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LA VIE INTIME DE L'ABBAYE DE SOLESMES

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La vie intime de l'Abbaye.

Nous avons, au cours de l'un des précédents articles, jeté un coup d'oeil sur la vie des moines de Solesmes au XVIème siècle : le lecteur aimera sans doute à connaître aussi quelque chose des usages actuels de l'abbaye.

Le lever de nuit n'est plus en usage aujourd'hui : les moines se lèvent à 4 heures seulement pour la récitation ou le chant de l'office nocturne auquel se joint la première des heures canoniales du jour, appelée Laudes. Ces offices durent jusque vers 6 heures du matin. Les prêtres disent alors les messes privées auxquelles assistent les autres religieux, novices, clercs et frères convers. A 7 heures 1/4, on revient au choeur pour la récitation de l'heure de Prime, suivie du Chapitre où, à certains jours, l'abbé reçoit l'accusation des fautes commises contre la règle et impose les pénitences convenables. A 9 heures, nouvelle station à l'église, pour l'heure de Tierce, la Messe conventuelle chantée et Sexte.

A midi, repas en commun : le silence n'est jamais rompu au réfectoire et les religieux y prennent les deux plats qui leur sont servis en écoutant la lecture que fait l'un d'entre eux. En dehors de l'Avent et du Carême la viande est permise trois ou quatre jours par semaine, suivant les périodes de l'année ; mais les malades et les infirmes en reçoivent plus souvent, si cela est nécessaire. Rien n'est prescrit pour la boisson, sinon qu'elle ne doit jamais être abondante. Si le vin manque, les moines se contentent de ce que le climat, la position du monastère ou ses moyens permettent de donner.

Le repas est suivi d'une heure de récréation prise en commun dans les lieux réguliers du monastère. Une fois seulement par semaine, les religieux font, par petits groupes, une promenade de quelques heures au dehors. A 4 heures, Vêpres chantées solennellement, comme la Messe. A 6 heures 1/2, conférence spirituelle de l'abbé, suivie du souper, d'une nouvelle récréation et de l'office de Complies. Lorsque les moines terminent leur journée par le chant de l'antienne à Notre-Dame et reçoivent l'aspersion de l'eau bénite, il est 8 heures 1/2 et une demi-heure plus tard tous doivent être de retour dans leurs cellules et couchés, à moins que le supérieur n'ait permis à quelqu'un de veiller pour accomplir encore quelque travail.

Abbaye de Solesmes

L'habit n'a guère changé depuis le XVIème siècle. Des vêtement de dessous en étoffe commune, des bas noirs, des souliers sans recherche, une tunique de drap noir, une ceinture de cuir, un scapulaire et une coulle d'étoffe noire ; c'est là tout le vestiaire du moine, que la règle l'autorise à avoir en double : une pièce déjà usée et une autre plus neuve qui permette de changer dans les cas de nécessité et de paraître décemment au dehors lorsqu'une occasion de sortir se présente. Le silence est gardé dans toute la maison en dehors des heures de récréation ; néanmoins il peut être rompu pour un motif raisonnable. Nul ne communique avec les personnes du dehors sans la permission du supérieur. Tous enfin, quelle que soit la charge qu'ils exercent dans la communauté, et si différentes qu'aient pu être leurs conditions avant d'entrer au monastère, sont soumis à la même loi touchant l'usage des objets matériels ; ils reçoivent du supérieur tout ce qui leur est nécessaire, meubles, vêtements, livres ou instruments de travail et ils restituent fidèlement ce dont ils n'ont plus besoin. Leur pauvreté n'est pas le dénuement, c'est l'absence complète de propriété.

Il n'y a rien dans ces observances qui soit particulièrement austère ni au-dessus des forces communes. Au fond, l'ascèse principale du moine bénédictin consiste dans la soumission de tous les instants à son abbé : il est cénobite et, à la différence des anciens anachorètes qui menaient selon leurs propres inspirations la lutte contre leurs inclinations mauvaises, il s'en est remis à un supérieur du soin de le débarrasser de tout ce qui entraverait sa recherche de la perfection. L'obéissance est donc le principal instrument de son progrès. Mais il est aussi contemplatif, et c'est là ce qui le distingue profondément de la plupart des autres religieux.

