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LES ABBES REGULIERS DE L'ABBAYE DE QUIMPERLE |
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Des abbés réguliers de Sainte-Croix jusqu'à l'introduction de la Commende
Jungomar ou Vengomarh quatrième abbé succéda à Vital en 1059, ce fut lui qui reçut le don que Moan fils de Numénoé fit à cette abbaye et à Saint Gurthiern du village de Guennou se réservant seulement le droit de sépulture dans le cimetière de Saint Gurthiern.
En 1063 mourut la comtesse Judith femme d’Alain Caignart, bienfaitrice de ce monastère. Elle fut enterrée dans l’église de saint Guénolé de Landevennec.
Après avoir sagement gouverné l’abbaye pendant six ans, Vengomarch s’en démit entre les mains de Bénédic. Il mourut en 1088.
Bénédic ou Benoist, moine de Landevenec, fils d’Alain Caignart cinquième abbé fut élu en 1066. La même année Hoël son frère comte de Cornouaille par son père, comte de Nantes par sa mère devint duc de Bretagne par sa femme Havoise, soeur du duc Conan, fils d'Alain III, qui mourut sans enfants.
L’abbé Benoist augmenta les revenus de l’abbaye par ses acquisitions. Il acheta de Daniel, fils de Harnou, les dixmes de Caëruel et de Kerstrat et la moitié des chef-rentes qui se payaient en avoine. Ce même Daniel se trouvant encore dans la suite privé d’argent pour contribuer au rachat de son seigneur nommé Cadoret luy vendit la moitié des dixmes qu’il avoit en la paroisse de Rédené jusqu’au ruisseau MENGAOR pour la somme de neuf livres d’argent, il achepta encore du même, les dixmes de Kerlagatnos, et il luy donna en paiement un cheval de prix et soixante sols. Maën évêque de Vannes du consentement de son archidiacre et de ses chanoines fit aussi un don à ce monastère de tout ce qu’il possédoit dans la paroisse de Redené et l’abbé Benoist du consentement de ses moines luy donna un cheval et soixante sols par reconnaissance et s’engagea à luy donner tous les ans un disner et un souper quant il viendroit à Quimperlé. Cet acte est signé de l’évêque de Vannes, et de l’abbé Benoist.
Hoël, duc de Bretagne et frère de Benoist voulant imiter la piété et la libéralité de son père Alain Caignard, envers la Sainte-Croix donna aussi à ce monastère la terre et le lieu de Logomand ou Locamand, les trèves de Karantuc et de Ridiern, avec le droit de juridiction ordinaire, libre de toutes charges et devoirs, en déposa l’acte sur l’autel et ensuite le mit entre les mains de l’abbé Benoist son frère, qui donna à son tour au duc par reconnaissance trente livres de deniers qui furent sur le champ distribués aux gentilhommes de la suite.
Guegon, fils de Huelin seigneur de Hennebont qui avoit epousé Aven, soeur de nostre fondateur se trouvant attaqué, d’une maladie dangereuse, prit l’habit religieux, des mains de l’abbé Benoist son cousin germain et donna à ce monastère le village de Caër-Corentin. Ce fût aussi du temps de l’abbé Benoist, que le moine Œdrius fit en 1070, la découverte des reliques de saint Gurthiern avec sa vie, écrite sur un cahier déjà fort gaté et usé et d’une partie du chef, de saint Guenolé et de plusieurs autres précieuses reliques, des saints Guénaël, Symphorien, Idunet et autres qui furent transférés de l'isle de Groie en cette abbaye. Il y a toute apparence qu’on les avait cachés dans cette isle pour les soustraire à la fureur des Normands.
L’année suivante Caradeuc fils de Quelaman, estant cassé et usé de vieillesse, demanda, l’habit religieux à l’abbé Benoist et se fit moine, c’est-à-dire monachus ad succurendum, moine pour les suffrages. Il donna par reconnaissance à ce monastère un village avec l’église de saint Caradec, libre de toutes charges, et pour mieux marquer qu’il en investisoit le monastère il apporta de la terre du lieu et l’attacha à la muraille du monastère.
L’année 1075, Berthe duchesse douairière de Bretagne donna à cette abbaye l’église de Nostre-Dame de Nantes. Cette église avoit été fondée par Alain IV dit Barbe-Torte vers l’an 931 en reconnaissance de ce qu’il avoit obtenu par l’intercession de la Sainte Vierge, une fontaine miraculeuse alors que son armée souffroit de la soif dans un combat contre les Normands.
En 1083 selon la chronique de ce monastère on leva de terre le corps de l’abbé Gurloës in hoc anno (1083) beati Gurloesii corpus de tumulo erigitur et les mémoires de l’abbaye de Redon disent que ce fut Benoist évêque de Nantes et abbé de ce monastère qui en fit la cérémonie en présence du duc Hoël et de ses deux enfants Alain et Mathias et d’une infinité de personnes qui vinrent de toutes parts pour invoquer ce grand saint par qui Dieu opéroit un grand nombre de miracles en faveur de ceux qui imploroient son secours.
L’abbé Benoist luy fit élever un tombeau de tuffeau dans la chapelle soutéraine de l’église qui est fort bien voutée avec deux rangs de pilliers, et St Gurloës y est représenté, estendu en habits sacerdotaux avec la tonsure religieuse, la crosse en main et un dragon sous les pieds simbole des victoires qu’il a remportées sur le démon. Le tombeau est fait par dessous en arcade et le peuple y passe par dévotion, on voit aussi à un des pilliers du costé de l’épître un bout de chaîne de fer fort grosso sans que je puisse dire à quel usage il servoit à moins que ce ne fut pour y attacher les fols que l’on y conduisoit pour obtenir leur guérison par l’intercession du saint. Tout ce qu’il y a de vrai c’est qu’on l’invoquoit particulièrement dans les grands maux de tête, ce qui se pratique encore aujourd’hui et même les peuples y attachent de leurs cheveux après avoir fait leur prière et passé sous le tombeau. L’abbé Benoist après avoir fait fait la levée de ce saint corps s’adressa au Pape Urbain II pour luy demander le canonisation du Saint, mais nous apprenons par la réponse du saint Père qu’il n’obtint pas pour lors l’effet de sa demande faute d’avoir fourni une information juridique des miracles opérés par son intercession. Peut estre, le fit-il dans la suite, quoi qu’il en soit son culte s’est établi en Bretagne et y subsiste encore et ses reliques sont honorées par un grand concours de peuple particulièrement le 25 août qui est la principale feste du Saint, car on en célèbre encore une autre le 8 octobre sous le nom de transtation Sa mémoire est en grande vénération dans la chapelle de Douelan conjointement avec celle de St Gurthiern, il y a encore à trois lieues de Quimperlé vers Lanvénégen, entre le Saint et Querrien une chapelle sous l’invocation de St Gurloës que le peuple appelle par corruption St Gurlo ou St Durlo et ou de toute part on se rend en pèlerinage le dernier dimanche de juillet.
Dans la même année l’abbé Benoist augmenta considérablement l’église de cette abbaye et la fit vouter et le 4 de may le lendemain de l’invention de la Ste Croix il en fit une nouvelle dédicace qui se célèbre encore tous les ans à pareil jour. En 1086 le duc Alain Fergent se trouvant dans une grande nécessité d’argent fit don à ce monastère de la trève de St. Guen. Les manuscrits portent tribum sancti guennini avec les chef-rentes et le droit de justice pour connoître des larcins et autres crimes et afin que le don ne put luy estre contesté, l’abbé du consentement des religieux donna au duc mille sols et un cheval de prix et le duc bien content de la somme qu’il venoit de recevoir adjouta encore à la trève de St. Guen, les villages d'Enestadiou, Kerenros, Kermercoét et Kermorn, avec les chef rentes et autres droits seigneuriaux.
