Des
Abbés qui ont gouverné le monastère de Saint Jagu.
SUBSECTION I - DES
ABBÉS RÉGULIERS
Saint
Jagu ou Saint Jacut, en latin Jacutus, a été le premier qui ait gouverné ce Monastère, lequel estant mort environ
440,
l'on ne trouve point qui lui succéda, ny les abbez suivans, jusqu'en 1079 ou environ que je trouve [Note : Noël
Mars omet ici de mentionner Hinguethen. Voici une courte notice sur cet abbé à qui l'on donne parfois le titre de
saint Hinguethenus
ou Hinguethen est le premier successeur de saint Jacut que nous font connaître les anciennes chartes. Il était
l'an
1008 abbé de Saint-Jacut, lorsque le duc Alain III le chargea de
rétablir le monastère de Saint-Meen alors dévasté par les Normands. Il eut la gloire de réussir dans cette
tâche et transféra
cette abbaye de Gaël à Saint-Meen vers 1024. Le nécrologe de Saint-Meen nous apprend qu'il gouverna cette maison jusqu'à sa
mort arrivée au mois d'avril, on ne sait quelle année. Dom Mabillon
mentionne Hinguethenus deux fois comme témoin dans
une donation faite à Marmoutiers, en 1020, et dans le testament
du duc Alain. Le prêtre Ingomar lui a dédié la vie de Saint
Judicael. Dom Morice, dans le tome 1er de son Histoire de Bretagne,
lui donne le titre de Saint. Voir Mabillon, Ann. Bénédict.
IV, p. 269. — Morice, Preuves, tome 1, col. 35 et 258. — Guillotin
de Corson, Pouillé, II, p. 128 et 398. — Anciens Evêchés, tome
IV, p. 267 — La Borderie, Histoire de Bretagne, III, p. 157], Wihomart
ou Guihomart, en latin Wihomarus, Guihomarus ou Guihomardus, et ce en raison d'une charte
[Note : Cette charte est reproduite au tome IV des Anciens Evêchés, page
277] que m'a communiquée
le Révérend Père, prieur de Saint Aubin des Bois, par
laquelle il est dict qu'un certain Hermelin vint demander
l'habit au monastère de Saint Jacques, qui est St Jagu, car
selon quelques-uns «Jacut » en breton signifie « Jacques
» en François. En effet, les manuscrits de Landévennec
appellent Saint Jagu « Jacob ». Deuxièmement à cause d'un
acte fait l'an 1092, que rapporte le P. Albert dans ses Vies
des Saints de Bretagne, « de episcop. Verset. » fol. 613, dans
lequel il est nommé « Guihomardus, Abbas S. Jacobi ». Cet
abbé assista aux funérailles d'Eudon, qui fut enterré en l'église
cathédrale de Saint Brieuc, où assistèrent l'archevesque
de Dol, l'évêque d'Aleth et plusieurs autres, comme l'on
peut voir dans le Père du Paz [Note :
Wihomarus, Guihomarus ou Guihormadus, car on trouve ces
trois formes dans les chartes, apparaît près de l'évêque de Saint-Brieuc AEMUS, dont le pontificat
doit être placé entre 1075 et 1090. Il assista aussi aux funérailles d'Anne, ou d'Emme, vicomtesse
de Porhoet, morte en 1092, et, la même année, à la donation
faite par le vicomte de Porhoet au prieuré de Sainte Croix de Josselin. Voir Anciens Evêchés, tome IV, p. 267 et tome I, p.
6. — Histoire Généalogique de Bretagne, de du Paz, p. 5. Dom Morice, Preuve, I, col. 480. — Morice,
Histoire de Bretagne,
II, p. LXXXIj], et ce l'an 1079, et est appellé Guyomar [Note :
Noël Mars omet ici trois abbés qui furent : Marcherius, qui
vivait en 1118, Guillaume, et enfin Mainon, qui assista au Concile
de Reims, tenu en 1131, par le pape Innocent II et fit régler
par ce concile le différend qui existait entre les moines de
Marmoutiers et ceux de Saint Jacut pour les droits de coutume sur le
poisson qui se vend à Dinan (Voir sur ce conflit, Anciens Evêchés,
tome IV, pages 396 et 401, et sur Marcherius, Morice, Preuves,
I, 530]. Son successeur fut Henry, cet abbé a
gouverné longtemps ce monastère. Ce fut luy qui obtint la
bulle du Pape Alexandre III en 1163, comme j'ay dict ou
environ [Note :
Noël Mars ne donne que peu de renseignements sur l'abbé
Henry, qui paraît avoir joui de son temps d'une grande considération.
