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ABBAYE DE RHUYS

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RESTAURATION DE L'ABBAYE DE RHUYS

Les monastères de Rhuys et de Locminé, abandonnés par leurs habitants en 919 et ruinés par les Normands, restèrent déserts durant un siècle. Les bâtiments étaient renversés, les herbes et les broussailles avaient tout envahi ; des arbres avaient jeté leurs racines jusque dans les églises, et ces masures servaient de refuge aux reptiles et aux animaux sauvages.

Judicael, évêque de Vannes, déplorait ces ruines, et c’est probablement à son instigation que le duc Geoffroi Ier, son frère, demanda, vers l’an 1008, à l’abbé Gauzlin de Fleury-sur-Loire un moine breton, nommé Félix, pour relever ces sanctuaires dissipés. Il aurait paru naturel de s’adresser d’abord aux moines de Saint-Gildas de Châteauroux ; mais les anciens religieux étaient tous morts, et les nouveaux étaient étrangers à la Bretagne ; peut-être aussi n’avaient-ils pas de sujets à donner.

Félix était né vers 968 dans le pays de Léon, et s’était retiré dans l'île d'Ouessant, pour y mener une vie solitaire. Il y avait converti un jeune homme, appelé Gulstan, qui courait les mers avec des pirates, et en avait fait son compagnon de pénitence. Dans le but de se rapprocher des reliques de saint Paul, évêque de Léon, il avait quitté sa solitude vers 994, pour prendre l’habit religieux à Fleury-sur-Loire, près d'Orléans. C’est là qu’on alla le réclamer en 1008. Le duc Geoffroi reçut Félix avec la plus vive satisfaction, et le chargea de relever de leurs ruines les monastères de Rhuys et de Locminé ; à cet effet il lui donna les emplacements et les anciennes dépendances des deux abbayes, et promit de lui fournir, au retour d’un voyage qu’il allait faire à Rome, tous les secours dont il aurait besoin. En partant, il le recommanda à la duchesse Havoise, aux seigneurs du pays, et à son frère Judicael, évêque de Vannes. Le duc mourut en rentrant en Bretagne (1008).

Félix, privé de cet appui nécessaire, voulut retourner à Fleury ; mais la duchesse et l’évêque lui firent de si vives instances pour l’engager à rester, qu’il finit par céder. Mettant sa confiance en Dieu, il commença par construire quelques petites cellules provisoires dans ces lieux désolés et bientôt quelques disciples vinrent se joindre à lui ; avec leur secours, il restaura les églises et les maisons des deux monastères, planta des vignes et des pommiers, et rétablit les écoles des enfants (Anon. de Rhuys. — Pr. I. 354).

Il n’y avait pas encore là de communauté régulière, avec un abbé définitif, mais il y avait les éléments préliminaires. Au moment où Félix touchait au succès, la guerre vint tout remettre en question : les paysans se révoltèrent contre les seigneurs, et les seigneurs contre le duc. Découragé, le moine s’enfuit à son monastère de Fleury (1024). L’abbé Gauzlin, promu depuis dix ans à l’archevêché de Bourges, sans quitter le gouvernement de son abbaye, ayant été informé du véritable état des choses en Bretagne par une lettre confidentielle de la duchesse Havoise, et prié par elle de lui renvoyer Félix avec le titre d’abbé, prit aussitôt son parti. Après avoir adressé quelques reproches paternels au fugitif, il le conduisit à l’église, et malgré ses protestations, il lui donna la bénédiction abbatiale le 4 juillet, et le renvoya en Bretagne.

Quand Félix y revint, il n’y avait plus de guerre, et le duc Alain III régnait paisiblement. Restait à savoir où le nouvel abbé fixerait son siège ; serait-ce à Rhuys ? Serait-ce à Locminé ? — Le duc de Bretagne, l’évêque de Vannes, plusieurs autres évêques et seigneurs bretons, consultés à ce sujet, se prononcèrent pour Rhuys, non seulement parce que c’était le plus ancien des deux monastères, mais aussi parce qu’il y avait là un sol fertile, quantité de froment, de vin et de pommes, et abondance de beaux poissons dans la mer. L’abbé suivit le conseil, fixa sa résidence à Saint-Gildas de Rhuys, et conserva Locminé comme prieuré : cette situation s’est maintenue jusqu’à la révolution française.

Fixé définitivement à Rhuys, l’abbé Félix y réunit presque tous ses religieux, et se mit en devoir de rebâtir l’église de Saint-Gildas. Le nouvel édifice, construit sur l’emplacement de l’ancien, eut la forme d’une croix latine : il en reste encore presque la moitié, composée du choeur et du transept nord.

