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L'ABBAYE DE SAINT-JACUT-DE-LA-MER (l'an 1500) |
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SUBSECTION XII - CE QUI S'EST PASSÉ EN CE MONASTÈRE L'AN 1500.
Arrangements concernant une maison appelée la Court de Saint-Jagu. Charles IX confirme les privilèges de l'abbaye.
Nous voilà arrivez en un siècle le plus fatal et malheureux [Note : Peu avant que l'abbaye tombât radicalement en décadence, elle recevait encore des legs pieux. En voici un reçu vers les derniers temps de l'administration d'Etienne Milon : Richard Goyon, sieur de la Mettrie, époux de noble dlle Isabeau la Choüe, héritière dudit lieu de la Mettrie, donnent 4 boisseaux de froment à l'abbé de Saint-Jagu en 1490 (Blancs Manteaux, T. 41] que nous ayons encore veu dans la suitte de cette histoire. Car lorsque le spirituel s'en est allé, puisque la religion a commencé à deschoir, c'est que le temporel a receu de notables pertes. La première que je trouve en ce siècle est un bail à ferme ou arrentement de Saint Malo, qu'on appelloit l'Abbaye de Saint Jagu ou la Court de Saint Jagu. Ceste maison étant immense (comme les religieux l'exposent à leur abbé Georges de Guémadeuc) et n'ayant de quoy la rebastir, ils la donnèrent à un bourgeois de Saint Malo pour la remettre en estat, à condition de payer six livres de rente par an, à la foire à Dinan, rendues au monastère. Ce bail fut faict l'an 1535, mais dès l'an 1538 [Note : Cette date est sujette à caution, Louis de Saint Méloir ne fut abbé qu'en 1559 et c'est en 1546 qu'il avait fait profession], Louis de Saint Méloir obtint santence à Rennes pour ravoir ceste maison sy ceux à qui elle avaient été données n'aymoient mieux payer par dessus les six livres, quattre livres monnayes ; ce qu'ils firent : car la maison paye encore à l'abbaye, de rente douze livres. Cette maison est à présent une des mieux bâties de Saint Malo. Elle est entre la rue du Puits au Brais et celle de la rue des Degrez. La rue qui est devant cette maison se nomme la Court de Saint Jagu, à raison que dans cette maison, il y avoit une cour.
L'an 1564, les religieux ayant de la difficulté d'estre payez de leurs huit mines de froment, qui se lèvent sur les moulins de Jugon [Note : Extrait du Rôle Rentier de l'abbaye de Saint-Jacut dressé en 1751 et conservé aux Archives des Côtes-du-Nord aujourd'hui Côtes-d'Armor, série H : « Il était anciennement dû à MM. les Religieux de Saint-Jacut 8 mines de froment, mesure de Jugon, sur chaque année, au jour de la Pentecôte, sur l'hypothèque des Grands Moulins de Jugon. Cette rente a été régulièrement payée par les Receveurs du Domaine de Jugon, jusqu'en l'année 1671, mais depuis, par arrêt du Conseil, cette rente en froment a été appréciée à 123 livres payables chaque année au mois de janvier, et, quelque soin que l'on sa soit donné, on n'a pu parvenir à se faire payer par grain, ni à avoir une plus grosse somme »], présentèrent requête au Roy Charles (il s'agit de Charles IX), le 18 Apvril, à ce qu'il pleut à sa Majesté de leur faire continuer leur rente. Ce qui leur fut accordé et mesme fut donné sentance à Rennes, à leur proffit, non seulement pour la rente, mais aussi pour les arrérages. Le mesme Roy confirma tous les privilèges que les Roys et Ducs de Bretagne avaient donné à ce monastère, comme l'on peut voir par la charte suivante :
« Charles, par la grâce de Dieu, Roy de France, à noz seneschaux et allouez de notre juridiction de Dinan ou à leurs Lieutenans et à tous autres nos juges et officiers qu'il appartiendra : Les Religieux, Abbé et Convent de l'Abbaye de Saint Jagu de l'Ile, en Bretagne, nous ont faict dire et remontrer que ladite Abbaye a esté fondée, dotée et augmentée par nos prédécesseurs ducs de Bretaigne, lesquels, entre autres choses, ont pour l'entretenoiment de ladicte abbaye et desdits religieux, leur ont donné pouvoir de faire la première vente des bleds, qu'ils vendent pour leurs nécessités, sans payer aucuns droits de traites foraines ou autres, dont ils ont de tous temps jouy sans contredict d'aucuns. Lesquels droits leur ont esté confirmés par Jean, duc de Bretaigne, l'an 1394 ; encor depuis par Jean, duc de Bretaigne, Comte de Richemont, les 3ème jour de septembre, l'an 1398, et encor par Philippe, roy de France, duc de Bourgogne, Palatin, Comte de Flandres et d'Artois, seigneur de Salins, l'an 1402. Davantage, lesdicts religieux, dès le XXVIIIème jour de May, l'an mil CCCC, ont obtenu dudit Jean, duc de Bretagne, comte de Montfort et de Richemont, lettres de création de deux foires par chacun an, à tenir en ladite Isle ; scavoir l'une desdites foires, le lundi prochain avant la Pentecoste, et l'autre d'icelle foire, au jour de Saint Simon et Saint Jude. Desquelles deux foires, lesdicts religieux, abbé et convent de Saint Jagu ont pareillement