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ABBAYE DE RHUYS

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L'ANCIEN FIEF DE L'ABBAYE DE RHUYS

Les établissements religieux fondés au XIème siècle par les ducs de Bretagne, reçurent généralement de leur munificence un territoire déterminé, et la juridiction sur les habitants de ce territoire. Ce fut le cas pour l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys, relevée par le concours de saint Félix et du duc ; ce fut même le cas pour les premières annexes du monastère, telles que Saint-Sauveur de Locminé, Saint-Guen de Vannes et d’autres encore.

Quel fut le territoire donné primitivement à saint Félix ? Impossible de le dire aujourd'hui d’une manière précise. Un aveu du 23 avril 1584, fourni par l’abbé Jean-Baptiste de Gadagne, mentionne le bourg de Saint-Gildas avec ses dépendances, les villages de Keraudren, Kerpont, Kersalut, Croix-Daniel, Gornan, Keromain, Kerfago, le tout en un tenant de 1.800 journaux. Un autre aveu, du 10 janvier 1653, reproduit les mêmes termes. Il y avait en outre de nombreuses propriétés disséminées en Saint-Gildas et Sarzeau.

Pour rendre la justice à tous les sujets ou vassaux de l'abbaye, il y avait un tribunal, établi par l’abbé, et composé d’un sénéchal, juge unique, d’un procureur fiscal, chargé des poursuites, et d’un greffier ou secrétaire ; à la suite venaient les sergents ou huissiers, les tabellions ou notaires, tous à la nomination de l’abbé : ils exerçaient en son nom la justice haute, moyenne et basse.

Ils siégeaient au bourg de Saint-Gildas, et on y voit encore la maison qui leur servait d’auditoire dans les derniers siècles, et tout à côté la prison circulaire destinée aux prévenus ou aux condamnés. Plus loin s’élevait la potence, ou pilier de justice, destinée à l’exécution des criminels, et à signaler le droit de haute justice de l’abbé. A Rhuys il y avait, de temps immémorial, deux piliers de justice, quand, en 1503, l’abbé Pierre de Brignac obtint de la reine Anne et du roi Louis XII le privilège honorifique d’un troisième pilier.

« Anne, par la grâce de Dieu, royne de France, duchesse de Bretagne, sçavoir faisons à tous présents et advenir que nous avons reçu l’humble supplication de nos bien amés et féaux orateurs, les abbé, religieux et convent de l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys, contenant qu’à cause de la d. abbaye, qui est l’antique fondation et dotation de nos prédécesseurs roys, ducs et princes de Bretagne, les d. suppliants ont plusieurs fiefs, terres et seigneuries, et entre autres lad. pièce de Rhuys, ouquel lieu ils ont tout droit de jurisdiction et justice d’icelle, avec juge, procureur, greffier, sergents et autres officiers, qui peuvent cognoistre en première instance de toute matière possessoire, personnelle, criminelle et civile, qui se meuvent ou peuvent mouvoir et intenter entre leurs hommes et vassaux, et à procéder jusque à sentence diffinitive inclusivement et exécution d’icelle, selon l’exigence des cas ; et pour l’exécution et correction des criminels délinquans en leur dit fief, ils ont de tout temps et d’ancienneté justice patibulaire levée et dressée à deux posts, près et ès mettes de la d. abbaye de Rhuys ; toutefois, pour la décoration et l’embellissement de leur d. fief et jurisdiction, ils désireroient volontiers augmenter et accroistre la d. justice d'un tiers post ou pillier... Nous, ce considéré... donnons et octroyons le d. tiers post ou pillier... sy donnons en mandement à nos séneschal, alloué et lieutenant de Vannes et de Rhuys, présents et advenir. Donné à Lyon, au mois d'apvril l'an de grace 1503, après Pasques... et confirmé par le roi au mois de mai 1503 ».