Henri fui béni par Hugues, archevêque de Dol, en 1159.
Six ans plus tard, il passait, avec le fermier de la Trinité-Porhoët,
un acte rapporté par Dom Morice, tome Ier, col. 656. Moyse,
abbé de la Vieuville. vers 1180, ayant eu des différents avec
Geoffroy du Guesclin, au sujet d'une terre sise en la Fresnaie,
le pape nomma l'abbé de Saint-Jacut pour examiner
cette affaire. Après quelques arrangements qui ne furent pas exécutés,
l'abbé fut forcé d'excommunier tous ensemble Geoffroy du Guesclin, sa femme,
ses enfants et Geoffroy Le Bouteiller.
L'abbé Henry parut aussi dans deux enquêtes en faveur de Dol : la première
fui ordonnée par Henri III, roi d'Angleterre, en 1181, pour recouvrer les biens
perdus de cette église. Dans la seconde, Henry parut comme témoin dans
l'interminable débat, entre les archevêques de Dol et de Tours. Il attesta qu'à
sa connaissance, Hugon, archevêque de Dol, avait usé du Pallium, lorsqu'il
l'avait béni comme abbé de Saint Jacut, ainsi que dans la consécration d'un
autel dans l'église de ce monastère
(Voir Morice, Preuves, tome I, col. 679, 680, 686, 740 et 773, — Guillotin de
Corson, tome II, p. 762)]. Celuy qui lui succéda fut Nicolas, lequel je trouve dès 1201 et 1210 ; Ma croyance est que ce fut du
temps, de
cet abbé, que Rolland IVème du nom, fils de Rolland, sieur
de Montafilant usurpa les terres et possessions des religieux
de Saint Jagu, qu'il avoit en son fief et lesquelles il rendit
et plusieurs autres seigneurs à son exemple. Voyez le Père
du Paz, en ses Généalogies de Bretagne. Après
Nicolas (Note : Avant Nicolas prend place D..., abbé de Saint-Jacut, qui
accorda en 1201, à
Hervé, abbé de Redon, l'usage, pendant sa vie, de la maison de la Trinité-en-Porhoët
à la recommandation du comte
Eudon III. En retour de quoi, ce seigneur promit sa protection
aux moines de Saint Jacut (Morice, Preuves, I, 793)], je trouve Frère
Symon ou Simeon. Cet abbé expédia
les lettres de fraternité avec les religieux de l'abbaye
du Tronchet, en 1274, comme j'ay dict. Celui que
je trouve après luy [Note :
Dom Noël Mars n'a pas connu Alain, qui sortait de l'abbaye de Saint Meen et
signait une charte de Saint Aubin en 1233, ainsi
que Mathias, qui figure dans un arbitrage avec Guillaume de Kiliori, cellerier
Boquen, au sujet d'une propriété en Saint-Suliac
(Anciens Evêchés, tome III, pages 80 et 119). Noël
Mars ne parle pas que l'abbé Simon fut arbitre entre l'évêque de Dol et son
chapitre en 1266, et qu'en 1274, il ratifia un accord entre l'abbé de Saint
Melaine
et Guillaume Le Noir, chevalier
(D. Morice, Histoire de Bretagne, II, IXXXIj et Anciens Evêchés,
I, 377)] est : Godefroy
ou Gaufridus et ce dès l'an 1303. J'ay trouvé un acte par lequel cet abbé unissoit le cloistre Quemper et le
cloistre Briac à ce monastère, à cause que c'estoit peu de
chose et qu'il étoit nécessaire d'entretenir un grand nombre
de religieux en cette abbaye pour y bien faire office
divin [Note :
Voir cette charte, Anciens Evêchés, IV, p. 289 et Bibliothèque Nationale,
Mss L., 17092]. Son successeur fut : Guillaume [Note :
Ce fut sous cet abbé que l'on trouve mention du plus ancien
recteur de Créhen, dont l'histoire a conservé le nom. On
lit, en effet au tome XLI des Blancs Manteaux la note suivante : «
Controversia inter Johannem Eveillart, Priorem S. Salvatoris
de Dinanno, commonachum et procuratorem Abb. et relig. St
Jacuti et Magistrum Gaufridum de Bosco Bili, Rectorem de Parrochia
de Querhen, anno 1309 »] en 1309 et 1329. Après lequel fut frère Eon,
en latin Eudo et ce dès l'an 1336 et 1349 [Note : Noël Mars cite plus loin l'abbé Eudon à propos du prieuré
anglais