jouy de tout temps. Mais parce que lesdits privilèges et permissions de faire la première vente de leurs bledz croissants sur les terres de l'abbaye et revenus d'icelle, sans rien payer, et l'érection des deux foires pareillement franches sans rien payer, n'ont par nous esté confirmés ; lesdictz religieux craignant y estre troublez ou empeschez à l'advenir, nous ont faict supplier et requérir très humblement, en considération de ladite fondation faite par lesdictz ducz de Bretagne, desdicts droits et privilèges, de faire ladite première vente de leurs bleds sans rien payer et de faire tenir chacun an lesdites deux foires esdicts jours, semblablement franches et sans rien payer, et que ladite abbaye est en ladicte isle et de bien peu de revenus, les vouloir confirmer et continuer en la jouyssance desdicts droitz et sur ce leur octroier nos lettres. Pour ces causes, de l'advis de nôtre Conseil, vous mandons et ordonnons s'il vous appert desdictz droictz et concessions, et que depuis lesdicts Religieux en ayant toujours jouy sans aucun empeschement ; en ce cas permettez leur faire ladicte première vente des bledz qu'ils auront à vendre pour leurs nécessitez, sans payer aucun droict de traite foraine, ne autres. Semblablement de tenir lesdictes deux foires franches en ladicte isle, es deux jours accoustumez, et desdictes immunitez les faictes et laissez jouyr plainement et paisiblement, tout ainsy qu'ilz en ont cy-devant bien et deument jouy et usé ; contraignant et faisant contraindre à ce obéir tous ceux qu'il appartiendra par voye de justice deue et raisonnable. Nonobstant oppositions ou appellations quelsconques, sans préjudice d'icelles mandemens et deffences et lettres à ce contraires, car tel est notre plaisir. Donné à Saint Germain en Laye, le troisiesme jour d'Aoust, l'an de grâce mil cinq cens soixante dix, et de nostre règne le dixiesme, et plus bas, par le Roy en son Conseil, Camnez et scélé du grand sceau en cire jaune ».
La raison pourquoy les Religieux eurent recours au Roy Charles, c'étoit à cause que depuis l'an 1492 que la Duchié de Bretaigne avoit été unie à la France par le mariage de la Duchesse Anne avec Charles VIII, ils n'avoient point la confirmation de leurs privilèges ; et depuis les roys de France ensuitte estant seigneurs de la Bretaigne, il falloit avoir leur consentement pour jouir de ces privilèges. En quoy, l'on void aussi bien la piété et dévotion des Roys de France envers ce monastère, que celles des Ducs et Princes de Bretagne.
SUBSECTION XIII - CONTINUATION DE LA SUBSECTION PRÉCÉDENTE.
L'abbaye de Saint-Jacut est forcée d'aliéner plusieurs de ses biens. Mauvaise administration de ses abbés. Manœuvres des Guémadeuc pour se perpétuer en l'abbaye.
Environ l'an 1569, le Pape ayant permis au Roy de France de vendre pour cinquante mille. escuz de rente sur le revenu des Eglises de France, l'évêque de Dol en Bretagne fut cottizé à la somme de cinq mille quattre centz cinquante et cinq livres et l'abbé de Saint Méloir qui estoit pour lors, fut cottizé à neuf centz livres, pour auquelles subvenir, le roy de France permit d'alliener le temporel de l'Eglise. C'est pourquoi l'abbé de Saint Jagu vendit certains froments de rente qui lui appartenoient, avec quelque argent deu à la pitance et obits ; de plus fust alliené le cloistre de Briac qui valoit un tonneau de seigle et 26 sols monnaie de rente, le petit baillage de Villedé et de la Fresnaye fut aussi alliené, avec seize bouexaux en Sainct Enogat, en Loquenvel et en d'autres lieux, comme on peut voir dans les mémoires de l'aliénation du temporel de cette abbaye. Et ce qui est le plus déplorable, c'est que soubs l'ombre de cette permission, les abbez se licencièrent à aliéner plus de biens qu'ilz ne devoient ; ce qui s'en alla en friponnerie et pour enrichir le tiers et le quart.
Il semble aussi que les religieux prenoient, en ce temps exemple sur leurs abbez, car si peu qu'ilz avoient en propre, terre ou dixme, ils le donnèrent comme pour rien, puisque c'estoit seullement à la charge de payer 18 onces de poivre à la pitance, une once et deux onces, de balayer l'église, de mettre des cordes aux cloches, de faire le feu nouveau, d'apporter le buis le dimanche des Rameaux, et donner un chappeau de rozes à Notre-Dame le jour de la Saint Jean ; d'apporter le jour du sacre de la Pentecôte et de l'Ascension un faisceau de jonchées, etc.
Adjoutez encore à ces malheurs, le dessein qu'avoient ceux de Guémadeuc de se perpétuer en cette abbaye pour en disposer à leur volonté. En effect, en ce temps, ilz obligèrent un certain Robert Harens de se faire religieux à Saint Jagu, auquel ils firent résigner l'abbaye par Louis de Saint Méloir, qui étoit de leur parenté, comme je diray parlant des abbez de ce monastère (M. Lemasson).
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