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LE BIENHEUREUX ROBERT D'ARBRISSEL |
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Robert Damalioc (dit d'Arbrissel) naquit, en 1047 (ou 1045), à Arbrissel, paroisse du diocèse de Rennes, appelée jadis Arbresec (ou Arbressec). Son père, qui dans la suite fut prêtre, se nommait Damalioc, et sa mère Orvende (Orguendis). Ils avaient plus de vertu que de richesses et élevèrent leur fils dans la piété. Robert commença ses études en Bretagne et les acheva à Paris, où il fit des progrès rapides et devint docteur en théologie.
Successivement archiprêtre, official, grand-vicaire de Rennes et chancelier du duc de Bretagne, il remplit ces places avec autant d’édification que de capacité. Quatre ans après, il les quitta pour enseigner la théologie dans la ville d’Angers. Il priait beaucoup, jeûnait, veillait et portait une cotte de mailles sur la chair.
Après avoir ainsi vécu deux ans, il passa avec un autre prêtre dans la forêt de Craon, où il augmenta ses austérités.
On venait le voir en foule, il convertit grand nombre de personnes et fonda l’abbaye de la Roë pour des chanoines réguliers. En 1096, Urbain II vint faire la dédicace de l’église de saint Nicolas d'Angers, entendit parler du pieux solitaire, voulut l’entretenir et le chargea de prêcher à la cérémonie. Il fut si content de son sermon, qu’il lui conféra le titre de prédicateur apostolique, et l’autorisa à exercer son talent dans tout l’univers.
Robert commença sa mission par les diocèses voisins, et fit un fruit merveilleux. Le monastère qu’il avait établi et dont il était abbé, ne suffisait pas pour recevoir toutes les personnes qui voulaient vivre sous sa conduite ; il en sortit par ordre du pape ; et, prenant quelques compagnons, il se mit à répandre partout la semence de la parole de Dieu. Ils allaient pieds nus par les villes et les campagnes, invitant les pécheurs à faire pénitence, et ils gagnèrent une infinité d’âmes.
Depuis 10 ans qu’il avait quitté son abbaye, l’infatigable apôtre n’avait voulu se fixer nulle part, pour être plus libre de prêcher de tous côtés. Mais voyant le nombre de ses disciples dépasser trois mille, il voulut les préserver des inconvénients d’une vie errante et imposer silence à la calomnie. Il le fit si bien que Marbode, évêque de Rennes, et Geoffroy, abbé de Vendôme, détrompés, devenant ses apologistes, protégèrent l’établissement dont nous allons parler.
Le bienheureux, cherchant quelque désert où les grandes troupes de l’un et de l’autre sexe qui le suivaient pussent se sanctifier sans donner le moindre prétexte au scandale, reçut des propriétaires Font-Evraud, à 4 lieues de Saumur. En 1099, il y bâtit deux maisons séparées : l’une pour les hommes, l’autre pour les femmes. Il donna à celles-ci la règle de saint Benoît, en y ajoutant le silence qu’elles ne rompraient que pour chanter les louanges de Dieu, au choeur, et pour s’accuser de leurs fautes ; il établit une exacte clôture et voulut que les malades fussent portées à l’église pour recevoir les derniers sacrements. Il commanda aux hommes de dire l’office canonial, de se contenter de ce que les religieuses leur donneraient, de ne point se mêler des affaires des séculiers et de dépendre de l’abbesse. Cette dépendance consistait à ne pouvoir être admis à Font-Evraud que par elle, à recevoir d’elle les nécessités de la vie et à la regarder comme leur mère.
Robert continua de prêcher de tous côtés avec la même onction et le même applaudissement. Il y avait peu de cérémonies considérables où on ne l’appelât, pour annoncer la parole de Dieu. Il assista, le 29 Juin 1101, à la translation d’une relique de la vraie croix à Lohéac, ensuite il alla avec ses collaborateurs attaquer et vaincre la corruption des moeurs en Normandie. En 1106, il eut la consolation de voir son institution approuvée par Pascal II, à l’instance du bienheureux Pierre, évêque de Poitiers, qui fit exprès le voyage de Rome. Le souverain pontife donna à Robert une marque de confiance en le nommant juge entre deux religieux, touchant la possession de l’abbaye de saint Aubin d’Angers.
