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LE CHATEAU DE TONQUÉDEC |
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NOTICE HISTORIQUE
Les fières ruines de Tonquédec, le site magnifique que le voyageur découvre de son esplanade ont acquis depuis longtemps une juste célébrité. Les châteaux de ville exceptés, on peut dire que celui-ci ne compte pas de rival dans les trois évêchés de Tréguier, de Cornouaille et de Léon.
Aussi l'a-ton surnommé « le Pierrefonds de la Bretagne » dans le temps même où Viollet-le-Duc popularisait le château de Louis d'Orléans en le restaurant avec cette verve un peu trop généreuse que l'on sait. La comparaison, archéologiquement, ne se défend pas. Toutes proportions gardées, le plan de la forteresse — bâtie sur la rive droite du Leguer, à deux bonnes lieues au sud et en amont de Lannion, et suivant la règle, au sommet de l'éperon formé par un petit affluent se rattache plutôt à celui de Coucy, par son enceinte trapezoïdale, sa porte renforcée d'une baille, son donjon isolé. Mais si Tonquédec ne rappelle pas plus Pierrefonds que Kerjean ne rappelle Versailles, il est légitime de laisser à ce rapprochement le sens d'un pieux hommage rendu par la province bretonne au témoin superbe de son glorieux passé.
Aux études vieillies dont Tonquédec avait déjà fait l'objet M. de la Borderie a apporté des corrections capitales et notamment la date de fondation de l'édifice actuel. Mais il n'a cité que deux campagnes de construction et s'est trompé dans leur répartition sur le terrain. En réalité il y en a au moins quatre. J'ai été assez heureux pour mettre à jour les deux dates principales qui manquaient encore, et découvrir sous les revêtements de la première campagne quelques vestiges des fortifications antérieures dont on avait été, faute de renseignements, jusqu'à suspecter l'emplacement [Note : J. Geslin de Bourgogne et A. de Barthelemy, Anciens Evêchés de Bretagne, Histoire et monuments, 1855-1879, 6 vol. in-8°, t. V, p. 157]. Sur cette nouvelle base, j'ai tenté une petite monographie archéologique qui a déjà été publiée ailleurs [Note : Alfred de la Barre de Nauteuil, le château de Tonquédec (notice archéologique), dans le Bulletin monumental dirigé par Eugène Lefèvre-Pontalis, professeur à l'Ecole Nationale des Chartes, sous les auspices de la Société française d'archéologie, t. LXXV, année 1911, p. 43-76. Plan en couleurs, planches et figures] et à laquelle la présente notice a pour but de servir d'introduction historique.
Dans ce domaine, les papiers des Bénédictins à la Bibliothèque nationale et les registres de la Chambre des comptes de Bretagne aux archives départementales de la Loire-inférieure, m'ont fourni plusieurs renseignements inédits, dont une date nouvelle relative à l'édification du château, et m'ont permis de rectifier quelques points de son histoire et de la chronologie de ses seigneurs. Deux mots inaperçus des intéressants mémoires de Charles Gouyon de la Moussaye m’ont aussi révélé le temps d'une autre période de la construction.
Ainsi, bien servi par le hasard qui n'est pas toujours si clément aux chercheurs, ai-je tenté de continuer l'œuvre de mes devanciers. Si étroit qu'il soit, je ne prétends d'ailleurs pas avoir épuisé le sujet, trop heureux si l'on m'accorde de l'avoir éclairci.
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Les origines. — Nous ne savons rien de la fondation de Tonquédec. On avait voulu voir dans ce nom l'indication d'une origine militaire (traon, vallée, guedec, garde). Mais M. J. Loth démontre que cette étymologie est impossible et qu'il n'y a là qu'un nom d'homme devenu nom de lieu [Note : Je tiens à remercier spécialement le savant professeur de philologie celtique au Collège de France d'avoir bien voulu me communiquer ses conclusions sur ce point. Tonkedec, dit-il, nom d'homme, dérivé de Tonket, destinée, a dû passer par la forme primitive de Tonkadoc. Je la trouve en effet dans une charte de 1231].
Il n'a pas été signalé dans les textes avant le XIIIème siècle. Alain, vicomte de Tonquédec, paraît en 1231 dans une donation de son père Geslin à l'Abbaye de Beauport [Note : Geslin de Bourgogne et A. de Barthelemy, op. cit., t. IV, p. 91]. Il était du sang des ducs de Bretagne de la maison de Rennes et juveigneur de cette célèbre branche de Penthièvre dont la puissance venait d'être abattue en la personne d'Henri d'Avaugour, son cousin-germain [Note : Geslin de Bourgogne et A. de Barthelemy, op. cit., t. IV, p. 75, 78, 83, 95]. On sait que ce malheureux prince, fiancé d'abord à l'héritière du duché, s'étant ensuite vu ravir par le Capétien Pierre Mauclerc la couronne avec la femme, était alors dépouillé de ses propres biens et réduit au Goëlo. Tonquédec, sous la chatellenie de Lannion, n'appartenait pas à ce comté, au contraire de la Seigneurie de Coëtmen dont Alain est qualifié vicomte à partir de 1257. Se fondant sur ce fait et sur une enquête par témoins de la fin du XVème siècle [Note : 1485. — Bibl. Nat., fr. 8269, f° 259 (suppl. fr. 2338). 1486. — J. Geslin de Bourgogne et A. de Barthelemy, op. cit., t. VI, p. 245 à 253], les historiens bretons ont admis, malgré le silence des chartes, que le père d'Alain, Geslin, avait reçu Coëtmen en apanage d'Henri d'Avaugour, son neveu et chef de maison, tandis qu'il aurait acquis par alliance le fief éloigné de Tonquédec. Alain, qui fut en effet vicomte de Tonquédec du vivant de son père, aurait hérité de Coëtmen à la mort de celui-ci [Note : Une enquête antérieure (26 nov. 1419), que je crois inédite, témoigne dans le même sens (Bibl. Nat., fr. 22318, Blancs-Manteaux 35, p. 1 et 3). Une généalogie de « Pentevre-Coëtmen » attribuée à Dom Lobineau, prétend même que les titres de l'abbaye de Beauport qualifient Geslin « mary de la vicomtesse de Tonquédec » (Bibl. Nat., fr. 18711, p. 165). Mais il faut sans doute entendre par là l'enquête faite à la dite abbaye en 1486].
