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NOTICE HISTORIQUE SUR LA VILLE D'AURAY |
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Auray s'installe au Moyen Age au fond d'une ria, sur un promontoire où l'édification d'une forteresse favorise la protection du lieu. Deux quartiers voient alors le jour. L'un au pied de la forteresse, rassemblé autour du port et d'une chapelle dédiée au Saint Sauveur. L'autre derrière le château, concentré autour de la cohue et du prieuré Saint-Gildas. Le port d'Auray porte le nom de Saint-Goustan.
I. — Il serait vain de rechercher dans les brumes du passé les origines d'Auray : moins heureuse que Vannes, cette ville n'est citée par aucun des auteurs anciens connus, nul savant de l'antiquité n'a défini ses coordonnées géographiques ; nous en sommes réduits aux récits fabuleux d'écrivains plus rapprochés de nous, qui vivaient cependant en un temps où la vérité historique semblait d'une importance secondaire auprès d'une tradition forgée de toutes pièces pour boucher les trous de l'histoire, pour suppléer au manque de documents.
Froissard et Le Baud, qui l'a copié, n'hésitent pas à faire construire Auray, au VIème siècle, par le fameux roi Anthur, que n'a cependant mis le pied en Bretagne armoricaine que dans les romans du cycle de la Table Ronde ; d'Argentré, plus hardi, y installe les mystérieux Arrubii, sur lesquels il se garde prudemment, et pour cause, de nous donner le moindre détail ; gêné par ce manque de documentation digne de foi, Ogée se contente de formuler de timides suppositions sur l'identification des premiers Alréens avec les Vénètes de Dariorigum.
La pauvreté du territoire d'Auray en monuments mégalithiques nous prouve qu'aucun groupement ethnique antérieur à la conquête romaine ne s'y est formé, et sa situation entre les deux voies de Nantes à Carhaix et de Vannes à Locmariaquer nous démontre bien que, s'il s'y trouvait quelque chose à l'époque romaine, ce devait être peu de chose : des fermes ou des villas isolées dont les ruines mêmes auraient péri lors des invasions saxonnes du IVème siècle et alaines du Vème ; les seuls vestiges que nous en pourrions citer consistent en quelques tuiles à rebord et quelques pierres de petit appareil jadis signalées près de l'hôpital ou de vagues assises en ciment rougeâtre, près du pont de Poulben. Nous ne sommes pas plus documentés sur la légendaire colonie grecque à laquelle beaucoup de femmes d'Auray devraient leur type régulier et classique.
Quoi qu'il en soit, la place devait être libre quand les Bretons chassés de la Grande-Bretagne par les Saxons, vinrent, vers 460, fonder le comté de Broérech. J’ai, dernièrement, dans une notice historique sur Vannes, fait remarquer l'étymologie bretonne du nom de Guéned, qui fut donné à cette ville par les immigrants et que lui attribuent encore ceux de ses habitants qui n'ont pas oublié la langue de leurs pères ; n'est-il pas également logique, au lieu de s'évertuer à tirer Auray du latin Aula regia, comme le fait Grégoire de Rostrenen, ou de Erius, suivant l'opinion de la Monneraye, de comparer le nom bretonnant d'Alré avec celui de la cité d'Alré, dans le Hampshire, près de Winchester, remplacée depuis par la forteresse d'Alresford ou d’Itchin ?
Peu de villes, d'ailleurs, ont vu leur nom s'écrire de plus de manières différentes que celle qui nous intéresse : Alrac, Alraë, Castrum Alrae, Castrum regis, Herracurn castrum, Etrayum, Alraium fortalicium, Arayum, Aurasium, Elray, Alroy, Aurey, Alrai, Auroy, Aurai et enfin Auray.
Le pays d'alentour était fertile en céréales, en fruits de toute espèce, et même en cultures aujourd'hui disparues, car nous voyons, en 855, Erispoë donner à l'abbaye de Redon le Plou de Caër et ses vignobles.
Quelle fut la nature de la première installation bretonne ? Aucun document ne l'indique, mais il est permis de supposer, par analogie avec ce qui se passa ailleurs, qu'Auray se composa d'une enceinte palissadée, placée en un point naturellement fort, le Loc, autour d'une motte dont il existe encore des traces derrière les maisons du côté sud de la rue du Château ; cette motte était elle-même surmontée d'un donjon en bois. Cette rudimentaire forteresse subit certainement, au début du Xème siècle, le sort de tout le Broérech envahi, dévasté et dépeuplé par les Normands.
L'emplacement du Loc, avec ses pentes dominant le point où la rivière devient navigable, était trop tentant pour demeurer longtemps inhabité ; aussi, dès qu'en 946, Alain Barbetorte eut chassé les envahisseurs, le château d'Auray, château en bois bien entendu, mi-forteresse, mi-maison de plaisance, se releva-t-il de ses ruines.
Vers l'an mille, Geoffroi, fils de Conan le Tors, tenait, s'il faut en croire la chronique de Vitré, son grand parlement au château d'Auray avec tous ses barons. Au cours de cette assemblée, Béranger, seigneur d'Hennebont, mécontent d'une décision du comte, s'emporta et donna en public un démenti formel à son suzerain. Devant ce sanglant outrage, Geoffroi quitta la salle des séances et prononça une solennelle malédiction contre ceux de ses parents et de ses vassaux qui laisseraient son offense impunie. Béranger était un puissant seigneur : s'attaquer à lui était chose délicate et demandait réflexion ; pendant que les barons délibéraient, un écuyer du pays de Vannes, nommé Rivallon, qui, n'étant pas admis à la réunion, était resté chez lui, sur l'emplacement de Saint-Goustan, apprenant l'injure faite à son maître, saisit sa lance, monta à cheval, et, rencontrant en ville le seigneur d'Hennebont, le perça de son arme.
