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CAHIER DE DOLÉANCES DE TINTÉNIAC EN 1789

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COMTÉ DE TINTÉNIAC ET MONTMURAN (voir note qui suit)
(Paroisses de Tinténiac, La Baussaine, Miniac-sous-BéchereL Saint-Thual, Saint-Domineuc, Les Iffs, Cardroc, Trimer et Trévérien).

Note : Sur le comté de Tinténiac et Montmuran, voy. GUILLOTIN DE CORSON, Grandes seigneuries de la Haute-Bretagne, 1ère série, pp. 462-471, et A. ANNE-DUPORTAL, Minutes de notaires, Montmuran, dans les Mém. de la Soc. archéol. d’Ille-et-Vilaine, t. XXXI. 1902, pp. 37-80. Son propriétaire était, en 1789, Joseph–Marie-Anne de la Motte ; sur ce personnage, voy. Ctesse DE LA MOTTE-ROUGE, Les Dinan et leurs juveigneurs, Nantes, 1892, p. 281, et H. FROTIER DE LA MESSELIÈRE, Recueil généalogique, pp. 976-981.

L'assemblée de (31 mars) a été présidée par l'alloué et seul juge de la juridiction du comté de Tinténiac et Montmuran, Pierre-Laurent-Félix Ruaulx de la Tribonnière. Les cahiers des autres paroisses dépendant de la même juridiction n’ont aucun rapport avec celui du chef-lieu, qui est vraiment original. Mais ils peuvent se ramener à deux types : 1° le cahier de La Baussaine (29 mars), adopté dans une assemblée présidée par Julien-Gabriel Préciaux, notaire et procureur de juridiction de Tinténiac, a incontestablement servi de modèle aux cahiers de deux paroisses étrangères à cette même juridiction, celui de Miniac-sous Bécherel (2 avril), adopté dans une assemblée présidée par J.-M. Pairier de Saint-Bault, sénéchal du Bois-de-Miniac, et celui de Saint-Thual (5 avril), adopté dans une assemblée présidée par Fr. Ruault, notaire et procureur de la juridiction de Saint-Thual ; notons d'ailleurs que ces trois cahiers sont écrits de la même main et sur un papier semblable. — 2° Le cahier de Saint-Domineuc (29 mars), adopté dans une assemblée présidée par Pierre-Urbain Préciaux de la Herbetaye, avocat et procureur fiscal du comté de Tinténiac, est fortement apparenté avec ceux des Iffs (2 avril) et de Cardroc (3 avril), paroisses dont les assemblées ont été également présidées par P.-U. Préciaux de la Herbetaye, et avec celui de Trimer (5 avril), adopté sous la présidence de Julien-Gabriel Préciaux, celui-là même qui avait présidé le 29 mars l'assemblée de La Baussaine. — Enfin, nous avons cru devoir joindre à ce groupe le cahier de Trévérien (29 mars), parce que le sénéchal de la juridiction de Trévérien, Jean-Sébastien Faisant, qui a présidé l'assemblée de cette paroisse, avait assisté le même jour à l'assemblée de Saint-Domineuc, localité où il faisait sa résidence ; ce cahier ne présente d'ailleurs aucune analogie avec ceux qui le précèdent.

 

TINTÉNIAC.
Subdélégation de Hédé. — Dép. d'Ille-et-Vilaine arr. de Saint-Malo, chef-lieu de canton.
POPULATION. — En 1789, 450 feux (Procès-verbal); — en 1790, 2.270 hab. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série L. Etat de la commune de Tinténiac).
CAPITATION. — Total en 1770, 2.287 l. 13 s., se décomposant ainsi : capitation, 1.527 l. ; 21 d. p. l. de la capitation, 133 l. 12 s. 3 d. ; milice, 203 l. 13 s. 9 d. ; casernement, 373 l. 7 s. ; frais de milice, 50 l. (Ibid., C 3981). — En 1778, 496 articles, dont 215 inférieurs à 3 l. (Ibid., C 3982).
VINGTIÈMES. — En 1788, 2.792 l. 12 s.
FOUAGES. — 47 feux 1/4 1/8. — Fouages extraordinaires, 911 l. 13 s. 6 d.

OGÉE. — A 8 lieues 1/4 de Saint-Malo, à 1 lieue de Hédé et 5 lieues 1/2 de Rennes. — 2.000 comrnuniants (y compris Trimer, sa trève). — Le territoire, d'une superficie plane, est cultivé AVEC beaucoup de soin. La cure est un prieuré à la nomination de l’abbesse de Saint-Georges de Rennes.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 31 mars 1789, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence de Pierre-Laurent-Félix Ruaulx de la Tribonnière, avocat au Parlement, alloué et seul juge de la juridiction du comté de Tinténiac et Montmuran. — Comparants : Joseph-Toussaint Denoual (voir note 1 qui suit) ; Pierre Lévêque ; Joseph Chevallier ; Pierre Aribart ; Jacques Launette ; Mathurin Guinemer ; René Deslandes ; Julien Aribart ; Joseph Delahaye ; Jan Lœillet ; François Duhil ; Guillaume Quémerays ; Michel Deslandes ; François Bertaut ; Jacques Collet ; Jan de la Brosse ; Alain Belan ; Preciaux de l’Etang ; Antoine Gabillart ; Jan Château Giron ; Louis Pestel ; François Delahaye ; François Quémerays ; Jacques Aribart ; Nicolas Robiou de la Touche ; Joseph Aribart ; Jan Aribart (voir note 2 qui suit) ; Joseph Laisné ; François Houitte ; Joseph Geffroy ; Jan Miniac ; Pierre Rouxin des Touches ; Thomas Denoual ; Pierre Perrin (voir note 3 qui suit) ; Thomas Roquet ; Guihard, greffier (voir note 4 qui suit). — Députés : Roquet du Tertre ; Rouxin des Touches ; Perrin ; Denoual de Launay.

Note 1 : Joseph-Toussaint Denoual était notaire et procureur et demeurait au bourg de Tinténiac (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4833).

