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CONGREGATION DE SAINT-MAUR

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La Réforme de Saint-Maur et la Révolution.

Le siècle (1556-1664) que dura l'administration des prieurs commendataires, jusqu'à l'introduction de la réforme de Saint-Maur, fut pour Solesmes une période sans gloire et presque sans intérêt. L'abbé commendataire de la Couture, à la mort de Dom Bougler, était Nicolas Fumée : celui-ci avait succédé dans ce bénéfice à un sien oncle, Adam Fumée, qui, passé au protestantisme, avait bien dû s'en défaire. Nicolas Fumée nomma d'abord un successeur à Dom Bougler, puis il obtint pour lui-même un bref grâce auquel il put joindre le titre de prieur commendataire de Solesmes à celui d'abbé de la Couture. Les sculptures de l'église coururent sous son gouvernement un grand danger et peu s'en fallut que l'oeuvre de Jean Bougler ne lui survécût que quelques années.

Les Huguenots, qui commettaient partout des déprédations dans les édifices religieux et qui s'étaient signalés en 1562, au Mans, par la destruction d'un sépulcre de Notre-Seigneur dans la Cathédrale, voulurent, en 1567, faire subir le même sort aux « Saints de Solesmes ». Une bande de furieux rassemblés avec des armes et des bâtons devant la porte du prieuré en réclamait à grands cris l'ouverture pour pouvoir ensuite pénétrer dans l'église. Heureusement les moines aidés de quelques habitants s'étaient fortifiés, si bien que la porte résista aux efforts. Les assaillants voulurent alors la brûler et mirent le feu à des matières inflammables qu'ils avaient accumulées en hâte ; mais une sortie des défenseurs les força de prendre la fuite.

Solesmes : abbaye de Solesmes

Une trentaine d'années plus tard, le prieuré fut moins heureux. Le capitaine protestant Landebry, qui terrorisait la contrée, donna ordre d'amener à Sablé toutes les cloches des environs pour en faire des canons. Solesmes fut dépouillé comme les autres bourgs et la plus grosse cloche du monastère fut transportée à Sablé. Elle était si belle que les habitants de la ville demandèrent et obtinrent grâce pour elle ; mais ce fut pour la mettre dans leur propre clocher. De là, par la suite, entre la ville de Sablé et le prieuré de Solesmes des procès qui, d'ailleurs, n'aboutirent pas : jamais les moines ne purent rentrer en possession de leur cloche, et celui d'entre eux qui, en 1676, rédigea la notice sur le prieuré envoyé au Monasticon observe mélancoliquement : « Tout ce qui nous en reste, c'est le son. Nous l'entendons très souvent et c'est un charme pour les oreilles tant il est grave et doux à la fois ». La Révolution française devait faire disparaître cette cloche comme tant d'autres. Le prieur qui jouissait du bénéfice de Solesmes lorsque le monastère subit ce dommage s'appelait Charles Deschamps et était moine de Saint-Germer, mais n'en était pas moins commendataire. La plupart de ses successeurs furent des prélats séculiers, parmi lesquels on compte trois Italiens : Horace de Strozzi et Dominique et Thomas de Bonzi.

La commende avait fait de Solesmes un monastère non seulement sans observance, mais presque sans moines, lorsque, en novembre 1664 , la réforme de Saint-Maur y fut installée. A en croire la voix populaire il n'y aurait plus eu alors qu'un seul religieux au prieuré. L'avocat Jean Chantelou, écrivant à son oncle Dom Claude Chantelou, à Saint-Germain-des-Prés, au début de cette même année 1664 , lui confie : « Je vous dirai que tout le monde est fort scandalisé dans nos quartiers de ne voir plus faire aucun service à Solesmes, n'y ayant plus qu'un religieux. J'ai encore vu qu'on y sonnait, mais à présent on n'y sonne ni chante ».

En réalité, cependant, il y avait encore quatre religieux au prieuré, mais deux d'entre eux moururent au temps même où les deux premiers Mauristes s'établirent dans le monastère. Le prieur commendataire d'alors, Gabriel de Sourches, avait aidé lui-même au changement, mais il ne se défit pas pour cela de son bénéfice ; seulement, à partir de ce moment, il y eut un prieur claustral auprès du commendataire et la régularité refleurit dans la maison.

La Congrégation de Saint-Maur s'est rendue justement célèbre par les grandes éditions des Pères de l'Eglise et par les recherches historiques entreprises par ses membres. Mais il fallait pour aborder ce genre de travaux une communauté nombreuse ou tout au moins une bibliothèque bien fournie de livres et de manuscrits anciens. Le prieuré de Solesmes n'avait ni l'une ni l'autre et, par suite, son nom n'est associé à aucune des oeuvres de science par lesquelles les Mauristes se sont illustrés. Mais le régime de la Congrégation de Saint-Maur lui a procuré près d'un siècle et demi de vie religieuse calme et digne, malgré les quelques difficultés intérieures inévitablement créées par la commende qui, comme nous l'avons dit, ne cessa pour le prieuré qu'en 1753, grâce à la bienveillance du roi Louis XV. Glanons dans les souvenirs laissés par cette période tranquille deux traits qui pourront intéresser le lecteur.