Le comte félicita ce bon serviteur et voulut lui donner un fief à Auray avec le gouvernement du château ; Rivallon sentant bien que, dès que Geoffroi aurait quitté la ville, les puissants parents de sa victime chercheraient à la venger, déclina l'honneur qui lui était offert, rentra à Saint-Goustan, prit sa femme, Junargande, ses fils, Tristan et Walter, et ses deux filles, mit le feu à son manoir et se retira à Rennes. Geoffroi le chargea de la garde des Marches de Normandie et lui donna dans Rennes un fief important ou Vicairerie avec des revenus avantageux ; Rivallon le Vicaire, devenu riche, fit plusieurs pieuses fondations : il fut, avec sa femme et ses fils, témoin de l'installation de plusieurs prieurés, et lorsque, en 1032, Alain III fonda, près de Rennes, l'abbaye de Saint-Georges, dont sa soeur Adèle fut abbesse, les deux filles de Rivallon furent les premières à se ranger sous sa crosse. Dans la suite, les descendants de Rivallon portèrent les titres de vicomtes de Rennes et de barons de Vitré.
Geoffroi mourut en 1008, au retour d'un pèlerinage à Rome, d'une grave maladie, nous dit Le Baud, d'une pierre que lui jeta une vieille femme à qui le faucon ducal, ou les agents du fisc, avaient, disent d'autres chroniqueurs, enlevé sa dernière poule. Avant de partir pour l'Italie, il avait donné des ordres pour la reconstruction de l'abbaye bénédictine de Saint-Gildas-de-Rhuys : ce monastère avait été fondé vers 536 ; détruit par les Normands en 919, il fut rebâti par saint Félix, sous la direction de l'évêque Judicaël, frère de Geoffroi Ier, et fut consacré le 30 septembre 1032 ; il devint rapidement florissant et ne tarda pas à essaimer ; un des premiers prieurés auxquels il donna naissance fut, très vraisemblablement, celui de Saint-Gildas d'Auray.
Cayot-Délandre, suivant en cela Ogée, assure, sans dire sur quoi il base son assertion, que le territoire d'Auray appartenait primitivement aux comtes de Guingamp, et qu'il passa dans le domaine ducal, en 1034, par le mariage d'Etienne, fils d'Eudon de Penthièvre, avec Havoise de Guingamp ; si cette hypothèse était vraie, et s'il n'y a pas là une confusion avec Guémené qui s'appelait alors Kemenet-Guingant, Auray n'aurait pu venir au domaine ducal qu'au XIIème siècle, à la suite du mariage d'Alain le Noir, fils d'Étienne, avec Berthe, fille du duc Conan III, et nous voyons cependant, dès le XIème siècle, les ducs se plaire à résider dans leur domaine d'Auray et de Quiberon.
Alain III, surnommé Roué-Breiz (le roi des Bretons) ou Ru-Briz (face rouge), fils de Geoffroi, étant mort, le 1er octobre 1040, son fils, Conan II, âgé de trois mois, lui succéda : lorsqu'il fut empoisonné, vingt-six ans plus tard, Hoël de Cornouaille fut reconnu duc de Bretagne, du chef de sa femme Havoise, fille d'Alain III ; c'est sous son règne qu'on rencontre le premier document officiel parlant du château d'Auray : il s'agit d'une donation faite par Hoël, entre 1081 et 1084, à l'abbaye de Sainte-Croix de Quimperlé, fondée, en 1029, par. Alain Cagnard, père du duc, sur l'emplacement de l'antique ermitage d'Anaurot, donné autrefois à saint Gurtiern par le roi Gradlon. Le duc Hoël, habitant, dit l'acte de donation, le château dit d'Alraë, donné à l'abbé la chapelle de Landugen en Callac, la maison de Moriedech et deux fermes avec leurs revenus ; il y ajoute, peu après, le village près de Carhaix où se trouve la chapelle de Saint-Quijeau ; cette donation fut, entre 1084 et 1103, confirmée à Nantes par Alain Fergent.
Un autre acte, de 1082, atteste la donation faite par Harscued, fils de Roderch, et par ses parents, de tout ce qu'ils possédaient dans la paroisse de Caër, en échange de 300 sous que leur remit l'abbé Benoît, frère d'Hoël ; cet acte fut dressé au château d'Alraë où le comte Hoël tenait sa cour avec de nombreux barons. Pour éviter le retour d'incidents dans le genre de celui qu'avait arrangé si radicalement Rivallon le Vicaire, des porte-verges assuraient le bon ordre ; le nom des virgiferi d'Hoël, Anscher, Guesmou, Gradlon et Jedecaël, nous a été conservé.