Note 2 : Il y avait à Tinténiac, en 1778, un charpentier nommé Jean Arribart et alors âgé de 35 ans (Enquête sur un accident arrivé au coche, Arch. d’Ille-et-Vilaine C 2357).

Note 3 : Perrin était chirurgien, « chargé du traitement des épidémies », et, à ce titre, exemple de la corvée (Ibid., C 4833).

Note 4 : Julien-Mathurin Guihart (ou Guihard) était notaire et procureur de la juridiction de Tinténiac et Montmuran, et il avait été nommé syndic de la paroisse en 1787, il avait été condammé par la Commission intermédiaire, le 26 septembre 1788, à une amende de 12 l. pour sa négligence à remplir ses fonctions de syndic de la corvée (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4833).

Etablissement des griefs particuliers, plaintes, doléances et remontrances du général de la paroisse de Tinténiac, afin d'en obtenir le redressement lors de la tenue des Etats généraux convoqués pour le vingt-sept avril 1789, à Versailles, aux fins de convocation de Monsieur le Sénéchal de Rennes du 24 de ce mois [Note : Publié par E. DUPONT, La condiction des paysans …, pp. 193 et sqq].

MESSIEURS,
Les vues bienfaisantes de notre auguste Monarque, qui assure son peuple de ne vouloir régner que pour son bonheur et la prospérité de ses Etats, sont un motif des plus pressants, des plus affectueux et engageants à répondre à des intentions aussi justes et aussi salutaires. Bénissons l'Etre Suprême de ce que sa divine providence a élevé sur le trône une tête et un chef si digne de régner ; ce saint, ce très chrétien et excellent prince, qui est parfaitement persuadé que Dieu qui a créé les Rois pour tenir sur la terre sa place au-dessus des hommes, ne les a élus à ce haut rang que pour se faire régner lui-même par l'empire de la justice, qu'il met en leurs mains, non seulement exhorte, mais même il veut et commande que son peuple lui fasse connaître entièrement les griefs et les doléances, qui peuvent être un obstacle à son bonheur, pour le lui procurer stable et permanent. Empressons-nous donc de lui exposer nos besoins ; avec quelle confiance ne devons-nous pas y procéder d'après les assurances aussi éclatantes qu'il a consignées dans l'arrêt du Conseil du 24 janvier 1789 et lettres de convocation aux Etats généraux et dans toutes autres circonstances !

Le général de la paroisse de Tinténiac ressent et souffre, avec les autres de la province, les griefs dont les différentes municipalités et corporations ont fait le détail dans leurs arrêtés, et en conséquence, conjointement avec elles, il réclame le redressement des mêmes griefs et doléances, en exposant ceux qu'il souffre en son particulier : le nombre en est assez multiplié.

1° — Au sujet de la suite des moulins : ce droit qu'ont les seigneurs d'y assujettir leurs vassaux dégénère en abus et vexations. Ces seigneurs afferment, à des taux excessifs, leurs moulins ; les meuniers, par là hors d'état de payer le prix de leurs fermes, volent le plus qu'ils peuvent les grains qu'on leur porte à moudre, et ensuite, pour donner un poids plus fort à la farine, ils la font mal ou la mettent dans les endroits humides de leurs moulins pour la faire, comme on vient de l’exposer, peser davantage. Ces gens sont pour la plupart insolvables, et, s’ils ont en leur possession quelques meubles ou effets, ils sont le gage ou l’hypothèque du seigneur propriétaire. Si on se pourvoit contre eux, on perd son temps ; c’est pousuivre un insolvable ; les formalités de justice qu’il faut observer et les frais qui en résultent sont en pure perte pour le mouteau, de manière qu'il voit souvent la moitié de sa subsistance impunément ravie par les meuniers, sans pouvoir y apporter remède. Mais ce qu’il y a encore de plus inique, c’est que, quand les moulins sont en chômage ou cessent de moudre par la sécheresse ou disette d’eau, ce qui dure quelquefois longtemps, les meuniers ne redoutent point de faire assigner les mouteaux et de leur faire payer la mouture de toutes les consommations de grains qui ont été faites chez eux pendant l'an, et ce au taux que les dits meuniers veulent les arbitrer et fixer, de manière que les mouteaux sont grandement grevés de la part des meuniers qui, à l'abri de leur insolvabilité, sont en sûreté à voler impunément ; de la part des procureurs fiscaux qui, sur le réquisitoire de ces meuniers, lancent des assignations tant qu'on veut, et qui, outre l'amende de vingt livres, à laquelle ils concluent et qu'ils ne manquent point de faire pratiquer, quand ils le peuvent, se font rigoureusement et sans ménagement payer des frais de leurs poursuites.

Un autre abus, c'est que les mouteaux ne peuvent avoir chez eux, sans le consentement des seigneurs, des meules à bras ni aucuns petits moulins à moudre du blé noir, de façon que, quand les moulins sont en chômage ou quand les meuniers ne veulent pas moudre, on réduit à périr de faim des petits enfants, qui ne vivent que de la bouillie qu'on fait de ce même blé noir pour leur subsistance ; on réduit les personnes plus âgées à subir le même sort, faute d'avoir la liberté de se procurer des meules à bras pour moudre du grain, de quoi faire du pain dans les temps de dissette d’eau.

Il est donc juste qu'il soit ordonné que les meuniers feront de la farine bien conditionnée, sans pouvoir prendre au delà du seizième, suivant la Coutume, ou qu’en cas de contravention de leur part, il soit permis aux mouteaux d’aller à tels moulins qu’ils voudront, ou que le seigneur propriétaire réponde civilement des tors faits par son meumier , afin que les mouteaux soient à lieu de pouvoir obtenir une indemmnité tant des dits tors que des suites que les mouteaux seront obligés de faire pour parvenir à en avoir réparation, et qu’au surplus il sera loisible aux sujets et mouteaux d'avoir des meules à bras pour en user au besoin (voir note qui suit).