Peu après Alain se voyant dans la nécessité de s’opposer aux incursions que Géfroy de Penthievre estoit pret de faire sur ses terres à la teste d’une armée considérable, fit encore un don à ce monastère de sept villages que le vulgaire appelloit Lescleruc, afin d’implorer la miséricorde de Dieu pour sa conservation, et aussi pour le repos des âmes de ses parents, et par un espèce de retour et pour les besoins de l'estat, il reçut de l’abbé et des religieux cent sols.
Ce fut aussi cette année que Guillaume le conquérant, roy d’Angleterre, ennuié et fatigué de faire la guerre aux bretons et sans succès pensa à s’en faire ami, en proposant sa fille Constance au duc Alain Fergent pour en faire son épouse. Le duc charmé d’une alliance si considérable acepta la proposition de Guillaume et elle devint le gage précieux de la paix entre les deux estats. C'estoît une princesse belle et bien faite d’un esprit mur et solide qui aimoit la paix, zèlée pour la justice, charitable et éclairée et qui méritoit de régner plus longtemps qu’elle ne le fit. Les nopces se firent à Caën en 1087 avec toute la magnificence possible et elle vint aussitôt après en Bretagne avec le duc ou elle fut reçue avec tout le respect et l’estime que l’on devoit à sa haute naissance et à sa vertu. Peu après son arrivée en Bretagne elle voulut aussi donner des marques sensibles de sa libéralité envers ce monastère et en conséquence elle confirma tous les dons que le duc son époux avoit faits avant son mariage, c’est-à-dire celuy de la trève de St. Guen et des 4 villages y joints et celuy des 7 villages nommés vulgairement Lescleruc et pour mieux prouver qu’elle en mettoit l’abbé et les moines en possession, elle leur fit présent de sa coupe de marbre pour marque de son investiture et l’abbé et les moines en reconnaissance lui firent présent de deux petits chevaux de prix qu’elle accepta après en avoir été bien priée. Ce sont les termes de l’acte qui fut dicté par Gérard chapelain de la comtesse et qui fut signé d’elle et du duc son époux de Benoist évêque de Nantes et abbé et de Benoist évêque de Quimper et de Gérard chapelain le 1er août 1088.
En cette année mourut Vingomarch ancien abbé de ce monastère en odeur de sainteté. Il avait gouverné ce monastère depuis l’an 1059 jusqu’en 1066 qu’il se demit en faveur de Benoist. Mais dès que ce dernier fut fait évêque de Nantes il se déchargea encore sur luy du gouvernement intérieur de cette abbaye qu’il ne quitta qu’à sa mort qui selon nostre nécrologe arriva le 4 de mars 1088.
L’année suivante le duc fit encore un don à cette abbaye du petit monastère de St. Cado de l'isle, dans la paroisse de Belz. Ce saint homme sortit d'Angleterre en 564, vint dans le pays de Vannes et se retira dans une petite isle que l’on appeloit Enes Carnot dans la paroisse de Belz. Cette îsle estoit pleine d’insectes et de serpents qui la randoient inhabitable ; le Saint les en chassa pour toujours par ses prières. Il y batit un petit monastère avec une chapelle et voyant que les peuples voisins y venoient par dévotion il voulut en rendre l’accès plus facile en faisant un pont sur le bras de mer qui sépare la dite isle de la terre ferme et c’est de ce pont que les bonnes gens rapportent avec peut-être trop de simplicité que le diable fit marché avec St. Cado pour le construire à condition qu’il luy douneroit le premier qui y passeroit. La condition acceptée de part et d’autre le pont fut fait très promptement dans la nuit et le saint y vint aussi au matin tenant dans sa manche un chat qu’il laissa aller sur le pont. Le diable se voyant trompé détruisit presque tout le pont de rage et de colère et disparut. Quoi qu’il en soit le saint demeura dans ce lieu jusqu’en 567 qu’estant allé en Italie il fut fait évêque de Bénévent ou il fut martirisé.
L’abbé Benoist fit en ce temps réparer la chapelle de saint Gurthiern dans l’enclos du monastère et il en fit faire une nouvelle dédicace par Benoist évêque de Quimper.
En 1090 la Bretagne eut le malheur de perdre la duchesse Constance fille de Guillaume roy d’Angleterre, femme du duc Alain Fergent ; elle fut généralement regrettée sa pompe funèbre fut faite à St. Pierre de Rennes et elle fut enterrée dans l’église de Saint-Melaine [Note : En 1672, quand on creusa les fondements de la tour de St. Melaine on trouva trois tombeaux dans l’un des quels il y avait un sac de cuir de peau de boeuf bien cousu, c’était l’usage de ce temps la (car on ne faisait pas encore de cercueils de plomb) dans lequel on trouva des ossements enveloppés d’une étoffe de laine brune et une croix de plomb de 19 pouces de hauteur sur 14 de largeur, sur laquelle étaient gravés les mots latins : anno ab incarnatione Domini millesimo nonagesisno, indictione tertio, epacta 28 occurente, uno idis Augusti Obiit CONSTANTIA ALANI FERGENT conjux, nobilisima WILLELMI regis Anglorum filia]. Le duc Alain épousa en secondes nopces Ermengarde fille de Foulques Réchin comte d’Anjou. Peu après son mariage, il voulut entreprendre l’abbé Benoist et le monastère au sujet des biens de l’abbaye dont il prétendoit avoir la moitié, et il insista beaucoup pour partager avec l’abbé et les moines les droits et revenus de la ville de Quimperlé, l’abbé Benoist son oncle luy remontra mais inutilement que son ayeul Alain Caignart avait donné la ville et le lieu de Quimperlé autrement dit Anaurot à ce monastère, sans aucune réserve, on luy fit offre de luy en communiquer les titres et chartes, il persista dans sa demande malgré tout ce qui lui fut dit, enfin après beaucoup de tracasseries et bien des débats, il se détermina à faire examiner cette affaire par deux de ses officiers qui après un long et sérieux examen luy rapportèrent qu’il n’avait dans la ville de Quimperlé d’autres droits que cinq bouteilles de vin du bois et la moitié du ban quinque lagenas vini ligna et dimidium banni.
Le duc en passa par leur décision et confirma de nouveau les abbés et les moines dans la possession de tous les droits et revenus du dit lieu de Quimperlé et l’acte en fut dressé en présence de Benoist évêque de Quemper de Salomon, son archidiacre et son neveu, de Tanguy fils de Guigou et de plusieurs autres seigneurs.
L’abbé Benoist qui s’estoit déjà démis de l’évêché de Nantes en faveur de Briec, après avoir sagement gouverné cette église pendant 33 ans, pensa aussi à se démettre de cette abbaye qu’il avoit gouvernée pendant près de 48 ans pour ne plus s’occuper que de l’affaire de son salut. Il choisit pour son successeur, Gurhand moine de cette abbaye et l’envoya en 1114 à Raoul, archevêque de Tours pour estre bénit. A son arrivée Hemery qui n’estoit que secundarius abbas c’est-à-dire abbé en second se démit entre ses mains du gouvernement intérieur que l’abbé Benoist luy avoit confié quelque temps après la mort de Vingomarch. L’année suivante ce monastère fit une perte considérable en perdant l’abbé Benoist qui mourut le 7 mai 1115, il avoit beaucoup aimé cette abbaye et l’avoit beaucoup enrichie pendant sa vie. Le nécrologe de Landevenec met sa mort le 6. pridie nonas maii obiit Benedictus qui fuit monaclus sancti Vingoloii. Un de nos manuscrits dit qu’il s’y acquit beaucoup de réputation et d’estime dans son gouvernement.
Gurhand fut le sixième abbé de Quimperlé et ce fut de son temps que Hervé abbé de Redon suscita à ce monastère au sujet de Belle-Isle un procès qui a fait assez d’éclat pour mériter d’estre rapporté icy.
