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La Lexobie Bretonne |
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La version dune Lexobie au Yaudet fut inventée au XVe siècle
par Le Baud : quoiquen dise notre adversaire, Doms Morice et Lobineau nen
font nullement mention dans leurs Histoires de Bretagne que nous avons entre nos
mains. Cette idée semblait oubliée. Un homme sest rencontré
dans un obscur
village qui en deviendra célèbre ! Esprit fort et tranchant, talent mûri par les
années, juge suprème dans sa propre cause et fort peu courtois envers ces
contradicteurs. Nous avons eu le malheur de démontrer linsuffisance de ses preuves,
rien de plus : sous le voile de lanonyme (quoiquon reconnaisse aisément
lhomme à laménité de son style), ce docte auteur nous a répondu par une
longue série de personnalités. Cest le moyen décraser ses adversaires, non
pas sous le poids de la vérité, mais bien sous celui du sarcasme. Nous attendions une
critique polie, dans les limites de la convenance, comme elle lest toujours entre
gens du monde et non pas une semblable diatribe, surtout de la bouche dun homme en
qui nous aurions supposé quelque peu de charité. Nous ne pouvons nous expliquer une
sortie aussi violente contre nous, qui rendons encore aujourd'hui justice à la science de
notre adversaire, qu'en pensant que ce Monsieur dont les années ont fortifié les
talents, aura vu une sorte de démenti jeté par un jeune Monsieur. Il nous
semblait que ne pouvant décider soi-même de la validité de son opinion, on devait
laisser les sentiments divers se produire, et se produire en entier, surtout quand il
sagissait de questions aussi obscures et aussi controversées que celles dont nous
avons eu le malheur de nous occuper ; et quensuite, dans notre inexpérience,
il était permis de penser, de penser autrement que notre aimable adversaire, défenseur
fanatique de la Lexobie Bretonne ! Lauteur, non linventeur, de la Lexobie
du Yaudet, ajoute : « quil a été effrayé du bagage de compilations que
le Monsieur a mises bout à bout ».
Le Monsieur avait cru quil valait mieux en traitant une question remontant à une époque aussi ancienne et pour percer le voile qui recouvre les ruines du Yaudet, citer, en indiquant le nom de lauteur (cest être plagiaire !) les opinions diverses des historiens se rapprochant le plus de ces temps, les comparer pour faire naître la vérité, emprunter une expression bien pensée et bien dite, voire même à un élégant feuilletonniste, à Em. Souvestre, en parlant dune légende, que daller dans un style prétentieux et indigeste, rappelant sans cesse la Vie de Saint Tugdual, ouvrage favori de notre adversaire, en tirer des passages, écrit on ne sait par qui, pour décider souverainement la question ou bien arracher à César (Liv. 3) une thèse purement générale pour lui donner par une traduction aussi ingénue quinfidèle un sens particulier sans avoir égard ni à ce qui suit ni à ce qui précède. Il nest nullement question de Lexobie dans ce livre, seulement lauteur y nomme les Lexoviens. Il y a dingénieux traducteurs partout, témoin notre docte antiquaire qui avait traduit ; Erant situs ferè oppidorum par « cette ville, nous dit (à lui seul !) lillustre historien latin, était assisse, etc. ».
Pour la dernière fois, il reprend contre nous la discussion de cette question historique. La courtoisie déployée par lui dans la lutte est trop grande pour que jamais nous soyons assez osés pour nous confronter avec lui : une polémique dhistoire ne doit point sortir des limites ordinaires et dégénérer en personnalités . Aussi le laisserons nous dicter arbitralement et magistralement ses opinions personnelles, nous réservant dy répondre quand bon nous semblera et sans aucune préoccupation de toutes ses répliques. Que ce Monsieur veuille bien souffrir quun jeune homme lui mette sous les yeux un nouveau bagage de compilations auquel il na pas voulu donner le temps de paraître. Sera-ce une leçon pour lavenir : osons lespérer. La question nous semble résolue, la contradiction apparente d'Ogée expliquée et les vies des bienheureux saint Tugal, Tugdual, Maudez, etc., pourront être en partie crûes, sil veut bien nous lire jusquau bout. Nous ninvoquerons pas pour preuve une médaille antique trouvée par hasard à Loquirec, ce nest pas là un document historique, pas plus quà Lisieux, mais bien des auteurs dignes de créance, César par exemple. Car notre adversaire prétend que Strabon, Pline, Ptolémée, Peutinger étaient des ignorants (nous sommes fiers et heureux dêtre par lui rangés dans la même classe) et que ce nest que par esprit de système quon peut admettre leurs textes.