Note : Dans l'aveu rendu par eux au comte de Montmuran et de Tinténiac, le 1er juin 1787, les vassaux du bailliage de Tinténiac reconnaissent qu'ils sont « tenus de suivre les moulins du seigneur situés dans la banlieue de l'étage d'un chacun » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, série E, seigneurie de Tinténiac). L'abbaye de Saint-Georges de Rennes possédait à Tinténiac le moulin banal du Pont à l’Abbesse (P. DE LA BIGNE-VILLENEUVE, Cartulaire de l’abbaye de Saint-Georges, pp. 377 et 466).

2° — La paroisse de Tinténiac est, pour la grande partie dépendante d'un grand bailliage solidaire, égaillable et revenchable, lequel est très considérable ; les rentes y dues sont fortes et se payent en froment, avoine grosse et argent, sans compter des rentes qu'on appelle feulles qui, dans certaine, années, excèdent la valeur des terres y sujettes ; ces rentes se payent en espèces ou à l'apprécis, mais, quelque fortes qu'elle soient, cela n'empêche pas le seigneur d'envoyer pendant les jours de marché, auxquels, suivant que sont vendus les grains, les apprécis sont réglés, ses domestiques ou gens interposés, pour mettre la renchère et les acheter au premier prix que ceux qui les ont à vendre le font ; ce seigneur, non content de cela, surhausse encore de six à sept sous par boisseau de grain les apprécis, quoique réglés par ses juges mêmes à un taux tel que le blé était vendu lors des marchés où l'apprécis avait cours ; si l'on porte les grains à grenier, on y trouve de fortes mesures, et l'on n'y reçoit que des blés élus comme grain à grain.

Ces abus sont à réformer, et il est nécessaire qu'il soit défendu à tout seigneur à qui il est dû des rentes à l'apprécis d'envoyer ses domestiques ou gens interposés acheter des grains de n'importe quelle espèce ce soit pendant le temps qu'on vaque aux apprécis et que, lorsqu'ils percevront les rentes en argent, ils ne puissent excéder le taux des dits apprécis, et que, s'ils les prennent en espèces, ils recevront les grains de la qualité qu'ils ont été trouvés et jugés valoir dans le temps de ces mêmes apprécis (voir note qui suit).

Note : Sommés par leur seigneur de rendre leurs aveux collectifs, les vassaux de chacun des bailliages de Tinténiac, de Cardroc, de la Chapelle-Chaussée, de Trimer et des Iffs obtinrent du Parlement, le 14 janvier 1761, un arrêt qui leur faisait aplication de l’arrêt rendu le 14 août 1755 relativement au bailliage de La Baussaine, dépendant, lui aussi, du comté de Tinténiac et Montmuran. En vertu de ces arrêts, les vassaux de chaque baillage furent autorisés à s’assembler « dans les chambres de délibération, une publication préalablement faite à l’issue des grandes messes paroissiales huitaine auparavant par les sergents des lieux, qui ne pourront exiger plus de cinq sols par chaque bannie, pour être nommés par les présents, en l'absence des défaillants, un syndic et douze délibérants d'entre eux par chaque bailliage pour prendre les délibérations convenables concernant la manière de rendre à la seigneurie de Tinténiac et Montmuran les aveux collectifs et solidaires sur les communications faites par chaques vassaux de leurs titres et pour les autres affaires communes auxdits bailliages ; le syndic de chaque bailliage sera élu dans le nombre desdits douze délibérants, lequel présidera aux délibérations, qui seront valables et auront leur exécution provisoire, ou, en cas d'absence ou d'empêchement légitime du syndic, le plus ancien des douze délibérants présidera, recueillera les voix et indiquera les délibérations, lorsque besoin sera » ; ces délibérants seront élus pour quatre ans ; leurs délibérations seront transcrites sur un registre chiffré par le sénéchal de Tinténiac et Montmuran, registre qui sera déposé, « avec les titres et papiers concernant le général des vassaux de chaque bailliage », dans un coffre garni de trois clefs, dont l'une sera mise aux mains du syndic et les deux autres à celles des deux plus anciens délibérants de chaque bailliage ; « les syndics ou délibérants ne pourront entreprendre aucun procès concernant lesdits bailliages, soit en demandant ou en defendant, sans avoir préalablement pris une consultation de trois avocats postulants au Parlement, vu le mémoire ou le factum qui leur sera servi par le syndic ».

