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ABBAYE DE NOTRE-DAME DE LA CHAUME |
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Abbaye Notre-Dame de la Chaume - Machecoul
Cette abbaye (Abbatia de Calma) est fondée en 1055, lorsque Harscoët, fils de Gestin, premier sire de Rais, fait don à Pérennès, abbé de Redon et à ses moines, pour y fonder un monastère "de deux églises construites près de la ville de Sainte-Croix de Machecoul en l'honneur de Sainte-Marie et de Saint-Jean, le tiers de la Chaume, le quart d'un arpent de vigne, d'une borderie et d'un moulin. Le tout sans aucune réserve, en aumône pour la rédemption de ses père et mère, et pour Ulgarde son épouse et ses enfants". Cette abbaye restera longtemps sous le patronage de l'abbaye Saint-Sauveur de Redon, avant de vivre dans la mouvance des barons de Rais, sires de Machecoul. Tout près, se dressait la forteresse des seigneurs de Rais ou Rays (dit aussi originairement Sainte-Croix). Glemarhoc est le premier abbé de ce monastère qu'on trouve dans les titres : il souscrit à une donation faite à l'abbaye de Redon en 1100 par Fredor de Frossai (ou Frossay). Philippe souscrit l'acte de la dot accordée en 1112 par Bernard, seigneur de Machecoul, à sa fille qui se fait religieuse dans l'abbaye de Roncerai (ou Ronceray). Haimon est indiqué comme abbé de La Chaume dans la permission que le même Bernard, seigneur de Machecoul, accorde aux religieux de Saint-Martin de bâtir au bourg et d'y tenir une foire. Gautier assiste comme témoin à une donation faite en 1126 à l'abbaye de Redon par Olivier de Ponchâteau, et l'année suivante à la réconciliation de l'église de Redon faite par Hildebert, archevêque de Tours. Il vit encore en 1134. On trouve ensuite l'abbé Philippe (en 1184), Louis (en 1292, il meurt en 1294), Nicolas (tuteur des enfants d'Olivier Le Roux en 1322 et il vit encore en 1324), Michel de Tréal (en 1328 et en 1336), Pierre de Touyac (vers 1346), Jean Taillefer (de 1351 à 1574), Thomas Ruffier (en 1386 et en 1387), Jean Larcher (de 1391 à 1402), André Larcher, André de Lorme (en 1415), Guillaume (en 1418), Denis (en 1421), Jean (en 1428 et en 1456), Jean Groilar (en 1438 et en 1441), Nicolas de Tréal (en 1446), Jean-Louis Le Roux (en 1448), Jacques Rousseau (en 1453), Alain Loret (en 1456), Guillaume Jehanno, secrétaire du roi (en 1456), Jean de Saint-Gildas (en 1458), Fr. Raoul Geslin (vers 1502), Fr. Jean V du Plesseix (en 1506), Jean VI Coutelier (en 1507), Louis de Saiges ou Sayès ou d'Aigles (en 1513), Fr. Antoine Geoffroi ou Geoffroy (en 1516), Fr. Jacques de La Porte (en 1522 et en 1543), Olivier de Montauban, premier abbé commendataire (en 1560), Louis de Montauban (en 1561), Henri de Rastelli ou du Rateau (en 1579), Claude Etienne Nouvellet (en 1594), Pierre de Gondy, cardinal de Retz (de 1596 à 1606), Olivier de Montauban II (en 1613), Jean François de Gondy, doyen de Notre-Dame de Paris (de 1616 à 1651), Jean François Paul de Gondy, cardinal de Retz, archevêque de Paris (en 1662), Guy de Lopriac (vers 1671), Christophe Louis Turpin Crissé de Sanzay (en 1725), N. de Poly de Saint-Thiebault, vicaire général de Nantes (du 17 avril 1746 à 1778), N. Ducluzel (de 1778 à 1782), Jacques Julien Meslé de Grandclos (en 1782). En 1767-1768, par décision du chapitre général de la Congrégation de Saint-Maur, la conventualité en ce monastère est supprimée et les derniers moines trouvent refuge à la prévôté de Vertou;
L'ABBAYE DE NOTRE-DAME DE LA
CHAUME PRÈS MACHECOUL.
1055-1792.
I - AVANT-PROPOS.
Avant 1789, le diocèse de Nantes comptait neuf abbayes d'hommes, dont six reconnaissaient Notre-Dame pour patronne. La première en date était l'antique abbaye de Vertou, devenue dans la suite des âges la prévôté de ce nom, dont il reste à peine quelques traces dans l'enceinte du presbytère de ce chef-lieu de canton [Note : Mentionnons aussi l'abbaye d'Aindre (Basse-Indre), fondée par saint Hermeland vers 695, et détruite pendant les invasions normandes] ;
2° Celle de Saint-Gildas-des-Bois, fondée en 1026. Les bâtiments plusieurs fois vendus, passèrent en 1828 entre les mains des religieuses de l'instruction chrétienne, dites Dames de Saint-Gildas. L'abbatiale bien conservée, sert d'église paroissiale ;
3° Notre-Dame de la Chaume, 1055 ;
4° Notre-Dame de Buzay, fondée en 1135, par le duc Conan. Celle-ci, la plus riche incontestablement des abbayes du diocèse, a légué aux archives départementales un fonds des plus précieux. Son magnifique autel, de la fin du XVIIIème siècle, est le plus bel ornement de l'église de Paimbœuf ; sa haute tour, dominant encore, de sa masse noircie et percée à jour, les fertiles prairies qui l'environnent, sert de point de repère aux navigateurs de la Loire ;
5° Notre-Dame de la Meilleraye, fondée en 1145 ; restaurée et occupée depuis 1817 par les trappistes ;
6° La Madeleine de Geneston, fondée en 1148, par Bernard, évêque de Nantes, et dont nous avons publié le nécrologe et les chartes d'après la Collection des Blancs-Manteaux [Note : Bulletin de la Société archéologique de Nantes, t. XII, 1873, pp. 141-158].
7° Notre-Dame de Blanche-Couronne, fondée vers 1160, et dont les archives, moins abondantes que celles de Buzay, existent cependant presque complètes dans le dépôt de la préfecture de la Loire inférieure. En 1767, elle fut réunie au prieuré de Saint-Jacques de Pirmil ;
8° Notre-Dame de Villeneuve, fondée en 1201, aujourd'hui propriété particulière. Les Blancs-Manteaux renferment un certain nombre de chartes qui la concernent. Les voûtes de sa chapelle recouvraient le magnifique tombeau émaillé de la duchesse Constance et de sa fille, la duchesse Alix, femme de Pierre de Dreux, et les dalles funéraires de son pavé représentaient les images des sires et des dames de Machecoul, des seigneurs et des châtelaines du Chaffault, recueillies avec soin dans la collection Gaignières ;
9° Sainte-Marie de Pornic, fondée au commencement du XIIIème siècle.
De ces neuf abbayes, celle de la Chaume fut la plus pauvre et la plus obscure. Son nom survit à peine à la perte complète des actes qui témoignaient de son existence et de l'authenticité de ses possessions. Que pouvaient fournir d'intéressant, à l'archéologue ou au paléographe, les annales de ce petit monastère, que ne signalent aucun événement remarquable, dont on ne connaît que l'acte de fondation, et dont la notoriété dépasse à peine les étroites limites de la ville de Machecoul près de laquelle il était situé. La poésie n'eut point à chanter les beautés de son sanctuaire, l'éclat de ses vitraux, la splendeur de ses arceaux romans, la richesse ou la puissance de ses bienfaiteurs. Son cloître, ses bâtiments claustraux, affectaient la plus modeste simplicité. En interrogeant les anciens de la contrée, nous n'avons pu recueillir que l'attestation du peu d'importance attaché à la silencieuse retraite, pour ainsi dire inaperçue et oubliée dans notre histoire.
