Web Internet de Voyage Vacances Rencontre Patrimoine Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Bienvenue !

DOM GUERANGER

  Retour page d'accueil       Retour "Abbaye de Solesmes"  

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Boutique de Voyage Vacances Rencontre Immobilier Hôtel Commerce en Bretagne

Dom Guéranger et la Congrégation de France.

Dès le rétablissement du culte, il y eut en France un premier essai de restauration bénédictine. Un des supérieurs de la Congrégation de Saint-Vanne, Dom Lombard, ancien abbé de Senones, qui était resté en Lorraine jusqu'en mars 1793 et s'était réfugié ensuite à Einsiedeln, puis à Saint-Blaise dans la Forêt-Noire, rentra en France, réunit quelques-uns de ses anciens confrères et reprit la vie commune à Saint-Jean-du-Mont, non loin de Senones. La petite communauté se composait de huit religieux, on y pratiquait jusqu'au lever de nuit ; le supérieur était un homme distingué, pieux, savant, parlant huit langues modernes. Le rêve de Dom Lombard était de restaurer son abbaye de Senones : ce rêve ne se réalisa pas ; au premier souffle, la communauté de Saint-Jean-du-Mont se dispersa.

Solesmes : abbaye de Solesmes

Un peu plus tard, la Congrégation de Saint-Maur ne fut pas plus heureuse. En 1816, avec l'autorisation royale, quelques moines se réunirent à Senlis autour de l'ancien Grand-Prieur de Saint-Denis, Dom Verneuil ; mais le petit groupe végéta et bientôt s'éteignit faute d'hommes. On doit le reconnaître, les anciens organismes monastiques étaient usés ; les religieux qui survivaient à la Révolution avaient eu à supporter trop de fatigues et de misères ; les règles, de leur côté, avaient été, avant la tourmente, battues en brèche par trop d'abus. Il fallait un retour à l'esprit ancien et il fallait un homme nouveau. Dieu, pour le susciter, se servit de l'attrait des vieux « Saints » de Solesmes.

Un écrivain, qui a connu intimement le restaurateur de la vie bénédictine en France, M. Cartier, raconte que Prosper Guéranger enfant préférait à toutes les promenades celles qui l'amenaient de Sablé au Prieuré de Solesmes. Une fois entré « il s'extasiait devant ces arcades, ces boiseries, ces tables, ces bassins qui avaient servi aux moines. Tout lui semblait d'une grandeur merveilleuse et il ne se lassait pas de voir et de toucher. Ses impressions étaient plus vives encore lorsqu'il pouvait se glisser dans l'église déserte et contempler ce monde de statues, ces apôtres, ces anges, ces femmes, ce dragon aux sept têtes. Il questionnait alors et son imagination recueillait avec avidité tout ce qu'on lui racontait des religieux qui avaient fait faire ces statues ». Si l'on songe que vingt ans plus tard la menace d'une destruction imminente du prieuré devait exercer une influence décisive sur la vocation de l'abbé Guéranger, on ne peut s'empêcher de reconnaître que ces vieilles pierres ont vraiment joué un rôle providentiel dans la restauration de l'ordre monastique dans notre pays, et on comprend mieux l'attachement des Bénédictins français pour elles et l'espèce de culte qu'ils leur ont voué.

Abbaye de Solesmes : Dom Gueranger

Né à Sablé, le 4 avril 1805, Prosper Guéranger, dont le père appartenait à l'Université, fit ses études au collège d'Angers, puis au Grand Séminaire du Mans. Il n'était encore que sous-diacre lorsqu'il fut choisi pour secrétaire particulier par l'évêque du Mans, Mgr. de la Myre-Mory. La santé de ce prélat était si compromise qu'il dut bientôt se retirer à Paris, sur la paroisse des Missions-Etrangères. Son secrétaire l'y suivit, et lorsque l'évêque fut mort, le 8 septembre 1829, il devint prêtre administrateur, c'est-à-dire vicaire, des Missions-Etrangères dont M. Desgenettes était alors curé ; mais ce ne fut qu'une situation de transition. L'abbé Guéranger, tout jeune prêtre qu'il fût, était chanoine du Mans et très attaché à son pays d'origine ; il ne songeait qu'à y revenir. Des velléités de vie bénédictine au Mont-Cassin l'avaient poursuivi quelque temps lorsqu'il était au séminaire, mais sans l'amener à prendre aucune résolution ; depuis il était entré en relations avec Lamennais et son groupe où il avait des amis, mais jamais il ne pensa sérieusement à la Chesnaie ; en 1831 il quittait Paris pour revenir définitivement au Mans. Qu'y ferait-il? Il l'ignorait et ses préoccupations allaient surtout aux travaux commencés par lui ; il avait déjà alors publié ses Considérations sur la Liturgie catholique et son traité De l'Election et de la Nomination des Evêques ; il eût aimé une chaire d'histoire ecclésiastique au Grand Séminaire. La voie, pour lui, devait être tout autre. Un séjour à Sablé, dans une famille amie, la vue du danger que courait alors le vieux prieuré de Solesmes, la connaissance qu'il fit d'un jeune prêtre, l'abbé Fonteinne, qui devait être son premier et fidèle compagnon ; tout cela l'orienta définitivement vers la vie bénédictine.