Quoiqu'il en soit, le rameau dont Alain fut la tige et qui pendant près de trois siècles donnera ses seigneurs au château de Tonquédec, porte dans l'histoire le nom de Coëtmen. C'est même dans l'établissement de leur chronologie une cause fréquente d'incertitude, les deux fiefs n'ayant pas été constamment réunis sur la même tête.
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Les Coëtmen. — Alain, vicomte de Tonquédec jusqu'en 1253, de Coëtmen à partir de 1257, vit encore en 1260 [Note : J. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy, op. cit., p. 139, 147 et 154].
En 1270, le vicomte de Tonquédec emprunte cent livres au duc Jean I le Roux pour la croisade [Note : Dans un certain « vicomte Alain » qui figure avec lui sur le même compte, on a voulu voir Alain de Coëtmen et, dans le vicomte de Tonquédec, Rolland, Ier qui serait son fils. M. de la Borderie s'est demandé au contraire dans son Histoire de Bretagne si cet Alain n'est pas un Rohan. Le classement des premiers Coëtmen a d'ailleurs embarrassé les généalogistes dont les conclusions sont contradictoires. Voyez Dom Lobineau, Généalogie Pentevre-Coëtmen, dans Bibl. Nat., fr. 18711, p. 165 ; A. de Barthélemy, Généalogie historique des Sires de Coëtmen, vicomtes de Tonquédec, en Bretagne, dans Rev. Nobil., 1865 ; J. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy, op. cit., t. V, p. 142 et suivantes. La généalogie manuscrite de Dom Lobineau, souvent vérifiée par les textes, n'est pas citée par ses successeurs qui ne l'ont pas remplacée].
En 1283, Rolland, vicomte de Tonquédec, sert de pleige et d'otage au sire d'Avaugour dans un accord avec le duc de Bretagne, Jean I.
En 1294, la guerre ayant éclaté entre Philippe le Bel et l'allié du duc, le roi d'Angleterre Edouard I, le vicomte de Tonquédec se rend à la semonce ducale et reconnaît devoir « V chevaliers pour lui e pour Monsour Rolland de Dynam dou fié que le dit Rolland tient de lui ».
Le 7 juin 1298, Prigent de Coëtmen, vicomte de Tonquédec, transige pour 3.000 livres au sujet des dommages causés au vicomte de Léon, son beau-père, par le feu duc Jean I [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, E. 24].
Au commencement du siècle suivant, l'ancien Penthièvre se trouva réuni entre les mains de Gui de Bretagne par l'apanage que lui avait constitué le duc Jean III, son frère, et par son mariage avec Jeanne, dernière descendante d'Henri d'Avaugour, héritière de ses droits et des biens qui lui étaient restés. Cette alliance apporta en outre à la dynastie nouvelle le prestige et la popularité de l'ancienne maison de Penthièvre et le dévouement de toute la chevalerie vassale. Ainsi dans les guerres qui naquirent de cette dangereuse puissance et ensanglantèrent le XIVème siècle, allons-nous voir les Coëtmen prendre le parti de celui qu'ils traitent en Suzerain, Blois contre Montfort, et plus tard Clisson contre Jean IV.
Mais pendant longtemps il n'est plus explicitement question de Tonquédec. Gui, mort en 1331, Rolland II qui lui succède, et le fils aîné de ce dernier, Jean, marié en 1340 à Marie de Dinan, portent le titre de vicomte de Coëtmen. Les annales de la guerre de succession de Bretagne signalent plusieurs fois leur présence, en 1346, en 1351, à l'armée de Charles de Blois, en 1352 parmi les seigneurs qui souscrivent les pouvoirs des ambassadeurs chargés de négocier la délivrance de ce prince, captif depuis la Roche-Derrien, enfin à la bataille d'Auray (1364), où fut tué le prétendant, « Et le vicomte de Coësman - Et Glequin le bon chevalier - Furent desconfis et prisonnier » [Note : Guillaume de Saint-André, Le Livre du bon Jehan, duc de Bretaigne, édit. Charrière, p. 472, dans la collection de Documents inédits sur l'histoire de France].
Mais alors apparaît Rolland III dont le nom domine l'histoire du château. Il devient en 1371 vicomte de Coëtmen et de Tonquédec. Au siège de Bécherel, sous la bannière du Sire de la Hunaudaye (1371), en Bretagne où dix de ses hommes d'armes sont à la solde du roi « pour la garde et sûreté de ses forteresses » (1372), en Normandie avec trois autres chevaliers et quatorze écuyers sous le duc de Bourgogne (1378), il sert le parti de France qui avait été celui de son prince vaincu. S'il a prêté en 1371 serment de fidélité au duc Jean IV [Note : 22 novembre, Arch. de la Loire-inférieure, E. 142], c'est que celui-ci, habilement neutralisé par Charles V, se tenait alors, malgré ses attaches anglaises, momentanément en dehors de la lutte. Toutefois la tentative d'annexion de la Bretagne au domaine royal le jette dans la ligue des seigneurs bretons pour l'indépendance (1379) il est même de l'ambassade qui rappelle d'Angleterre le duc exilé.