La juridiction de l'abbaye fut encore confirmée par Henri IV au mois de juillet 1604, par Louis XIII au mois d’avril 1616, et par Louis XIV au mois de septembre 1650. Plus tard, « la Chambre royale, instituée à Rennes pour la recherche des justices usurpées par les particuliers et les communautés dans l’étendue de la province de Bretagne », après avoir pris connaissance des lettres patentes mentionnées ci-dessus ; après avoir vu « une liasse de procédures civiles et criminelles passées en la jurisdiction de l'abbaye, depuis 1588 jusqu’en 1672 ; de plus une liasse de contrats et actes rapportés par les nottaires de la d. abbaye, soubs le sceau et submission à icelle, de 1488 à 1580 ; une autre liasse d’aveux rendus à la d. abbaye et seigneurie par des vassaux, rapportés par des nottaires, depuis 1552 jusqu’en 1582 ; enfin une liasse de procédures criminelles faites en la d. jurisdiction, aux années 1660, 1668, 1670 et 1673.

Conclusion du procureur général du roy : La. d. Chambre royale a maintenu et conservé les abbé, prieur et relligieux de l'abbaye de Saint-Gildas de Rhuys au droit et possession de haute, moyenne et basse-justice, en leur d. abbaye et seigneurie, fiefs et baillages en dépendants... Faict à Rennes, le 18ème jour de janvier 1674 » (Original parchemin).

La juridiction de l’abbaye ne saurait être mieux prouvée en fait et en droit, et l’abbé de Roquette en fit aveu en 1682.

Quant à la juridiction de certains prieurés, il serait trop long de l'exposer ici. Qu’il suffise de mentionner les droits des prieurés de Taupont et de Saint-Pabu, qui donnèrent lieu à deux échanges faits avec le duc Jean Ier.

Ce prince ayant augmenté son étang de Ploermel aux dépens du prieuré de Taupont, donna au mois d’avril 1257 une charte dont voici la traduction :

« A tous ceux qui verront ou entendront les présentes lettres, Jean, duc de Bretagne et comte de Richemont, salut éternel dans le Seigneur. Sachez que les religieux, abbé et convent de Saint-Gildas de Rhuys ont donné et concédé à nous et à nos héritiers tout ce qu’ils avaient de domaine et de droits utiles dans le moulin à tan et dans le moulin à grains, situés sur le bord de l'Yvel (?), et tout ce qu’ils avaient sans réserve dans le moulin neuf, avec sa nombreuse clientèle, et aussi toutes les terres et prairies occupées par notre étang de Ploermel, et de plus sept arpents de terre situés sur la colline de Rochediam (?)... excepté la terre de Mercoriendic, située près de l’étang, et appelé Bon en français. Il est à savoir qu’ils ne nous ont pas cédé la juridiction sur leurs hommes, mais seulement l’obligation pour eux de suivre les moulins ; les meuniers relèveront de nous et de nos successeurs, comme ils relevaient auparavant des religieux. En échange, nous leur assignons une rente annuelle de douze livres de monnaie courante, à prendre sur nos droits à Auray, le jour de la Décollation de saint Jean-Baptiste (29 août). En outre les mêmes religieux ont cédé, donné et quitté à notre abbaye de Prières toute la terre qu’ils avaient en la paroisse de Marzan, prés du port de La Roche-Bernard, et appelée vulgairement Gueldas, avec tous les droits et revenus qu’ils y avaient ou pouvaient avoir. Ils ont cédé de même à la d. abbaye tout ce qu’ils percevaient de dîme au Loch en Muzillac. Et en retour, nous leur avons assigné une rente annuelle de quatre livres dix sols de pareille monnaie, à prendre sur la d. coutume d'Auray, au d. jour de la Décollation de saint Jean-Baptiste ».

Le même Jean Ier avait fait, une dizaine d’années auparavant, un échange plus important avec ladite abbaye de Rhuys. Le monastère possédait depuis longtemps, peut-être même depuis saint Félix, dans la forêt de Rhuys, non loin du château ducal de Sucinio, un prieuré dit de Saint-Pabu, ou de la Fosse-au-Serpent. Le duc voulant enclore sa forêt et ne voulant pas garder de moines auprès de son manoir, renvoya les religieux et démolit leur couvent. En compensation, il donna à l’abbaye de Saint-Gildas une rente de quarante livres sur sa châtellenie de Sucinio ou de Rhuys, et de plus ses terres de Prorozat ou de Saint-Armel, et du Hézo, avec sa juridiction sur ces lieux.