Que cherche en effet celui qui se présente au monastère pour y demeurer ?. Avant tout le calme, la solitude, la faculté de vaquer sans trouble aux choses de Dieu, la paix extérieure en un mot, puis la paix intérieure, l'apaisement des passions, l'union complète de la volonté avec celle de Dieu. Pour se livrer à cette recherche, le moine a tout abandonné : parents, amis, fortune, commodités de l'existence ; il a renoncé au monde, non pas d'une manière transitoire, pour se préparer à y rentrer plus fort et plus vaillant, mais complètement et définitivement. La vie bénédictine, telle qu'on l'entend à Solesmes, est la suite logique de ces abandons : celui qui l'embrasse renonce une fois pour toutes à l'action personnelle sur le dehors. Les circonstances et la volonté des supérieurs pourront peut-être l'y ramener, mais ce ne sera que par exception : l'action normale pour le cénobite est celle du monastère, non celle de l'individu ; le travail régulier est celui qui s'exécute dans le cloître, non celui qui a pour champ le monde. Cette conception a de tout temps choqué les esprits uniquement portés à l'action extérieure, mais c'était celle de nos anciens et personne ne niera les grands services qu'ils ont rendus à l'Eglise et au monde. Nous ne nous troublons donc pas de certaines critiques. « Le moine, a écrit notre Dom Mabillon, reçoit souvent des invites à abandonner la fin primitive de son institut. Certaines lui viennent de l'exemple des Ordres actifs, d'autres se cachent sous les reproches des gens du monde qui le traitent d'inutile. Il n'est rien dont il doive se méfier davantage ». Le conseil est d'autant plus autorisé qu'il vient d'un religieux qui, à des vertus éminentes, joignait la science la plus profonde des traditions et de l'histoire monastiques.

L'office divin forme la trame de la vie contemplative ; c'est autour de lui, on l'a vu, que s'organise chacune des journées du moine. Nous lui donnons une place qui est de beaucoup la première et nous le considérons comme le plus pressant et le plus haut de nos devoirs. Il n'y a pas, en effet, de fonction sociale plus élevée que celle qui consiste à rendre au Créateur et souverain Maître de toutes choses l'hommage public et officiel qui lui est dû. Nous cherchons donc à nous en acquitter de manière aussi digne que nos forces le permettent, et nous savons qu'en nous unissant ainsi par la prière liturgique à la vie intime de l'Eglise universelle, nous travaillons efficacement à la prospérité de la société chrétienne. Plus encore, nous sommes convaincus que l'apostolat ainsi exercé, tout caché qu'il soit, n'en est ni moins réel, ni moins fécond en fruits de salut pour l'humanité tout entière.

En dehors des heures consacrées à la prière et aux exercices communs, chacun vaque aux travaux qui lui sont assignés par le supérieur. Ceux qui conviennent le mieux à notre genre de vie sont ceux que l'on peut interrompre fréquemment sans dommage, c'est-à-dire la plupart des travaux manuels et les recherches d'érudition. Ces dernières, en particulier, ont été en grand honneur chez les stricts contemplatifs qu'étaient les Mauristes. Ils surent organiser leurs forces et les diriger vers les travaux littéraires qui pouvaient se poursuivre dans le monastère et s'alliaient le mieux avec la célébration régulière de l'office du choeur ; ils réussirent ainsi à produire des oeuvres qui ont fait leur gloire et dont l'Eglise a retiré des avantages considérables.

Ainsi s'est créée une tradition de science qui, pour le grand public, est passée au premier plan de l'idée qu'il se fait du bénédictin. Il va sans dire que cette conception du moine savant avant tout, si honorable qu'elle soit, n'est pas la nôtre. « Nous devons, dit Dom Guéranger, déclarer à ceux que le défaut de réflexion porterait à confondre un monastère de bénédictins avec une académie en permanence, au sein de laquelle chacun ne vit et ne respire que pour apprendre et écrire sans cesse, que telle n'est point la réalité de la vie claustrale ». Et le Rme Dom Delatte : « Le jour où nous ferions, sur l'autel des études, le sacrifice de la conventualité et de la solennité de l'office, de la régularité et de la stabilité monastique, nous aurions perdu tout caractère et jusqu'à notre titre à exister ». Nous mettons donc au-dessus de tout, comme nous venons de le dire, la célébration canonique de l'office divin dont nous entendons bien maintenir la solennité et la splendeur au milieu de l'universelle décadence. Néanmoins le travail intellectuel occupe toujours dans la Congrégation bénédictine de France une place de choix et le monastère de Solesmes s'honore d'avoir produit depuis sa restauration par Dom Guéranger un grand nombre d'oeuvres de valeur dont plusieurs ont eu une réelle influence sur le développement de la pensée et de la vie catholique à notre époque.