Mais la paix le ramène au roi. En 1383, sous Clisson, il conduit une compagnie à la deuxième expédition de Charles VI en Flandre. Les fiançailles de Margot de Clisson avec le fils de Charles de Blois l'attachent définitivement au connétable en qui revit la cause de Penthièvre, et quand vient la rupture du duc et de ce dernier, c'est Rolland qui reprend Guingamp, l'une des places arrachées par le guet-apens de l'Hermine (1387). Il est à Tours lors de l'inutile intervention de Charles VI (déc. 1391), rentre en campagne après l'attentat de Pierre de Craon (1392), capitule dans la Roche-Derrien (1394), mais n'en continue pas moins la guerre dans l'armée de Clisson jusqu'à la fin des hostilités.
Le château de Tonquédec, pris par Alain du Perrier [Note : Selon d'Argentré, Histoire de Bretaigne, édit. 1604, f° 532], maréchal de Bretagne, était alors tombé aux mains du duc qui en avait confié la garde « avec que certaines artilleries et provisions qui dedans estoient » à son chambellan Henry du Juch. Malgré la sentence arbitrale du Duc de Bourgogne qui le rendait à Rolland, Jean IV se vengea de son vassal rebelle « en faisant démolir et abattre le dit chastel » (1395) [Note : Entre le 24 janvier, date de la sentence arbitrale du Duc de Bourgogne (Dom Morice, Mémoires pour servir de preuves à l'histoire de Bretagne, t. II, p. 639) et le 8 juin, date de la lettre par laquelle le duc décharge Henri du Juch (Ibid., t. II, p, 649)].
C'est de cette place forte que j'ai retrouvé quelques restes sous les parements des constructions qui lui succédèrent au siècle suivant. Mais je n'ai pu en éclairer les origines.
Le traité d'Aucfer (19 oct. 1395), qui mit fin à cette longue guerre et ramena pour jamais Rolland III à son duc Jean IV, stipulait spécialement : « le dit comte de Penthièvre obéira, nonobstant la démolition et abatue du chastel de Tonquedeuc, et sans ce que le dit comte en face jamais demande audit Duc, ne à autre à cause de luy. Et aussi fera le Sire de Cliczon. ». Par cette clause, le vainqueur parait aux demandes d'indemnités futures [Note : Cf. A. de la Borderie, Les monuments de l'architecture militaire du moyen-âge en Bretagne, dans Bulletin Archéologique de l'Association Bretonne, 3ème série, t. V (1885), p. 188, note 2]. Pendant la minorité de Jean V, Rolland n'en obtint pas moins du Duc de Bourgogne, tuteur du jeune duc, qui lui-même faisait réparer ses forteresses de Bretagne, trois mille livres « par cause de la démolition de son chastel de Tronquedec » (22 novembre 1406) [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, E. 209 ; quittance publiée par A. de la Borderie dans Bulletin Archéologique de l'Association Bretonne, 3ème série, t. XII (1893-1894), p. 161. Le même jour, Rolland prêta serment de fidélité et d'assistance au duc (Arch. de la Loire-Inférieure, E. 144). A. de Barthelemy (op. cit.) dit sans référence que Rolland reçut en 1408 « mille livres pour l'aider à réparer Tonquédec »].
Rolland III dut entreprendre dès cette époque la reconstruction de son château qui dura sans doute plusieurs années et dont le plan comprenait une seule enceinte avec forte tour d'angle commandant le plateau et donjon extérieur à la pointe de l'éperon. Contrairement à ce qu'a dit M. de la Borderie [Note : Les monuments de l'architecture militaire du moyen-âge en Bretagne, loc. cit., p. 188 et 189], l'œuvre de Rolland III ne nous est pas parvenue entière, le front ouest, comme nous le verrons plus loin, ayant fait place, vers 1474, sous le vicomte Jean II, au beau corps de logis qui borde aujourd'hui la vallée du Leguer.
Rolland III qui s'était fait remarquer par son opposition aux deux ducs de Bourgogne, en 1402, lorsque Philippe le Hardi prit la régence de Bretagne, et en 1408, aux Etats de Vannes, lorsque Jean sans Peur eut marié sa fille au comte de Penthièvre, mourut fidèle à son prince vers 1417 [Note : Bibl. Nat., ms. fr. 22331 (Bl.-Mant. 47), p. 577. Cf. aussi l'enquête de 1419 (supra p. 5, note 4) et René Blanchard, Lettres et mandements de Jean V, duc de Bretagne, actes de 1407 à 1419, Nantes, 1890, in-4°, p. 264].
Olivier, vicomte de Coëtmen, son fils [Note : Bibl. Nat., ms. fr., 22331 (Bl,-Mant. 47), p. 446. Dom Lobineau, Histoire de Bretagne, t. II, col. 1005] chambellan du duc Jean V, le soutint d'une compagnie de gens d'armes dans sa lutte contre Margot de Clisson (1420), prit part avec son frère Rolland à la ratification du traité de Troyes par le duc et les Etats de Bretagne (9 sept. 1427), et mourut sans enfants d'Anne de Keranrais vers 1430.
Rolland IV qui succéda à son frère 0llivier [Note : Bibl. Nat., ms. fr. 22331, p. 446 et 562 ; pièces originales, vol. 798, dossier 18137, pièce 3], également chambellan du duc, obtint du pape Eugène IV l'érection en collégiale de l'église paroissiale de Tonquédec (1447), se signala par des querelles de préséance aux Etats (1451-1455), et s'en fut chez les Turcs finir une vie pleine de procédures (1458). Il était peut-être déjà mort, qu'aux Etats de Vannes son fils, en son nom, soutenait encore ses anciennes prétentions (1462).
Jean II, le second fils, qui devait les reprendre vingt-quatre ans plus tard, d'abord sr de Châteaugui, puis de Tonquédec (dès 1460), hérita vers 1468 de son frère ainé Olivier (intitulé vicomte de Coëtmen depuis 1464 et mort sans hoirs de sa malheureuse femme Isabeau de Kermelec), mais ne succéda définitivement qu'en 1471 à son père dont la mort fut sans doute alors officiellement reconnue [Note : Bibl. Nat., ms. fr. 22361 (Gaignières 659), p. 612 et ms. fr. 22318 (Bl-Mant. 35), p. 5, 19. Arch. de la Loire-Inférieure, B. 3, f° 14 et B. 6, f° 140].