J’ai dit au commencement de cette histoire que Geffroy et Alain III son fils avoient fait un don de Guedel ou Belle-Isle à l’abbaye de Redon en faveur de l’un de ses frères qui en estoit abbé ; mais que quelques années après, Alain avait été obligé autant par justice que par reconnaissance de rendre Belle-Isle au comte Alain Caignart qui la donna ensuite à l’abbaye de Quimperlé, dont il était fondateur, l’affaire en était restée là. A la mort de Benoist, Hervé abbé de Redon entreprit de réveiller cette ancienne querelle.
Il avait lieu d’espérer la considération du jeune duc Conan, qui avait remplacé sur le trône Alain Fergent, retiré depuis quatre ans à l’abbaye de Redon. Il attaqua donc Gurhand avec toute la hardiesse d’un homme qui se sent appuyé des puissances s2culières. L'affaire était trop importante pour être terminée en Bretagne. Elle fut portée devant Gérard Evêque d'Angoulesme légat du Saint Siège qui en prit connaissance. Hervé, accompagné de Morvan, Evêque de Vannes, et Gurhand assisté de Robert Evêque de Quimper, l’allèrent trouver. Hervé lui représenta que Belle-isle avoit esté donnée à son abbaye par les ducs Geffroy et Alain III ; que Alain Caignart la luy avoit injustement enlevée par la force, que les abbés de Redon s’en estoient souvent plaints dans les conciles mais inutilement à cause du crédit de l’abbé Benoist, évêque de Nantes, qui estoit frère et oncle des ducs.
Gurhand répondit que l'isle dont il estoit question appartenait en propre au comte Alain Caignart quand il l’avoit donnée à son abbaye et que depuis ce temps là cinq abbés en avoient joui desuite sans aucune opposition. Interrogé combien il y avoit d’années depuis la fondation de son abbaye il répondit qu’il y avoit plus de 35 ou 36 ans, et il ajouta pour faire voir l’injustice des prétentions de Hervé qu’une preuve convaincante que les moines de Redon n’avoient pas pensé dans les commencements à disputer Belle-Isle, à ceux de Quimperlé, c’estoit que le premier abbé de Quimperlé nommé Gurloës avoit esté tiré de Redon du consentement même de Catuallon qui en estoit alors abbé ; à quoi Hervé repondit que la preuve n’estoit pas bonne parce que Belle-Isle n’avoit point encore esté otée du temps de Gurloës à l’abbaye de Redon ; sur quoi le légat lui demanda lequel de ses prédécesseurs s’étoit plaint de cette injustice il répondit que Hogonnan l’un de ses prédécesseurs avoit porté sa plainte au pape Léon IX, au concile de Verceil du vivant même de Gurloës, et que ceux de Redon s’estoient encore adressés aux conciles de Saintes, de Rennes et d’Issoudun pour demander justice. Interrogé s’il avoit des témoins ou des écrits qui fissent foi de tous les faits qu’il avançoit, il répondit que pour des témoins il n’en avoit pas mais qu’il avoit laissé à Redon un acte non signé qui prouvoit tout ce qu’il venoit d’avancer. Interrogé enfin lequel des abbés de Quimperlé, lui avoit enlevé Belle-Isle il repondit que c’estoit Benoist avec le secours de Hoël son frère. On fit remarquer à Hervé qu’il avoit soutenu une mauvaise cause par de mauvaises raisons et qu’il s’estoit contredit luy même plus d’une fois, sur quoi craignant avec raison qu’une sentence peu favorable ne le fit déchoir pour toujours de ses prétentions il supplia le légat de différer le jugement. Le légat de l’avis de son conseil luy accorda sa demande en luy assignant un terme pour déduire ses raisons, le terme expiré Gurhand se trouva seul à l’assignation et l’abbé de Redon ne parut point mais seulement un envoié de sa part pour demander prolongation de terme. On la luy accorda encore mais avant qu’il fut expiré Hervé prit d’autres mesures. Il alla trouver le jeune duc Conan, auquel il donna une somme considérable, et le duc, pour le contenter envoia à Belle-Isle des gens de guerre qui en chassèrent les moines de Quimperlé, et en mirent ceux de Redon en possession.
Gurhand se plaignit aussitôt de cette violence au légat qui manda l’abbé de Redon. Hervé comparut, mais on eut beau le sommer de répondre sur cette invasion, il dit froidement qu’il n’étoit pas preparé sur ce sujet et que ce seroit pour une autre fois. Son refus n’empêcha pas le légat de rendre la propriété de Belle-Isle à Gurhand et de l’en envestir en présence de l’abbé de Redon et de luy commander sous peine de déposition pour luy et d’interdit pour son abbaye de faire retirer les gens de Belle-Isle et de laisser Gurhand en prendre possession. Ce jugement fut rendu en présence de Pierre élu à l’évêché de Saintes ; de Hugues abbé de St.-Cyban et de plusieurs autres personnes de considération l’an 1107.
Le Légat le fit savoir à l’évêque de Vannes et luy en confia l’exécution mais les foudres de l’église ne firent peur ni à l’abbé de Redon ni à son protecteur. Hervé laissa passer le terme sans se mettre en peine de satisfaire aux ordres du légat et le légat justement irrité le déclara suspendu et son abbaye interdite ; aussi bien que toutes les églises de sa dépendance et fit connaître cette sentence aux évêques de Bretagne les priant d’avertir Conan de ne plus se mêler de cette affaire s’il ne vouloit attirer sur luy et sur son pays les foudres de l’église.
Cette punition ne fit que rallumer la guerre plus vivement entre les deux abbés. Celui de Quimperlé avait pour lui la justice d’une bonne cause et la protection du Saint Siège, celui de Redon, les armes et la faveur du prince. Le légat irrité écrivit à Hervé et le cita au concile qu’il devait tenir à Angoulême la seconde semaine de carême.
Ce concile se tint en 1118 et la première sentence contre l’abbé de Redon et ses moines y fut confirmée, mais les affaires ne changèrent de face que par la médiation d'Ermengarde et par la soumission de Conan à la puissance ecclésiastique, ce dernier se transporta à Redon, et en présence de sa mère de sa sœur et des évêques de Vannes, Quemper, Rennes et Nantes, il rendit Belle-Isle, à l’abbé Gurhand et reconnut publiquement qu’il avoit en tort de soutenir l’abbé de Redon dans ses injustes prétentions.
On pouvait alors croire l’affaire terminée, il n’en étoit rien. L'abbé Hervé en rendant Belle-Isle ne voulut pas rendre les revenus qu’il avoit touchés au cours du procès. Il fut en conséquence cité au concile de Reims (20 octobre 1119). Il s’y trouva mais voiant que ses affaires prenoient un mauvais tour, en homme habile et rusé il se retira du concile sans dire mot.
Le Pape Calixte II le poursuivit vivement et écrivit aux évêques de Vannes, et de Nantes, que si l’abbé de Redon ne rendoit pas aux moines de Quimperlé, tout ce qu’il avoit reçu des revenus de Belle-Isle, il l’y contraignissent par les censures de l’église. Hervé aima mieux demeurer privé de l’exercice de sa charge et de l’usage des sacrements que de satisfaire à des ordres si justes.
Néanmoins le procès finit en 1119 [Note : Voir sur le procès de Belle-Isle et les lettres du légat : Histoire de l’abbaye de St. Croix de Quimperlé par dom Placide le Duc publiée avec suppléments notes et pièces justificatives par F. R. Lemen. Pages 153, 184], et les abbés de Quimperlé, jouirent paisiblement de Belle-Isle, qu’ils cédèrent en 1572 à Albert de Gondi duc de Retz.
Alain Fergent retiré au monastère de Redon n’avait pris aucune part au procès. Il mourut le 13 octobre 1119 et fut enterré dans l’abbaye de Redon le 15 du même mois. Ermengarde à l’exemple de son époux avoit aussi quitté le le monde et s’étoit mise sous la direction de Robert d'Arbrissel, elle quitta cependant l’abbaye de Fontévrault pour revenir près de son fils Conan, qui aussitôt le décès de son père était allé à Rennes, se faire reconnaître, et prêter entre les mains de l’évêque de cette ville le serment exigé des ducs de Bretagne.
