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CAHIER DE DOLÉANCES DU VAL-D'IZÉ EN 1789

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Subdélégation de Saint-Aubin-du-Cormier. — Département d'Ille-et-Vilaine, arrondissement de Vitré, canton de Vitré-Nord.
POPULATION. — En 1791, 2.353 habitants (Arch. Nat., D IV bis 51).
CAPITATION. — Total en 1789, 2.165 l. 1 s. 3 d., se décomposant ainsi : capitation, 123 l. 8 s. 9 d. ; milice, 180 l. 3 s. 9 d. ; casernement, 436 l. 13 s. 9 d. ; frais de milice, 14 l. (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C 3981).
VINGTIÈMES. — 3.376 l. 10 s.
FOUAGES. — 49 feux 1/3. — Fouages ordinaires, 540 l. 6 s. 4 d. ; garnisons, 160 l. 16 s. ; fouages extraordinaires, 923 l. 5 s. 10 d.
OGÉE. — A 6 lieues 1/2 à l'E.-N.-E. de Rennes ; à 2 lieues 3/4 de Saint-Aubin-du-Cormier. — 2.000 communiants. — Territoire très étendu ; terres maigres et sablonneuses; quelques prairies ; des landes de sept à huit lieues de circonférence ; quelques bois taillis, dont le plus grand, le Bois d'Orcan, contient environ une lieue de périmètre.

PROCÈS-VERBAL. — Assemblée électorale, le 29 mars, au lieu ordinaire des délibérations, sous la présidence d'Ollivier Guyot, notaire et procureur à Vitré, « secrétaire du général de la paroisse d'Izé pour écrire ses délibérations ». — Comparants : Jean Chevrel ; Jullien Bougon ; Jullien Baston ; Baptiste Hardy, « au lieu et place de Joseph Messé, absent pour cause de maladie » ; Jean Gandon ; Joseph Vettier ; Pierre Bénard ; Pierre Neveu, « au lieu et place de Jean Neveu son frère, décédé » ; Pierre Le Coq ; Jean Chouon ; Julien Messé ; Joseph Duffeu, « tous anciens trésoriers ayant rendu leurs comptes et payé leurs reliquats, composant le corps politique de cette paroisse » ; Charles Croizé des Essards ; Ollivier Truffault ; Jullien Gallet du Cartier ; Jean Le Gendre ; Guillaume Hanry ; Jean Saudrais ; Pierre Goupil ; Baptiste Poullard ; Jullien Planchais ; Guillaume Sallet; Pierre Gaullier ; Jean Avril ; Guillaume Devy ; Pierre Augeris ; Ollivier Messé ; Jean Goupil ; Joseph Hanry ; Pierre Perrier ; Jean Blanchais ; François Beziel ; Louis Beaugendre ; René Leriche ; Pierre Masson ; M. Ménard ; Bougon ; Julien Rouillard ; P. Messé ; F Blandel ; J. Baton. — Députés : Ollivier Truffault, Jullien Baston Fauchardière.

 

Doléances, plaintes et remontrances des habitants de la paroisse d'Izé (aujourd'hui Val-d'Izé), par eux dressées pour satisfaire aux lettres du Roi portant convocation des Etats généraux [Note : Les parties imprimées en italique sont empruntées aux Charges d'un bon citoyen de campagne].

Les habitants de cette paroisse se plaignent depuis bien du temp :

1° — D'être assujettis à la corvée des grandes routes, qui, quoique avantageuses à tous, n'est faite que par les gens de campagne ; elle augmente leur misère et a fait fuir les gens riches de ces campagnes (voir la note qui suit).

Note : Les corvoyeurs d'Izé étaient employés à la route de Rennes à Paris ; leur tâche dont le centre était situé à une lieue et demie du clocher, était, en 1788, longue de 1.593 toises (Arch. d'Ille-et-Vilaine, C.4883).

2° — Du sort de la milice qui gène l'agriculture, enlève des enfants utiles aux laboureurs, sans lesquels ils ne peuvent subsister (voir la note qui suit).

Note : En 1784 à Izé, 77 jeunes gens se sont présentés au tirage de la milice : 46 ont été exemptés ou ajournés, 31 ont tiré au sort, 1 a été pris. Durant les années 1781-1786, la paroisse eut à fournir quatre miliciens, un dans chacune des années 1781, 1782, 1784 et 1785 (Ibid., C 4704).

3° — De l'inégalité de la répartition de l'impôt, qui fait que les habitants des campagnes, n'ayant aucun défenseur, sont trop imposés.

4° — De l'injustice des impôts particuliers a l'ordre Tiers qui paye seul les fouages, francs-fiefs, casernement, frais de milices, droits sur les liqueurs et eaux-de-vie.

