes par mois, et celle de Notre-Dame-des-Ormeaux, 36 livres, une messe par semaine, toutes les deux au seigneur de l'Eschasserie. Seule des vieilles églises de Tiffauges, Saint-Nicolas est restée debout, mais n'appartenant plus au culte ; elle sert vers 1874 de demeure et de magasin à un charpentier.

Outre les urnes funéraires enfouies en si grand nombre dans ce pays, mais d'une époque moins ancienne, probablement de l'époque des invasions normandes, une tombe en granit fut rencontrée par M. le marquis de la Bretesche en 1828 ou 1830, qui en communiqua à M. Scheult un de nos regrettés confrères, un dessin que nous avons entre les mains. Ce tombeau, trouvé dans le cimetière de Saint-Nicolas, fut d'abord transporté dans cette église, etc depuis, donné au Musée Archéologique de Nantes par M. Houdet neveu, en 1852. C'est, dit M. Parenteau, une grande tombe prismatique en granit à base rectangulaire, ornée sur les cieux faces principales d'arcatures de style roman primitif. Sur les deux faces du prisme formant, gouttière, sont gravées en creux des armes offensives : d'un côté une épée, et de l'autre une hache et un poignard mérovingiens. Une croix grecque supportée par un pied, est placée, sculptée en relief, sur l'arrête du prisme, à la partie supérieure. A la partie antérieure une croix grecque inscrite dans une couronne et rattachée par des lemnisques, est identique au type d'un revers de Triens de Cambon portant en légende Cambudono du monétaire Franco (Bigot planche n° 1, fig. n° 7) et des dernières années du VIème siècle, ou mieux, du commencement du VIIème siècle [Note : Catal. du Musée Archéol. de Nantes, par M. Parenteau].

Ville de Tiffauges (Vendée).

Tiffauges a, nous l'avons déjà dit, beaucoup perdu sous bien des rapports et surtout comme ville : ce n'est plus qu'un bourg avec, vers 1874, une population d'environ onze cents habitants, placé, depuis la disposition nouvelle en départements, dans le canton de Mortagne et dans l'arrondissement de la Roche-sur-Yon. Sa seule richesse consiste dans son commerce et son industrie, alimentés par les filatures, les minoteries, et spécialement par ses papeteries d'une grande importance, dont les produits jouissent d'une réputation très-méritée.

Le lit de la Sèvre au milieu des rochers, dont les masses prodigieuses se montrent çà et là, sous des forêts d'arbres de toutes teintes et de toutes nuances, présente à l'œil une foule de chutes d'eau, dont l'industrie laborieuse du Vendéen a su tirer parti.

Autrefois, dans cette localité et même dans la région, il n'existait aucune de ces usines pour la fabrication du papier que nous voyons aujourd'hui. La première qui s'y établit fut élevée dans l'endroit que l'on nommait le moulin Chauvin, par le fameux Ouvrard, ce financier qui par de hautes spéculations, se fit une fortune si extraordinaire à cette époque et qui subit des vicissitudes plus incroyables encore [Note : Gabriel-Julien Ouvrard était un riche financier français, né près de Clisson en 1770 ; il s'éleva du simple négoce de Nantes à de hautes spéculations, gagna quinze millions en trois ans (1797-1800) comme entrepreneur du service des subsistances de la marine, et le premier proposa l'organisation d'une caisse d'amortissement, comme conséquence de son plan d'une dette publique considérable. Suspect à Napoléon, enfermé deux fois â Sainte-Pélagie pour dettes, il refit sa fortune sous la Restauration, obtint la fourniture de l'armée du duc d'Angoulême, fut accusé de malversations, de marchés onéreux pour le trésor ; éprouva plus tard des pertes considérables et fut enfermé encore cinq ans à Sainte-Pélagie. Il finit sa vie à Londres dans l'obscurité, en 1846, à l'âge de 76 ans. On a de lui quelques écrits sur les finances et ses mémoires sur sa vie et ses opérations financières, 3 vol. in-8°. (L. Grégoire, Dict. Encycl. d'hist. et de géographie, etc.)]. Il eut le premier l'idée de monter une usine en ce genre et la conserva jusqu'en 1817, époque où elle fut acquise par MM. Girard, qui continuèrent cette industrie, laquelle devint en leurs mains des plus florissantes.

Lorsqu'ils prirent la suite de l'usine montée par Ouvrard, il n'y avait en France que peu de fabriques connues à part celle des frères Mongolfier à Annonay. Intelligents et progressistes, ils ne tardèrent, pas à fabriquer la mécanique, et, vers 1825 ou 1826, voulant étendre une industrie qui tendait à se multiplier, ils acquirent de M. le marquis de la Bretesche, le moulin à eau situé au pied du château et qui portait le nom de Moulin-du-Château. Ils y firent toutes les appropriations nécessaires, et finirent par en faire une usine beaucoup plus importante que la première, marchant à la mécanique, et fournissant de très-bons produits. Ils confirmèrent ainsi faisant fonctionner leurs deux fabriques à la vapeur, aidés dans cette tâche par leurs enfants jusqu'en 1869, époque où ils se retirèrent, liquidèrent leur position et cédèrent à MM. Arthur et Paul Girard, fils de M. Girard (Joseph-Émile), la suite de leurs affaires, en prenant pour eux-mêmes un repos noblement et laborieusement gagné. Puis, en 1874, l'usine principale, située sur la route de Cholet, est dirigée avec une grande intelligence par MM. Girard jeunes, qui y ont fait de grandes réparations et adapté une machine de la force de quarante chevaux, pouvant aller au double. Ils ont abandonné en partie la fabrication du papier pour l'impression et l'écriture, et se sont adonnés entièrement à celle du papier dit de tenture, qui, acheté à Tiffauges, est dirigé ensuite sur Paris, où il passe alors dans les mains des imprimeurs en couleur, qui le transforment dans ce que nous appelons improprement des tapisseries.