A l'époque où, à Rome, on permettait encore de tirer des corps des Catacombes, le frère du prieur Gabriel de Sourches rapporta de la Ville éternelle les reliques des saints martyrs Boniface, Maxime, Vital et Julienne qu'il avait obtenues par l'intermédiaire du cardinal de Retz. Les corps saints déposés à Solesmes furent, en 1673, l'objet d'une translation solennelle dans des statues-reliquaires d'argent. A cette occasion eurent lieu bien des fêtes et une procession au cours de laquelle on porta aussi le reliquaire de la sainte Épine. Une jeune fille de Sablé, atteinte depuis quatre ans d'une maladie considérée comme incurable, fut guérie en cette circonstance.

Un autre fait extraordinaire vint, quelques années plus tard, récompenser la foi d'un pieux maçon et sauver l'église du prieuré d'un grave péril. La foudre avait mis le feu à la charpente du clocher et les flammes, gagnant rapidement du terrain, menaçaient la toiture de l'église, en dépit des efforts des sauveteurs. Tout à coup l'un d'eux, le maçon Pierre Guerrier, se met à crier qu'on lui monte de l'eau bénite. Un prêtre bénit de l'eau ; on la monte à Guerrier qui, plein de foi, en asperge les flammes ; celles-ci baissèrent aussitôt et l'incendie fut rapidement éteint. Le fait, qui fit grande impression, est soigneusement noté dans la notice destinée au Monasticon gallicanum, à laquelle nous avons déjà fait plusieurs emprunts.

Vers 1722, Dom Gatien Maultrot étant prieur claustral, on put avec l'aide de Jean-Baptiste Colbert, marquis de Tracy, qui faisait alors construire l'actuel château de Sablé, commencer la reconstruction du monastère. C'est de cette époque que datent les deux ailes aujourd'hui conservées de l'ancien prieuré. Le style en est celui de toutes les maisons bâties par les Mauristes, classique et très français avec ses façades régulières et ses larges frontons. Une de ses ailes regarde au sud-ouest vers Sablé, l'autre domine la Sarthe : les lieux réguliers et le cloître, au rez-de-chaussée, sont voûtés ; l'étage, surmonté d'un grenier, est occupé par neuf cellules ni trop petites, ni trop spacieuses et dont quelques-unes sont encore revêtues de leurs boiseries. Evidemment les religieux qui édifiaient ces maisons commodes et bien assises comptaient sur l'avenir, et celui qui leur aurait prédit la ruine imminente les eût étonnés et laissés incrédules. Cependant les mauvais jours approchaient.

Solesmes : abbaye de Solesmes

Le premier signe avant-coureur du désastre fut le vent de nouveautés qui dans la seconde moitié du siècle secoua les esprits jusque dans les communautés religieuses. Le 16 juin 1765 la presque unanimité des religieux de Saint-Germain-des-Prés présentait à Louis XV une requête portant sur l'habit monastique, l'abstinence, le lever de nuit, et dont les voeux étaient subversifs de la discipline religieusement observée jusque-là. Ce fut dans la Congrégation, un scandale qui se traduisit par des protestations auxquelles s'associèrent quatre religieux de Solesmes dont les noms nous ont été conservés : le prieur Dom Guillon, Dom Papion, Dom Malherbe et Dom Estin.