Le 27 septembre 1761, les délibérants du grand bailliage de Tinténiac décidérent de faire procéder, par adjudication « à qui pour moins », au mesurage des terres dépendant dudit bailliage et à la confection de l’aveu collectif ; des annonces furent faites à ce sujet à Tinténiac, La Baussaine, Bécherel, Hédé, Saint-Brieuc-des–Iffs, Trimer et Combourg, et, quelques jours plus tard, Jacques Desiandes, sr de la Ricardais, notaire royal à Hédé, fut déclaré adjudicataire. Celui-ci remplit sa mission « sans qu’on lui ait représenté de titres », et l’aveu fut rendu, le 17 juin 1767, au comte de Tinténiac et de Montmuran. Nous n’avons pas retrouvé le dénombrement détaillé des vassaux et de leurs tenures; nous savons seulement que le rôle comprenait 493 articles, « non compris les articles, héritages et pièces où il est marqué qu’ils sont hors l’égail », que ces 493 articles composaient ensemble 1.875 journaux, 15 sillon, 1 pied « tant en terre arable que préale », et qu’il était dû sur le tout, « par chacun an, de rente féodale, savoir en argent 133 l. 7 s. 8 d. monnaie, y compris 4 l. 6 s. 8 d. monnaie, à quoi ont été appréciés et estimés ci-devant le nombre de 13 poules 1/4, 6 poussins, une paire de gants blancs et un gant à porter l'oiseau, qui étaient aussi dus chacun an par ledit bailliage sur partie des héritages d'icelui, ce qui fait à tournois la somme de 160 l. 1 s. 2 d., par froment 18 mines 7 boisseaux, faisant au boisseau ordinaire 151 boisseaux 3 godets 1/2, et par avoine grosse 290 boisseaux 6 godets 1/2 à la grande mesure, qui est 18 godets par chacun boisseau à la ruche d'avoine seulement, ce qui ne fait que le nombre des boisseaux ci-dessus, et le boisseau de froment composé de 12 godets, et en ce non compris les terres nobles, celles arrêtées et afféagées, ni les terres des Ainages, de la Guichardais, de la Blanchais, des Reliques ni de Tramagouet, pour avoir été réservées..., lesquelles rentes sont dues par voie de solidité et d'antiquité à la seigneurie par chacun an, qui seront et continueront d'être cueillies chaque année à l'avenir, comme au passé, par ceux des vassaux qui seront institués à en faire la cueillette chaque en leur tour et rang, sans cependant que ceci puisse préjudicier aux droits que le seigneur a d'user de la voie de solidité et de se prendre à un seul pour le tout pour se faire rentrer la totalité des rentes ci-dessus ». Par leur aveu, les vassaux reconnaissent encore « que les rentes dont est cas sont dues à leurdit seigneur, ses fermiers ou receveurs, à devoir de portage des grains aux greniers du château de Montmuran, et aux termes ci-après, savoir les grains au terme de Noël de chaque année et l'argent au jour Saint-Barthélemy [24 août] aussi chaque année et, pour prévenir tout ce qui, dans la suite, pourrait entrer en doute et former quelque matière de contestation, déclarent lesdits vassaux que la mine de grains contient 8 boisseaux, mesure de Tinténiac, que le boisseau de froment, mesure de cette seigneurie, est formé de 12 godets, que le boisseau d'avoine à la ruche, suivant l'ancien usage de cette seigneurie, est composé de 18 godets, autrement de 3 raseaux, au lieu de 2, de sorte que 3 boisseaux communs d'avoine n'en forment que 2 à la ruche, le tout relativement aux anciens titres de cette seigneurie, reconnaissent les vassaux que le grand fief et le bailliage de Tinténiac est de nature solidaire, égaillable et revenchable ; qu’en conséquence le seigneur se peut faire rentrer ces rentes par celui ou ceux des tenanciers que bon lui semblera, sans être tenu à aucune discussion, si bon lui semble, sauf au vassal ainsi pris pour le tout à se revencher vers ses consorts contribuables aux fins de la nature du fief et à s’intituer eux-mêmes en ladite juridiction, en suivant le rang et ordre du passé… » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série E, fonds du comté de Tinténiac).

3° — Une perception encore injuste que font les seigneurs, c'est des lods et ventes pour les contrats d'échange. Ces contrats, qui enramagent de plein droit sans bannies ni appropriement, ne sont point soumis, suivant le texte formel de Coutume, aux droits de lods et ventes ; il ne s'opère par l'effet d'un simple échange aucune vente ; c'est seulement une substitution, une représentation d'un bien pour un autre. Ces contrats sont aussi favorables que les remplacements ou assiettes dues aux femmes ou aux maris des biens qui ont été vendus et aliénés pendant leur communauté, et pour lesquels remplacements et assiettes notre Coutume proscrit absolument les lods et ventes ; il est donc équitable que les seigneurs qui les ont induement perçus en rendent raison, et qu'il leur soit défendu d'en percevoir à l'avenir, lorsque ces contrats d'échange seront faits de bonne foi et sans fraude.

4° — La paroisse de Tinténiac éprouve encore bien des torts de la part des pigeons ; tous les seigneurs voisins ont des colombiers ; ils sont au nombre de huit à neuf ; ces seigneurs ont soin de faire peupler le plus qu'ils peuvent ces mêmes colombiers, de façon qu'il se répand une troupe immense ce gibier dans les campagnes, sur les terres non seulement nouvellement ensemencées, mais encore sur les récoltes, soit qu'elles soient encore attachées à la terre, soit qu'elles soient coupées, lorsqu'elles sont à leur maturité ; ils diminuent non seulement la quantité des grains par les consommer, mais encore autant et plus par s'y asseoir et percher.

Les vassaux n'ont jamais reconnu par aucuns titres en faveur des seigneurs devoir nourrir leurs pigeons, ni qu'ils aient un droit de pillage aussi odieux et aussi tyrannique ; tout le monde est intéressé à la destruction d'un gibier si nuisible. Ce qu’il y a encore de singulier, c'est que ces pigeons ravagent et pillent d’autant plus impunément les moissons qu’il est expressément, et sous de grandes peines, défendu de faire feu dessus, même de les prendre par aucuns engins, et, s’il arrive que quelqu’un tire sur ce gibier désastreux, on le poursuit criminellement, on ne cherche rien moins que de le faire condammer aux galères, ou enfin on le ruine totalement ; il est donc du plus grand intérêt pour le public que les colombiers détruits, à moins que les seigneurs n’aient autour des colombiers une si grande étendue de terre en domaine que les pigeons y soient nourris et n’endommagent les récoltes de personne, et que, faute de les nourrir, il sera permis à tout particulier qui les trouvera lui causant du dommage de les tirer à coups de fusil, de même que toute autre bête sauvage et désastreuse.

5° — Il naît encore beaucoup d'abus du côté du droit de chasse, qu'exercent les seigneurs sur les campagnes ; ces messieurs, sans avoir égard aux récoltes de toutes espèces de blés et levées, soit qu'elles soient naissantes, soit qu'elles soient sur le point d'être exploitées, les traversent et ravagent avec les chevaux sur lesquels ils sont montés et grand nombre de chiens, de façon qu'ils causent les pertes les plus sensibles et les plus considérables aux moissons. Rien n'est donc plus urgent que d'apporter du remède à ces abus, et le vrai moyen, à ce qu'il paraît, d'y mettre ordre est de supprimer ces droits de chasse, ou qu'au moins il soit défendu à tout seigneur de chasser ailleurs que sur ses propres domaines ; et alors, s'ils s’endommagent eux-mêmes, ils n’auront aucun sujet de se plaindre et n’en donneront à personne.

6° — L’on ne peut encore s'empêcher de réclamer contre les redevances des corvées de bras, que les seigneurs exigent en nature ; il faut aux vassaux qui y sont sujets s’arracher à leurs plus pressants besoins et tout abandonner, lorsqu’il plait à leurs seigneurs de les mander pour vaquer à ces corvées, et les forcent souvent de travailler les jours de fêtes et de dimanches.

