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Les origines de l'abbaye Notre-Dame du Relec en Plounéour-Ménez

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LE MONASTÈRE DE GERBER. — A 13 km. 500 au sud-ouest de Morlaix, sur le territoire de Plounéour-Ménez, à une lieue dans l'est de cette bourgade, en bordure d'un vallon verdoyant qui forme comme une oasis au pied des âpres solitudes de la montagne d'Arrée, se trouvent les ruines de l'abbaye cistercienne de Notre-Dame du Relec, groupe d'anciens et vastes logis monastiques, dont les murs grisâtres encadrent un sanctuaire au clocher d'ardoises moussues, émergeant d'un massif de feuillage.

On attribue l'établissement primitif de cette abbaye à saint Pol-Aurélien, l'apôtre du Léon. Une tradition certainement mêlée de légendes en place la fondation vers l'an 560, à l'endroit qui venait d'être cinq ans plus tôt le théâtre d'une sanglante bataille entre le jeune Judual, prince de Domnonée, et l'usurpateur Conomor ou Comorre, comte de Poher.

Celui-ci ayant épousé la veuve de Jona, roi de Domnonée, père de Judual, tenta de faire périr le jeune prince, afin de régner à sa place. Échappé à son persécuteur, Judual se réfugia à Paris, près du roi Childebert. A l'instigation de saint Samson, évêque de Dol, ce dernier lui mit en mains les moyens voulus pour rentrer en vainqueur dans le royaume de ses pères. Battu à deux reprises, Conomor recula jusqu'aux confins du Poher, et, pour une lutte suprême, il s'adossa à la montagne d'Arrée. C'est à l'endroit que les gens du pays dénomment Brank-Alek (branche de saule) qu'eut lieu la bataille décisive.

D'après Albert Le Grand [Note : Les Vies des Saints de la Bretagne Armorique, édition de Kerdanet, 1837, p. 419. On sait que les assertions d'Albert Le Grand sont à prendre cum grano salis], l'action, acharnée et meurtrière, fut indécise pendant deux jours. Enfin, le troisième jour, grâce aux prières de saint Samson, qui, nouveau Moïse, se tenait sur la montagne voisine en continuelles oraisons, la cavalerie bretonne enfonça un corps de pirates danois, normands et frisons, alliés de Conomor. Celui-ci essaya bien de faire front, mais il tomba bientôt, percé d'une flèche « étouffé parmy la presse des chevaux et soldats » [Note : « C'est une des cinq ou six morts différentes dont il a plu aux légendaires de frapper ce malheureux prince.. » (note de Kerdanet)]. Et ce fut alors le massacre de ses bataillons en déroute, et le triomphe de Judual, qui remonta sur le trône paternel [Note : On voyait encore vers 1820, note Pol de Courcy, (De Nantes à Brest, p. 280) au village de Mengleuz une grande dalle de schiste ardoisée, que l'on nommait Men-bez-Comor. Un paysan l'a depuis, enfouie sous un talus].

A cette scène tragique, une vieille gwerz, conservée dans le pays (Gwerz Itroun-Varia ar Relek ; éditée chez Lanoé, à Morlaix) ajoute, au mépris de toute vraisemblance historique, quelques dramatiques détails. C'est Clotaire, roi des Francs, qui aurait conduit en personne les troupes de Judual. Tous deux auraient eu à lutter contre Conomor et son beau-frère Chram, fils de Clotaire. Mis en déroute, Chram s'enfuit jusqu'à Plounéour-Ménez. La lutte y reprend. C'est alors que la Sainte Vierge apparaît, à Judual, qui lui promet, s'il est victorieux, de lui bâtir une église sur le territoire de Plounéour. Conomor est tué. Chram, avec sa femme et ses enfants, va se réfugier à Kérvorgan. Clotaire les y surprend et les livre au feu. Avant de partir, le roi de France dresse sur le lieu du supplice le menhir de Kervorgan.

