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ABBAYE NOTRE-DAME DE DAOULAS

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Abbaye Notre-Dame de DAOULAS - Daoulas

Daoulas était anciennement un château appartenant aux seigneurs de Léon. D'après une tradition, le seigneur du Faou fonde au VIème siècle, la primitive abbaye de Daoulas (abbatia Beatoe Marioe de Daoulas), en expiation du meurtre des abbés Tadec et Judulus. On croit d'ailleurs que Daoulas est un mot breton qui signifie deux douleurs ou deux deuils : Daou glas. Ravagé par les Normands, le monastère du VIème siècle est remplacé par une abbaye de chanoines Réguliers de Saint-Augustin, fondée vers 1167-1173 (abbatia de Doulas , en 1173) par Guyomarc'h (ou Guiomarc'h), vicomte de Léon et par Nobille son épouse, pour réparer, dit-on, le crime qu'il avait commis, en faisant assassiner Hamon, évêque de Léon, son oncle. La consécration de l'abbaye a lieu en 1232. L'acte le plus ancien, touchant sa fondation dit que : "Guyomarc'h de Léon, sa femme et ses fils donnèrent la terre de Forquilly et la terre de Fresq depuis Forquilly jusqu'à Roc'h Bleizt". Cet acte est fait devant Geoffroy, évêque de Quimper en 1173. D'ailleurs plusieurs seigneurs de Forquilly deviennent abbés de Notre-Dame de Daoulas : Hervé de Forquilly (de 1317 à 1325), Alain Seissoris de Forquilly (de 1325 à 1351). Cette abbaye, fondée pour quatre religieux, était jadis du diocèse de Quimper et près de Plougastel. La mense abbatiale, riche de douze mille francs de revenu, est en 1692 unie au séminaire des Aumôniers de la Marine de Brest. Rivallon est le premier abbé de cette maison. Sa mort est marquée au 1er mai 1130 dans le nécrologe de son abbaye, mais cette date est faussée, et la mort de Rivallon doit être rapportée à l'an 1180. Guillaume souscrit une charte de l'abbaye de Bon-Repos (ou Bonrepos) fondée en 1184, par Alain III, vicomte de Rohan, et meurt en 1199. Hervé meurt le 11 mai 1200, selon le nécrologe de son abbaye. Even est élu en 1200, se démet en 1233, et meurt le 25 avril 1246. Il fait consacrer son église le 12 septembre 1232, par Cadiou, évêque de Vannes, et Raoul, évêque de Quimper. G. certifie en 1251 la copie d'une lettre de Henri, roi d'Angleterre, à Alain, vicomte de Rohan, datée de 1229. Hervé de Guicastel meurt le 8 novembre 1281, selon le nécrologe de son abbaye. Daniel, dit Le Chauve, meurt le 12 avril 1285, selon le même nécrologe. Daniel Le Chevalier meurt le 13 septembre 1287, suivant le même nécrologe. Guy Potaire meurt le 8 avril 1309, selon le même nécrologe. Hervé de Forquily (ou Forquilly) accepte en 1317 une fondation faite dans son église par Hervé de Léon, seigneur de Noyon-sur-Andelle. Sa mort est marquée dans le nécrologe au 2 août 1325. Alain Seissoris de Forquily accepte en 1337 la fondation de deux messes chaque jour, faite par Hervé de Léon, seigneur de Noyon, pour Hervé, son père, et Marguerite de Rais, son épouse. Il meurt le 26 avril 1351, après vingt-cinq ans d'administration. Hervé de Poulmic ne tient le siége qu'un an, et meurt le 16 mai, suivant le même nécrologe. Jean Guerrant ou Guerrault fait rebâtir le monastère, et meurt le 1er octobre 1398, après trente-huit ans d'administration. Louis de La Palue meurt en 1399, selon l'historien moderne de son abbaye. Etienne Le Petit, natif de Fougères, est recommandé au duc Jean V, en 1410, par le pape Jean XXII, et meurt en 1425. Guy Manfuric, licencié en droit canonique, gouverne l'abbaye pendant vingt-sept ans, et s'en démet en 1452. Il a fait bâtir la tour qui était sur le choeur, et obtient du pape le droit de porter la mitre. Sa mort est marquée dans le nécrologe au 22 mai 1468. Guyomarc'h, que certains historiens, assure avoir été de la maison de Rohan, est élu en 1468. On ignore l'an et le jour de sa mort. Guillaume Le Lay est nommé abbé de Daoulas de 1468 à 1502 et achète le manoir du Fresq. Il souscrit la fondation des Frères Mineurs, dits depuis Récollets de Landerneau, faite par Jean, IIème du nom, vicomte de Rohan, en 1488. Il fait bâtir la chapelle de la Trinité, unit le prieuré de Dirinon à la mense conventuelle, et comble de biens son monastère. Son décès arrive le 23 juin 1502. Il est inhumé dans le choeur de son église, sous une lame de cuivre sur laquelle est gravée une inscription "Hit jacet frater Guillelmus Le Lay, abbas hujus monasterii de Daoulas, qui rexit illud annis 35, et restauravit ac acquisivit ei plura bona. Obiit autem die 23 mensis junii anno Domini 1502". Jean de Sarges (ou de Largez), évêque d'Avesnes, est abbé de Daoulas de 1502 à 1520. Il est fait évêque d'Avesnes le 30 juillet 1507. Claude de Rohan, évêque de Quimper, le choisit pour exercer les fonctions épiscopales dans son diocèse, et lui donne la cure de Glomel. Il se démet de son abbaye en 1520, et meurt le 6 novembre 1533. Son corps est inhumé devant le grand autel de Daoulas avec une inscription : "His jacet frater Joannes Du Largez, episcopus Avennensis et abbas hujus monasterii ; cidem multa acquirens bona honorificè illud rexit 20 annos. Obiit sexta luce novembris anno 1533. Anima ejus requiescat in pape. Amen".  Charles Jegou obtient en 1519 une bulle du pape Léon X, portant ordre à l'archidiacre de Dinan de lui donner l'habit de chanoine régulier dans l'abbaye de Daoulas, et de le pourvoir du gouvernement de cette abbaye. L'archidiacre exécute ces ordres, mais Charles Jegou, plus instruit des règles de l'Eglise, se repent de sa démarche par la suite, et se fait absoudre à Rome en 1527 des censures qu'il avait encourues lors de son entrée. Il meurt le 10 janvier 1535, et il est enterré devant le maître-autel de son église, où l'on voit une inscription : "Hit jacet frater Carolus Jegou, abbas hujus monasterii de Daoulas, et acquisivit plura bona, et fecit multa aedificia, et rexit eam per 15 annos. Obiit die 10 mensis januarit anno 1535". On lui attribue l'honneur d'avoir fait faire la grande vitre du maître-autel qui était un chef-d'oeuvre de l'art pour la beauté des peintures, et qui s'est conservée jusqu'à la fin du XVIIIème siècle. Olivier du Chastel est élu en 1535 et meurt le 1er novembre 1550. Il était fils de Tanguy du Chastel et de Marie du Juch. Jean Predour est pourvu de l'abbaye par la même voie que Charles Jegou, son prédécesseur, c'est-à-dire qu'il obtient du pape Jules III une bulle adressée aux évêques de Quimper, de Léon et de Tréguier, ou à l'un d'eux, pour lui donner l'habit de chanoine régulier, en 1550. Un grand vicaire du diocèse de Quimper, chargé par son évêque de cette commission, la remplit en 1553, et Jean Predour se fait absoudre à Rome, en 1552, des censures qu'il avait encourues lors de son entrée. Il fait serment de fidélité au roi en 1556, et meurt le 11 octobre 1575. Jean de Kerguisiau obtient ses bulles du pape Grégoire XIII en 1573, prend possession en 1574, prête serment de fidélité au roi dans sa Chambre des Comptes de Bretagne en 1576, et meurt le 29 septembre 1581. René du Louet, dernier abbé régulier, est élu en 1581, et meurt le 12 juillet 1598. Il est enterré devant le maître-autel de son église, où l'on voit encore son tombeau avec une épitaphe : "Hic jacet frater Renaus Du Louet, abbas hujus Coenobli de Daoulas, qui quidem acquisivit ei silvam de Daoulas et plura alia bona, et rexit illud annis sexdecim. Obiit autem 12 julii anno 1598, cujus anima pace fruatur". René de Rieux, aumônier de la reine Marie de Médicis, est pourvu de l'abbaye de Daoulas en 1600, et meurt le 5 mars 1651, évêque de Saint-Pol-de-Léon. Charles Maurice Le Tellier, fils de Michel Le Tellier, chancelier de France, a dès sa jeunesse plusieurs riches abbayes en commende, et il est pourvu entre autres de celle de Daoulas en 1651, n'ayant encore que neuf ans. Il s'en démet entre les mains du roi en 1666, devient archevêque de Reims en 1668, et meurt à Paris le 17 février 1710, à l'âge de 68 ans. Louis de La Motte - Vilbret d'Aspremont, clerc de la chapelle de la duchesse d'Orléans, fils de François de La Motte, comte d'Aspremont, lieutenant-général des armées du roi et gouverneur de Salins en Franche-Comté, est pourvu de l'abbaye de Daoulas en 1667. Il semble être le dernier abbé de cette maison, que le roi Louis XIV unit au séminaire des aumôniers de la marine de Brest par ses lettres du 5 avril 1692. Les abbés de l'abbaye de Daoulas jouissent à l'époque du droit de haute justice (leurs gibets se trouvent au Fresq). En 1521, pour fuir une épidémie de peste, les moines viennent s'installer au Fresq. L'abbaye de Daoulas est restaurée en 1877. Le cloître qui date du XIIème siècle est restauré au XVIIème siècle puis en partie reconstruit en 1997-1998 sur les bases de l'ancien mur détruit au début du XIXème siècle. 

" La première fondation du monastère de Daoulas est attribuée à un seigneur du Faou qui avait mis à mort les abbés Tadec et Judulus, fut converti et baptisé par saint Pol-Aurélien et son neveu, saint Jaoua, et condamné par eux à faire cette pieuse fondation en réparation de son forfait. Le premier abbé en fut saint Jaoua qui résigna bientôt ses fonctions à Tebuencus ou Tusveanus qui, à mon avis, ne serait autre que saint Tujean, patron de Brasparts et de la belle chapelle de Saint-Tujean en Primelin. Quelle fut l'histoire de ce premier monastère ? On n'en a aucune trace ! Pour ce qui est de la seconde fondation, c'est-à-dire de, l'église qui existe encore de nos jours, on trouve d'excellentes données dans le travail de M. le chanoine Peyron, publié dans le Bulletin de la Société Archéologique du Finistère, année 1897, pp. 49 et seq. Cette abbaye a été fondée peut-être en 1125 par Alain, seigneur de Rohan, et Constance sa femme, mais l'église ne fut bâtie que sous Guiomarch de Léon et Nobile sa femme, en l'an 1167, et le Chronicon Britannicum dit que Bernard de Moëlan, évêque de Cornouailles en confirma la fondation : « MCLXVII incepta est ecclesia apud Daoulas, Bernardo proesule Corisopitensi proesente et confirmante ». Geoffroy, son successeur sur le siège de Quimper, mit en possession de ladite abbaye les chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin, en l'an 1173. L'église telle qu'elle existe actuellement ne représente pas toute la longueur ancienne, mais l'extrémité supprimée, c'est-à-dire le choeur et une sorte de transept midi ne dataient que du XVème ou du XVIème siècle. En 1876 et 1877 il a été fait à cet édifice d'excellents travaux de restauration sous la direction de M. Bigot, architecte diocésain, qui a construit l'abside en hémicycle, les deux absidioles terminant les bas-côtés et le collatéral sud. Ce que nous avons d'authentique du XIIème siècle c'est le portail ouest et la nef avec son bas-côté nord. La façade ouest est précieuse pour nous, car elle est avec celle de Saint-Mathieu la seule façade romane qui soit restée intacte, sans aucun remaniement. Elle se compose ainsi : au milieu une large porte accostée de chaque côté de deux colonnettes portant les archivoltes d'un arc à plein-cintre et latéralement deux autres arcades aveugles plus étroites à côté desquelles montent deux contreforts larges, peu saillants. A sept mètres de hauteur environ, le mur subit un retrait où prennent naissance quatre contreforts plats qui encadrent et séparent trois fenêtres à plein-cintre, dont celle du milieu plus large que les deux autres. Le tout se termine par un gâble assez aigu ; cet ensemble est simple, mais a en même temps un air de grandeur et de dignité. A l'intérieur la nef longue de 28 mètres et large de 7, avec bas-côtés de 3m50, est composée de 7 travées formées par des piliers en croix grecque, c'est-à-dire ayant un pilastre sur chacune des quatre faces, piliers hauts de 5 mètres couronnés d'un simple tailloir à chanfrein et partant des arcs à plein-cintre à double archivolte. Au-dessus de ces arcades viennent des fenêtres étroites à l'extérieur et évasées intérieurement. Il faut noter, de chaque côté de la porte ouest, une ornementation en sculpture méplate formant comme un large bandeau ou litre et qui se compose d'ornements variés dans lesquels on remarque surtout un simulacre de nattes tressées en osier ou en roseaux. Cette décoration rappelle les sculptures analogues de la nef de la cathédrale de Bayeux. Cette nef malgré sa simplicité est d'aspect majestueux, et cette note sobre dans l'ensemble, particulièrement dans le tracé des piliers qui sont dépourvus de chapiteaux, ne doit pas faire conclure que, avant cette époque, toute richesse fût exclue de l'architecture bretonne et qu'il faille classer comme postérieurs à l'église de Daoulas les édifices où l'on trouve plus de richesse. Non, cette simplicité peut parfaitement être attribuée à l'état des ressources pécuniaires, à l'esprit de modération ou d'austérité du comte ou des moines qui faisaient bâtir, absolument comme l'esprit de saint Bernard a exercé son influence sur les constructions cisterciennes. La sobriété d'ornements de l'église de Daoulas ne nous empêche nullement d'attribuer au XIème siècle les églises de Landévennec, Loctudy, Fouesnant et Sainte-Croix de Quimperlé où l'on trouve plus d'abondance de colonnettes et de sculptures. Outre l'église abbatiale nous trouvons à Daoulas un CLOITRE roman fort intéressant. Ce cloître est maintenant dépourvu de sa toiture ; il a été même en partie démoli, les colonnes et les arcades de deux des côtés avaient été jetées à terre, mais vers la fin du XIXème siècle, le propriétaire, M. Danguy des Déserts, d'accord avec son beau-père, M. Bigot, architecte diocésain, fit restaurer le tout et nous avons maintenant debout les quatre côtés du carré, comprenant quarante-quatre arcades. Les angles sont formés d'un faisceau de quatre colonnettes et dans les côtés ces colonnes cylindriques sont alternativement simples et jumelées, couronnées de chapiteaux élégants dont la corbeille est tapissée d'ornements variés, feuilles recourbées et lancéolées, crossettes, volutes ; quelques-uns des tailloirs sont aussi décorés de zigzags, dents de scie, losanges, étoiles. Au milieu du préau se trouve une vasque octogonale dont chacun des huit pans offre une ornementation différente. A quoi attribuer ce luxe du cloître, faisant contraste avec la simplicité de l'église ? A la marche et aux progrès de l'art ? Mais déjà près d'un siècle auparavant la sculpture s'était révélée aussi parfaite et aussi exubérante dans la crypte et l'abside de Sainte-Croix de Quimperlé. Donc, cette manifestation ne peut avoir été déterminée que par les ressources ou l'état d'esprit des constructeurs. Ne quittons pas Daoulas sans donner un coup d'oeil au porche désormais isolé de l'église et servant à la fois d'arc de triomphe et de campanile. Il s'ouvre sur un côté par une arcade surbaissée surmontée d'un tympan qu'encadre une arcade ogivale. L'autre côté est percé de deux portes jumelles en anse de panier. C'est un travail de la Renaissance, correspondant aux porches de Pencran et de Landivisiau, à la porte latérale de la Roche et au portail ouest de Rumengol. Le socle de la statue de saint Pierre porte la date de 1566, mais le porche lui-même pourrait être antérieur de quelques années. La grande arcade d'entrée et les deux portes intérieures ont conservé dans leur encadrement tous les détails de la période flamboyante ; mais en dehors de là, la plupart des motifs d'ornementation rappellent la Renaissance, particulièrement dans le bénitier, les niches des apôtres et le couronnement des portes jumelles. Le tympan de l'entrée reproduit la scène de la Nativité de l'Enfant Jésus, sujet traité avec tant de grâce et de naïveté dans les porches de Pencran et de La Martyre. Remarquons encore l'ancien ossuaire transformé en sacristie, avec ses fenêtres séparées par des pilastres en gaîne, genre Louis XIII, sa porte encadrée par deux colonnes ioniques cannelées, avec bague sculptée à mi-hauteur du fût. Puis il y a, tout près du cimetière, du côté midi, la chapelle de sainte Anne, dont l'abside à pans coupés et à pignons aigus est accompagnée de contreforts couronnés de clochetons. Sur le milieu de la façade Nord est une porte monumentale accostée de quatre colonnes corinthiennes surmontées d'une corniche portant un fronton avec niche ionique dans le milieu, volutes sur le rampant et lanternon de couronnement. Dans la frise se lit la date de 1667, et la niche principale contient la statue de sainte Anne assise, faisant lire la sainte Vierge. A l'intérieur, le retable à colonnes torses du maître-autel renferme un groupe de sainte Anne et la sainte Vierge assises, et l'Enfant-Jésus debout au milieu d'elles. En terminant, faisons une visite à la fontaine et à l'oratoire de Notre-Dame. C'est un coin charmant en dehors de l'enclos de l'abbaye mais auquel on se rend en traversant les jardins qui entourent le cloître, coin plein de fraîcheur et de verdure. Le bassin de la fontaine est surmonté d'une sorte de petite chapelle gothique en pierre de Kersanton, couverte de deux rampants aigus avec clochetons aux quatre angles. Au fond de la voûte en anse de panier est un bas-relief représentant Notre-Seigneur en croix ; à côté de lui sainte Marguerite, foulant aux pieds un dragon, montrant de la main droite la plaie du côté du Sauveur, et tenant un coeur de la main gauche. Elle est vêtue d'une robe serrée, par une ceinture, d'un scapulaire et d'un manteau. Dans la niche du fronton il y a une Vierge-Mère qui tient une pomme ou une boule, ainsi que l'Enfant Jésus. Un caniveau partant de la fontaine conduit l'eau dans trois petites auges carrées creusées dans la même pierre et de là elle se déverse dans un grand bassin de 2m10 sur 1m80. L'ensemble est entouré d'une belle enceinte en pierres de taille formant un rectangle de 6m x 4m, ayant soubassement et couronnement moulurés, avec bancs à l'intérieur et à l'extérieur pour l'usage des pèlerins. Au dos de la fontaine on lit cette inscription gothique : Le Xème jour de Juing lan mil V cents Lte (1550) fut renouvellé ceste fontaine p. M. O. du Chatel de Doulas Abbé. Tout à côté est un petit oratoire du XVIème siècle désigné sous le nom de chapelle de Notre-Dame-des-Fontaines. L'abside est en maçonnerie, les côtés sont vitrés et la façade est formée d'une claire-voie à balustres tournés. La partie basse de la porte est pleine et formée de deux panneaux d'ornements et bas-reliefs d'excellent style. Au-dessus, la toiture forme auvent et est ornée d'ardoises découpées en écailles et en losanges faisant une excellente décoration. A l'intérieur, aux deux côtés de l'autel, sont les statues de la Vierge-Mère et de saint Jean-Baptiste. Sur une paroi latérale est une jolie Vierge gothique, tenant sur ses genoux l'Enfant Jésus drapé. De l'autre côté on voit, en bas-relief, une petite sainte Anne couchée dans un lit à panneaux gothiques, provenant certainement d'un groupe de la Nativité de la sainte Vierge. Puis un petit saint Thébeau en chape, mitre et crosse, à cheval sur un cerf. Presque en face est un tableau de saint Nicolas, à genoux devant la sainte Vierge, saint Joseph et l'Enfant Jésus ; à ses pieds il a les trois petits enfants qu'il vient de ressusciter. Les sablières, ou corniches sculptées sont couvertes de feuillages, griffons, masques, dans le style de la Renaissance et portent un blason avec les armes et la crosse d'un abbé " (l'abbé Abgrall, 1901).