5° — De n'avoir eu jusqu'ici des représentants aux Etats province, d'où vient que les charges de l'Etat sont entassées sur les têtes des paysans de la campagne, plus que sur les autres citoyens de l’Etat.

6° — D’être forcés et contraints à la suite des moulins des seigneurs en assujettissant leurs vassaux à suivre un moulin plus éloigné, de préférence à un plus prés, d’où il résulte qu’étant attaché à ce moulin le vassal est plus mal servi que s’il était libre d’aller à d’autres.

Les souhaits des habitants d'Izé sont :

1° — De conserver les droits de citoyens et être admis à l'avenir à se faire représenter à toute assemblée nationale ou provinciale.

2° — Que dans ces assemblées les représentants de l'ordre du Tiers soit égal à celui des ordres privilégiés, que les voix y soient comptées par tête et non par ordre.

3° — Que les représentants dans l'ordre du Tiers ne puissent être ni nobles ni anoblis ni ecclésiastiques, qu'ils ne puissent même être choisis parmi ceux attachés aux deux premiers ordres.

4° — § 12 des Charges...

5° — Que la liberté des gens de campagne soit aussi sacrée que celle de tous autres citoyens.

6° — § 14 des Charges...

7°-10 [Note : Par suite d’un lapsus, il n’y a pas d’art, 8 dans le cahier d’Izé] — § 15 des Charges..., sauf quelques interversions et les modifications suivantes : Au lieu de « que nos propriétés », « que les propriétés des campagnes » ; après « un seul rôle », intercalation des mots : « par paroisse pour tous, afin de voir l'égalité ou l'inégalité de la répartition ».

11° — § 16 des Charges... ; au lieu de « à notre charge », « à la charge seule des habitants des campagnes ».

12° — Qu'il soit établi en chaque paroisse un notaire et greffier pour l'utilité des habitants.

13° — § 19 des Charges... ainsi modifié : après les mots « à la charge d’appel », « pour plus grande somme, ce qui évitera de grands frais qui écrasent les habitants des campagnes, entre autres ceux de la dernière classe ».

14° — Qu'il soit établi par chaque diocèse une caisse pour le soulagement des pauvres, qu’il y soit versé un tiers du recenu de tous les biens ecclésiastiques, entre autres des fondations dont le produit actuel surpasse le prix des messes léguées par les fondateurs (voir la note qui suit), pour ensuite être réparties aux pères des pauvres des paroisses du même diocèse par le Recteur et deux des principaux habitants d’icelle.

Note : En 1790, il y avait dans la paroisse de nombreuses fondations dont le revenu était estimé à 1.204 l. 11 s. (Déclarations, Arch. d'Ille-et-Vilaine, série Q).

15° — Qu’il ne soit permis à personne de mendier leur pain sous peine d'être arrêté comme vagabond et mis dans des lieux où ils puissent traviller.

16° — Que toute taxe ou impôt será versé par chaque province dans un seul bureau pour ensuite être porté directement aux coffres du Roi.

17° — Que tous droits ou usages abusifs et contraires à liberté du citoyen soient supprimés, tels que la banalité ou suite de moulins, droits de guet, péage. lods et ventes des contrats d'échéances (sic), rachats, etc., et qu'il soit permis aux habitants des campagnes de chasser et tuer, dans l'étendue de leur terre seulement, toutes bêtes fauves ou de gibier qui portent préjudice dans leurs grains.

Enfin les habitants d'Izé adoptent en général tous et chacun les dits articles de doléances et demandes qui seront tenus dans le cahier général de la ville de Rennes, qui n'auraient pas été prévus ou suffisamment développés dans le présent, donnant à leurs députés tout plein pouvoir de les souscrire, même de proposer, remontrer, aviser, consentir au besoin de l’Etat et faire maintenir les droits et immunités de la province de Bretagne.

Arrêté au lieu ordinaire des délibérations du général d’Izé, le vingt-neuf mars mil sept cent quatre-vingt-neuf, sous les seings des habitants qui le savent faire et de moi, Ollivier Guyot, secrétaire de général, aprés avoir chiffré le présent au haut bas de chaque page.

Signé : Ollivier Messé, Bougon, G. Sallet, Croizé, Benis Chesnel, Pierre Gadan, P. Messé, Pierre Benard, Jean Blanchais, J. Baston, Etenne Dufeu, C. Malval, Joseph Veltier, Jean Bouchenys, Pierre Saudrais, Truffault, Bougon, Julien Poullard, Beziel, J.-B. Hardy, F. Blandel, Pierre Perrier, Jean Gandon, M. Menard, Joseph Dufeu, Julien Baton, Joseph Messé, Julien Messé, P. Chevallier, Jean Chouon, Benjamin Perrier, le même pour Pierre Neveu, Guyot, secrétaire.

