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ABBAYE NOTRE-DAME DE BOQUEN (Origine, Moines) |
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Abbaye Notre-Dame de BOQUEN - Plénée-Jugon
SITUATION
— ORIGINE
Dans un
vallon qu’encerclent de tous côtés de légers monticules, à la lisière
d’une forêt qui s’allonge de l’est à l’ouest, dans le proche voisinage
de deux ruisseaux, voici les ruines de ce qui fut jadis la noble et riche abbaye
de Boquen. Nous sommes presque aux confins sud de l’immense commune de Plénée-Jugon.
Le Gouray est à quatre kilomètres à l’ouest à vol d’oiseau. Collinée au
sud-ouest est à six kilomètres en ligne droite, Saint-Jacut-du-Mené de même
au sud et Langourla au nord-est.
Le Val de
Boquen est donc bien une solitude éloignée de tout centre tant soit peu considérable,
ce n’est que depuis quelques années qu’une route carossable en permet
l’accès. Dans ce désert, d’un abord certainement très peu aisé à l’époque,
vint se fixer en 1137 un groupe de moines cisterciens. Ils sortaient de Bégard,
grande et féconde abbaye du pays de Trécor (Trégor), appelés à Boquen,
selon toute vraisemblance, car la Charte de Fondation n’existe plus, par
0llivier II, sire de Dinan et Agnorée de Penthièvre son épouse. La date précise
et officielle du commencement de l’abbaye serait le 17 octobre ; c’était en
plein automne et les nouveaux arrivants se trouvèrent dès l’abord aux prises
avec les difficultés résultant de la situation de leur demeure en un lieu bas,
marécageux, très humide. Mais ces obstacles et les autres inséparables de
toute fondation ne furent pas pour les décourager.
LES
MOINES DE BOQUEN
Ces
moines, nous l’avons dit, étaient des Cisterciens. Plus tard, parce que de
leurs rangs était sorti l’illustre saint Bernard, ces moines changèrent de
nom, on ne les appela plus que Bernardins. Leur nom primitif : Cisterciens
venait de ce qu’ils appartenaient à l’Ordre de Cîteaux, rameau du grand
arbre bénédictin. En 1098, les saints Robert, Albéric et Etienne, avec une
vingtaine de compagnons, sortirent de l’abbaye bénédictine de Molesmes en
Champagne et s’en allèrent fonder le Nouveau Monastère de Cîteaux à 20
kilomètres de Dijon, en Bourgogne. Ils se proposaient en établissant cette
nouvelle abbaye, d’y vivre, de s’y sanctifier, en conformant entièrement
leur existence à la Règle de saint Benoît pratiquée intégralement en sa
lettre et en son esprit, sans addition, sans retranchement. Après une longue et
douloureuse attente de quinze années, Dieu bénit leur entreprise. Cîteaux vit
arriver dans son enceinte saint Bernard et trente de ses parents ou amis ; bientôt,
ce fut une telle affluence de recrues qu’il fut nécessaire d’essaimer. Coup sur coup, furent fondées quatre abbayes : La Ferté, Pontigny, Clairvaux,
Morimond, elles furent nommées les quatre premières filles de Cîteaux et gardèrent
dans l’Ordre qui s’organisa sans tarder une place prépondérante. Ces
abbayes essaimèrent à leur tour de proche en proche, les Cisterciens étendirent
leurs établissements dans toute l’Europe. Ils passèrent jusqu’à Chypre et
comptèrent plus d’un monastère en Syrie et en Palestine. Il y eut, à une
certaine époque, plus de 700 maisons d’hommes et un nombre plus considérable
encore de maisons de Moniales.