L’abbé Gurhand eut aussi un procès à soutenir contre le seigneur de Hennebont, mais il fut terminé d’un commun accord. En voici la relation.
Guillaume devenu seigneur de Hennebont par la mort de son père Tanguy, fit percevoir par force les revenus du prieuré de Saint-Michel des montagnes, dépendant de l’abbaye de Sainte-Croix ; l’abbé Gurhand luy en fit des reproches et luy représenta qu’il n’avait aucun droit sur ce bien ; Guillaume convient avec luy de s’en rapporter à des arbitres, il promit que si le rapport ne luy estoit pas favorable il restitueroit tout ce qu’il avoit enlevé et qu’il se désisteroit de toutes prétentions. Les arbitres se réunirent au château de Hennebont et après l’audition des témoins il fut reconnu que les terres de Saint-Michel des montagnes ne devoient ni rente ni taille au seigneur de Hennebont, mais que lorsque ce dernier y passeroit en se rendant a l'isle de Groix, l’abbé ou le religieux qui seroit à St.-Michel, luy donneroit un soupé ou un disné, une fois seulement et encore de bonne volonté.
Robert évêque de Quimper mourut le 4 novembre 1130, il estoit moine de cette abbaye et prieur de Locrenan quand on le tira du cloistre en 1113 pour le faire évêque. Il gouverna son diocèse pendant dix-sept ans, avec autant de zèle que de sagesse et il soutint aussi les intérêts de ce monastère avec beaucoup de chaleur, surtout dans l’affaire de Belle-Isle ; ayant esté un an et demy avec l’abbé Gurhand à la poursuite de cette affaire.
Gurhéden moine et historien de cette abbaye mourut aussi vers ce temps là [Note : Voici ce qu’en dit dom Bonnaventure du Plesseix et cette appréciation est conforme à celle donnée par dom Placide Le Duc. Ce monastère luy a de grandes e obligations en ce qu’il a transcrit en seul livre tous les actes et titres qui n’estoient que sur des feuilles volantes, et qu’il nous a conservé la mémoire des donations et privilèges accordés à ce monastère par les papes, évêques et ducs de Bretagne. Il escrivoit assez bien et son latin n’estoit pas mauvais pour un temps où cette langue n’estoit guère connue que de quelques clercs et moines et qui quelque fois y glissoient encore d’illustres solécismes, il eut cependant esté à souhaiter comme je l’ay dit au commencement de cette histoire qu’il n’eut fait que le métier de copiste, et non celuy d’historien, il nous eut évité bien des difficultés].
L’abbé Gurhand suivit de près son ami Robert car selon nostre chronique et nostre nécrologe il mourut le 25 janvier 1131, ce monastère est bien obligé à un abbé qui a tant souffert pour en soutenir les intérêts, car on peut dire avec vérité que son gouvernement qui a esté de près de 17 ans a esté traversé par mille tracasseries et mauvaises chicanes dont il est heureusement venu à bout par sa prudence et sa vigilance. Aussi est-il à présumer que Dieu luy a accordé la paix éternelle après luy en avoir ménagé une passagère à ce monastère.
Adonias moine de cette abbaye lui succéda et fut béni le 8 de juillet de la même année, nostre chronique ne nous dit rien de cet abbé, ce qui me fait croire que son gouvernement fut fort tranquille. Tout ce que je trouve de certain c’est qu’il se démit en 1138 de son abbaye entre les mains de Rongallon.
Rongallon fut le huitième abbé. Il eut au commencement de son ministère un différent avec Inissan fils d'Helgomarc’h au sujet d’une rente d’un muid de froment du à l’abbaye sur le village de Gleudanet. Il contestait et refusait de payer cette rente mais après enquête il vint demander grâce à l’abbé, et pour avoir refusé de payer ce qu’il devait, il fut condamné à quarante-cinq sols d’amende et n’ayant pas de quoi les payer il mit en gage le lieu de Caermen entre les mains de l’abbé à cette condition que nul homme que luy et son fils ne pourrait rachepter ce village.
Guihamar, fils de Duenerc’h et frère de Kenou qui se fit moine du temps de Gurhand, fit aussi avec Rongallon, et les religieux un traité par lequel pour avoir part à leurs bonnes actions pendant sa vie et la délivrance de son âme après sa mort, il leur donnoit à leur choix un des villages, qui composoient sa terre de Clohar, exceptant neanmoins la maison paternelle et il leur engagea le reste de sa terre pour la somme de soixante sols.
En 1143 Adonias, ancien abbé mourut le 3 de Mars. Le nécrologe de Landevenec en fait mention et la chronique de Sainte-Croix le mentionne ainsi : Quinto nonas martii obiit Adonias abbas istius loci.
Du temps de l’abbé Rongallon, Conan, le gros, duc de Bretagne confirma l’abbaye dans la possession de tous les biens que luy et ses ancestres luy avoient donnés [Note : Le texte de cet acte qui porte la date du 8 septembre 1146 est donné par dom le Duc édit. Le Men, page 598], précédemment et étant à Quimperlé il avait remis à l’abbé Rongallon en présence de Raoul évêque de Quimper à perpétuité le droit que l’on appeloit la nourriture des chiens, qui se paioit en avoine. L’acte en fut passé à Quimperlé, le jour de la fête de saint Luc, de l’an 1140.
L’abbé Rouvallon mourut le 5 d’octobre et nostre chronique met l’ordination de Rouaud son successeur au commencement de l’an 1147.
Le premier de juin de cette année mourut Ermengarde mère de Conan le gros, duc de Bretagne. C’estait une princesse d’une grande piété, il seroit seulement à souhaiter quelle eut marqué plus de constance dans le genre de vie quelle avoit une fois embrassé, et dans le choix des lieux ou elle voulait servir le Seigneur, car de l’ordre de Fontenault elle passa dans celui de l’ordre de Cisteaux, de Bourgogne en Syrie et delà enfin en Bretagne ou elle mourut et fut enterrée en l’abbaye de Redon, comme Alain Fergent son époux. Conan le gros ne survécut pas longtemps à sa mère, car selon nostre chronique il mourut le 17 septembre de l’an 1148 âgé de 59 ans. Il laissa de Mathilde sa femme deux filles et un garçon, la première nommée Berthe avoit épousé en premières noces Alain Le Noir II du nom, Comte de Richemont dont elle eut un fils qui succéda au Duché de Bretagne sous le nom de Conan IV. La seconde nommé Constance épousa Geffroy baron de Mayenne ; pour ce qui est de son fils nommé Hoël, il le désavoua, avant de mourir, action qui ne luy fit pas d’honneur, et qui causa une guerre civile en Bretagne car Berthe ayant épousé en secondes nopces Eudon Vicomte de Porhoët, ceux de Rennes en considération de sa femme le reconnurent Duc de Bretagne et ceux de Quimper et de Nantes reconnurent Hoël pour duc, et la tache dont Conan venoit de flétrir sa naissance ne leur donna aucun éloignement pour luy, n’ignorant pas que leurs ancestres avoient souvent et fort longtemps été gouvernés par des comtes bastards.
La guerre fut longue et sanglante entre les trois contendants, mais enfin Conan IV dit le petit estant revenu d'Angleterre en 1159 assièga la ville de Rennes et s’en rendit maistre, et son beau-père Eudon ayant pris la fuite fut fait prisonnier et aussitôt toute la Bretagne, reconnut Conan pour son souverain. Probablement l'Abbé Rolland estoit mort il y avoit déjà quelques années, notre chronique ne nous en dit rien, il est à présumer qu’il ne s’est passé rien de considérable pendant qu’il a gouverné ce monastère ou que le temps qui consume tout nous en a dérobé la mémoire et la connaissance.