Quels motifs ont donc déterminé ce choix, et fait naître le désir de ne pas s'arrêter aux difficultés qui semblaient tout d'abord en détourner l'attention ?
Enfant, j'ai joué et couru dans ces ruines, et la dénomination d'Abbaye exerçait parfois ma jeune imagination. Presque chaque année, j'allais passer quelques jours à Machecoul, chez une sœur de mon père, aimable tante, douce, prévenante, attentionnée pour ses neveux qu'elle gâtait en les appelant mes petits-fils. Elle m'avait fait cadeau d'une ou deux pièces de Louis XIV, de Louis XV, de Louis XVI, de la Méthode du blason du Père Menestrier, et de l'Histoire de Bretagne, par E. Gaschignard, maître ès-arts de l'Université de Nantes, et principal du collège de Machecoul. Je lisais ces deux volumes, de préférence aux ennuyeux classiques grecs et latins, éprouvant une bien plus grande sympathie pour Alain Barbe-Torte, Nominoë, Jean IV, la reine Anne, que pour Achille, Thémistocle, Romulus, Cincinnatus, Lucrèce et Cornélie.
Dessiner les créneaux inclinés du vieux donjon des sires de Rays, escalader les salles ruinées pour en copier les clefs de voûte ornées de l'écu des Chauvigny, monter sur la butte de Sainte-Croix, aller rêver à la Chaume, tel était souvent l'emploi des matinées de vacances. Or, par une belle journée de septembre 1841, je me trouvai sur l'emplacement de la Chaume. Des moellons épars, des restes de substructions affleurant à peine le sol, indiquaient encore à peu près les lignes principales des contours de l'enceinte déjà effacée du vieux monastère. Une réflexion me suggéra l'idée de les relever. Je dessinais comme on dessinait alors au collège, estompant assez bien une bosse, ou une académie, mais n'ayant pas le moindre principe du dessin linéaire, ou du levé des plans. Depuis, l'enseignement a changé, ce n'est pas un mal.
Le lendemain je retournai, muni d'un crayon et de plusieurs feuilles de papier-écolier. Tant bien que mal, à la troisième ou quatrième reprise, un mauvais tracé fut esquissé, puis le soir passé à l'encre sur la table boiteuse de ma chambre. En 1878, ouvrant fortuitement un cahier de mon cours d'Histoire de France de 1842, la feuille jaunie de 1841 me tomba sous la main. Tout informe que soit ce tracé, auquel dans mon inexpérience je n'avais pas même songé à donner une échelle de proportions, je le revis avec plaisir. C'est, en effet, comme le premier jalon, le point de départ de mes recherches sur le pays de Rays et Machecoul, aux archives de Nantes, d'Angers, de Rennes, à la Bibliothèque nationale et au précieux dépôt de la rue de Rambuteau.
La trouvaille de ce chiffon m'inspira la pensée de l'utiliser, en y joignant quelques données historiques. Cependant j'eus recours aux cartes de l'administration du cadastre, et bien que j'y trouvai la preuve que pour un débutant je n'avais pas commis de trop grosses erreurs, je préfère à tous égards reproduire le plan administratif, plus régulier et surtout revêtu d'un caractère officiel. (Voir P. II).
L'abbé Travers, dans son Histoire des évêques de Nantes, parle deux ou trois fois de la Chaume ; dans les six volumes manuscrits de son Histoire des Conciles de la province de Tours, il donne des titres relatifs aux abbayes de Pornic, Saint-Gildas, Villeneuve, etc..., et pour la Chaume ne cite qu'une lettre empruntée au trésor des ducs de Bretagne (Arch. départ. de la Loire-Inférieure). A part l'acte de fondation, le Cartulaire de Redon et les Preuves des Histoires de Bretagne ne fournissent aucune indication.
M. A. de la Borderie a bien voulu me communiquer un historique de l'abbaye de la Chaume, tiré du fonds de Saint-Germain, Monasticon Benedictinum, VII, C, manuscrit de la Bibliothèque nationale. C'est la pièce la plus importante que je connaisse sur ce sujet et elle est publiée presque entièrement, sauf en ce qui regarde les origines de l'abbaye assez peu étudiées dans ce document. Mes notes, mes recherches ont fait le reste.
II - LES FONDATEURS, SIRES DE SAINTE-CROIX, BARONS DE RAYS.
Au milieu du XIème siècle, le sire de Sainte-Croix, seigneur de Rays, « Senior provincie Radesiarum », possédait toute la partie sud-ouest du comté nantais d'outre-Loire, le climat ou doyenné de Rays, l'ancien Pagus Ratiatensis. La tradition rattache cette puissante dynastie féodale à Lambert II, comte de Nantes (843-846, contemporain de Charles-le-Chauve), qui, disent nos chroniqueurs, inféoda certaines parties du territoire nantais à ses trois neveux : les Mauges à Ramaire, Tiffauges à Girard, Herbauges à Hunfroy [Note : Lambertus.... Comitatum Nanneticum invadens militibus suis distribuit, scilient Gunferio, nepoti suo regionem Herbadillam, Rainerio Metallium, Girardo Theofalgiam, quae omnia jure hereditario concessit. Chronicon Nannetense, D. Morice, Pr. I, col. 138].
« De cestuy-cy, par succession de temps et représentation de personnes, sont issus les autres barons de Raiz, comme il est à croire, lesquels s'appelèrent anciennement de Sainte-Croix, à cause d'un ancien château, maintenant ruiné, duquel pour toutes marques et vestiges, il ne reste qu'une motte près l'église parochialle de Sainte-Croix » [Note : Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, par Fr. Aug. Du Paz. Hist. gen des seigneurs barons de Raiz, p. 203. Ce nom de Sainte-Croix, supplanté bientôt par celui de Machecoul, ainsi que le blason : d'or à la croix de sable, qui s'y rattache, proviennent sans doute de quelque relique insigne rapportée dans les pieux pèlerinages qui précédèrent les croisades. La piété des premiers suzerains en appliqua le vocable à l'oppidum dans lequel ils faisaient leur demeure].
C'est sur cette tradition que s'appuyait, sans nul doute, la prétention des sires de Rays, à être considérés comme les doyens des neuf barons de Bretagne. Cette prétention n'a jamais été, bien définie, ni reconnue même par les grandes familles du comté nantais. Ainsi, pour l'entrée de l'évêque de Nantes, le baron de Rays vient après celui de Pontchâteau ; et dans les vers que cite dom Morice, il est placé après le baron d'Avaugour, qui jouit en paix du titre de doyen, ceux de Vitré et de Fougères, puis est encore primé par le seigneur de Châteaubriant :
..............................
Lilia
hinc aurea cum colore rubea ;
Postea Crux nigrata, aureo compilata ;
Aquila
nigra volans, in aureo terminans ;
Castrum super Ligeris, qui nuncupatur
Ancenis
[Note : D. Taillandier, t. II, supp. aux Preuves, col, CLXX].
Dom Lobineau, Histoire généalogique des barons de Bretagne, manuscrit déposé à la Bibliothèque de Rennes, indique comme seigneur de Rays le vicomte Gestin, qui signe en qualité de premier témoin laïc, immédiatement au-dessous des évêques, la fondation du prieuré de Batz faite par le duc Alain-Barbetorie, en 952 [Note : D. Morice, Pr. I, col. 345]. L'abbé Travers [Note : Histoire des Conciles de la province de Tours], rapportant aussi ce même acte, met en note : Jestinus vicecomes Radesiarum.