Un seigneur voisin de Tinténiac voulant, il n’y a pas encore bien du temps, forcer ses vassaux de faner du foin un jour dimanche, l'un d'eux lui représenta qu'il voulait aller à la messe ; ce seigneur entra en fureur contre lui, le chargea de coups, le terrassa et lui tira un œil. On est bien éloigné de vouloir refuser aux seigneurs les prestations qui leur sont légitimement dues ; mais, pour leur ôter toute occasion d'exercer des violences contre leurs vassaux et ne pas enchaîner la liberté de ces derniers, il est d'une extrême importance que ces corvées soient appréciées à prix d'argent et payées avec les autres rentes dues aux fins des rôles ; il en résultera un bien général ; les vassaux ne seront point ravis au besoin de leurs récoltes, ils ne seront point arrêtés dans le cours de leurs exploitations, qui sont très urgentes, surtout lorsqu'un mauvais temps et des pluies continuelles et abondantes surviennent dans la saison. Les seigneurs n'y perdront rien, parce qu'au moyen de l'argent qu'ils toucheront des vassaux pour ces corvées, ils trouveront à leur gré des journaliers pour faire les travaux qu'ils exigeront (voir note qui suit).

Note : Dans l’aveu de 1767, les vassaux reconnaissent « qu’ils sont tenus à la corvée de charroi et voiture du moulage pour faire les meules, quand besoin est, chacun à leur tour et rang, et parce que, dans ce cas, les meuniers ne moudront que pour lesdits vassaux, étant ledit seigneur obligé de nourrir hommes et bêtes pendant le temps que les vassaux sont employés à ces sortes de corvées de moulage pour les moulins » (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série E, fonds du comté de Tinténiac) — C’et aveu ne mentionne pas d’autres corvées.

7° — L'on ne peut encore omettre d'observer que les seigneurs sont fort jaloux de la chasse, et ils le sont à un point qu'ils ne veulent pas que les habitants des campagnes aient chez eux aucunes armes à feu, ressource si nécessaire contre les voleurs, les bêtes féroces ou enragées et le gibier destructeur des moissons des campagnes, de façon qu'on réduit ces habitants au cas d'être tués, volés, mordus, sans avoir de quoi repousser efficacement et avec succès ces violences et ces malheurs, qui ne surviennent malheureusement que trop fréquemment aux campagnes, et à voir les pigeons et les corbeaux ravager en sûreté leurs moissons et sans avoir de quoi les repousser et chasser. Il est donc des plus avantageux que tous habitants de campagne, du moins ceux qui possèdent des maisons et terres, aient chez eux un fusil ou garde-maison pour la conservation de leurs personnes et de leurs biens, avec droit de le porter sur leurs terres pour en purger, chasser et tuer les bêtes sauvages et tout gibier, de quelque espèce et qualité qu'elles puissent être, qui pillent, ravagent et mangent leurs récoltes.

8° — Il règne encore en Tinténiac une perception qui ne devrait plus longtemps avoir lieu, c’est celle du havage ; on le lève aux foires principales du dit lieu sur les grains, beurres, autres marchandises et denrées qui y sont exposées ; on a toléré cette perception dans le temps où les seigneurs étaient chargés de la poursuite des crimes jusqu'à l'exécution inclusivement ; mais aujourd'hui que la poursuite de ces mêmes crimes se fait aux frais des domaines du Roi, la dite perception ne doit plus avoir lieu, parce que la même cause du droit de percevoir ne subsiste plus (voir note qui suit).

Note : L’état des droits percus sur la vente des grains dans l’étendue de la subdélégation de Hédé en 1775 (Arch. d’Ille-et–Vilaine, C 1689) mentionne seulement, pour Tinténiac, un droit de minage de 2 d. par boisseau, perçu au marché du lieu, au profit du seigneur de Tinténiac et Montmuran, et rapportant environ 20 l. par an ; mais les enquêtes faites par le subdélégué de Hédé, La Tribonnière, sont fort incomplétes et inexactes. Observons seulement qu’à Hédé, localité voisine de Tinténiac, il était perçu, aux jours de foire, un droit de havage, taxé à raison d’une écuellée, soit un trente-sixième, par boisseau (Ibid.).

9° — Il ne devrait point y avoir de fours banaux ; ils sont plus à l'oppression des sujets qu'utiles ; les fourniers en agissent à peu près comme les meuniers ; ils cuisent fort souvent mal le pain qu'on leur porte et, quoiqu'ils le perdent en partie par la mauvaise cuisson, ils n'en font pas moins assigner et contraindre les sujets d’y aller cuire, lesquels sont obligés d'obéir, effrayés par les formalités de justice qu'il faut observer pour se la faire rendre, l'autorité des procureurs fiscaux et la puissance des seigneurs propriétaires. Est-il donc possible qu'on resserre tellement la liberté de l'homme que de l'assujettir à manger du pain tel qu'il dépendra du caprice d’un fermier de four banal de le cuire et de celui d'un meunier, que la loi répute en quelque sorte comme infâme, de moudre le grain et faire la farine dont ce même pain est provenu ?

Il est donc avantageux pour tout le monde que ces fours banaux soient anéantis et qu'il soit libre à chaque particulier d'édifier un four pour son utilité, ou qu'il lui soit libre d'aller cuire son pain où il voudra (voir note qui suit).

Note : D’après l’aveu du 9 avril 1665, l’abbaye de Saint-Georges possédait à Tinténiac un four banal où elle pouvait contraindre ses vassaux à faire cuire leur pain, moyennant la seizième livres de la pâte. En 1790, le four est mentionné parmi les propriétés de l’abbaye (P. DE BIGNE-VILLENEUVE, Cartulaire de l’abbaye de Saint- Georges, pp. 376 et 466).

