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ARCHÉOLOGIE DE L'ABBAYE NOTRE-DAME DE LANTENAC |
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Fatigué de la route poudreuse, à travers les bruyères desséchées, le voyageur pénètre avec délices dans la fraîche oasis qu’ont créée les moines de Lantenac. Au milieu des derniers restes d’usines que leur industrie avait élevées, sous ces arbres séculaires plantés à profusion par la congrégation de St-Maur, dans les grasses prairies, au bord des eaux qui semblent refléter encore l’activité calme du monastère, on sent mieux le prix de ces grandes associations religieuses, où les forces intellectuelles et physiques décuplaient de puissance, sans quitter les sphères sereines que l’homme rencontre en se rapprochant de Dieu. Si quelques mauvais religieux ont un moment abusé de ces biens, ce ne sont certes pas des années d’oisiveté, de mollesse et de perversité qui les ont produits.
Tout ce qui pouvait indiquer le caractère architectonique de Lantenac aux XIIème et XIIIème siècles a disparu : l’église, la salle capitulaire, la maison abbatiale, ont été démolies ; il ne reste plus que des piliers portant en bannière les armes de Rohan ou de plus modestes armoiries d’abbés, quelques bâtiments et des lambeaux du cloître, rebâti au XVIIème siècle [Note : Nous avons retrouvé aux Archives départementales plusieurs plans constatant l’état de l’abbaye dans la seconde moitié du XVIIème siècle]. Sous les arceaux déserts s’ouvre la pièce où, dans les derniers temps, avait été établi l’auditoire ; on y lit encore cette inscription : « Justitia et pax osculatœ sunt ». Un siège sculpté et des banquettes à dossier semblent attendre que le sénéchal vienne en personne ouvrir les plaids généraux de l’abbaye.
Une ancienne sacristie, qu’on a décorée du nom de chapelle, renferme quelques statues de saints [Note : On y voit entre autres saint Firmin, évêque de Metz, invoqué dans le pays contre la goutte, sous le nom de saint Fourmi ou Fromi. Des reliques du Saint furent envoyées à Lantenac en 1670, et des procès-verbaux authentiques attestent plusieurs miracles opérés par son intercession dans l’église abbatiale] et l’effigie mutilée de la dame Aliéno, suivant les paysans du voisinage. C’était, disent-ils, une grande et belle dame qui était huguenote et menait joyeuse vie, sans songer qu’il faudrait mourir un jour. La vue d’un oiseau mort (cette histoire se retrouve partout dans les traditions du nord et du nord-ouest de la France) la fit rentrer en elle-même, et elle bâtit l’église où elle fut enterrée. Mais sur sa tombe elle fut représentée en habit d’apparat, avec un crapaud sur la poitrine, comme si, au dernier moment, elle n’avait pas été complètement expurgée de l’hérésie. Cette légende, qui conserve le souvenir de l’apostasie des Rohan, s’applique sans doute à Eléonore de La Chèze, enterrée vers le milieu du XVIème siècle dans l’église de l’abbaye, et dont le tombeau « portoit la ressemblance » [Note : Deux autres Eléonore y avaient été inhumées dans le XIVème siècle : l’une fut cette Eléonore de Porhoët qui porta la vicomté aux Rohan ; l’autre, Eléonore de Rohan, femme de Louis, sixième du nom].
Parmi ces débris épars sur le sol, dans ces jardins dont la destination primitive n’est plus indiquée que par quelques roses et quelques arbres fruitiers, le long de cette rivière silencieuse, on retrouve avec bonheur comme un parfum de cette vie paisible, forte, retirée, après laquelle ont tant de fois soupiré ceux qui, dans les agitations du monde, portent le fardeau des labeurs littéraires.
C’est là tout ce qui reste de la royale abbaye de Lantenac.
(J. Geslin de Bourgogne et A. de Barthélemy).
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