Successivement homme d'armes sous le Sire du Pont, écuyer-résident du duc Arthur III, qu'il accompagnait à Tours lorsqu'il refusa pour la première fois l'hommage lige au roi Charles VII, gendarme des ordonnances du duc François II (vers 1461), capitaine de 49 hommes d'armes et 277 archers lors de la Ligue du Bien Public (1465), de 40 hommes d'armes et 80 archers lors de la nouvelle coalition féodale de 1472, commissionné chaque année pour faire les montres et commander les gens de guerre dans l'évêché de Tréguier [Note : Bibl. Nat., ms. fr. 16821, f° 161, v°, et ms. fr. 22313, p. 5. Dom Morice, Mémoires..., t. III, col. 139. Dom Lobineau, Histoire..., t. II, col. 1288, 1318, 1325, 1331 (montres de 1461 à 1472)], Jean II de Coëtmen profita du répit qui suivit la trêve du 15 octobre 1472 pour mettre les défenses de son château de Tonquédec en état de répondre aux progrès de l'artillerie et le palais seigneurial au goût du jour.
Par tout le duché, en ces temps relativement paisibles, les ingénieurs militaires donnaient l'exemple, à Josselin, Quintin, Montauban, au Tiercent, à Ancenis, Kerouzeré (1458-59), à Malestroit (1463), à Rieux, Dinan, Clisson (1469) et ailleurs [Note : Bibl. Nat., ms. fr. 16821, passim.], à Nantes même où Jean, membre du conseil et chambellan du duc, avait pu voir s'élever le célèbre « Grand Logis » (1466). Plus récemment encore, il avait reçu mandement d'examiner les réparations notoires à faire à la ville de Dol (1472). A son tour, il demanda et obtint le 19 novembre 1473 l'octroi « d'un debvoir de billot au XXème sur les vins et autres bévaiges vendus et détaillez en la chatellenie et seigneurie de Toncquedec…. jusques au temps de trois ans commençant au 1er jour de janvier prochain venant… pour en estre les deniers emploiez à la fortiffication et emparement de la dite place de Toncquedec et non ailleurs » [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, B. 7, f° 163, v°. Cette analyse est mentionnée dans d'anciens inventaires de la Chambre des Comptes de Bretagne, Bibl. Nat., ms. fr. 16821, f° 168, v° et ms. fr. 22318, p. 568. M. de la Borderie en attribuant au règne de François II la basse-cour du château, ce qui est à la fois trop et pas assez dire, annonçait une preuve écrite qu'il n'a pas, à ma connaissance, publiée (Les monuments de l'architecture militaire..., loc. cit., p. 189)]. C'est alors sans doute qu'il entreprit de construire, dans un bel appareil très caractéristique, sur le front occidental du château de Rolland III, le bâtiment d'habitation dont les larges baies s'ouvrent sur la vallée, avec la tour qui le termine au sud, et commença une enceinte extérieure basse, flanquée de tours, bordée de fossés et destinée au tir rasant de l'artillerie. Mais cette enceinte élevée seulement sur une fraction de son périmètre et la moitié de sa hauteur, ne fut pas terminée, comme le prouve aujourd'hui l'absence de remplois dans les parties postérieures construites en blocage. Manque d'argent ou toute autre cause. Nous verrons pourtant combien ses revenus devaient être considérables.
Au surplus, d'autres soucis le sollicitèrent, la paix de Senlis qu'il jura en 1475, les montres de l'évêché qu'il tint de 1474 à 1483, surtout la conjuration de la noblesse bretonne contre Pierre Landais à laquelle il se mêla activement et qui lui valut la confiscation de ses biens après la rencontre d'Ancenis, mais ensuite, par un retour de fortune à la mort du ministre, leur restitution entière, l'érection en baronnie de la seigneurie de Coëtmen, et même le don princier de la terre de Minibriac (1484-1487).
C'est vers cette époque qu'il paraît avoir cédé à son fils le fief et le château de Tonquédec, dont les événements le tenaient sans doute éloigné. Ambassadeur chargé de négocier la paix avec Charles VIII après la campagne de 1487, otage [Note : Dom Lobineau, Histoire..., t. I, p. 790] en garantie du traité du Verger qui suivit le désastre de Saint-Aubin-du-Cormier (1488), pensionné par le duc François II, il mourut, la duchesse Anne étant devenue reine, pensionné par le roi (1496) [Note : Bibl. Nat., ms. fr. 8310, f° 186].
Louis de Coëtmen, sr de Tonquédec dès 1487, vaillant capitaine, commanda dans Guingamp, Jugon, Fougères [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, B. 10, f° 220. - Bibl. Nat., ms. fr. 22318, p. 133], et mourut peu avant son père sans laisser d'enfants de son mariage avec Françoise Péan de la Rochejagu qu'il avait enlevée.
C'est ainsi que Gilette, sa sœur, porta par alliance les deux fiefs de Coëtmen et de Tonquédec dans la maison d'Acigné.
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Le déclin. — Peut-être les travaux de construction que j'ai attribués à Jean II de Coëtmen ne furent-ils interrompus que sous les Acigné, car au dix-septième siècle on donnait leur nom à l'une des tours du château. C'est de ce temps d'ailleurs que date son déclin. Les grands biens de Jean VI d'Acigné, Lohéac, la Lande, Acigné, Fontenay, la Motte-au-Vicomte, etc., situes en Haute-Bretagne, la terre de Saint-Aubin-du-Cormier que François Ier donna au mari et à la femme (22 décembre 1516) [Note : Bibl. Nat., ms. fr. 22322 (Bl.-Mant. 39), p. 662 et nouv. acq. fr. 724], ses fonctions près de la reine Anne [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, B. 15] l'attiraient ailleurs. C'est de Fontenay [Note : Comm. de Chartres, Ille-et-Vilaine, arr. et cant. de Rennes. Il semble bien que ce fut au XVIème siècle la résidence habituelle de la famille] que, le 1er juillet 1522, au nom de son fils Jean VII, baron de Coëtmen et vicomte de Tonquédec, du chef maternel depuis l'année précédente, il donna « la cappitainye et garde du chanteau » de Tonquédec à François du Parc, « l'un des gentilzhommes de notre maison » [Note : Arch. du Finistère, E. 511 . Communication de M. Bourde de la Rogerie, archiviste du département].