Ceci se passait un peu avant la fondation de l'abbaye de Prières (Pr. I. 41), c’est-à-dire un peu avant 1251. Par conséquent en prenant la date de 1247, on ne saurait être loin de la vérité. Si l’on ne peut donner qu’une date approximative, c’est parce que l’acte primitif de l’échange est perdu depuis longtemps. Il parait même avoir été perdu pendant la guerre de succession, et c’est pour le remplacer que le faussaire de Saint-Gildas a fabriqué la pièce qui existe encore aujourd’hui. Dans cet acte apocryphe , les conditions de l’échange sont exactement mentionnées, mais la date en est faussement reportée à l’an 1001, à une époque où le monastère n’existait pas encore. Il y est aussi question du roi Grallon qui n’avait rien à voir dans cet échange. Un siècle plus tard, le procureur du duc à Rhuys voulut contester aux moines leur juridiction sur Prorozat et les environs. Jean IV, appelé à trancher le différend, fit faire une enquête contradictoire, et après avoir vu les titres de l'abbaye, il donna, le 8 mars 1367 (N. S. 1368) une charte où on lit : « ... Avons trouvé par nos commis que les terres, palluz et marais et passages (contestés) estoint le droit héritage des d. abbé et convent, et généralement toute la fraérie de Prosat estre leur fié et domaine, en recompanse d’un priouré qu’ils souloient autrefois avoir enmy nostre grant parc de Sussinio, appellé le d. priouré Saint-Pabu de la Fosse-au-Serpent, et pour l’augmentation du d. moustier et estre participans ès oraisons et bienfays à yceluy... Nous avons voulu et ordonné, voulons et ordonnons que aus d. abbé et convent soint et demeurent celles pièces de terres, palluz et marais, le passage de Questenéen, depuis la muraille et cloture d’iceluy parc jusquez à la mer joignant celuy passage, et toutes les terres, palluz et marais de l’un costé et d’autre du chemin qui maine aud. passage, avec ma juridicion, profis et esmolumans ; et en tant que mestier est, leur en avons fait donnaison et octroy, pour en joïr et user ou temps avenir, comme de leur propre héritage, sans débat ou impeschement, et leur en avons baillé la possession et saésine... » (Orig. parch. — Sceau perdu)..

Tourmentés fréquemment par les officiers de la juridiction ducale de Rhuys, qui les citaient à leur barre, par les receveurs qui refusaient de payer leurs rentes sur la presqu’île, et par les maîtres des forêts qui leur contestaient leur droit d’usage, les religieux recouraient toujours aux ducs. C’est ainsi qu’on trouve des ordonnances en leur faveur en 1369, 1379, 1398, 1410, 1432, 1441, 1470, 1496, etc.

Les officiers de la sénéchaussée de Rhuys reprirent la lutte contre ceux de l’abbaye vers 1620. Ceux-ci se défendirent énergiquement et un arrêt du parlement du 23 avril 1622 défendit aux officiers du roi de troubler ceux de l’abbé dans l’exercice de leurs droits de justice sur les sujets de Prorozat, du Hézo et de l'île de Tascon. Pour n’avoir pas le dessous, le sénéchal Daniel de Francheville et ses collègues de Rhuys prétendirent que les lieux contestés étaient du fief du roi et non de celui de l’abbé. La Cour, saisie de cette prétention, défendit, le 28 août 1623, à l’abbé et à ses officiers l’exercice de leur juridiction dans les territoires contestés, jusqu’à preuve de leurs droits. Les religieux fournirent comme preuves l’acte d’échange fait avec le duc et la charte de Jean IV de 1368, dont il a été question plus haut.

Le parlement se rendit à ces preuves, et par un premier arrêt du 10 novembre 1629, il leva les défenses faites en 1623, et par un second arrêt du 16 juillet 1630, fit « inhibitions et deffences aux officiers royaux de Rhuys de troubler les officiers de la jurisdiction de l’abbaye de Saint-Gildas de Rhuys en l’exercice et droits de lad. jurisdiction, et de prendre cognoissance des causes civiles entre les hommes et subjets des frairie de Prozat, villages de Lanné, Pusmen, la Villeneuve, le Passage, frairie du Hézo, isle de Tascon, et autres dépendances, et aussi des crimes qui se commetteront en l’étendue de ce fief, fors aux termes de la Coustume, arrêts et règlements de la d. Cour ; et aux hommes et subjets de se pourvoir ailleurs que devant les officiers de la d. jurisdiction de Saint-Gildas, à peine de nullité, cassation de procédure, 100 livres d’amende, et de tous les dépens ».