????Nous n’en savons pas plus de son successeur Rioc, nostre nécrologe et notre chronique s’accordent bien pour le jour de sa mort qui arriva le 21 may de l’an 1160, mais il ne nous disent rien du temps de son gouvernement.
Donguallon lui succéda dans la même année et son gouvernement quoi que court fut plus fécond en évènements que celuy de ses deux prédécesseurs. Le premier acte que je trouve de luy est un acquet qu’il fit d’une partie de la dixme de Kerantuc au profit de Locamaud ; les vendeurs furent Gueniht femme de Rivalon an broh et son fils Jedecaël et son gendre Eudon fils de Justin. L’acte en fut passé en présence de l’abbé Donguallon, de maîstre Simon, d'Helgomarch, chambrier et de quatre autres moines dans le cloistre de Locamaud ; il est signé de Eudon fils de Justin, et de sept autres gentils-hommes et fut présenté sur l’autel par Gueniht et son fils Jedecaël avec un beau missel dont ils firent présent à l’église. L’année suivante c’est-à-dire en 1161 Guégon l’économe que le vulgaire nommait Senéchal et son frère Gormaélon firent un mauvais procès à ce monastère au sujet des villages de Caër-dirasthou, Caër-chérou et Caër- juaslaër qui appartenoient à cette abbaye dans la paroisse du Trévoux, mais estant mieux informés ils s’en désistèrent et déclarèrent avec serment dans l’église de Saint-Gurthiern, les reliques présentes sur l’autel, qu’ils s’en déportoient pour jamais.
Dans la même année il y eut un grand différent entre cette abbaye et le chapitre de saint Pierre de Nantes, au sujet de l’église de Nostre-Dame situé dans la même ville. Ce différent fut terminé à l’avantage de ce monastère par Guillaume cardinal et légat apostolique.
L’année suivante (1162), Conan IV dit le petit duc, confirma cette abbaye dans la possession de tous ses biens et notamment de l’église de Nostre-Dame, de Nantes.
Notre chronique marque que dans la même année il y eut une grande famine en Bretagne qui obligea les hommes à manger la terre et quelques uns leur propres enfants et elle adjoute pour marquer la cherté des vivres que le septier d’avoine coutoit cinquante sols, somme prodigieuse pour un temps ou on ne comptoit que treize sols quatre deniers dans un marc d’argent. Cette famine avoit été précédée par une pluie de sang dans le diocèse de Dol, ou l’on avoit vu des ruisseaux de sang couler d’une fontaine et du pain coupé verser du sang en abondance, si c’estaient, ajoute dom Bonnaventure du Plesseix, des signes qui pronostiquaient la guerre, ils n'étoient pas trompeurs et il ne falloit pas de miracle pour apprendre aux bretons ce qu’ils n'éprouvoient que trop, et le mal avoit précédé les avertissements.
L’abbé Donguallou mourut le 4 d’octobre de l’année 1163 après avoir gouverné ce monastère trois ans, et quelques mois.
Rivallon premier du nom luy succéda et fut béni le 8 de décembre de la même année et le premier acte que je trouve de luy est un traité qu’il fit avec Soliman seigneur de Hennebont au sujet de St.-Michel des montagnes, ou ce seigneur prétendoit avoir des droits que l’abbé et les moines de cette abbaye luy contestoient, les deux parties convinrent de s’assembler à Pont-Scorff, la veille de St.-Mathieu de l’an 1164, pour y décider leurs contestations et leurs différents. Soliman s’y trouva avec ses chevaliers et les gentilshommes du pays de Guémené, l’abbé s’y rendit aussi accompagné de quelques religieux et de plusieurs témoins, il y produisit d’abord l’acte passé entre Guillaume aieul de Soliman et l’abbé Gurhand en 1125 au sujet de St.-Michel des montagnes. Après la lecture de cet acte les chevaliers et les gentilshommes de Guéméné élevèrent la voix et dirent tous ensemble : ce témoignage est véritable et nous assurons que nos pères ont esté justes en ce point et nous déclarons que Soliman, n’a aucun droit sur St.-Michel des montagnes, pas même la prévosté ou sergentise féodée, qui appartient au moine administrateur de ce lieu.
Ce fut à peu près dans le même temps que Alain fils d’Alaman voulant se faire recevoir chevalier fit à l’abbé la restitution des deux tiers de la dixme qu’il levoit dans la paroisse de Redené depuis le pont Ellé jusqu’au ruisseau Mengaor. L’acte est du sept septembre de l’an 1165 la veille de la nativité de la Sainte-Vierge.
L’année suivante Bernard évêque de Quimper fit un mandement portant règlement au sujet des vecaires des paroisses dépendant de l’abbaye. L'historien de Sainte-Croix, fait remarquer que c’est plutôt une atteinte à la juridiction épiscopale exercée jusqu’alors par l’abbaye qu’une nouvelle concession. Dans cet acte l’évêque donne à la ville de Quimper, un nom que je n’ ay jamais vu nulle part dans l’histoire, qui cependant prouve ce que j'ai avancé ci-dessus : que le mot Quemper signifie confluent, car il est dit que ceste ordonnance a esté faite apud confluentiam, c’est-à-dire à confluent, parce que la ville de Quemper, est sur le confluent des rivières Odet et Their comme Quimperlé, est sur le confluent des rivières Izol et Ellé.
La même année Conan IV, dit le petit nostre bienfaiteur subit le joug du Roy d'Angleterre Henri second. Il consentit à tout ce qu’on voulut exiger de luy sans considérer le tort qu’il se faisoit à luy même et à toute la province, il promit donc de donner sa fille Constance qui n’avoit alors que cinq ans, à Geffroy, fils de Henri roy d'Angleterre, quy n’en avoit que huit et en considération de ce mariage qui ne pouvoit se conclure que plusieurs années après, il luy abandonna dès lors la souveraineté de la Bretagne et ne se réserva que la comté de Guingamp, que Henry luy laissa volontiers parce qu’il savoit bien que la possession luy en seroit disputée et en conséquence la plus part des barons de Bretagne, firent hommage au roy d’Angleterre.
En 1167, le Vicomte Rivallon, soit fils et sa fille Azélice donnèrent à ce monastère une terre qui s'estend depuis les bornes de la rivière jusqu’à la croix de Bernard. Guenlodoë et ses enfants (probablement les tenanciers) consentirent à ce don et l’abbé Rivallon fit présent à Guenlodoë de huit sols pour se faire faire une robe.
Le Vicomte Tanguy et sa femme Azenor, vendirent à l’abbé Rivallon, le lieu de Botcadoan, pour la somme de cent-vingts sols.
Vers le même temps Baudouin, donna aussi à cette abbaye une terre située à costé du mont de Callac, nommée en latin Villa Arborosa et en langue bretonne Kerguezec ; enfin en l’an 1169 l’abbé Rivallon achepta de Eudon, pour la somme de six-vingt sols la terre de la ville au blanc. On voit par ces divers actes que nostre abbé augmenta beaucoup les biens de Sainte-Croix. Il se démit de ses fonctions en 1186 et mourut l’année suivante.
Even, premier du nom et treizième abbé fut élu à sa place et béni la même année. Ici se trouve un grand vide dans les archives de l’abbaye, les différents fléaux qui affligèrent cette province, comme la guerre, la famine et les maladies qui suivent ordinairement la disette, nous en ont dérobé la connaissance.
En 1191, Maurice abbé de Nostre-Dame de Carnouet mourut en odeur de sainteté [Note : Cette abbaye avait été fondée en 1170 par le duc Conan, Maurice en fut le premier abbé et elle en a conservé le nom. Peu de temps après son établissement, cette abbaye tomba dans une extrême pauvreté par suite du décès de son fondateur arrivé en 1171. (Voir la notice de Saint-Maurice publiée par Dom Plaine-Quimperlé, Th. Clairet 1880)]. Il estait natif de Loudéac, près de Pontivy, il fit de grands progrès dans les belles-lettres et se fit ensuite moine de Cisteaux, et trois mois après sa profession il fut élu abbé de Langonnet qu'il gouverna pendant trente ans avec autant de prudence que de sagesse. Il se démit ensuite de cette abbaye, et alla avec dix religieux fonder celle de Carnouet qu’il dirigea pendant quinze ans.