Ce Jean VII, gentilhomme ordinaire de la chambre du roi, chevalier de son ordre et son lieutenant-général au gouvernement de Bretagne, mourut en 1540 [Note : Le 18 mars selon une généalogie de la Maison d'Acigné attribuée à Dom Lobineau, Bibl. Nat., ms. fr. 18711, p. 1 à 8] laissant d'Anne de Montejean un fils aîné Jean VIII qui vendit Tonquédec vers 1573 [Note : Après la Saint-Barthélémy (24 août 1572), vers la fin du siège de La Rochelle (6 juillet 1573). Cf. G. Vallée et P. Parfouru, Mémoires de Charles Gouyon, baron de la Moussaye (1553-1587), publiées d'après le manuscrit original, Perrin, 1901, 8°, p. 122].
Mais la vicomté fut réclamée en retrait lignager par la nièce du vendeur Claude de Chastel, fille de sa sœur Claude d'Acigné. Claude du Chastel avait épousé en la présence du roi Charles IX, à Gaillon, le 20 mai 1571, Charles Gouyon, baron de la Moussaye, dont les curieux mémoires nous apportent sur ce point une rectification intéressante. En effet on a cru longtemps que la fille de Jean VII, Claude d'Acigné, avait hérité de Tonquédec qui serait ainsi passé par succession patrimoniale aux du Chastel et de là aux Gouyon. On voit que ce n'est pas exact. Charles Gouyon succéda à Jean VIII d'Acigné, et c'est son remboursement et non la mort de Jean VII qui consomma la séparation définitive de Coëtmen et de Tonquédec.
Le nouveau seigneur rendit la vie au château sans y demeurer toutefois. Il raconte lui-même [Note : Vallée et Parfouru, op. cit., p. 128] avoir fait « rédifier à Tonquédec » en un temps qu'il faut, d'après le contexte, placer entre 1577 et 1582. Son œuvre qu'aucun archéologue n'avait encore signalée, est bien facile à délimiter.
L'enceinte inachevée par Jean II de Coëtmen fut mise en état de résister à un coup de main, la porte voûtée, les tours et courtines couronnées et réunies aux tours d'angle du château, du côté de l'ouest par une nouvelle courtine flanquée d'une tour ouverte à la gorge, du côté de l'est par un retour d'équerre, le tout en blocage percé d'embrasures pour l'artillerie.
Ainsi, quand vinrent les guerres de la Ligue, put-il faire de la place un point d'appui royaliste. L'amour de Claude, aussi belle que zélée huguenote, plus encore que le souvenir du Béarnais dont il avait été le compagnon d'études, l'avait en effet jété dans le parti de la Religion. Il y parut bien lorsque la rébellion de Mercœur s'étant affirmée dans les derniers jours de 1588 [Note : Joüon des Longrais, le Duc de Mercœur, dans Bulletin archéologique de l'Association Bretonne, 3ème série, t. XIII (1894), p. 212 à 293], il eut commencé vers le mois de mars suivant d'entretenir une garnison à Tonquédec [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, B. 635, f°. 135. - Bibl. Nat., ms. fr. 8292, p. 38]. Au reste elle était passée en 1591 à la solde du roi et fut maintenue par les états de Rennes (1592 et 1595) aux frais du plat pays déchargé à cet effet de trois écus par feu.
Elle comprit d'abord (1591), sous la charge du capitaine du Bos, 20 chevaux-légers commandés par cet officier lui-même, 25 arquebusiers à cheval commandés par le capitaine Kergroas, 25 arquebusiers à pied commandés par le sergent Boterel, le tout coûtant au trésorier général des guerres 438 écus par mois de 36 jours. Mais en 1592 les chevaux-légers sont 33, les hommes de pied 40, et la solde monte à 516 écus. En 1595, un état du Maréchal d'Aumont ne prévoit plus que 256 écus pour une compagnie de 50 arquebusiers à pied sous le sr du Plessis-Valleron [Note : Bibl. Nat., ms. fr. 8277, p. 672-674. Arch. d’Ille-et-Vilaine, C. 3669. Des documents empruntés à ce dernier fonds, l'un a été publié par M. Gaultier de Kermoal, le Château de Tonquédec, dans l'Annuaire des Côtes-du-Nord, 1880, p. 50 ; le dernier par A. de Barthélemy dans Choix de documents inédits sur l'histoire de la Ligue en Bretagne, Nantes, 1880, 8° p. 179 ; les autres m'ont été obligeamment communiqués par M. Joüon des Longrais, le savant historien de la Ligue en Bretagne. Selon lui, du Plessis-Valleron serait probablement un cadet de la maison royaliste de Coislin à laquelle appartenaient les seigneuries du Plessis et de Valleron, en Saint-Dolay (Morbihan, arr. de Vannes, cant. de La Roche-Bernard)] ; et en décembre de cette année, la liste des garnisons dressée pour le Roi par Messieurs des Etats ne prévoit plus celle de Tonquédec [Note : Bibl. Nat., ms. fr. 22314, p. 468 et suiv.].