La manière de voir des deux auteurs bretons, qui semble reposer sur la similitude du prénom et l'analogie frappante de la position des personnages, est parfaitement acceptable. En effet, la généalogie de la première dynastie des sires de Rays démontre l'usage persistant de donner au petit-fils le nom de l'aïeul, ainsi que le prouve la table suivante :
[Note : Ce tableau généalogique est le résumé de l'excellent travail inédit de M. A. de la Borderie, sur la première maison de Rays. Il constate d'une façon péremptoire l'usage du prénom de Gestin pendant deux siècles].
Remarquons encore qu'au moment où les actes commencent à devenir plus communs, c'est-à-dire au milieu du XIème siècle, nous retrouvons les sires de Sainte-Croix signant immédiatement après les grands dignitaires ecclésiastiques, comme le vicomte Gestin en 952, par conséquent dans une situation politique et civile absolument identique.
Ainsi, les deux
premières signatures, apposées au bas de la charte de don du monastère de
Saint-Cyr de Nantes à l'abbaye du Ronceray d'Angers, par le comte Mathias,
comprise entre les années 1038-1041, sont : signum + Rodaldi, vicecomitis ;
signum + Arscuti [Note : D. Morice, Pr. I, col. 382. —
Cartularium Monasterii Beatœ Mariœ Caritatis Andegavensis, par M. P.
Marchegay, s. l. n. d. In-8°, p. 258]. L'accord passé vers la même date, entre le comte Budic et
l'abbé de Redon Catuallon, nous présente aussitôt après le seing de l'abbé, celui
de : Harscoid de santa Cruce. Parmi les seigneurs qui accompagnèrent le duc
Conan dans le voyage qu'il fit, vers 1058, à la cour de Thibaud de Champagne,
son oncle, figure un Ascol (Harscoid), filio Rodaldi vicecomitis Namnetis
[Note : D. Morice, Pr. I, col. 409. — Bien entendu cet Harscoid de Donges n'est
pas le même qu'Harscoid de Sainte-Croix, mais ce n'est pas la seule fois que des
noms identiques se retrouvent chez les membres de ces deux familles].
.Or ce Rouaud, vicomte de Nantes, est incontestablement le vicomte de Donges. De
grandes affinités de parentés, de possessions et d'alliances unissaient les
vicomtes de Donges aux sires de Rays. Seraient-ils de la même race ?...
Formeraient-ils deux branches de la même famille ?... Ne pourrions-nous pas
voir dans cette grande maison, d'origine essentiellement nantaise, les
sentinelles avancées, gardiennes de l'ordre et des intérêts du pays, par
opposition aux nombreux chefs des hordes normandes échelonnés sur les bords de
la Loire, au Pèlerin, au Migron, à la Garnache et ailleurs. Les vicomtes de
Donges, placés en faction sur la rive droite, les sires de Sainte-Croix ou de
Rays en dedans de la rive gauche. Ce n'est
pas un simple jeu du hasard que
ce rapprochement, qui nous montre Alain-Barbetorte relevant le sanctuaire de
Sainte-Marie de Nantes, en action de grâces de sa victoire sur les barbares du
Nord, et un siècle après les petits-fils de son compagnon, le vicomte Gestin,
érigeant en monastère l'église de Sainte-Marie, située en vue de leur demeure
féodale, ante oppidum Sancte Crucis, cum cimiterio sibi diviso, avec un cimetière
particulier, preuve de son existence antérieure ; et, presque en même temps, le
vicomte de Donges instituant, près de son castel, le prieuré de Notre-Dame.
Quoi qu'il en soit de cette déduction basée sur l'étude sérieuse et approfondie des chartes du milieu du XIème siècle, possible, probable si l'on veut, mais non démontrée, revenons à la Chaume.
III - LA FONDATION.
L'acte de fondation de la Chaume, ou mieux de Sainte-Marie de Machecoul, est bien connu. Il a été publié dans les Preuves des histoires de Bretagne de D. Lobineau et de D. Morice, puis dans le Cartulairé de Redon. Il est donc inutile de le reproduire ici. La qualification de nobilissimus vir, qui suit le nom d'Harscoid, désigne un personnage des plus considérables de l'époque. Ce donateur y paraît avec son épouse Ulgarde, ses quatre fils Gestin, Urvoid, Hilaire, Aldroen, offrant son aumône pour le salut de l'âme de son père et de sa mère, la santé de ses fils, de ses filles qui ne sont pas nommées, et la stabilité de son honneur. Les deux chapelles de Sainte-Marie et Saint-Jean, avec leur cimetière spécial, une borderie, le tiers de la Chaume, tertia parte Chamariae, le quart d'un arpent de vignes, un pré, un moulin, telles sont les choses que le sire de Sainte-Croix abandonne sans aucune réverve. C'est un don pur et simple, une pieuse largesse, un acte de chrétien accompli, sans la moindre mention de violences à effacer, de crime à expier, de fautes à réparer, comme on le remarque parfois dans les actes analogues. La date est celle-ci : Acta est hœc donatio, feria quinta, in eodem loco Sancte Marie, pridie nonas Julii, luna VIIIa, anno ab incarnatione Domini nullesimo quinquagesimo quinto ; ce qui revient au jeudi 6 juillet 1055 [Note : Cartul. de Redon, p. 264. — D. Lobineau, Pr., col. 172. — D. Morice, Pr. t. I, col. 406].
Le Père Du Pas [Note : Histoire généalogique de plusieurs maisons illustres de Bretagne, Hist. gén. des seigneurs barons de Raiz, pp. 204-207] a publié, lui aussi, d'après le Cartulaire de Redon, duquel, dit-il, il « a pris copie audit an 1595, » une charte de fondation, bien plus longue que la précédente, différente au point de vue de la rédaction et des détails, et qu'il est inutile de chercher aujourd'hui dans le Cartulaire édité avec tant de soin par M. A. de Courson. Les frères de Sainte-Marthe reproduisent également ce même acte comme celui de la fondation de la Chaume, mais M. de Brequigny le regarde avec raison comme suspect.
La date est la même : Patatra denique sunt hec, feria quinta, in basilica Beate Marie nomini dicata, pridie nonas Julii, lunâ octava, anno ab incarnatiane Domini, milesimo quinquagesimo quinto, Monarchiam Regni Francorum Philippo gubernante, Presulatum vero Nanneticoe sedis Quiriaco providentia regente, et tam donum quam conventionem sigillo proprie authoritatis roborante. Les témoins sont aussi les mêmes.
Les mots de la fin et tam donum quam conventionem, semblent nous permettre de penser qu'il y eut, le 6 juin 1055, deux actes au sujet de la Chaume. Le premier, donum, l'acte par conséquent essentiel de la fondation ; le second, conventionem, la convention, la sanction ecclésiastique donnée par le chef du diocèse. On y retrouve, en effet, l'influence de l'évêque qui détermine le choix du pieux baron en faveur de l'abbaye de Redon, qui sanctionne le don des deux oratoires (Sainte-Marie de la Chaume et Saint-Jean), soumet le nouvel établissement à Saint-Sauveur. Il ordonne que si plus tard la Chaume est digne d'avoir un abbé, celui ci soit béni par l'abbé de Redon, et obligé de visiter l'église de Redon deux fois chaque année, le jour de la fête de saint Marcellin, pape et martyr, et le jour de la translation de ses reliques en y montant en chaire, célébrant la messe et traitant splendidement ses frères à table [Note : … Ut si locus ille divitiis et possessionibus adeo creverit, ut pastor ibi proefici debeat, ex capitulo Rotonensi, electione abbatis et conventus assumatur, et ut obediens illi monasterio, tanquam proprius ipsorum monachus semper existat.... Singulis etiam annis ex jure visitare Rotonensem ecclesiam secundo volumus, in natilicio scilicet beàti Marcellini Papœ et martyris, sedet translationis ejusdem cum sacra corporis ejus plaga occidentalis suscipere meruit, ut his tantum diebus, singulari privilegio, verbo doctrinœ insistat, Missas celebret, mensas etiam fratrum splendide procurare studeat… — Cet acte se trouve en abrégé au Cartulaire de Bedon, § Monasterii benefactores prœcipui, p. 445. Le choix de ces deux solennités paraît tout naturel, lorsqu'on sait que les reliques du saint Pape martyr avaient été données à saint Conwoyon, premier abbé de Redon, par le Pape Léon IV, 847-855. Dès lors, c'était en effet un privilège, qu'exercèrent longtemps les abbés de la Chaume, ainsi que le dit le R. P. Jousseaume dans son mémoire].