Le pieux missionnaire, voyant que son établissement pouvait se passer de lui, parcourut la France et ramena une foule d’âmes à la vertu. De ce nombre fut la reine Bertrade qui prit le voile à Font-Evraud.
Epuisé de fatigues, il tomba malade, en 1115, et se prépara à la mort ; mais, ayant recouvré la santé, il continua ses oeuvres de zèle.
En 1116, les chanoines de Chartres invoquèrent son appui contre les violences du comte de la ville. Robert lui parla avec tant de raison et de force, que ce seigneur leur rendit leurs biens et son amitié.
L’homme de Dieu se rendit à Blois, avec Bernard de Tiron, et consola Guillaume, duc de Nevers, que le comte de Chartres y retenait prisonnier. De là, il alla dans le Berri visiter Orsan, couvent de son ordre. Il y tomba malade , reçut les derniers sacrements et continua de communier les trois jours qu’il survécut. Il fit sa profession de foi , et sa confession premièrement au prêtre, puis publiquement, et mourut saintement, le 25 (ou 24) Février 1117.
NAISSANCE
ET PREMIÈRES ANNÉES DU BIENHEUREUX ROBERT D'ARBRISSEL
Il y eut en France, au XIème siècle, un grand mouvement de vie érémitique ; la parole éloquente et les généreux exemples de Robert d'Arbrissel, Bernard de Tiron, Vital de Mortain, Guillaume Firmat, Raoul de la Fustaye, peuplèrent les forêts centrales de la France de solitaires aussi nombreux et aussi fervents que jadis ceux de Nitrie et de Scété. Robert, qui fut le patriarche de ces nouveaux Pères des déserts, naquit au sein de la Bretagne, en l’an 1045, dans un bourg appelé Arbrissel (ou Arbressec), à sept lieues de Rennes. Ses parents ne possédaient pas les biens de la fortune, mais ils étaient riches des trésors du ciel. Vertueux et honnêtes, ils donnèrent à leur fils une éducation noble et pieuse ; et, grâce à leur vigilance, l’âme de Robert ne perdit pas la beauté ni l’éclat de l’innocence. Malgré la faiblesse de leurs ressources, mettant toute leur confiance dans le ciel, ils permirent à leur enfant de s’adonner aux études.
Le jeune homme parcourut les diverses villes de sa province et vint jusqu’à Paris chercher des maîtres dans la célèbre Université. Ses progrès furent rapides ; la science de la philosophie et de la théologie n’eut bientôt plus de secrets pour lui. Il ne devait pas seulement ces succès aux efforts d’un esprit brillant et vif : la prière lui avait été d’un puissant secours. Il obtint le grade de docteur, et professa avec un grand éclat. Son nom devint célèbre et sa science lui valut une réputation, extraordinaire.
ROBERT, ARCHIPRÊTRE DE RENNES - SA SAINTETÉ ET SON COURAGE EXCITENT LA HAINE ET LA JALOUSIE.
Sylvestre de la Guerche venait de monter, en 1085, sur le trône épiscopal de Rennes. Homme vertueux et rempli du zèle apostolique, il cherchait à s’entourer de personnes saintes et savantes pour l’éclairer et l’aider dans les fonctions de sa charge. Le nom de Robert était parvenu à ses oreilles ; tout le monde publiait sa sagesse et sa sainteté ; aussi le nouvel évêque s’empressa-t-il de prier le jeune docteur de venir auprès de lui pour l’assister de ses conseils et de ses lumières. L’amour des âmes lui fit accepter un emploi où il lui serait permis de se dévouer au salut des chrétiens et de travailler à étendre le règne de Jésus-Christ. Il se hâta de quitter Paris et de se rendre auprès de son pasteur. A peine fut-il arrivé qu’il déploya une ardeur incroyable dans le ministère qui lui était confié, et il mérita bientôt par ses travaux et son zèle le titre d’archiprêtre de la Sainte Eglise, de Rennes.