César est, disait-il autrefois, « lauteur qui mérite dans cette discussion la plus grande somme de créance ». Les limites de la région Armoricaine sont nettement indiquées par lui dans le passage que nous allons citer, extrait du Liv. VII de bello Gallico. Il est tellement clair et précis quil dissipera tous les doutes, sil pouvait en exister encore sur la vraie position des Lexoviens dans la Gaule à lépoque qui nous occupe. Quelques mots auparavant des faits qui précèdent dans lhistorien latin les paroles que nous invoquerons : nous aimons à croire quelles sont restées ignorées même de notre opiniâtre adversaire. Vercingetorix, roi des Avernes, lâme de la puissante confédération organisée contre César, venait d'être battu par ses ennemis : la tactique Romaine lavait emporté sur limpétueuse valeur de ses guerriers. Il tente un nouvel effort et court senfermer dans Alesia (52 ans avant Jésus-Christ), appelant toute la Gaule à la vengeance. César donne le détail des gigantesques travaux dattaque et de défense faits par les deux armées autour de la ville assiégée : il ajoute que chaque cité Gauloise, contrairement à lavis de Vercingetorix, qui demandait tous ceux en âge de porter les armes, reçut lordre de fournir son contingent déterminé de soldats : « Certum numerum cuique civitati imperant ». Une armée de 240 000 hommes sorganise : César en donne la composition. Dabord ce sont les peuples du Nord de la Gaule au nombre de trente-trois, tributaires ou alliés des Eduens et Avernes, et parmi eux les Bellocassi, les Lexovii, et les Aulerci Eburones qui doivent trois mille guerriers, « Bellocassiis, Lexoviis, Aulercis Euronibus terna millia » ; après viennent les Rauraci et les Boii, peuples des rives du Rhin. César donne alors le contingent de la Bretagne : « Universis civitatibus, quoe Oceanum attingunt, quoeque corum consuetudine Armoricoe appellantur, quo sunt in numero Curiosolites, Rhedones, Ambibari, Cadetes, Osismii, (Lemovices) Veneti, Unelli, Sena ». Cest-à-dire, « on demande dix milles hommes à toutes les cités qui touchent à lOcéan et qui ont coutume de sappeler Armoricaines, parmi lesquelles sont celles des Curiosolites (Cornouaillais), des Rhedones (de Rennes), des Ambibari, des Cadetes, des Osismii, des Lemovices Veneti (Venètes dont lEmpire allait jusquà Limoges) et des Unelli ». Assurément les Lexoviens figureraient parmi ces derniers sils eussent eu, comme le prouve notre adversaire avec sa vie de Saint Tugdual , sa seule autorité, leur capitale au Yaudet : ce peuple puissant est fréquemment nommé dans César. Lhistorien latin neût pas été le placer parmi les Bellocassi (peuples de Bayeux) et les Aulerci Eburones (Aulerces dEvreux) sil eût occupé un autre pays que celui au milieu duquel sélève aujourdhui Lisieux à cinq myriamètres de Bayeux et sept dEvreux.
Cest lopinion de M. Ansart, Géographie comparée : « Les Lexoviens, Lexovii, à lO. des Aulerces Eburones ou Eburovices (lO. du département de lEure et lE. de celui du Calvados). Capitale : Noviomagus, puis Lexovii (Lisieux) au centre ».
Celle de M. Michelet, Histoire de France. « Un de ses lieutenants (de César) soumit les Unelles, les Eburoviens et les Lexoviens (Coutances, Evreux et Lisieux) ». Chap. 1er.
Celle des historiens et géographes sérieux.