 

L'acquéreur de Solesmes, dont l'énergie avait si heureusement sauvé les statues de l'église, s'était défait du prieuré en 1825 ; les nouveaux propriétaires, en 1831, annonçaient leur intention de le revendre et même de le démolir. Ce fut alors que l'abbé Guéranger songea pour la première fois à racheter la maison et à s'y consacrer aux observances monastiques, avec un petit groupe de prêtres qu'il espérait gagner à son idée. L'abbé Fonteinne, vicaire à Sablé, fut le premier à qui il s'en ouvrit, le premier aussi, nous venons de le dire, qui répondit à son appel. Il fallait quarante mille francs environ ; l'abbé Guéranger, qui ne les avait pas, se mit à tendre la main. Il sollicita ses amis de Sablé, les Cosnard, qui, dès le premier instant, promirent leur appui ; il sollicita Lamennais, il sollicita Gerbet, Montalembert, le marquis de Dreux-Brézé : ce dernier seul put l'aider. Cependant les mois s'écoulaient, les propriétaires du prieuré perdaient patience. En octobre 1832, la. démolition commença par la partie Est du cloître. L'abbé Guéranger recommença ses démarches ; les demoiselles Cosnard, dont la fortune était cependant modique, l'aidèrent si efficacement qu'un contrat put être passé, le 14 décembre, grâce auquel la démolition fut immédiatement arrêtée : le lendemain l'abbé Guéranger prenait possession de l'église et du prieuré. Quelques jours plus tard, l'évêque du Mans, Mgr. Carron, approuvait le projet de Constitutions rédigé pour la future communauté, mais il fallut plusieurs mois encore pour mettre la maison complètement au point, et ce ne fut que le 11 juillet 1833 qu'eut lieu l'inauguration solennelle du nouveau monastère : l'abbé Guéranger avait autour de lui, pour former sa communauté, cinq compagnons, trois ecclésiastiques et deux laïques ; un seul devait persévérer.

Solesmes : abbaye de Solesmes

L'idée que le restaurateur de l'ordre monastique se faisait de la vie bénédictine à cette période initiale de son oeuvre était certes celle d'une vie de prière et de prière liturgique, mais aussi celle d'une vie de travail intellectuel intense : ne s'agissait-il pas de ressusciter les Mauristes ? On allait mener de front la théologie, l'histoire de l'Eglise et un journal de science ecclésiastique. On créerait une imprimerie « pour reproduire ces éditions de nos ancêtres de Saint-Maur que toute l'Europe achète au poids de l'or ». Chacun serait employé à un travail spécial, toutes les branches du savoir humain seraient abordées ; le monastère deviendrait une réelle université. C'est bien là l'idée que, du dehors, on peut se faire de la vie bénédictine ; la pratique quotidienne de cette vie, la connaissance plus approfondie de l'histoire et des usages monastiques, la science des âmes surtout, devaient par la suite modifier sensiblement la conception première de Dom Guéranger. En attendant il donnait le premier l'exemple du travail : dès 1836 paraissaient les Origines de l'Eglise romaine dont il était le principal auteur, bien que l'ouvrage fût signé par tous « les membres de la communauté de Solesmes ».