Quelques années plus tard, saint Pol-Aurélien envoya sur le théâtre du champ de bataille, pour y fonder un monastère, saint Tanguy, l'un de ses moines de l'île de Batz, accompagné de douze religieux des monastères de Batz et d'Ouessant. Quand ils arrivèrent dans le funèbre vallon de Brank-Alek, un spectacle affreux s'offrit à leurs regards. Le sol était jonché d'ossements humains, et, à cette vue, l'auteur de la gwerz s'attendrit : « Ce fut une pitié, chante-t-il, de voir au Relec, étendus sur le sol, le grand, nombre de cadavres, dont, une partie des membres avait disparu. Les morts sont ramassés ; dans une même tombe ils ont été mis ; suivant les écrits des chrétiens, ils sont sous les pieds de la Vierge ». En cet endroit, saint Tanguy et ses moines bâtirent un monastère qui fut consacré à Notre-Dame-des-Reliques ; d'où le nom breton de Itroun Varia ar Relegou, et le vocable latin Abbatia de Reliquiis. Cette première abbaye du Relec reçut aussi le nom de Ger-ber (mot bref), parce qu'un silence presque absolu y était de règle (Albert Le Grand, Les Vies des Saints, p.769, note 1).

Saint Tanguy, au dire d'Albert Le Grand, fut un prélat doux et charitable envers son prochain, mais envers lui-même rude et austère, sobre, patient, humble, tellement assidu à l'oraison qu'il semblait à ceux qui le fréquentaient être toujours ravi et absorbé en Dieu. Attirés par son exemple, plusieurs gentilshommes vinrent se joindre à lui. Saint Tanguy fonda également l'abbaye de Saint-Mathieu. Il mourut à Gerber et son corps, transporté à Saint-Mathieu, fut inhumé dans le cimetière de cette abbaye.

A l'instar des monastères celtiques, celui de Gerber comprenait un certain nombre de cabanes ou cellules construites en bois ou en pierres. Il renfermait en plus un oratoire de structure et de dimensions très modestes, une cuisine, un réfectoire, une hôtellerie et un atelier. Centre de sanctification et d'apostolat religieux, le monastère fut aussi un centre de culture. Les moines évangélisaient les païens et leur enseignaient par leur propre exemple à défricher le sol (La Borderie, Histoire de Bretagne, t. I, p. 298, 363, 365, 507, 511). Après 818 seulement, sur l'ordre de l'empereur Louis Le Débonnaire, ils durent renoncer à leurs cellules et adopter la règle de saint Benoît.

Peu à peu, autour du sanctuaire de Notre-Dame, se forma le village du Relec, en même temps que se développait le monastère. Mais, vers le début du Xème siècle, les Normands envahirent toute la Bretagne. L'année 914 vit la ruine du monastère de Landévennec. Le fléau ne tarda pas à s'étendre à la région de Saint-Pol de Léon, et le monastère de Gerber disparut dans la tourmente.

 

L'ABBAYE CISTERCIENNE DU XIIème SIÈCLE. — Après deux siècles de silence la vie reprit au Relec. Une abbaye cistercienne s'y établit au mois de juillet 1132.

On sait que les Cisterciens doivent leur nom à l'abbaye de Cîteaux (diocèse de Châlons-sur-Saône), berceau de leur Ordre. Ce monastère fut fondé en 1098 par saint Robert, abbé de Molesme, au diocèse de Langres, qui voulut y observer avec ses religieux la règle de saint Benoît au pied de la lettre. L'entrée de saint Bernard au monastère (1112) fut le point de départ d'un essor extraordinaire, d'où le nom de Bernardins qu'on donnait parfois aux Cisterciens dans les derniers siècles de l'ancien régime.

Conformément aux statuts de l'ordre, le religieux doit s'adonner à la contemplation et à la pratique de la pénitence.

Tout converge vers l'office divin. Le jeûne doit être rigoureux l'abstinence de viande continuelle ; le silence ne peut être rompu sans nécessité. Pendant que, dans l'église, les religieux de chœur chantent la louange divine, des frères convers s'occupent des ouvrages extérieurs et du travail agricole. A la différence des disciples de saint Benoît, qui avaient, pendant des siècles, établi leurs monastères sur des collines agréables, d'où la vue embrasse de beaux horizons, les enfants de Cîteaux, choisissaient, loin des villes, pour y fonder leurs maisons, les vallées profondes et humides. Elles étaient propices au recueillement, et, par surcroît, l'agriculture devait profiter de la présence des moines. « Tu trouveras plus de choses dans les forêts que dans les livres, écrivait saint Bernard ; les troncs d'arbres et les pierres te donneront des leçons que ne sauraient te donner tes maîtres » (Lettres dans Patrol. lat. de Migne, t. CLXXXII, col. 242).