Un vaste champ de bataille se présentait aux yeux du jeune archiprêtre ; il engagea le combat sans retard ; il déclara la guerre à tous les vices, et les plus honteux surtout attiraient son attention et ses coups. Le XIème siècle était malheureusement dévoré par la lèpre de la simonie et les passions impures. Robert ne s’épargna aucune peine pour guérir ces maladies affreuses et il parvint à faire disparaître la simonie de l'Eglise de Rennes. Il s’efforça en même temps d’éteindre les feux de la concupiscence et de renverser l’empire du démon de l’impureté. Mais l’évêque Sylvestre de la Guerche, qui le soutenait dans ses travaux, vint à mourir. Privé d’un protecteur si puissant, Robert se vit en butte aux calomnies, aux outrages et aux persécutions de ceux-là mêmes qui auraient dû seconder ses efforts, pour rétablir partout le règne de la justice et celui de la chasteté. Afin d’éviter le scandale qu’aurait pu donner cette discussion, notre Saint résolut de quitter Rennes, et il vint à Angers occuper la chaire de théologie. Ses enseignements furent goûtés de ses disciples, et il profita de l’estime qu’il eut bientôt acquise auprès d’eux pour exciter en leur coeur l’amour de la vertu.
ROBERT
DANS LA SOLITUDE
Cependant, son âme aspirait à de plus grandes choses ; elle était avide des célestes trésors ; elle voulait, dans la solitude, puiser à la fontaine de vie et y boire à longs traits les flots de la grâce.
Il se préparait en quelque sorte à cette vie austère, qu’il appelait de ses voeux, par de grandes prières et de grandes mortifications. Le jeûne, l’abstinence et les veilles multipliées lui servaient à réduire son corps ; il porta pendant deux longues années une lourde cuirasse de fer. Enfin, il brisa les derniers liens qui l’attachaient au monde, et il se retira dans la forêt de Craon, sur les confins de la Bretagne, du Maine et de l'Anjou.
Robert s’y livre aussitôt aux plus grandes austérités ; sa nourriture se compose de racines et d’herbes sauvages ; son vêtement est un rude cilice, et sa couche la terre nue. Cependant, l’ennemi du genre humain ne put voir ce nouvel Antoine sans rage ni sans crainte ; et le Saint fut en proie aux plus terribles tentations. L’excès de ses douleurs intérieures était tel, qu’il lançait parfois vers le ciel des cris déchirants, et donnait libre cours à ses larmes et à ses gémissements. Dieu le soutenait, et l’athlète triompha des assauts de l’enfer. Le bruit de sa sainteté franchit les limites de son désert, et il vit accourir à lui une multitude de gens avides d’entendre la parole de Dieu découler de ses lèvres. Le Saint, qui était si austère envers lui-même, était doux et compatissant pour les autres. Son regard affable inspirait la confiance, et une de ses paroles suffisait bien souvent pour arracher les libertins à leurs désordres. Son hagiographe n’a pas craint de comparer son éloquence à celle de saint Paul : c’est que, en effet, les fruits en étaient merveilleux. Tous ceux qui l’entendaient recevaient ses paroles comme des Oracles divins, et la plupart de ses auditeurs, épris d’un véritable amour pour la pénitence, s’attachaient à ses pas et ne voulaient plus le quitter, pour pouvoir se livrer avec lui à toutes les austérités qui fleurirent jadis dans les déserts de la Thébaïde.
SAINT
ROBERT FILS DE SAINT AUGUSTIN
Les disciples affluaient de jour en jour plus nombreux vers le bienheureux ermite, de sorte que la vaste forêt de Craon se trouva bientôt trop petite pour ce peuple de solitaires, qui s’étaient enfermés dans des grottes ou des cabanes faites d’écorces d’arbres. Le nouvel Antoine fut obligé de se séparer d’une partie de ses enfants ; il en confia de nombreux groupes au bienheureux Vital de Mortain, tandis que le bienheureux Raoul de la Fustaye partait avec une innombrable phalange de disciples, qui se dispersèrent dans les forêts voisines.