 

Voici ce que dit l'historien P. LEVOT :

C'est à Daoulas, qui ne semble pas avoir eu, avant cette époque, de nom connu, que se passa, au VIème siècle, le drame raconté par Albert Le Grand dans la vie de saint Joevin ou Jaoua, désigné habituellement sous ce dernier nom.

Alors vivait au château de Keraroué, en Cornouaille, un seigneur nommé Arastagn, chrétien fervent et bienfaiteur des moines dont son neveu, seigneur du Faou, était l'ennemi acharné et le persécuteur. Ce dernier était particulièrement hostile à l'apôtre irlandais Jaoua qui évangélisait avec un grand succès la commune de Braspartz et les environs. Informé un jour que les supérieurs des monastères de la Cornouaille devaient se réunir en conférence dans une église voisine, et que les abbés Tadecq et Judulus devaient, ainsi que Jaoua, faire partie de la réunion, le sire du Faou accourt avec une bande de soldats, enfonce les portes, chasse le peuple et massacre saint Tadecq qui célébrait la grand'messe. Poursuivant ensuite Judulus qui s'efforçait de regagner son monastère, il l'atteignit et « lui avala la teste d'un coup d'espée ». Jaoua fut assez heureux pour arriver, sain et sauf, à Braspartz.

Possédé aussitôt du démon, le meurtrier sacrilège dut être garotté pour être reconduit chez lui. La colère divine se manifesta bientôt par l'envoi d'un dragon qui ravagea le Faou et les environs, dévorant hommes et bêtes, si bien qu'en peu de temps le pays devint un véritable désert. Une députation fut envoyée à l'évêque saint Paul de Léon qui vint en personne exorciser et catéchiser le possédé, après quoi il le fit baptiser par saint Jaoua et fut lui-même son parrain. En signe de repentir, le néophyte bâtit une église ou chapelle et un monastère à l'endroit même où il avait tué Tadecq et Judulus ; et pour perpétuer le souvenir de son double meurtre, il donna au monastère le nom de Mouster Daou-glas (par contraction Daoulas, monastère des deux meurtres ou des deux plaies). Ce souvenir s'est si bien conservé que, de nos jours encore, toutes les fois qu'une altercation s'élève entre les habitants de Daoulas et leurs voisins, ceux-ci, pour peu que la colère s'échauffe, jettent à la face de leurs adversaires, cette apostrophe qui est loin d'amener une pacification : « Gric daoulasic! Silence les deux assassins ! » (Note : Voici, selon une autre tradition, l'origine de ce cri. Le double crime du seigneur du Faou ayant provoqué l'indignation et les murmures des assistants, il les comprima en prononçant ces paroles et en brandissant son épée ensanglantée. En mentionnant cette tradition, nous sommes loin de lui reconnaître une base solide. Il nous semble, en effet, impossible que le meurtrier eût appliqué à des assistants inoffensifs et innocents du double crime qu'il venait de commettre, une qualification qui ne s'appliquait qu'à lui-même, et qui, d'ailleurs, n'a pu être que postérieure à l'évènement) — Saint Jaoua, qui fut chargé de la construction de l'église et du monastère, s'acquitta de sa mission de manière à prouver, a-t-on dit, qu'il était bon architecte.

La simple mention du meurtre des deux moines consignée dans le Propre de Léon (2 mars) ne suffisait pas à Albert Le Grand. Aussi l'a-t-il développée avec sa fécondité ordinaire, fécondité qui a donné lieu à D. Lobineau, dans ses Vies des Saints de Bretagne (p. 71), de rejeter comme faux et ridicules les faits racontés par son devancier.

D'après une autre version, le meurtrier auquel l'église et le monastère devaient leur nom, aurait été Guyomarc'h IV, comte de Léon. Jaloux de son frère Hamon, évêque de Léon, il l'assassina, le 25 janvier 1171, et c'est en expiation de son fratricide qu'il aurait fondé en 1173 l'abbaye de Daoulas.

L'étymologie ci-dessus du nom de Daoulas est contestée par l'auteur de l'article consacré à cette localité dans la réédition du Dictionnaire d'Ogée. « Il faut remarquer, dit-il, qu'une ville du nom de Daoulas se trouve aussi au pays de Galles, et que, peut être, le Daoulas de Bretagne n'est autre chose qu'une réminiscence de celui du pays de Galles, réminiscence importée par les émigrants de ce pays. Dans ce cas, il serait fort inutile de chercher dans notre histoire les deux meurtriers dont il s'agit ». Voici du reste une autre hypothèse : « Davies donne comme traduction du mot Dulas : Niger ad coeruloeum declinans », noir tirant sur le bleu. Serait-il improbable que Daoulas, en breton Daulas, ait emprunté son nom à la couleur du terrain sur lequel il fut assis ? On a de nombreux exemples d'une telle étymologie La couleur de la grauwake schisteuse qui forme le sous-sol de ce pays et celle du granit de kersanton n'aident-elles pas à cette supposition ? 

C'est, selon nous, aller chercher bien loin des étymologies hypothétiques — leur auteur en convient —, alors que les faits en indiquent une autre toute naturelle, et, ajoutons-le, toute justifiée. On ne saurait, en effet, contester la fondation par le sire du Faou, au VIème siècle, d'un monument expiatoire de son double crime (église ou chapelle), monument dont le nom en aurait consacré le souvenir, et qui, tombant en ruines six cents ans plus tard, ou détruit par les Normands au IXème ou au Xème siècle, comme le fait observer M. de Blois (Dictionnaire d'Ogée, nouv., édit., T. II, p. 215), fut réédifié par Guyomarc'h VI, lequel y ajouta une abbaye, et ce n'est pas forcer le sens des mots que d'interpréter ainsi ceux qui sont employés dans ces deux passages du Chronicon britannicum (D. Morice, Pr., T. I., col. 104 et 105), MCLXVII. Incepta est ecclesia apud Daoulas Bernardo proesule Corisopitensi proesente et confirmante — MCLXXIIIl. Facta est abbatia apud Daoulas tempore Gauffredi episcopi Corisopitensis. Du rapprochement de ces deux textes on peut conclure, en ce qui concerne l'église, que le nom de Daoulas mentionné dès 1167, et impliquant l'idée d'un double crime, n'a pu être suggéré par l'assassinat de l'évêque Hamon, assassinat isolé, et consommé d'ailleurs quatre ans plus tard. Quant à la fondation de l'abbaye, elle a eu pour cause le meurtre de l'évêque Hamon, et dans l'acte de 1173 (D. Morice, Pr., col. 166), elle est représentée comme inspirée à ses auteurs Guyomarc'h VI, sa femme Nobilis (sa noble épouse ?) et ses fils Guyomarc'h et Hervé, comme un avertissement de Dieu (divino admonitu) — allusion à des événements qui, selon Albert Le Grand, auraient été des prodiges avant-coureurs de la colère de Dieu. — Mais si elle fut accomplie par le coupable pour l'apaisement de sa conscience, il est permis de croire que cet acte ne fut pas entièrement spontané, et que celui qui, d'après un vieux chroniqueur, ne craignait ni Dieu ni les hommes, avait bien pu, en cette circonstance, céder aux exigences du roi d'Angleterre Henri II, qui lui imposa cette expiation et ne renonça qu'à cette condition à tirer vengeance de son crime, ce qui lui eût été facile tant l'indignation était grande dans le pays contre Guyomarc'h.

La fondation de l'abbaye aurait été antérieure de quarante-huit ans à 1173 d'après Dom Louis Pinson, chanoine régulier à Daoulas, lors de l'union de l'abbaye au séminaire des Jésuites de Brest, et auteur d'une histoire inédite de cette abbaye, dédiée en 1703 au prince de Rohan-Chabot, et ayant pour titre : Histoire succincte et abrégée de l'abbaïe de Daoulas, fidellement recherchée sur les anciens mémoires et contrats de la maison de Rohan, pour servir d'instruction sur sa fondation primordiale et ce qui s'est depuis passé entre les RR. PP. Jésuites et les chanoines réguliers de cette abbaye, les contrats, bulles accordés au sujet de sa réunion au séminaire royal de la marine étably à Brest sous le bon plaisir et agrément du plus puissant, du plus souverain roy Louis XI V, fils aisné de l'Eglise (Note : Il existe diverses copies de cette histoire. Nous en possédons une, reproduction de celle que M. de Blois a faite, d'après le manuscrit trouvé, il y a quelques années, par MM. de Pompery dans leur manoir de Rosnoën. Notre copie a été conférée avec une autre appartenant à notre regretté confrère, M. Miorcec de Kerdanet, et qui contient des additions ou rectifications dont nous avons utilement fait usage).

Après avoir fixé à 1125 la date de la fondation de l'abbaye, D. Pinson ajoute que cette date aurait même pu être reportée à 1101 d'après un vieux martyrologe de l'abbaye dont lui avait parlé M. de Plaisance, prieur claustral, lequel lui avait dit l'y avoir vue mentionnée, ce que lui Pinson n'avait pu vérifier personnellement, par suite des lacunes du manuscrit, ceux qui ne pouvoient le lire s'en étant servis à des usages qui ne convenaient pas à son mérite. En assignant l'année 1125 comme celle où les chanoines réguliers furent établis à Daoulas, par Alain Ier, vicomte de Rohan, il ajoute que ce seigneur les dota de très-grands revenus. L'erreur de D. Pinson provient très vraisemblablement de ce qu'il ne connaissait pas l'acte de 1173, résumé seulement, et sans date, dans celui de 1186, le premier qu'il mentionne parmi les chartes insérées ou analysées à la suite de son histoire. Cette erreur est d'autant plus étrange que, comme il en convient lui-même, Dom Audren lui avait signalé l'existence de l'acte de 1173, et qu'au lieu de faire usage de cette communication, il a préféré s'en tenir au Catalogue historique et chronologique des évêques de Bretagne, par Albert Le Grand, p. 173. En persistant à maintenir la date de 1125, D. Pinson a confondu deux faits distincts. Il est bien vrai qu'en 1125, Alain Ier, vicomte de Rohan, connu par plusieurs fondations pieuses, fit construire pour les religieux qui desservaient l'église une maison destinée vraisemblablement à en remplacer une du VIème siècle, mais là se borna sa fondation, à laquelle toutefois il put attacher quelques revenus. C'est en raison de cette fondation, appelée primordiale dans l'histoire de D. Pinson et dans maints titres de l'abbaye, que cette dernière avait continué, même lorsque son revenu dépassait la somme de 17,000 livres, à être taxée en cour de Rome à la modique redevance de 8 florins pour les bulles. C'est par le même motif que Dom Lubin, religieux augustin réformé, qui avait une connaissance approfondie de tout ce qui concernait les bénéfices de France, a adopté la date de 1125 dans sa Suite au grand Pouillé de France. Paris, 1671, in-12. On doit en dire autant du P. Toussaint de Saint-Luc, d'après lequel, « quoique la fondation de l'abbaïe de Daoulas ait été faite dès l'an 1125 par Alain, vicomte de Rohan, et Constance de Bretagne, son épouse, les chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin n'y entrèrent que l'an 1168 (Mémoires sur l'état du clergé et de la noblesse de Bretagne, par le P. Toussaint de Saint-Luc, carme de Bretagne, 1ère partie, p. 88. Paris, Prignard, 1691, in-8°) ». Si le P. Toussaint de Saint-Luc commet deux erreurs, l'une en faisant de Constance de Bretagne la femme d'Alain Ier de Rohan, tandis qu'elle fut mariée à son petit-fils, Alain III, et en confondant la reconstruction de l'église avec l'établissement d'un chapitre de chanoines, la date de 1125 n'en subsiste pas moins comme celle de la fondation primitive de l'abbaye.

En résumé, tout ce qui précède conduit à conclure que l'église bâtie au VIème siècle par le seigneur du Faou, fut reconstruite en 1167 par Guyomarc'h VI, vicomte de Léon, et qu'en 1173 ce même Guyomarc'h fonda un chapitre de chanoines réguliers de l'ordre de Saint-Augustin dans l'abbaye édifiée en 1125 par Alain Ier, vicomte de Rohan.

Des dix monastères de chanoines réguliers fondés en Bretagne depuis l'an 1024, celui de Daoulas était le neuvième en date et celui de Beauport le dixième (1202). L'abbé Bergier (Dictionnaire de Théologie, T. Ier, p. 482. Lille, Lefort, 1844, in-8°) déduit ainsi les causes de ces fondations : « C'est sur la fin du XIème siècle, ou au commencement du XIIème, que se formèrent ces congrégations de chanoines réguliers de Saint-Augustin, si variées et portant différents noms. Comme le clergé séculier était alors dégradé par l'ignorance et le relâchement des moeurs, les ecclésiastiques les plus sages comprirent que le seul moyen de remédier à ce malheur était d'imiter la piété et les vertus qui régnaient dans les cloîtres ».

Ce n'est pas ici le lieu d'examiner si les religieux de l'ordre de Saint-Augustin étaient fondés à invoquer des bulles des papes Eugène IV, Benoît XII, Pie IV, Sixte IV et Pie V pour justifier leurs prétentions à avoir eu pour fondateurs les apôtres eux-mêmes, ni de rechercher si saint Augustin, comme on l'a souvent avancé et contesté, sans jamais résoudre la question, a été religieux et s'il en a institué qui fussent soumis à une règle précise. Ce qui paraît plus certain à cet égard, c'est que, quand le grand docteur était à Hippone, il voulut vivre dans un monastère, comme il l'avait fait à Tagaste, et qu'informé de ce désir, l'évêque Valère, auquel il succéda, lui donna un jardin près de son église où le saint réunit les serviteurs de Dieu qui, comme lui, voulurent vivre dans la pénitence et la pauvreté, après avoir, à son exemple, vendu leur patrimoine et l'avoir distribué aux pauvres. Cette manière de vivre avait continué d'être suivie dans un grand nombre de monastères lorsqu'en 1539, le pape Innocent II en fit l'objet d'une règle fixe dans le Concile de Latran, où il prescrivit aux chanoines réguliers des diverses congrégations de n'en plus former qu'une seule, et de ne porter désormais que des robes blanches, brunes, noires ou presque noires, tandis que jusque-là elles s'habillaient, les unes de blanc, les autres de noir, de rouge, de violet, etc., etc. Cette réforme du vêtement rencontra de fortes oppositions parmi les diverses congrégations de l'ordre. Voulant y mettre un terme, le Pape Alexandre IV réunit cinq d'entre elles, et le cardinal de St-Ange, son légat, les fondit de leur consentement, en une seule observance, sous un supérieur général dont ils lui laissèrent la nomination pour la première fois.

Par sa bulle du 9 avril 1256, le Souverain Pontife les maintint dans la pratique de leur voeu de pauvreté absolue avec renoncement à la possession personnelle d'aucun immeuble. Il les dispensa, sur leur demande, de porter le bâton long de cinq palmes qu'ils tenaient à la main. Alexandre IV compléta la réforme somptuaire commencée par Innocent II ; il fit cesser la bigarrure de costume chez des religieux d'un même ordre, leur prescrivit de se vêtir tous de noir, à l'avenir, et enjoignit à ceux qui portaient des habits de couleur différente, de les quitter pour la Toussaint, sous peine d'excommunication. Il semblerait que ces prescriptions furent modifiées à l'égard de quelques-unes des congrégations de chanoines réguliers qui, continuèrent de porter la robe blanche, notamment la plus illustre d'entre elles, celle des Génovéfains. Les chanoines de Daoulas s'y conformèrent strictement. Leur habillement était noir et se composait d'une robe, descendant jusqu'aux pieds, et ceinte d'une large courroie de cuir attachée par une grosse boucle de cuivre. Par dessus l'aube et l'aumusse, placée sur les épaules en forme de manteau, il y avait une chape à laquelle était attachée une capuce dont ils se couvraient la tête. D'abord la chape avait été entièrement fermée et elle n'avait qu'une ouverture sur l'estomac pour le passage des mains ; plus tard on la fendit jusqu'en bas pour plus de commodité.

Lorsqu'un chanoine faisait profession, il souscrivait, en latin, l'obligation suivante : « Je promets à Dieu tout-puissant, à la B. Marie toujours vierge, de vivre dans la chasteté sans bien propre, et je vous promets d'obéir à vous, monsieur le Prieur, et à vos successeurs, selon la règle de saint Augustin et du monastère de Daoulas ».

Comme les Bénédictins et les Chartreux, les chanoines réguliers de Saint-Augustin conservaient leur nom de famille après leur entrée en religion, et le faisaient précéder de la syllabe Dom, abréviation de Dominus (Monsieur) et quand on leur parlait, cette dernière qualification était employée.

A une époque que nous ne saurions préciser, mais voisine probablement de sa fondation, l'abbaye de Daoulas contracta une sorte d'affiliation avec celle de Bon-Repos, de l'ordre de Cîteaux, fondée en 1184 par Alain III, vicomte de Rohan, et Constance de Bretagne, sa femme. Les principales conditions étaient les suivantes : 1° Les chanoines de Daoulas se réservent leurs chambres dans l'abbaye et leurs places dans le choeur, savoir : le prieur noir, la droite, et le prieur blanc, la gauche ; — 2° les chanoines toucheront les blancs aux processions et assemblées ; le prieur blanc marchera à la gauche du prieur noir ou du plus ancien des noirs ; — 3° à la mort d'un des chanoines de Daoulas, ses confrères lui succéderont dans la moitié de ses effets, et les blancs dans l'autre moitié ; — 4° les chanoines de Bon-Repos auront les bénéfices qui viendront à vaquer, moyennant une somme, par forme de pension, ou d'indemnité qu'ils paieront à leurs confrères de Daoulas ; — 5° ils se réservent aussi les ornements, le trésor, la batterie de cuisine et les meubles de la communauté de Daoulas, sauf les meubles qui garnissent les chambres des religieux de Daoulas et leur appartement.

Le prieur et les chanoines noirs appartenaient à l'abbaye de Daoulas, et les blancs à celle de Bon-Repos, de l'ordre de Cîteaux, dont les religieux, d'abord habillés de brun, avaient adopté le blanc du temps de l'abbé Albéric, auquel la Vierge était apparue et avait donné un habit de cette dernière couleur.

