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Jean-Sébastien ROLLAND, prêtre guillotiné à Brest
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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211. — Jean-Sébastien ROLLAND, fils légitime de Tanguy Rolland et de Marguerite Nédélec, naquit et fut baptisé à Trébrivan, le 6 juillet 1746.

M. Rolland fut ordonné prêtre à Pâques 1774, à l’âge d’environ 26 ans. Après avoir été envoyé comme vicaire trévial à Locarn, il fut au bout de douze ans nommé recteur de Trébrivan, sa paroisse natale, par suite de la résignation que M. Charles-Alain Royou, prêtre, bachelier en Sorbonne, lui fit de cette cure en cour de Rome le 3 août 1786, et des lettres de visa obtenues de son évêque le 18 octobre suivant. Du reste, l’abbé Rolland était estimé de ses supérieurs et le registre des visites de Mgr de Saint-Luc, à Quimper, apprend que de 1778 à 1781, comme vicaire de Locarn, « il se conduisait bien ». M. Rolland prit le 4 janvier 1787 possession de la cure de Trébrivan et fut installé par M. Guillaume-René-Armand Floyd, vicaire général de l’évêché de Quimper et recteur de Plusquellec.

212. — Quelles que fussent les qualités qui distinguaient l’abbé Rolland, il se laissa cependant séduire par les sophismes que débitaient, avec la grandiloquence de cette époque, les fauteurs de la Révolution ; tant et si bien qu’en réclamant le paiement de son traitement, le 29 mars 1791, il faisait remarquer « qu’il a observé tous les décrets qui le regardent, tant que la reddition de ses comptes que pour le serment qu'on exigeait de lui comme de tous les autres ecclésiastiques ».

Il est donc indubitable que M. Rolland s’assermenta. IL EST NON MOINS CERTAIN QU’IL SE RETRACTA L’ANNEE SUIVANTE, vraisemblablement après la lettre du pape Pie VI en date du 19 mars 1792. Toujours est-il qu’après avoir perçu d’avance son traitement comme assermenté le 11 mars, pour le second trimestre de cette année, son nom cesse depuis lors de figurer sur les états de paiement du district de Rostrenen, ce qui était justement la pénalité prévue par la loi contre les réfractaires. Bien plus, après l’application de la loi du 26 août 1792, qui obligeait les insermentés à se déporter, l’abbé Rolland cessa de paraître en public, et c’est le 7 octobre de cette année que l’on retrouve pour la dernière fois sa signature sur les registres de sa paroisse, où IL FUT REMPLACÉ PAR UN INTRUS. Il ne se soumit pas cependant aux décrets qui ordonnaient aux prêtres insermentés de s'exiler, et, sans doute pour se punir d’avoir consenti à prêter serment, il continua d’exercer en secret le ministère, tant à Trébrivan qu’aux environs, jusqu’en mai 1794, époque de son arrestation.

213. — Celle-ci fut le fruit d’une odieuse trahison commise à l’occasion d’un acte de ministère qu’accomplissait à Carhaix l’abbé Rolland. On en a publié les détails plusieurs fois. On se bornera donc à écrire ici qu’un jeune marié dont il venait de bénir les épousailles, eut la lâcheté de le faire incarcérer aussitôt après par des argousins auxquels il avait dénoncé sa présence. Cet individu, nommé Roxlo, fut cité comme témoin dans le procès de M. Rolland, mais il ne fut nullement inquiété par ailleurs, preuve évidente de sa complicité avec les bourreaux. Le lendemain, comme M. Rolland était détenu à Carhaix, se présenta à lui un individu nommé du Couëdic, lequel, abusant de la confiance que le prisonnier croyait pouvoir mettre en lui, lui fit écrire une lettre adressée à son frère, dans laquelle il faisait savoir à celui-ci ses dernières volontés. En voici la teneur, elle est datée du 1er mai 1794. On notera spécialement les termes par lesquels il prend congé de sa famille. Ils sont animés du plus pur esprit surnaturel. « Je suis pris à Carhaix, environ cinq ou six heures du matin. J’ai été mis dans la basse-fosse. Je vous embrasse tous. Je dois partir pour Brest le soir du premier ou le vendredy, second du mois. Dans mon cabinet, au-dessus de la table, dans le mur, vous trouverez deux petites pierres : ôtez-les et vous devez y trouver de l’argent ; dans le coin du mur, au-dessus de mon lit, vous trouverez la même chose. Vous donnerez de cela soixante escus aux pauvres, et le reste, vous les partagerez entre vous tous, après avoir donné dix ecus à Marie-Jeanne ..... On a pris tout ce que j’avois sur moi : argent, papier, rasoir, couteau, lunette, pipe, mouchoir et cinture. Ma malle a demeuré chez la personne qui avoit été chez vous me demander. Je vous prie d'être toujours fidels à votre religion, couteroit-il la vie. Mes compliments chez vous aux Caze, aux Roux, à ceux de chez lui, à Barbe, aux Monache et autres, à mes confrères, et dites-leur de prier Dieu pour moi. A Dieu, dans l'éternité, encore une fois. Je vous embrasse tous les quatre. N’oubliez pas le Philippe et Gille ».