Ces travaux ont tous pour objet des matières de science ecclésiastique ; la Bible, la théologie, le droit canonique, la mystique ont fourni leur contingent d'ouvrages, mais ce sont surtout les branches de l'érudition proprement dite, la liturgie, l'archéologie chrétienne, la musique sacrée, la patristique, l'histoire religieuse et monastique qui ont été et restent le plus cultivées ; ce sont, comme nous l'avons vu, celles dont l'étude s'accommode le mieux de notre genre de vie, celles aussi pour lesquelles nous sommes le plus riches en instruments de travail.

L'Année liturgique de Dom Guéranger, achevée par Dom Fromage, est dans toutes les mains : c'est un livre dont l'action reste durable pour faire comprendre et goûter la liturgie romaine dont les Institutions liturgiques ont procuré le rétablissement général en France. Depuis sa publication, les travaux de caractère strictement scientifique mis au jour par Dom Cagin, le Te Deum, le Sacramentaire gélasien d'Angoulême, l'Avant-propos à l'édition de l'Antiphonaire Ambrosien, l'Eucharistie, l'Anaphore apostolique et ses témoins ont continué à faire de Solesmes un centre actif d'études liturgiques.

Mais c'est surtout dans leurs mélodies que les livres liturgiques ont été l'objet des travaux solesmiens. Là encore l'impulsion de Dom Guéranger est à l'origine, et l'illustre abbé a eu sur ce terrain la bonne fortune de susciter toute une école. Les Mélodies grégoriennes de Dom Pothier, publiées en 1881 et suivies à un an d'intervalle par le Congrès d'Arezzo, ont ouvert la voie à la réforme de la musique sacrée. Dès 1883 le Liber gradualis répandait dans le public les mélodies traditionnelles, puis c'étaient, en 1888, le Processionale monasticum, en 1888 encore les Variœ preces, en 1891 le Liber antiphonarius, et une infinité de travaux et de publications de moindre étendue qui, au milieu de contradictions inévitables, menaient la réforme du chant d'église vers le triomphe définitif. Le Rme Dom Pothier, qui vient de mourir abbé de Saint-Wandrille, avait quitté l'abbaye de Saint-Pierre en 1893 ; il y laissa des disciples qui devaient continuer son oeuvre en en accentuant le caractère scientifique. La Paléographie musicale de Dom Mocquereau est un monument qui n'a pas d'égal dans le champ qu'elle embrasse. Sa publication et les travaux entrepris en vue des éditions officielles de l'Eglise ont donné naissance à la précieuse collection de documents dont nous avons parlé plus haut et à un groupement de travailleurs dont plusieurs ont publié des travaux bien connus des musicologues et des musiciens. A une époque un peu plus ancienne Dom Jausions avait été avec Dom Pothier un des premiers pionniers de ces études. Dom Schmitt avait donné, en 1885, une Méthode pratique de chant grégorien très appréciée ; enfin, les Noëls anciens de Dom Legeay avaient tiré de l'oubli et remis à la mode toute une littérature et une musique naïves et gracieuses.

Le Mémoire sur la question de l'Immaculée Conception de la très sainte Vierge et le livre De la monarchie pontificale de Dom Guéranger sont des oeuvres théologiques dont la portée doctrinale a été maintes fois reconnue, et les deux traités De Deo uno et De Deo trino du Rme Dom Delatte font regretter que l'auteur n'ait pas trouvé jusqu'ici le loisir d'achever la publication de sa dogmatique.