Sous le règne de Conan III, petit-fils d'Hoël, en 1140, un certain Gestinius de Aurasio, Gestin d'Auray, comparait comme témoin d'un acte par lequel le duc confirme une donation faite par son père au couvent de Machecoul et d’un jugement en faveur de Saint-Martin de Vertou : son nom y figure immédiatement après celui du duc ; le gentilice d'Auray est cité par l'abbé de la Rue dans ses recherches sur la tapisserie de Bayeux, parmi les noms des compagnons de Guillaume le Conquérant. Jusqu'à ce moment, dans les actes publics, les noms de famille sont très rares ; les personnages sont généralement désignés par le nom de leur père ou par un sobriquet : Morvanus filius Guégan, Eudon mab Gestin, Daniel nepos episcopi, Harvouët amicus Craban, Tréhanton barbatus. Gestin d'Auray devait être un personnage d'importance, très avant dans les bonnes grâces du duc qu'il accompagne, en 1129 et 1132, dans ses voyages aux abbayes de Fontevrault et de Tyron ; Conan se trouvant, en 1139 à Auray, dans la maison de Gestin, approuve, en présence des barons, la donation faite par Alain, fils de Tigerius, de tous ses biens à Sainte-Croix ; on retrouve ce Gestin à Rennes en 1144 ; c'est, à n'en pas douter, un des auteurs de la famille d'Auray, titulaire de la seigneurie de Kermadio en Pluneret ; nous aurons souvent l'occasion de citer plusieurs de ses descendants : en 1254, par exemple, une Cunégonde d'Auray épouse Rivallon, baron de Vitré ; la famille d'Auray, qui figure dans les montres de 1428 à 1536, s'éteignit en Bretagne au XVIème siècle, avec Marie, fille de Gilles d'Auray, qui épousa Claude de Couëtdro ; une branche cadette existe encore en Normandie, près de Mortain ; elle est issue de Jehan d'Auray, chambellan de Louis XI, et de Jeanne de Meullent, fille de Thomas de Meullent, baron de Saint-Pair le Servain, et de Béatrix d'Ivoy. La baronnie de Saint-Pair, remise, en 1463, à Jehan d'Auray, du droit de sa femme, prit, au XVIème siècle, le nom de baronnie, puis de marquisat de Saint-Pois.
Dans les guerres qui suivirent la mort de Conan III, son fils Conan IV eut la malencontreuse idée de faire appel aux Anglais : pour prix de cette intervention (avec les Anglais, déjà à cette époque, rien ne se faisait pour rien), Conan fut obligé de céder Nantes à Geoffroi d'Anjou, frére du roi Henri II.
En 1162, une famine épouvantable sévit en Bretagne, et la Chronique de Rhuys nous dit que ce fléau fut si terrible que les hommes se nourrissaient de terre et allaient jusqu'à dépecer leurs enfants pour les faire cuire et les manger, et que de nombreux cadavres gisaient sur les places des villages, et sur les chemins, parce qu'il n'y avait plus assez de gens pour les enterrer. A cette misère se joignaient les maux qu'engendre la guerre : Eudon de Porhoët, oncle du duc, aidé par les Français, enlevait Josselin. Vannes et Auray, et s'y fortifiait ; les Anglais reparaissaient en Bretagne en 1164 et 1166, et, le roi Henri, pour prix de cette nouvelle intervention, obligeait, à Thouars, Conan à consentir au mariage de Geoffroi d'Angleterre, fils du roi, âgé de huit ans, avec sa fille unique Constance de Bretagne. Avant de mourir, en 1171, Conan avait vu Geoffroi sacré duc de Bretagne à Rennes. Le nouveau souverain se mit aussitôt à l'oeuvre et reprit Auray en 1175, mais après avoir célébré, en 1181, son mariage avec Constance, il fut grièvement blessé dans un tournois, à Paris, et mourut le 19 août 1186 ; sa veuve mit au monde, huit mois et demi après, le 30 avril 1187, un fils qui fut Arthur Ier.
C'est au mois de mai 1189 que nous trouvons la première preuve écrite de l'existence du prieuré de Saint-Gildas d'Auray : Constance faisait don à l'abbaye de Rhuys, qu'elle venait de visiter et où elle avait été bien reçue, pour le salut de son âme et de celles de son époux et d'une fille nommée Mathilde dont l'histoire ne fait pas mention, de la partie de son pré d'Auray qui était au delà du fossé du château et que tenait Rivallon, fils de Bili ; elle confirmait en outre, et concédait à l’abbaye, la moitié des coutumes, fouages et tonlieux, terres, dimes, tenues, possessions et les autres droits que Saint-Gildas avait dans le port, château et châtellenie d'Auray, ainsi que dans tout le comté.
Entre 1190 et 1194, Constance fonde, aux portes d'Auray, le monastère de Notre-Dame de Kerléano et lui fait don du terrain nécessaire à sa construction et d'un pré nommé le pré du comte. En février 1199, avec l'autorisation de son fils, elle accorde à ce couvent une rente de trente quartiers de blé à prendre dans les moulins d'Auray et de dix livres monnaie d'Anjou sur la cohue de cette ville ; ce dernier don fut échangé, en 1242, par le, duc Jean Ier, contre une rente de quarante livres et dix sols, à prendre sur le four ducal de Rennes. La mention de la cohue d'Auray nous montre que cette localité, qui, jusque là, s'était composée de quelques maisons autour du château et du prieuré de Saint-Gildas, avait, à la fin du XIIème siècle, déjà pris l'aspect d'une petite ville ou au moins d'un gros bourg.
C'est vers cette époque, en 1201, qu'Arthur y aurait fait construire le château en maçonnerie et que, pour les besoins de la population croissante, la paroisse de Saint-Gildas aurait été créée par démembrement de celle de Brech, du doyenné de Pou-Belz. Cette nouvelle paroisse, installée au prieuré de Saint-Gildas, continua à avoir le prieur comme recteur primitif et principal décimateur, et les divers desservants, soumis à la portion congrue par le prieur, ne portèrent jamais que le titre de vicaires perpétuels, et furent, jusqu'à l'aube de la Révolution à la présentation de l'abbé de Rhuys. En 1756, le revenu prieural était de 700 livres, et celui du vicaire de 300.
L'église, entièrement disparue depuis, à la fois prieurale et paroissiale, contenait plusieurs chapelles ; le nom de trois d'entre elles nous a été conservé : Sainte-Madeleine, Saint-Yves et le Guergelin ; cette dernière se trouvait à hauteur du choeur, du côté de l'évangile.
Le cloître existait déjà depuis longtemps, puisque, en 1208, le 20 juin, une transaction fut signée à Auray, dans le cloître de Saint-Gildas, devant Rivallon, sénéchal du comte, attribuant, après de longs procès, à Sainte-Croix de Quimperlé, les terres de Maës Anscoët en Quiberon, et de Maës an Linhoper en Plumergat, depuis longtemps en litige entre l'abbaye et les forestiers de Quiberon.