Dans cette année Gurguethen, et sa femme foulant aux pieds les plaisirs et les vanités de ce monde, demandèrent à l’abbé Even, l’habit religieux qui leur fut accordé et en reconnaissance ils donnèrent à l’abbé Even, et à ses religieux la moitié de la terre d'Anmural. Rouand un des fils des donateurs prit aussi l’habit religieux à l’exemple de son père et donna à ce monastère une de ses terres nommée Penguern, située dans la paroisse de Priziac. Il y joignit encore une maison et un jardin nommés le Croasty, situés dans la même paroisse auprès d’une terre appartenant à l'hopital de (saint Jean de) Jérusalem.
On voit par ceci que les femmes estoient admises à la profession religieuse dans cette abbaye aussi bien que les hommes, apparemment qu’il y avait une maison proche l’église où elles se retiroient après l’office comme il parait que cela, se pratiquoit à l’abbaye de St.-Sauveur de Redon. Notre nécrologe fait foy qu’il y en avait plusieurs dans ce monastère, puisqu’il en marque la mort en ces termes : Decimo tertio calendas junii obiit Roandlen monacha istius loci. Voici encore un acte qui le prouvera : Je Evel femme noble, renonçant aux choses du monde et prenant l'habit religieux au monastère de Ste.-Croix du consentement de Guegon mon fils et de mes autres héritiers donne aux Religieux, qui servent Dieu et la Sainte-Croix une de mes terres : savoir la moitié de Brecelian depuis la part d’une eau qui se nomme aër avec son moulin pescheries et pres libre et exempte de toutes charges. Notre nécrologe en fait mention. V calendas septembris anno 1197 obiit Evella ancilla dei et monacha sanctoe crucis.
En 1200 Guillaume fils de Gall, se faisant moine donna à cette abbaye du consentement de ses héritiers Eudon, Le Gall, Alain, Rouaud, Geffroy et autres, une terre nommée Lan Morgant, libre de toutes charges et impositions avec le consentement de Geffroy, vicomte de Minihi-briac mon seigneur qui en a scellé l’acte de son sceau pour plus grande sûreté, en présence de l’abbé Even, de Daniel prieur ; Allain cellerier, de Savaric chambrier, de Rivallon maistre de l’église et de Guillaume Prévost et autres.
En 1208, l’abbé Even, et les moines de cette abbaye eurent avec les forestiers un grand procès qui fut porté à la cour du duc. Il s’agissait d’un terrain plein de cannes et de roseaux et d’un pré, le tout fut adjugé à l’abbé par sentence de Rivallon sénéchal du duc Guy de Thouars ; et cependant fait observer Bon. du Plesseix, ces forestiers n’ étoient pas de simples gardes comme à présent mais des gentils-hommes auxquels les ducs donnoient des droits dans leurs forêts.
En 1209 l’abbé Even, se démit de son abbaye, il mourut l’année suivante et Savaric, chambrier de ce monastère, fut élu et béni la même année. Je ne trouve aucun acte de son temps, aussi ne vécut-il pas longtemps puisqu’il mourut le 1er octobre 1211.
Daniel 1er du nom et quinzième abbé lui succéda et fut béni en 1212. Cette même année Philippe-Auguste roy de France pensa à donner un époux à Alix héritière de Bretagne, au défaut d'Eléonor qui estoit toujours détenue prisonnière par son oncle Jean sans terre, Roy d’Angleterre. Il pensa d’abord à Henri de Penthièvre, mais dans la suite il changea d’avis craignant que ce comte qui estoit déjà fort puissant ne voulut un jour par un esprit d’indépendance qui estoit naturel à sa maison se délivrer de la domination Françoise. Il s’imagina donc qu’un prince du sang de France déjà accoutumé à se regarder comme vassal de la couronne auroit moins de peine, à reconnaître son autorité qu’un prince dont les ancestres n’avoient voulu dépendre de personne c’est ce qui fit qu’il jetta les yeux sur Pierre de Dreux surnommé Mauclerc, fils de Robert II, comte de Dreux qui estoit fils de Louis Le Gros roy de France. Philippe exigea de luy avant que de luy donner Alix, qu’il exécuteroit toutes les conditions du traité qu’il avoit fait avec Guy de Thouars, ce qu’il fist à Paris le dimanche 27 de janvier 1213 ; mais comme Alix n’avoit encore que onze ans, on différa la cérémonie du mariage et néanmoins on regarda dès lors Pierre Mauclerc comme duc de Bretagne [Note : Guy DE THOUARS ne parait pas avoir été consulté sur le mariage de sa fille, il se retira dans une des terres de sa seconde femme (à Cheminé) où il mourut le 13 avril 1213. C’estoit un homme sans ambition qui savoit la guerre, mais cependant meilleur lieutenant que général, beau père sans haine pour les enfants de sa femme, régent sans intérêt particulier, époux respectueux et soumis, père soigneux et prévenant mais preférent le repos d’une vie douce aux soins que coulte la gloire. PIERRE MAUCLERC, qui luy succéda fut d’un caractère bien différent, car sa vie s’est passée dans une agitation continuelle, toujours en guerre ou contre son prince ou contre ses sujets, et si on peut dire qu’il estoit le prince le plus habile de son siècle et qui avoit le plus d’esprit, on peut convenir aussi que cet esprit estoit plus souvent porté au mal qu’au bien et que dans ce qu’il avoit de bon il s’y mesloit toujours quelque teinture de vice qui en ostoit tout le mérite. Il estoit railleur, peu sincère dans ses paroles, inconstant dans ses traités, jaloux de ses droits et de l’autorité de son rang].
L’abbé Daniel termina en 1214 à la satisfaction du monastère un procès an sujet d’un château que Guy de Thouars avait voulu construire à Quimperlé, sur le fonds de cette abbaye dans le lieu que l’on nomme vieux château et en breton coz-castel, Daniel s’y était opposé et l’affaire en était restée là. Après la mort de Guy de Thouars, Pierre Mauclerc céda le tout à l’abbé [Note : Je dois à l’obligeance si connue de M. Léon Maître archiviste de la Loire-inférieure, une copie de cette cession je me fais un plaisir de la donner ici bien qu’elle soit déjà publiée dans l’histoire de Sainte-Croix, édit. R. F. Le Men, « Universis Christi fidelibus ad quos presens scriptum pervenerit, Petrus duc Britanie comes Richemundie salutem. Noverit universitas vestra quod contentio que vertebatur inter nos ex una parte et abbatem et conventum Kempereligiensem ex altera super quadam platea extra villam de Kemperelle, que dicitur vetus castrum, que sitas in propria terra predicte abbatie, de assensu et voluntate Alidis uxoris nostré est sopita et ad bonum pacis redacta, ita quod nec nos, Alidis uxor nostra, nec aliquis heres noster, vel in faciendo ibi domum vel aliquo alionodo super eadem domo eisdem monachis aliquam molestacionem inferemus in posterum vel gravamen hec remota omni calumpmia super eadem doma eandem plateam eis concessimus in perpetuum pacifie possidendam. Preterea omnen rancorem universas contentationes quas adversus predictum abbatem et monachos habebamus eis benigne remissimus. Actum publice apud Karahes A. corisopitensis, archidiaconus, C. priore de Karahès, Simone de Poesse, Guillelmo de Derval, Bertrano de Aberercia, de filio, Hemerici, H. Bernadi senescalo nostro in cornubia, et multis aliis presentihus et audientibus anno ab incarnatione domini mellesimo ducentesimo decimo quarto ».