C'est à Solesmes, dans les derniers temps de son séjour, que Dom Pitra a composé son recueil fondamental pour le droit ecclésiastique oriental : Juris ecclesiastici Grœcorum historia et documenta. Le savant cardinal eût vivement désiré voir ses confrères entreprendre une nouvelle édition des conciles : l'idée en a été reprise depuis dans un volume sur J.-D. Mansi et les grandes collections conciliaires, mais les circonstances n'ont pas encore permis de lui donner suite.

On connaît la part capitale prise par Dom Pitra dans la préparation et l'édition des Patrologies latine et grecque de Migne. C'est lui qui dressa la liste des auteurs à admettre, choisit les éditions à reproduire, rédigea un certain nombre de préfaces et, avec l'aide de plusieurs de ses confrères, surveilla une partie de l'impression. Le service rendu à la science ecclésiastique par cette entreprise n'est plus assez apprécié aujourd'hui : sans la Patrologie les progrès réalisés depuis lors dans le champ de la patristique et de l'histoire des doctrines et des institutions eussent été à peu près impossibles. Des autres oeuvres de Dom Pitra signalons seulement le Spicilegium Solesmense et ses nombreuses publications de textes antenicéens : les autres publications du cardinal sont postérieures à son départ de Solesmes. Depuis lors, le Rme Dom Cabrol avec ses études sur saint Irénée, Tertullien et les Pères apostoliques, Dom Parisot avec son édition du texte syriaque des homélies de saint Aphraate, Dom Wilmart avec ses recherches sur l'auteur des Tractatus Origenis, ont maintenu dans l'abbaye la tradition des études patristiques.

Les mystiques ont été eux aussi l'objet d'éditions et d'études spéciales. Dom Guéranger a écrit de nombreux articles sur Marie d'Agréda et la Cité mystique, et il a traduit les Exercices de sainte Gertrude. Dom Paquelin et Dom Pothier ont publié ensemble les textes originaux des Revelationes Gertrudianœ et Mechtildianœ, dont la traduction est due elle aussi à Dom Paquelin. Dom Le Bannier a mis en français archaïsé les Méditations sur la Vie de Notre-Seigneur Jésus-Christ attribuées à saint Bonaventure. Dom Bouvet et Dom Noetinger ont traduit ensemble la Scala Perfectionis de Walter Hilton. L'étude des mystiques anglais se poursuit actuellement à Solesmes ainsi que des recherches sur saint Jean de la Croix, la Vénérable Marie de l'Incarnation et d'autres écrivains ascétiques ou mystiques.

La vie des saints et des personnages recommandables par leur piété et leur vertu a de tout temps attiré l'étude des religieux. Quelques textes anciens ont été publiés pour la première fois à Solesmes et on y a poursuivi, durant de longues années, des recherches sur les Martyrologes historiques du moyen âge, dont il est permis d'espérer qu'il sortira un texte du Martyrologe romain, réformé selon les principes d'une saine critique. On y a donné une nouvelle édition du très rare Sanctuarium de Mombritius dans laquelle la part principale revient à Dom Brunet ; on y a aussi publié en collaboration un recueil d'Actes des Martyrs traduits sur les originaux et dont l'introduction est de Dom Guéranger ; enfin, la publication de Mgr Guérin, décorée bien mal à propos du nom de « Petits Bollandistes », y a reçu trois volumes de suppléments dus à Dom Piolin. Mais ce sont surtout les monographies qui ont tenté la plume des moines. Qu'il suffise de rappeler la Sainte Cécile de Dom Guéranger, le Saint Léger de Donc Pitra, le Saint Josaphat de Dom Guépin, le Saint Julien de Dom Piolin, le Saint Hugues de Dom L'Huillier, le Saint Turibe de Dom Bérengier et la Sainte Scolastique de Dom Heurtebize, publiée en collaboration avec M. Robert Triger. Citons enfin les biographies de Dom Guéranger par le Rme Dom Delatte, du Cardinal Pitra par le Rme Dom Cabrol, du Père Libermann par Dom Pitra, de l'abbé Caron par Dom Jausions, de la Soeur Marie de Saint-Gabriel par le même, de Madame de Cossé-Brissac et de la Soeur Marie de Saint-Pierre par Dom Paquelin, de Louise de Bourbon par Dom Rabory.