En 1205, il est fait mention du château d'Auray dans un arrangement entre l'abbaye de Lanvaux et Inizan de Rostevel, fils de Daniel, fils de Gaëc, au sujet d'une terre située ultra Herracum castrum ; un autre acte, du 18 juin 1241, cité un certain Henri, clerc d'Auray, et parle d'une terre de Lanvaux sise en Auray, au-dessous de la carrière près de Rostevel.
Le privilège de plus ancienne église d'Auray a été disputé à Saint-Gildas par l'église Saint-Sauveur de Saint-Goustan qui n'a cependant été réunie à Auray qu'à une époque relativement récente. Une très ancienne chapelle, dite de Saint-Sauveur, dépendait autrefois de Pluneret et s'élevait sur le territoire de Vannes ; une agglomération s'y forma près du port : elle devint assez importante pour qu'il fallût lui donner une paroisse qui prit le nom de Saint-Goustan moine de Rhuys, mort en 1029. Le choix de ce patron secondaire semble indiquer que l'abbaye de Rhuys, peut-être par l'intermédiaire da prieur de Saint-Gildas, n'y fut pas étrangère ; d'ailleurs, les desservants de cette paroisse ont longtemps porté le titre de vicaires perpétuels et, jusqu'à la fin du XVIème siècle, l'abbé de Rhuys y a prétendu au droit de présentateur ou de recteur primitif.
Tout semble donc indiquer que la paroisse de Saint-Goustan, en dépit de sa prétention inscrite en tête de son registre de baptêmes et sépultures de 1607, d'être la plus ancienne paroisse d'Auray, est postérieure à celle de Saint-Gildas ; tout détruit, également, l'opinion de quelques auteurs qui prétendent que la chapelle du Saint-Esprit, commencée par Jean II, entre 1286 et 1306, fut jusque vers 1460 la seule église d'Auray.
II — Arthur Ier étant tombé, le 3 avril 1203, sous le poignard de son oncle, Jean Sans-Terre, sa soeur Alix lui succéda : elle épousa, en 1213, Pierre de Dreux, qui reçut, à cause de ses incessants démêlés avec le clergé le surnom de Mauclerc et régna en Bretagne, du chef de sa femme, jusqu'à la majorité de son fils Jean le Roux, en 1237. Celui-ci s'occupa surtout d'arrondir le domaine ducal : dans ce but, en avril 1257, il se fit céder par l'abbé de Rhuys une terre et certaines dîmes, en échange d'une rente de seize livres et dix sols à percevoir sur la recette ducale d'Auray, chaque année, le 24 juin, jour de sa fête ; cette rente fut augmentée, peu après, de quarante sols.
En 1260, Adhénor, veuve d'Hervé, maréchal d'Auray, donne à Lanvaux tout ce qu'elle possède dans le fief de Colver en Brech, et Olivier de Crac’h lui vend, en 1282, sa terre de Kercadio en Plouharnel. C'est en 1295, d'après, la Borderie, que fut construit, ou reconstruit, le pont de Saint-Goustan, souvent réparé ou réfectionné en entier au-cours des siècles. En 1306, le meunier Derrien, fils de Daniel Och, reçut soixante sous de faible monnaie en compensation de ce que son moulin avait dû chômer pendant la réparation du pont ; la même année, la maison de Jehan Darras fut englobée, pour six libres de bonne monnaie, dans le château par le capitaine Geoffroi de Kerdreis.
En 1269, d'après la plupart des auteurs fut créé, sous le nom de Sepulchre, près du château, un simple oratoire, en un lieu plaisant pour prier Dieu ; cette chapelle ne tarda pas à prendre de l'importance quand, entre 1286 et 1306, le duc y fonda à perpétuité une chapellenie de quatre chapelains qui, tout en soiguant les malades, devaient célébrer tous les jours une messe basse, une messe chantée et l'office des vêpres. La légende, qui s'inspire si souvent, en Bretagne, des exploits, de la décadence et de la fin tratrique des Templiers, installe, dans cette chapellenie, des Moines rouges, Manac'h ru, ainsi nommés en souvenir de la grande croix rouge que les moines-soldats portaient sur leur manteau blanc : il serait plus exact de parler de moines bleus, car les premiers occupants étaient revêtus d'une robe bleu de ciel avec le manteau et le capuce noirs ; une croix pattée blanche, avec double croisillon, était cousue sur le côté gauche de la robe et du manteau.
L'Ordre hospitalier du Saint-Esprit auquel ils appartenaient et qu'il ne faut pas confondre avec l'Ordre royal des chevaliers du Saint-Esprit fondé, en 1578, par le roi Henri III, avait été institué à Montpellier, vers 1175, par un homme pieux nommé Guy qui construisit dans sa ville natale un hôpital destiné à recevoir et à soigner les pauvres et les infirmes ; des laïques dévoués, tenus à des voeux simples, desservaient cet hospice ; ils s'adjoignirent, en 1198, des clercs qui prononcèrent des voeux solennels, et ce ne fut que plus tard que, par analogie avec l'Ordre hospitalier de Saint-Jean de Jérusalem, les Frères portèrent les armes et prirent les titres de chevaliers et de commandeurs. Le Pape Innocent III approuva, le 23 avril 1198, la nouvelle constitution, et, à la mort de Guy, la maison-mère fut transférée à Rome, à Sancta-Maria in Saxia, qui en prit le nom du Saint-esprit.