De toute cette guerre, il n'est d'ailleurs pas prouvé que Tonquédec et ses défenseurs aient jamais été investis, malgré les belliqueux préparatifs des ligueurs de Morlaix et de Guingamp en 1590. Aussi, la petite troupe s'employa-t-elle à quelques coups de main, notamment sur Plestin dont elle défit la milice et tua le capitaine le 2 mai 1590 [Note : Arch. municip. de Plestin (communication de M. Ed. de Bergevin). L'affaire suivante doit se placer avant le 19 septembre, date de la mort de Carné, l'un des combattants blessés. Cf. Louis Le Guennec, Christophe de Carné, abbé du Relec, dans le Fureteur Breton, t. II, p. 35] et où la même année elle battit aisément l'arrière-ban de Cornouailles, faible détachement qui cherchait à rallier Mercœur dans le pays de Saint-Brieuc ; puis sur Kerouzéré d'où les royaux, arrivés trop tard pour en empêcher et même en venger la capitulation (novembre 1590), se rabattirent sur Carhaix qui fut saccagé. Elle prit part aux deux sièges du célèbre brigand La Fontenelle dans son repaire inexpugnable de l'île Tristan, près de Douarnenez (1595 et 1596) [Note : Moreau, Histoire de ce qui s'est passé en Bretagne durant les guerres de la Ligue et particulièrement dans le diocèse de Cornouaille, édition de M. Le Bastard de Mesmeur, Saint-Brieuc, 1857, 8°, passim. A. de Barthélemy, la Chambre du conseil de la Sainte-Union de Morlaix, cayer pour les affaires de la ville, Nantes, 1885, 8°, p. 65-68, 79, 80,104-106]. Entre temps, elle ne se fit pas faute de piller, au Tymeur, à Trédrez (3 juillet 1590), à Plufur (1596) et ailleurs.
Tonquédec passe pour avoir abrité La Fontenelle, un instant prisonnier au commencement des troubles, et l'évêque de Tréguier, Guillaume du Halgouet, qui s'y serait réfugié jusqu'à la paix [Note : A. de Barthelerny, Choix de documents inédits..., loc. cit., p. 74, 75. Ad. Le Nepvou de Carfort, Notice historique sur Lannion et ses environs, 2ème édit., Lannion, 1874, 8°, p. 27 et 28. Gaultier de Kermoal, loc. cit., p. 15 et 16. Albert Le Grand, les Vies des Saints de la Bretagne-Armorique..., édition Abgrall et Peyron, Rennes, 1901, in-4°, p. 280].
Lorsqu'elle fut signée, à Angers (mars 1598), Charles Gouyon avait atteint depuis cinq ans le terme de sa rude carrière, qu'un second mariage avec la fille du brave de la Noue avait dignement couronnée. Il laissait à l'aîné de ses fils, qui n'y changea rien, la vicomté de Tonquédec, l'habitude de résider ailleurs et des traditions loyalistes. Lors de son mariage avec Catherine de Champagné (1600), Amaury de la Moussaye habitait en effet le château dont il portait habituellement le nom [Note : La Rivière-La Moussaye, comm. de Plénée-Jugon, Côtes-du-Nord, arr. de Dinan, cant. de Jugon], et quinze ans plus tard persistait à laisser Tonquédec sous la garde d'un certain Martin d'Arispe, receveur de la seigneurie. D'autre part, il fut comme son père bon sujet du roi, et le roi mort, de la reine régente, ce qui lui valut, en 1615, l'érection en marquisat de sa baronnie de la Moussaye.
Le temps des guerres était d'ailleurs passé pour la Bretagne. A peine peut-on rattacher aux démêlés des princes avec la cour, le curieux épisode dont Tonquédec fut le théâtre en 1614 [Note : A. de la Borderie, Prise et reprise du château de Tonquédec, en 1614, dans Revue de Bretagne, de Vendée et d'Anjou, publiée par la Soc. des Bibl. Bretons, t. XII, Nantes, 1894, 8°, p. 401.].
Le 19 février, Vendôme, échappé du Louvre où Marie de Médicis l'avait prudemment enfermé, rejoignait à Mézières Condé et les mécontents. Le bruit de sa révolte retentit peut-être jusqu'au fond de son gouvernement. En tout, cas, le 27 du même mois, un frère de la Moussaye, Jacques, baron de Marcé, s'emparait du château sans défense avec l'aide de « quatre ou cinq personnes portantz armes à feu » et y installait une petite garnison, malgré les protestations du juge ordinaire en la cour royale de Tréguier. De Paris, La Moussaye se plaignit sans se déranger et chargea de ses intérêts un vétéran qui avait fait ses preuves en commandant pour le roi à Coëtfrec pendant la Ligue, Jonathas de Kergariou-Kerahel [Note : Cf. [Le Men], Affaire de la prise de Coëtfrec par La Fontenelle, enquête du 13 mai 1598, dans Bull. de la Soc. Archéol. du Finistère, t. XX (1893), p. 255]. Celui-ci, assuré de l'aveu de Leurs Majestés, réunit « dix ou douze personnes, la plus part gentilzhommes du pays », et dans la nuit du 17 au 18 avril escalada l'enceinte « par la couverture de la tour qu'on appelle d'Acigné ». La place, dit pittoresquement l'enquête, fut ainsi prise « sans coup férir, parceque les entrepreneurs s'estantz saesis de ceulx qui estoinct dans le corps du chasteau sans aucun bruit, intimidèrent en sorte ceulx qui estoint dans les tours, leur montrant les autres prisonniers, qu'ilz abatirent les ponts des dictes tours, et se randirent avecq tout le reste de la place, et lendemain se retirèrent sans aucune offence..... celluy qui les commandoit à cheval, et portant une carabine et les autres leurs espées ». Heureux résultat que l'habile Kergariou emporta définitivement en faisant bailler « deux escuz à celuy qui leur commandoit pour l'aider à se retirer ».