de Linthon. Voir aussi Gaignières, Bibliothèque Nationale, Mss L., 17092]. Après luy fut
: Frère
Guillaume de Rays en 1352. Cet abbé gouverna longuement
ce monastère, car je l'ay trouvé encore en 1386 [Note :
Guillaume de Rays appartenait à la famille de Rays, en Ploubalay,
dont certains membres nous sont connus par leurs
différends avec l'abbaye de Saint-Jacut. Leur château dont il
ne subsiste plus que la trace des fossés était situé non loin de
la ferme actuelle du Bois-Joly. D'après Lobineau, le sceau de Guillaume
de Rays représentait deux poissons et des hermines semée
entre les deux (Grande Vie des Saints de Bretagne, p. 12). Selon
les indications du tome XLI des Blancs Manteaux, on trouve
Guillaume, humble abbé de Saint-Jacut, le samedi après la fête
de tous les Saints, l'an 1342. Le même recueil, folio 644, nous
apprend qu'il était encore abbé le 23 juin 1390. Voici d'autres
notes des Blancs Manteaux ajoutant quelques renseignements à ce
que Noël Mars dit, de cet abbé : 1° « Guillelmus, abbas S. Jaguti de Insula, in collations
parrochiae
de Tregon, dioc. Macloviensis, anno 1358 » ; 2° «
Pierre du Probu, abbé de Saint Aubin des Bois, l'an 1379, transige
avec Fr. Guillaume de Rays, abbé de Saint Jagu, septembre
1379 » ; 3°
N. B., Monsour, N. Goion, Chevalier, Seigneur de Launay acquit « la Roulette » en
Saint Caz, de Guillaume Moisan ; présent Fr. Pean, procureur de M. de Saint Jagu (qui fut ensuite
abbé) le vendredi ap. la Saint Marc, 1382 (Mss Lat., 22325). Nous
savons aussi qu'en 1352, Guillaume de Rays assista à Dinan, aux Etats de
Bretagne convoqués par Jeanne de Penthièvre, et qu'il scella de son sceau
les lettres des ambassadeurs envoyés traiter de la délivrance de Charles de
Blois, prisonnier
en Angleterre (Lobineau, Histoire de Bretagne, I, p. 346). Il fut aussi présent aux Etats de Rennes où furent votés des subsides pour la
guerre contre les Anglais (Morice, Preuves, II, col. 513)]. Son successeur fut
: Frère
Olivier Pean ou Paian. Cet abbé fut premièrement procureur
de ce monastère et ce, dès l'an 1384 ; l'an 1378, il
estoit prieur du prieuré de Saint Cadreux et abbé en 1390. Il
a faict faire beaucoup de choses en ce monastère : 1° les pescheries
de pierres, lesquelles on appelle encore aujourd'hui piates comme si l'on
vouloit dire pescheries, faites par
Pian ou Paian. Ses armes sont « de gueules à 3 testes de maure
» ; 2 il fit faire la grosse cloche [Note :
Voici quelques autres renseignements sur Olivier Pean que
nous puisons au tome 41 des Blancs Manteaux, et qui viennent confirmer ou compléter
ceux de D. Noël Mars : 1° « Sur le bâton de la crosse, on lit deux fois »
« Fr. Olivier Paien fit
faire cette crosse ». Ses armes étaient « d'azur à trois têtes bandées
d'argent ». 2°
« Sur la plus grosse cloche de l'abbaye sont ces paroles » « Frater
Oliverius, abbas, fecit facere istam campaniam quam
potuit, anno 1402, et sur la moienne cloche est escrit : F., E... Abbas, fecit
facere istud signum, arma 1442 ». 3° En
1391, l'abbé Olivier fait association de prières avec Marmoutiers. L'abbé
Pean assista en 1395 aux Etats de Rennes auxquels il fut décidé que l'abbé Saint-Jacut occuperait désormais le quatrième rang aux Etats de Bretagne après
les abbés de Redon, Saint-Melaine et Saint-Meen (Morice, II, Preuves, col,
689)] de ce monastère, comme
il paroit par cette inscription « Frater Oliverius, Abbas, fecit facere istam campanam,
melius quam
potuit, mill°
CCC° II ». En plusieurs endroits, de notre église sont ses
armes avec semblables dictons ; 3° il fit faire la crosse abbatiale
avec son baston, laquelle est fort belle. Il fit mettre
dessus « fr.