L'Ordre protégé par le Saint-Siège ne tarda pas à prendre une grande extension, si bien qu'à la fin du XIIIème siècle, la florissante Maison-Magistrale d'Auray ne comptait pas moins de cinquante filiales ; son recteur, frère Mouette, y tenait, le 19 novembre de chaque année, jour de sainte Elisabeth, le chapitre annuel de la province, auquel assistaient les recteurs de Marseille, Dijon, Besançon, Milhau, Pont-Saint-Esprit, etc. Frère Mouette fut remplacé, en 1320, par frère Pierre Martin. La grande prospérité de l'Ordre ne dura guère et nous verrons, des 1434, la maison d'Auray tomber aux mains d'un commandeur séculier, ou prieur commendataire, qui, le premier, porta le titre de chevalier. L'église, bien mutilée, survit encore et il y a encore peu de temps, de caserne d'infanterie ; elle date, par son architecture, du XIVème siècle ; son cimetière servait de cour à l'établissement militaire. En fondant le Sépulchre du Saint-Esprit, Jean le Roux lui avait fait don de 60 perrées de froment (le compte d'Olivier Genou, receveur d'Auray, pour 1459, nous apprend que la perrée cagnarde en usage à Vannes équivalait à 16 écuellées et qu'il fallait quatre perrées cagnardes pour faire trois perrées d'Auray) ; ce genre de rente en nature était habituel : nous voyons, au mois d'août 1271, Normand, seigneur de Caër, donner à l'abbaye de Lanvaux, à perpétuité, une rente de trois raz de froment, mesure Cagnarde, et le 11 juin 1292, Payen de Malestroit, fonder en faveur de la même abbaye une rente de 12 livres pour une messe annuelle ; toutes ces pieuses libéralités étaient, du reste, assez généralement mal acquittées par les descendants des fondateurs : en 1451, Jean de Malestroit et de Largouët devait ordonner à son receveur d'Auray de payer la rente promise par Payen, et, le 30 mars de l'année suivante, échanger le don, impayé de Normand contre cinquante sous de rente sur une maison de la rue du Belzic habitée par Jehan Kéron et sa femme, quatre sous sur la maison d'Olivier Cado, sur le marché, et six sous sur la maison de Pierre Jegourio.
Le 3 octobre 1280, un acte donnant une terre en Inguiniel à l'abbaye de la Joie, cite le nom d'un autre habitant d'Auray : Eudon, bourgeois de cette ville, frère d'Hervé de Plumergat ; la même abbaye recevait, le 19 mai 1309, du duc Arthur II, 18 quartiers et 4 tiercelées de froment à la mesure d'Elray et 11 quartiers et 5 tiercelées à la mesure dessusdite, d'une valeur de 67 livres, à prendre sur nostre censive d'Elray par chacun an, en nostre ville d'Elray, à la feste de la Touz Saincts.
La Cour des Comptes de Bretagne, chargée de la conservation du domaine ducal et de la perception des deniers, résidait généralement, depuis Pierre Mauclerc, à Muzillac : en 1286, elle fut, pour deux ans, transportée à Auray ; elle siégea ensuite alternativement à Muzillac et à Vannes, jusqu'au moment où elle fut fixée définitivement dans cette dernière ville, à la suite de l'incendie de Muzillac en 1432 ; elle fut, en 1495, transportée à Nantes. Le Parlement général se tint à Auray en 1289.
Sous Arthur II et son fils Jean III, Auray continua à s'agrandir, mais, jugeant cette ville suffisamment défendue par son château, ni l'un ni l'autre ne songea à l’enceindre de murailles, de telle sorte que, lorsque s'ouvrit, en 1431, la succession de Bretagne, la seule défense consistait en barrières mobiles fermant toutes les issues du côté de la champagne ; aussi, des le début de la guerre entre Blois et Montfort, Auray fut-elle la proie facile de tous ceux qui voulurent l'occuper.
Dès 1341, Olivier de Trésiguidy qui commandait la ville, dut à l'arrivée devant elle de Jean de Monfort, se réfugier auprès de Guillaume de Malestroit, gouverneur du château, qui se disposait à se défendre ; après un assaut infructueux, Malestroit eut l'imprudence de recevoir dans le château, un de ses amis, Henri de Léon, qui dit d'Argentré, le mania si bien qu'il consentit, à la dévotion du comte, à le reconnitre et faire hommage. Montfort lui laissa le gouvernement de la place.
C'est à Auray, et non au chastel de Bresth, comme le dit Froissard, que se réfugia Jeanne de Montfort après la sortie heureuse d'Hennebont où elle mérita son surnom de Jeanne la Flamme, en incendiant le camp français ; coupée de sa ligne de retraite, elle courut à Auray, poursuivie, vainement par les hommes d'armes de Louis d'Espagne. Cinq jours après, à minuit, elle réveilla son escorte et lui dit : Ma bonne gent de Hennebont est, je le sçais, en grant malaise de moy ; il faut que je les réconforte et que nous rentrions en la ville. Laissant à Auray les chevaux fatigués, elle fit, sans bruit, les 28 kilomètres qui la séparaient d'Hennebont et, vers trois heures du matin, elle rentra dans la place, à grande joye et grant son de trompettes et de timbales, et y attendit le renfort annoncé d'Angleterre.
A l'arrivée de Gautier de Maulny, Charles de Blois désespérant d'enlever Hennebont de vive force, laissa devant cette place Louis d'Espagne et alla, le 14 juin 1342, mettre le siège devant le château d'Auray qui tint près de six semaines ; les assiégés, réduits aux dernières extrémités et ayant mangé leurs chevaux, passèrent, pendant la nuit, à travers le corps de siège et se réfugièrent à Hennebont.
Auray resta aux mains des Franco-Bretons jusqu'à la fin de la guerre de Succession de Bretagne ; c'est à 200 pas du château que, malgré la trève, le transfuge Cahours tua, en 1350, le capitaine anglais Dagworth qui venait de capturer Charles de Bois à La Roche.Derrien.