 

Un feuillet séparé et cousu au précédent cahier porte les doléances suivantes.

A requête de René Neveu, Benjamin Perrier, Guyot, secrétaire.

Les paroissiens d'Izé n'ayant pu, le vingt-neuf mars dernier, jour indiqué pour leur assemblée, faire, comme ils l'auraient souhaité, leurs représentations à maître Guyot, notaire et procureur de plusieurs basses juridictions, qui se trouva chargé de cette commission, se sont assemblés le dimanche suivant, cinq avril, pour porter les plaintes et doléances qui suivent à leurs députés :

I. — Lesdits paroissiens se plaignent que le quart des grains est enlevé depuis l'ensemencement jusqu'à la récolte tant par les pigeons de fuie des seigneurs que par les autres volatiles que le pauvre laboureur est obligé de souffrir impunément sur ses champs ensemencés : car, si les gardes desdits seigneurs l’entendaient tirer un coup de fusil, il serait assuré de payer une amende considérable ou même d'aller aux galères, s'il n’avait pas moyen de payer. Le champs voisins di' leurs bois sont sans cesse pillés par les animaux féroces qui s’y réfugient, sans que personne ose tirer, lesdits seigneurs ayant toujours soin de choisir pour leurs gardes de chasse des batteurs gens, capables de tout faire.

II. — Les gardes des eaux bois et forêts ruinent souvent de très bons citoyens qui n’ont commis d'autre crime que d’avoir abattu sans declarer, pour quelque nécesité pressante, deux ou trois mauvais pieds d'arbre qui n'étaient nullement propres à la construction des vaisseaux ; même souvent pour de simples ragosses (voir la note qui suit), ces messieurs mettent aussi à l'hôpital un citoyen qu'ils rencontrent le fusil à la main pour défendre ses grains.

Note : Cf. G. DOTTIN et G LANGOUET, Glossaire du parler de Pléchâtel, 1901, p. 145 : « Ragosse, vieille souche, bosselure dans un vieil arbre, vieil arbre ».

III. — Les habitants d'Izé demandent qu'il n'y ait aucune distinction entre les ordres, tant pour les impositions royales, qui doivent être réparties sur tous également, que pour la corvée, qui doit être faite à frais communs, étant aussi utile au noble qu'au roturier ; qu'il ne soit plus permis aux nobles d'exempter de capitation un grand nombre de domestiques, comme ils ont fait jusqu'ici.

IV. — Qu'il soit défendu aux seigneurs de faire rendre aveu si fréquemment, car, si celui qui vient de le faire rendre meurt peu de temps après, son successeur le fait rendre une seconde fois, ce qui écrase les vassaux en frais, et messieurs les procureurs fiscaux ne manquent jamais de trouver des moyens d'impunissement pour ruiner les pauvres citoyens (voir la note qui suit). Que le droit injuste des lods et ventes de tous contrats, payable au seigneur, soit supprimé.

Note : Voy. Arch. d’Ille-et-Vilaine, série E. baronnie de Vitré, liasse 15. On peut citer cet exemple : le 19 avril 1732, l’aveu de Raoul Masson est impuni ; ce vassal est condamné à 3 l. d’amende pour son aveu défectueux, et il doit payer les frais, c’est-à-dire 17 l. 3 s. 8 d.

V. — Qu'il ne soit plus permis aux seigneurs, de changer et détourner à leur gré les routes de l'église, ce qui peut causer des malheurs, surtout pour l'administration des sacrements aux maladies.

VI. — Que lesdits seigneurs ne puissent plus exempter de la milice tous leurs domestiques ; il ne se contentent pas de ne vouloir rien payer : ils exemptent de capitation et de milice tous ceux qui entrent à leur service.

VII. — Que Sa Majesté se procure un autant des rôles des capitation, vingtième, fouages et tailles ; qu’elle fasse faire un calcul exact, qu’elle rendra public, de ce que chaque paroisse, chaque évêché, chaque province, ensuite tout le royaume lui fournit : Sa Majesté pourra assez admirer combien elle est dupée.

VIII. — Lesdits paroissiens se plaignet qu’il sort la moitié des dîmes de leur paroisse et cinquante-six boisseaux de froment qu'elle fournit aux inutiles Bénédictins, tandis qu'un tiers de ses habitants gémit dans l'indigence ; ils désirent que cette moitié de dîmes et ce froment, également que le tiers des dîmes du recteur, soient employés pour le secours des pauvres. En outre, les chanoines de la collégiale de Champeaux possèdent dix-huit cents livres de rentes dans la paroisse, sans un grand nombre de constituts dont on n'a pas connaissance ; les Jacobins de Vitré, neuf cents francs, les Augustins trois cents livres, et nos pauvres n'en ressentent jamais aucune aumône (voir la note qui suit). Nous souhaiterions que ce bien fût employé pour avoir un maître et une maîtresse d'école, un chirurgien et une sage-femme, car il périt un grand nombre de femmes, faute de soulagement.