Toutefois, l'indication du règne de Philippe Ier , roi de France, soulève une grande difficulté, que dom Mabillon signala plus tard sans la résoudre. La date de cette charte, dit-il, n'est pas 1055, comme on l'a éditée, car Philippe n'était pas encore roi. Elle doit être reportée à 1066, année dans laquelle la cinquième férie tombe au second jour des nones de juillet, coïncidence qui n'arriva que cette fois dans l'espace de temps écoulé entre le décès du père de Philippe, et celui de l'évêque Quiriac en 1075 [Note : Quœ notœ chronicœ non ad annum MLV, ut id editis, quo Philippus necdum rex erat, sed ad annum MLXVI, referendœ sunt, quo anno feria ; quinta in secundum nonas Julii incidebat. Quod a morte Henricis regis Philippi patris, usque ad annum MLXVI, quo decessit Quiriacus episcopus, non nisi semel, scilicet predicto anno MLXVI contigit. — Annales Ordinis Sancti Benedicti, t. IV, pp. 676, 677].
La rectification proposée n'est pas heureuse, car l'abbé de Redon Pérennes, présent à la rédaction de l'acte, étant mort au plus tard en 1061, exclut d'une façon absolue la date de 1066. Le savant bénédictin, préoccupé seulement de l'irrégularité de la date, a proposé l'année 1066, parce que c'est la première du règne de Philippe Ier dans laquelle le 6 juillet tombait un jeudi ; tandis qu'il ne lui est pas venu à l'idée que la mention du roi de France devait être le fait d'une interpolation commise à une époque de beaucoup postérieure au XIème siècle.
En résumé, la fondation d'Harscoid de Rays, telle qu'elle se trouve au Cartulaire de Redon, présente tous les caractères d'une authenticité incontestable ; la confirmation ou la sanction de Quiriac peut, à la rigueur, n'être pas fausse, mais les amplifications ajoutées au texte et la date fautive justifient pleinement l'opinion de M. de Brequigny. Ce document peut fort bien avoir été remanié au XVème siècle dans l'intérêt des ducs de Bretagne, ou au XVIème pour appuyer les protections du parlement et du roi de France à la nomination des abbés, contre les droits imprescriptibles des barons de Rays.
IV - L'ABBAYE.
L'abbaye de Notre-Dame de la Chaume [Note : Culma, la Chaume, les Chaumes, dénomination qui s'appliquait autrefois aux champs dépouillés de la moisson, qui gardaient seulement la partie inférieure de la tige des épis, et dans lesquels les bestiaux allaient alors pacager. — Calmense vel Calmariense monasterium sic dictum a Calmaria vico Nanneticoe dioecesis. Biblioth. nationale, MM. latin 12664] s'élevait dans la plaine qui s'étend au Nord-Ouest de l'ancien faubourg de Sainte-Croix, aux rivages de l'Océan, voisins de l'Isle de Bouin. Lorsque les seigneurs abandonnèrent leur résidence primitive de Sainte-Croix pour l'imposant château de Machecoul, la petite ville, chef-lieu de leur vaste et riche baronnie, se trouva en quelque sorte encadrée à l'Est par la demeure féodale, et à un kilomètre à l'Ouest, par le monastère.
La construction des bâtiments, dit Ogée [Note : Dictionnaire hist. et géog. de la Bretagne, art. Machecoul], eut lieu en 1063. L'aspect des ruines, que nous avons pu reproduire d'après un dessin très imparfait donné à la Société archéologique par M. le docteur Leray, ne parait pas infirmer cette date [Note : Voir la planche 1]. Le Musée de l'Oratoire possède un fragment de crédence romane, seul débris de la Chaume, dont l'élégante sculpture dénote qu'un soin tout particulier avait été apporté dans l'ornementation des diverses parties des bâtiments [Note : Catalogue du Musée archéol. de Nantes, n°. Ce fragment, recueilli sur l'emplacement même de la Chaume, a été donné par M.l'abbé Rousteau].
Une pièce importante est celle de la donation de Renaud de Mortestier, souscrite entre 1081 et 1083, alors que Justin II, sire de Rays, succédait à son père Justino Radesii dominatum jure paterno obtinente [Note : … Monachos Sanctis Salvatoris, qui erant in aecclesia Sanctae Mariae de Culmo, ad se venire fecit, et se monachum fieri postulavit ... — Cartulaire de l'abbaye de Redon, p. 245. L'Ile de Candelaman, plus tard nommée Bremefen, et dans laquelle se rendit immédiatement le moine Robert, devint un prieuré, que nous verrons en 1450 échangé contre le titre d'abbé de la Chaume.].
Ce Renaud avait mené une vie assez irrégulière. Sentant la mort approcher, il se convertit, pria les moines de venir vers lui, de le recevoir parmi eux, et du consentement de son seigneur Justin, confirma la cession de l'île Candelaman précédemment faite par ses ancêtres. Il y ajouta tout ce qu'il possédait dans la paroisse de Saint-Même, à titre d'héritage paternel [Note : Telle est l'origine du Prieuré, situé sur la rive droite du Tenu, un peu plus haut que le bourg de Saint-Même]. Trois jours après avoir reçu l'habit monastique il mourut, et fut inhumé dans le cimetière de Sainte-Marie. Justin de Rays et plusieurs autres témoins signèrent cet acte. Parmi ceux-ci, remarquons : Justin, chargé de l'obédience de Sainte-Marie, c'est-à-dire prieur ; Glemmaroc, qui bientôt allait ouvrir la série abbatiale ; les moines, Payen, Etienne, Robert, Hato, Jarnogon, de Tréal, dont deux arrières-neveux devaient être abbés, et Coessin. En tout neuf religieux, nombre rarement dépassé, et qui viendrait, jusqu'à un certain point, infirmer l'assertion de divers auteurs qui avancent que l'abbaye n'avait été fondée que pour quatre religieux. Ce dernier chiffre, il est vrai, resta souvent au-dessous du complet, surtout à partir du XVIème siècle. Mais personne n'ignore que parfois les revenus des abbayes furent détournés de leur destination, par les seigneurs et par les abbés eux-mêmes.
Justin est donc le plus ancien prieur connu de la Chaume. De 1092 à 1104, le siège abbatial de Redon fut occupé par un religieux du nom de Justin, vraisemblablement le même personnage. Cette conjecture semble d'autant plus admissible, que c'est cet abbé qui, réalisant le vœu d'Harscoid de Sainte-Croix, érigea en abbaye régulière le simple prieuré qu'il avait vu établir, puis construire et prospérer par ses soins.