Les religieux Augustins étaient habiles, d'après quelques conciles, à jouir de prieurés-cures, c'est-à-dire ayant charge d'âmes, sans être pour cela de véritables pasteurs des paroisses où ces bénéfices étaient situés. Les abbés étaient curés primitifs ou recteurs et gros décimateurs de l'église de Daoulas qui servait aux fonctions curiales, et, comme gros décimateurs, ils percevaient les grosses dîmes, ne laissant que les menues et vertes dîmes, ainsi que les novales, au curé ou à son vicaire, auxquels ils payaient alors la portion congrue, fixée au chiffre annuel de 200 livres par l'ordonnance de 1621 pour les vicaires perpétuels ou curés de Bretagne « plus les offrandes, droits casuels et fondations d'obit, mais non les petits devoirs et autres droits des curés ». La perception des grosses dîmes obligeait les abbés aux réparations du choeur et à la fourniture des livres et ornements nécessaires au service divin. Enfin, sous le nom de décimes, ils prélevaient une part sur les revenus temporels des bénéfices et des prébendes, ou moindres bénéfices, qu'ils fussent possédés par les chanoines ou affermés à des prêtres séculiers.

Grâce aux libéralités des seigneurs de Léon et des évêques de Cornouaille, l'abbaye et les chanoines jouissaient de grands revenus et de prérogatives ou droits importants. La principale fondation connue est celle de 1173, confirmée et augmentée par les successeurs de Guyomarc'h VI et les évêques de Cornouaille en 1186, 1218, 1266, 1317 et 1367.

De ces divers actes il résulte que l'abbé et les chanoines avaient la dîme (sans indication de nature et de quotité) dans les paroisses de Sizun (Note : Au mois d'avril 1233, l'abbaye de Daoulas abandonna ses dimes sur Sizun et ses décimes sur Irvillac, à l'abbaye du Relecq, en échange de la maison de la Trinité que cette dernière possédait à Daoulas. L'abbaye fit aussi abandon des terres dont elle était propriétaire à Kermadiou), Roscanvel, Rumengol, Trédizel, Plougastel, Plouguin ; la dîme à la dix-huitième gerbe sur plusieurs villages en Irvillac ; les décimes en Plouguin et Coat-Méal ; le quart des décimes sur la terre de Loshoarn, en Irvillac ; l'étang de Mezlac et son moulin ; deux moulins à Daoulas avec la moitié de l'eau ; un droit sur la cervoise (espèce de bière) consommée au château ; un demi-cyathe de miel [Note : Le cyathe, dont il est souvent parlé dans les actes de Bretagne, était, d'après les notes manuscrites de Dom Le Duc sur le Cartulaire de Quimperlé, une mesure contenant six pintes (Prolégomènes du Cartulaire de Redon, par A. de Courson, p. cccxxv). Peut être cette mesure s'appliquait-elle dans le Léon, dit M. de Courson, et dans la Cornouaille, ajouterons-nous. — M. Aurès, correspondant du ministère de l'instruction publique, à Nîmes, infère d'un très-grand nombre de passages empruntés à Horace, Martial, Juvénal, Plaute, Pline, etc., que le cyathe romain n'était pas un vase à boire ou coupe, comme on l'a souvent prétendu, mais tantôt une mesure, tantôt un ustensile qui servait soit à prendre le vin dans les cratères soit à le verser directement dans les coupes (Revue des Sociétés savantes des départements, Ve série, T. VII, pp. 181-202)] sur la terre de Lanvadur, en Irvillac ; six setiers de froment, par an, en Plabennec, etc. D'après l'acte de 1173, le chanoine qui célébrait la messe au château, y mangeait chaque jour.

En 1186, Henri III de Léon accorda à l'abbaye trois pétrées ou perrées de froment à prendre, dans la terre du Juch, et dues, ainsi que la dîme, à la dix-huitième gerbe sur cinq convenants au village et dans la seigneurie de Rosserf, en Plougastel-Daoulas. Toutefois, en 1585, M. de Liscoët, seigneur de Rosserf, sans reconnaître la légitimité de cette dîme, mais mû seulement par un sentiment de piété, donna aux religieux deux écus ou cent sous de rentes à prendre sur la seigneurie de Kergoët ou le lieu de Rosserf, pour l'entretien et l'augmentation de l'abbaye. Les religieux, de leur côté, se désistèrent du droit de champart qu'ils exerçaient dans la montagne de St-Claude, droit qu'ils reconnurent appartenir à M. de Liscoët.

En 1266, Hervé V de Léon, le dissipateur, consentit à ce que tout ce que l'abbaye avait acquis de son fait depuis la mort de son père en 1264, fût possédé par elle comme fief laïque, si, avant la Toussaint, il ne s'était pas acquitté envers elle de ce qu'il devait, ce qui n'eut probablement pas lieu.

Hervé VI, vicomte de Léon et seigneur de Noyon-sur-Andelle, lequel fut le bienfaiteur des abbayes de Landévennec et de Saint-Matthieu, n'oublia pas celle de Daoulas. En 1317, le dimanche après la Quasimodo, il donna à l'abbaye quatre mesures de vin de Gascogne, mesure de Landévennec, à l'usage des huit chanoines ou frères qui célébraient les offices aux fêtes de Noël, de Pâques, de l'Ascension, de la Pentecôte, de l'Assomption, et à ceux qui assisteraient les mêmes jours de fêtes à la célébration d'une messe du Saint-Esprit ou à une messe de morts avec vêpres, vigile et les prières accoutumées, pour le repos de l'âme de son père, de ses prédécesseurs et de ses successeurs. S'il arrivait que la mesure de Landévennec ne fût pas suffisante, la quantité de vin assignée par le fondateur serait complétée au moyen des droits de cohue et d'étaux du vicomte à Daoulas. Et pour qu'il fût fait de ce vin un usage plus honorable, le seigneur de Noyon donna à l'abbaye un grand calice d'argent pesant, avec son pied, environ trente cinq marcs, à condition que ce calice ne pourrait être ni aliéné ni transféré ailleurs, si ce n'est pour le rachat de ceux qui seraient captifs par suite de pèlerinages à la Terre-Sainte, ou pour sa délivrance. La destination de ce calice ne pourrait être changée que du consentement du vicomte, de ses successeurs et du chapitre de la cathédrale de Quimper. Si les abbés et les religieux ne célébraient pas les offices comme il a été dit, ou si, tout en n'aliénant pas le calice, ils le faisaient servir à d'autres usages, le vicomte pourrait leur retirer ses donations comme à des indignes. Si l'abbé ne pouvait ou ne voulait fournir le vin, les jours ci-dessus indiqués, le vicomte s'engageait pour lui et ses successeurs à le fournir lui-même.

En 1337, l'année même de sa mort, le seigneur de Noyon donna à l'abbaye une rente de 60 livres assise sur ses moulins et cohues de Daoulas, à charge de desservir chaque jour deux messes, l'une de Requiem, avec notes, qui serait célébrée de son vivant, pour le repos de l'âme de son père et de Marguerite de Rais, sa défunte épouse ; l'autre, sans notes, qui serait célébrée, après prime, pour le repos de son âme et de celle de ses prédécesseurs et successeurs, et qui alternerait de manière qu'un jour elle fût dite en l'honneur de la Sainte-Vierge, et l'autre jour en l'honneur du Saint-Esprit.

L'abbé et les religieux de Daoulas jouissaient de droits et prérogatives très-étendus. Comme seigneurs hauts-justiciers, ils nommaient leurs officiers de justice et les gardes des bois de l'abbaye. Les fourches patibulaires de leur juridiction étaient dressées dans plusieurs communes, mais particulièrement à Saint-Eloi, en Irvillac. Ces patibulaires étaient tombées depuis quinze ans, lorsque, le 13 mai 1567, le roi Charles IX permit à l'abbé Jean Prédour de les relever, en même temps qu'il l'autorisa à établir des foires au Fresq. Ils avaient aussi à Daoulas et dans d'autres paroisses le droit de cohuage et de boutiques, foires et marchés, de mortuage, de four banal, de moulin, de pêche, de chasse, poids, mesures, étalonnage, champart (ou part du champ, part évaluée généralement au vingtième des récoltes), corvées, écobues, etc. Le champart, indépendant de la dîme, s'exerçait concurremment avec elle, à la sixième gerbe, sur la terre de Coatmenech-Huella, en Tréhou. Il s'exerçait aussi dans la montagne de Saint-Claude ; mais, comme nous l'avons vu, l'abbaye se désista, en 1585, de ce droit qu'elle reconnut appartenir à M. de Liscoët.

Le mortuage, qu'on appelait aussi neufme, était un droit dont la perception donna lieu, en Bretagne, à de longues dissensions intestines, qu'il n'est peut-être pas hors de propos de résumer ici. A l'origine, le mortuage s'exerçait au profit des seigneurs qui s'appropriaient tous les meubles du premier mourant des mariés. Les nobles furent dépouillés de ce droit, en 1127, par le Concile de Nantes, qui l'attribua au clergé sous le nom de tierçage, ou tiers des meubles des décédés pour prix de leur sépulture. D'après le savant Hévin, cette redevance aurait été établie afin da procurer aux recteurs des paroisses des moyens suffisants de subsistance, et comme dédommagement de la perte de leurs dîmes usurpées par les seigneurs. Pierre Mauclerc, si ardent à battre en brèche la puissance temporelle du clergé, ne pouvait manquer de poursuivre l'abolition de ce droit, et en cela, il était d'accord avec le pays, où le tierçage était l'objet d'une réprobation générale. Aussi, dans l'assemblée de la noblesse qu'il convoqua à Redon, en 1227, jura-t-il, et ses barons avec lui, de ne plus acquitter le jugement des morts ou droit de tierçage. Les baillis firent en conséquence prêter le même serment aux juges subalternes de la province ; mais Pierre, pour se soustraire aux effets de l'excommunication fulminée contre lui, le 29 mai 1228, par le pape Grégoire IX, transigea avec le clergé qui continua de percevoir le tierçage, non sans obstacle toutefois de la part de ceux sur lesquels il pesait. Il y avait en effet chez le peuple une opposition entretenue par la noblesse, irritée d'être assujettie à une redevance qu'elle percevait autrefois à son profit exclusif. De là des troubles continuels. Ils prirent un caractère tel que, pour y mettre un terme, et en prévenir le retour, le duc Arthur II recourut à l'arbitrage du pape Clément V qui, par sa bulle datée d'Avignon, le 27 juin 1309, réduisit le tierçage au neufme, c'est-à-dire à la neuvième partie des biens meubles des décédés.

Voulant que cette bulle devînt loi du duché, Arthur la soumit à l'acceptation d'un parlement qu'il convoqua à Ploërmel, dans le courant de la même année, parlement où, pour la première fois, il est fait mention des trois Etats. Ce serait donc de 1309 que daterait l'admission du peuple breton à discuter ses intérêts, et sa représentation fut vraisemblablement motivée moins par celui qu'il avait dans la question, que par le désir qu'avaient le duc et la noblesse de s'en faire un auxiliaire contre le clergé. Mais si ce désir accidentel avait pour résultat de préparer son émancipation, il ne devait pas en recueillir immédiatement les fruits, car le clergé et la noblesse, qui s'étaient rapprochés avant la réunion des Etats, le sacrifièrent en approuvant la bulle du Pape portant en substance : à la mort d'un paroissien, le prévôt, l'alloué, ou tout autre officier du duc ou du seigneur temporel du défunt, devait procéder, sous quinzaine, à l'inventaire de ses meubles, à la requête de son recteur, et en présence de ce dernier, d'un recteur voisin, du survivant des époux, des héritiers et des exécuteurs testamentaires, obligés, les uns comme les autres, d'affirmer sous serment qu'ils n'avaient rien celé des meubles composant la succession. Pareil serment pouvait être exigé par le recteur de ceux qu'il soupçonnait d'en avoir distrait, et il avait le droit de citer devant les juges ecclésiastiques les héritiers ou détenteurs qui ne lui feraient pas raison. L'inventaire terminé, le recteur prenait le neuvième de l'actif, déduction faite des dettes. Ceux des nobles qui étaient affranchis du tierçage le furent du neufme. Quant aux roturiers, il n'y eut d'exception qu'en faveur de ceux qui ne possédaient pas une valeur de quarante sous en meubles. Le parlement de Bretagne, par son arrêt de règlement du 16 mars 1539, réduisit le neufme à la neuvième partie du tiers des meubles de là communauté du décédé, les frais funéraires et le tiers des dettes préalablement payés, et, par celui du 13 décembre 1676, il décida que le neufme, tenant lieu de dîmes, ne pouvait pas être perçu par les recteurs ou vicaires perpétuels décimateurs ou à portion congrue.

Dans le peu de titres qui restent de l'abbaye, nous avons trouvé passim la mention des diverses rentes ou redevances dues à l'abbaye, telles que dîmes et prémices de blé à la trente-sixième gerbe dues en Logonna et affermées 600 livres en 1753 ; la redevance de trois rais d'avoine que devaient annuellement les seigneuries du Faou, d'Irvillac et de Logonna, et le tiers du droit de passage de Saint-Jean ou de Treis-quinet, aujourd'hui connu sous le nom de Passage de Plougastel. Ce passage dépendait du fief du Châtel, envers lequel il était assujetti à une chefrente de 18 sous monnaie. Ce droit était indivis et s'exerçait au profit de l'abbaye, qui l'affermait le lundi, le mercredi et le samedi de chaque semaine. En 1399, messire Hervé de Kerlec'h avait assigné à l'abbaye une rente sur ce passage, à condition de trois messes, et deux ans après, son fils Guillaume avait constitué une rente de 4 livres sur ce même passage. En 1407, le seigneur du Châtel avait approuvé la jouissance par l'abbaye du tiers du droit de passage que lui avait légué la famille de Kerlec'h.

L'abbaye avait le droit de prévôté et l'exerçait à Pontois, Ploudiry, Sizun, Forquilly, Logonna, où elle nommait des prévôts chargés du recouvrement de ses revenus de toute espèce.

La juridiction de la prévôté de Pontois semble s'être étendue sur les paroisses de Ploudiry, La Martyre, sa trêve le Tréhou et Sizun.

Les prévôtés de Ploudiry et de Sizun avaient été données à l'abbaye par Hervé du Plessis et Alain Le Scauff, ou l'un d'eux seulement, à charge de prières, et relevaient probablement de la seigneurie de Rohan, puisque l'abbaye lui en fournit des aveux dans les XIVème, XVème et XVIème siècles.

Le prévôté féodée de Forquilly avait, croit-on, été donnée à l'abbaye par Amice de Forquilly et devait relever de la seigneurie d'Irvillac, où elle était située. Elle consistait en une rente d'un boisseau d'avoine, d'une journée de corvée à bras, de 79 sous en argent et en droit de cosissage ou cossisage — nous en ignorons la nature — dû par les colons au seigneur. Un vieux titre nous apprend qu'à Forquilly, comme au bourg trévial du Fresq et à celui de Saint-Eloy, situé également en Irvillac, un droit de prévôté à la dix-huitième gerbe de blé était dû à l'abbé.

Le droit de prévôté de l'abbaye, en Logonna, consistait dans le onzième des deniers et fruits sur les villages situés dans cette prévôté. L'abbaye ayant été accusée d'avoir usurpé le droit de prévôté au village du Rest sur le mineur de Kerguern, une transaction eut lieu en 1513, transaction par laquelle ce dernier lui vendit le tenement ou convenant de Botonen, plus tard Bodon.

Des titres de l'abbaye constatent qu'elle avait le droit de tenir un collège ou école à Daoulas, à l'exclusion de tout autre, et que nul n'en pouvait tenir à une lieue à la ronde sans la permission de l'abbé et des chanoines.

Enfin l'abbé jouissait du droit d'offrandes dans plusieurs églises et chapelles, notamment dans la chapelle de la Fontaine-Blanche, paroisse de Plougastel, et il avait droit aux honneurs, préséances, enfeux et armoiries dans l'église de Daoulas, dans celle de la trêve de Trévarn, en Saint-Urbain, et probablement ailleurs.

Les évêques de Cornouaille avaient, de leur côté, fait à l'abbaye de Daoulas des libéralités plus importantes que celles de ses fondateurs. L'évêque Geoffroy, présent à l'acte de 1173, avait, du consentement de son chapitre, concédé à l'abbé et aux religieux, pour jouir à perpétuité des droits paroissiaux et émoluments y attachés, le droit épiscopal réservé, les bénéfices ou prébendes de Daoulas, Dirinon, Rumengol, de l'église appelée la Rose des Moines, de l'hôpital Saint-Jacob et de celui de Treis-Quinet (Camfrout). Le prélat avait en outre, avec l'agrément de son chapitre, décidé qu'en cas de mort d'un chanoine de Quimper, les revenus de sa prébende appartiendraient, pendant une année entière, aux chanoines de Daoulas qui seraient tenus de célébrer un anniversaire pour le repos de l'âme du défunt. Le prieur du chapitre de Quimper ayant voulu, en 1244, prélever quarante jours sur le produit des annates vacantes par la mort des chanoines de la cathédrale, l'évêque Rainaud le débouta de ses prétentions. Les chanoines de Daoulas, en reconnaissance des bienfaits de l'évêque Geoffroy, s'obligèrent à admettre dans leur couvent tout chanoine de la cathédrale, qui, lassé de la vie du monde, voudrait se retirer dans la solitude à Daoulas, pour mieux se préparer à son salut. En retour de cette hospitalité, une véritable confraternité s'établit entre les chanoines de Quimper et ceux de Daoulas, ces derniers ayant, de leur côté, obtenu le droit d'être admis, en habit canonial, aux honneurs du choeur dans la cathédrale. En 1218, l'évêque Guillaume confirma ces dons et y ajouta ceux des églises ou chapelles de Plougastel, de Sainte-Brigitte, en Loperhet ; de Sainte-Nonne, en Dirinon ; de Saint-Thomas, à Landerneau ; de Saint-Baharn, de Saint-Pierre et de Sainte-Monique, en Irvillac ; la paroisse de Daoulas, la moitié des dîmes de Roscanvel, et une petite dîme en Irvillac.

En 1235, l'évêque Rainaud régularisa le gouvernement de l'abbaye. Par convention entre lui, le prieur et les chanoines, ces derniers s'obligèrent à ne conférer aucun de leurs bénéfices, à charge d'âmes, à des prêtres séculiers, soit à pension ferme et stable, soit à pension annuelle, mais à en pourvoir des chanoines de leur congrégation qui prélèveraient pour leur nourriture et leur habillement une partie du revenu du bénéfice et remettraient l'excédant pour les besoins du monastère, selon que le prieur en ordonnerait ; mais l'insuffisance du nombre de chanoines, eu égard au nombre de bénéfices à desservir, ne permit pas toujours d'accomplir strictement ces obligations.

L'abbaye jouissait enfin des annates des prébendes, ou plutôt des paroisses ou trêves de Bannalec, Berrien, Beuzec-Cap-Sizun, Carnoët, Kerfeunteun, Landeleau, Nevet, Ploumodiern, Plozévet, Scaër, Spézet, etc.