Nous ne pouvons mieux remercier MM. Girard frères des renseignements qu'ils ont eu la bonté de nous fournir sur le pays qu'ils habitent, qu'ils enrichissent et qu'ils dirigent, qu'en apprenant à ceux qui pourront un jour nous lire, tout le bien qu'ils ont fait dans cette contrée.

En somme, si Tiffauges est tombé à un rang secondaire, il attirera toujours les voyageurs par sa magnifique position et son splendide panorama. Sur son versant aspectant le château un prêtre, M. Véron, homme de goût, a construit à côté de la maison qu'il habite, une jolie chapelle de style gothique que l'on voit de partout, et ; du pied de laquelle, les visiteurs admis à parcourir les domaines de ce bon curé, peuvent embrasser la vue la plus étendue. D'un côté, à gauche, on aperçoit les ruines du château ; plus loin, les bâtiments de la communauté de Torfou, élevés par Mme la marquise de la Bretesche, et à droite, le magnifique parc de cette bienfaitrice des pauvres, le Couboureau, que nous décrirons tout à l'heure.

Mais noms devons maintenant pour continuer notre description, quitter le bourg et redescendre la vallée, de là visiter la ravissante propriété du Couboureau, où nous arriverons tout à l'heure.

En quittant le bourg pour prendre la route de Cholet, on franchit la Sèvre sur, un pont, dont les arches en ogive font un superbe effet dans le paysage, auquel il conserve comme un reste de décors moyen âge. A Tiffauges, comme à Clisson, on a bâti à l'italienne toutes les maisons nouvelles, et ces fabriques, d'une élégance et d'une blancheur un peu atténuée par le temps, semées sur les rochers, au milieu des arbres, contrastent avec l'âpreté des rochers à l'aspect sombre et sévère.

Nous avons par ailleurs parlé de Clisson, mais nous pouvons dire hardiment que Tiffauges lui est, pour nous du moins, bien supérieur on n'y trouve pas cet arrangement, cette étude, cette afféterie enfin, que l'on voit à Clisson. Non ! tout y est au contraire naturel, tout y semble à sa place, la nature y est plus sévère, plus grandiose et plus vaste. Mais, abandonnons pour le moment cette partie du paysage, occupée par l'industrie dont nous avons parlée, quittons ce côté de la Sèvre et traversons-là pour visiter une propriété qui le mérite à tous égards.

C'est à quelques minutes de Tiffauges, dans la commune de Torfou, que se trouve la ravissante propriété du Couboureau, appartenant à la famille Jousseaume de la Bretesche, qui la posséde depuis le commencement du XVIème siècle, l'ayant acquise de la famille Escageau.

Autrefois, il y a même peu d'années, d'abord du temps du marquis de la Bretesche, et ensuite de sa veuve, on permettait d'entrer dans ce magnifique parc et d'en parcourir toutes les allées et avenues. Aujourd'hui. au contraire, les héritiers de cette charitable famille semblent prendre à tâche d'en éloigner tous les curieux. Ce n'est donc que par oui-dire et par les récits de nos devanciers plus heureux, que l'on peut aujourd'hui en rappeler les splendeurs.

Aucun souvenir historique ne paraît se rattacher à l'ancien château gothique flanqué de tours et de murailles, et qui fut reconstruit entièrement vers 1763, par Esprit Jousseaume, marquis de la Bretesche, un des meilleurs officiers du règne de Louis XIV. Le célèbre Le Nôtre vint en dessiner les jardins, et si la nature ne lui manqua pas, les ouvriers non plus ne lui firent pas faute, le marquis ayant mis à sa disposition les soldats du régiment de dragons qui portait son nom et qu'il avait obtenu de la cour de mettre en garnison à Tiffauges.

Nous laisserons maintenant parler Massé-Isidor, puisqu'il ne nous a pas été donné de visiter ces lieux : « Le Couboureau, dit-il, est une jolie villa italienne, bâtie dans le genre moderne, comme le Parc-Soubise... Ses grands jardins sont plantés avec goût, où le genre anglais se mêle au genre français. Ils s'étendent sur le coteau qui longe au nord la rive escarpée de la Sèvre. Par ces sentiers ombragés et peuplés de statues, on peut errer longtemps avant que l'espace manque ; c'est la nature, mais la nature ornée de tous les prestiges de l'art. D'ici, l'œil embrasse une des vues les plus sévères et tout à la fois des plus gracieuses qu'il y ait peut-être en Europe. Cette rivière encaissée, aux innombrables reflets de lumière qui étincellent dans les eaux ; ces deux rives couvertes de verdure et d'arbres odorants, sous lesquels l'ombrage le plus frais invite au repos et à la méditation ; ce moulin champêtre qui, à gauche, commence le tableau ; cette usine italienne qui le termine à droite ; ces vieilles ruines pendantes qui s'élèvent au-dessus du paysage, et lui donnent une inconcevable grandeur ; tout ici captive agréablement la vue et enflamme l'imagination du poète et du dessinateur ».

Nous espérons qu'avec une description semblable, il ne nous reste rien à ajouter, par la raison que nous n'avons pu jouir de cette vue que de loin, en raison de la consigne sévère qui en garde l'entrée. Nous allons maintenant quitter ces frais bocages et entrer dans la sombre demeure des anciens seigneurs du pays.

(L. Prevel).

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