Et aussi celle de M. de Petigny dans ses remarquables Etudes sur lhistoire et les institutions de lépoque Mérovingienne.
Pourtant nous ne sachions pas que ces Messieurs soient Normands.
Les peuples qui occupaient ce pays où lon voudrait mettre originairement les Lexoviens étaient les Osismii, Osismiens : les historiens sont unanimes à ce sujet. Toutes les cartes anciennes de la Bretagne les placent à lO. du département des Côtes-du-Nord et dans le Finistère : notamment celle jointe à lHistoire de Bretagne de Dom Morice, 1750. « Les Osismiens, dit Lobineau (Histoire de Bretagne, Liv. 1er), étaient au-delà des Venètes, à la pointe de lArmorique. Ils occupaient le pays qui compose présentement les évêchés de Léon et de Tréguier et une grande partie de celui de Quimper ». Coenalis, qui fut évêque dAvranches, savant commentateur, dit dans les notes des commentaires de César, édition Jos. Scaliger, 1719 : « Osismii ad mare britannicum populi : urbe eorum Landriguet ». Les Osismiens, peuples des bords de la mer qui baigne les côtes de Bretagne : leur capitale était Landriguet (corruption de Landreguer, Tréguier).
Il est donc certain que les Lexoviens nont jamais habité ailleurs que les parages de Lisieux actuel : leur capital devait nécessairement être là où ils étaient. Mais il est possible que postérieusement aux campagnes de César dans les Gaules, ils aient envoyé au VIe siècle une colonie sétablir au Coz-Yaudet : cest ce qui aura fait supposer à tort par Le Baud quils y avaient toujours demeuré. Cest là lopinion de M. Aurélien de Courson dans son Histoire des peuples Bretons, sans doute pour expliquer ce problème historique inventé par un ou deux historiens seulement, et aujourdhui si ingénieusement ou plutôt si ingénuementt restauré : « Une tribu de Lexovii, différents de ceux que César place à Lisieux, se trouvait établie entre les Osismiens et les Curiosolites : leur capitale aurait été placée près de Lannion, à Coz-Keodeh (Vetus Civitas) ».
Géographie politique. Ils seraient venus sy établir à la suite des guerres qui les auraient amenés dans ce pays. Vers lan 594 après Jésus-Christ, Childebert II, roi de France, fut battu par Waroch, lillustre chef des Venètes. A la suite de cette victoire, « le comte de Vannes concéda des terres en Bretagne aux auxiliaires étrangers qui avaient combattu sous ses ordres, car le cartulaire de Redon nous révèle lexistence dun certain nombre de seigneurs dont les noms indiquent clairement l'origine Saxonne. Cette tribu des Lexoviens Normands y serait restée jusquen lan 836, époque à laquelle, selon dArgentré, sire de la Boessière « Hastan, roi des Danois prist et ruina leur ville », (il ne dit pas quelle sappela Lexobie) senfuyant léuesque Couaranus, et emportant aves soy les reliques du corps de saint Tugal à Chartres, auquel lieu le chef est encore restenu. « Histoire de Bretagne, Liv. 1er ». Cest alors que pour se mettre à labri des invasions sans cesse renaissantes des Danois de Hasting ou Hastan, ces peuples colons abandonnèrent leur position du Yaudet où les pirates Danois venaient sans cesse piller leurs moissons et enlever leurs troupeaux, vinrent s'établir dans un lieu dit Lan-Huon et y fondèrent une ville. La cité sagrandit bientôt de nouveaux habitants et au XIIe siècle, elle sappelait Lannyon et possédait un prieuré sur lequel labbé et les moines de Saint Jacut exerçaient des droits seigneuriaux ». (Ogée).
Nous remercions affectueusement notre adversaire de loccasion quil nous a donné de compiler les anciens historiens pour connaître le pays que nous habitons et de nous enquérir de la vraie signification du mot Yaudet, qui ne signifie pas vieille cité, mais terre où le blé poussa de lherbe (Yeod, herbe er ed, blé) : sans doute le premier endroit de nos environs qui fut défriché et planté de blé.
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