Olivier Pean, abbé de St Jagu, fist faire cette crosse ». Il mourut sur la fin de décembre
1404 et fut enterré
devant l'autel de Notre Dame, hors la chapelle au costé
de l'Evangile, comme l'on voit sa représentation, et
ce sans mitre, à raison que les abbez de ce monastère n'avoient
pas encore le droit de la porter. Cet abbé étoit de
la maison de Pontfili, en Pontual, proche Dinart. La mesme
année qu'il mourut, fut esleu : Frère
Jean, [Note :
Noël Mars dans la subsection X de son histoire, a rapporté
plusieurs actes de cet abbé qui témoignent de son énergie
et de son zèle. Jean Mensiau, dit D. Taillandier, mourut en 1417] ; le duc Jean,
Vème du nom, dit le Sage, appelle
cet abbé son conseiller dans une charte qu'il expédia en
faveur de monastère. Je l'ai encore trouvé en 1409, son successeur
fut : Guillaume [Note :
D'après les armoiries de cet abbé, telles que nous les donne
la collection des Blancs Manteaux « d'argent au cerf passant », Guillaume Le Veneur appartenait
à la famille Le Veneur qui,
selon Courcy, habitait Plessala et Pordic et s'armait «
d'argent au cerf passant de gueules, ramé et onglé d'or ». Une
note du tome 41 des Blancs Manteaux nous le montre abbé de Saint-Jacut, le mardi après la Toussaint 1417. En 1423, il
signe le
traité conclu entre les Etats de Bretagne et le duc de Bourgogne (Morice, Preuves, II, col 1127). Il
dut être dans les meilleurs termes avec le duc de Bretagne, car
il parvint à régler plusieurs difficultés pendantes avec le receveur
de Jugon, au mieux des intérêts de l'Abbaye. Il existe en effet aux Archives de la
Loire-Inférieure, E 83 une
charte de Guillaume abbé, datée du 6 février 1425 et notifiant
un accord conclu entre l'abbaye de Saint-Jacut et le duc de Bretagne.
En vertu de cet arrangement, les sujets des religieux sont
dispensés du guet au château de Jugon, ainsi que d'une redevance
de 33 boisseaux de froment établie d'abord comme rachat
du dit guet, puis maintenue à titre perpétuel, à condition
que les moines célébreront pour le duc, le jour de la Saint-Yves,
une messe à notes. En
conséquence de cet arrangement, le duc Jean V envoya fin
février 1425, un mandement à son receveur de Jugon (Voir Lettres
et Mandements du duc Jean V, tome VI, p. 139). La même
année, l'abbé Guillaume obtint également du même duc, une lettre ordonnant aux officiers ducaux d'obliger les
vassaux
de l'abbaye de Saint-Jacut à payer les amendes auxquelles, le
cas échéant, la cour de l'abbaye pourrait les condamner. Guillaume
Le Veneur fit aveu au duc en 1429. Nous reproduisons
aux Pièces justificatives cet aveu, le plus ancien qui nous soit parvenu. Plusieurs
notes extraites du tome 41 des Blancs Manteaux nous montrent
que Guillaume n'oublia point de travailler à l'accroissement
du domaine de son abbaye. Voici ces notes fort succinctes
: - 1°
Acte passé entre honneste frère Guillaume, Abbé de Saint Jagu
et Mre. Geoffroy de la Villermaie, 10 juin 1430. - 2°
Noble Ecuyer Jean de la Goublaye, seigneur du dit lieu, vend à Saint Jagu tout ce qu'il
avoit dans la grande dîme de Saint Postan, sous
son seing et celui des Duval, le 11 septembre 1430. - 3°
Guillaume le Vannour, héritier principal de feu Talhot Gourion,
fait accord sur 10 livres de rente, qu'il devoit à Saint Jagu, dans
la ville de la Trinité en Porhoet, 2 juin 1434 (Blancs Manteaux, XLI). Nous
ignorons la date de la mort de Guillaume Le Veneur. Nous
ne savons par conséquent si c'est à lui que fut faite, le 20
août 1438 la donation de cent écus d'or, par Alain IX, vicomte de Rohan, aux fins de fonder à perpétuité un anniversaire dans
l'église abbatiale de Saint-Jacut (Dom Morice, II, col. 1319). Nous ne savons aussi quel
est l'abbé de Saint Jacut signalé par Guillotin
de Corson, dans. son Pouillé de l'Archevêché de Rennes,
tome 1er, p. 593, comme ayant mis d'accord en 1439 l'évêque
de Dol, Pierre Piédru et son chapitre] et ce, dès l'an 1417 , au mois de janvier et en
1431.