Cette érection doit être placée en 1099, ou tout au plus tard vers les prèmiers mois de 1100. Toutefois elle ne se fit pas sans difficultés. Lors du Concile, tenu à Poitiers en 1106, les moines de Tournus adressèrent au légat du pape une protestation contre l'abbé de Redon qui, malgré leur vive opposition et leurs instantes réclamations, leur avait enlevé les églises de Machecoul, près la Chaume, pour y établir un abbé [Note : ..... Iidem quoque fratres (Tornucenses) proclamaverunt ad nos, super abbatem Rodonensem (Justinum) qui ecclesias de Calma apud castrum Machicol eis aufert, in quibus, eis calumniantibus et contradicentibus abbatem constituit... — Recueil des historiens des Gaules et de la France, t. XIV, 1806, p. 810. — Nouvelle histoire de l'Abbaye royale et collégiale de Saint-Filibert et de la ville de Touraus, etc... Dijon, 1733, preuves, p. 138]. Il est impossible de connaître les raisons sur lesquelles s'appuyaient ces religieux, qui avaient bien tardé pour discuter une fondation remontant à quarante-cinq ans au moins. Dans tous les cas, le nouvel abbé fut maintenu dans sa dignité et tous ses droits.
Par la grandeur de ses œuvres et la régularité de ses religieux, qui suivaient d'une façon exemplaire les préceptes et la règle cénobitiques tracés par saint Benoît, la Chaume, jusqu'au commencement du XIVème siècle, brilla d'un éclat presque aussi beau que celui qui entourait sa maison-mère, la grande abbaye de Redon. C'est ce que nous apprend une trop courte citation des lettres données, vers 1310, par le pape Clément V, en faveur de notre abbaye, lettres aujourd'hui perdues et dont le texte eût été si utile pour son histoire [Note : ....... Rotonensis itaque monasterii cella, non minus sanctitate quam rerum copia nobilis evasit Calmaria, quam Rotonenses ascetae, Benedictam edocti regulam ; eremeticum sectantes vivendi genus ad annum fere 1310 incoluerunt, id docent Clementis V, pontificis litterae.... Monasticon Benedict., latin 12664, p. 4, Biblioth. nationale, mm].
Pendant le XVème siècle, ces belles traditions étaient toujours en honneur à la Chaume, dont l'existence calme et paisible se révelait de temps à autre, à la cour de Bretagne, lors de la nomination des abbés. Les ducs, en effet, voyaient avec peine le beau privilège dont jouissaient les barons, et cherchèrent peu à peu à les en dépouiller, en leur adressant des lettres de recommandation pour un candidat de leur choix, ordre déguisé sous une apparente de prière, auquel les seigneurs de Rays ne pouvaient se soustraire.
Une assez longue lacune, dans la liste des abbés, signale la fin de ce siècle. En 1460, le plus ancien aveu connu de la baronnie, rendu par René de Rays au jeune duc François II, ne fait aucune mention du monastère et de la haute prérogative qui y était attachée [Note : Arch. départ. de la Loire-Infèrieure, série E. Aveux de Retz].
Aux Etats, ou parlement général, solennellement ouverts à Vannes le 14 juin 1462, assista l'abbé de la Chaume [Note : L'Histoire de Bretaigne, par d'Argentré. Paris, 1604, fol. 673, v°. — C'est la seule mention de la Chaume qui se trouve dans le vieil historien breton. Au folio 57, en énumérant les neuf abbayes du diocèse de Nantes, il ne nomme pas notre monastère].
Le 9 mars 1483, l'abbé de la Chaume, qui n'est pas nommé, assista conjointement avec l'abbé de Villeneuve, à la bénédiction de frère Jehan Goheau, célébrée par Pierre de Chaffault, évêque de Nantes [Note : Travers, Hist. des évêques de Nantes, t. II, p. 183].
Dans les premières années du XVIème siècle, le long et orageux procès qui surgit entre les divers héritiers d'André de Chauvigny, mort en 1502, au sujet de la baronnie de Rays, eut de fâcheuses conséquences pour l'abbaye, à laquelle les prétendants nommaient chacun leur créature. Elle retrouva un peu de repos sous la paternelle administration de Jacques de la Porte, que remplaça le premier abbé commendataire, Olivier de Montauban, nommé par le roi de France, auquel allaient bientôt succéder les Gondi, qui n'attachèrent qu'une importance purement nominale à la possession de ce mince bénéfice.
Albert de Gondi, comte et premier duc de Retz, se montra d'abord jaloux de ses privilèges ; et un grand procès s'engagea entre le Parlement et lui au sujet de la mouvance des abbayes et prieurés de ses domaines.
En 1573 et 1574, il remit à la Chambre des Comptes de Nantes un mémoire concluant « à ce que les abbayes et prieurés sont de fondation et dotation de lui et de ses prédécesseurs comtes barons de Retz, à ce qu'il soit par ladite Chambre ordonné qu'ils seront renvoyés absous des fins et conclusions prises par ledit procureur général, leur faisant, en cas de saisie, pleine et entière mainlevée du revenu temporel de leurs dits bénéfices »[Note : Arch. départ. de la Loire-Inférieure. Extrait des Registres de la Chambre des Comptes. Les pièces de ce procès n'existent plus. — Les abbayes étaient celle de la Chaume et celle du Bourg-Notre-Dame, Sainte-Marie de Pornic, qui chacune avaient fourni cinq aveux ; les prieurés, de Saint-Ladre ou Saint-Lazare, Saint-Martin de Machecoul, de Quinquenavant, de Saint-Thomas près Machecoul, du Haut-Perche, de Saint-Blaise, alias Saint-Philbert de Machecoul, le prieuré de Cheméré, le prieuré de Saint-André de Pornic, ceux de Sept-Faux et du Loc, le prieuré de Saint-Viau, de Saint-Léonard de Quiniau et de la Péranche « la prieure de Notre-Dame de Valdemorière, » les prieurés de Saint-Michel de l'Isle, de Saint-Jacques de Prigny, de Saint-Nicolas de Prigny et de « Nostre-Dame-du-Bourg-des-Moutiers » de Saint-Pierre de Cahouet, de Saint-Etienne-de-Corcoué, etc. L'abbaye de Blanche-Couronne comptait aussi les sires de Rays parmi ses principaux bienfaiteurs].
A la date du 15 décembre 1580, les plaidoiries duraient encore, comme le prouve la mention suivante « Veu la requeste présentée de la part de Mre Albert de Gondy, doyen baron de Retz, maréchal de France et chevalier des deux ordres, remonstrant que par cy devant il auroit produyt par davant nous contre le procureur général du Roy à la Chambre, ou procès pendant entre eux touchant les adveuz et dénombrement des abbayes et prieurés de ladite baronnye, et que son sac auroit esté distribué entre les mains de divers rapporteurs, qui n'en auroient encore fait leur rapport, suppliant luy en donner bonne et bresve expédition ; la Chambre a ordonné et ordonne que Me Raoul Boutin, conseiller et maître rapporteur du procès, se trouve prest du procès pour en faire rapport au premier jour après les prochaines festes de Nouel. Ainsi signé Verge Charreton » [Note : Arch. départ., série B, 1311, 1578-1581, Registre des Plumitifs, fol. 367].
Malgré les droits acquis et incontestables, Albert de Gondi perdit sa cause, et le roi nomma désormais les abbés, qui durent lui prêter serment de fidélité et rendre aveu à la Chambre des Comptes. Depuis longtemps déjà l'abbaye de Redon n'était plus consultée, et ce fut le pape qui délivra les bulles au nouvel élu, obligé d'acquitter en cour de Rome la somme de soixante-six florins d'or et deux tiers d'un florin.