Des diverses fondations et dons faits à l'abbaye, il résulte qu'elle avait le droit de présentation à l'évêque collateur, sans partage avec le pape et l'ordinaire, comme mouvantaire, aux bénéfices dont voici, d'après Dom Pinson, la nomenclature avec l'indication du revenu de chacun d'eux, en 1703.

DIOCESE DE QUIMPER. 

Daoulas, vicariat perpétuel, desservi dans l'église de l'abbaye et à l'autel abbatial, ………

 300 livres

Hanvec, prieuré-cure ……….

1800 livres

Irvillac,           id. ……..

1500 livres

Logonna,          id ……..

 600 livres

Saint-Thomas de Landerneau, prieuré-cure ……  400 livres
Loperhet et sa trêve ou annexe de Saint-Jacob, id …  600 livres
Camaret,         id. ………                     300 livres
Roscanvel,       id. ………       500 livres
Perguet et Benodet, prieuré-cure, à trois lieues de Quimper, à l'embouchure de l'Odet. …  600 livres
Plougastel, vicariat perpétuel. ………  600 livres
Dirinon,                    id. ………  300 livres

Ce bénéfice avait été uni à la mense canoniale par l'abbé Le Lay, en vertu d'une bulle du pape Alexandre VI, de 1497, qui permit d'y établir, sans avoir recours à l'ordinaire, un chanoine ou prêtre amovible, ayant charge d'âmes, et comptable envers l'abbaye. Celui qui était pourvu de ce bénéfice en 1703 s'y était fait établir par un arrêt du Parlement de Paris en 1681, conformément aux décisions du troisième concile général de Latran, tenu en 1179, par Alexandre III, au concile provincial de Thurange ? et aux édits du roi qui défendaient l'amovibilité des prêtres ayant charge d'âmes.

La Fontaine-Blanche, prieuré simple, appelé dans les titres Rosa monachorum (Rose des moines) ……  200 livres.

DIOCESE DE LEON.

Ploudiry, prieuré-cure, avec ses six trêves de Saint-Julien, Pencran, La Roche-Morice, Pont-Christ, La Martyre et Loc-Eguiner ….  3600 livres. Ce prieuré avait été possédé pendant 133 ans par les abbés commendataires ; mais l'abbaye avait été maintenue en sa possession par sentence du présidial de Quimper, rendue, le 3 juillet 1705, en faveur de Dom Pinson.

Coat-Méal, prieuré-cure, où une cure avait été établie sans autorité ……   400 livres

Camfrout, prieuré simple, aussi nommé Treis-Quinet, au-delà du Passage de Plougastel ………  330 livres

TOTAL des bénéfices et prébendes de l'abbaye ....... 12.000 livres.

 

EGLISE. — Il est de tradition à Daoulas que l'église paroissiale, autrefois celle de l'abbaye, serait bien antérieure au XIIème siècle, et que, même, elle contiendrait encore quelques parties de la construction primitive du VIème siècle. Cette opinion est partagée par M. de Fréminville, qui l'a ainsi développée dans ses Antiquités du Finistère (T. 1er, p. 277-278, et T. II, p. 178-180) :

« L'église de Daoulas tombait en ruines au douzième siècle et on y fit alors des réparations considérables. Au quinzième, elle fut réédifiée presque en entier, et on ne trouve aujourd'hui en elle que des constructions gothiques de cette époque. Cependant il subsiste encore un reste précieux de l'édifice primitif du sixième siècle : c'est une façade à pignon avec un portail condamné aujourd'hui, et qui donne sur une petite cour à l'occident de l'église. Ce portail a trois arcades à pleins cintres, à voussoirs étroits et pressés (type de l'architecture gothique lombarde) ; l'arcade du milieu a un double cintre. Au-dessus sont trois longues fenêtres cintrées dont celle du milieu surpasse les deux autres en hauteur et est pratiquée entre deux contreforts [Voir la planche (Note : Tous les dessins contenus dans cette planche, exécutés en vue d'une restauration de l'église et du cloître de l'ancienne abbaye de Daoulas, sont dus à l'habile et fidèle crayon de M. Gustave Bigot, architecte départemental)]. On reconnaît, dans toute la construction de cette façade, cette bâtarde imitation de l'architecture romane qui caractérise en France nos édifices des premiers siècles de notre ère. On ne peut douter qu'elle ne date réellement du temps de la première fondation de l'abbaye de Daoulas, c'est-à-dire de 540 à 550… Si la construction de l'antique façade dont nous venons de donner la description n'eût daté que de 1173, elle nous eût montré des portiques et des fenêtres en ogives accompagnées de tous les ornements qui caractérisent le gothique oriental, adopté avec autant d'empressement  que d'unanimité par les architectes français après la première croisade (T. 1er, p. 277-278) » — « Les dévastations révolutionnaires ont privé ce monastère de ce qu'il avait de plus important sous le double rapport de l'histoire et de l'antiquité. L'ancien choeur de l'église, actuellement en démolition complète (1835), remontait à l'époque de la fondation primitive du monastère et renfermait en outre les tombeaux des vicomtes de Léon. Les bas-côtés actuels sont des reconstructions du XVème et du XVIème siècle, ainsi que le porche et le portail latéral ; mais on a pu voir, dans la première partie de cet ouvrage, que l'ancien portail, aujourd'hui condamné, était encore un précieux reste de l'édifice primitif. Il en est de même des piliers et des arcades de la nef (T. II, p. 178-179) ».

L'opinion qui précède a été combattue par M. de la Monneraye dans son Essai sur l'histoire de l'architecture religieuse en Bretagne pendant la durée des XIème et XIIème siècles, lu au Congrès de l'Association bretonne, tenu à Saint-Brieuc en 1846 (Bulletin archéologique de l'Association bretonne, T 1er, pp. 41-191).

Dans cet important travail, le savant auteur se livre, au sujet du caractère architectonique de l'église de Daoulas, à un examen approfondi d'où nous extrayons les détails suivants :

« La nef de Daoulas est accompagnée de deux bas-côtés sur lesquels elle s'ouvre par des arcades en plein cintre et à double archivolte. Celles-ci sont portées par des piliers dont la projection horizontale formerait une croix grecque, de manière que chaque face du pilier présente une sorte de pilastre, s'enlevant sur la masse. L'ensemble du pilier est surmonté d'un simple tailloir. Au-dessus, et sur le milieu de chaque arcade, s'ouvre une fenêtre, étroite en dehors et s'évasant en dedans, dont l'arc en plein cintre retombe sur des pieds droits.

« Deux colonnes de fortes proportions placées au bas de la nef, semblent, ainsi que le choeur, des reprises ou reconstructions du XIVème siècle.

« La façade occidentale de l'église, dans laquelle s'ouvre la porte principale, présente au rez-de-chaussée trois arcades en plein cintre. Les deux arcades latérales sont pleines ; leur archivolte est simple et portée par de simples pieds droits couronnés d'un tailloir. Celle du milieu, dans laquelle s'ouvre la porte, offre une double archivolte enveloppée d'une moulure torique. Quatre colonnes surmontées de chapiteaux ornés reçoivent, deux à deux, les retombées de chaque partie de l'archivolte.

« A un peu plus de demi-hauteur de la partie rectangulaire du pignon, il se fait dans le mur une retraite horizontale, sur l'épaisseur de laquelle s'appuient trois arcades bouchées en plein cintre, portées par des pieds droits en tailloir. Celle du milieu, un peu plus haute et plus large que les deux autres, est séparée de chacune d'elles par un contrefort peu saillant qui prend naissance à la retraite sur laquelle il s'appuie comme les arcades. Deux autres contreforts plus larges mais également peu saillants, s'élèvent de terre à toucher les deux arcades latérales au portail et le long des arcades de la façade, jusqu'un peu au-dessous de la naissance de l'aiguille du pignon.

« La façade occidentale, que nous venons de décrire, a semblé à M. de Fréminville la seule partie de l'édifice qui appartînt à une époque antérieure au XVème siècle [Note : Fréminville, Antiquités du Finistère, 1ère partie, p. 277. M. de Fréminville est revenu sur cette opinion dans son second volume sur le Finistère, et après avoir revu le monument, il attribue au VIème siècle les piliers et les arcades de la nef qui ne lui avaient pas d'abord semblé antérieurs au XVème (Antiquité du Finistère, 2ème partie, p. 179)] ; mais en revanche, il l'a fait remonter à une antiquité qui n'est pas moindre que le milieu du VIème siècle « de 540 à 550 ».

« Nous différons quelque peu d'opinion, ainsi qu'on l'a vu plus haut, et cette partie du monument présente, selon nous, tous les caractères architectoniques du XIIème siècle en Bretagne, à la différence des arcades de la nef dont le caractère n'est point d'accord avec l'époque de leur construction. Pour être complètement vrai, nous dirons, au reste, que ces arcades offrent des formes dont la simplicité n'exclut pas la pureté, ni une certaine hardiesse ».

M. Pol de Courcy a, de son côté, donné une description de l'église de Daoulas (Bretagne contemporaine, Finistère, p. 96, Nantes, Charpentier, in-f°, 1867). Elle concorde avec celle qui précède et la complète par les détails suivants : « Un joli porche de la Renaissance a été ajouté le long du collatéral sud. Son arcade, en anse de panier, est surmontée des armes timbrées d'une crosse de l'abbé Jean Prédour, mort en 1573 ; la Vierge, saint Augustin, un coeur à la main, et deux anges, agenouillés sur des consoles, ornent l'extérieur de ce porche dont les parois intérieures sont garnies de niches contenant les statues des apôtres avec la date de 1566. Les voussures des portes du fond sont remplies de feuilles de vigne ; les colonnes sont cannelées en spirale, et la scène de la Nativité remplit le tympan de l'ogive. Tous ces charmants détails sont exécutés en kersanton » (Voir la planche).

A ces descriptions, nous ajouterons les détails suivants qu'a bien voulu nous transmettre M. Galmiche :

« Quoique l'ancienne église de l'abbaye, qui sert actuellement d'église paroissiale, ressemble plutôt à un grand magasin parallélogramme qu'à une église proprement dite, elle était, à en juger par ce que l'on en voit encore, d'un style roman assez pur. Dans le principe, cette église, dont les matériaux provenaient de la carrière du Ros, en Logonna, avait trois nefs dont deux d'égale largeur. Celle de droite a été élargie et son mur prolongé. Le clocher qui reposait sur les piliers du choeur, menaçant ruine, il fut décidé, faute des fonds nécessaires à sa réparation, qu'il serait abattu et que l'église, trop grande pour les besoins de la population, serait raccourcie de toute la partie occupée par le choeur, ce qui fut exécuté, vers 1830, au moyen d'un mur de fond construit par les soins de M. l'architecte Perrot. Sur l'emplacement de l'ancien choeur s'élève une croix de mission d'un effet solennel, entourée qu'elle est des enfeux qui décoraient l'ancien choeur. Dans un coin se voit la pierre tombale consacrée à la mémoire de l'abbé Jégou.

« Les deux portes du fond du porche de l'église, où se voient les statues des douze apôtres, sont ornées de guirlandes de kersanton refouillées avec une élégance semblable à celles du monument funéraire consacré à M. Grandjean dans le cimetière de Brest, et exécuté par M. Poilleu, habile sculpteur de cette ville, lequel, après examen des diverses églises du pays, s'est attaché à en reproduire les principaux détails d'ornementation, ceux surtout du jubé et du porche de l'église du Folgoët ».

Si Dom Pinson s'est complètement abstenu de parler du caractère architectonique de l'église, en revanche, il s'est minutieusement étendu sur sa disposition et son ornementation intérieure. Pas un enfeu, pas un tombeau, pas un écusson ne lui a échappé, et pour qu'il ne restât rien à désirer, il fait connaître la généalogie, parfois même les alliances des bienfaiteurs de l'église et de ceux qui y avaient leur sépulture. Quelque curieuse que soit cette partie de son travail, son étendue nous interdit, de la reproduire intégralement, et nous devons nous borner à en extraire ce qui est indispensable pour qu'on se fasse une idée des richesses que renfermait l'église de Daoulas et dont les traces ont aujourd'hui disparu.

L'église est placée sous l'invocation de la Sainte-Vierge, et la dédicace en fut faite en septembre 1232, par Rainaud, évêque de Quimper, assisté de Cadioc, évêque de Vannes. En 1503, la fête de cette dédicace fut transférée au 5 octobre par décret de Claude de Rohan, évêque de Quimper. En mémoire de cette translation, un office solennel avec octave se célébrait, le 5 octobre, et ce jour était également fêté dans toute la paroisse. Longue de cent quinze pieds, large de dix-neuf et demi, et haute de trente-cinq à trente-six, elle avait une aile de même longueur, et du côté opposé était une chapelle.

Au-dessus du grand autel abbatial était l'une des plus belles vitres qu'on pût voir, et qui était le travail le plus fini de l'église. Exécutée en 1530 par les soins de l'abbé Jégou, elle avait vingt-quatre pieds de hauteur sur seize de largeur. Dans le premier vitrail, l'abbé Jégou était représenté à genoux sur un prie-Dieu, revêtu de ses habits pontificaux, la mitre en tête et la crosse entre les mains. Derrière lui se voyait saint Augustin debout, la mitre aussi en tête, pareillement revêtu de ses habits pontificaux, une Croix pastorale à la main, et présentant l'abbé à N.-S. sur la croix. A côté de l'abbé était un chanoine en surplis et chapé qui avait entre les mains et incliné vers sa poitrine le livre des Evangiles, sur lequel, comme sur le tapis qui recouvrait le prie-Dieu, étaient les armes de l'abbé Jégou. Le collet et les manches de l'habit de dessous de cet abbé et du chanoine étaient rouges, ce qui indiquerait que les prescriptions du pape Alexandre IV n'étaient pas toujours strictement observées.

Dans les dix-neuf vitraux suivants étaient représentés : 1° la cène ; 2° le lavement des pieds. Jésus, aux pieds de saint Pierre, était entouré de ses autres disciples admirant cette humilité ; 3° l'oraison au jardin des Oliviers. Un ange présentait le calice à N.-S., et trois apôtres semblaient endormis. Dans le lointain se voyaient des Juifs se disposant à entrer dans le jardin avec Judas ; 4° Judas donnait le baiser à Jésus qui le recevait avec une ineffable bonté et remettait en même temps à Malchus l'oreille que saint Pierre lui avait coupée ; 5° le Sauveur était conduit par des soldats devant Anne qui l'interrogeait ; 6° il était assis dans le prétoire, la face voilée ; un soldat, un genou en terre et mordant, par dérision, le bout d'un de ses doigts, lui présentait un roseau pendant que deux autres le frappaient ; 7° attaché à une colonne, il était flagellé par deux bourreaux ; 8° assis sur le fût de la colonne, il était couronné d'épines ; 9° Pilate montrait au peuple N.-S., les mains liées, couronné d'épines, et un manteau de pourpre sur les épaules. Un juif de distinction demandait sa mort au nom du peuple ; 10° Pilate, qui était assis sur son tribunal et avait devant lui Jésus dont un grand nombre de Juifs demandaient la mort, se lavait les mains pour exprimer qu'il était innocent de la mort du Juste ; 11° Jésus, suivi de la Véronique, était conduit au Calvaire, vêtu d'une robe de pourpre et lié par une corde qu'un soldat semblait tenir d'une main, tandis que, de l'autre, il le frappait d'un bâton.

Les quatre vitraux suivants, une fois plus grands que les autres, n'en formaient, à bien dire, qu'un seul divisé en quatre compartiments. Le premier était occupé par le bon larron, attaché par des cordes à sa croix, au-dessus de laquelle planait un ange enlevant son âme bienheureuse. Au pied de cette croix étaient deux cavaliers juifs insultant le Sauveur, et plus bas l'une des Maries considérant Jésus d'un air de commisération. Au-dessous était une autre Marie et saint Jean consolant la Vierge, plongée dans la douleur. — Dans le second compartiment était Jésus attaché à sa croix, au pied de laquelle était le soldat Longis lui perçant le flanc de sa lance. A côté était la Madeleine embrassant la croix, et au-dessous trois soldats prêts à s'entr'égorger pour le partage de la robe. —Dans le troisième compartiment était le mauvais larron qu'un bourreau, monté sur une échelle, attachait à sa croix ; près de la bouche du supplicié était le diable, de forme hideuse, lui présentant une croix et attendant son dernier soupir pour emporter son âme perverse. Au pied de la croix étaient deux cavaliers et un bourreau tenant l'échelle sur laquelle était monté celui qui faisait l'exécution. — Le quatrième compartiment représentait un juif monté sur une échelle appliquée à la croix de N.-S., qui semblait mort, et dont deux autres juifs descendaient le corps. Il est surprenant que le peintre eût pu parvenir à figurer dans un si petit espace quarante-cinq personnages avec leurs accessoires.

La grande vitre contenait en outre trente écussons aux armes de Bretagne, mi-partie de Bretagne et de France, de Léon, de Rohan, des principales maisons seigneuriales de Bretagne, et des abbés du Châtel, de Manfuric, Jégou, Petit et Guérault.

Cette vitre, quoique peinte depuis cent soixante-dix ans, à l'époque où écrivait Dom Pinson, était encore si bien conservée alors, qu'on l'aurait cru d'une exécution récente. La foudre, qui avait frappé ce chef-d'oeuvre, l'avait épargné, n'ayant brisé pour se frayer un passage que le haut du deuxième écusson, mi-partie de Bretagne et de France, ce qui ne s'apercevait que fort peu, et c'était en 1695 seulement qu'était tombé le morceau qui bouchait cette fracture.

Au-dessous de cette vitre, à trois pieds de distance de la muraille, était le rétable, de trois pieds deux pouces de haut, sur douze de face, supportant la table du grand autel faite d'une seule pierre de kersanton. Sur ce rétable étaient des sculptures représentant l'Annonciation, la Visitation, la Nativité de Notre-Seigneur, le sommeil de la Vierge, l'adoration des trois rois, la Circoncision et la Purification. Ces sculptures, dorées et damasquinées, étaient d'un fini et d'une légèreté qui ne laissaient rien à désirer. Elles étaient protégées par deux volets. Sur celui du côté de l'Evangile se voyaient la Nativité de la Vierge, sa présentation au temple et sa visitation ; sur celui du côté de l'épître étaient le massacre des Innocents, la fuite en Egypte, et J.-C. dans le temple au milieu des docteurs. La face extérieure de ces volets était aussi ornée de peintures très-fines représentant sainte Anne, la Vierge, sainte Catherine, une autre sainte tenant une plume d'une main, un livre de l'autre, sainte Madeleine et sainte Appoline. Le rétable était surmonté d'une crosse en bois, de seize pieds de hauteur, au sommet de laquelle était appendu le saint ciboire, placé sous un dais ou pavillon. Au-dessus du rétable se voyaient encore deux statues en bois, l'une du côté de l'évangile, représentant la sainte Vierge tenant l'enfant Jésus entre ses bras ; l'autre, du côté de l'épître, consacrée à saint Augustin. Sur la seconde des trois marches par lesquelles on montait à l'autel, était l'enfeu des fondateurs.

