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TREGASTEL ET LA REVOLUTION

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LES PREMICES DE LA REVOLUTION.

Les mauvaises moissons des années 1780, dues à une très défavorable climatologie, provoquèrent une important baisse de la production céréalière. Celle de 1788 fut telle qu'il en résulta une chute d'un tiers de la masse des récoltes. D'autre part, l'Edit Royal de juin 1787 proclamant la libre circulation des grains, les commerçants trégorois se mirent à exporter massivement vers l'Angleterre à partir des ports de PAIMPOL, LA ROCHE-DERRIEN, TREGUIER, LANNION. Le peuple, voyant se dresser devant lui le noir fantôme de la famine, considérait d'un mauvais oeil les chargements des bateaux en céréales ; et dans les campagnes on cachait les blés. A PAIMPOL, des femmes obligent à décharger les 3600 boisseaux de froment de deux navires prêts à appareiller. Le 1er septembre, la population lannionnaise veut incendier un bateau chargé de blé. A LA ROCHE-DERRIEN, à TREGUIER, les autorités réclament l'appui de la troupe pour protéger le trafic des exportateurs et contenir le petit peuple, cette "populace", cette "racaille". C'est devant l'agitation populaire que le Roi accepte de suspendre les exportations (7 septembre).

En même temps, règne à Rennes, une intense activité politique. Le 8 août, Louis XVI a annoncé la convocation des Etats Généraux pour le 1er mai 1789. Le 8 octobre, c'est la rentrée du Parlement de Bretagne et les Etats de Bretagne ont obtenu leur réunion pour le 29 décembre. Dès la promulgation de l'Edit Royal relatif aux Etats Généraux, le Tiers Etat de Bretagne réclame deux réformes concernant le système de représentation des trois ordres : le vote par tête au lieu du vote traditionnel par ordre et un nombre de députés du Tiers égal à celui des deux ordres privilégiés réunis. Si la noblesse et le clergé veulent le maintien des modalités archaïques de 1614, date de la dernière réunion des Etats Généraux, le Tiers, lui, bien conscient de son potentiel, veut une représentation démocratique. Pour faire aboutir ses prétentions, il se lance alors dans une campagne politique inédite et exemplaire par sa technique et son esprit.

Jamais on n'a tant écrit de libellés, rédigé de délibérations de toutes sortes, publié de pamphlets et de journaux. D'autre part, les représentants des villes bretonnes à RENNES sont en contact permanent avec leurs mandants. Le délégué de la "bonne ville" de LANNION, c'est Jean-Marie RIVOALLAN, originaire de Pleubian (1748), avocat. Il s'agit pour ces notables du Tiers Etat breton de bien préparer la prochaine réunion des Etats de Bretagne et d'obtenir l'appui des paroisses rurales, des villes et des bourgs, de les politiser.

Dans la semaine du 22 au 27 décembre 88, les dix paroisses de Rennes rédigent un "Cahier général des charges" qui fait l'inventaire des réclamations du Tiers. Les "bonnes villes" de la province ne sont pas en reste. C'est ainsi que la communauté de Ville de LANNION, avec son maire Daniel de KERINOU, les échevins et les nobles bourgeois, a déjà délibéré le 22 novembre en 12 points bien argumentés. Copie imprimée de la délibération est aussitôt adressée à chaque paroisse de la sénéchaussée avec un exemplaire de la brochure "Les charges d'un bon citoyen de campagne". S'appuyant sur ces documents, les généraux de paroisse délibèrent à leur tour entre la mi-décembre et la mi-février. On ne peut d'ailleurs pas imaginer que nos populations rurales, en particulier cette intelligensia paysanne qui avait suivi quelques études classiques au Collège de TREGUIER, aient pu ignorer les évènements rennais prélude de la Révolution française :
- Le conflit entre le Parlement de Bretagne et la Cour, entre le Tiers et la Noblesse, l'intervention musclée de l'armée, les manifestations de rues, l'agitation estudiantine menée par le futur général morlaisien MOREAU, la session avortée des Etats de Bretagne où le Tiers réclame en vain une représentation plus équitable ; et surtout l'émeute sanglante des 26 et 27 janvier qui verra la mort de deux jeunes nobles bretons tués par balle, DU ROCHER DE SAINT RIVEUL et DE BOISHUE. Les historiens paraissent d'accord pour en faire les deux premières victimes de la Révolution.