Celuy qui suit après est : E...
mais le n'ai trouvé son nom autre part que sur la moyenne
cloche en ceste façon « E. Abbas, fecit fieri istud signum,
anno M° CCCC° XLII°
» Après
lui fut Guillaume Milon [Note :
La famille Milon était, originaire de Broons, où elle possédait Launay-Milon, ainsi que la
Garenne, en Yvignac. Les armoiries, des Milon surmontées d'une crosse abbatiale,
se voient encore à Nazareth de Plancoët, sur une pierre
qui se trouvait naguère dans le pignon est de l'église, et
qui est maintenant encastrée dans le mur qui entoure le jardin,
dit de la Sainte Vierge. Du
temps de G. Milon, Mathurin Le Lionnais, religieux de Saint
Jacut devint abbé de Saint Melaine de Rennes, l'an 1446. En 1471,
le pape le nomma évêque titulaire de Chiho. Il mourut le 5
mai 1488. Ses armoiries étaient « d'argent à trois lions de sable »
(Pouillé du diocèse de Rennes, tome II, page 12)] dès 1443. Il a esté longtemps
abbé de cette abbaye et a faict faire beaucoup
de
choses. De son temps furent faicts les beaux ornemens [Note : Voici une note complémentaire sur ces ornements qui ont
disparu
à la Révolution : «
Dans les beaux ornements, on voit, sur la croix du chasuble, un my-parti de Dinan
et de Chateaubriand d'un côté et de Rohan
de l'autre, et, au bas, un écu de l'abbé Milon " d'azur à
3 têtes de chien d'argent ". Sur les deux bras de la croix sont deux
pannetières de pèlerin chargées chacune d'une coquille d'argent
et attachées à un bourdon » (Blancs Manteaux, XLI, p. 660)] de drap d'or qui sont en ce monastère, comme il
paroist par ses armes qui sont « d'azur à 3 testes de chien
courants d'argent, couppez deux et une ». Ma
croyance est que Jacques de Dinan, cinquième fils de Charles
de Dinan, baron de Chasteaubriant, et, Catherine de
Rohan, sa femme, contribuèrent à ces ornements, comme
il paroit par les armes de ce Jacques qui sont de Dinan
et de Chasteaubriant et de Catherine, qui sont de Rohan. Cet
abbé fit faire encore les cloistres d'à présent, qui sont passables,
fit voûter la nef [Note : Nous ne pouvons conclure, vu l'époque, que la
voûte de
l'abbatiale de Saint-Jacut était en style ogival, ainsi que cette croisée.
Quant, au portail, ce n'est sans doute pas celui-là qui se
trouve maintenant à l'église de Nazareth] de l'Eglise et la croisée, fit faire
le portail, par lequel on entre à présent dans l'église, fit
faire encore le logis abbatial et le grand colombier. Il [Note : En 1452, Guillaume Milon signa un accord conclu
entre
l'archevêque de Tours et l'évêque de Dol, au sujet d'un droit
de visite. Il fut réglé que l'abbé et les religieux de Saint Jacut,
paieraient à l'archevêque de Tours 10 livres pour droit de
procuration, lors de sa première visite (Voir Dom Morice, Preuves, II, col. 1612, et même auteur,
Histoire de Bretagne, II, p.
LXIII). Guillaume
Milon siégea au cinquième rang parmi les abbés bretons
aux Etats de Vannes, tenus en 1455, (Morice, Preuves, II,
167, 671), mais il n'avait pu assister aux Etats de 1451 et 1452
car il était alors malade (Morice, II, 1568 et III, col, 6)] obtint
de Nicolas V permission de porter crosse et mitre et de
faire les bénédictions solennelles, tant dans l'abbaye que dans
ses dépendances. Cet abbé étoit de la famille de Villemorel,
proche Jugon. Il fut un des députés de sa Sainteté pour
faire les informations et miracles de la vie de Saint Vincent
Ferrier, en la duché de Bretaigne, avec les évêques de Dol et
de Saint Malo ; aussi avoit-il une dévotion particulière à ce
saint et pour cet effet, il fit faire une petite chapelle au bas
de nostre église en son honneur, où il voulut estre enterré.
Comme il paroit par ses armes qui sont dans la mesme
chapelle sur une grande pierre tombale, il estoit encore
abbé en 1460. Son successeur fut : Bertran de Breont [Note :
Il faut lire Bertrand de Broons. Il fut abbé de 1461 à 1471. Il
rendit aveu au duc en 1465. Après sa mort, dit D. Taillandier, le duc
fit défense aux moines de recevoir aucun abbé sans son agréement (Histoire
de Bretagne, II, IXXXIJ)] ou Breant, dès l'an 1465. En janvier,
il l'étoit encore, ainsi qu'en novembre 1470 ; après luy fut : Etienne
Milon dès l'an 1475. C'est, le 1er que je trouve se qualifier
du nom d'abbé commendataire. Il se qualifioit aussi
du titre de protonotaire apostolique ; il mourut en 1498,
au mois d'août [Note :
Noël Mars ne mentionne pas qu'Etienne Milon, alors abbé de Saint-Jacut, prit la parole aux Etats de Redon, en 1476, pour
obtenir
la ratification du traité de Senlis (Dom Morice, III, col.