10° — Il serait encore bien désirable pour le soulagement de tout le monde que les rentes dues aux seigneurs fussent franchissables, quand même elles seraient solidaires ; la multiplicité des différents bailliages, leurs collectes sont ruineuses pour les vassaux ; ces objets donnent toujours occasion aux procureurs fiscaux de les vexer, non seulement cela, mais par les impunissements des aveux, par lesquels ils ne cherchent qu'à surcharger les vassaux de plus fortes rentes qu'ils n'ont coutume de payer, assujettissement auquel le pauvre vassal fatigué, écrasé de chicanes, donne forcément les mains.

11° — On observera que Tinténiac est un endroit considérable, tant par un gros bourg dont il est composé que par un grand nombre de villages ou hameaux et ménages, bourg où il y a une halle et où il se tient le mercredi de chaque semaine un fort et nombreux marché (voir note qui suit), sans compter quantité de foires, qui ont cours en différentes saisons de l'année ; un siège de police est très nécessaire dans un pareil endroit, pour la sûreté et la tranquillité des habitants et maintenir le bon ordre.

Note : D’après un état des marchés aux grains dressé en 1764, on vendait au marché de Tinténiac plus de seigle et de méléard, « c’est-a-dire de seigle et de froment mêlés », que de froment pur (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 1690).

12° — Attendu la population et l'endroit renommé, commerçant et considérable de Tinténiac, il ne paraît pas hors de propos qu'il fût autorisé à envoyer un député aux Etats de la province, quand ils auront cours, pour le représenter et soutenir ses droits.

13° — Le général de Tinténiac ne peut passer sous silence sa réclamation au sujet des octrois qui se payent sur les boisson qui s’y débite et consomment. Ces octrois tournent au profit de la ville de Hédé et dont la destination n’est guère plus que pour la destination de ses pavés (voir note 1 qui suit), tandis que Tinténiac, qui paye ces octrois, n’a dans l’enceinte de son bourg qu’un mauvais et difforme empierrement, bourg qui était anciennement pavé aux frais de la province (voir note 2 qui suit). Tinténiac est considérable par la population et les commerces qui s’y pratiquent, mais il est en même temps privé de tout privilège ; il est surchargé de la corvée, à laquelle on ne cesse de joindre de nouvelles tâches (voir note 3 qui suit), de fouages, de capitations, de vingtièmes, dont les taux sont à leur comble, de logements et conduite de gens de guerre (voir note 4 qui suit). Enfin Tinténiac est une des paroisses de la province les moins ménagées ; qu'on lui accorde donc au moins ses octrois pour frayer à paver son enceinte, ou que toutefois la province en fasse les frais ; et à l'égard de la suppression de la corvée des grands chemins, le général de la paroisse de Tinténiac la réclame expressément avec les municipalités et corporations de la même province.

Note 1 : L'octroi de Hédé consistait dans la perception d'un droit de 6 d. par pot de vin et de 4 d. par pot de cidre vendus et débités dans la ville, dans ses faubourgs et dans les paroisses de Guipel, des Iffs, de Tinténiac, de La Chapelle-Chaussée, de Bazouges et de Saint-Symphorien, et le produit de ce droit était employé aux réparations et entretien des pavés et grands chemins et aux autres charges de la communauté de Hédé. Ce droit fut augmenté de 3 d. par pot de vin et de 2 d. par pot d'eau-de-vie, en vertu d'un arrêt du Conseil en date du 9 avril 1748, et des lettres patentes du 24 mai 1778 imposèrent à la communauté de payer annuellement au Roi, sur le produit de ces taxes, une somme de 800 l. La dernière adjudication, qui eut lieu le 16 février 1781, fut passée, moyennant 1.060 l., au profit du sr Petit, directeur des devoirs à Rennes, mandataire et caution de Julien Dupré, également de Rennes. Dans la lettre qu'il écrivit à Necker, le 7 janvier 1781, pour lui donner un avis favorable à la prorogation de cet octroi, l'Intendant disait : « La communauté de Hédé, comme toutes les autres villes de Bretagne, n'a que des revenus très bornés relativement à ses charges et aux dépenses vraiment essentielles qu’elle aurait à faire. Le produit des droits dont elle demande la continuation est d’environ 1.900 l. par an en temps de guerre, attendu que la consommation est un peu plus forte, mais en temps de paix il ne va pas à plus de 1.600 l. » (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 798). Quand elle fut chargée de l’entretien de la grande route, la paroisse de Tinténiac objecta qu’elle payait les droits à Hédé et que, par conséquent, cette dernière ville devait être chargée de l’entretien des banlieues et notamment de la montagne en question. Dans son rapport du 13 décembre 1788, l’ingénieur Piou répondit : « La communauté de la ville de Hédé n’ayant que des octrois très bornés, la province est venue à son secours pour la construction de la montagne de Hédé, que la communauté de Hédé n’eût pas pu faire en vingt ans, et son entretien lui serait aussi onéreux, ayant beaucoup au-delà de ses moyens à entretenir la traversée de sa ville, qui est très longue. D’ailleurs, s’il suffisait, pour être exempt de la corvée, de payer les octrois à Hédé, les paroisses, de Vignoc, de Saint-Brieuc-des-Iffs, etc ., pourraient avoir la même prétention, ainsi que beaucoup d’autres paroisses dans la province qui payent les octrois dans les villes dont elles sont voisines, et cela à cause des marchés et foires dont elles profitent » (Ibid., C 4833).

Note 2 : Sous l’active impulsion de duc d’Aiguillon, commandant en chef en Bretagne depuis 1753 jusqu’en 1768, les grandes routes de la province furent considérablement améliorées et beaucop de voies nouvelles furent ouvertes, notamment après les descentes des Anglais en 1758. Ces travaux donnèrent lieu à de nombreux et lourds charrois de matériaux, qui causèrent de grands dégâts aux pavés de certains bourgs ; aussi, pour ce qui est de la route de Rennes à Saint-Malo, les pavés de Tinténiac, de Saint-Pierre-de-Plesguen, de Châteauneuf et de Saint-Jouans-des–Guérets furent ils refaits, en 1760, aux frais de la province. Des travaux furent exécutés, également, sur les fonds de la province, en 1776-1777 pour la subtitutions de l’empierrement au pavage (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 2357 et 4889).