Au surplus l'artillerie que recélait la vieille forteresse en justifiait presque l'amusante rançon « deux petites pièces de canon de fonte verte, deux berches [Note : Sorte de couleuvrine que la marine employa longtemps] de fer aiantes une seules boete » et en outre huit arquebuses à croc du plus ancien type et dix mousquets qui composaient sans doute l'armement confisqué des prisonniers. Quelques pièces d'armure « mangées de rouille », salades, brassards, tassettes, devants et derrières de cuirasses et une pertuisane égarée, en attestaient aussi le noble passé.
Car désormais Tonquédec n'appartient plus à l'histoire et c'est par bonheur qu'il demeure à l'archéologie. Bien que ne figurant pas sur la liste des garnisons de la province [Note : Arch. nat., H. 1588], il avait heureusement échappé aux démolitions que les Etats de Bretagne ne cessaient de demander pour les places inutiles. Il ne paraît même pas avoir été démantelé.
Amaury III de Gouyon, marquis de la Moussaye à la mort de son père (1624), beau-frère de Turenne et l'un des lieutenants du Grand Condé, vendit le 16 décembre 1636 la vicomté de Tonquédec à René du Quengo, comte du Rochay. Elle demeura jusqu'à nos jours dans cette ancienne maison qui en porte le nom encore aujourd'hui.
A la fin du XIXème siècle, le marquis de Kerouartz sauva le château de la ruine définitive en le rachetant à des marchands de biens. Il est, vers 1911, la propriété de son gendre le comte Pierre de Rougé.
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Le fief. — Bien qu'en l'absence de documents anciens il soit impossible de les tracer d'une façon précise, quelques aveux de l'extrême fin du moyen-âge nous ont laissé des limites de la vicomté de Tonquédec une idée approchée. Elles enveloppaient, à la fin du XVème siècle et au commencement du XVIème, les anciennes paroisses de Tonquédec, Rospez, Ploubezre, Trégrom, Louargat et Belle-Ile (en terre), mais non dans leur intégrité. Ainsi la seigneurie de Coëtfrec, en Ploubezre, mouvait de Runefau qui lui-même mordait sur Rospez et Ploubezre [Note : Voy. dans Mélanges d'histoire et d'Archéologie. bretonne, Rennes, 1854, t. I, p. 141, les extraits d'aveux publiés par M. de la Borderie. Je ne m'explique pas comment il a plus tard, dans son Histoire de Bretagne, t. III, p. 87, attribué sept paroisses à Tonquédec. Pcut-être a-t-il voulu y joindre la seigneurie de Keruzec qui s'étend surtout en Pleumeur-Bodou.]. Ces paroisses ont pour trait commun de border la vallée que le château défendait.
L'étendue du fief était donc sans rapport avec l'importance, exceptionnelle en Basse-Bretagne, du château auquel il a laissé son nom. Mais le premier de ses seigneurs dont l'histoire nous ait conservé le souvenir fut, nous l'avons vu, un sire de Coëtmen. Dispersés sur dix lieues de pays entre ces deux centres, Coëtmen [Note : Sur les paroisses de Tréméven, Lannebert et Lanloup, figurant pour 800 livres dans un compte du XVIème siècle] qui relevait du comté de Goëlo et Tonquédec de la chatellenie de Lannion, bien loin de les relier cependant, des apports successifs, par alliances ou acquets, Pléhédel [Note : Parr. de Pléhédel] et Goudelin [Note : Parr. de Goudelin, Le Merzer (XVIème s., 200 l)] (peut-être rattachés dès l'origine à Coëtmen), Chef-du-Pont avec Le Rubleizic, Kersquerbault [Note : Parr. de Langoat, Minihy, Troguéry, Pleubihan, Hengoat, La Roche-Derrien, Pommerit-Jaudy, Brélidy, Coatascorn, Prat, Trézélan, Guenézan, Pluzunet, Pédernec] et ses autres dépendances [Note : Parr. de Lanmodez, Pleumeur-Gautier, Pleumeur-Bodou, Trébeurden, Trégastel, Servel] ; Lezerec [Note : Parr. de Pleumeur-Gautier et de Pleubihan (XVIème s., 200 l)], Boisguezennec [Note : Parr. de Louannec et Kermaria-Sulard], Kéruzec [Note : Parr. de Pleumeur-Bodou, Brélevenez, Trébeurden], Plestin [Note : Parr. de Plestin (avec les sécheries de Cornouaille, XVIème s., 100 l)], Landegonnec [Note : Parr. de Plourhan, Etables et Tréveneuc], etc. [Note : L'enquête de 1486 cite encore des biens sur les paroisses de Berhet, Botcazou (?), Botzcozer (?), Botlezan, Cavan, Coatreven, Guingamp, Gurunhuel, Lanneven, Lannion, Locmaria, Montallot, Pentreff (?), Perros-Guirec, Ploézal, Plouaret, Plouëc-en-Tréguier, Plouézec, Plouguiel, Plouha, Plouizy, Pordic, Quemperven, Saint-Quay (arr. Lannion, cant. Perros-Guirec), Trédarzec, Tréglamus, Trélévern. On en trouve au XIVème siècle à Ploubalay. Le don de Minibriac (parr. de Bourbriac, Saint-Adrien, Coadout, Magoar, Plésidy) est postérieur à l'achèvement du château], ne cessèrent d'étendre ce double héritage. Ainsi comprit-il les trois juridictions féodales de Tonquédec, Chef-du-Pont et Coëtmen, estimées en 1486 à mille livres de rente chacune, une pêcherie sur la rivière du Leguer acquise du duc François II par Jean II de Coëtmen, une sécherie de poissons sur la côte en Pleumeur-Bodou et Trébeurden, des foires et marchés à Tonquédec, Tréméven, Saint-Loup [Note : Archives du château de Lesquiffiou, publié par M. A. Raison du Cleuziou, dans Mémoires de la Société d'Émulation des Côtes-du-Nord, 1903. Bibl. Nat., ms. fr. 22318, p. 29. La foire de Tonquédec fut supprimée en 1433 à la suite de réclamations du comte de Laval. Cf. Blanchard, Lettres et Mandements de Jean V, dans Arch. de Bretagne, t. VII, p. 46, 55 et t. VIII, p. 83].