L'aveu rendu au Roi, le 19 août 1675, par Pierre de Gondi, duc de Retz, entre autres détails sur la Chaume donne le suivant : « Item sont tenus, ledit doyen (le doyen de Retz, curé de la Trinité de Machecoul), l'abbé de l'abbaye de la Chaulme, les prieurs des prieurés de Saint-Blaise, Saint-Martin, Saint-Pierre de Cahouet, Saint-Michel de l'Isle, et l'aumosnerie de Saint-Nicolas, le tout situé en ladite ville et faubourgs, proche et es environs, de se trouver aux quatre festes annuelles de chacun an, a la fin du disner dudit seigneur duc, estant en présence en son dit chasteau, pour luy dire graces et distribuer aux pauvres ce qu'il luy plaira donner, et ensuite le conduire à vespres, lesquelles ils sont tenus chanter, et à la fin un libera ou De profundis, avecq l'antiphone et oraison, et est ledit seigneur fondateur patron de tous lesdits benefices... » [Note : Arch. départ. ; Aveu, déclaration et dénombrement du pays, terre et duché de Rais, pairie de France, etc... Série E. Aveux].
Le mémoire adressé par le Frère Jousseaume à un religieux de Saint-Germain-des-Prés, à Paris, lorsque l'ordre de Bénédictins conçut le projet de publier l'histoire de ses différents établissements en France, vient compléter ces notes trop sommaires.
Il donne sur les bienfaiteurs de l'abbaye, sa juridiction, ses possessions, son aspect et plusieurs usages, des détails d'autant plus intéressants que sans lui ils seraient complètement perdus et ignorés. Bien qu'il renferme des répétitions et des longueurs, autant que possible le style et la forme en ont été conservés.
« Mon Révérend Père,
J'ay tasché de m'acquitter le plus exactement qu'il m'a esté possible de la
commission que m'a donnée le Révérend Père Prieur de la Chaume, qui m'a envoyé
les lettres que Vostre Révérence lui avoit escrites pour estre instruit des
choses les plus considérables de cette petite maison, pour les insérer dans
l'Histoire des monastères de la Congrégation. J'adresse à V. R. ce que ma
mémoire m'a peu fournir.
Je n'y parle point de la feste de la Dédicace de l’Eglise, parce qu'elle n'en a point de particulière.
Je n'y parle non plus des saintes reliques, parce que il y en a si peu qu'elles ne sont pas considérables. L'on croit seulement qu'il y a une petite partye de la vraye Croix, qui est au pied de la croix d'argent doré qu'on met au grand autel les bonnes fêtes. Il y a aussi une petite particule du chef de saint Guy, martir, qui est dans un petit reliquaire d'argent doré. Les prestres séculiers qui desservaient il y a quelque temps l'abbaye de l'Isle-Chauvet, dédiée à saint André, apostre, nous firent présent d'une petite particule des reliques de ce saint, trouvée dans la sacristie de cette abbaye, présentement occupée par les Pères Camaldules [Note : L'abbaye de l'Isle-Chauvet, située à deux lieues Est de la Chaume sur les limites du diocèse de Nantes et de celui de Luçon, dont elle relevait. A la suite de l'incendie qu'elle éprouva en 1588, pendant les guerres religieuses, elle fut desservie par des prêtres réguliers, auxquels succédèrent en 1679 les Ermites Camaldules appelés par Mgr Maupas du Tour, évêque d'Evreux, abbé commandataire]. Il y a grande dévotion dans notre église, le jour de Saint-André, à cause d'un autel qui lui est dédié, où l'on expose cette relique que l'on a fait enchasser dans une petite statue du saint, qui est de bois doré.
Je ne parle point non plus de notre introduction, car la Société de Bretagne y ayant esté introduite en 1618, et cette Société ayant esté incorporée dans notre Congrégation, nous leur avons succédé après leur mort, sans faire d'autre concordat.
C'est la Congrégation qui a mis les lieux reguliers dans l'estat ou ils sont aujourd'huy. Le cloistre est tout neuf avec des piliers de belle pierre de grès. Ils ne sont point voutez, mais ils sont fort gais. L'on a changé les dortoirs qui étaient au Nord, et on les a mis dans le logis abbatial qui estoit au Levant. Ou y a fait neuf chambres, qui sont fort belles, spacieuses, et ont vue sur un tres beau jardin qui est celui que M. le cardinal de Retz leur a cédé avec son logis. Il y a encore un autre grand jardin qui est à côté de l'église. On y va du jardin de Monsieur l'abbé, qui est au pied du dortoir. Il y a de tres belles allées couvertes et bordées de grands buis, qui ont plus de trente pieds de hault. Il y a un beau verger, rempli de très bons arbres fruitiers, et un tres beau vivier d'eau de source, mais qu'on ne peut faire couler ; il a plus de trente pieds de large et plus de cent de long. Il y a aussi des douves, dans lesquelles l'eau de ce vivier communique par une voute qui sert de pont. Le poisson y vit très bien et devient tres bon ; le mal est qu'on a de la peine à le pescher dans le vivier. Il y a un grand pré au bout du jardin, que les douves enferment. Il y a de tres beaux et bons espaliers autour d'une bonne partie de ce jardin qui est tout enclos. L'église est petite, la nef éclairée d'un tres beau vitrail placé au bas de l'église est, entre deux petits collatéraux, le chœur est au fond. Il y a deux autels aux deux costés de la nef, dont l'un dédié à sainte Emérence a été construit par les Peres de la Société ; il est fait de très belles pierres de Combour. Si celui qui lui est opposé était fait de même, l'église en serait mieux ornée. Le chœur est lambrissé comme l'église, mais le lambris du chœur est peint à l'huile, aussi bien que les murailles, où nos mystères peints et représentés font un bel effet à la vue. On a fait venir de Paris un très beau soleil et une belle croix processionnelle avec son baston d'argent. Ils ont fait faire aussi depuis peu trois chappes de ces nouvelles étoffes de soie avec des chasubles et deux dalmatiques.
Je ne parle point de la bulle de Clément V (1305-1313), par ce que je ne l'ai jamais vue, et je me persuade que le Révérend Père prieur de la Chaume aura soin de la demander à Redon.
Je n'ai pu non plus découvrir en quel temps la Chaume s'est séparée de Redon. Je me souviens seulement d'avoir lu quelque vieille pancarte qui m'apprit que l'abbé de la Chaume se devait trouver aux deux solennités de saint Marcellin pour y officier et y prescher, et traiter ensuite la Communauté de Redon à ses dépens.
Pour ce qui est des autres points de la lettre de Votre Révérence, je tasche d'y satisfaire. Les noms des bienfaiteurs de la Chaume, se trouvent dans les adveus qui ont esté rendus aux suzerains ou seigneurs de Bourgneuf, de Pornic et de Machecoul, que j'envoyai à Paris, il y a neuf ou dix ans, pour les produire au procès contre Madame la duchesse, et qu'on a perdu faute de s'estre servi des titres qui ruinoient entièrement les deffenses dont Madame la duchesse de Retz se servoit contre nous ; ce qui m'a obligé de faire un petit manifeste pour l'instruction de l'advocat, chargé de cette affaire pour la plaider, en conséquence de la requeste civile obtenue à ce sujet. Je prie V. R. de mettre cette pièce entre les mains du Très Révérend Père supérieur général avec celle incluse.
En attendant un petit mot de responce que je vous demande avec instance, et après m'être recommandé à vos saints sacrifices, je demeure, Mon Révérend Père, Votre tres humble et très affectionné confrère, FR. JACQUES JOUSSEAUME, m. b. A St-Florent-le-Vieil, ce 25e novembre 88 (1688).
Adresse : Au Révérend Père dom Michel Germain, Bénédictin de l'abbaye de St Germain des Prez. A Paris.
L'abbaye de Notre-Dame de la Chaume n'estoit, dans son principe, qu'une simple chapelle de dévotion située dans les Chaumes de Machecoul que le vulgaire appeiloit anciennement les Chaumes de Notre-Dame ; et depuis elle s'est appellée Nostre-Dame de la Chaume, de Calma ou Calmaria. Ce dernier nom n'est plus en usage, mais bien le premier, Domina de Calma, à cause que cette chapelle étoit dédiée à la Vierge et que Dieu y opéroit d'insignes miracles qui attiroient les peuples de tous costez pour y rendre leurs vœux.