Bigot, dans son Essai sur les monnaies bretonnes, cite un double de billon de Charles de Blois qui aurait été frappé à Auray : le revers porte une légende, d'ailleurs peu lisible, qu'il traduit par CIVI. AREG. Areg n'â jamais voulu dire Auray et s'il y avait eu dans cette ville un atelier monétaire, cette monnaie de faible valeur ne serait certainement pas unique ; Chauffier propose de lire : TREG. Tréguier : or, les monnaies que Charles de Blois aurait frappées dans cette ville sont inconnues ; ce n'est d'ailleurs pas sur une description incomplète qu'on peut déterminer l'origine de cette pièce.
Au commencement de 1364, après l'insuccès des négociations d’Evran et de Poitiers, Montfort prit l'offensive, et après avoir, sans grande peine, enlevé Sucinio et la Roche-Périou à son adversaire, il vint, avec l'aide de Jean Chandos, attaquer Auray : il entra, sans coup férir, dans la ville et assit le siège devant le château, que vint bloquer par mer la flottille de Nicolas Bouchart.
Le château était défendu par deux écuyers, l'un français, que Froissard nomme Hauternelle ou Hartecelle, l'autre breton, Hervé d'Auray, seigneur de Kermadio : d'Argentré hésite à nous dire lequel des deux était le capitaine ou le lieutenant, mais il ajoute : il y avoit dedans grand faute de vivres et ne pouvoient plus guère tenir estant les advenues si closes que les assiégez n'avoient moyen d'advertir de Blois qui tardoit à venir. Par quoy le capitaine fut contraint de demander composition, ayant parlé à Messire Jean Chandos de dessus la muraille, avec lequel fut accordé que si Messire Charles de Blois ne les venoit secourir devant la feste de saint Michel, lors prochaine, qu'ils rendraient la place moyennant que, pour vivre jusqu'audit temps, on leur donnast des vivres du camp. Jean de Montfort y consentit.
Quelques coureurs de l'armée de Charles de Blois avaient aperçu, des environs de Keranna, les signaux de détresse des assiégés et un arbalétrier avait pu, à la faveur de la nuit, se glisser au pied du château et y lancer, au bout d'un carreau, une lettre annonçant l'arrivée du secours : Charles de Blois était, le 27 septembre, à l'abbaye de Lanvaux et son avant-garde, commandée par Bertrand Duguesclin, avait atteint Brandivy ; le lendemain, poursuivant sa route par Plumergat et Keranna, il vint s'installer sur la rive gauche du Loc, à Kerzeau, entre Tréauray et Kermadio ; il. était en vue du château dont les défenseurs firent sonner, en signe de joie, tous leurs instruments de musique.
J'ai raconté ailleurs, en détail, la bataille d'Auray: je me bornerai donc à résumer ici les faits d'armes qui l'illustrèrent.
Montfort, poui éviter d'être pris entre l'armée française et la garnison du château, évacua la ville et se porta, à travers bois, sur le coteau de la rive droite, entre la Forêt et Rostevel, face à l'ennemi.
Les deux armées passèrent la nuit en présence, séparées par le Loc peu profond et partout guéable à marée basse ; à peine y eut-il une petite alerte causée par des valets d'armée venus d'un côté et de l'autre à l'abreuvoir dans le fond de la vallée. Le capitaine d'Auray put, sans difficulté, sortir de la place avec 40 lances et rejoindre Charles de Blois.
Au matin, après d'infructueuses tentatives d'accord, Charles de Blois voyant que son adversaire restait sur la défensive, commanda : en avant ! et toute son armée franchit la rivière, sans obstacle ; puis le marais passé, ses gens mirent pied à terre et gravirent, malgré le poids de leurs armes, les rampes au-dessus du champ des Martyrs, si serrés, dit Froissard, qu'on n'eust pu jeter une pomme sans qu'elle tombast sur un casque ou sur une lance. Ils vinrent se ranger face au sud, la droite appuyée à la ferme du Merdy. De son côté, Montfort avait suivi ce mouvement, faisant face au nord, et les attendait, la droite à Kermoëlo et le centre là où se trouve actuellement la Chartreuse.
L'armée de Charles de Blois était divisée en trois corps : l'un commandé par Duguesclin, au Merdy ; un autre sous le comte d'Auxerre, sur le vieux chemin où se trouve la croix du Maire de Brech ; le centre, commandé par Charles lui-même, entre les deux ; une faible réserve avec Rieux, Rais et la Hunaudaye, resta, on ne sait pourquoi, inutilisée pendant toute l'action.
Du côté de Montfort, une formation semblable avait été adoptée : Clisson tenait la droite, en face d'Auxerre, Knolles, la gauche, opposé à Duguesclin ; Montfort et Chandos au centre, vis-à-vis de Charles de Blois ; une réserve importante, sous les ordres de Hugues de Calverly, se tenait prête à intervenir partout ou sa présence serait nécessaire.
Après une escarmouche assez courte entre les archers anglais et les arbalétriers français, les gens d'armes des deux partis se hâtèrent d'en venir aux mains, chacun courant droit devant lui, sans esprit de manoeuvre, et sans autre souci que de porter le premier coup ; et de frapper fort. Le combat fut acharné, les deux partis étant bien décidés à terminer par une action décisive cette longue et cruelle guerre. Chacun des trois corps anglo-bretons fut successivement enfoncé, mais Calverly rétablit le combat partout où les siens faiblissaient ; du côté franco-breton, au contraire, aussitôt que l'aile droite commença à plier sous l'effort de Knolles, elle fut, n'étant pas soutenne, obligée de se pelotonner autour du centre et, quand le comte d'Auxerre fût tombé sous les attaques simultanées de Clisson et de Calverly, les troupes de Charles de Blois, assaillies de tous côtés, lâchèrent pied. Charles, renversé, d'un coup de lance par le guérandais Eon de Lesnerac, fut achevé par un soldat anglais qui, obéissant à la consigne donnée de part et d'autre de ne pas donner quartier à celui des deux prétendants qui viendrait à tomber aux mains de ses ennemis, lui porta à la gorge un si furieux coup de dague, que la lame sortit d'un demi-pied par la nuque. Duguesclin, entouré d'un mur de cadavres, ayant brisé toutes ses armes, ne put rendre à Chandos qu'un bout de fer tout tordu et tout ensanglanté.