301). Le même Etienne fut aussi envoyé en ambassadeur auprès
de Maximilien, roi des Romains, par le duc François II, l'an
1486. Il fit aveu le 8 novembre 1475 (Bibliothèque Nationale, Mss L.
17092)]. Après la mort duquel l'Abbaye fut quelque
temps vacante, car le 18 septembre, j'ai vu qu'il n'y avoit
point encore d'abbé. Celuy [Note :
Après sa mort, l'abbaye de Saint-Jacut essaya de se ressaisir et d'élire un abbé de son choix, ainsi qu'en témoigne l'acte suivant
extrait du tome 41 des Blancs Manteaux : «
Capitulum et conventus monasterii St Jagu, etc. Quoniam ad nostram noticiam devenit
bonae memoriae Stephanum Milon, quondam ejusdem monasterii perpetuum
commendatorem, supremum
diem obiisse, convocant omnes monachos ad futuram electionem. Datum subsigillo
conventus, die 25 Augusti
1498 ». Nous
ignorons quelles influences empêchèrent l'élection canonique
d'avoir lieu. Toujours est-il que le 18 septembre de cette même
année, le siège abbatial était encore vacant. Ce fut Jean, archevêque
de Tarse qui l'obtint eu commende. Il rendit en 1499,
l'aveu suivant que nous trouvons au tome 41. des Blancs Manteaux : «
Jean, archevêque de Tarse, Abbé Commandataire de St Jagu de
l'Isle, donne aveu au roy, l'an 1499, où il est dit " nous appartient tout
et chacune les rentes, saisines, possessions, obéissances,
juridictions, droits debris aux endroits de ses fiefs,
poissons royaux, etc., avec pouvoir de se livrer le lundy de
chacun an, aux plaids généraux de Rennes, etc.." » (Voir Morice, Preuves,
III, 836)] qui suit après Etienne
Milon est Antoine
Cardinal [Note :
Nous venons de voir que Antoine ne succéda pas à Etienne
Milon, mais à l'archevêque de Tarse. Voici une courte notice
sur cet abbé cardinal et son successeur, extraite d'un travail
de M. Paris-Jallobert sur les Cardinaux de Bretagne : Antoine
Pallavicini, neveu du pape Alexandre VI, né en
1441, décédé en 1507. Déjà titulaire de plusieurs évêchés, essaya mais
en vain d'obtenir la commende de l'abbaye de Saint Melaine, devint
commandataire et administrateur perpétuel de Saint Jacut, de
1504 à 1507. Bernard
de Tarlat, appelé aussi Bernard de Bibienne, était évêque
de Coutances.. Il fut créé cardinal-diacre en 1513 par le pape
Léon X et obtint la commende de Saint-Jacut, de 1511 à 1516.
Il mourut à Rome en 1520] de Sainte Praxède et ce l'an 1507 ; le quel
comme je croy résigna à Bernard, Cardinal de Sainte Marie in Porticu, lequel n'en fut
paisible possesseur, car fr. Jean des
Coignets [Note :
Voici ce que D. Lobineau, dans son Histoire de Bretagne, tome 1er, p. 840, écrit
au sujet de Jean des Cognets : «
La Reine, comme duchesse de Bretagne, s'étoit plainte au pape
de ce qu'il avait nommé à l'abbaye de Jagu le cardinal de Ste-Marie-en-Porticu,
contre les droits de la province et ceux
de l'abbaye en particulier, qui avait élu frère Jean des Cognets,
lequel avait plaidé à Rome contre son compétiteur et perdu sa cause. Le pape, à la considération
de la Reine, obligea
le cardinal à se démettre de l'abbaye et la conféra à frère
Jean des Cognets, le cinquième de décembre l'an 1516 » .