A vingt huit pieds de distance de l'autel, à la clôture du choeur où l'on entrait par deux grandes arcades du côté des chapelles du Faou et du Rosaire, se voyaient les tombes des abbés du Châtel, Jean Guérault, Jean de Kerguiziau, René du Louet, Charles Jégou, Jean Prédour, Guy Le Lay et messire de Kérouartz, prieur claustral et recteur de Logonna, mort en 1654, lequel avait bien mérité de l'abbaye en contraignant Mgr de Rieux, abbé commandataire, à refaire un des piliers du clocher qui, faute d'appui suffisant, se serait effondré. Sur toutes ces tombes étaient sculptées les armoiries de ceux qu'elles renfermaient.

Dans l'épaisseur du pilier le plus voisin de la chaire abbatiale, au bout de la tombe de messire de Kérouartz, était un autel non fondé, dédié à sainte Barbe et à sainte Marthe.

Le choeur qui, d'après Dom Pinson, avait vingt-huit pieds de longueur depuis la clôture antérieure jusqu'à celle du côté du crucifix, et seize pieds de largeur, était plus étroit que le reste de l'église, les quatre gros piliers qui soutenaient le clocher dont il était surmonté ayant plus de volume que les autres. La menuiserie, quoique simple, était de fort, bon goût. On la devait, ainsi que le clocher et les cloches, à l'abbé Guy de Manfuric. C'est encore à lui qu'on devait les douze chaises, l'abbatiale comprise, placées à la droite du choeur « bien sculptées et d'un dessin fort mignon ». Du côté gauche, il y en avait onze. De chaque côté, le menuisier en avait ménagé six basses qui, par le moyen de bascules cachées, se relevaient d'elles-mêmes quand on n'y était plus assis. Au plafond du choeur étaient peints les quatre écussons de France, de Bretagne, de Léon et de Rohan ; à la place d'honneur, celui de l'abbé Manfuric de Lezuzan, surmonté de la crosse abbatiale, et aux quatre coins, ceux de ses alliances. A côté de l'écusson de Manfuric était celui de Mgr de Rieux, évêque de Léon, surmonté de la crosse et de la mitre. Ce premier abbé commendataire devait, il paraît, cet honneur à ce qu'il avait fait réparer le clocher. Aux murs et aux lambris se voyaient aussi les armes de plusieurs abbés et de divers princes ou seigneurs.

Dans la nef, au-dessous du crucifix, il y avait deux autels, non fondés, consacrés à la Vierge et à sainte Catherine. Sur le premier, qui était l'autel de la paroisse, on n'exposait pas le Saint-Sacrement que l'on plaçait sur le grand autel abbatial seulement. Les mystères de l'Annonciation, de la Nativité, de la Résurrection, de l'Ascension et du couronnement de la Vierge étaient sculptés en albâtre et en relief sur le rétable de l'autel de sainte Catherine. Les draperies des personnages figurés dans ces cinq mystères étaient d'un fort bon goût.

Aux deux piliers suivants étaient deux autels non fondés ; à droite, celui de saint Erasme, évêque et martyr, tourmenté par ses bourreaux, « à faire horreur et pitié » ; à gauche, celui de saint Yves.

A l'avant-dernier pilier de l'aile du Rosaire, était un autel dédié à Jésus souffrant. Il n'était pas fondé.

Au gauche, au-dessous du crucifix, et un peu au-delà, près de la chaire à prêcher, étaient des tombes portant les armes de la maison de Rosniniven de Keranc'hoet et de celle de Tréanna.

Au dernier pilier, du côté de l'aile du Rosaire, dans la nef, étaient les fonts baptismaux de la paroisse.

A l'extrémité de la nef, au-dessus de la principale porte de l'église, était l'orgue, l'un des plus parfaits de toute la province. C'était un seize pieds au grand corps et huit au positif, ayant écho tout entier et quarante-six jeux. Il était aussi bon que beau. Il avait été terminé en 1672 et exécuté des deniers de la fabrique de la paroisse, des aumônes des habitants et de celles de l'abbaye, par les soins de M. Du Pont, receveur général de l'abbaye et trésorier en charge de l'église.

Au-dessus du choeur et de la toiture était le clocher, supporté par quatre gros piliers en pierre et pourvu de cinq cloches, dont deux étaient fort belles. C'était une aiguille en charpente, recouverte de plomb, et des plus hautes que l'on pût voir, dit Dom Pinson.

Il y avait dans l'église une chapelle appelée la chapelle du Faou, dédiée à saint Gilles et réputée dater de la première fondation, au VIème siècle. On y voyait une vitre dont la forme et l'antiquité accréditaient d'autant plus cette opinion que les armes de cette maison y étaient figurées comme sur une tombe que Dom Pinson avait découverte sous les marches de l'autel. Si les armes de la maison de Rohan n'y figuraient pas, en revanche on en voyait beaucoup d'autres, telles que celles des seigneurs de Vitré, du Châtel, du Rouazle, des abbés de Manfuric, Guérault, etc. Au milieu de cette chapelle, réservée pour la sépulture de quelques bienfaiteurs et des chanoines, était la tombe de l'abbé Etienne Petit , mort en 1425 ou 1432 ; et entre le premier et le second pilier du choeur, celles des puissantes dames Mahault de Kergoët et Blanche de la Ville.

Entre l'arcade où était la chapelle du Faou et la suivante était une tombe portant les armes de la maison de Kerlec'h, dont un membre, nous l'avons vu, avait abandonné à l'abbaye une partie de ses droits sur le passage de Treis-quinet.

L'arcade suivante était occupée par un autel dédié à saint Goulven, évêque de Léon, et fondé en 1598 par François Autret de Kerguiabo, chanoine et prieur de Logonna et de Loperhet, mort en 1605, dont les armes étaient sculptées sur le devant de la pierre d'autel.

Après avoir longuement décrit les armoiries qui se voyaient dans cette chapelle, ainsi que les tombes ou enfeux des familles de Beuzit, de Kervern et de Tréanna, bienfaitrices de l'abbaye, Dom Pinson détaillait les armoiries représentées dans la vitre de cette arcade.

A l'autre arcade était la chapelle de saint Mémor, non fondée, également ornée d'armoiries, et renfermant des tombes concédées en reconnaissance des libéralités faites à l'abbaye par diverses personnes, au nombre desquelles étaient de riches marchands de Landerneau, ce qui avait suggéré à Dom Pinson les réflexions suivantes, quelque peu empreintes de jansénisme : « Au sujet des prééminences dont nous avons parlé, et dont nous parlerons particulièrement dans les articles suivants, il est bon de dire que l'Eglise, de tout temps, a songé à augmenter ses revenus. Véritablement, dans les premiers siècles, elle n'en faisait pas ses principaux soins, et les ministres qui la composaient laissaient la liberté aux premiers fidèles de subvenir à leur nécessité sans aucunement s'en mêler, et sans néanmoins refuser ce qui leur était gratuitement donné. Dans la suite, la vanité des chrétiens a augmenté et flatté davantage le désir des ecclésiastiques d'avoir des biens, et ils n'oublièrent pas de fomenter cette ambition et vanité, en leur représentant qu'ils ne pourraient faire d'actions plus méritoires que de rendre à Dieu, entre les mains de son Eglise, une partie des biens qu'ils en avaient reçus ; que c'était le moyen de se ménager des prières jusqu'à la fin des siècles, et de transmettre leurs noms à la postérité. Voilà de quelles sources sont venues toutes ces belles fondations dont jouissent les prêtres et les églises. Le raffinement a été plus loin. Les moins puissants n'étant pas en état de parvenir à cette immortalité, faute de moyens suffisants, le clergé inventa pour cette sorte de chrétiens ambitieux, les prérogatives, prééminences et premières places dans l'église dont ils honorèrent les fidèles, et qui ont été comme des appas pour les attirer et les porter à leur en marquer de la reconnaissance. Cela s'est pratiqué généralement dans toute l'église, et même dans celle de Daoulas, comme on a pu le remarquer cy-dessus et qu'on le verra dans la suite. Voyez les autres pratiques secrètes de l'Eglise ambitieuse dans le Traité des bénéfices, de Fra-Paolo (Sarpi), religieux servite, et orateur de la République de Venise, traduit par M. Amelot de la Houssaye ».

Après cette boutade, D. Pinson poursuit sa description, que nous allons continuer de résumer.

La chapelle du Rosaire s'appelait d'abord la chapelle de saint Sébastien. Elle n'était alors que de la grandeur de celle du Faou, et ne s'étendait que jusqu'à celle de saint Pierre ; mais une bulle du pape (probablement de Clément VIII) ayant établi à Daoulas une confrérie du Rosaire, prohibitive de toute confrérie semblable à trois lieues à la ronde, elle fut agrandie par les soins des abbés réguliers. Il est à croire que les gentilshommes du voisinage avaient contribué à son agrandissement, car, aux arcs-boutants, entre les fenêtres, on voyait les armes de plusieurs d'entre eux. Plus tard, les paroissiens changèrent l'autel de saint Sébastien en celui du Rosaire dont le retable était parfaitement sculpté. Ce changement dut se faire du temps de l'abbé Le Tellier, abbé commendataire de 1651 à 1666, dont les armes se voyaient au-dessus de l'autel, non qu'il eût contribué à ce changement, mais pour indiquer qu'il s'était opéré pendant sa commende. Toutefois, pour conserver la mémoire de la dédicace primitive de la chapelle, on plaça la statue de saint Sébastien du côté de l'évangile, et celle de saint Roch du côté de l'épître. Comme les autres chapelles, celle du Rosaire communiquait avec le choeur et contenait les tombes de plusieurs familles seigneuriales.

Venait ensuite la chapelle de N.-D. de Pitié. Sur l'autel étaient trois statues représentant, l'une J.-C sur la croix, la seconde N.-D. de Pitié, et la troisième saint Clair en habits pontificaux. Elles reposaient sur un piédestal commun où se lisait une inscription portant qu'en 1540 Jean de Menez et Anne Beuzit, son épouse, sieur et dame de Tronnevezec, avaient fondé et doté cet autel pour qu'un obit avec messe solennelle y fût célébré en leur mémoire, le 15 décembre de chaque année.

Vis-à-vis de la chapelle de N.-D. de Pitié, du côté du choeur, dans une arcade entre deux des piliers du clocher, était l'autel de saints Côme et Damien, décoré d'un tableau représentant leur martyre. Dans ce tableau figurait un prêtre en habit canonial et aumusse, agenouillé sur un prie-Dieu, et présenté par saint Olivier, évêque, en habits pontificaux. Sur l'un des côtés de ce prie-Dieu étaient les armes de la famille de Coataudon, de Guipavas et au-dessous de l'enceinte en bois, on lisait : « Du temps du R. P. en Dieu Messire R. du Louet, abbé de céans, Ollivier de Coataudon, son humble religieux, et prieur de Perguet Bénodet, a fait peindre cette chapelle en l'honneur de Dieu et des SS. Cosme et Damiens par les mains de Baptiste Kergoat, habitant de Daoulas, et fut achevé de peindre le 28 octobre 1596 ».

Après cette chapelle se voyait celle de saint Pierre, dont l'autel était surmonté d'une statue de ce saint. Sur le piédestal étaient les armes de Kerizit, qui étaient vraisemblablement les fondateurs de la chapelle. Au-delà de la balustrade étaient les tombes des familles de Taillard, de Kerizit et de Forestier du Quillien.

Au-delà de la balustrade qui fermait toutes les chapelles ci-dessus, il y avait un autel, non fondé, dédié à sainte Madeleine. Enfin, aux panelles (petits panneaux) des huit fenêtres de l'aile du Rosaire étaient les armes de quelques-uns des abbés et de diverses familles nobles.

Exclusivement absorbé par sa description de l'église, Dom Pinson ne parle ni de deux chapelles situées en dehors de l'église, ni de la fontaine voisine du cloître, ni même de ce cloître qui méritait pourtant bien une mention détaillée. Nous allons combler ces lacunes.

En face du porche de l'église, dont elle est séparée par le cimetière et un petit chemin, est la chapelle de sainte Anne, construite en 1667, « dont le joli portail, dit M. Pol de Courcy (Bretagne contemporaine, Finistère, Nantes, Charpentier, 1867, in-f°, p. 97), est décoré de quatre colonnes composites et d'une niche ionique surmontée d'un fronton brisé qui surmontait la statue de la patronne ». Dans un renfoncement était un autel qui a été supprimé il y a une vingtaine d'années environ (vers 1855). L'autre chapelle, située au nord sur la hauteur de la route de Daoulas à Plougastel, est dédiée à saint Roch. — Dans le bas-fond, appelé Kerisit, il y avait en outre une chapelle placée sous l'invocation de saint Nicolas et servant aujourd'hui de magasin.

A l'extrémité des jardins de l'abbaye, dans lesquels on entrait par deux arcades en plein cintre, situées au nord du cloître, et séparées par une colonne, se voyait et se voit encore une petite fontaine (voir la planche) placée sous l'invocation de N.-D. des trois fontaines, et que le propriétaire, M. de Goësbriand, a fait réparer vers 1875. « C'est, ajoute M. Pol de Courcy (Bretagne contemporaine), un de ces édifices religieux substitués au culte que les Celtes rendaient si universellement aux fontaines. Ce petit monument, consacré à la Vierge, et d'un style très-simple, porte cette inscription en caractères gothiques :

Le 1er jour de Juin, l'an mil Vc L (1550)

Ft. renouvellée ceste fote p. M O. du Chatel a Daulas, abbé.

Olivier du Chastel, abbé de Daoulas, fils de Tanguy, sire du Chastel, et de dame Marie du Juch, après avoir gouverné l'abbaye quatorze ans, mourut le 14 octobre 1550, l'année même de la réédification de. N.-D. des trois fontaines ».

« L'eau de cette fontaine, nous écrit M. Galmiche, passe pour assurer la fécondité des femmes auxquelles il suffit, pour l'obtenir, d'y fixer une croix. Elle prédit aussi aux jeunes gens s'ils se marieront dans l'année ; ils mettent une épingle dans le creux de leur main qu'ils plongent dans la fontaine principale. Si l'épingle flotte et tombe dans l'un des bassins inférieurs, le mariage aura lieu ; dans le cas contraire, il faut attendre. Une petite source qui sort de dessous la fontaine même, opère la guérison des yeux, et la Vierge celle des enfants atteints de la toque ».

Quelqu'intéressants que soient les divers monuments dont nous venons de parler, ils ne le sont pourtant pas autant, à beaucoup près, que l'ancien cloître, malheureusement en ruines.

« Le cloître de Daoulas (V. la planche), dit M. de la Monneraye (Essai, etc., p. 84), est un précieux reste de la construction primitive. Ses proportions générales sont modestes ; il affecte la forme d'un rectangle, presque d'un carré, et présente onze arcades sur l'un des côtés et dix sur l'autre. Ces arcades sont en plein cintre et à archivolte unie. Cependant l'une d'entre elle, située près de l'un des angles du cloître, a son archivolte ornée de zigzags, ce qui pourrait donner à croire que l'intention de l'architecte fut d'étendre cette ornementation aux autres, postérieurement à leur construction.

« Ces arcades sont portées par de petites colonnes disposées de la manière suivante : un groupe de quatre à chacun des angles du cloître ; puis, sur chaque côté, alternativement, une et deux. Elles reposent sur un stylobate ou piédestal continu formant soubassement, et sont couronnées de chapiteaux, tous variés, d'une composition et d'une élégance qui feraient honneur à notre époque. Leurs corbeilles sont formées de feuilles larges et aiguës, gracieusement recourbées, de branches légères qui viennent porter sous les angles du tailloir et au milieu du chapiteau des feuilles groupées par trois, de volutes et de palmettes disposées avec un goût parfait.

« Enfin, voici que l'art éclot en Bretagne, d'une manière digne de notre admiration. Nous verrons tout à l'heure quelle heureuse circonstance a favorisé son essor.

« Au centre du cloître on a placé récemment une curieuse vasque de fontaine (V. la planche), du même temps. On ne peut pas douter que le lieu qu'elle occupe n'ait été celui de sa position primitive [Note : Tout le monde sait que les cloîtres de nos antiques monastères furent calqués sur l'atrium des habitations romaines, au centre duquel était placé un bassin, compluvium (Vitruve, I. VI, cap. 4)].

« Le délicieux cloître qui nous occupe est, on n'en saurait douter, une construction des dernières armes du XIIème siècle, et prouve d'une manière frappante que l'ingratitude des matériaux fut le principal obstacle aux progrès de l'art en Bretagne, au moins pendant le XIIème siècle. Ici, en effet, cet impérieux empêchement n'existait pas. Le tailleur de pierre, auquel était confié l'exécution de ce cloître, fut assez heureux pour rencontrer, presque sous sa main (dans le territoire de Logonna, pense-t-on), le gisement d'une roche feldspathique, dont le grain tendre et assez fin se prête à une taille délicate, et que nous croyons être du porphyre quarzifère. Toutefois nous n'avons pas assez de confiance dans notre savoir en géologie pour oser l'affirmer.

« Dès lors le tailleur de pierre put donner libre carrière à son imagination, et l'on chercherait vainement, parmi tous ces chapiteaux, deux chapiteaux semblables.

Un grand nombre d'entre eux sont, avons-nous dit, d'une richesse et d'une élégance admirables. Leurs tailloirs sont ornés de zigzags, le plus souvent parallèles, comme à Bégard, mais quelquefois contre-zigzagués, ou bien couverts de quatre feuilles, d'enroulements, de palmettes, de têtes de clous, de pointes de diamant ou d'ornements en damier.

« Les corbeilles les plus simples sont formées aux angles de feuilles larges et aiguës, d'entre lesquelles, au milieu du chapiteau, s'échappent d'autres feuilles de même forme et plus petites. On remarquera que nous avons déjà rencontré cette disposition dans certains chapiteaux de Bégard (Bégar), Sainte-Croix de Guingamp, etc., mais quelle différence dans le faire, dans la pureté des lignes, l'élégance des contours. On sent qu'ici l'artiste était libre de toute entrave.

« Cependant, pour être juste, nous dirons qu'il a beaucoup plus excellé à rendre les larges feuilles ou les enroulements des chapiteaux, que les petits détails, personnages et animaux, fleurons et nattes qui couvrent la vasque dont nous avons parlé déjà. — Ces derniers détails sont d'un faire passablement grossier, et un groupe d'animaux, qui remplit l'espace compris entre deux têtes humaines par la bouche desquelles l'eau s'écoulait du bassin, est tout-à-fait barbare. Ces animaux, de toutes grandeurs, sont placés dans toutes les positions, de manière à remplir dans ses moindres parties l'espace occupé par le groupe ».