Auray ouvrit ses portes au vainqueur qui, ému de pitié pour les maux que cette guerre fratricide avait causés en Bretagne, s'empressa, des le début de 1365, de traiter avec la veuve de Charles de Blois et avec le roi de France, qui consentit enfin à le reconnaître comme duc de Bretagne.
En souvenir de sa victoire, il fit élever, le 6 février 1386, sur le lieu même où il avait combattu et où son rival avait trouvé la mort, une collégiale nommée Saint-Michel du Champ, dont le maître-autel s'éleva exactement au point où Charles avait été tué, et dont il fit le siège de son ordre de l'Hermine comprenant autant de chevaleresses que de chevaliers. Les huit chapelains chargés de prier continuellement pour le duc et les âmes de ceux qui, au jour de la bataille, decebdèrent au champ dans lequel ladite église est située, furent remplacés, en 1840, par des Chartreux, qui ont donné leur nom à la chapelle et à ses annexes.
III. — Les sièges successifs subis par le château d'Auray n'étaient pas sans l'avoir plus ou moins endommagé : aussi voyons-nous, dans un compte. du receveur de la châtellenie, en date de 1368, mention des réparations qu'on effectue à la chambre de la trésorerie de la grand’tour ; on y parle également de la réfection du pont et du château lui-même : Thomas de Melbourne, chanoine de Lincoln et trésorier du duc, donne, le 15 mars de la même année, l'ordre de passer un marché avec Guillaume Morvan et Guillaume Le Ledan, pour la charpenterie du pont d'Auray et la construction de trois tourelles, six guérites et un chemin de ronde sur la courtine entre la grand'tour et la tourelle qui surmonte la porte ; de son côte, le sire de Kergorlay achète à Pierre Le Dérian et à Eon de Saint-Brieuc, vendeurs de la forêt de Camors, 191 arbres pour achever la grand'salle, faire le hourdis du chemin sur la muraille et couvrir les trois tourelles ; ce dernier travail fut confié à un nommé Dinguérou.
Ces travaux de fortification n'allaient pas tarder à être utilisés : un peu obligé à faire bonne figure aux Anglais que l'avaient aidé à conquérir sa couronne et savaient en temps opportun l'en faire souvenir, mal conseillé par Melbourne et par le breton Kermartin, qui le trahissait. Jean IV faisait appel aux contingents d'Outre-Manche et confiait le gouvernement des places importantes de Bretagne à ses anciens alliés. Les seigneurs bretons en prirent ombrage, menacèrent, tentèrent d'évincer les insulaires et firent enfin appel au roi de France, qui envoya le duc Louis de Bourbon et le connétable Duguesclin en Bretagne avec 4.000 hommes de pied.
La duchesse Jeanne Holland, seconde femme de Jean IV, se sauvant précipitamment de Rennes, fut un instant prisonnière des Français qui, après avoir perquisitionné dans ses bagages, l'autorisèrent à poursuivre sa route sur Nantes où elle retrouva son mari. Au cours de cette fouille, se trouva, dit-on, l'original du traité d'alliance que Jean IV avait signé avec le roi d'Angleterre, moins de cinq mois après avoir envoyé, d'Auray, aux deux rois ennemis, une lettre, conçue dans les mêmes termes dans laquelle il les assurait, tous les deux, de son dévouement et leur offrait ses services. Les chefs français donnèrent à ce document toute la publicité possible et, indignés de cette duplicité, les seigneurs bretons, ou au moins la plupart d'entre eux, dénoncèrent leur serment de fidélité envers le duc.
Duguesclin qui avait pris ses quartiers d'hiver, en novembre 1372, concentra une nouvelle armée à Angers et marcha sur Rennes, au commencement d'avril 1373. Jean IV, effrayé de cette manifestation et découragé de voir sa noblesse se tourner contre lui, quitta Nantes pour Vannes, puis pour Auray, où il demeura six jours et où il laissa sa femme sous la garde du chevalier anglais John Austin ; il courut ensuite s'embarquer pour l'Angleterre, à Concarneau, le 28 avril.
Aussitôt à la cour du roi d'Angleterre, il songea à faire une diversion pour arrêter les progrès du connétable, qui enlevait une à une toutes les places fortes de Bretagne, ne lui laissant plus que Brest, Derval, Bécherel et Auray. Débarqué à Calais, à la fin de juillet, avec le duc de Lancastre, il traversa toute la France pour se rendre à Bordeaux où il arriva le 25 décembre, et où il trouva des bateaux de Guérande qui le ramenèrent à Auray ; il y resta jusqu'en avril 1374 ; les seigneurs qui lui étaient restés fidèles vinrent se mettre à sa disposition, mais, devant leur bien petit nombre, il se contenta de renforcer les défenses du château, et repartit en exil.
Un an plus tard, il revint à Saint-Mathieu avec 2.000 hommes d'armes et 4.000 archers, incendia Saint-Pol-de-Léon, reconquit une partie des places prises par Duguesclin et mit le siège devant Quimperlé : au moment où la garnison entrait en composition, une trêve signée à Bruges, le 27 juin 1375, vint obliger le duc à lever le siège, à licencier ses troupes et à repartir en Angleterre en passant par Auray, d'où il emmena Jeanne Holland.