Le 6 août 1689, sur le désir de Mgr. d'Argouges, Dom Nicolas Hougatz, prieur de Saint-Gildas et mandataire des autres religieux, consentit à l’union du prieuré du Hézo au Séminaire de Vannes, en réservant formellement pour l’abbaye la juridiction sur les vassaux du quartier et une rente annuelle d’un tonneau ou dix perrées de seigle. Ce contrat fut ratifié par tous les intéressés, et le Séminaire prit possession le 14 janvier 1690.

En vertu de la réserve de la juridiction, Dom Georges Botherel, procureur de l’abbaye, se rendit au Hézo, le 22 janvier 1714, et après avoir assisté aux offices, il jeta la soule au peuple assemblé. Il s’y rendit de nouveau le 15 mars suivant, accompagné de Dom Joseph Joly, prieur claustral, et y fit planter, comme signe de juridiction, un poteau portant les armes de l’abbaye : d’argent a six hermines, rangées 3, 2, 1.

Le supérieur du Séminaire, Pierre Rhodes, personnage peu endurant, protesta contre ces entreprises, qu’il considéra comme une usurpation. Il prétendit que le prieuré du Hézo était un fief distinct et séparé de celui de Prorozat : que les prieurs du Hézo avaient droit de basse et moyenne justice, dans le temps passé, sur tous leurs sujets, et que la haute justice en appartenait au roi, représenté par son sénéchal de Vannes. Il en résultait que la réserve faite en 1689 était nulle, parce qu’elle était basée sur une usurpation de pouvoir. De plus il se plaignit que les religieux, en faisant une saline sur la côte de Pusmen, avaient empiété sur le terrain du prieuré, du côté de la Villeneuve.

Le Conseil du roi, saisi de l’affaire, au lieu et place du parlement, adopta les raisons du plaignant, et par un arrêt du 31 mars 1718 condamna « les religieux, prieur et couvent de Saint-Gildas de Rhuys de faire arracher et démolir le d. poteau, dans huitaine du jour de la signification du présent arrest, sinon et à faute de ce faire, permit au procureur général de le faire arracher et enlever aux frais des d. religieux ».

Par un second arrêt du 20 mars 1723, le même Conseil du roi ordonna « que les prêtres du Séminaire de Vannes seraient réintégrés dans la possession de la partie des marais du côté de la Villeneuve, et condamna les religieux à remettre cette partie des marais dans l’état où elle était avant le trouble, et à payer les dépens... ».

De leur côté, les religieux s’étaient adressés au parlement de Bretagne, et avaient obtenu un arrêt du 30 juin 1718, et même des lettres du roi du mois d’août 1718, qui leur permettaient d’exercer leur justice et de rétablir des fourches patibulaires « dans la Prairie de Saint-Armel au lieu du Hézo ».

Ce rapprochement et cette confusion apparente entre Saint-Armel et le Hézo semblent avoir été intentionnels.

Aussi, quand le procès se ralluma vingt ans plus tard, le Conseil du roi déclara, le 30 décembre 1740, que les lettres patentes obtenues au mois d’août 1718 concernaient Saint-Armel seulement et non le Hézo. C’est en vain que l’abbé de Villeneuve réclama la moyenne et basse justice, à défaut de la haute, sur le prieuré du Hézo, ancien membre de son abbaye : il fut débouté par arrêt du Conseil du roi le 18 septembre 1742.

Quant à la rente annuelle des dix perrées de seigle, réservée au monastère en 1689, elle avait été suspendue pendant les troubles, mais le successeur de M. Rhodes, M. Jonneaux en 1742, la fit rétablir.

La juridiction de l'abbaye de Rhuys se maintint partout ailleurs et ne fut supprimée qu'à la Révolution (extrait des notes de J.-M. Le Mené).

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