Le saint patriarche suivait d’un oeil jaloux les progrès de ses enfants, et sa sollicitude s’étendait jusqu’aux plus humbles. Il étudiait avec soin les aspirations de leurs âmes. Or, il remarqua qu’un grand nombre de solitaires embrasseraient volontiers la vie cénobitique. Aussitôt il élève un monastère au sein de la forêt de Craon, dans un lieu appelé La Roë : il y réunit les solitaires qui voulaient embrasser la vie cénobitique, et il leur servit de père. Pour maintenir l’ordre et la ferveur dans cette communauté naissante, il la plaça sous la protection do saint Augustin, et ne lui donna d’autre règle que celle du grand docteur de l'Eglise. Les religieux étaient d’une ferveur exemplaire et leur piété était si solide qu’elle se maintint bien longtemps après la mort de saint Robert.
Le soin que le Saint prenait de cette nouvelle communauté ne l’empêchait pas de veiller sur les anachorètes, de prêcher l'Evangile à ceux qui venaient à lui. La charité, qui enflammait son coeur, doublait sou ardeur et lui donnait la force de se livrer aux travaux apostoliques les plus fatigants.. Mais nous allons voir le saint ermite sur un champ plus vaste encore. A la voix du Souverain Pontife Urbain II, il sort de son désert, et il vient à Angers se jeter aux pieds du Pape.
URBAIN II
ET ROBERT D'ARBRISSEL
Urbain II, enfant du célèbre monastère de Cluny, était venu en France pour engager les peuples à prendre la croix, et à voler au secours de la Terre Sainte, que les partisans de Mahomet parcouraient en vainqueurs, massacrant les chrétiens et renversant les temples les plus augustes. Il était à Angers quand le bienheureux Robert le rejoignit. Un nombreux cortège de cardinaux, d’évêques et d’abbés suivaient le Pape. Les peuples accouraient en foule sur son passage. Angers voyait donc en son sein la réunion la plus auguste. Le Souverain Pontife, qui avait entendu vanter l’éloquence de l’humble ermite, l’invita à prêcher devant sa cour et le peuple réuni de toutes les parties des Gaules. Devant un si brillant auditoire Robert ne se trouble pas ; il parle de la croix avec des accents si persuasifs et si puissants qu’il enflamme les cœurs ; et les enrôlements pour la guerre sainte se font en grand nombre. Le Pape, émerveillé de cette éloquence si pénétrante, ne craignit pas d’affirmer que le Saint-Esprit avait parlé par la bouche du Saint, et, pour lui donner une marque de son estime et de son amour, il l’honora du titre de missionnaire apostolique et lui confia le pouvoir de prêcher sur toute la surface du globe.
Pour être fidèle à sa mission, Robert, qui était abbé du monastère de La Roë, résigna sa charge entre les mains de l’évêque d’Angers. Il dit adieu à ses enfants, cénobites et solitaires ; et, suivi de quelques disciples, il se mit à parcourir la France.
SAINT
ROBERT PRÊCHE LA CROISADE
Il allait de province en province, annonçant partout l'Evangile, enflammant les fiers chevaliers d’ardeur pour voler à la délivrance des Lieux Saints. Dans ses courses apostoliques, ce saint homme marchait nu-pieds ; ses vêtements consistaient en un sac fart grossier. Il avait un don particulier pour prêcher la pénitence, dont il était à cette époque un des plus grands héros. Ce fut durant ses prédications en faveur de la croisade que « ce semeur du Verbe de Dieu, » suivant l’expression d'Urbain II, recueillit dans toutes les provinces de l’ouest et du nord de la France les immenses multitudes de disciples, hommes et femmes, jeunes gens et vieillards, qui s’attachèrent à ses pas. « Ils renonçaient à tout et suivaient leur apôtre, dit l’évêque Baldéric, biographe du Saint Robert, de son côté, ne repoussait personne. Plus le Seigneur rendait sa parole féconde eu conversions, plus il continuait à la répandre dans les cités, dans les campagnes, mais il se préoccupait du moyen de fixer sans inconvénient dans une vaste solitude ces groupes nombreux qui ressemblaient à un peuple entier. Le site qu’il choisit était une lande absolument inculte, couverte de ronces et d’épines, sur les limites du diocèse de Poitiers, à deux milles du bourg de Candes, si célèbre par la mort bienheureuse de saint Martin de Tours. Une source, dite fontaine d'Ebrald, arrosait ce désert ».
