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Une ville ou un camp Gallo-Romain au Yaudet |
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Au milieu du 1er siècle avant notre ère, les légions de Jules César ont conquis notre région, le Trégor (des monnaies du dictateur ont été trouvées vers 1957, près du Grand Rocher entre Saint-Michel-en-Grève et Plestin-les-Grèves). La ville ou l'établissement militaire gallo-romain du Yaudet était situé au Pays des Ossismes ayant pour capitale Carhaix, que le Yaudet a pu très bien un jour supplanté. |
A coup sûr, on lavouera avec nous, rien de plus facile que le paradoxe dans les questions dorigines historiques, comme aussi rien de plus ordinaire que labus que font certains auteurs de la crédulité du lecteur, pour substituer, en ces circonstances, dingénieuses fables à la vérité. Pour nous garder donc ici de ce travers de lhistoire, en cherchant à soulever un peu le voile qui recouvre peut-être à la fois et le berceau de notre cité (Lannion) et celui de lancien évêché du Tréguier, nous ferons marcher de front les preuves et les affirmations et nous nous garderons bien par là de rien avancer qui ne soit garanti par les monuments les plus irrécusables, voire même pour la plus exigeante critique. Déjà, nous le savons, mille théories contradictoires ont été reproduites, pour expliquer les origines de cet antique village, mais, en général, nous devons ici le dire, les auteurs de ces théories diverses ont peu étudié les monuments qui offrent à cet égard les meilleures indications et se sont presque tous contentés de tout affirmer ou de tout nier, sur la foi dauteurs, qui, pour être plus anciens queux, nen étaient pas pour cela plus dignes de créance. Pour nous, de peur que notre blâme ne retombe aussi sur nous-même, nous ne voulons nous rallier quavec une sorte de réserve à aucun de ces systèmes, et nous nous garderons par suite de rien affirmer qui ne sappuie, non sur le texte de lun de ces auteurs, mais sur les monuments que nous avons pu découvrir dans la visite des lieux. Sans affirmer donc et encore moins sans nier que le village du Yeodet (Yaudet), occupe aujourdhui lemplacement de la Lexovie de César, ou de la Lexobie des antiquaires, nous dirons simplement quil y a eu là un établissement Gallo-Romain, nous voulons dire un camp ou une ville, dont lorigine remonte au moins à la domination des Romains, dans nos contrées.
Les anciennes villes Gallo-Romaines ayant été construites daprès le même système que les camps fixes de la même époque, on comprend quil nous soit aujourdhui difficile, à laide de quelques ruines seulement, de distinguer ces monuments lun de lautre. Mais, après tout, tous ces camps ayant été plus tard convertis en véritables villes, nous donnerons cette dernière dénomination à létablissement que nous allons étudier.
Ces imposantes et antiques ruines que nous voulons décrire se trouvent assises à lembouchures du Guer, au sommet dune grande motte, défendue de tous côtés par des pentes ou fertiles ou abruptes, et ne tenant aux hauteurs voisines que par un isthme ou une assez étroite langue de terre. Là, sur un plateau oblong, au haut des coteaux qui dominent et commandent lantique havre du Yaudet, la Manche et la vallée profonde qui sépare la paroisse de Ploumilliau de celle de Ploulech, vinrent donc jadis camper des légions romaines et jeter les fondations dune cité qui, plus tard peut-être, devint somptueuse, mais qui aujourdhui nest plus quun petit village, au milieu duquel la charrue se promène partout bien librement. Toutefois, en dépit de la puissance des causes sans nombre qui depuis 1400 ans ont agi tour à tour pour faire disparaître les derniers débris de cette antique cité, il en reste encore assez de vestiges pour quil ne soit pas, aujourdhui même, permis de révoquer en doute son antique renom et sa splendeur passée. Des fouilles que nous avons entreprises, sur tous les points de ce village, ont mis à découvert la grande enceinte murale, une tour carrée et nombre dautres antiquités qui à elles seules attestent assez, pour quil ne soit plus permis den douter, que les Romains ont jadis séjournés en ces lieux.
Lenceinte affectait la forme dun carré oblong dont les côtés avaient environ 400 mètres de longueur et les bouts 200 mètres de largeur. Dans plusieurs endroits, cette enceinte a été détruite par suite des éboulements du terrain dans la mer et dans d'autres, elle a été exploitée, soit pour la construction des maisons du village, soit pour des clôtures des terrains voisins. Les débris qui subsistent encore ou sont enfoncés sous terre ou apparaissent à peine à la surface du sol. Toutefois, un heureux hasard a voulu quil en restât des traces des deux côtés et des deux bouts du rectangle, et cest ce qui nous a permis den reconnaître les véritables délimitations. Réunis, tous les tronçons que nous avons pu découvrir pourraient encore aujourdhui avoir une longueur de 150 mètres. Tous ces murs ont au moins 1 mètre 50 centimètres dépaisseur et appartiennent au petit appareil allongé. Leurs parements sont formés de pierres, dont chaque face symétrique a de 22 à 30 centimètres de longueur, sur environ 8 centimètres de hauteur. Le centre du mur présente un massif de moellons irréguliers, à bain de ciment. Ce ciment plus dur que la pierre et par suite dune consistance qui résiste à leffort du levier et aux coups de la masse plus longtemps que la pierre elle-même, remplit près de la moitié de lintérieur du mur, ce qui atteste que les Romains n étaient pas sobres de ciment dans leurs constructions militaires. Ce mortier est composé de chaux vive, de granit pilé et de briques. Dans un seul endroit nous avons aussi remarqué du fer fondu, combiné avec le ciment dans lintérieur du mur, ce qui semblerait indiquer que les Romains ont dû avoir jadis au Yaudet, une usine de fonderie de fer.