Telle était au XVème siècle la puissance de cette maison. Le fief de Tonquédec n'en donnait évidemment qu'une faible idée. Mais le château qu'elle y éleva est encore là pour l'attester [Note : Arch. de la Loire-Inférieure, B. 1653 (aveux pour Tonquédec 1497, 1524, 1583, 1659). Arch. des Côtes-du-Nord, A. 35, A. 36, A. 29 (aveux pour Tonquédec 1583, 1626, 1682). (Extraits des aveux de 1524, 1583, 1682, publiés par A. de la Borderie dans Mélanges d'histoire et d'archéologie bretonne, t. I, p. 141, et Gaultier de Kermoal, loc. cit., p. 26). Arch. des Côtes-du-Nord, E. 1668, E. 1269, E. 1796, E. 1601, E. 934, E. 930, E. 1540, E. 1000, E. 2265, E. 1643, E. 1646, E. 1655-8, E. 2754, E. 2744-5, E. 2750-2. Bibl. Nat., ms. fr. 8269, f° 259 ; ms. fr. 22331, f° 704, v° ; ms. fr. 18711, p. 165 (Dom Lobineau, généalogie Pentevre-Coëtmen). A. de Barthélemy, Généalogie historique des Sires de Coëtmen, note 55. J. Geslin de Bourgogne et A. de Barthelemy, op. cit., t. VI, p. 248].
(Alfred DE LA BARRE DE NANTEUIL).
Bibliographie sommaire.
BARTHELEMY (Anatole de). — Généalogie
hisitorique des sires de Coëtmen, vicomtes de Tonquédec en Bretagne, dans la
Revue nobiliaire, 2ème série, t. I, 1865, p. 362-370. (tirage à part, Angers,
1865, 16 p., 8°).
BARTHELEMY (Anatole de) et GUIMART (Charles). Notice sur
quelques monuments du département des Côtes-du-Nord, dans le Bulletin
monumental, 2ème série, t. V, Caen, 1849, 8°, p. 5.
CHARDIN (Paul). — Notes sur
Tonquédec, Coëtmen et Coëtfrec, dans le Bulletin monumental, 6ème série, t. III,
1887, 8°, p. 327-449, et dans Congrès archéologique de France, LIIIème session,
séances générales tenues à Nantes en 1886, Caen, 1887, 8°, p. 276.
CHARDIN
(Paul). — Les châteaux de Tonquédec et de Coëtmen, dans Congrès archéologique de
France, LXIIIème session, séances générales tenues à Morlaix et à Brest en 1896,
Caen, 1898, 8°, p. 309.
CHATELLIER (A. du). Le château de Tunkedec, dans le
Bulletin monumental, 2ème série, t. IX, Caen, 1853, 8°, p. 315.
CHATELLIER (A.
du). — Le château de Tonquédec, dans le
Bulletin monumental, 4ème série, t. I,
Caen, 1865, 8°, p. 91-93.
FREMINVILLE (le chevalier de). — Antiquités de la
Bretagne, Côtes-du-Nord, Brest, 1837, 8°, p. 42-48.
GAULTIER DE KERMOAL.
Le château de Tonquédec, dans la Revue de Bretagne et de Vendée, 2ème série, t.
VIII, Nantes, 1865, 8°, p. 188-196.
GAULTIER de KERMOAL. — Le château de
Tonquédec, dans l'Annuaire des Côtes-du-Nord, publiée par la société
archéologique du département, 1880, nouvelle série, t. XXX, Saint-Brieuc, 1880,
in-12, p. 1-56.
GESLIN DE BOURGOGNE (J) et BARTHELEMY (A. de). — Anciens
Evêchés de Bretagne, Histoire et monuments, Saint-Brieuc, 1855-1879, 6 vol. 8°,
t. V, p. 142-169.
JOLLIVET (Benjamin). — Les Côtes-du-Nord, histoire et
géographie de toutes les villes et communes du département, Guingamp, 1854-1861,
4 vol. 8°.
LA BIGNE-VILLENEUVE (de). — Sur les châteaux de
Tonquédec, de Coëtmen, de la Hunaudaye, de Lehon et
de Montafilant, dans le Bulletin archéologique de l'Association Bretonne publié
par la Classe d'archéologie, t. IV (1852), Saint-Brieuc, 8°, p. 146.
LA
BORDERIE (Arthur de). — Géographie féodale : la seigneurie de Tonquédec, dans
Mélanges d'Histoire et d'archéologie bretonnes, Rennes, 1854-1858, 2 vol. 8°, t.
I, p. 141-144.
LA BORDERIE (Arthur de). — Les monuments de l'architecture
militaire du moyen-âge en Bretagne, dans le Bulletin archéologique de
l'Association Bretonne., 3ème série, t. V (1885), Saint-Brieuc, 8°, p. 149-197.
LA BORDERIE (Arthur de). — Recueil de documents relatifs aux monuments de
l'architecture militaire du moyen-âge en Bretagne, dans le Bulletin
archéologique de l'Association Bretonne, 3e série, t. XII (1893-1894),
Saint-Brieuc, 1894, 8°, p. 135 à 206 et 247.
LA BORDERIE (Arthur de). — Prise
et reprise du château de Tonquédec en 1614, dans la Revue de Bretagne, de
Vendée et d'Anjou publiée par la Société des Bibliophiles bretons, t. XII,
Nantes, 1894, 8°, p. 401.
MARCEL (Etienne), Architecte. — Le Pierrefonds de
la Bretagne, le château de Tonquédec (Côtes-du-Nord), dans l'Ami des monuments
et des arts, t. VI, Paris, 1892, p. 336 (plans).
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