Les moines de Cluny portaient un habit noir ; celui des Cisterciens fut de couleur plutôt blanche ou grisâtre [Note : A ce changement de couleur des robes et des coules monastiques se rattache une gracieuse légende : « C'était en l'an 1101, au cinquième jour du mois d'août. Avec une grande dévotion, les moines chantaient les Vigiles. Tout à coup, l'église parut s'entr'ouvrir sur leurs têtes. La sainte mère de Dieu descendait du ciel, portée sur un nuage de parfums, entourée d'une légion d'anges, et tenant en ses mains une belle coule blanche. Elle vint droit au bienheureux abbé, qui, ravi en extase, se laissa mettre cette précieuse coule par son auguste protectrice. Les religieux, jaloux, contemplaient cette merveille. Par un nouveau miracle, la douce Vierge fit qu'en un instant toutes les coules devinrent blanches, de noires qu'elles étaient ». On sent à la base de cette légende une tendre dévotion de ceux qui l'ont imaginée, à l'égard de la Sainte Vierge. Et, de fait, l'ordre de Cîteaux, dès ses débuts, a professé un culte tout filial à l'endroit de la mère de Dieu. Consacrés à Marie, tous les monastères cisterciens portent le nom de Notre-Dame].

Le 28 juin 1121, des moines de Cîteaux fondaient au diocèse de Chartres une abbaye du nom de l'Aumône. Quelques années plus tard (10 septembre 1130), ce monastère donnait naissance à celui de Bégar, situé sur le territoire de l'ancienne paroisse de Trézelan, au diocèse de Tréguier. La nouvelle fondation emprunta son nom à un ermite fameux dans le pays, qui s'appelait Raoul Bégar. En l'espace de dix ans, de 1132 à 1142, Bégar devint la mère de cinq abbayes bretonnes : Le Relec, Boquen en la paroisse de Plénée-Jugon, au diocèse de Saint-Brieuc (1137), Saint-Aubin-des-Bois, en la paroisse de Plédéliac, dans le même diocèse (1138), Lanvaux, en la paroisse de Grand-Champ, dans le diocèse de Vannes (1138), et Coëtmalaouen, dans la paroisse de Saint-Gilles-Pligeaux, au diocèse de Quimper (1142) [Note : Essaim de l'Aumône, comme Begar, l'ahbaye de Langonnet, fondée le 20 juin 1136, doima naissance cil novembre 1177 au monastère de Saint-Maurice. Les deux établissements appartenaient au diocèse de Quimper].

L'abbaye du Relec passait au XVème siècle pour être de creation ducale, comme il ressort des déclarations du duc Jean V (Blanchard, Lettres et mandements de Jean V, L. I, n° 268) et d'Anne de Bretagne (Archives du Finistère, 4 H 3). Il est probable que le duc Conan III la fonda ou en encouragea la fondation à l'instigation de sa mère, la duchesse Ermengarde, qui, en commerce épistolaire avec saint Bernard, avait pris le voile en 1130 au prieuré de Larré, près de Dijon (Dom Morice, Preuves.... t. I, 573).

L'inauguration de la nouvelle abbaye eut lieu le 3 des calendes d'août, c'est-à-dire le 30 juillet 1132. Quelques auteurs ont pensé que saint Bernard fut présent à la fête. C'est une erreur. L'abbé de Clairvaux ne fonda qu'un monastère en Bretagne, celui de Buzaï dans la région nantaise (1135) [Note : Vacandard, Saint Bernard, 1897, p. 406. La date du 3 des calendes d'août est donnée par Janauschek (Atlas)].