Quant à la tour dont nous avons cru reconnaître les traces, elle se trouvait à langle qui domine à la fois et lembouchure du Guer et le port du Yaudet. Cette tour avait ses murs plus épais que ceux du reste de lenceinte. Nous avons aussi acquis la preuve certaine que le ciment des murs du côté couchant et du bout midi, auprès du Rocher de Beaumanoir et au dessus de la grève quon a baptisée du nom de Parc de lEvêque, nous avons acquis la preuve, disons-nous, que le ciment de ces murs est plus blanc que celui que nous avons rencontré dans les autres parties de lenceinte murale.
En continuant nos excavations dans le sol, sur les parties centrales du territoire enclos par les murs, nous avons aussi découvert une prodigieuse quantité de débris de tuiles, dont les unes recouvertes de vernis semblent avoir appartenu à des mosaïques ou peut-être à des revêtements de murs et dautres munies de rebords qui ont évidemment appartenu à des toits romains. La présence et la forme de ces rebords, à elles seules, à défauts dautre indice, auraient suffi, à nos yeux, pour attester quil y a eu jadis au Yaudet un établissement Gallo-Romain. Ces rebords affectent dun côté la forme dune petite gorge et de lautre celle dun boudin. Dans létablissement du toit, les boudins sengrenaient dans les gorges et par là offraient un excellent obstacle à linfiltration de leau. Il va sans dire que ces tuiles, dune forme plate, navaient rien de commun avec celles que nous employons pour nos « faîtures ». Enfin, un autre caractère propre à la tuile, que nous avons trouvée au Yaudet, et qui la distingue encore de la nôtre, cest sa dureté, cest la consistance quelle acquiert quand on la sépare de laction de lhumidité. Cette solidité proviendrait-elle des grains de sable qui sont entrés dans sa composition ? Nous nosons laffirmer ; mais ce qui est certain, cest que les débris de tuiles romaines, qui jonchent ça et là le sol de ce village, résisteront encore longtemps et à laction destructive des éléments et à celle de tous les instruments de labour qui, tous les jours, remuent cette terre.
Disons-le donc sans détour, notre architecture moderne, si engouée du bois corruptible et si engluée de plâtre, na pas même le mérite de larchitecture des Scipions et des Césars. En effet, ceux-ci construisaient pour le logement de leurs légions des habitations dont les murs étaient liés entre eux avec du ciment plus dur que la pierre, tandis que nous nous logeons le Créateur dans des habitations moitié sapin et moitié plâtre.La découverte dune quantité assez considérable de ruines romaines, au Yaudet, lesquelles assurément à elles seules expliquent et confirment déjà admirablement une partie, au moins, des faits que la tradition rapporte de ce village. Mais pour répandre encore, sil est possible, de plus vives lumières, sur les origines de cette localité, poursuivons nos investigations et nos rapprochements. Nous arrivons à lélément de preuve numismatique.