Le choeur, terminé en hémicycle, est enveloppé d’un déambulatoire et entouré de trois chapelles rayonnantes, dont les fenêtres sont romanes et les voûtes en cul-de-four. Le sanctuaire est entouré de colonnes romanes portant des arcades en plein cintre, dont quelques-unes surhaussées. Derrière l’autel se trouve le tombeau de saint Gildas, recouvert d’une lourde dalle en granit : c’est là qu’on retrouva huit grands os du saint, qui y avaient été cachés par les anciens moines, au moment de leur fuite ; on les mit plus tard dans de riches reliquaires. En avant du sanctuaire, et débordant dans l'intertransept, se trouvait le choeur des religieux, garni de stalles ; au-dessus s’élevait une tour carrée, amortie en ardoises, pour recevoir les cloches. Le transept nord, si remarquable par ses nombreux tombeaux, est muni d’une absidiole, pour recevoir un autel ; il en était de même au transept sud, jusqu’à sa chute en 1836.

La nef avait 95 pieds de long et 34 pieds de large ; elle était partagée en trois par des piliers surmontés de chapiteaux romans et d’arcades en plein cintre. Au bas de la nef se trouvait un porche carré, au-dessus duquel s’élevait un étage pour recevoir les défenseurs de l’église en temps de guerre.

A l’extérieur, dans le mur du chevet, on voit quelques pierres sculptées représentant des animaux et même deux guerriers à cheval ; les contreforts sont peu vaillants, et la corniche est composée de modillons ou de corbeaux à têtes grimaçantes. Dans le mur du transept nord, on remarque la maçonnerie en petit appareil, et aussi la disposition en feuilles de fougère, ce qui commence à devenir assez rare en Bretagne.

Cette église abbatiale fut consacrée solennellement, le 30 septembre 1032, par Judicael, évêque de Vannes, au milieu d'un grand concours de fidèles ; depuis lors, l’anniversaire de cette dédicace fut toujours célébré comme l’une des grandes fêtes de l'abbaye. C’est probablement à l’occasion de cette consécration que l’évêque reçut une parcelle des os de saint Gildas et son livre des Evangiles ; ces reliques, longtemps conservées à la cathédrale, en ont disparu depuis. Le bâton du saint, pieusement conservé à l'abbaye et instrument de miracles, est également perdu, sans qu’on sache ce qu’il est devenu.

Le monastère de Saint-Gildas était à peine rétabli que les antiques pèlerinages recommencèrent au tombeau du saint, principalement aux fêtes du 29 janvier et du 11 mai. Le moine de Rhuys qui a écrit la vie de Saint Gildas, et qui vivait du temps de l’abbé saint Félix, nous a transmis à cet égard quelques faits intéressants.

« On arrivait, dit-il, au 11 mai, jour de l'invention du corps de saint Gildas, et la foule accourait de toutes parts à la fête. Alors, un individu qui avait été longtemps retenu au lit par une maladie, voyant ses voisins et ses amis partir pour la fête les supplia de le conduire au lieu saint. Il se disait que s’il pouvait toucher seulement le tombeau, il serait bientôt guéri ; il le croyait et affirmait en avoir la foi. Il est donc amené par ses amis, et placé devant le tombeau de saint Gildas. Pendant qu’on chantait solennellement les vigiles, le malade, couché devant le tombeau, se raidit tout à coup comme un mort et cessa de se plaindre ; ses yeux étaient contournés, ses pieds, ses mains, sa poitrine étaient glacés : tout le corps paraissait mort. La foule qui l’entourait s’écriait " il est mort portez-le dehors ! " - Au milieu des cris et de la presse de la multitude, personne ne pouvait s’approcher de lui pour le saisir et l’enlever ; enfin, au bout de trois heures, un moine nommé le Jeune (Junior) prit le bâton de saint Gildas et fit avec lui trois signes de croix sur le malade. Aussitôt celui-ci se dressa devant tout le monde étonné, et s’écria : N’avez-vous pas vu le B. Gildas debout sur cette pierre et me levant de sa main ? - Alors, devant tout le monde, il se leva guéri et heureux, et alla placer de sa main un cierge sur l’autel ; et celui qui avait été amené malade au saint tombeau par l’aide des autres, s’en retourna à pied chez lui. — Un jour, dit l’auteur, que je racontais ce miracle à quelques nobles personnes devant l’église de Plumergat, cet homme guéri se présenta devant nous, et affirma par serment la vérité de ce récit ».

« C’est une chose notoire, ajoute le même moine, et très connue dans toute la Bretagne, que, s’il survient quelque maladie mortelle dans le diocèse ou dans une autre contrée, les habitants viennent ici avec confiance et obtiennent de Dieu le remède. Pour ce motif, les fidèles de la paroisse d'Iffendic se mirent un jour en route ; mais l’un des pèlerins, nommé Dongual, fut tout à coup frappé de la maladie et tomba devant l’église de Sarzeau. Ses compagnons continuèrent leur route jusqu’à Saint-Gildas, et me prièrent, dit le moine anonyme, de leur prêter un cheval pour aller le chercher : ce que je fis. Lorsqu’il fut arrivé, il ne pouvait pas marcher, et on le mit dans le bâtiment des hôtes. Il faisait peur à voir et vomissait du sang ; personne ne croyait qu’il verrait le lendemain et on s’attendait à le voir bientôt mourir. Toute la communauté le visita, pria pour lui, et un des moines lui donna l'Extrême-Onction. A partir de ce moment, le malade revint à lui, recouvra peu à peu ses forces, et au bout de quelques jours il fut complètement guéri. Pendant ce temps, ses compagnons de voyage retournèrent chez eux, et dirent à sa femme qu’il était mort et enterré à Saint-Gildas. Celle-ci prit aussitôt le chemin du monastère, afin de prier sur la tombe de son mari et de faire des aumônes pour le repos de son âme. En y arrivant, elle fut tout étonnée de rencontrer vivant et parfaitement guéri celui qu’elle croyait mort. Pleins de joie, ils retournèrent ensemble à leur paroisse. — Naguère, continue le moine, j’ai revu cet homme en bonne santé, rendant grâces à Dieu, proclamant la vertu du B. Gildas, et confirmant les faits ci-dessus racontés ».