FONDATION
DE FONTEVRAULT
Le nouveau Moïse d’un peuple d’ermites s’y fixa vers l’an 1100, avec le concours de l’évêque de Poitiers, saint Pierre II, et de la comtesse Aremberga, laquelle fit donation du territoire.
Une petite église fut érigée tout d’abord, car les nouveaux ermites voulaient avoir le Dieu de l'Eucharistie pour centre ; tous voulaient s’entretenir dans la prière avec lui, et jouir de sa douce présence. Complètement séparées des hommes, les femmes s’appliquaient à l’oraison et à la psalmodie sainte, sans sortir de l’enceinte de leur cloître à ciel ouvert. Bientôt des cabanes provisoires furent construites dans le quartier des hommes et dans celui des femmes. Mais chaque jour survenaient de nouveaux disciples. Les cabanes déjà construites ne suffirent plus, il fallut en élever de nouvelles. Durant les premières années, il fut impossible de rien récolter sur un sol qu’il fallait d’abord défricher, remuer à la bêche ou à la charrue avant de l’ensemencer. Mais les habitants des cités et des bourgades voisines s’estimaient heureux d’apporter chaque jour aux solitaires les aliments indispensables. Robert ne craignait pas, d’ailleurs, d’aller frapper à la porte des riches. Princes et peuples venaient de toutes parts visiter la famille nouvelle ; ils admiraient l’ordre, la ferveur, l’austérité des hôtes du désert et ils y laissaient d’abondantes aumônes. Le petit oratoire de planches fut converti en une immense basilique ; le cloître des femmes fut divisé en trois séries, l’une pour les veuves, l’autre pour les vierges, la troisième pour les repenties. Le monastère des hommes, situé à un mille de distance, fut également divisé par groupes.
COMMENT
SAINT ROBERT VEUT IMITER JÉSUS ET SAINT JEAN
Par un admirable sentiment de dévotion pour la Sainte Vierge, à qui « Jésus était soumis, » et que saint Jean l’évangéliste servit durant les jours de sa vie mortelle, Robert avait voulu que, dans la nouvelle famille de Dieu, constituée sous sa direction, les hommes prissent saint Jean pour leur modèle et qu’ils fussent subordonnés à l’autorité d’une femme représentant pour eux la bienheureuse Marie à Nazareth. Ce grand acte d’humilité et de foi scandalisa l’orgueil philosophique de Roscelin, qui écrivit à ce sujet un libelle, où il ne ménageait pas les imputations injurieuses au fondateur de Fontevrault. Saint Robert recevait en même temps les observations amicales de deux saints personnages, Marbod, évêque de Rennes, et Geoffroi, de Vendôme, qui tous deux professaient pour notre grand Saint une amitié sincère et pleine de vénération. Effrayés des bruits calomniateurs qui remplissaient la France et s’attaquaient à la vertu de leur ami, ils lui exposèrent leurs conseils, leurs avis et leurs doutes, l’engageant à être plus prudent et moins singulier dans son costume et dans ses manières d’agir, au milieu même de ses prédications apostoliques. Mais Robert n’avait pas attendu les franches observations de ses deux amis pour faire approuver son Ordre par le Pontife de Rome. Il avait déjà obtenu l’approbation de saint Pierre II, évêque de Poitiers, qui s’était chargé lui-même de faire approuver l'Ordre de Fontevrault par le pape.