Et chascun souhaittant de se faire enterrer auprès de ce sanctuaire, l'on fist, à la suite des temps, enclore une pièce de terre, pour y servir de cimetière où les seigneurs et dames se faisoient enterrer avec le menu peuple, pour la dévotion qu'ils portaient à ce saint lieu, dans lequel sont présentement les jardins du monastère, où l'on descouvre tous les jours de très beaux tombeaux, de pierre tres blanche et bien polie, remplis d'ossements considérables par leur grandeur.
Ce nom de Notre-Dame de la Chaume étoit anciennement en si grande vénération, que tous les seigneurs qui voulaient favoriser cette maison et augmenter ses domaines de leurs liberalitez, à l'imitation de ses fondateurs, donnaient le nom de fief de la Chaume aux terres et dépendances qu'ils énervoient de leurs domaines pour leur en faire donaison. Et c'est pour ce sujet qu'outre les seigneurs de Machecoul, elle reconnaissoit encore trois autres suserains qu'elle met au nombre de ses bienfaiteurs, sçavoir : les vicomtes de Loyaux, les seigneurs de Bourgneuf et ceux de Pornic.
Ces premiers énervèrent deux dépendances considérables des domaines de leur vicomté, qui est présentement le domaine du Roy, situées en deux paroisses de ladite vicomté, appelées, l'une, N. D. de Fresnay, et l'autre Sainte-Pazanne ; lesquelles se distinguent et se font connoistre par ce nom de fief de la Chaume en la paroisse de Fresnay, et l'autre le fief de la Chaume en la paroisse de Sainte-Pazanne. Lesquelles dépendances consistent en quelques pieces de terre labourables et de prés, appelez pour ce sujet les prés aux Moines, et le reste consiste en droits de terrage, à la sixiesme gerbe et les droits de dîmes à la dixiesme sur toute sorte de grains. Les religieux se sont maintenus en la jouissance et possession desdites dépendances et de tous leurs droits par le moyen des adveux que les anciens abbés et religieux ont rendu de temps en temps à la Chambre des Comptes de Nantes, qui les inféodent envers le Roy de tout ferme droit de haute, moyenne et basse juridiction sur tous les hommes et sujets desdites dépendances qui ne reconnaissent point d'autres seigneurs que l'abbé et les religieux, et point d'autres juges que ceux qui exercent leur juridiction dans la paroisse de Fresnay au nom desdits abbés et religieux, qui sont reconnus pour seigneurs suserains dans l'étendue desdites deux dépendances, sur lesquelles ils lèvent et appartiennent tous droits seigneuriaux de retraits feodaux, de lods et ventes, de rachapt, quand le cas y eschet, etc [Note : Le fief de la Chaume en Fresnay, cédé par les religieux moyennant une rente annuelle de 95 boisseaux de seigle, fut uni, en 1681, à la terre de la Salle, érigée en chatelainie pour Henri de Bastelard. Dans la déclaration des biens ecclésiastiques de la paroisse de Fresnay, fournie en 1791, les rentes en froment dues à l'abbaye de la Chaume, dont étaient titulaires les Bénédictins de Vertou, étaient évaluées à 190 livres de revenus].
Les seigneurs de Bourgneuf et de Pornic (fiefs qui appartiennent présentement à Madame la duchesse de Lesdiguières et de Retz), donnèrent autrefois à l'abbaye de la Chaume, sçavoir les seigneurs de Bourgneuf une dépendance considérable, appelée présentement et de tout temps le fief de la Chaume en Saint-Cyr et Bourgneuf, qui contient les deux parts de ladite paroisse de Saint-Cyr. Dans laquelle dépendance, les anciens seigneurs de Bourgneuf ont maintenus les abbés et religieux dans tous les droits de ladite dépendance sous le nom de fief de la Chaume, comme il appert par les adveux que les anciens abbés et religieux ont rendus à la juridiction desdits seigneurs de Bourgneuf, qui les inféodent de tout ferme droit de juridiction sur tous leurs hommes et sujets dudit fief de la Chaume qui n'en reconnoissent point d'autre que celle que lesdits abbés et religieux faisoient exercer par leurs officiers dans le faubourg de Sainte-Croix de Machecoul, qui releva prochement desdits abbés et religieux, ainsi qu'il appert par les anciens régistres de ladite juridiction et par les anciennes déclarations que les sujets de ce fief de la Chaume, aussi bien que des autres fiefs sous ce nom de la Chaume, ont rendus aux abbés et religieux les reconnaissant pour leurs propres seigneurs et leur juridiction comme leur propre barre. Et quand il y avoit appel des sentences de ladite juridiction, un chacun en appelait aux juges des suserains d'ou relevaient lesdites dépendances de l'abbaye sous la baronnie de Rets ; scavoir à Machecoul, ou à Bourgneuf ou à Pornic ; car pour ce qui est de la juridiction des fiefs de la Chaume en Fresnay et en Sainte-Pazanne, on en appelle au Présidial de Nantes, comme au suzerain desdits fiefs [Note : Jean de Machecoul, fils d'Olivier de Bretagne dit de Machecoul et de sa première femme, mort en 1308, est le premier que nous voyons avec le titre de seigneur de Bourgneuf. C'est vraisemblablement à cette époque que le bourg neuf remplaça Saint-Cyr, sanctus Cyricius Radesiarum, et devint le siège de cette importante seigneurie. Elle fut réunie de nouveau à la baronnie, en 1403, par le mariage de Marie de Craon avec Guy de Laval, dit de Rays, après avoir été possédée pendant 125 ans environ par des seigneurs du nom de Machecoul].
Les seigneurs de Pornic firent aussi paroistre le respect qu'ils avoient à Nostre-Dame de la Chaume, en lui consacrant aussi une partie de leur domaine qui porte le nom de fief de la Chaume en Pornic, comme il appert par les adveuz que les abbez et religieux rendoient auxdits seigneurs leurs suzerains et bienfaiteurs qui les ont toujours maintenus dans la jouissance du fief de la Chaume en Pornic, avec tout droit de juridiction sur les hommes et sujets dudit fief [Note : Pornic, au XIème et XIIème siècle, eut ses seigneurs particuliers, avant d'être possédé par les sires de Rays].
Il ne reste plus qu'à parler des seigneurs des Grandes et Petites Aubrays, qui eurent tant de vénération pour la Chaume, qu'ils la choisirent pour leur sépulture, laquelle se remarque par une petite tombe eslevée à deux pieds de terre sous une petite voute qui est dans la muraille, sous le degré qui descend du dortoir à l'église. Il n'y a aucune épitaphe dessus ladite tombe, formée par une grosse pierre d'ardoise. Ils ont chargé leur seigneurie des Aubrayes de plusieurs rentes et devoirs envers l'abbaye pour satisfaire aux trois services de trois grand-messes chantées, avec les vigiles chaque année par les religieux qui s'acquittent régulièrement de ces services et de trois messes de fondation chaque semaine [Note : Il est assez difficile de connaître aujourd'hui les noms des Seigneurs des Aubrays inhumés dans l'église de la Chaume. Vers le milieu du XVème siècle, les Grandes Aubrays appartenaient à Rolland de Lannion, chambellan du duc, capitaine du Croisic et de Guérande, du chef de sa femme Guyenne de Grezy, dame des Aubrays, fille de Sevestre de Grezy. Les Petites Aubrays, à la même époque, faisaient partie des domaines de la famille Gouy, vieille maison du pays de Rays, possessionnée en Machecoul, Saint-Même, Sainte-Pazanne, etc..., qui a donné un abbé au monastère de Villeneuve en 1441, dans la personne de Nicolas Gouy du Branday].