En possession de cette lettre admirable, Du Couëdic, ancien dragon, se hâta de la communiquer aux autorités de Carhaix, qui s’empressèrent d’ordonner une perquisition chez les parents du prisonnier. Le résultat le plus clair de cette fouille fut, non seulement la découverte de la cachette où l’abbé Rolland avait déposé son argent, et les objets servant au culte, mais aussi l’arrestation de son beau-frère Jean-Pierre Cazeillat, prévenu du crime, irrémissible à cette époque, d’avoir recélé un prêtre insermenté. Il fut donc conduit en prison, probablement le 14 floréal, et traduit avec M. Rolland devant le tribunal révolutionnaire de Brest.

214. — Ce fut le 12 mai 1794 que le recteur de Trébrivan comparut devant un des membres du tribunal chargé de le condamner. On a publié intégralement ailleurs l’interrogatoire qu’il subit dans une pièce du château de cette ville devant le dénommé Maurice Le Bars. L’ancien curé-jureur y voulut encore à nouveau effacer, s’il était nécessaire, toute trace de son erreur passée, et proclama « que, s'il était arrêté, c'est qu'il n'avait pas prêté serment ». Par ailleurs, il ne craignit point de s’étendre sur le mariage dont la célébration allait le conduire à l’échafaud, mais il se garda bien de toute imprudence de langage sur le ministère qu’il avait accompli auparavant ainsi que concernant les personnes qui lui avaient donné asile.

Après cela, le substitut de l’ex-jésuite Donzé-Verteuil dressa son acte d’accusation et releva trois charges contre l’abbé Rolland : 1° Il n'était pas assermenté et, quoique réfractaire, 2° il était demeuré quand même sur le territoire français. 3° Enfin, il avait utilisé son séjour en Bretagne pour remplir des fonctions que les lois révolutionnaires lui interdisaient absolument, c’est-à-dire prêcher, administrer les sacrements, célébrer la sainte messe, tous crimes pour tout quoi on le taxe de fanatisme et on réclame pour lui l’application de la loi, c’est-à-dire la mort. Du reste, le texte de ce réquisitoire, tout à l’honneur de M. Rolland, a été reproduit ailleurs intégralement. Il est daté du 12 mai 1794.

215. — Le surlendemain, le tribunal révolutionnaire séant à Brest, à l’instar de celui de Paris, condamnait pour tous les motifs ci-dessus, prévus et punis par la loi des 29-30 vendémiaire an II, le prêtre insermenté L. Rolland à la peine capitale. On peut lire ailleurs le texte intégral de ce jugement qui déjà a été publié plusieurs fois.

En conséquence de cette sentence, le recteur de Trébrivan fut exécuté le jour même de sa condamnation, le 14 mai 1794. Une tradition, dont le Bulletin paroissial de Trébrivan s’est fait l’écho, rapporte que M. Rolland, en se rendant à l’échafaud, chantait l’hymne des martyrs « Sanctorum meritis » et que sa dernière parole fut « Vive Jésus-Christ ». Le prêtre assermenté de 1791, rétractataire l’année suivante à la voix du Souverain Pontife, avait noblement lavé dans son sang une erreur passagère et trop commune à son époque, quand il l’avait commise.

216. — Le souvenir du supplice de M. Rolland, selon M. l’abbé Tréhiou, recteur actuel de Trébrivan, est encore conservé par quelques vieillards de cette localité qui gardent précieusement la croyance en son martyre.

BIBLIOGRAPHIE. — Tresvaux du Fraval, Histoire de la Persécution révolutionnaire en Bretagne, etc., op. cit. (1845), p. 4. — Levot, Histoire de la ville et du port de Brest durant la Terreur, Paris (1869), in-8°, p. 203. — Téphany, Histoire de la Persécution religieuse dans les diocèses de Quimper, etc., op. cit. (1879), p. 390. — Peyron, Pondaven, Perennès, Le manuscrit de M. Boissière, op. cit. (1927), p. 132, 133, 142. — Lemasson, Les Actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc, in-8°, Saint-Brieuc, 1916, p. 247-261. — Du même, Les Actes des prêtres insermentés du diocèse de Saint-Brieuc mis à mort de 1794 à 1800, in-8°, Saint-Brieuc, 1927, p. 90 et 104. On y trouve tous les documents officiels concernant M. Rolland.