Les libéralités des fondateurs et des bienfaiteurs de l'abbaye avaient sans doute fourni les moyens de la doter des richesses que nous avons précédemment détaillées ; mais ils avaient eu de dignes émules dans plusieurs des abbés réguliers qui s'étaient complu, à l'envi les uns des autres, non seulement à entretenir, mais encore à augmenter la splendeur de l'abbaye, à la différence des abbés commendataires qui, eux, n'avaient d'autre souci que de percevoir les douze mille livres de rentes qu'ils retiraient de ce bénéfice. C'est ce qui ressort du catalogue des abbés, tant réguliers que commendataires dressé par Dom Pinson sur les titres de l'abbaye. Ce catalogue diffère de celui que Dom Morice a rédigé de son côté. Dom Morice ne datant l'abbaye que de 1173, considère comme fausse la mort de Rivallon en 1130 et la reporte à 1180. Il se trompe en faisant faire la dédicace de l'église en 1232 par Raoul, évêque de Quimper, et Cadioc, évêque de Vannes, tandis que le siège de Quimper était alors occupé par Rainaud, ce que Dom Morice constate lui-même dans son catalogue des évêques de Quimper. Faute d'indications suffisantes, Dom Pinson n'avait pas assigné de rang à l'abbé de Poulmic. Dom Morice l'a placé entre les abbés de Forquily et de Guérault. Mais ni l'un ni l'autre n'ont mentionné dans leurs catalogues respectifs un abbé de Rosmadec dont les armes, surmontées de la crosse abbatiale, étaient en lambris au-dessus du sanctuaire, pas plus qu'un autre abbé dont l'écu (celui de Léon) était également surmonté d'une crosse abbatiale, et qui aurait peut-être été Hervé, troisième abbé. La liste qui suit est le résultat de la fusion des deux catalogues de Dom Pinson et de Dom Morice. Les dates de décès sont prises dans le nécrologe de l'abbaye.

I. — Rivallon, mort le 1er mai 1130 ? (1180).

II. — Guillaume souscrivit une charte de l'abbaye de Bonrepos, fondée en 1184 par Alain, vicomte de Rohan, et mourut en 1199.

III. — Hervé, mort le 11 mai 1200.

IV. — Even, élu en 1200, assista en 1232 à la dédicace, se démit l'année suivante et mourut treize ans après sa résignation, en 1246. Even, résigna sa charge après avoir fait consacrer, en 1232, l'église abbatiale par Cadiou, évêque de Vannes, et Renard, évêque de Quimper ; il mourut le 20 ou 25 Avril 1246.

V. — G….. certifia en 1251 la copie d'une lettre de Henri, roi d'Angleterre, à Alain, vicomte de Rohan, datée de 1229 (dom Morice).

VI. — Hervé de Guicastel ou de Plougastel mourut le 8 novembre 1281.

VII. — Daniel le Chauve (dit Calvus Caradeus) mourut le 12 avril 1285. 

VIII. — Daniel le Chevalier (Militis ou le Marhec) mourut le 13 septembre 1287.

IX. — Guy Potain ou Potaire mourut le 12 ou 8 avril 1309.

X. — Hervé de Forquily accepta la fondation faite en 1317 par Hervé de Léon, seigneur de Noyon, et mourut le 2 août 1325.

XI. — Alain Seissoris de Forquily accepta en 1337 la fondation de deux messes chaque jour par le même seigneur de Noyon, pour Hervé, son père, et Marguerite de Rais, son épouse, pour lui-même, ses prédécesseurs et successeurs. Il mourut le 25 ou 26 avril 1351, après vingt-cinq ans d'administration.

XII. — Hervé de Poulmic, mort le 16 mai 1352, ne gouverna qu'un an. La famille de Poulmic est originaire de Crozon et porte : échiqueté d'argent et de gueules, le premier échiquier chargé d'un annelet de sable pour la branche de Louméral, en Plounéventer.

XIII. — Jean de Guérault (1352-1398) mourut le 1er octobre 1398. Ses armes qui, d'après Dom Pinson, étaient « d'azur à la fasce d'argent chargée d'une tête de lyon de gueule accompagnée de deux croissants d'or en chef et de deux besants de même en pointe » (Alias : d'azur à trois têtes d'aigle d'argent surmontées de la mitre et de la crosse, suivant M. Pol de Courcy) se voyaient à la grande vitre et à son tombeau, où se lisait son épitaphe portant qu'il avait honorablement gouverné l'abbaye pendant quarante-huit ans ; qu'il avait acquis les terres de Keranguinézec, de Coateron, une grande partie de celle de Forquily et plusieurs autres biens ; qu'il avait acheté la crosse abbatiale, du poids de 15 à 16 marcs d'argent, portant ses armes (celles qu'indique Dom Pinson), celles de plusieurs autres familles et l'inscription : Iste baculus est conventus de Daoulas. Il avait, en outre, fait construire la fenêtre principale, la chapelle de saint Gilles (du Faou), la vasque, et reconstruire la chapelle de sainte Madeleine, le choeur, le cloître, le réfectoire, et à bien dire, tout le monastère.

XIV. — Louis de la Palue ou du Palut (1399-1409), comme il se voit par un acte du 14 Mars 1404. Il devait être de la famille de la Palue de Beuzit-Saint-Conogan, qui portait : d'or au lion de sable au lambel de gueules.

XV. — Etienne Petit, de Fougères, fut recommandé au duc Jean V, en 1410, par le pape Jean XXII, et mourut en 1425, selon Dom Morice, en 1432, selon Dom Pinson, qui, du reste, déclare que la date de la mort de l'abbé Petit n'est pas indiquée sur son tombeau.

Au milieu de la chapelle du Faou, réservée pour la sépulture de quelques bienfaiteurs et des chanoines, il y avait un tombeau, élevé de deux pieds, sur lequel était représenté un abbé couché, revêtu de ses habits pontificaux et ayant entre les bras une crosse dont l'extrémité pénétrait dans la gueule d'un dragon couché à ses pieds. Le tout était d'une seule pierre parfaitement sculptée. A l'un des côtés étaient les armes de l'abbé Petit « d'azur à la fasce d'argent, chargée d'une tête de lion de gueules, accompagnée de deux croissants d'or en chef et de deux besans d'or en pointe ». La crosse abbatiale passait en pal sur l'écusson derrière la fasce. Dans un coin, au pied du tombeau, il y avait un autre écusson chargé d'une fougère, pour indiquer vraisemblablement le lieu de l'abbé Petit. Autour de la pierre tombale et sur deux rouleaux, était gravée cette épitaphe : Cy gist Estienne Petit, abbé de Daoulas, natif de Fougères. Dy ly padonne.

XVI. Guy de Manfuric de Lezuzan, licencié en droit canonique [Note : Le seigneur de Crozon avait le droit, du 1er janvier au 1er mars, de choisir un jour, en l'indiquant six semaines d'avance, et d'aller, accompagné de six gentilhommes, de six domestiques, de six braques, de six levriers, de six faucons, chasser sur les terres de Lezuzan, en Dirinon, près de Daoulas. Le jour de son arrivée à Lezuzan, il devait être nourri, logé, chauffé de bois sec et non fumant, lui et sa suite. Le lendemain, si, pendant la chasse, le sire de Crozon rencontrait quelques gentilhommes, il les amenait dîner avec lui chez le seigneur de Lezuzan en jurant qu'il les avait rencontrés par hasard, sans dol ni fraude. Dans les derniers temps de l'ancien régime, ce droit avait été converti en une rente annuelle de vingt-deux écus. On ne trouve plus trace du manoir de Lezuzan, mais le souvenir d'une des héritières de cette maison n'est point effacé. Cette jeune fille avait fait entourer sa chambre de glaces magnifiques pour se complaire dans la vue de ses propres charmes. Un jour qu'elle s'étudiait, dans le costume plus que léger qu'elle portait habituellement, aux poses les plus provoquantes et aux danses les plus voluptueuses, elle fut tout-à-coup saisie et enlevée par un beau cavalier, et oncques depuis on ne l'a revue. Seulement le cheval noir du cavalier a laissé l'empreinte de son sabot d'acier que l'on montre à Garrout ar Marc'h (la garenne du cheval) ; donc rien de plus authentique. (P. de Courcy, Bretagne contemporaine, Finistère, p. 44 et 928)], qui portait pour armes d'azur au chevron d'argent accompagné de trois oiseaux de mer nommés pales. Ces armes se voyaient aux deux tombes de sa famille dans un caveau sous les marches de l'autel de la chapelle du Faou, à la grande vitre, aux chaises du choeur qu'il avait fait faire, à la grosse cloche fondue par ses soins et à beaucoup d'autres endroits de l'église. Il avait fait bâtir le clocher et avait obtenu du pape le droit de porter la mitre. Il avait fait des legs nombreux pour la nourriture et l'habillement des chanoines. Il mourut le 22 mai 1468. Il paraît qu'il s'était démis en 1452.

XVII. — Guyomarc'h de Léon, dont le vieux nécrologe de l'abbaye ne fait aucune mention, est présumé avoir gouverné l'abbaye jusqu'en 1468, époque probable de sa mort. Cette conjecture, dit Dom Morice, était fondée sur l'existence de ses armes, de gueule à neuf mailles d'or, surmontées d'une crosse et d'une mitre, à la porte du cloître pour entrer dans l'église par la chapelle du Faou.

XVIII. — Guillaume Le Lay, mort le 23 juin (ou 22 mai) 1502. Ses armes, de gueules au lion d'or, étaient à la chapelle de la Trinité, à la seconde panelle de la chapelle du Rosaire, et à son tombeau placé dans l'église et sur lequel était une statue le représentant couché. Il fut enterré en une tombe de cuivre, au raz de terre, où il est représenté en abbé, tenant un calice en ses mains, mitre en tête et crosse entre son bras droit. Sur une plaque en cuivre émaillé se lisait cette inscription en lettres capitales gothiques :      HIC : JACET : FRATER : GUILLELMUS : LE LAY. : ABBAS : HUJUS : MONASTERII : DE : DAOULAS. : QUI : REXIT : ILLUD : ANNOS : XXV : ET : RESTAURAVIT : AC : ACQUISIVIT : EI : PLURA : BONA : OBIIT : AUTEM : DIE : XXIII : MENSIS : JUNII : ANNO : DOMINI : M.CCCCCII. Il était de la famille Le Lay de Gouelettreff, en Plouider, et de Kerprovost, en Cléder.

Une note marginale du vieux nécrologe nous apprend qu'il avait acheté le manoir du Fresque, et fait reconstruire le monastère, auquel il avait ajouté une maison. Il avait ajouté la paroisse de Dirinon à la mense canoniale en vertu d'une bulle du pape Alexandre V, de 1497, qui permit d'y établir, sans avoir recours à l'ordinaire, un chanoine ou prêtre amovible ayant charge d'âmes et comptable envers l'abbaye. Il avait en outre fait réparer les autres édifices, transféré et rebâti en entier dans le cimetière la chapelle de la Trinité, acheté une mitre d'une grande richesse, beaucoup d'autres ornements, les calices en vermeil, les lits du dortoir, et assigné aux chanoines une rente annuelle de 40 sols pour les aider à s'acheter du bois de chauffage pendant l'hiver, à charge de dire pour lui, chaque matin, à perpétuité, un De profundis avec l'oraison des fidèles.

XIX. — Jean du Largez succéda à Guillaume Le Lay et fut fait évêque d'Avesnes, par deux bulles du pape du 30 juillet 1505, d'après Dom Pinson, qui ajoute qu'il fut sacré la même année par l'évêque de Nantes. Dom Morice mentionne aussi du Largez comme évêque d'Avesnes, en 1507, mais sans parler de son sacre. Il y a ici, comme le fait justement observer M. Tresvaux, une erreur évidente, Avesnes étant une petite ville du diocèse d'Arras, qui n'a jamais été siège épiscopal. Il y avait toutefois dans cette ville un chapitre de douze chanoines, y compris le doyen, éligible par le chapitre, comme les autres chanoines, et le prévôt, à la nomination du roi. Mais il est difficile d'admettre que du Largez y ait occupé aucune fonction ou qu'il en ait même fait partie à un titre quelconque, à titre d'évêque surtout, puisqu'il n'y avait pas d'évêché dans cette ville. Peut-être le nom d'Avesnes, mal reproduit, désignerait il un évêché in partibus ? Nous inclinerions à le croire, car Claude de Rohan, évêque de Quimper, dont il fut, dit Dom Pinson, le suffragant jusqu'à sa mort, lui assigna, pour ce motif, une pension de 200 livres, lui permit d'exercer les fonctions épiscopales dans son diocèse et lui donna la cure de Glomel. Ce serait alors (vers 1519) qu'il se serait démis de son abbaye. Il avait acquis de Tanguy Le Mescam, en 1515, le vieux château, ou la maison du vieux château. Il mourut le 6 novembre 1533 et fut inhumé dans l'église de Daoulas. Ses armes, qui étaient d'argent au chef de gueules au lion de sinople, brochant sur le tout, se voyaient à la grande vitre, sur la porte de la maison du vicaire, à la porte du cloître donnant entrée dans la chapelle du Faou, à la fenêtre au-dessus de cette porte, d'où elles furent en partie enlevées pair un coup de vent en 1698, et sur son tombeau en pierre plate, placé devant le maître-autel de l'église, et portant cette épitaphe, en lettres gothiques carrées : HIC. JACET. FRATER. JOHANNES. DU. LARGEZ. EPISCOPUS. AVENNENSIS ET ABBAS HUJUS MONASTERII. EIDEM. MULTA. ACQUIRENS. BONA HONORIFICE ILLUD REXIT XX ANNOS. OBIIT SEXTA LUCE NOVEMBRIS. ANNO MCCCCCXXIII.  

1502-1519. Jean du Larget, originaire de Botlezan, évêché de Tréguier, fut nommé évêque suffragant de Quimper en 1505, en attendant que le titulaire, Claude de Rohan, fut en âge d'être sacré évêque ; après le sacre de Claude de Rohan, en 1510, l'abbé de Daoulas fut nommé évêque suffragant de Vannes, et exerça plusieurs fonctions pontificales, sous la dénomination d' « Evêque da Vesne », c'est-à-dire de Vennes ou de Vannes, le plus souvent, en latin, Avennensis, et quelquefois Avenetensis. Il se démit de son abbaye en 1519, et mourut en 1533. Sa tombe se trouvait dans le chœur, du côté de l'Epître ; sur sa tombe était un écusson portant d'argent au chef de gueules au lion de sinople brochant sur tout, avec l'inscription suivante, telle que l'ont lue les notaires de Daoulas en 1645 : HIC . JACET . FRATER . JOHANNES . DV . LARGES . EPS . EVENETENS . ET . ABBAS . HVIVS . MONASTERII EIDEM . PERMVLTA . ACQVIRENS . BONA . HONORIFICE . ILLVD . REXIT . SEX (decim) ANNOS . OBIIT . SEXTA . LVCE . NOVEMBRIS . ANNO . MVcXXXIII . CVIVS . ANIMA . SIT . IN . PACE . AMEN. (M. Abgrall, 1906).

XX. — Charles Jégou fut élu peu canoniquement, car, en 1519, il obtint du pape Léon X une bulle enjoignant à l'archidiacre de Dinan de lui donner l'habit de chanoine régulier dans l'abbaye de Daoulas, et de lui confier le gouvernement de cette abbaye, s'il l'en jugeait capable. L'archidiacre exécuta cet ordre ; mais, reconnaissant l'irrégularité de son intronisation, Jégou demanda et obtint en 1526 un bref du Pape l'absolvant des censures qu'il avait encourues. Il mourut le 10 janvier 1535. Son administration fut signalée par l'exécution, en 1530, de la grande vitre de l'église, chef-d'oeuvre de verrerie et de peinture. Ses armes, qui étaient de gueules au chevron d'argent, accompagné de trois papillons de même, se voyaient à cette vitre et à son tombeau en pierre plate devant le grand autel, avec cette épitaphe en caractères gothiques carrés : HIC : JACET FRATER : CHAROLUS : JEGOU : ABBAS : HUJUS : MONASTERII : DE DOULAS : ET ACQUISIVIT : PLURA. : BONA : ET FECIT MULTA EDIFICIA : ET REXIT : CAN (ONICE) P (ER) XV. ANOS. OBIIT. DIE DEC (IMO) MENSIS JANUARII A. D. M. V. XXXV.  

1520-1535. Charles Jégou, originaire, sans doute, de Quimper, où il possédait plusieurs maisons, rue de la Vigne, et des propriétés en Kerfeunteun. Il était recteur de Tréoultré-Penmarch, en 1498, dont il fit reconstruire la tour, qui porte la date de 1508, avec le nom de Charles Jégou. Il avait pour armes : de gueules au chevron d'argent accompagné de 3 papillons de même. Charles Jégou fut enterré à Daoulas, devant le maître-autel, et l'on conserve encore dans le cimetière la pierre de son tombeau, sur laquelle on peut lire cette inscription : HIC . JACET . FRATER . CHAROLVS . JEGOV . ABBAS . HVIVS . MONASTERII . DE . DAVLAS . ET. ACQVISIVIT . PLVRA . BONA . ET . FECIT . MULTA . EDIFICIA . ET . REXIT . CA . P . XV . ANOS . OBIIT . DIE . DECIA . MEN . JANVARII . A . D . MVcXXXV. C'est à lui que l'on doit la belle verrière qui décorait le choeur. (M. Abgrall, 1906).

XXI. — Olivier du Chatel, qui fit reconstruire ou réparer la fontaine de N,-D., fut élu en 1535 et mourut le 14 octobre 1550. Ses armes, fasce d'or et de gueules de six pièces, étaient à son tombeau et à la grande vitre.  

1536-1550. Olivier du Chastel, fils de Tanguy du Chastel et de Marie du Juch. Ses armes étaient fascées d'or et de gueules de six pièces qui est du Chastel. Ce fut de son temps que fut construite la jolie fontaine de la chapelle Notre-Dame des Fontaines. Il fut inhumé au chœur, côté de l'Evangile, avec sa représentation en pierre, et cette inscription : Cy git Révérend père en Dieu frère Olivier du Chastel, abbé de céans, fils de deffunct messire Tanguy du Chastel et de dame Marie du Juch, ayant régné quatorze ans, décédé le 11 Octobre 1550. (M. Abgrall, 1906).

XXII. — Jean Prédour fut pourvu de l'abbaye de la même manière que l'abbé Jégou. Il obtint en 1550 du pape Jules III une bulle adressée aux évêques de Cornouaille, de Léon et de Tréguier pour que l'un d'eux lui donnât l'habit de chanoine régulier. L'archidiacre de Cornouaille exécuta cet ordre en 1552. Une autre bulle de Jules III le nomma abbé en 1553, mais, dans le cours de la même année, le souverain pontife lui expédia une bulle d'absolution en même temps que quatre autres envoyées au roi Henri II, à l'évêque de Cornouaille, au chapitre de Daoulas et aux vassaux de l'abbaye pour qu'il fût reconnu, maintenu et obéi. Peut-être, en suivant l'exemple de l'abbé Jégou, Prédour avait-il cru que le concordat entre François Ier et Léon X avait abrogé les élections ; mais l'élection de son prédécesseur l'abbé du Châtel avait prouvé que le concordat n'était pas exécuté à Daoulas, où il ne fut pas même observé pour René du Louet, en 1581. Prédour fit serment de fidélité au roi en 1556 et mourut le 11 octobre 1573. C'est de son temps que furent faites, nous l'avons vu, les statues (V. la planche), et vraisemblablement les autres parties du porche.  

1550-1573. Jean Prédour, portait de gueules au chevron d'argent chargé de 3 étoiles de même. Il était originaire du diocèse de Saint-Brieuc. Il fut inhumé à côté de la tombe de Charles Jégou, avec pierre tombale sur laquelle on lisait : Ci gist frère Jean Prédour, abbé de Daoullas, et ayant gouverné icelle par l'espace de vingt et trois ans, est décédé l'onzième May 1573. Il était âgé de 75 ans. (M. Abgrall, 1906).