Note 3 : La tâche de Tinténiac se faisait sur la route de Rennes à Saint-Malo, à l'extrémité du territoire de la paroisse ; elle était, en 1788, longue de 2.735 toises (Arch. d’Ille-et-Vilaine, C 4883). A cette tâche avaient été ajoutés, par ordonnance de l'intendant Caze de la Bove du 10 mars 1781, l'entretien de la traverse du bourg, qui en avait été exclue jusqu'alors, puis, par ordonnance de la Commission intermédiaire du 10 juin 1788, l'entretien de 224 toises d'empierrement sur la montagne de Hédé, paroisse de Bazouges-sous-Hédé. Les habitants de Tinténiac protestèrent contre cette nouvelle charge, en alléguant qu'ils n'avaient jamais participé à cet entretien, que cette montagne se trouvait hors de leur territoire, qu'ils supportaient le logement des gens de guerre, qu'ils payaient les octrois de Hédé et que la longueur de leur tâche excédait désormais le taux réglementaire d'une toise par livre de capitation. A cette dernière observation, l'ingénieur Piou répondait, dans son rapport du 13 décembre, déjà cité, que le règlement de 1757, s’appliquait uniquement à la corvée de construction des routes, mais que, pour la corvée « de simple entretien de route…, l'usage, depuis près de trente ans, a été de charger les paroisses de l’entretien des parties de route entièrement perfectionnées, sans avoir égard au taux de la capitation intrinsèque des corvoyeurs… ». Pour ce qui est de l’emplacement de cette tâche, l’objection est ainsi réfutée : « des 1.500 paroisses assujetties à la corvée dans la province, il n’y en a peut-être pas cent dont la tâche soit en entier sur son sol, et, si cette condition était nécessaire, il faudrait abandonner l’entretien des chemins » (Ibid., C 4833). — Ajoutons que, depuis plusieurs années, les ingénieurs se plaignaient du mauvais état de la tâche de cette paroisse (Ibid., C 2397, 4833 et 4883).

Note 4 : Dans son mémoire contre l’augmentation de corvée qui lui avait été imposée en 1788, la paroisse de Tinténiac déclarait qu’elle partageait avec Hédé le logement des troupes, charge que n'avaient pas les autres paroisses. Or, répond l'ingénieur Piou dans le mémoire déjà cité, « le tiers des paroisses de la province assujetties à la corvée ont cela de commun avec Tinténiac, telles que Bécherel, Combourg, Bazouges-sous-Hédé, Antrain, etc . ; quelques-unes ont voulu, à l'exemple du général de Tinténiac, demander l'exemption ou diminution de corvée, elles ont été déboutées ; la corvée est liée avec le logement de guerre, l'une n'exempte pas de l'autre » (Ibid.).

14° — Il est encore un point bien remarquable, c'est au sujet de l'ouverture de grands chemins. Ces grands chemins ont été tracés sur les terres des particuliers et ils en ont beaucoup perdu ; cependant, ces particuliers non seulement n'ont point été indemnisés des pertes qu'ils souffrent de la privation de leur terrain (voir note qui suit), mais même ils sont encore obligés de continuer de payer aux seigneurs les rentes comme du temps qu'ils possédaient le dit terrain. Le public, pour lequel sont ouverts ces grands chemins, devrait être tenu d'indemniser les particuliers des pertes qu'ils ressentent, ou que du moins ces derniers fussent affranchis et libres vers les seigneurs des rentes et redevances dont les dits terrains perdus étaient avant ce temps chargés et tenus.

Note : Les ordonnances générales réglementant le service des Ponts et Chaussées en Bretagne, — notamment la fameuse ordonnance de l'intendant de la Tour, en date du 23 décembre 1730, qui a établi la corvée dans la province — ne parlent pas d’indemnités pour expropriation de terrains (Arch d’Ille-et-Vilaine, C 2261). Il en est de même dans les ordonnances particulières : celle, par exemple, de l’intendant Camus de Pontcarré, en date du 30 mai 1747, qui réglait la largeur de la route de Rennes à Châteaubriant, prescrivait l’expropriation, sans indemnité, des terrains nécessaires à la régularisation de cette largeur (Ibid., C 2262). En pratique, on dédommagea seulement les propriétaires de champs dans lesquels on faisait ouvrir des carrières, ceux des terrains pourvus de clôtures et ceux de maison habitées frappés d’alignement (J. LETACONNOUX, Le régime de la corvée en Bretagne au XVIIIème siècle, dans les Annales de Bretagne, t. XXI, 1905-1906, p. 157). De fait, les nombreux dossiers de demandes d’indemnités formulées entre 1776 et 1789 par divers propriétaires de Tinténiac, dont les immeubles avaient été touchés par les travaux d’étargissement et de rectification de la grande route, nous montrent l’application de cette règle : ceux-là seuls ont reçu une indemnité qui possédaient des bâtiments ou des terrains clos (Ibid., C 2357 et C 4833).

15° — Enfin, on ne peut s'empêcher de faire une représentation au sujet du bénéfice ou cure de la paroisse de Tinténiac. Cette cure n'est qu'une modique portion congrue de 500 livres par an et le curé n'a encore pu toucher la légère augmentation de la dite portion, que la bienfaisance du Roi a accordée depuis plusieurs années ; la paroisse de Tinténiac est, comme on l'a déjà dit, fort étendue ; il y a beaucoup de pauvres (voir note qui suit) ; le pasteur est souvent obligé de partager avec eux sa subsistance, de manière à ne lui rester pas un sou en poche. Ce pasteur, de même que tous les autres des paroisses de campagne, est obligé d'aller de jour et de nuit visiter les malades, qui sont souvent fort éloignés des presbytères ; ils supportent le poids des administrations des sacrements, des confessions, enfin de toutes les instructions dont les peuples ont besoin ; faut-il donc qu'ils soient bornés à une si petite portion des biens ecclésiastiques, dont regorgent tant de monastères, tant de décimateurs et tant d'institutions d'ordres oisifs et inutiles !