(Extraits des titres de Saint-Jagu)], religieux de Saint Jagu fut esleu le 12 mars
1511,
lequel eut plusieurs procez en Cour de Rome contre ce
Bernard, cardinal ; lesquels terminez, le Pape Léon X expédia
les bulles de cet abbé l'an 1516. Ayant
pourtant esté
toujours abbé depuis 1511, il mourut l'an 1520, le 24
juin et fut enterré dans la chapelle Notre Dame de cette église, du costé de l'Evangile, comme l'on voit par ses
armes, qui sont de « sable à la croix d'argent cantonnée
d'estoiles
de même ». Il estoit de la maison de Galinès, maison
très ancienne et très noble, comme il paroit de cette escriture
que j'ai tirée de la maison de Galinès, qui est à une
lieue de ce monastère et de laquelle M. de Brehant, Conseiller au
Parlement de Rennes est possesseur. Ceste escriture
qui est en lettre gothique est telle : «
Deo optimo, maximo favente Nobilis, vir.. des Coingnets, scutifer dicti loci de Galinea,
has domos erexit, Alano secundo Britonum regnante, anno Domino LV, mense Augusto
», par laquelle
escriture
l'on voit l'antiquité de cette famille puisqu'elle
est de l'an 555. Je croy pourtant qu'il y a de l'erreur en cette
escriture. Car Alain II, Roy de Bretagne n'étoit de ce temps,
mais bien en 660 [Note :
Cette inscription est absolument fantaisiste]. Après
la mort de cet abbé, les religieux firent leur
possible d'en avoir un autre de leur monastère,
mais comme le concordat de François Ier avec Léon
X était encore récent, cela fut cause que le Pape confia
l'Abbaye à un certain Jean ; de quoy la Royne de France,
duchesse de Bretagne n'en fut contente, à cause qu'elle
avoit demandé un nommé Jean Dollo, mais elle se rétracta
et écrivit pour Georges Guémadeuc [Note :
Les auteurs des Anciens Evêchés écrivent que Guémadeuc était
encore enfant quand il fut pourvu de l'abbaye. Cependant, dans
sa lettre au saint Père, la reine Claude lui assure que «
frère Georges est très honnête religieux en qui elle a sûreté et
fiance ». D. Taillandier, au tome II de son Histoire de Bretagne,
nous apprend que Georges du Guémadeuc était prieur d'Hénansal, lorsqu'il fut nommé abbé. Il parait bien qu'il n'avait pas encore
atteint sa dix-huitième année et qu'il n'était même pas minoré. Ce fut sa
famille qui sous son nom administra l'abbaye, ainsi qu'en témoignent deux
notes du tome
XLI des Blancs Manteaux, que nous publions aux Pièces justificatives
et qui marquent qu'en 1522, Jacques Madeuc succéda à Jean de Saint Méloir comme
receveur de l'abbaye] à ce qu'il fut abbé « à cause que ladite abbaye estant finitive et frontière
de Bretagne, il estoit besoin d'une personne fidelle ». Les
religieux de Saint Jagu esleurent ce Georges de Guémadeuc dès
le 20 août 1520. Il n'eut ses lettres de Rome que l'an 1522. Il n'avoit que les mineurs, quand il fut élu
abbé ; il
reçut les ordres « extra tempora » et fust bénist Abbé par
l'évêque de Saint Brieuc, l'an 1546, conformément à la permission
qu'il avait eue du pape Paul III, l'an 1540. Cet
abbé estoit de la maison de Guémadeuc, en Saint Brieuc, en
Pléveneuf (Pléneuf). Ceux de cette maison ont faict leur possible
pour garder l'abbaye dans leur famille et firent pour cette
raison résigner l'abbaye à l'abbé suivant. Cet
abbé eust de grands procès avec les parens du Cardinal
Bibiana et ce, à cause que s'estant démis de son droict
qu'il avoit sur l'abbaye de Saint Jagu, fr. Jean des Coignets luy faisoit certaine pension, laquelle ce cardinal
donna
à ses parens qui voulurent que Georges de Guémadeuc
continua, mais ilz furent déboutez de leur demande. Cet
abbé « portoit d'azur au léopard d'argent et 5 coquilles de
même en or ». Il mourut l'an 1568, son successeur fut : Fr.
Louis de Sainct Méloir, de la maison de la Ville Loualan.
Cet abbé fut receu dans ce monastère à profession dès 1540.
Il estoit prieur claustral pitancier et aussi prieur de Kermaria-an-Dro
et enfin abbé. Il eut ses bulles de Rome en 1559 [Note : D'après cette date, il
est facile de conclure que G. du Guémadeuc s'était démis
en faveur de Louis de Saint Méloir] et ne prit possession de l'abbaye que le 7 août
1561. En 1569, il fut bénist abbé. J'ai veu plusieurs actes par lesquelz
il a donné tonsure à ses religieux. Il fut très longtemps
abbé, vendit et aliéna beaucoup de biens à l'Abbaye et
entreprint beaucoup de procès pour le revenu d'icelle. Outre
ce que j'ay dict de l'aliénation du temporel, il fut encore
aliéné de son temps 6 livres, 10 sous, 10 deniers deus
à l'abbaye par le Sieur et Dame du Guildo sur le pré du
Pontarlier ou Pontavet, que les abbez avoient donnez dez
longtemps audit sieur, pour estre prises sur la sergentise du Guildo, en la paroisse de Plouballay, le
1er Septembre. De son
temps, ceux de Guémadeuc firent recevoir un certain
Robert Harens (qui avoit esté leur chapellain) à l'habit
de cette abbaye, afin que Louis de Saint Méloir luy eut résigné l'abbaye, comme il fist dès l'an
1584. De Saint-Méloir vescut
encore jusqu'en 1592, le 9 novembre, auquel jour, il
mourut. Il fut enterré devant Notre Dame, sans pierre tomballe.