Pour le futur canton de PERROS-GUIREC, les Archives municipales de RENNES détiennent les délibérations des "Corps politiques" de PLEUMEUR-BODOU (14 décembre 88), PERROS-GUIREC (21 décembre), LOUANNEC (8 février 89), PERROS-GUIREC (8 février, 2ème délibération), KERMARIA-SULARD (10 février), SAINT-QUAY-PERROS (10 février) : Nous n'avons pas la délibération des Trégastellois. Mais si elle a eu lieu, elle ne devait pas différer des autres. Il faut ici préciser que ces précieux documents ne sont pas les Cahiers de Doléances officiels que prévoira le règlement électoral du 29 janvier 1789. Ce sont les revendications faites par les généraux de paroisse à l'instigation de la Communauté de Ville de Lannion.

Dans les cinq paroisses mentionnées ci-dessus, les doléances sont les mêmes :

1° la suppression de la corvée,

2° une juste proportion dans la répartition des impôts,

"Une existence pour le Tiers telle qu'il a droit de l'espérer de la Justice et de la Raison". Ce voeu est plus explicite dans les délibérations plus tardives parce que la réunion avortée des Etats de Bretagne (une semaine, du 29 décembre 88 au 7 janvier 89) est l'occasion pour les députés du Tiers de protester contre le sort injuste fait à leur ordre depuis des temps lointains (Pour 900 gentilshommes et les 31 membres du Haut-Clergé, seulement 49 représentants du Tiers).

Mais l'intransigeance bornée des privilégiés bloque la situation et les Etats sont ajournés. Tout ceci est clairement évoqué dans les délibérations de PERROS, LOUANNEC et KERMARIA-SULARD. Ainsi les Perrosiens déclarent "devoir la plus parfaite reconnaissance au zèle patriotique et au courage énergique des représentants du Tiers aux Etats de cette province, avec lesquels ils ont soutenu la régénération des droits et libertés du Tiers dans un moment où les opputants [Note : Les opposants ; ici ceux qui rejettent les réformes libérales, c'est à dire les privilégiés] employent tous les moyens pour sacrifier à leur tyranie la partie la plus utile à l'Etat".

A LOUANNEC, on demande "la régénération des droits légitimes du Tiers aux Etats, surtout dans le moment que les deux premiers ordres voulaient éterniser notre oppression". Pour cette "régénération", nos Trégorois, à l'unisson des autres, demandent "une représentation en nombre égal à l'ordre du clergé et de la noblesse tant aux Etats de Bretagne qu'aux Etats Généraux", et le vote par tête au lieu du vote par ordre.

A PERROS et à KERMARIA on fait même mention des Edits royaux du 8 mai 1788 que le ministre Loménie de Brienne voulait faire appliquer pour réduire les pouvoirs des Parlements et abolir les justices seigneuriales [Note : Ces Edits témoignaient de la volonté royale de procéder à de profondes réformes. Le Parlement de Bretagne n'accepta de les enregistrer que sous la menace des armes (occupation de la Place du Palais par un régiment)]. C'est dans l'esprit de ces édits que LOUANNEC et KERMARIA demandent "la suppression et la réunion des basses juridictions" et "que les baillages et présidiaux soient composés pour le moins des trois-quarts du Tiers".