Un autre procès que l'abbé Daniel eut encore à régler, est relatif à la terre de Lanjuson, au Mont de Callac, (près de Gourin). Les tenanciers reconnaissoient bien tous que cette terre dépendoit de l’abbaye et qu’elle lui devoit certains devoirs, savoir la première beste ou la meilleure après sui se trouveroit dans la maison de leur aisné qu’ils devoient rendre à l’abbaye le premier jour de may, et deux sols six deniers pour une mesure de blé à la Nativité de nostre seigneur et douze deniers au premier jour d’aoust et une tourte de pain de leur meilleur blé et une poule et de l’avoine et disoient de plus qu’ils estoient obligés de suivre la cour de l’abbé sans aucune autre charge. L’abbé au contraire leur soutenoit qu’ils devoient outre les droits ci-dessus, la taille telle qu’il voudroit la leur imposer. Sur cet article les parties convinrent de terminer cette affaire par le témoignage des anciens. Lesquels après avoir fait serment, témoignèrent que l’abbé et couvent avoient droit de lever sur la dite terre tout ce qu’ils vouloient luy imposer comme sur les terres taillables et ce témoignage fut rendu sous l’orme proche l’église de Gourin le 29 août 1218. En 1232 un certain Alain, surnommé Sorboz, fut condamné à estre pendu par autorité de la cour de l’abbaye, pour avoir volé une pièce de toile et la sentence fut exécutée au village du Costiou [Note : Les officiers de justice en ce siècle estoient le préteur et le prévost ; ces deux emplois n’étaient exercés que par des chevaliers. Il y avait aussi en ce temps un voyer et un bailli dont les devoirs sont expliqués au titre suivant : Le bailli doit par an trois licoux pour les chevaux de l’abbaye, deux creusets de fer, des cordes pour les fenestres de l’abbé et pour la cloche du réfectoire, des sacs pour recueillir la dixine, un repas au mois de janvier à l’abbé et à toute la communauté. Il est obligé de prester de l’argent à l’abbé et au cellerie quand ils en auront besoin. C’est à luy de faire les saisies quand l’abbé le luy ordonne, et après les avoir faites il les remet entre les mains du voyer du comte. Quand il voudra se dispenser de servir il pourra présenter à l’abbé une personne pouvant servir à sa place et si l’abbé ne l’agrée point il en pourra présenter jusqu’à cinq autres, après quoy si aucun n’est agréable à l’abbé, le voyer héréditaire sera obligé de servir luy même auquel cas il doit avoir sa portion au réfectoire comme les moines et à la même heure qu’eux. L’office des forestiers étoit possédé aussi par des gentil-hommes, qui pour leur forestage fournissoient au seigneur quand il tenoit sa cour plenière des tasses et des écuelles, et ils avoient pour cela de grands droits comme le pasnage, l’herbage, le paturâge, le cocage, le fanage et le bois mort].
Il se trouve ici dans notre histoire un grand vide qui m’oblige à passer tout d’un coup à l’an 1237. En cette année l’abbé Daniel qui avoit gouverné ce monastère pendant vingt-cinq ans, s’en démit en faveur de Rivallon 2ème du nom surnommé de Belz. Il vécut encore assez longtemps après sa résignation pour enterrer deux de ses successeurs et voir l’élection du troisième.
Rivallon (seixièrne abbé) fut béni dans l’octave de St.-Martin de la même année (1237). Il eut le chagrin et le déplaisir de voir le duc Jean Le Roux entreprendre sur le temporel de l’abbaye par une enquête qui fut faite de son ordre un lundy veille des apostres Pierre et Paul, l’an de l’incarnation du seigneur 1238, pour savoir quels étaient les droits du duc dans la ville de Quimperlé, et quels étoffent ceux de l’abbaye [Note : Voir sur cette enquête, l'histoire de Sainte-Croix, édition Le Men).
C’est le seul acte important que l’on retrouve de l’administration de Rivallon II. Il mourut en 1239 et son décès est marqué à nostre nécrologe comme suit : quarto non. Januarii MCCXXXIX obiit RIVALLONUS abbas istius loci.
Rivallon de Belz, estant mort Urbain luy succéda dans la même année 1239 et sans nostre nécrologe qui nous apprend le jour de sa mort qui fut le 9 de juillet de l’an 1247, nous n’en aurions nulle connaissance car nos chroniques n’en parlent point du tout quoi qu’il ait gouverné ce monastère pendant huit ans et demi.
Son successeur fut Even, 2ème du nom (dix-huitième abbé), qui fut élu en 1247. C’est de son temps que ce monastère a perdu son droit épiscopal sur toutes les églises de sa dépendance situées dans le diocèse de Quimper. Hervé de Landelleau, pour lors évêque se pourvut devant le pape Innocent IV, demandant tous les droits épiscopaux sur l’abbaye de Quemperlé, tant sur le chef que sur les prieurés et églises en dépendant. Le Pape commit cette cause à Pierre, prestre cardinal du titre de St-Marcel, qui adjugea à l’évêque toutes ses prétentions en l’an 1250, et malgré les réclamations de l’abbé le droit épiscopal lui fut définitivement enlevé par l’accord de 1262.
L’abbé Even, vécut peu de temps après avoir terminé cette grande affaire il mourut au mois de février de la même année (1262).
Daniel deuxième du nom, surnommé Brot de Belz, dix-neuvième abbé, fut élu en 1262. Le seul acte que l’on retrouve de son administration est un accord qu’il fit en 1263 avec Guillaume de Goarlot, relativement à la propriété d’une terre située dans la paroisse de Trégunc.
Il mourut en 1269, et son décès est ainsi marqué au nécrologe. II calendas septembris MCCLXIX obiit Daniel dictus Brot de Belziac, abbas istius loci.
Daniel troisième du nom, surnommé Blanchart, vingtième abbé fut élu en 1269. Je voudrais bien pouvoir dire de celuy-cy si peu que j’en ay dit du précédent ; mais je ne le puis ; car loin d’avoir sagement administré le temporel de ce monastère, il y a fait une brèche irréparable par l’acte d’association qu’il fit avec le duc Jean Ier. Aux termes de cet acte, il cédait au duc (déjà propriétaire par l’enquête de 1238 de la moitié des tailles et amendes) la moitié des moulins fours et halle de Quimperlé. En échange le duc accordait aux moines sa protection, s’obligeait à remettre en état les fours et moulins et abandonnait la moitié de ses droits sur le bourg neuf ; ce qui fait dire au pieux bénédictin : par cette fatale association on nous donne un oeuf pour un boeuf.
A la suite de cette transaction l’abbé Daniel fut dépossédé, il en appela au Pape, mais il mourut à Viterbe en 1279, pendant son instance en réintégration.
Ce fut Cadioc, (vingt-unième abbé) qui fut élu en remplacement de Daniel en 1278. Il était moine de cette abbaye et mourut en 1295. Nostre nécrologe fixe sa mort au 20 d’avril, en ces termes : 12 calendas maii obiit frater Cadiocus abbas St-Crucis de Quemperlé, anno domini MCC nonagesimo quinto ; et il parle aussi du fond qu’il avait acquis pour l’entretien d’un cierge devant la Ste.-Croix.
Alain de Kaerudierne, luy succéda et quoique breton, il estoit moine de St.-Martin des champs à Paris, et il fut béni par l’évêque de cette ville dans l’église de St.-Victor, mais ne fit sa première entrée dans cette abbaye qu’en 1297 le dimanche après l'Epiphanie.
En 1314, l’été fut si froid et tous les fruits si tardifs, que l’on trouvoit des cerises à la nativité de la vierge. Cette année les vendanges ne se firent que vers la Toussaint, et l’année suivante il y eut une grande cherté. L’abbé Alain, mourut au mois de mai 1324.