« Il ne faut pas non plus, dit le même auteur, passer sous silence un fait d’un autre genre. Le démon voyait avec dépit les religieux revenus à Saint-Gildas, et pour les renvoyer, il résolut de les troubler et de les épouvanter par toutes sortes de fantômes et de spectres nocturnes. Ainsi un soir, pendant que les jeunes moines étaient assis à une table et s’exerçaient à la psalmodie, l’esprit malin se mit à jouer avec la chandelle qui les éclairait, avançant et retirant plusieurs fois une main noire, hideuse et couverte de poils. Les jeunes religieux étaient troublés et effrayés ; l’un d’eux, s’appelait Ratfed, et un autre Mangis, le troisième, qui les instruisait, se nommait Ranulf. Un vieux moine qui les gardait et qui s’appelait Jouéthen, voyant ce qui se passait, dit aux enfants épouvantés : — Faites, mes enfants, le signe de la croix, et continuez à chanter les psaumes de David. — Alors le démon éteignit la chandelle, éclata de rire, et se ruant sur un tas de pierres qui se trouvait dans la cour voisine, y fit un tapage effroyable ; il passa le reste de la nuit au réfectoire, agitant les écuelles avec tant de bruit que personne ne put dormir ; près du réfectoire se trouvait un vase rempli de vin, il fut si bien vidé qu’on n’aperçut aucune trace du contenu. Félix était absent cette nuit ; ayant appris à son retour ce qui s’était passé, il bénit de l’eau, y mit du sel, et en aspergea tout le monastère, à l’extérieur et à l’intérieur, et à partir de ce jour la maison fut tranquille par la grâce de Dieu ».

On voit par ces détails que le monastère était alors complet : on y trouvait un réfectoire, une cuisine, un dortoir, et sans doute aussi un cloître et les bâtiments accessoires. Le monastère était alors placé, comme il l’a toujours été depuis, au midi de l’église. Tout à côté il y avait jardin, verger, prairies, etc... Outre le monastère, il y avait déjà quelques prieurés qui en dépendaient, et qui étaient habités par une colonie monastique, Sous la conduite d’un prieur. On a vu ci-dessus que l'établissement de Locminé, comme prieuré, date de 1024 environ. Vers le même temps fut fondé à Vannes le prieuré de Saint-Guen, à la demande de l’évêque Judicael, et avec le concours du duc Alain III. D’autres prieurés furent aussi fondés à Houat, à l'île d'Arz, à Gavre, et ailleurs, soit pendant la vie de saint Félix, soit après sa mort. Graduellement l’abbaye posséda une vingtaine de ces établissements secondaires.

L’abbé Félix, conformément à la règle de saint Benoît, établit dans son monastère une école, qui devint célèbre et qui continua les traditions de celle fondée par saint Gildas au même lieu. Cette école, tout en répandant l’instruction au dehors, procura de nombreux sujets à la vie religieuse. La langue latine y était soigneusement cultivée, et le moine anonyme de Rhuys, dont, on a cité de nombreux passages plus haut, écrivait très élégamment le latin.

Saint Félix gouvernait ainsi son abbaye avec sagesse et succès, lorsque la maladie vint l’avertir que sa carrière était finie. Il mourut le 12 février 1038. L’évêque de Vannes, Budic, et le duc Alain III assistèrent, dit-on à ses obsèques. Il fut inhumé dans le transept nord de son église, sous une arcade où se voit encore son tombeau ; la pierre supérieure, taillée en forme de châsse, offre le dessin d’une croix pattée et l’inscription suivante en capitales romaines : t II Febr. obi it  Felix abb. istius loci ; c’est-à-dire : le 12 février mourut Félix, abbé de ce lieu.

Sa sainteté fut bientôt attestée par un grand nombre de guérisons et d’autres miracles opérés à son tombeau. Et cependant ce saint restaurateur de l’abbaye de Rhuys, qui a tant mérité de la religion et dont la vie est parfaitement connue, ne reçoit aujourd’hui de culte public dans aucun diocèse de Bretagne !

Sa statuette décore le reliquaire en argent de Saint-Gildas ; une partie de ses reliques se conserve à la sacristie ; il pourrait y en avoir encore dans son tombeau, car les religieux qui l’ouvrirent pour la première fois, le 7 août 1655, trouvèrent une partie des ossements conservés, et le reste tombé en poussière (extrait des notes de J.-M. Le Mené).

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