Le Relec est une appartenance de la montagne d'Arrée. Or l'Arrée, que l'idiome armoricain appelle kein Breiz, « le dos de la Bretagne », n'est autre chose qu'une chaîne de grandes collines qui, sur une cinquantaine de kilomètres, de la région de Loguivy-Plougras à Quimerc'h, sépare Tréguier, Léon et Cornouaille. Elle s'oriente du nord-est au sud-ouest, et offre, par intermittences, des dentelures schisteuses, aux arêtes vives, nettement découpées, que la langue bretonne caractérise sous le nom de Roc’h. C'est ainsi que Roc'h-an-Diri [Note : « La Roche des Terres-Froides ». Diri est le pluriel de tir ou tirien (terre sèche et froide)] et Roc'h-sant-Barnabé séparent Le Cloître et Le Relec de Scrignac et de Berrien, et que Roc'h-Trévézel se dresse entre Commana et Botmeur. A partir de Roc'h-Trévézel, l'échine montagneuse, faite désormais de grès armoricains, s'infléchit par l'un de ses rameaux vers le Torgen Saint-Michel [Note : C'est ici le Mont Saint-Michel qui, avec ses 391 mètres d'altitude, est le point culminant des Monts d'Arrée et de toute la Bretagne] mettant une séparation entre les hauteurs de Saint-Rivoal et les marais de Botmeur. L'autre rameau laisse sur sa droite de hauts plateaux, couverts de lande et de bois taillis, qui se prolongent jusqu'à Sizun [Note : Camille Vallaux, Toponymie de la Montagne d'Arrée, dans le Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1905, p. 114].

Au bas des pentes raides de l'Arrée se trouvent de profonds ravins, souvent en forme de cirque, d'aspect farouche et désolé. D'autres pentes descendent en douceur vers des régions tourbeuses, marais ou grands marécages, réputés très dangereux : quand un avare était mort, on disait naguère en proverbe : « Le diable l'a jeté dans les fondrières de Yun-Elé, au bas du mont Saint-Michel ».

Le climat de l'Arrée est rude. Les vents du nord et du sud-ouest y soufflent terriblement, les gelées y sont fortes. Dans l'hiver 1788-1789, note Cambry (Voyage dans le Finistère, éd. de 1835, p. 229 et suiv.), la neige s'élevait à plus de dix pieds dans les vallons ; on fut sept semaines sans pouvoir mettre les animaux dans les champs.

Le même auteur, écrivant à la fin du XVIIIème siècle, nous décrit le costume des habitants : « Ils sont vêtus de toile ou de berlinge, espèce d'étoffe faite avec du fil de chanvre et de la laine ; ils en font des gilets, des habits, des culottes, des bas, et portent tous le même vêtement, de la même couleur, d'un brun jaunâtre. Les femmes se servent de la même étoffe ; elles n'ont de remarquable dans leur habillement, qu'une espèce de queue plissée, d'un empan de longueur, qui tombe ausi bas que leurs jupes... ».

Les maisons de ces montagnards, toujours groupées en villages, étaient faites de dalles bleues grossières. A défaut de sentiers praticables, le colon passait tout simplement à travers la lande.

Leur nourriture, très frugale comportait : des crêpes, de la bouillie, du pain de seigle, du laitage, et du lard dans les jours de fête (Ibidem).

Comme tempérament ils étaient fiers et indépendants [Note : Vallaux, La nature et l'homme en Montagne d'Arrée, dans le Bull. de la Société archéologique du Finistère, p. 130-131], mais bons, généreux et hospitaliers (Cambry, op. cit.).

Le pays se prête bien à l'élevage du bétail, spécialement des moutons. Il est très giboyeux. Cambry parle d'un de ses guides qu'il vit prendre à la main deux lapins en dix minutes. On se plaît d'ailleurs à dire familièrement aux petits enfants qu'ils ont été trouvés dans l'oreille d'un lièvre de la montagne d'Arrée : Te a zo bet kavet e skouarn ar c'had e Menez-Are.

Voilà donc la région que les moines du Relec sont appelés à coloniser par des paysans qu'ils prendront sous leur protection. Les pionniers de l'Arrée seront à là fois abatteurs de bois et fondateurs de villages. Ils commenceront par déboiser les pentes moyennes de la montagne, puis il y installeront leurs demeures ; sur les hauteurs dénudées, ils se contenteront d'écobuer, c'est-à-dire de brûler les genêts et l'ajonc et de semer du seigle dans la cendre [Note : Les bois disparus laisseront dans la toponymie des traces de leur existence. Cf. Vallaux, Bulletin de la Société archéologique du Finistère, 1905, p. 119]. Comme moyens de communication, ils auront à leur disposition la voie romaine qui va de Carhaix à Brest, passe par Berrien, puis à trois kilomètres du Relec, et prend en écharpe la montagne d'Arrée.

(H. Pérennès).

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