L'abbaye n'a aucune préeminence sur les églises de Machecoul, sinon à la cérémonie qui se fait le dimanche des Rameaux, pour l'adoration de la Croix dans le grand cimetière commun, situé dans les Chaumes de Machecoul, et dans le fief de l'abbaye, où les deux paroisses se trouvent avec tout le clergé et le peuple ; les religieux y vont aussi processionnellement, le supérieur revêtu de son aube avec une chappe violette, accompagnée d'un diacre en dalmatique, de deux chantres en chappe et d'un thuriféraire ; où estans arrivez ils se placent entre le clergé des deux paroisses, tenans le milieu. Le diacre, ayant fait bénir l'encens au supérieur, après avoir pris sa bénédiction, chante l'évangile de la bénédiction des Rameaux, à la fin duquel il porte le livre à baiser au supérieur qu'il encense trois fois. Alors les chantres religieux commencent le repons : Collegerunt, que tout le clergé poursuit jusqu'au verset, que les chantres de la Trinité antonnent, et ceux de la paroisse de Sainte-Croix chantent la reprise du répons. Cela étant fini, le supérieur baise la croix du cimetière, le premier, les religieux après, puis tout le clergé ; ensuite chacun s'en retourne en son église pour y chanter la grand-messe.
Ce qui est encore à remarquer en cette petite abbaye, c'est qu'outre toutes les dépendances situées dans les paroisses de la Trinité et de Sainte-Croix de Machecoul, de Saint-Même, de Saint-Pierre de Paulx, de Saint-Etienne-de-Bois-de-Céné, de Bourgneuf et de Pornic, de Fresnay et de Sainte-Pazanne, sous le nom de Fiefs de la Chaume, que les seigneurs fondateurs et bienfaiteurs leur ont donné, non seulement pour immortaliser la mémoire de leurs fondations et de leurs libéralités, mais aussi pour empêcher les contestations à naître entre leurs successeurs et les religieux, au sujet des bornes, limites et autres droits de ces dépendances, et pour en éternaliser la jouissance et possession, sous ce vénérable nom de Fief de la Chaume, les religieux étaient encore, à la mort de leur dernier abbé regulier, arrivée en 1594, dans la jouissance et possession de la troisième partie des rentes et revenus annuels d'un fief appelle vulgairement le Fief Commun, situé dans les marais salans du Pont de la Roche, paroisse de Sainte-Croix de Machecoul, ainsi nommé Commun, parce que tout ce qui lui appartient et en provient se partageait autrefois entre les seigneurs de Machecoul, les abbés et religieux de la Chaume, et les seigneurs de la Cour du Bois [Note : Le Bois, en Sainte-Croix de Machecoul, appartenait en 1447 à Jean du Tiercent], qui en faisaient la recette et en devaient compte comme sergents féodés dudit fief.
Enfin cette petite abbaye ne possède aucune pièce de terre qui ne soit noble et exempte de tout devoir, même du droit de dîmes aux curés des paroisses dans lesquelles elles sont situées ; et tous ceux auxquels on les afferme ne sont sujets à aucun fouage ni à aucun subcide à raison des terres de l'abbaye qu'ils font valloir ».
Peu de faits signalent la longue possession du titre abbatial par les Gondi pendant le XVIIème siècle. Dans le cours du XVIIIème surgirent quelques procès sur lesquels nous n'avons pour ainsi dire aucun renseignement, mais qui indiquent l'amoindrissement de plus en plus sensible des revenus absorbés en grande partie par les abbés commendataires, dont plusieurs ne daignèrent pas même visiter une fois leur bénéfice.
Faute d'entretien, les bâtiments négligés devinrent inhabitables. La manse des moines, insuffisante et obérée par divers emprunts, fut supprimée et réunie à la prévôté de Vertou en 1767. Les ornements de la chapelle, la bibliothèque, les archives composées de cinq liasses formant un total de 804 pièces, y furent transportées. Ce fonds, si intéressant pour l'histoire du pays de Rays, a disparu pendant la Révolution [Note : Arch. départ., série G Déclaration ecclésiastiques. « Lors de sa réunion à Vertou, la Chaume avait cinq constituts. Cette dernière maison en a remboursé deux, savoir : 1,500# à l'hôpital le 10 juin 1778, un autre de 1,500 à Mlle Couturier, le 30 mars 1779. Comme la réunion de l'abbaye est susceptible de retour, on eut mieux fait de les laisser courir. Par contrat du 6 septembre 1751, au rapport de Mangin, les religieux avaient emprunté au chapitre de la cathédrale, une somme de 4,000# dont les intérêts, au denier vingt, furent payés jusqu'en 1788 » — Arch. Départ., Titres de Vertou, cahier... chapitre de Nantes, art. 3, Notre-Dame de la Chaume].
La maison de la Chaume, lisons-nous dans la déclaration des biens ecclésiastiques, « consistant en bâtiments, cloîtres, anciens jardins, cours et ménageries, colombier, verger, le tout contenant quatre journaux, est affermée avec 80 journaux de prés, une métairie, moulins, dîmes et terrages, à M. Raimbaud, par bail commencé le 1er janvier 1789, trois mille sept cents francs ».
Quatre journaux, voilà donc la mesure, des terrains occupés par les bâtiments et la clôture.
« Ce ne sont plus que des ruines, à peu près sans intérêt. On y remarque trois enceintes distinctes, closes de leurs murs. Dans la première étaient renfermés les bâtiments et l'église ; dans la seconde était compris le jardin, et la troisième formait la tenue ou la culture pour les besoins de la maison. Ces deux dernières sont labourées.
Les murs du couvent encore debout avec les ouvertures du rez-de-chaussée et du premier étage ont encore de cinq à six mètres de hauteur. On reconnaît à peine l'emplacement qu'occupait l'église. Mais aux pierres travaillées qu'on voit çà et là, on pense qu'elle datait du XIVème au XVème siècle. On retrouve des caveaux voûtés sous les murs. Le seul objet bien conservé est la fuie, près la porte d'entrée » [Note : Verger, t. II, arrondissement de Nantes, art. Machecoul, mm. de la Bibliothèque de Nantes. M. Verger, qui écrivait ses notes vers 1830, se trompe en indiquant le XIVème et le XVème siècle].
A notre époque, N. Orieux écrivait : « Les ruines de l'église présentent des murailles d'un mètre de hauteur ; la forme des contreforts et l'appareil d'un oculus, nous font présumer que ces restes appartenaient à l'église primitive » [Note : Etudes archéologiques dans la Loire-inférieure, par M. Orieux, Agent-Voyer-Inspecteur. Nantes, 1865, p. 70]. Nous sommes complètement de l'avis de notre honorable et laborieux confrère, les restes de l'église indiquaient l'époque romane.
Nous aurons tout dit, en ajoutant qu'une grande cause de l'anéantissement des derniers vestiges de la Chaume, fut l'exploitation à laquelle les livra M. Paimparay, qui en vendit les pierres comme matériaux de construction. La nouvelle église paroissiale de Fresnay est presque entièrement élevée avec les débris des anciens bâtiments du moustiers des sires de Rays. M. Guimberteau, petit-fils de M. Paimparay, vendit à M. V. Ecomard, de Sainte-Pazanne, la métairie de la Chetiverie, sur laquelle se trouvait la Chaume ; et c'est de ce dernier que l'a acquise M. l'abbé Blanchard, ancien supérieur du collège de Machecoul, aujourd'hui (vers 1879) chanoine honoraire, supérieur du petit séminaire des Couëts.
Voir " Les abbés de l'abbaye de Notre-Dame de la Chaume ".
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