Me voicy enfin arrivé au temps d’obscurité, car nostre chronique estant finie en 1314. je n’ai plus de guide assuré que je puisse suivre sans courir risque de m’égarer, j’aurais icy besoin du don de deviner, car depuis l’abbé Alain de Kaërudierne, qui mourut en 1324 jusqu’en 1370 je ne connais plus les abbés de ce monastère ny n’ai nulle connaissance de leurs actions. Il est vray que nostre nécrologe fait mention de plusieurs abbés comme d’un Rouand et d’un Pean de Malestroit, mais on ne peut lire ni le temps de leur gouvernement ny celuy de leur mort.
Yves de Quillioch, (vingt-cinquième abbé) avait été élu avant 1370, mais on ne connait pas l’année exacte de son élection ni le nom de son prédécesseur. Ce fut de son temps (1373) que les Français sous la conduite de Du Guesclin, prirent Quimperlé, livrèrent la ville au pillage et en chassèrent la garnison anglaise. Il mourut le 10 juillet 1381.
Robert Pepin, (vingt-sixième abbé) fut le successeur de Yves de Quillioch ; car on ne doit pas compter au nombre des nostres Guillaume abbé claustral de Kemperlé, qui fut élu abbé de Redon en 1384.
Robert Pepin, fut recommandé au duc par le pape Clément VII, siégeant à Avignon. Il ratifia le 18 avril 1387 le douaire accordé à la duchesse Jeanne de Navarre, et vivait encore le 10 Juin 1397 [Note : L’église de Bretagne d’après dom Morice dn Beaubois édit. de M. l’abbé Tresvaux (1839)].
Henri de Lespervez (vingt-septième abbé). On ne sait pas le temps qu’il commença à gouverner l’abbaye, mais comme le premier acte de son administration est de 1412 et que nostre nécrologe porte son décès au mois de mai 1453, on est porté à croire que son gouvernement eut une durée de quarante-un ans. Cependant il pourrait se faire que quelques années avant notre abbé se soit démis en faveur de Hervé de Morillon qui mourut la même année (1453) [Note : Le manuscrit de dom Bonnaventure du Plesseix s’arrête au temps de l’abbé Henry de Lespervez ; pour la suite nous aurons recours à l'histoire de l’abbaye de Sainte-Croix, de dom Le duc, publiée par M. R. F. Le Men].
Guillaume DE VILLEBLANCHE, (vingt-huitième abbé) fut élu en 1453. Il estoit chevalier et Chambellan du duc, gouverneur de Rennes, et grand maître de Bretagne. Il mourut le 11 octobre 1483.
Sébastien DU POU. (vingt-neuvième abbé). Religieux de Redon, il fut élu en 1483 et mourut le 12 décembre 1499. Nostre nécrologe ne dit ny bien ny mal de cet abbé qui donnoit de belles espérances.
Pierre DE KERGUS, (trentième abbé) élu par les moines prit le gouvernement de l'abbaye en 1500, malgré les protestation de Robert GUIBÉ, évêque de Tréguier, qui avait obtenu du pape Alexandre VI la permission de posséder l’abbaye de Quimperlé, en commende. Il mourut le 29 août 1521, il était conseiller et maître des requêtes (dominus petrus de Kerguz cancellaria Britanniœ consiliarius famosissimus .... obitt anno 1521).
Daniel DE SAINT ALOUARN, (trente-unième abbé) que l’on peut sans difficulté mettre au rang des meilleurs (Voir Dom Le Duc, édition Le Men, page 381), avait été profès de cette abbaye ; son prédécesseur voulant sauver Sainte-Croix des mains séculières résigna ses fonctions en 1520 et obtint du pape Léon X, des bulles qui instituaient abbé Daniel de Saint Alouarn.
Sous son administration on acheva un ouvrage du plus grand prix ; c’est le rétable en pierres de Taillebourg qui regarde la porte de l’église, on ne peut rien désirer, ny pour l’ordre de l’architecture, ny pour la hardiesse des figures, ny pour la délicatesse du travail . Il mourut le 25ème jour de may 1553. Le nécrologe en fait une honorable mémoire en peu de paroles qui valent un grand éloge.
VIII cal. junii 1553 Ista die obiit frater Daniel de Saint Alouarn, abbas istius loci qui mirum in modum hoc monasterium donis et virtitubus, illustravit.
L’abbé de Saint Alouarn fut souvent choisi connue arbitre pour vider les differeuds qui surgissaient entre les seigneurs des environs [Note : Voici une transaction relative aux prééminences que les seigneurs de Kerhorlay et de la Saudraye se disputaient dans l’église paroissiale de Guidel.
« Sur le proceix et different d’entre nobles hommes François de Boterel sieur de Kervenal et de Gournoez au nom et comme garde naturel de noble homme Jean de Boterel sieur de Quérisoet son fils et noble homme Jacques de la Saudraye sieur de la Saudraye et d’Angueneac d’une et d’autre part. — Sur et touchant armeries (armoiries) et abature d’ieeulx en l’église paroissiale de Guidel ès deux costés de la neuff et aux pignens (pignons) bas et haut d’en trela neufet le chanzeau de la d. église. Touchant quoy ; après du d. Boterel avoir esté par accord consenti paravent ce jour que par forme de réintégrande le d. sieur de la Saudraye pourroit réfechir et apposer ses armes ès deux masières costières de la neuff seulement, ce que avait esté fait.
Et au parsus de leur différent se seraient compromis à tenir l’édit et ordonnance du révérend père en Dieu Missire Daniel de Saint Alouarn abbé du benoist moustier de Sainte-Croix de Kemperellé, et maître Michel Jacob abbé commendataire de Saint-Morice et de Henry Audran doctour ès droictz alloué de la cour de Ploërmel pour en décider sans strépit de proceix ainsi qu’il est plus à plain fait mention par accord ensuy (qui suit) d’entre le d. sieur de la saudraye pur la cour de Kemperellé le vingt-troisième jour de février l’an mil cinq cents quarante-trois, passé de (devant) D. Martin et S. Madiou.
Pour à ce que dessus obéir, paix entre eux nourrir, ont été présents devant nous par notre cour de Kemperellé ob (avec) sumission et prorogation de juridiction a icelle quant à ce que ensuit enteriner le dit sieur de Kervenal, et le dit sieur de Querisoet son fils d’une part et le dit sieur de la Saudraye d’autre part.
Quelles parties et chacune ont sur et touchant ce que dessus séquelles et dépendances, transigé et accordé, par ces présentes transigent et accordent, que le dit sieur de la Saudraye jouira de la lisière et ceinture apposée aux deux masières costières, ainsi qu’elle est à présent et qu’il a esté réintegré en la dite neuff de l’église aux masières costières, et quant aux deux pignons bas et haut de la neuff et le chanzeau de la d. église paroissiale de Guidel, ils demeureront liberés d’armoeries. Et des mises (dépenses) du procés d’une et d’autre part tiendront l’édit sentence et ordonnance du Révérend père en Dieu Missive Daniel de Saint-Alouarn abbé de Kemperellé, sans reserve par réduction a dict de prud’homme ne par voie d’appel sans que autre que luy puisse y ordonner, et partant sont les dites parties mises hors procès et autres ce touchant sans pouvoir au contraire de ce que dessus quéreller ne rien demander directement ne indirectement, et ce que dessus faire fournir et accomplir sans jamais en contre venir, ont les dites parties chacune en ce que lui touche, promis promettent garrent (garantissent) et jurent tenir, renuncziant à impétrer aucun releff au Prince dispensation de serment et ou auront impetré de non en jouir. Et pour ce que ainsi l’ont voulu promis grée et juré les avons de leurs assentementz o le jugement de nostre dite court, condempnés et les y condempnons ; Et à le dit de Saint Alouarn abbé susdit présent au dit accord accepté le dit arbitrement pour en décider des dites mises.
Ce fut fait et grée en l’abbaye de Kemperellé, en la chambre abbatialle le seizième jour de Janvier l’an mil cinq cents quarante-quatre.
Donne comme dessus soubs le sinné de B. Martin et S. Madiou ».
(Fr. Bonaventure du Plesseix)
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