Poussant encore plus loin le scrupule, durant une dangereuse maladie, dont il guérit ensuite, il convoqua tous les Frères à Fontevrault, et leur tint ce langage : « Fils bien-aimés, que j’ai engendrés dans l'Evangile, l’heure approche où, je vais entrer dans la voie de toute chair. Pendant que je suis encore en vie, délibérez en conscience devant Dieu pour savoir s’il vous convient de persévérer dans votre profession actuelle, et si vous voulez, pour le salut de vos âmes, continuer à vivre sous la subordination des servantes de Jésus-Christ. C’est à elles, vous le savez, que j’ai confié l’administration et le gouvernement de toutes les maisons que, avec l’aide de Dieu, il m’a été donné d’établir. Si ce régime vous déplaît, je vous laisse pleine liberté de choisir un autre Ordre religieux ». Tous, unanimement, lui répondirent : « A Dieu ne plaise, Père bien-aimé, que nous réclamions jamais une pareille séparation. Nous renouvelons, au contraire, entre vos mains, nos voeux d’obéissance. Nous jurons volontairement, devant Dieu et ses anges, persévérance et stabilité dans cette sainte église de Fontevrault, telle que vous l’avez fondée ». Ce fut alors que le Bienheureux procéda à l’élection de la première abbesse. Tous les suffrages, ceux des religieuses comme ceux des Frères, se réunirent sur Pétronille de Craon, veuve du baron de Chemillé. Robert confirma ce choix et l’humble Pétronille, malgré toute sa répugnance, fut obligée d’accepter cette lourde charge. Le pape Pascal II envoya à la nouvelle abbesse un privilège de confirmation.
ROBERT AU
CONCILE DE POITIERS
Dans sa dernière séance, le Concile de Poitiers, tenu en l’an 1100, avait à traiter la grave question de l’adultère royal de Philippe Ier, et de Bertrade. Le prince avait été sourd à toutes les recommandations du Saint-Siège ; il avait repoussé toutes les démarches des cardinaux-légats ; il fallait donc fulminer contre lui la sentence d’excommunication. Mais Guillaume IX, comte de Poitiers, assistait au Concile ; quand il entendit la résolution des légats, il les supplia de ne pas excommunier son suzerain. Les légats refusèrent, Guillaume se leva en fureur, sortit de l’église résolu à y faire égorger sans pitié tous ceux qui s’y trouvaient. Mais les cardinaux-légats, entourés des évêques fidèles, promulguèrent la terrible sentence. Le Concile se terminait, et les Pères commençaient les acclamations finales lorsque les soldats de Guillaume d'Aquitaine pénétrèrent dans l’église et y firent un carnage épouvantable. Les évêques et les abbés abandonnèrent les cardinaux, cherchant un abri dans tous les recoins de la basilique. Seuls à leur côté, deux héros de la solitude, Robert d'Arbrissel et Bernard de Tiron, demeuraient immobiles en face de la mort. Cette attitude majestueuse en imposa aux bourreaux, qui vinrent se jeter aux pieds des cardinaux-légats.
ROBERT
DONNE LE VOILE A LA REINE BERTRADE
Après une vie scandaleuse, après avoir bravé les sentences d’excommunication, la reine Bertrade se convertit à la voix de notre saint apôtre. Elle commença dès lors une vie nouvelle ; rejetant les vanités du siècle, elle résolut, dans la fleur de son âge et de sa beauté, de se retirer dans le monastère de Fontevrault, pour y pleurer ses péchés et faire pénitence. Elle demanda le voile à l’humble Robert et devint sa fille. Le Bienheureux l’envoya fonder le couvent de la Haute-Bruyère.