XXIII. — Jean de Kerguiziau lui succéda et mourut le 29 septembre 1581. De même que les abbés Jégou et Prédour, il fut nommé contrairement aux prescriptions canoniques par une bulle de Grégoire XIII de 1573. Mais comme cette bulle n'était expédiée qu'à titre provisoire, il y a lieu de croire que la situation de l'abbé de Kerguiziau fut régularisée par une élection. Il prit possession de l'abbaye l'année suivante, et prêta serment de fidélité au roi, à la chambre des comptes de Nantes, en 1576. Ses armes, d'azur à trois têtes d'aigle (alias d'épervier) arrachées d'or, se voyaient à son tombeau, à la fenêtre du porche de l'église abbatiale, construit par ses soins, et à l'enfeu de la maison de Tréanna.  

1573-1581. Jean de Kerguiziau, originaire de Bohars, d'une famille fondue dans les Louet, en 1530, portait pour armes : d'azur à trois têtes d'aigles arrachées d'or. Il fut inhumé au côté de l'Evangile du maître-autel ; sa tombe portait cette inscription : HIC. JACET. FRATER . JOHANNES . DE. KERGVIZIEAV. ABBAS . HVIVS . MONASTERI . DE . DOVLAS . QVI . REXIT . ILLVD . ANNIS . VIII . ET . RESTAVRAVIT . ET . ACQVISIVIT . El . PLVRA . BONA . OBIIT . AVTEM . DIE . DECIMA . MEN . SEPTEMBRIS . ANO . DNI . MVcLXXXI. (M. Abgrall, 1906).

XXIV. — René du Louet, dernier abbé régulier, gouverna seize ans et mourut le 12 juillet 1598. Entre autres acquisitions, on lui devait celle du bois de Daoulas et du village de Kerhervé. Il portait, d'après Dom Pinson, fascé de vair et de gueules de six pièces. Ces armes se voyaient aux vitres de la chapelle du Rosaire, sur la porte du reliquaire qu'il avait fait faire à un coin du cimetière et sur un sarcophage, surmonté de sa statue, et placé devant le maître-autel, avec cette épitaphe : HIC JACET FRATER RENATVS DV LOVET, ABBAS HVJVS COENOBII DE DAOVLAS QVI QVIDEM ACQVISIVIT EI SILVAM DE DAOVLAS ET PLVRA ALIA BONA, ET REXIT ILLVD ANNIS SEX DECIM. OBIIT AVTEM 12 JVLII ANNO 1598. CVJVS ANIMA PACE FRVATVR.  

Messire René de Rieux, premier abbé commendataire, fut pourvu de l'abbaye en 1600, et en jouit jusqu'à sa mort, le 5 mars 1651. Il était évêque de Léon et abbé commendataire de Daoulas et du Relecq, de l'ordre de Citeaux, en Léon, d'Orbais, ordre de saint Benoît, au diocèse de Soissons, et premier aumônier de la reine Marie de Médicis, qu'il accompagna dans toutes ses disgrâces. Il portait, d'après Dom Pinson, écartelé au premier et quatrième d'azur, à dix besants d'or, 4, 3, 2 et 1, et au deuxième et troisième de Bretagne, et sur le tout de gueules à deux fasces d'or qui étaient d'Harcourt, avec cette devise : A toute heure Rieux. Le 30 avril 1638, il avait obtenu du parlement de Paris un arrêt maintenant les chanoines de Daoulas dans la jouissance des annates de ceux de Quimper, qui les leur contestaient. Ses armes étaient au pilier du clocher le plus voisin de la chapelle du Rosaire.

1602-1651. René de Rieux, fils du marquis d'Oixant, seigneur de Sourdéac, gouverneur des ville et château de Brest, fut nommé abbé commendataire de Daoulas, n'étant âgé que de douze ans ; ses bulles coûtèrent à Rome 600 escus d'or. Après avoir pris possession en 1603, le 3 Juin, il continua ses études à Paris, et son père, le gouverneur de Brest, se chargea de l'administration des biens de la mense abbatiale ; en 1606, René de Rieux fut, de plus, pourvu de l'abbaye du Relecq, et en 1613 il devint évêque de Léon, n'étant encore que sous-diacre ; il reçut ses bulles pour son sacre en 1619 seulement. Tombé en disgrâce, il dut céder son évêché à M. Robert Cupil, de 1636 à 1648, et il est possible que, dans cet intervalle, le cardinal de Mazarin se fit nommer abbé de Daoulas, car il est dit, dans un factum, que « cette abbaye a été possédée par le sieur cardinal, de Mazarin ». Mais Mgr. de Rieux ne cessa pas de se considérer comme abbé légitime de Daoulas, et recouvra certainement son abbaye lorsqu'il rentra en grâce en 1648. Il, mourut dans son abbaye du Relecq le 8 Mars 1651 ; son corps fut inhumé dans la cathédrale de Saint-Pol. Il portait pour armes : d'azur à neuf besants d'or 3, 3, 3. (M. Abgrall, 1906).

Charles Maurice Le Tellier, frère cadet de Louvois et cardinal archevêque de Rouen, n'avait que neuf ans lorsqu'il fut pourvu en 1651 de la commende de Daoulas dont il se démit en 1666, pour devenir coadjuteur puis archevêque de Reims (Note : Les chanoines de Daoulas, dans une requête présentée au roi, au cours d'un procès entre eux et les Jésuites de Brest, procès dont il sera parlé plus loin, disent qu'avant ce prélat, le cardinal Mazarin avait possédé l'abbaye, ce qui pourrait, jusqu'à un certain point, s'expliquer par le jeune âge de Le Tellier, bien que cet âge lui fût pas un obstacle à ce qu'il obtînt une commende. Quoi qu'il en soit, rien dans les titres de l'abbaye ni dans l'histoire de Dom Pinson n'appuie cette assertion). Il ne fit rien autre chose qu'obtenir contre les héritiers de son prédécesseur leur condamnation à une somme considérable pour des réparations qui ne furent exécutées qu'en partie. Ses armes qu'on voyait dans un grand nombre d'endroits de l'abbaye, étaient d'azur à trois léopards posés en pal au chef cousu de gueule chargé de trois étoiles d'or.

Messire Louis de la Motte-Villebret d'Aspremont, clerc de la chapelle de la duchesse d'Orléans, fut pourvu de l'abbaye en 1667. Il fut le dernier abbé commendataire. 

1667-1692. Louis de la Mothe Vilbret d'Apremont. Son père était gouverneur de Salins, en Franche-Comté, après l'avoir été de la ville d'Arras, qu'il fit fortifier. Ses armes étaient : d'argent à l'aigle ailes abaissées couronné d'azur et membré de gueules. Ce fut sous le gouvernement de cet abbé que l'abbaye de Daoulas fut unie au séminaire des aumôniers de la Marine, qui venait de s'établir à Brest. Par lettres du mois de Septembre 1681 (ou 1682), le Roi avait établi au Folgoët une communauté de prêtres séculiers pour élever des aumôniers de la Marine sous la juridiction de Mgr de Léon ; mais quatre ou cinq ans plus tard, la direction de cet établissement fut confiée aux Jésuites, « qui, jugeant qu'un séminaire de ce genre serait mieux placé à Brest, passèrent un contrat avec le Roi, en 1686, par lequel il leur fut donné un terrain avec un beau jardin et des maisons, la direction du séminaire, 10.000 livres pour meubles, et 10.500 livres de rente pour entretenir vingt aumôniers. Ensuite de ce traité, ils congédièrent les prêtres séculiers du Folgoët, y mirent des récollets qui, moyennant l'église, les maisons, le casuel et 500 livres de pension, se sont chargés d'acquitter les fondations ». Le revenu du Folgoët n'ayant pas été jugé suffisant pour l'entretien du nouveau séminaire de la Marine, Louis XIV, par brevet du 5 Avril 1692, cité ci-dessus, déclara l'abbaye de Daoulas unie au dit séminaire, c'est-à-dire que, désormais, les Pères Jésuites toucheraient les revenus de la mense abbatiale (revenant à l'abbé) au profit de leur oeuvre de Brest, mais laisseraient la mense conventuelle aux chanoines de Daoulas, qui continueraient à desservir les fondations. En somme, rien n'était radicalement changé à l'ancien état de chose, si non que le séminaire de la Marine était substitué à l'abbé commendataire quant à la perception des émoluments de la mense et quant aux nominations aux bénéfices dépendant de l'abbaye. Les Pères Jésuites commencèrent par s'arranger avec l'abbé, le sieur d'Apremont, moyennant une pension viagère, puis entrèrent en pourparlers avec les chanoines de Daoulas ; en 1693, il n'y en avait que trois à résider à l'abbaye, car les autres étant titulaires de différents prieurés de Loperhet, Dirinon, Hanvec, etc., résidaient dans ces paroisses. Les Jésuites s'arrangèrent assez facilement avec les trois religieux de l'abbaye ; par acte du 11 Juin 1693, Gabriel Graleul de Plaisance, prieur claustral, et Louis Pinson, chanoine, consentirent à l'union moyennant une pension annuelle de 600 livres, et Hippolyte Garnier, frère convers, accepta une pension de 300 livres. Cependant, cette union ne pouvait être valable que par l'autorité pontificale, et ce fut le 5 des ides d'Avril 1698, qu'Innocent XII accorda la bulle d'union. Le 14 Janvier 1699, les Jésuites sollicitèrent de l'Officialité de Quimper la fulmination de la bulle, et le 13 Avril de la même année, après une enquête de commodo et incommodo, M. Guillaume Cariou, official de Cornouaille, portait sentence de fulmination de la bulle d'union. Mais aussitôt commença une vive opposition de la part de quelques-uns des chanoines, tels que des sieurs Guillou, prieur de Loperhet, Rannou, prieur de Logonna, Montenard, prieur de Hanvec ; ils demandèrent le renvoi de l'affaire devant le Parlement de Bretagne. De leur côté, les Jésuites réclamèrent la juridiction du grand Conseil du Roi. « Par arrêté contradictoire du 23 Janvier 1702, les parties furent renvoyées et les Jésuites condamnés aux dépens. Les Jésuites présentèrent au Roi un placet sous le nom des Aumôniers de marine, tendant à ce que, sans s'arrêter à l'arrest du Conseil du 23 Janvier, et supposans que les oppositions à l'union allaient contre les droits de Sa Majesté..., il y eut arrêt du Conseil du 20 Mars 1702, qui évoqua l'affaire au Conseil d'Etat privé du Roi pour y être définitivement fait droit ». En 1713, ce procès était toujours pendant, mais il se termina, cotte année, par une transaction confirmée par lettres patentes du 11 Décembre 1713 : « La mense conventuelle et abbatiale est remise au séminaire de Brest pour sa fondation. La pension des chanoines est fixée à 3.150 livres libre de toutes charges ordinaire et extraordinaire. Les Pères Jésuites sont chargés de toutes les réparations » (Mémoire de 1785, Archives de l'Evêché). Les dix paroisses dépendantes de cette abbaye, dont deux au diocèse de Saint-Pol et les autres en Cornouaille, furent conférées, sur la présentation des Pères Jésuites, aux évêques respectifs ; mais ils ne pouvaient présenter à ces cures que des chanoines de Daoulas. Cet état de chose dura jusqu'à la suppression des Jésuites, en 1762 ; depuis cette époque jusqu'à la Révolution, les chanoines n'eurent d'autre supérieur que l'évêque diocésain, qui concourait avec eux pour le choix des sujets à admettre, qui tous devaient être prêtres et aptes à exercer les fonctions du ministère ; quant aux revenus de la mense conventuelle, ils demeurèrent fixés à la somme de 3.150 livres, comme par le passé. Les autres revenus de l'abbaye demeurèrent encore une dizaine d'années affectés à l'entretien des aumôniers de la Marine, à Brest, sous la direction de Mgr. de Léon. Mais lorsque le séminaire de la Marine fut supprimé, en 1771, ces revenus furent appliqués au payement de la pension des Pères Jésuites ; mais ces pensions devaient s'éteindre successivement par le décès des membres de la compagnie, et nous voyons un mémoire rédigé sur les ordres de Mgr. de Léon, vers 1780, se demander si les bénéfices pauvres ou le séminaire ne pourraient pas retirer quelqu'avantage de l'union de ces revenus, qui ne pouvaient être consacrés qu'au profit de l'église (M. Peyron, 1905).

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Les Pères Jésuites ayant allégué à Louis XIV qu'ils n'avaient pas assez de ressources pour entretenir le séminaire des aumôniers de la marine dont ils étaient chargés à Brest, le roi, sur leur demande, leur accorda, le 5 avril 1692, l'abbaye de Daoulas.

Ce don gracieux ne devait recevoir son exécution qu'après de longs débats judiciaires où les parties adverses ne se ménagèrent pas les récriminations habituelles aux plaideurs. Laissant de côté ces récriminations, le plus souvent rien moins que courtoises, nous ne nous attacherons qu'aux faits essentiels et aux raisons invoquées de part et d'autre (Notes : Les faits et les discussions qu'ils soulevèrent sont longuement exposés dans une Requête au roy et à nosseigneurs de son conseil, de 52 pages in-12, insérée dans un recueil de pièces portant le n° 37,435 de la bibliothèque publique de Nantes. C'est de cette requête que sont extraits les détails suivants), ainsi qu'à la mention des incidents strictement nécessaires à l'intelligence des causes de la lutte animée qui s'engagea entre les chanoines et les jésuites.

Après avoir obtenu le don de l'abbaye, les Jésuites s'assurèrent, en les désintéressant, du consentement de Dom Gabriel de Glaleul de Plaisance, prieur claustral, du chanoine Dom Pinson et du frère convers Hippolyte Garnier, à l'union de l'abbaye au séminaire. Par suite de ce consentement, le traité suivant fut conclu, le 11 juin 1693.

La mense abbatiale et la mense conventuelle seraient réunies au séminaire. Les jésuites se chargeraient d'acquitter les dettes de l'abbaye jusqu'à concurrence de trois mille livres, l'excédant, s'il y en avait, restant à sa charge. Ils paieraient annuellement six cents livres à Dom Plaisance et à Dom Pinson ; trois cents livres pour leur portion congrue à chacun des vicaires de Daoulas et de Plougastel, et trois cents livres au frère Garnier. Les chanoines et les religieux continueraient d'être logés dans l'abbaye et auraient la jouissance des jardins, vergers, enclos, etc. Comme par le passé le prieur et les religieux seraient chargés de la célébration des offices ordinaires conjointement avec le vicaire perpétuel de Daoulas et le sieur Laziou, prêtre, originaire de cette paroisse, obligé au service ordinaire par le prieur, moyennant la somme annuelle de soixante-quinze livres qui lui serait payée par les Pères Jésuites, sauf au prieur à fournir le surplus si ce traitement était reconnu insuffisant. Il fut en outre convenu que les fondations de l'abbaye seraient acquittées comme elles l'étaient antérieurement ; et qu'il ne serait rien changé à son gouvernement qui resterait tel qu'il était jusqu'à la mort du dernier des chanoines, lesquels conserveraient, en cas de mort ou de changement du prieur claustral, le droit d'en élire un nouveau, ainsi que le droit de présenter l'un d'eux aux bénéfices de l'abbaye de préférence à tous autres, sans que l'union au séminaire pût les faire déchoir de ce droit et sans qu'on pût leur opposer l'extinction de leurs pensions si, par leur mérite et un moyen canonique quelconque, ils étaient pourvus d'un bénéfice à charge d'âmes. Mais, dans ce dernier cas, ils seraient tenus de prélever sur leurs pensions le salaire du prêtre qui ferait le service à leur place, et qui dépendrait des Pères Jésuites (Note : Par une transaction de 1713, les chanoines conservèrent, indépendamment de leurs pensions, leur mense conventuelle, et 700 livres furent attribuées par novice).

Les Jésuites, d'après ceux des chanoines qui n'avaient pas concouru à l'acte précédent, avaient allégué dans leur placet au roi, que l'abbaye était de fondation royale, qu'elle n'avait que 6,000 livres de revenu et se composait de trois chanoines seulement. Mais l'abbaye n'était pas de fondation royale ; elle avait pour fondateurs et patrons MM. de Rohan, et si, d'après le concordat de 1560, le roi avait le droit de nommer des commendataires, là s'arrêtait ce droit. Quant au revenu, les chanoines affirmaient qu'il était, non de 6,000 livres, mais de 22,000 livres environ, savoir : 14,000 livres pour la mense abbatiale et 7 à 8,000 livres pour la mense conventuelle, sans compter le casuel de la cure, et de 25,000 livres de rentes, provenant de divers bénéfices à charge d'âmes dépendants de l'abbaye (Note : Les chanoines semblent avoir, à plaisir, et dans un but facile à comprendre, singulièrement exagéré les revenus de l'abbaye, comme nous le verrons plus loin quand nous parlerons du produit constaté en 1762). Enfin, il y avait dans l'abbaye onze chanoines et non pas trois, et pour qu'un acte capitulaire fût valide, il était nécessaire qu'il fût souscrit par trois chanoines réguliers au moins. Or, Hippolyte Garnier était un simple frère convers, inhabile à participer aux délibérations du chapitre. Le contrat du 11 juin 1693 était donc radicalement nul. Telles furent les principales raisons qu'invoquèrent les chanoines lorsqu'ils furent appelés devant officialité de Quimper pour y entendre la fulmination de la bulle du pape Innocent XII, du 5 avril 1698, qui avait sanctionné l'union de l'abbaye au séminaire. Avec eux se présentèrent les autres intéressés au rejet de l'union. M. du Guermeur, procureur fiscal du duc de Rohan, demanda, tant en son nom qu'en celui des curés de deux paroisses relevant de l'abbaye, le quart du revenu qu'elle possédait. Le notaire apostolique Y. Guermeur déclara, au nom de l'abbé d'Aspremont que ce dernier ne pouvait consentir à l'union et demandait à être maintenu dans son titre et son revenu de commendataire, à moins qu'il ne fût désintéressé, soit par la collation d'un bénéfice équivalent, soit par une pension supérieure. Satisfaction lui ayant été donnée, il ne donna pas suite à son opposition. Le prieur claustral, Dom Pinson et le frère Garnier n'en élevèrent naturellement aucune. Il en fut tout autrement de M. le marquis de Liscoët, de Mgr de Beaumont, archevêque de Paris, et de M. de Kerguern qui s'opposèrent à divers titres.

En présence du nombre et de la gravité des oppositions, il y aurait eu convenance à statuer sur elles avant toute fulmination de la bulle. Mais il n'en fut tenu aucun compte. Le 13 avril 1699, M. N. Cariou, official de Quimper et recteur de Fouesnant, fulmina la bulle. Le 20 et le 21 du même mois, les Pères Fortet et Chauvel, recteur et procureur du séminaire, prirent possession de l'abbaye en présence de Mgr de Coëtlogon, évêque de Quimper, et de M. l'abbé de Coëtlogon, chanoine de la cathédrale.

