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Les ruines de Lexobie au Yaudet |
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Depuis
César jusquau XVIIIe siècle, nos écoles historiques ne se sont guère
préoccupées de tracer les délimitations des territoires occupés sous la domination
Romaine par les divers peuples de lArmorique. Il nest donc pas surprenant
quaprès un si long temps et à une époque si rapprochée de nous, on ait éprouvé
tant de difficultés pour trouver tout dabord les traces sûres de la vérité, sur
cette matière, et lon comprend surtout que nombre de systèmes et dopinions
contradictoires aient surgi de la discussion. Pour, nous, avons-nous besoin de le dire,
nous ne voulons pas avoir ici la prétention de remanier les diverses cartes
géographiques tracées par ces auteurs, pour fixer les positions respectives de toutes
les antiques peuplades Armoricaines, car, nous le savons, une semblable entreprise excède
nos forces et ne serait pas de notre part peu audacieuse. Sans nous occuper donc de cet
immense et difficile travail qui, sil est jamais bien réalisé, réformerait
assurément plus dune théorie aujourdhui en crédit, nous allons hasarder
seulement quelques conjectures sur lancienne position de la Lexovie de César.
Certes , nous ne saurions le dissimuler, notre manière denvisager cette question
nous met dans une sorte de péril, en nous mettant en contradiction avec la plupart des
auteurs qui lont discutée avant nous. Mais, nous devons le dire, létude des
lieux et celle de quelques passages de César, qui à coup sûr est lauteur qui
mérite, dans cette discussion, la plus grande somme de créance, ne nous permettent pas
dadopter, à cet égard, une autre opinion.
Nous rattachant donc uniquement aux textes de César, qui, lui, avait visité tous les lieux et qui par suite a pu les décrire avec une plus rigoureuse exactitude, nous allons revendiquer pour le Yaudet lillustre cité de Lexovie et rectifier, sil est possible, lerreur historique, qui, depuis un siècle surtout, sest plue constamment à nous montrer les ruines de cette antique ville dans les parages de Lisieux.
Certes, sil est une vérité qui ressorte avec évidence du texte de César, dans lhistoire de linsurrection Armoricaine, cest que Lexovie ou la principale ville des Lexoviens était une ville maritime. En effet, la description que cet historien nous a laissée et qui est si curieuse de détails, ne saurait laisser subsister à ce sujet aucun doute. Cette ville, nous dit lillustre historien Romain, était assise à lextrémité dune langue de terre, sur le haut dun promontoire, comme une sorte de forteresse, dont les soubassements étaient deux fois par jour baignés par la mer. Enfin, à en croire cet auteur, les vaisseaux qui abordaient ces rivages et qui y jetaient lancre, couraient le risque à la marée basse, de sabîmer dans le sable. A coup sûr celui qui aujourdhui voudrait décrire le havre et le promontoire du Yaudet ne saurait mieux faire, pour être fidèle, que copier littéralement cette description qu'en a faite Jules César, il y a déjà environ 1800 ans. Il nest pas jusquau sable mouvant de ce havre qui ne soit signalé par lhistorien romain. Mais cette description que les siècles nont pu faire vieillir, quand on lapplique au Yaudet, quon le rapproche aussi donc maintenant du site de lancienne ville de Lisieux, pour voir si lapplication aura le même caractère de justesse. Quon nous dise dabord où étaient les sables mouvants, le port si dangereux de cette antique cité dans les ruines sont à 56 ou 64 kilomètres de la mer. Louis XIV fit jadis venir lEure et la Seine à Versailles, au grand étonnement du monde, mais nous doutons un peu que jamais nos adversaires nous démontrent que jadis la mer allait deux fois en douze heures baigner le pied des murs et des tours de l'ancienne ville de Lisieux.
Quoiquil en soit, pour justifier notre argumentation un peu peut-être étrange par sa nouveauté, arrivons aux citations. Après avoir raconté quil envoya Quintus Titarius Sabinus, pour barrer le passage aux Unelles, aux Curiosolites et aux Lexoviens, afin dempêcher ces peuples de venir au secours des Venètes, ce grand capitaine décrit ainsi la position des villes principales de ces trois peuples : « Erant ejus modi ferè situs oppidorum, ut, posita in extremis lingulis promontoriis que, neque pedibus aditum haberent, quam ex alto se oestes incitavisset, quod bis accidit semper horarum XII spatio, neque navibus, quod rursus minuente oestu, naves in vadis afflictarentur. »
Et que nous importent, maintenant, les déductions que nos adversaires pourraient tirer contre nous de la table de Peutinger quon nous oppose, comme une autorité si grave, quand aujourdhui il est bien prouvé que cette pièce est luvre dun soldat Romain étranger à la géographie et même à toutes les sciences et quand surtout les études les plus récentes démontrent tous les jours de plus en plus que cette table est pleine de fausses et chimériques indications, sur les positions respectives que lauteur a voulu décrire.
Que nous importent encore les textes si vagues de Strabon quon met aussi parfois à la torture pour sen prévaloir contre nous ? En vérité, nous lavouerons sans détour, nous navons guère de confiance dans les descriptions que cet auteur nous a laissées de notre territoire et la raison est fort simple, cest que ce savant Capadocien a constamment exploré lOrient et jamais nos régions occidentales quil sest permis de décrire. A coup sûr, si cet auteur avait jamais eu de nos contrées les notions géographiques les plus élémentaires, il naurait pas placé en Belgique les Venètes, lun des plus illustres et des plus puissants peuples de l'Armorique.
Enfin, une dernière et briève considération, sur lorigine de lévêché de Tréguier, va encore confirmer toutes nos présomptions.
En dépit de toutes les explications diverses que les auteurs ont données jusquici aux mots : Evêque régionnaire, il est certain que dès les premiers siècles de léglise la juridiction des évêques était restreinte par des délimitations territoriales aussi bien quil est constant que les divisions et létendue des évêchés se formaient suivant le local que chaque peuple occupait ; or, sil en est ainsi, quel était donc, sous la domination romaine, le peuple qui occupait le territoire compris plus tard dans les délimitations de lévêché de Tréguier, si ce ne sont pas les Lexoviens et quel nom portait la capitale de ce peuple, si ce nétait pas celui de Lexovie ?
Mais pour nous résumer, tirons une dernière conclusion : deux villes modernes et rivales se disputent la gloire davoir eu pour berceau la capitale des Lexoviens : ce sont Lannion et Lisieux ; or, daprès César, lunique historien de lantiquité qui nous ait laissé des indications précises et certaines sur ce problème historique, Lisieux na rien de commun avec la Lexovie tributaire des Venètes. Au Yaudet donc, dabord, puis à Lannion, de revendiquer avec quelque titre cet honneur. Nous le demandons maintenant, est-il donc vrai que notre conjecture ressemble un peu à la vérité et naurions-nous pas pu, sans témérité, être plus affirmatifs que nous ne lavons été ?
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