Le 13 février 1790, l'Assemblée constituante (Dom Estin, devenu dans l'intervalle prieur de Marmoutier, en faisait partie) décrétait que la loi ne reconnaîtrait plus à l'avenir les voeux solennels de religion et supprimait les ordres dans lesquels ces voeux étaient en usage. C'était l'arrêt de mort pour les Bénédictins. A Solesmes les moines purent se maintenir quelques mois encore, mais au début de 1791 il fallut bien se séparer. Le dernier prieur, Dom de Sageon, était l'année suivante dans les prisons du Mans pour avoir refusé le serment à la Constitution civile du clergé ; il mourut près de cette ville, en 1799, assisté par un de ses confrères. Dom Pelu. Le sous-prieur Dom Papion, qui subit lui aussi la prison, devait mourir en 1810, aumônier de l'Hôtel-Dieu de Sablé ; d'une manière générale, tous les religieux du Prieuré finirent honorablement, comme les deux supérieurs. Le monastère fut mis à l'encan et trouva acquéreur le 4 avril 1791. Les fermes, l'Aubrée, la Tournerie, Pampoil , la Morlière, le Boulay, l'If, la Poulie, la Bodinière, la Martinière. la Mausonnière, les Mortiers, la Maudinière, toutes situées sur la paroisse de Solesmes, furent vendues elles aussi. Auparavant le district de Sablé s'était emparé des quatre cloches dont trois furent fondues et la quatrième placée dans le clocher de l'église paroissiale de Solesmes ; on saisit aussi l'argenterie, les livres de choeur sur parchemin, les ornements sacrés, la suspense en argent qui surmontait le maître-autel et servait de tabernacle et les reliquaires du trésor. Les reliques des saints Boniface, Maxime, Vital et Julienne disparurent alors, mais la sainte Épine fut heureusement sauvée. Trois hommes de foi, Julien Lecomte, adjoint au maire de Solesmes, Philippe Chauveau, marchand, et Jacques Jolly, cultivateur, s'étaient, en effet, introduits dans la sacristie du prieuré, avaient enlevé le reliquaire et l'avaient remis à un prêtre insermenté, l'abbé Pochard qui se cachait dans le bourg. Mais le reliquaire était trop connu ; le district de Sablé le réclama avec menaces et on se résigna à le lui remettre, sans la relique, cependant, que l'abbé Pochard en avait extraite et qu'il garda par devers lui jusqu'en 1801, époque où il la remit au curé de Solesmes, l'abbé Lefebvre, qui recommença aussitôt à l'exposer à la vénération des fidèles de la paroisse.

Solesmes : abbaye de Solesmes

La Providence avait permis que l'acquéreur du monastère fût un homme d'idées modérées qui non seulement ne songea à rien détruire., mais veilla soigneusement sur la conservation des bâtiments et de l'église. Ainsi les « Saints » passèrent la période la plus troublée de la Révolution sans avoir à souffrir, enfermés qu'ils étaient dans une propriété privée. Le danger vint pour eux lorsque la paix fut revenue et le culte rétabli en France. Seuls de rares privilégiés pouvaient pénétrer dans l'église de l'ancien prieuré pour admirer les sculptures. Il vint à l'idée du préfet de la Sarthe, Auvray, que les statues seraient plus abordables et mieux à leur place dans la Cathédrale du Mans. L'évêque, Mgr. Michel-Joseph de Pidoll, approuvait. Le 6 brumaire an XII (29 octobre 1803) parut un décret préfectoral ordonnant que « les statues existantes dans l'ancienne église des ci-devant religieux bénédictins de Solesmes en seraient retirées et transportées au Mans ». Naturellement, le propriétaire, M. Lenoir de Chantelou, résista. La lutte dura plusieurs années et fut signalée par des violences c'est ainsi que, le 24 novembre 1807, le bibliothécaire du Mans, Renouard, chargé par le préfet de transférer les « Saints » au Mans, s'introduisit dans l'église en en brisant les portes, après les sommations légales, et procéda à un « sondage » des statues pour se rendre compte de leur degré de solidité. On ne le croirait pas si les traces du vandalisme manifesté dans cette circonstance n'existaient encore : l'opération consista à scier des têtes par le milieu ; sur celle de Jean Bougler le trait de scie va de la lèvre supérieure à la nuque, en passant par le lobe de l'oreille !

Le préfecture prétendait que le Prieuré avait été vendu, exception faite des statues qui décoraient l'église. L'acquéreur se défendait en exhibant l'acte de vente, lequel en effet exprimait des réserves ; mais ces réserves portaient, pour l'église, uniquement sur le buffet de la sacristie, la suspense en argent et les cloches. Ceci n'empêcha pas le conseil de préfecture de la Sarthe de décider, le 30 août 1811 , que les statues de pierre qui se trouvaient dans l'église du prieuré de Solesmes ne faisaient pas partie de l'adjudication du 4 avril 1791.

M. Lenoir de Chantelou, tenace, en appela à l'empereur lui-même et ce fut heureux. Dans les considérants du décret qu'il signa au quartier général de Wilna, Napoléon déclare « qu'il résulte des expressions du procès-verbal d'adjudication que les statues font partie nécessaire de l'acquisition » faite par le requérant. Les arrêtés du préfet et du conseil de préfecture furent donc rapportés, et c'est ainsi que Solesmes dut à l'empereur de pouvoir conserver les chefs-d'oeuvre accumulés dans l'église par Guillaume Cheminart et Jean Bougler. Les moines ne manquèrent pas de noter, par la suite, que le décret impérial est daté du 11 juillet 1812 ; ce jour est en effet celui de la Saint-Benoît d'été. Après la terrible tempête dans laquelle les Congrégations de Saint-Maur et de Saint-Vanne avaient sombré, cette date est la première éclaircie : Dieu avait encore des desseins sur l'ordre monastique en France et le sang des vingt-huit bénédictins morts victimes de la persécution révolutionnaire n'aurait pas été versé en vain (H. Quentin).

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