4° Une autre préoccupation des cinq paroisses concerne le domaine congéable. Elles demandent :
"Un règlement pour empêcher les abus dans les pouvoirs de congédier (ce que les nobles appellent faire partie de leurs constitutions) par les raisons qui suivent, parce qu'ils en tirent des sommes considérables en forme de commission de main à la main sans payer rien à l'Etat, et en cas qu'un pauvre colon ne se trouverait point en état dans un moment où son seigneur a besoin d'argent, pour faire son opputant, il donne à d'autres cultivateurs le pouvoir de le congédier ; alors le père de famille de six enfants est obligé de laisser sa tenue (et ordinairement au milieu de l'hiver) et de se retirer avec sa famille, il se trouve sans ressources et quelquefois sans gîte, il est pour lors obligé de mendier, source de plusieurs vices." (PERROS GUIREC).

"Que tous les bois blancs en général appartiennent comme au passé au colon, desquels ces derniers pourront disposer sans que les seigneurs puissent y rien prétendre" (LOUANNEC), "cela les encourageraient à planter et aménager des jeunes sujets qui leur seraient d'une grande utilité par la suite" (SAINT-QUAY-PERROS).

LOUANNEC et SAINT-QUAY sont pour la suppression pure et simple des domaines congéables, "source de la ruine d'une grande partie des habitants des campagnes".

5° La suppression de la suite de moulin, [Note :  Le paysan convenancier était tenu de faire moudre son grain au moulin seigneurial ou moulin banal. Il pouvait en être de même pour la cuisson du pain au four banal] "abus qui écrase les cultivateurs" ; "les nobles en tirent le plus grand impôt sans payer pour le soulagement de l'ordre du Tiers" (KERMARIA).

6° Une seule paroisse, SAINT-QUAY-PERROS s'inquiète du financement de la milice garde-côtes : "Un fardeau commun ne doit point être porté par un seul particulier".

Toutes ces doléances sont formulées avec beaucoup de fermeté. Cependant, ce qui est constant c'est le profond respect témoigné au roi que chacun considère comme le soutien et l'espoir du peuple. On se met respectueusement "sous la protection du monarque le plus chéri, qui ne cherche qu'à soulager son peuple et rendre la justice, qui depuis tant de siècles était éclipsée par le voile de l'iniquité". (PERROS-GUIREC).

Le 24 janvier 1789, une ordonnance royale adressée à chacun des 25 sénéchaussées de BRETAGNE, ordonne la rédaction du cahier des plaintes, doléances [Note : "doléances" était un terme utilisé depuis fort longtemps. Ainsi au XVIème siècle, les Etats de Bretagne discutent, formulent et votent des représentations appelées "doléances". C'était d'ailleurs le principal rôle des Etats] et remontrances que chaque ville, bourg, paroisse et communauté de campagne doit présenter à l'assemblée générale de la sénéchaussée, et fixe les modalités des élections des députés des trois ordres. L'application de ce règlement doit obligatoirement être sous la responsabilité du sénéchal, soit Gabriel Hyacinthe COUPPE de KERVENNOU pour la sénéchaussée de LANNION.

Les assemblées électorales primaires se tiennent, pour le Tiers Etat, dans chaque paroisse de la juridiction entre la fin mars et le 6 avril. On y rédige les cahiers de doléances destinés à être présentés à l'Assemblée de la Sénéchaussée, fixée un 10 avril et on élit un ou plusieurs "députés", au prorata de la population. Les Trégastellois députeront François LE CALVEZ et Yves LE TENSORER, ce dernier prêtre à TREGASTEL depuis 1779 [Note : Ce qui prouve qu'un membre du Bas Clergé pouvait opter pour le Tiers Etat]. Quand aux cahiers, seul nous est parvenu celui de la Ville de LANNION. L'assemblée du Tiers Etat de la Sénéchaussée de TREGUIER au siège de LANNION délibère en l'église des Dames Ursulines. Les délégués élaborent une synthèse des doléances issues des assemblées primaires et intitulée "Cahier de doléances du Tiers Etat de la Sénéchaussée de LANNION, diocèse de TREGUIER", puis choisissent leurs deux députés aux Etats : Baudoin de MAISONBLANCHE et Couppé de KERVENNOU [Note : Pour toute la province de Bretagne, 189 grands électeurs éliront les 24 députés du Tiers].

(Emmanuel Mazé).

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