Ici, nous lavouerons, nous sommes sur un terrain qui a été pour nous assez stérile en indications, puisque nous sommes obligés de confesser que toutes nos recherches ont abouti à la découverte dune seule médaille romaine. Mais, après tout, cette médaille fut-elle la première recueillie dans ce village, et si isolée qu elle puisse être entre nos mains, nous le demandons, ne dit-elle pas assez à elle seule, combien dautres monnaies et antiquités diverses on pourrait exhumer de ce sol, en mettant plus de persistance dans les explorations. La face de cette médaille représente Céphale et Procris, avec linscription de ces deux noms. Sur le revers se voit un autre personnage, avec la légende suivante : Frangit tollit. Les visages sont un peu altérés, mais les inscriptions sont aussi faciles à lire que celles de nos nouvelles pièces impériales. Céphale tient un javelot entre les mains et a, entre les jambes, un chien de la race des lévriers. Que si quelqu'un maintenant cherchait à amoindrir l'autorité de notre preuve numismatique, sous prétexte que nous n'avons entre les mains qu'une seule pièce de conviction, qu'il nous permette de le renvoyer à M. J.-M. de Penguern qui, avant nous, a travaillé par de précieuses recherches, à la réhabilitation de la mémoire du Yaudet et qui, lui, a réussi à former une sorte darsenal de médailles romaines recueillies sur le sol de ce même village. Quant au plan général de la ville, nous nen dirons rien, non plus que de la distribution intérieure des rues et carrefours, car, bien que des inégalités de sol et nombre de protubérances soient encore là, avec des débris de pierres et de tuiles, pour indiquer les lieux où des ruines dédifices se trouvent amoncelées et recouvertes de terres, nous laisserons ce travail à quelquun qui pourra y entreprendre des fouilles sur une plus grande échelle que nous. Mais pour compléter nos recherches sur les origines de ce village, il nous reste encore à étudier quelques vestiges de la voie romaine qui y conduisait. Certes, on comprend quaprès quatorze ou quinze siècles de dégradations, de réformes, dadditions ou de restaurations diverses, provenant les unes de la main de lhomme, les autres des injures et intempéries des saisons, on comprend, disons-nous, quaprès toutes ces causes de destructions, cette sorte de monuments de la puissance romaine, dans nos contrées, aient été ou totalement détruits ou essentiellement altérés, si bien quaujourdhui il soit dordinaire difficile den reconnaître les rares et dernières traces. Par une de ces rares exceptions que lon ne rencontre que de loin en loin dans nos contrées, la route qui accédait au Yaudet est encore reconnaissable, en dépit de toutes ces mutilations diverses. En quittant ce village elle se dirigeait sur Lannion, suivant le tracé de la route actuelle. Là, dans les endroits où le sol offrait à la route peu de consistance, lon trouve encore des vestiges de stratumen, cest-à-dire de ces énormes blocs de pierres, avec lesquels les Romains construisaient les fondations de leurs routes (NDLR : souvent ces pierres ont été exploitées soit pour constructions de bâtiments voisins soit pour les parements des talus qui bordent la route). Ailleurs, par exemple, aux abords même du Yaudet, là où le Créateur avait davance établi un dallage de rocs, lart sest abstenu de rien faire. De Lannion, une voie se dirigeait par la lande ou butte du patibulaire (NDLR : et quon ne prenne pas cette voie pour une grande route de fief, car il ny en avait pas dans le voisinage. Du reste les pavés des grandes routes de nos fiefs nétaient que de simples trottoirs, qui bordaient le soubassement des clôtures des terres riveraines), sur Morlaix et probablement sur Carhaix, traversant les paroisses de Ploulech, Ploumilliau, Plouzélambre, Plestin, Plouégat-Guérand, etc.. La partie de cette route qui appartient à la commune de Ploulech, ayant été depuis longtemps abandonnée a pu, grâce à cet abandon, se conserver dans certains endroits, presque dans son état primitif. Les fragments de cette voie qui y existent encore, dans cet état de conservation, sont élevés au-dessus du niveau du sol denviron 50 centimètres . De massifs quartiers de pierres brutes, posées sur le plat, forment le pavé sur une largeur denviron 4 mètres (NDLR : nous ne parlerons pas de celle qui si dirigeait sur Pordic, Saint-Brieuc, etc.). Nous ne doutons pas que ces parties de routes n'aient été rétrécies et par la détérioration des soubassements, à lendroit des bords, et par les empiètements des propriétaires riverains (NDLR : ce qui prouve que ce pavé prenait jadis toute la largeur de la route, cest quà des intervalles assez rapprochés on en avait encore des tronçons aux deux côtés opposés). Dans certains intervalles, surtout dans les pentes, cette voie antique est aussi creusée, comme le lit dune rivière. Ces excavations sont évidemment le résultat de laction de lécoulement des eaux, aussi bien quelles sont un indice de grande vétusté. Sur tout le terrain de Ploumilliau la route a été restaurée daprès divers systèmes plus ou moins modernes, de sorte que, à part la rectitude du tracé, la voie romaine y devient méconnaissable. Au bourg de Plouzélambre au contraire, cette voie vient encore se révéler à nous avec les traits les plus caractéristiques de son origine. Là, dans tous les terrains qui environnent le presbytère, la charrue et tous autres instruments de labour mettent chaque jour à découvert de nouveaux débris de tuiles et de poteries romaines. Des fouilles que le propriétaire y fit pratiquer, il y a environ deux ans, y firent même découvrir du marbre. Les tuiles à rebords sy trouvent surtout en abondance, ce qui ne permet plus de douter quil ny ait eu là une villa ou tout autre établissement romain. Aux abords même de ce bourg, sur le bord de la route, se trouve aussi un ancien manoir nommé Kerpavé (village du pavé) qui garde aujourdhui encore le nom quil emprunta jadis du Stratumen de la voie romaine voisine. Enfin, cest dans la cour même de cette ancienne gentilhommière que nous avons découvert une ancienne cuve de moulin à bras ou romain. Cette pierre est cylindrique et a environ 56 à 60 centimètres de diamètre. Elle affecte la forme dune meule dont une des faces est concave. Au fond ou centre de cette cavité on a pratiqué un trou pour fixer le pivot sur lequel tournait laxe de la meule supérieure et convexe. La troisième séance du congrès de Morlaix (1851) ayant donné des indications précises sur le reste du tracé de cette voie, depuis Plouzélambre jusquà Morlaix, nous allons copier littéralement le passage du procès-verbal qui en rend compte :
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