Dès
l’année 1130, les Cisterciens arrivaient en Bretagne et s’installaient à Bégard,
venant de l’Aumône au Diocèse de Chartres. Tout de suite Bégard prospéra :
en 1132 une colonie sort pour fonder Le Relec au diocèse de Léon ; en 1136,
c’est Langonnet qui en reçoit une seconde ; en 1137, deux autres s’en vont
établir Saint-Aubin et Boquen au diocèse de Saint-Brieuc. Un cinquième essaim
ira peupler Lanvaux au diocèse de Vannes en 1138 et un sixième Coatmaloën,
diocèse de Quimper, en 1142. Mais l’Aumône et Bégard ne furent pas seules
à donner des Cisterciens à la Bretagne. L’an 1135, saint Bernard recevait
des mains du Duc Conan l’investiture du domaine de Buzay, au diocèse de
Nantes, où il envoya bientôt des moines de Clairvaux : en 1145. Pontrond, au
diocèse d’Angers, fonde Melleray près de Châteaubriant. Et ce n’est pas
encore la fin car, en 1172, notre Boquen établira une filiale à Bonrepos près
de Gouarec ; en 1177, Carnoët sera fondé par Langonnet ; en 1202, Villeneuve,
aux bords du lac de Grandlieu, recevra des moines de Buzay et en 1252 des
religieux de Clairvaux viendront peupler la solitude de Prières à
l’embouchure de la Vilaine. Si on ajoute à cette liste impressionnante La
Vieuxville, diocèse de Dol, affiliée à l’Ordre en 1147, on obtient un total
de 14 abbayes de Cisterciens dans les limites de la Bretagne, en outre 2 abbayes
de Cisterciennes, l’une à Hennebont ; La Joie ; l’autre à Quimper : Kerlot.
On le voit, la terre bretonne fut vraiment terre d’élection pour l'Institut
cistercien.
Arrivés
à Boquen au nombre d’une douzaine avec, à leur tête, un abbé comme
l’exigeaient les statuts de l'Ordre et la tradition, les moines trouvèrent un
logis disposé à leur usage : logis provisoire sans doute mais qui leur
permettait de se mettre de suite à la pratique des exercices de la vie régulière.
Cette existence monastique se modelait exactement, nous l’avons dit, sur la Règle
de saint Benoît. La journée commençait de bonne heure, entre une heure et
trois heures du matin, selon les saisons, selon les solennités. En descendant
du dortoir où, avec ses confrères, il prenait ses sept heures environ de
sommeil sur une paillasse, tout habillé, protégé par des couvertures, selon
le besoin, le moine se rendait à l’église pour y commencer sans retard la célébration
de l’office divin qui constituait le principal de tous ses devoirs. L’office
était toujours chanté en entier, chaque heure au moment voulu par la liturgie,
tout au long de la journée. La messe conventuelle se chantait aussi
quotidiennement, à des heures variables selon la saison.
Voici,
dans les grandes lignes, comment s’établissait l’équilibre de la vie
monastique. Cinq heures, en moyenne, étaient consacrées à la prière vocale
en commun, cinq heures à la prière privée ou à l’étude des sciences sacrées
au choix ; cinq heures au travail manuel, de sept à huit heures au sommeil,
restait une bonne heure pour les repas et les soins corporels. Point de temps
marqué pour la récréation qui n’était qu’un exercice exceptionnel laissé
à la discrétion du Supérieur, le silence étant habituel. Le moine, sauf en
cas d’infirmité, était astreint à l’abstinence perpétuelle, mais il
pouvait user de tous les aliments maigres : oeufs, poissons, légumes, laitages.