Plusieurs de ces monographies appartiendraient aussi bien à la rubrique de l'histoire ecclésiastique et monastique et c'est ici que les travaux abondent et qu'il est impossible de tout citer. Dom Guéranger a ouvert la voie par ses Origines de l'Eglise romaine suivies de son remarquable Essai historique sur l'abbaye de Solesmes. Dom Piolin s'est consacré entièrement aux études historiques et son oeuvre est considérable ; citons seulement sa grande Histoire de l'Eglise du Mans, sa réédition de la Gallia Christiana, ses notices sur Marguerin de la Bigne et sur Dom Claude Chantelou, ses Recherches sur les mystères qui ont été représentés dans le Maine et sur le Théâtre chrétien dans le Maine au cours du moyen âge. Il faut y ajouter ses publications sur la période révolutionnaire, ses innombrables articles, communications à la Société archéologique du Maine, courriers bibliographiques et comptes-rendus. Dom Rigault a publié le Cartulaire des abbayes de Saint-Pierre de la Couture et de Saint-Pierre de Solesmes. Le Rme Dom Renaudin, avant son départ pour Saint-Maur de Glanfeuil, avait donné des études sur les Coptes jacobites et l'Eglise romaine. Le Rme Dom Guilloreau, abbé de Hautecombe, s'était consacré durant les longues années passées par lui à Solesmes à l'histoire monastique de l'Anjou et du Maine sur laquelle il a fait de nombreuses publications relatives aux chapitres généraux, aux obituaires, aux cartulaires. Lorsque la communauté se fut transportée à Appuldurcombe, puis à Quarr, Dom Guilloreau écrivit une courte histoire de cette dernière abbaye. Il publia aussi une édition des Mémoires de Dom Bernard Audebert. Dom Heurtebize, qui a écrit des centaines d'articles biographiques pour les dictionnaires de la Bible de Vigouroux et de Théologie catholique de Vacant a donné aussi, outre une réédition du Tableau de l'histoire du monachisme de Dom Bérengier de nombreuses études sur l'histoire religieuse du Maine. Dom Noël, longtemps bibliothécaire de l'abbaye, a beaucoup écrit sur l'histoire religieuse et civile de son pays d'origine, le diocèse de Reims et le département des Ardennes. Dom Denis s'était spécialement consacré à l'histoire de la Congrégation de Saint-Maur sur laquelle il a publié de nombreux articles. Dom Démaret s'est attaché à vulgariser nombre de thèses théologiques et liturgiques en les rattachant à l'histoire. Mais nous ne pouvons entrer ici dans le détail sur ces articles et sur beaucoup d'autres dus à l'activité des moines de Solesmes. Le lecteur en trouvera l'indication dans les bibliographies de Dom Cabrol et de Dom Biron sur les ouvrages des Bénédictins de la Congrégation de France.

Achevons ce tableau de l'activité littéraire de Saint-Pierre en rappelant que plusieurs de ses moines prennent à Rome une part active à la Revision de la Vulgate confiée par le pape Pie X à l'Ordre bénédictin et qui se poursuit au monastère de Saint-Callixte au Transtévère. Solesmes se retrouve là dans sa double tradition de labeur scientifique et de dévouement au Saint-Siège.