Il portoit de « gueule à 10 moulettes d'éperon
d'or, 4, 3, 2 et une », comme l'on voit de plusieurs petites choses
qu'il a fait faire en ce monastère.
Durant sa vie, Fr. Robert Harens, abbé, administroit ce monastère
par son conseil : il ne fut pas abbé plus de 8 ans après
la mort de Saint Méloir. Etant tombé malade, ceux du
Guémadeux le firent enlever et conduire à Québriac et emportèrent
avec luy la pluspart des chartes de ce monastère,
lesquelles on ne scait ce qu'elles sont devenues. Il mourut à
Québriac sans résigner l'Abbaye, ce qui fut cause qu'elle
commença d'entrer en commande comme vous allez
voir en la subsection suivante.
SUBSECTION
II - DES ABBÉS
COMMENDATAIRES DE CETTE ABBAYE
L'abbé
fr. Robert Harens estant mort l'an 1600, en juillet,
sans résigner, escuier Anthoine de Brehant, Sr. de la Roche,
obtint, de sa Majesté, au nom de son fils Louis de Brehant,
la nomination de l'abbaye ; mais pour la difficulté
de changer l'abbaye en commende, il fit économe d'icelle
Jacques de Brehant, Sr. de la Bretesche, frère du Sr.
de la Roche, lequel entra en économat le 4 Août 1600. Auquel
temps il fist un inventaire des meubles de l'abbaye, desquels
il se saisit comme aussy de tous les papiers. Pendant
le temps de quatre ans, ledict Sr. de Laroche fit expédier
l'abbaye au nom de son fils. Loys
de Brehant [Note :
L'auteur de la Généalogie des Bréhand donne à la page 60 de
cet ouvrage les renseignements ci-dessous sur ce semblant d'abbé :
« Louis de Bréhand, fils d'Antoine, fut, à l'âge de 15
ans, l'an 1600, nommé abbé de Saint-Jacut par Henri IV. Le pape Clément lui accorda les bulles le
1er mars 1603, à condition que le tiers des revenus fut consacré aux réparations de l'abbaye,
que l'abbé prendrait les ordres sacrés aussitôt qu'il serait
en âge et que l'abbaye ne serait dorénavant donnée qu'à des
religieux. Malgré cela, Louis de Bréhand resta abbé sans avoir
pris les ordres. Lorsqu'il eut résigné son bénéfice, il devint
écuyer ordinaire de la petite écurie du Roi et se maria en
1625 avec Marie Hurault de Boistaillé »] n'estant pour lors âgé de 15 ans seulement,
ses bulles luy vinrent de Rome que l'an 1603, et
en 1604, le 1er de novembre, il prit possession, puis il résigna
vers 1614 à Rd. P. en Dieu, Messire Pierre de Francheville [Note :
Guillotin de Corson, au tome IV, page 322 de son Pouillé de
l'Archidiocèse de Rennes, donne ces détails complémentaires sur
l'abbé de Francheville que nous savons avoir obtenu la commende
de l'abbaye de Saint-Jacut, grâce au crédit de son neveu,
aumônier de la Reine (Blancs Manteaux, tome XLI, folio 658)
: « Pierre de Francheville se fit pourvoir à une époque inconnue
de la cure de la Chapelle-aux-Filtz-Meens, dont ses parents
étaient les seigneurs fondateurs de l'église. Il résigna cette
charge en 1640 et mourut en 1669 au château de la Chapelle-aux-Filtz-Meens,
propriété de sa famille. Il fut enterré Rennes,
au Couvent des Minimes »], estant pour lors recteur des saints Cyriaque et
Julitte
de Combourt, et depuis chanoine et chantre de Saint Brieux. L'an 1614, il eut ses bulles de Rome, et en 1615, le
29 septembre, il prit possession de cette abbaye. Cet abbé
a appelé la Congrégation de Saint Maur pour réformer son
monastère, comme j'ay dit dans la section deuxième de
cette histoire (M.
Lemasson).