En Carême et pendant l’Avent, la loi ecclésiastique du Moyen Age interdisant
le laitage et les oeufs, obligeait les Cisterciens à s’en priver comme les
fidèles. Le jeûne s’observait les deux tiers de l’année ; ce n’est
qu’au temps pascal et depuis la Trinité jusqu’au 14 septembre qu’il était
rompu et que la Communauté prenait deux repas, l’un vers 11 heures du matin,
l’autre vers cinq heures du soir : aux jours de jeûne, l’unique réfection
avait lieu vers deux heures, depuis le 14 septembre jusqu’au Carême, et vers
quatre heures en cette dernière période. Tous les genres de travaux étaient
pratiqués dans les monastères cisterciens. Le programme tracé par la Règle
voulait que la maison se suffise à elle-même autant que possible, on y
trouvait donc tous les corps de métiers, chacun avec son atelier ; il y avait
aussi des jardins, une ferme avec son outillage et son cheptel, des étangs et
viviers pour l’élevage du poisson. « Le moine doit vivre de son travail
».
Ce voeu émis par saint Benoît les Cisterciens avaient voulu le réaliser et
c’est pourquoi le travail manuel sous toutes ses formes, adapté aux idonéités
d’un chacun, était très en honneur parmi eux. Ce qui n’excluait
d’ailleurs, en aucune façon, le goût de l’étude et l’application aux
sciences sacrées, auxquelles était religieusement réservé le temps déterminé
par la Règle.
Tel fut
le genre de vie pratiqué à Boquen par les moines venus de Bégard. Rien ne
laisse supposer qu’on s’y soit comporté autrement que dans les autres
monastères de l’Ordre et qu’on ne s’y soit pas conformé exactement à la
Règle et aux Statuts.
Nous ne
possédons pas de données précises sur le nombre des religieux que renferma
Boquen. Ce nombre varia sans doute beaucoup selon les époques, comme partout
ailleurs. Aux XIIème et XIIIème siècles, les abbayes cisterciennes étaient
très peuplées ; une abbaye ordinaire comptait aisément une centaine de moines
et plusieurs centaines de convers ; aux siècles suivants, ce nombre alla en
diminuant progressivement, sous des influences diverses, pour en venir à un
chiffre plus que modeste. Dans les dernières décades de son existence, Boquen
ne possédait que trois ou quatre moines ; pendant les deux premiers siècles,
si on s’en tient à la considération des dimensions de l’église, du
chapitre, des lieux réguliers, on ne se trompera guère en lui attribuant la
centaine de moines des abbayes ordinaires, doublée par au moins autant de
convers. Tout monastère cistercien comportait, en effet, deux catégories de
religieux : les moines et les convers. Chacun avait son costume, sa règle, son
habitation propre. Le moine était clerc, il chantait donc l’office,
s’adonnait aux saintes lectures en dehors des heures de travail manuel,
portait la couronne et la coule et se rasait aux époques déterminées par la
coutume. Sa Règle était, nous le répétons encore, celle de saint Benoît
pratiquée en son intégrité. Les convers suivaient par contre un règlement
dressé par l’Ordre et intitulé : Us des Convers ; ils portaient la barbe et
rasaient entièrement leurs cheveux de temps à autre. Non seulement ils ne
faisaient pas partie de la cléricature mais ils ne savaient même pas lire la
plupart du temps ; ils s’adonnaient surtout aux travaux des champs, n’allant
à l’église que pour peu de temps le matin et le soir et récitant pour
office un certain nombre de Pater. Leurs jeûnes étaient beaucoup moins
nombreux que ceux des moines, leur sommeil plus long, ils mangeaient ensemble,
couchaient en un dortoir commun et ne se rencontraient avec les moines qu’à
l’église le soir pour les Complies et aux offices des dimanches et fêtes.
Ils revêtaient une chape au lieu de coule. En somme leur vie, moins austère
que celle des moines, se rapprochait beaucoup de celle des manants et paysans de
l’époque. C’était aux convers qu’était confié le soin des granges ou
fermes dépendant de l’abbaye ; un certain nombre d’entre eux y résidait
habituellement, ne se rendant au monastère que les dimanches et fêtes chômées.
Très nombreux au Moyen Age, les convers devinrent rares dans la suite. Boquen
ne semble en avoir possédé qu’en passant aux deux derniers siècles de son
existence monastique.
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