Note : Les pauvres de Tinténiac participaient au bureau de charité des Iffs, on leur distribuait, en outre, le produit d’un dîmereau qui valait de 30 à 40 boisseaux de blé (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série G, Pouillé de l’évêché de Saint-Malo, v° Tinténiac ; GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, t. III, p. 387).

S'il est vrai que les bénéfices ne sont conférés que propter officium, quelle justice n'y a-t-il pas à faire refluer sur ces bons et charitables pasteurs une juste rétribution de l'étendue de leurs cures et des soins et travaux qu'il faut essuyer pour dignement les desservir ? Or, on observe que l'étendue de Tinténiac est au moins de six lieues de contour, qu'un seul recteur et curé ne peuvent qu'à peine suffire à desservir, hors le cas de maladies épidémiques, devoir qu'il leur est en quelque façon impossible de remplir dans l'événement de ces maladies. Il est donc de toute nécessité qu'il soit ajouté à la cure de Tinténiac au moins un second curé (voir note qui suit), lesquels curés ne pourront avoir moins d'appointement chacun que huit cents livres par chacun an, sans comprendre ceux que le recteur ou pasteur recevra aussi par chacun an, qui ne pourront être moindres de deux mille quatre cents livres : les dits appointements à lever et répartir soit sur les décimateurs, soit abbés ou commendataires, ainsi que la haute sagesse de Sa Majeste l'avisera.

Note : La Déclaration de l’abbesse de Saint-Georges en 1790 mentionne l’existence de deux curés (vicaires) à Tinténiac ; mais l’un de ces curés était exclusivement attaché à la desserte de la trêve de Trimer, bien qu’il résidât à Tinténiac (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série G, Pouillé de l’évêché de Saint-Malo, v° Tinténiac, GUILLOTIN DE CORSON, Pouillé, t VI, p 425 et n. 4).

Comme la perception des dîmes est différente presque en tous cantons de la province, et qu'une pareille perception n’a pu provenir que d’usurpation et possession abusives, et que d’ailleurs cela fait un trouble et engendre beacoup de contestations et procès ruineux, ce que le général de Tinténiac n’a pas laissé d’éprouver plusieurs fois, il est de nécessité qu’une bonne fois la perception des dîmes soit fixée : le général de Tinténiac réclame qu’elle soit fixée à la vingtième gerbe.

Par les lois, chaque propriétire doit avoir en son pourpris ou jardin au moins un arpent de terre franc de dîmes ; cependant, les décimateurs y lèvent les dîmes, soit que le jardin soit ensemencé en lin, chanvre ou autre espèce de levées, comme orge, paumelle, etc. (voir note qui suit).

Note : Les dîmes de Tinténiac se percevaient au douzième sur les froments, seigles, orges, avoines, paumelles, blés noirs, lins et chanvres. Elles appartenaient à l’abbaye de Saint-Georges de Rennes, qui les louait en 1789, savoir : grosses dîmes du trait Buchet, à Pierre Arribart, moyennant 400 l., 70 boisseaux de seigle et 100 boisseaux d’avoine grosse, mesure de Tinténiac, le tout montant à 760 l. ; toutes les dîmes du trait de la Besnelaie, à Jean Sevegrand, moyennant 110 boisseaux de seigle, 30 boisseaux de froment rouge, 45 boisseaux de blé noir, 25 boisseaux d’avoine grosse, mesure de Tinténiac, « bon grain, bien sec, net, grélé, loyal et marchand, fournissable aux greniers de l’abbaye, net et quitte de tous ports, frais, etc., dans le courant du moins d’octobre », le tout valant 1.145 l. ; toutes les dîmes du trait des Bois, au même, 818 l. ; grosses dîmes du trait de la Ville, à Julien Aoustin, de la Landelle en Saint-Domineuc, 1.180 l. ; grosses dîmes du trait de la Garde, à Julien Commereuc, 1320 l. ; les dîmes vertes du trait Buchet et du trait de la Ville faisaient partie du bail d’une ferme tenue de l’abbaye par le sr Ginguené. Le prieuré de la Madeleine possédait un petit dîmereau, affermé 60 l. à un prêtre nommé Briot, qui demeurait à Trimer. — En dehors des dîmes, l’abbaye de Saint-Georges possédait à Tinténiac la juridiction dont le greffe était affermé 136 l., un four et un moulin bannal, la métairie de Brominicy, affermée 840 l., et quelques prairies — Elle payait au recteur et à deux curés (vicaires) 1400 l. de portion congrue (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série L., District de Saint-Malo. Etat de la commune de Tinténiac en 1790, pp. 1-8 ; P. DE LA BIGNE-VILLENEUVE, Cartulaire de l’abbaye de Saint-Georges, pp. 466 et 648).

La perception des dîmes n'est pas moins dure de la part des seigneurs, qui jouissent de dîmes inféodées. Ces messieurs, non contents de cette perception, qui n'est pas plus réglée que celle des gros décimateurs ecclésiastiques, et qui d'ailleurs n'a été primitivement accordée aux seigneurs qu'en faveur de l'abandon ou des rentes et redevances auxquelles pouvaient être assujetties les terres sur lesquelles ces mêmes seigneurs néanmoins perçoivent leurs dîmes sans aucune diminution des mêmes redevances et à ce moyen lèvent un double impôt, à la grande oppression des propriétaires des mêmes terres (voir note qui suit).

Note : La dîmereau de la Besnelaie appartenait en 1790 à M. Henry de Beauchamps, comme mari de Jeanne de la Corbinais (Arch. d’Ille-et-Vilaine, série L. District de Saint-Malo. Etat de la commune de Tinténiac en 1790).

Enfin, résumant le tout, l'assemblée a été d'avis de se plaindre de ce qui suit :

[Puis le cahier reproduit intégralement les Charges et se termine ainsi :]

Le présent cahier fait et arrêté en la sacristie de l'église paroissiale de Tinténiac sous les seings ci-après, les autres ne sachant signer, et le nôtre, ce trente-un mars 1789.

[31 signatures, dont celle du président Ruaulx].

(H. E. Sée).

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