ROBERT
APAISE LES DIFFÉRENDS
L’ardent apôtre exerçait un grand ascendant sur les esprits. Il s’en servit pour réconcilier saint Yves de Chartres avec l’abbé du monastère de Bonneval. Après la mort de saint Yves, le comte de Champagne avait refusé de reconnaître le nouvel évêque que le clergé avait élu. Il avait maltraité les chanoines de l’église cathédrale. Sourd à tous les conseils et à toutes les prières, il ne se rendit qu’à la voix du bienheureux Robert, et reconnut enfin l’élection du prélat.
Notre saint pacificateur profita de ces heureuses circonstances pour livrer la guerre à la simonie qui régnait encore dans l'Eglise de Chartres. Il fut victorieux dans le combat ; et, par ses efforts et l’influence de sa sainteté il parvint à détruire les dernières traces de ce détestable abus.
DES
BRIGANDS CONVERTIS PAR NOTRE BIENHEUREUX
Robert avait quitté Blois, et il traversait le Berry, monté sur un cheval, lorsque des brigands se jetèrent sur lui. Sans avoir pitié de sa vieillesse, ils le renversèrent, lui prirent son cheval, dépouillèrent ses compagnons, et se préparaient à partir, lorsque l’un d’eux s’écria : « Malheureux, que faites-vous ? Ne savez-vous pas que vous avez dépouillé Robert d'Arbrissel ? ». A ce nom célèbre, les voleurs s’arrêtent, se jettent à ses pieds, et lui promettent de renoncer pour toujours à leurs brigandages. Robert les relève doucement, leur pardonne et les embrasse avec une tendresse paternelle. Enfin, pour comble de bienfaits, et par un excès de charité, il les fit participer aux prières et aux bonnes oeuvres de toute sa congrégation.
MORT DE
ROBERT D'ARBRISSEL
Robert visitait un de ses établissements monastiques nommé Orsan, quand les atteintes de la maladie qui devait l’emporter se firent vivement sentir. A cette nouvelle, le vénérable Léodégarius, archevêque de Bourges, l’abbesse Pétronille et tous ceux de ses Frères auxquels il fut possible d’arriver à temps, accoururent auprès de sa couche.
Il reçut le Corps du Seigneur et l’onction des infirmes des mains du saint archevêque son ami ; puis il demanda qu’on le laissât seul avec deux ou trois Frères pour prier. Il offrit à Dieu des voeux ardents pour le pape Pascal II, pour les docteurs de la Sainte Eglise et tous les Ordres de la hiérarchie sacrée. Il pria pour ses hôtes, surtout pour Guillaume d'Aquitaine, alors excommunié. Pendant la nuit, il demanda la relique de la vraie Croix. On la lui apporta en procession. A son approche, Robert se leva et vint s’agenouiller devant elle. Son visage était inondé d’une joie céleste. il prononça à haute voix le symbole de la foi, puis il ajouta : « Ecoutez maintenant, prêtres du Seigneur, et vous tous, ici présents. Que le ciel et la terre entendent la confession du plus grand des pécheurs ».
Il commença alors la confession de tous les péchés de sa vie passée. Voici en quoi ils consistaient. Il s’accusait avec larmes d’avoir, dans son enfance, trouvé trop de plaisir à manger les mets que l’amour maternel lui servait. Au même âge, il s’impatientait des accidents quotidiens, de la pluie, de la chaleur. Il se repentait de n’avoir pas fait assez fructifier les dons du Seigneur. Il termina en demandant pour ses péchés une dernière absolution et en suppliant le Seigneur de le retirer de ce monde. Prosterné devant la Croix sainte, il reçut l’absolution et Dieu exauça sa dernière prière, car peu d’heures après, il le délivra de cette chair mortelle et le rappela de l’exil de la terre. C’était le 24 février 1117, jour du Vendredi-Saint. Ses obsèques furent solennelles. Une foule immense accompagna le convoi funèbre dans toutes les églises de Fontevrault, et on déposa les précieuses reliques à la droite du maître-autel de la grande église.
L’oeuvre du bienheureux Robert ne disparut pas avec lui, et la France compte encore aujourd’hui des filles du grand patriarche qui se dévouent à l’éducation de la jeunesse.
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