Nous n'avons rien dit jusqu'ici d'un aspect important de la vie intime de l'abbaye qui consiste dans la formation des novices et des jeunes religieux. Le noviciat est dirigé par un Père maître, assisté d'un autre religieux prêtre et qui porte le titre de zélateur. Tous deux font chaque jour aux postulants et novices des conférences où ils leur enseignent les principes de la vie religieuse et bénédictine, la liturgie, l'histoire monastique. On étudie au noviciat la Règle, les Constitutions de la Congrégation, le Psautier, le Bréviaire, le Missel, tout ce qui, en un mot, doit former le moine. Après leur profession les jeunes religieux sont mis aux études régulières qui durent plusieurs années. On leur enseigne la Philosophie, la Théologie dogmatique et morale, le Droit canonique, les sciences bibliques, l'histoire ecclésiastique, qui forment la matière des examens prescrits par l'Eglise pour l'admission aux ordres sacrés. Mais il est un autre enseignement plus élevé encore auquel les religieux prennent part toute leur vie : c'est celui que leur dispense l'abbé dans ses conférences presque quotidiennes. Là les sujets les plus divers sont abordés, qui tous concourent à la formation intérieure du moine. Dom Guéranger excellait dans cette fonction essentielle de sa charge : sa parole était vive, son érudition profonde, ses points de vue originaux, ses convictions ardentes et sa piété pleine de la substance des saintes Ecritures. Nous possédons heureusement un souvenir inestimable de son action oratoire. Le maître Gaillard, venu à Solesmes pour faire le portrait de l'abbé, obtint des moines de pouvoir assister à une de ses conférences, caché derrière l'une des tentures des fenêtres du Chapitre ; c'est là qu'il exécuta le merveilleux dessin au crayon dont il se servit pour graver le portrait de Dom Guéranger, l'un de ses chefs-d'oeuvre. On s'explique mieux, lorsque l'on connaît ce détail, la flamme extraordinaire que l'artiste a mise dans les yeux clairs de l'abbé de Solesmes. Après Dom Guéranger et Dom Couturier, le Rme Dom Delatte a réussi dans la tâche difficile de retenir durant plus de trente ans l'attention de son auditoire monastique. On ne s'en étonnera pas si l'on sait que le Commentaire sur la Règle de saint Benoît, les deux volumes des Evangiles de Notre-Seigneur Jésus-Christ fils de Dieu et les Epîtres de saint Paul replacées dans le milieu historique des Actes des Apôtres ne sont autre chose que d'importants fragments de cet enseignement.

Il faut encore, pour être complet, dire un mot des arts et du travail manuel. Musiciens, peintres, sculpteurs ont de tout temps obtenu des supérieurs la permission de cultiver leur art. Au grand orgue et à l'orgue du choeur les maîtres qu'ont été autrefois Dom Legeay et Dom Delpech sont remplacés aujourd'hui par de jeunes religieux qui certainement suivront leurs traces. Il y a aussi à Solesmes et à Quarr un petit groupe de jeunes peintres et dessinateurs qui cherchent leur voie dans les routes de l'art nouveau. Ils ont composé pour la confection des ornements sacrés des modèles de réelle valeur. Mais la branche maîtresse de l'art solesmien c'est sans conteste l'architecture. Nous en avons assez longuement parlé par ailleurs pour ne pas nous y arrêter de nouveau ici. Répétons seulement que l'abbaye nouvelle de Solesmes, Quarr et Oosterhout sont des oeuvres non seulement de grand style, mais uniques en leur genre, et qu'elles font le plus grand honneur à leurs auteurs Dom Mellet et Dom Paul Bellot.

Plus humbles, certes, sont les travaux de nos Frères convers, mais, sans eux, que deviendrait la vie de la Communauté ?. Les Frères font la cuisine, exercent les métiers les plus divers, exécutent les travaux du jardin et des champs, maintiennent, en un mot, le bon ordre matériel de toute la maison. Ils réalisent à la lettre l'idéal du moine qui selon saint Benoît lui-même est vraiment moine lorsqu'il vit du travail de ses mains. Les seuls travaux qu'ils ne fassent pas sont ceux qui prendraient la forme du service personnel des religieux de choeur. Ceux-ci, en effet, doivent toujours se servir eux-mêmes ; ils font leurs cellules, cirent leurs chaussures et assurent en tout temps le service du réfectoire. Les novices de leur côté consacrent chaque jour une heure au travail des mains et se forment ainsi à la discipline monastique complète ; mais ils en sont dispensés comme les autres religieux de choeur dès qu'ils sont mis aux études après leur profession. Le travail manuel devient alors facultatif, mais tous les religieux obtiennent facilement du supérieur la permission de s'y livrer pendant une ou deux heures par jour, s'ils y sont portés, et on les y applique même d'office s'il y a quelque motif raisonnable de le faire.

Telle est la vie intime de l'abbaye. Trois mots peuvent la résumer : prière, travail, obéissance, et il en est un quatrième où s'exprime déjà le fruit et la récompense des trois autres : Pax, la paix que tant d'hommes cherchent en vain et qui fait partie de ce centuple promis dès la vie présente à ceux qui ont tout abandonné pour suivre Jésus-Christ (H. Quentin, 1924).

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