Solesmes : abbaye de Solesmes

Cependant, le lien qui rattachait cette nouvelle communauté de Solesmes à l'ordre monastique et au vieux tronc bénédictin était tout de sentiment ; il manquait au prieur et à ses religieux d'avoir fait, entre les mains d'un représentant autorisé de quelqu'une des congrégations bénédictines reconnues par l'Eglise, la profession nécessaire pour établir une filiation juridique. Il était impossible, nous l'avons vu, de se rattacher de cette manière aux anciennes congrégations françaises ; on temporisa et lorsque, quatre ans après la reprise de la vie régulière au prieuré, l'expérience eut donné des résultats durables, Dom Guéranger partit pour Rome, porteur des Constitutions qu'il avait rédigées dans l'intervalle. L'accueil du Souverain Pontife et de la Curie furent favorables ; le 26 juillet 1837, l'abbé de Saint-Paul-hors-les-Murs, Dom Vincent Bini, spécialement délégué à cet effet par le Saint-Siège, recevait la profession monastique de Dom Guéranger devant l'autel de la sacristie qui seule servait alors au culte dans la basilique incendiée et non encore restaurée. Le 1er septembre les Constitutions étaient définitivement approuvées par le pape Grégoire XVI, Solesmes était élevé au rang d'abbaye chef de congrégation et Dom Guéranger promu abbé et supérieur général. Sur un point caractéristique le Saint-Siège avait modifié les propositions faites par le nouvel abbé de Solesmes : il n'avait pas permis que l'on fît revivre le titre de Congrégation de Saint-Maur ; le nom de la nouvelle Congrégation était : Congrégation de France de l'Ordre de Saint-Benoît, affiliée à la Congrégation du Mont-Cassin. Néanmoins elle était déclarée héritière des anciennes Congrégations françaises de Cluny, de Saint-Maur et des Saints-Vanne et Hydulphe. Le 31 octobre Dom Guéranger, de retour en France, prenait possession de la nouvelle abbaye et y célébrait son premier office pontifical. Le 21 novembre il recevait la profession solennelle des Pères Dom Fonteinne, Dom Segrétain, Dom Gourbeillon et Dom Osouf. La restauration bénédictine en France était désormais un fait définitivement accompli.

Le régime abbatial de Dom Guéranger a duré trente-huit ans : il n'est pas possible, dans cette courte Notice, de décrire en détail l'oeuvre accomplie par le grand abbé durant ce long espace de temps : nous devons nous borner à ce qui, dans cette oeuvre, se rapporte directement au monastère de Solesmes et au développement de la Congrégation.

Le prieuré de Solesmes n'avait été reconstruit au XVIIIème siècle que pour une dizaine de religieux. Après la restauration il fallut songer à l'établissement d'un noviciat et à l'augmentation du nombre des cellules de moines. On aménagea d'abord les greniers, puis on éleva d'un étage le logis de l'abbé commendataire qui prolongeait l'aile du monastère regardant la Sarthe ; on arriva de la sorte à abriter une soixantaine de religieux. Une hôtellerie fut bâtie : c'était la tour aujourd'hui disparue que l'on aperçoit à l'arrière-plan des anciennes vues du monastère. Mais la construction la plus importante due à Dom Guéranger fut sans contredit celle du nouveau choeur de l'église, qui commença en 1863. On transporta dans ce choeur les stalles sculptées sous Jean Bougler, mais en en changeant la disposition primitive. De cette époque date aussi la construction des petites chapelles de la nef. Un peu plus tard le monastère s'augmentait encore de la terrasse qui borde l'ancien prieuré le long de la Sarthe et de la série de cellules contenues dans le sous-sol de cette terrasse.

La Congrégation de France ne devait réellement exister que lorsqu'elle se composerait de plusieurs maisons. Au milieu de divers essais malheureux tentés, à Paris en particulier, Dom Guéranger eut la consolation de pouvoir faire deux fondations durables.

Solesmes : abbaye de Solesmes

L'illustre évêque de Poitiers, Mgr. Pie, qui fut toujours un fidèle ami de l'abbé de Solesmes, avait dans son diocèse les restes du monastère élevé sur l'emplacement même de la cellule de saint Martin. Ligugé avait attiré son attention dès le début de son épiscopat et, dans sa première lettre pastorale, il y faisait allusion : « Le diocèse, écrivait-il, qui a vu s'élever par les mains d'Hilaire la cellule de Martin et le premier monastère des Gaules, restera-t-il longtemps déshérité de ces antiques institutions dont la résurrection est venue consoler plusieurs églises voisines ? ». Le voeu de Mgr. Pie se réalisa quelques années plus tard : il put offrir à Dom Guéranger l'héritage de saint Martin, et, le 25 novembre 1853, quatre moines de Solesmes prirent possession de l'ancien prieuré de Ligugé, qui ne devait pas tarder à être érigé en abbaye.