(Archives Nationales, série W, fonds du tribunal révolutionnaire de Brest, dossier n° 544).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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M. Jean-Sébastien Rolland, recteur de Trébrivan [Note : Aujourd'hui du diocèse de Saint-Brieuc], âgé de 48 ans, fut arrêté à Carhaix, sur la lâche dénonciation d'un ci-devant administrateur du Morbihan, qu'il avait marié à une demoiselle de cette ville, nièce d'un prêtre... Ce traître recherchait la main de cette jeune fille qui consent à l'épouser, à la condition que le mariage soit célébré devant un prêtre catholique. Le jeune homme accepte la condition et assigne le jour de la cérémonie nuptiale. Averti par la future épouse, qui connaissait le lieu de sa retraite, M. Rolland se rend à Carhaix et bénit le mariage. Heureux et content d'avoir contribué par sa présence à une union chrétienne, le bon prêtre se retirait plein de confiance, un peu avant le jour, pour regagner sa retraite, lorsque, à quelques pas de la maison d'où il sortait, il fut arrêté et immédiatement incarcéré par des gens d'armes apostés exprès par le jeune homme qu'il venait de marier.

Le lendemain, il reçoit dans sa prison la visite d'un homme qu'il croyait connaître pour honnête. Cet homme lui dit qu'il ne pourrait, lui prisonnier, parler à ses parents, en toute sécurité ; mais qu'il se chargerait lui-même avec plaisir de leur faire, de sa part, toutes les communications qu'il jugerait opportunes... M. Rolland lui confie, en lui indiquant exactement l'endroit, qu'il a caché 300 francs en argent et un calice dans les murs de la maison de son frère, auquel il le prie de vouloir bien le révéler. Après avoir promis qu'il pouvait compter sur lui, le visiteur le quitte, va directement au District et dénonce les objets cachés. On nomme aussitôt des commissaires pour aller faire une visite dans la maison signalée. Ceux-ci trouvent facilement les 300 francs et le calice, qu'ils déposent au District ; puis, ils mettent le propriétaire en arrestation.

Le recteur de Trébrivan est conduit le lendemain à Brest, jeté en prison, jugé rapidement et condamné à périr sur l'échafaud : il y porta sa tête, comme MM. Riou, Raguenès et Le Coz, avec un courage et une gaieté dignes de la cause pour laquelle il la sacrifiait. C'était le 14 Mai 1794.

Quel temps que celui qui fournissait des hommes assez lâches et assez vils pour trahir aussi bassement un pauvre prêtre sans défiance ! Celui qui fait arrêter M. Rolland est son obligé : il paie un service rendu, en lui faisant couper la tête. Celui qui livre son secret à ses ennemis est venu sous le manteau de la charité et de l'amitié le visiter dans son cachot.

Quelle indignité ! Quelle cruauté ! On ne trouve pas de nom pour qualifier des êtres aussi dégradés ! Et quand on pense que ces hommes avaient les faveurs des gouvernants de l'époque qui les appelaient de grands citoyens !

Son recéleur, Pierre-Julien Cazeillat, de Locarn, fut jugé avec lui et condamné à la déportation. Au nombre des témoins entendus était Yves Le Roux, agent national de la commune de Trébrivan. Les débats l'ayant fait suspecter d'avoir favorisé le recel de M. Rolland, le tribunal le renvoya au Château de Brest jusqu'à plus ample informé. Le 15 Juin 1794, il fut aussi condamné à la déportation.

Nous reproduisons l'extrait du réquisitoire, contre M. Rolland, de Donzé-Verteuil, le farouche accusateur public du tribunal de Brest. On ne peut manifester, avec plus de rage, sa haine contre le prêtre fidèle : on ne s'en étonnera pas, quand on saura que Donzé-Verteuil était un religieux apostat [Note : Corruptio optimi pessima].

« Il y a des scélérats armés au dehors contre la République qui ne sont ni ses ennemis les plus acharnés, ni les plus difficiles à vaincre. — Ceux-là, grâce au courage des hommes libres et dignes de l'être seront bientôt abattus, détruits.

Mais il en est d'une autre classe, et ceux-ci font plus de ravages ; trop lâches pour attaquer au champ d'honneur les défenseurs de la Révolution ; trop lâches encore pour se ranger de leur parti, pour oser combattre l'idole des esclaves, la tyrannie ; des monstres proscrits pour leur désobéissance ; des monstres à qui la nature cria tant de fois que l'homme était égal à l'homme ; des monstres qui, couverts du manteau de la religion ne s'en disent les apôtres, ne s'annoncent pour les vrais ministres d'un Dieu de paix qu'outrage leur révolte, que pour s'agiter dans l'ombre, que pour égarer par l'hypocrisie la crédulité, l'ignorance, la bonne foi des habitants des campagnes, malheureuserrent trop faciles à persuader. — Tels sont les cidevant prêtres, rebelles à la loi du serment, rebelles à la loi de la déportation. — Voilà les hommes qui, secouant le flambeau du fanatisme jusque dans leurs propres foyers, veulent allumer ou alimenter dans leur patrie le feu de la guerre civile ».

(abbé Joseph-Marie Téphany).

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