Les chanoines ne se tinrent pas pour battus. Mécontents du rôle qu'avait joué le prieur claustral (Note : Nous ignorons s'il obtint de ses concessions d'autres avantages que la conservation de son emploi augmentée de la pension de 600 livres, mais Dom Pinson conserva le prieuré-cure de Ploudiry, d'un revenu de 3,600 livres. Il semblerait que la possession lui en fut ensuite contestée, car une sentence du présidial de Quimper, du 3 juillet 1705, la lui maintint. Le frère Garnier devint vicaire perpétuel de Daoulas) qui, après avoir traité pour son compte personnel avec les Jésuites, leur avait livré sans inventaire, non seulement les bâtiments de l'abbaye, mais encore les ornements, reliques, etc., les chanoines, au nombre de six, élurent à sa place, le 8 novembre 1699, Dom Jouin, religieux profès de l'abbaye, et le 4 décembre suivant, ils arrêtèrent à l'unanimité que, sous aucun prétexte, nul d'entre eux ne pourrait écouter des propositions, accepter des offres ni faire des traités sans la participation et le consentement général du chapitre.

Une ordonnance épiscopale du 6 décembre 1699 cassa l'élection de Dom Jouin et rétablit Dom Plaisance dans ses fonctions de prieur claustral. Cette ordonnance contenait en outre, à l'égard de trois autres chanoines, des dispositions dont nous parlerons plus loin.

Nonobstant cette ordonnance, Dom Jouin exerça les fonctions dont il venait d'être investi par ses confrères, et, le 27 janvier 1700, il obtint du présidial de Quimper une sentence condamnant la fermière du temporel de l'abbaye à lui payer les quartiers échus de la mense conventuelle s'élevant à 1,700 livres. Les Jésuites se pourvurent contre cette sentence, et le 20 mars suivant, ils obtinrent du conseil un arrêt portant « que la fermière vuiderait ses mains en celles des Jésuites tant en sommes dues que de celles à devoir cy-après ».

La jouissance du temporel était chose trop importante pour que les Jésuites négligeassent de s'en assurer la perception. Aussi le P. Chauvel, muni de l'arrêt du conseil, vint-il le faire exécuter. Accompagné d'un général d'armes, et suivi d'une grande foule, il entra le samedi de la semaine de la Passion de 1700, entre neuf et dix heures du matin, dans l'église de Daoulas, au moment où l'on était à l'offertoire de la grand'messe abbatiale, et fit signifier l'arrêt à Dom Rousseau, procureur de l'abbaye, qui était au choeur en habit canonial. Le lendemain, dimanche des Rameaux, il revint pendant l'office de tierce et fit sortir du choeur le procureur Dom Rousseau, au grand scandale des assistants.

La lutte, on le voit, était des plus ardentes. Dom Jouin, de son côté, avait éprouvé des désagréments. Sa famille, alarmée, le détermina à se démettre. Rentré en grâce, il obtint de l'évêque un exeat perpétuel ; il reçut de plus la promesse d'une pension également perpétuelle de 500 livres qu'il toucherait partout où il voudrait, et il fut embarqué, avec un traitement de 300 livres, sur un vaisseau expédié aux Indes.

Après la démission de Dom Jouin, les chanoines persistèrent dans leur opposition, et nommèrent prieur Dom Mortenart. Les Jésuites s'attaquèrent particulièrement à trois d'entre eux qu'ils considéraient comme en étant les promoteurs. On procéda différemment à l'égard de chacun d'eux.

Dom Joseph de Mortenart, ci-devant chanoine régulier de Saint-Augustin, de la congrégation de Saint-Antoine, était depuis vingt ans agrégé à l'abbaye de Daoulas par la possession du prieuré de Hanvec. L'ordonnance épiscopale du 6 décembre 1699 se borna à lui enjoindre, comme aux chanoines Rousseau et Guillou, de se retirer dans son bénéfice. Diverses causes concoururent à la disgrâce de ces deux derniers.

Dès le 4 mars 1692, alors que les Jésuites n'avaient pas encore obtenu du roi le brevet d'union, Rousseau qui avait reçu l'assurance d'une place de chanoine, avait fait son noviciat et sa profession. Ordonné prêtre, il avait été nommé sacristain de Daoulas, et après avoir été chargé de régir par économat la cure de Logonna, il avait été nommé économe de l'abbaye. Mais, comme il n'avait d'autre moyen d'existence que sa mense conventuelle, il s'était prêté, le 18 février 1699, à souscrire entre les mains des PP. Fortet et Chauvel, l'abandon de son canonicat et s'était engagé à ne point s'opposer à l'union. On lui avait fait espérer, en échange, un emploi de prêtre habitué dans l'église abbatiale, et une pension de 300 livres devait lui être payée jusqu'à ce qu'il eût obtenu un bénéfice équivalent. Sur le repentir qu'il avait témoigné de sa faiblesse, le chapitre, dans sa séance du 8 novembre 1699, l'avait maintenu chanoine et nommé procureur de l'abbaye, le 6 janvier 1700. Une nouvelle ordonnance épiscopale, du 8 avril suivant, lui interdit la messe et toute fonction ecclésiastique dans le diocèse. Dom Rousseau appela comme d'abus de cette ordonnance à l'archevêque métropolitain de Tours, et croyant cet appel suspensif, il continua d'exercer le ministère et donna la communion pascale au Faou. Les Jésuites l'ayant appris, se firent les promoteurs de l'évêque, et demandèrent le 23 avril, à l'official de Quimper, un décret de prise de corps contre le chanoine rebelle, ainsi que « la permission de s'assurer de sa personne et d'en faire la poursuite ainsy et par toutes les voyes qu'ils aviseraient ».

Ce n'étaient là que des menaces, mais elles pouvaient se traduire en faits. Aussi pour détourner l'orage, Dom Rousseau se pourvut-il, le 13 décembre 1700, devant le conseil du roi pour être restitué contre l'acte qu'il avait souscrit aux PP. Fortet et Chauvel et fit-il valoir comme moyens de rescision « qu'étant religieux, il n'avait pu contracter sans l'autorisation de son supérieur, encore moins renoncer à sa profession régulière, à ses aliments et à son état, sans s'exposer à commettre une apostasie ; que les PP. Fortet et Chauvel n'avaient traité avec lui que comme particuliers, que d'ailleurs l'acte du 4 mars était contraire au brevet d'union ainsi qu'à la bulle, où il était dit que l'union serait faite à la charge de remplir les fondations et de satisfaire les parties intéressées, qui sont les religieux, quoiqu'on en ait expressément oublié près des deux tiers dans la bulle ».

Le conseil ayant relevé, par son arrêt de règlement du 11 septembre 1702, l'appel comme d'abus de l'ordonnance épiscopale du 8 avril, les Jésuites, toujours au dire des chanoines, résolurent de faire arrêter Dom Rousseau. Prévenu à temps, ce dernier présenta au conseil une requête dont il est fait mention dans l'arrêt de règlement, requête où il demandait « d'être mis sous la sauvegarde des Jésuites ». Ceux-ci, de leur côté, présentèrent une requête également mentionnée dans l'arrêt. Alléguant que Dom Rousseau avait été reçu religieux à Daoulas postérieurement au brevet d'union et à son préjudice, ils demandaient que son noviciat et sa profession religieuse fussent cassés, et que les autres religieux de Daoulas qui avaient des bénéfices fussent tenus de s'y retirer. L'arrêt du 11 septembre statua « que toutes choses demeureroient en état ».

Dom Guillou, toujours d'après la requête des chanoines, était prieur de Loperhet, bénéfice d'un faible revenu, ce qui l'avait déterminé à demander de pouvoir, comme ses devanciers, résider dans l'abbaye. Mais Dom Plaisance avait obtenu du Parlement de Bretagne un arrêt enjoignant la résidence à tous les chanoines. Sur l'intention manifestée par Dom Guillou de se pourvoir contre cet arrêt, une transaction notariée avait eu lieu. Le prieur s'était engagé à payer au chanoine, le 15 octobre, une somme de 150 livres ; mais, comme la transaction n'avait pas précisé en termes exprès qu'il s'agissait — telle avait été la convention — d'une rente annuelle et viagère, le prieur fit entendre à Dom Guillou que les Jésuites, le considérant comme l'un des moteurs de l'opposition à l'union, ne lui paieraient pas sa pension, à moins qu'il ne s'accommodât avec eux. Le chanoine avait cédé, et par un acte du 21 août 1700, il s'était désisté de son opposition à l'union. Ayant obtenu, le 14 janvier 1702, des lettres de rescision de son acte de désistement, il intervint dans l'instance pendante devant le conseil, malgré la pression que le frère Garnier tenta d'exercer sur lui, en lui écrivant de « prendre garde à une mauvaise affaire. Ce sera, ajoutait-il, un très-grand chagrin pour vous si on vous pousse, car à ces sortes d'affaires, il n'y va que de la corde, ou, pour plus grande grâce, de la galère ».

L'intimidation, loin de détourner les chanoines de leurs poursuites, ne faisait que les exciter à les continuer. Voulant s'assurer de l'insuffisance de ressources alléguée par les Jésuites, ils dépêchèrent au séminaire, le 15 avril 1702, deux notaires chargés de constater s'il s'y trouvait le nombre de vingt aumôniers prêts à être embarqués, comme ces derniers s'y étaient obligés. Il n'y en avait qu'un, l'abbé du Biez ; ne l'ayant pas trouvé, ils le relancèrent sur le quai de Brest et le sommèrent de leur faire connaître le nombre des aumôniers logés au séminaire. L'abbé du Biez s'esquiva au plus vite, en leur disant « qu'il ne se mesloit que de lire son bréviaire ». De là, les deux notaires se transportèrent chez M. Labbe, prêtre et sous-gouverneur de la chapelle N.-D. de Recouvrance. Il logeait trois aumôniers débarqués depuis deux mois de l'escadre de M. de Coëtlogon. Ceux-ci répondirent que, depuis leur arrivée, ils n'étaient pas allés au séminaire parce qu'on ne leur payait pas les cent livres accordées annuellement par le roi pour leur habillement ; que les Jésuites n'ayant pas d'aumônier à mettre sur la Méduse, commandée par M. de Surgères, ils y avaient fait embarquer un cordelier irlandais qui ne savait ni le français ni le breton, et auquel ils avaient fait quitter l'habit de religieux pour prendre celui de prêtre séculier ; qu'ils avaient fait embarquer un autre moine irlandais sur le vaisseau l'Heureux, alors en rade. Enfin, ils désavouèrent par écrit tout ce qui avait été dit ou fait en leur nom, n'y ayant ni consenti ni même pensé.

L'issue de tous ces débats fut le maintien de l'union. Il ne resta dans l'abbaye que Dom Plaisance et le vicaire perpétuel de Daoulas. Après la mort ou le départ du premier, le titre de prieur claustral fut conféré au chanoine du Menez, qui avait fait profession le 5 septembre 1681, et qui fut nommé recteur de la paroisse. Ne pouvant plus, en cette dernière qualité, résider dans l'abbaye, il demanda aux Jésuites soit la reconstruction, soit la réparation d'une petite maison enclavée dans l'enceinte de l'abbaye, et qu'il disait être l'ancien presbytère, ou, tout au moins, un lieu claustral. Il demanda aussi la réparation du reliquaire, également lieu claustral, selon lui, et l'adjonction d'un vicaire. Il fondait, cette dernière demande : 1° sur l'étendue de ses travaux apostoliques ; 2° sur ses absences fréquentes de la paroisse ; 3° sur les maladies qui pouvaient lui survenir. Les Jésuites répondirent que l'édit de 1695, invoqué par le recteur, ne les obligeait pas à fournir un presbytère à la paroisse ; que la petite maison revendiquée avait, de tout temps, appartenu à l'abbaye qui en faisait un lieu de délassement, de retraite ou de repos ; mais, qu'à proprement parler, elle n'avait jamais été un lieu claustral, et que si le clergé séculier de Daoulas en avait fait sa maison curiale, ce n'avait été que par pure tolérance ou complaisance de l'abbaye. Le reliquaire n'était point un lieu claustral ; il était à la charge des paroissiens qui devaient le réparer. « Quant au vicaire, ajoutaient les Jésuites, la paroisse n'est ni assez étendue, ni assez populeuse, ni assez difficile à desservir pour qu'on en ait besoin ; un seul prêtre a toujours suffi, et d'ailleurs il peut invoquer le secours des chanoines de Daoulas, ses confrères, qui, du matin au soir, n'ont rien à faire, et qui seraient charmés de le lui prêter, ne serait-ce que pour dissiper leur ennui ».

L'abbé Dumoulin, qui était logé dans l'abbaye et y était entretenu, lors de l'union, comme chapelain, pour y faire l'office canonial et desservir les fondations en l'absence d'un chanoine régulier, fut pourvu, en 1723, du vicariat perpétuel de Daoulas. Il quitta alors l'abbaye, et obligé de se loger ailleurs, il demanda, ou qu'on lui fournît un logement, ou qu'on lui en payât la valeur. Il assigna à cet effet le général de la paroisse, et celui-ci les Jésuites. Le présidial de Quimper, devant lequel l'affaire fut portée, condamna le général de la paroisse à fournir et faire bâtir incessamment un presbytère convenable à l'abbé Dumoulin.

Les Jésuites, plus soucieux de la perception des revenus de l'abbaye que de son entretien, la laissèrent se dégrader, ainsi que l'église, comme le constate un mémoire du mois de mars 1731, où nous lisons : « Les ouvertures de l'église et de la maison conventuelle sont percées en différens endroits, et il paraît que les pluies ont causé du dommage tant aux murs qu'aux planchers, qui d'ailleurs sont très-anciens. Il n'y a point de vitres aux fenêtres de la sacristie, non plus qu'à celles qui donnent sur les escaliers des dortoirs, dont les châssis sont en partie pourris, ce qui fait que les pluies tombent sur l'escalier du côté de la sacristie et sur les planchers. Il y a même plusieurs cellules qui sont inhabitées, parce que les pluies qui tombent le long des murs dans les cellules ont pourri partie des planchers. Le plancher au-dessus des cloches est entièrement pourri …. La rose de pierre de la maîtresse vitre de l'église donnant sur le jardin menace ruine ; il y manque des carreaux de vitre ».

Lors de la suppression de l'ordre des Jésuites, en France, en 1762, les juges de Brest constatèrent que l'abbaye de Daoulas produisait un revenu brut de 22,000 livres, duquel il fallait déduire la somme de 7,680 livres pour toutes les charges incombant au séminaire de Brest, telles que pensions des chanoines, décimes, réparations de l'abbaye, etc., de sorte que l'union lui avait procuré un revenu net de 14,320 livres. A cette époque, les chanoines étaient au nombre de cinq, y compris le recteur de Daoulas, et en 1784, d'après Ogée, il y avait dans l'abbaye le même nombre de chanoines en comprenant le recteur de Loperhet.

Nous ne savons si, après la suppression des Jésuites, l'abbaye recouvra ses propriétés ou si elles furent livrées au domaine. Nous inclinons à croire qu'elles lui furent restituées, sinon en totalité, du moins en très-grande partie, et qu'elle les conserva jusqu'à la Révolution, époque où elles furent séquestrées, à l'exception de l'église, devenue église paroissiale. Les biens séquestrés furent affermés à un M. Bertrand qui, comme nous l'apprend une lettre de la commission de la marine du 5 vendémiaire an IV (26 septembre 1795) reçut une provision de 28,003 livres 17 sols 6 deniers (sans nul doute en assignats) sur celle de 304,090 liv. 7 s. 2 d. 1/2 qu'il réclamait en paiement d'une coupe de bois faite pour le service de la marine, coupe qui devait provenir du bois taillis de Daoulas, dit Coat-ar-Nabat, situé en Daoulas et Dirinon, lequel bois avait une contenance de 57 hectares 44 ares et fut vendu le 29 ventôse an XII (20 mars 1804) à M. Charles Goubin, de Plougastel-Daoulas, agissant pour M. Pouliquen, de Brest.

D'autres ventes des biens de l'abbaye avaient eu lieu antérieurement, notamment celle de l'abbaye proprement dite, du cloître, des jardins, vergers et autres dépendances, adjugés le 12 juillet 1792, pour une somme de 13,200 liv., à M. François Guiastrennec, de Brest, qui les revendit plus tard à M. Barbé, ingénieur de la marine, lequel vint habiter Daoulas et y mourut. Quand son fils, commissaire de la marine, prit sa retraite, il vint se fixer à Daoulas, abattit le corps principal des anciens bâtiments monastiques faisant face au S. S. O., les reconstruisit dans un style simple et moderne, et en signe caractéristique de son ancien grade, il fit placer sur la porte d'entrée, un écusson renfermant une ancre enroulée d'un câble. Il l'habita jusqu'a sa mort. Alors son frère, général d'artillerie, le remplaça et se complut à rassembler toutes les sculptures antiques et autres objets qu'il put trouver dans l'abbaye. De ce nombre, nous dit M. Galmiche, sont l'écusson placé au-dessus de la porte communiquant du cloître avec les jardins, et une très-ancienne pierre représentant la résurrection de Jésus-Christ, que l'on voit sortant du tombeau, tenant sa croix d'une main et posant un pied à terre devant ses gardes endormis. Des fouilles opérées par les soins du général Barbé, firent découvrir la vasque du cloître, de 1m50 de diamètre, et brisée, quoique ronde, en deux parties offrant à l'extérieur six dessins différents. A l'origine, elle devait contenir une fontaine monumentale, car elle est percée de six trous destinés à l'échappement de l'eau.

Nous terminerons cette monographie par l'insertion des notes suivantes de M. Galmiche sur l'état vers 1875 de l'ancienne abbaye et du cloître : « Il n'existe plus de l'ancienne qu'un bas-côté faisant face au N. N. O. sur une longueur de 17 mètres. Au premier étage était la chambre du chapitre, et sur le pignon S. S. O. est un écusson dont les armes ont été martelées pendant la Révolution. Cette façade est percée de deux fenêtres et de deux portes au rez-de-chaussée et de quatre fenêtres au premier étage. On voit encore les communs de la cour d'honneur, consistant en écurie et étables et un four banal ; le tout faisait face à l'édifice principal. Le cloître avait une galerie que j'ai vue. On communiquait avec l'église par cette galerie et celle du rez-de-chaussée. On voit encore les portes, actuellement murées. Au nord de ces portes, il en existait une autre donnant accès dans le clocher. Le cloître était entouré de tous côtés d'édifices servant de logements. M. le commissaire Barbé avait employé à la reconstruction du corps de logis principal une partie des matériaux provenant de ces logements en ruines. Plus tard, Mlle de Berdoaré, qui avait acquis des héritiers du général Barbé l'ancienne abbaye et ses dépendances, a vendu tant qu'elle a pu les vieilles ruines à tous ceux qui avaient des constructions à faire, et des débris du cloître ont bien pu disparaître comme les deux côtés qui l'entouraient ».

Moins utilitaire, M. de Goësbriand, propriétaire vers 1876, avait projeté la restauration du cloître et en avait même chargé M. Bourdais, architecte, qui se serait utilement aidé, soit des dessins joints à l'Essai de M. de la Monneraye, soit de la vue qui accompagne l'article consacré par M. Pol de Courcy à Daoulas dans la Bretagne contemporaine. Mais pour diverses raisons, ce projet n'a pas été exécuté. 

 

Ancienne abbaye de Daoulas

(diverses planches)

Bretagne : abbaye de Daoulas

 

Bretagne : abbaye de Daoulas

Bretagne : abbaye de Daoulas

 

Bretagne : abbaye de Daoulas

 

Voir aussi  abbaye de Daoulas Photos de l'abbaye de Daoulas prises en 2008 

 

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