Solesmes : abbaye de Sainte-Cécile

Marseille accueillit aussi une colonie de moines : elle s'établit le 11 juillet 1865 dans l'église et la maison qui servaient jusque-là de centre à l'oeuvre catéchistique du chanoine Coulin : ce fut le prieuré, plus tard abbaye de Sainte-Marie-Madeleine, dont les religieux ont récemment pris possession de l'abbaye d'Hautecombe en Savoie.

Dans l'intervalle, en 1863, Solesmes avait reçu pour plusieurs mois les restaurateurs de l'Ordre monastique en Allemagne, Dom Maur Wolter et son frère Dom Placide Wolter. Les deux futurs abbés de Beuron avaient tenu à se mettre successivement l'un et l'autre à l'école de Dom Guéranger, et les Constitutions et usages de leur Congrégation portent la marque profonde de son influence.

Mais c'est à Solesmes même que Dom Guéranger eut la joie de voir fleurir le rejeton choisi de sa couronne monastique. L'année qui suivit la fondation de Marseille, Mgr. Fillion posait la première pierre du monastère Sainte-Cécile. Ce fut l'oeuvre de prédilection des dernières années du grand abbé, et c'est là qu'il donna à son enseignement spirituel, pieusement et avidement recueilli, sa forme définitive, en même temps qu'il condensait dans les Déclarations écrites pour les moniales toute l'expérience de sa vie religieuse et de son gouvernement.

Encore une fois, nous ne pouvons ici ni analyser les nombreux ouvrages de Dom Guéranger, il en sera d'ailleurs question dans l'un des chapitres suivants, — ni retracer les luttes qu'il engagea et soutint pour le rétablissement de la liturgie romaine en France ou pour le maintien des privilèges monastiques, ni essayer même d'apprécier son action dans le mouvement religieux des esprits au cours du dernier siècle. Ce qu'il a fait est dans toutes les mémoires ; contentons-nous de reproduire le plus haut et le plus autorisé des éloges qui ont été faits de lui. Félicitant et remerciant le cardinal Pie de son Oraison funèbre de l'abbé de Solesmes, Pie IX s'exprimait ainsi dans le bref Decebat profecto du 29 mars 1875 : « Nous sommes heureux vénérable Frère, qu'en remplissant le devoir de l'amitié envers cette brillante gloire de l'Ordre de Saint-Benoît, Prosper Guéranger, vous ayez montré dans la personne et dans toute la vie de ce religieux un instrument providentiellement préparé à la France pour rétablir les Ordres religieux détruits et pour faire éclater à tous les yeux leur très grande utilité. Vous avez prouvé avec évidence qu'il a rempli cette double mission, soit en relevant et en propageant en France l'institut et la discipline monastique, soit en persuadant de rétablir avec l'Eglise romaine l'uniformité des rites détruite par le vice des temps, soit en défendant et en mettant dans un plus grand jour les droits et les privilèges de ce Siège apostolique, soit en réfutant toutes les erreurs et surtout ces opinions vantées comme la gloire de notre époque. Ses efforts ont eu un tel succès, que cet accord de sentiments entre les véritables catholiques, ce dévouement universel, cet amour vraiment filial par lequel la France nous est unie, doivent être à bon droit attribués en grande partie à son activité laborieuse, à sa grâce et à sa science ».

Peu d'hommes ont reçu du Saint-Siège pareils éloges. Vers 1855, on prêtait à Pie IX l'intention de créer Dom Guéranger cardinal ; ce n'était peut-être qu'un de ces bruits sans fondement comme il en circule tant à Rome. Huit ans plus tard, en 1863, le Souverain Pontife appelait un moine de Solesmes dans le Sacré-Collège : l'honneur fait à Dom Pitra récompensait un mérite scientifique de premier ordre ; il n'est pas interdit de croire que Pie IX, en le lui accordant, avait aussi en vue les services extraordinaires rendus à l'Eglise par Dom Guéranger lui-même (H. Quentin).

 © Copyright - Tous droits réservés.