Note : Les dîmes d’Izé appartiennent au recteur, à qui elles rapportent 3.698 l. (sans compter les novales d’un revenu de 36 l.), et au prieuré d’Izé, qui les afferme 3.800 l. Le petit sémianire de Rennes a aussi quelques traits de dîme, qu’il afferme 233 l. — Voici les propriétaires ecclésiastiques : la collégiale de Champeaux (revenu de 1.996 l.) ; les Augustins de Vitré (465 l.) ; les Jacobins de Vitré (812 l.) ; le prieuré d’Izé, qui a pour titulaire M. Blanchard, supérieur du petit séminaire de Rennes (165 l.) ; le prieuré de Livré (72 l.) ; la fabrique de N.-D. de Vitré (491 l.). Voy. les Déclarations de 1790, Arch. d’Ille-et-Vilaine, série Q.

IX. — Qu'on supprime certaines rentes seigneuriales, attendu qu'on les payait pour la plupart pour des terrains vains et vagues, où l'on avait droit de communer et qui sont maintenant afféagés (voir la note qui suit) ; et que les autres rentes soient franchissables.

Note : Au XVIIIème siècle, il y avait eu des afféagements dans la paroisse d’Izé. Voy, notamment à ce sujet une requête du général d’Izé aux juges de la baronnie de Vitré (20 sept. 1769) ; ils se plaignent d’afféagements conclus par M. de la Teillais sur des terres vaines et vagues faissant partie de la lande d’Izé, sur laquelle les habitants avaient des droits d’usages trés étendus (Arch. d’Ille-et-vilaine, série E, baronnie de Vitré, liasse 14).

X. — Enfin le vœu des habitants d'Izé est que la noblesse et l'Eglise soient imposées ail prorata de leurs biens, sans exception ni distinction, comme l'est le peuple ; cependant, les privilégiés se flattent avec hauteur que le paysan, qu’ils nomment « Jean Le Guêtré », payera tout ; ils emploient leurs officiers pour empêcher les remontrances du peuple, mais les paroissens d’Izé attendent tout de la clairvoyance et de l’équité des préposés à cette grande affaire.

XI. — Que désormais la justice ne soit rendue qu'au nom et par Votre Majesté ; qu'il y ait des sièges royaux partout et que pauelers juridictions seigneuriales soient abolies.

Suivent les signatures de : L. Beaugendre, Joseph Dufeu, Pierre Bénard, Jean Gandon, Bougon, Joseph Vettier, Jean Blanchais, Pierre Perrier, J.-B. Hardy, M. Ménard, autre Bougon, G. Sallet, J. Baston, Julien Poullard, Jean Choüon, P. Messé, Joseph Messé, Olivier Messé, Truffault, Béziel, F. Blandel, Julien Messé, tous signataires du procès-verbal et du premier cahier (sauf L. Beaugendre. mentionné au procès-verbal comme présent, mais dont la signature ne se trouve ni au bas du procès-verbal, ni à la suite du premier cahier), et celle d'Olivier Royer, non mentionné au procès-verbal et au premier cahier.

 

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DÉLIBÉRATION du 8 février 1789.
(Arch. commun. de Rennes, Cart. des Aff. de Bretagne, F et L).

Le général, à qui M. Thomas, recteur de la paroisse [Note : Qui s’est retiré, sans vouloir signer la délibération], a lu l'arrêté des dix paroisses de Rennes, se déclare « parfaitement instruit des justes réclamations du Tiers Etat, considérant entre autre que le payement des impôts frappe plus particulièrement sur l'ordre du Tiers que sur les deux autres, par une répartition inégale de ce que chaque devrait payer, que la corvée, dont tout citoyen profite, n'est faite que par les plus simples laboureurs et les moins aisés, qui, pour s'acquitter de cette double tâche, épuisent leur santé et leur peu de fortune... ». En conséquence, le général adhère aux délibérations des dix paroisses de Rennes, du 19 janvier. Il donne aussi « pleins pouvoirs à MM. les députés de la ville de Vitré pour les Etats de répéter et faire valoir au besoin la même adhésion, approuvant ce qu’ils feront pour le soutien des droits du Tiers Etat et le redressement de leurs grief.. ».

[Sur le registre, 12 signatures, dont celle de Julien Baston, trésorier en charge].

(H. E. Sée).

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