Clisson, passé dans le camp français pour des raisons diverses, voulut profiter du désarroi causé par la mort d'Edouard III, le 21 juin 1377, pour enlever les dernières places de son compagnon d'enfance : il se présenta devant Auray dont les défenseurs résistèrent vaillamment, mais, le secours attendu d'Angleterre fut retenu par les vents contraires, et il fallut capituler pour éviter une prise d'assaut : il fut convenu que si le duc ne venoit secourir devant un certain jour dict, ils rendroient la place ; ce qu'il ne fist, aussy fut, la place rendue.
Cette prise et l'insuccès de l'armée anglaise à Saint-Malo ayant bien démontré que les alliés de Jean IV étaient incapables de le rétablir, Charles V qui, entouré de Bretons, eût dû mieux connaitre leur mentalité, jugea le moment venu de frapper un grand coup : il ajourna le duc à comparoir, dans un bref délai, devant les pairs ; sur son défaut, déclara, le 18 décembre 1378, la Bretagne acquise au domaine royal et donna l'ordre à ses lieutenants d'exécuter son arrêt.
Aussitôt, tous les Bretons, Blois ou Montfort, nobles ou paysans, se lèvent comme un seul homme, signent à Rennes, le 25 avril 1379, un acte de confédération, vendent leurs boeufs peur acheter des armes et rappellent leur duc, par lettre du 4 mai. Quand il débarque à Dinard, le 3 août, les plus enthousiastes se jettent à l'eau pour être les premiers à l'acclamer ; les plus irréductibles de ses ennemis, le vicomte de Rohan en tête, s'agenouillent sur la plage devant le libérateur de la patrie. Jeanne la Boiteuse, la veuvé de Charles de Blois, elle-même, vint à Dinan, le 6 août, accoler le meurtrier de son mari et mettre à sa disposition toute la force armée de son apanage.
En présence de la résolution unanime des Bretons, le roi se contenta de faire surveiller la frontière, puis, le 17 octobre, à la suite d'une trêve conclue par le duc d'Anjou, il licencia la plus grande partie de ses troupes. Ce répit dans les hostilités permit à quelques Bretons d'aller jusqu'en Espagne faire montre de leurs instincts belliqueux : d'Argentré nous cite les jeunes bâtards d'Auray et de Spinefort qui, dans Aureyne en Galice, soutinrent, pendant dix heures, l'effort de toute l'armée anglaise et forcèrent le duc de Lancastre à leur offrir, comme gage de son admiration, une composition des plus honorables.
La paix signé le 4 janvier, à Guérande, vint rendre Auray au duc : bien que trop souvent troublée par des difficultés avec Olivier de Clisson, les Malouins, les Espagnols et les Anglais, elle permit cependant à Jean IV de s'attacher à panser les plaies occasionnées par la guerre et à réorganiser la vie publique en Bretagne.
Nous savons qu'en 1380, le grand veneur du duc était Jean d'Auray, et qu'en 1387, la paroisse de Saint-Goustan payait neuf sols mennoie de cens au chapitre de Vannes, et le prieuré- paroisse de Saint-Gildas, vingt-quatre sols.
Jean, réconcilié avec tous ses voisins, rentré intégralement en possession de toute la Bretagne délivrée des Anglais et des Français, mourut, le 2 novembre 1399, au château de Nantes ; son fils Jean V, âgé de dix ans, lui succéda sous la tutelle de sa mère, Jeanne de Navarre, troisième femme de Jean IV, et la régence de son oncle Philippe le Hardi, duc de Bourgogne.
Le 16 décembre suivant, Jean de Malestroit, seigneur de Caër, donnait reçu du château d'Auray et du matériel qui s'y trouvait, à Péronnelle Aldreviche, femme d'Antoine Ricze, naguères garde et cappitaine d'Aurai, et à Henri le Parisy, lieutenant dudict Antoine, pour la garde et deffense du chastel d'Aurai, en présence de M. de Malestroit son père et de Hervé Le Grant, secrétaire de la duchesse ; on y parle de la grand'tour, de la chambre du duc, de la chambre de parement, de la salle, d'une petite chambre près de la chapelle, d'un portail à deux étages. Auray ne possédait alors que deux pièces d'artillerie, dont un gros canon de fer au-dessus du portail, Jean de Malestroit remplaçait comme capitaine Antoine Ricze, chargé de la mission diplomatique de négocier le mariage de Jeanne de Navarre avec le roi d'Angleterre Henri IV ; il ne resta, du reste, pas longtemps en fonctions, car nous le voyons, dès avril 1406, remplacé lui-même par Henri le Parisy, qui devait, à son tour, le 23 octobre de la même année, céder la place à Tristan de la Lande.
En juin 1406, un bourgeois d'Auray, Jehan Morain, fut exempté de tous fouaiges présens et à venir : les exemples de cette faveur ne sont pas rares : le 25 décembre 1425, le marchand d'Auray, Jean Gauvaing, est anobli, à la charge de servir ès camps comme tes autres nobles ; le 4 mai 1426, Olivier de Queberon demeurant à Auray est exempté et déchargé de tous fouaiges et subsides ; le 30 du même mois, Jean-Magado et sa femme sont exemptés des mêmes impositions et, pour que les autres habitants d'Auray n'aient pas à souffrir de ces privilèges, l'impôt du fouage étant collectif, le duc donne descharge aux aultres contribuables audict fouaige d'Auray de demi feu fouaige ; le 11 août 1438, Jean Le Dihoarz, de Surzur, est anobli pour avoir refait la charpente de Sucinio, ainsi que, le 20 décembre suivant, Raoulet le Cherpentier, très artificieux et expert oupvrier méchanique en l'art et science de cherpenterie ; le 1er octobre de l'année suivante, Pierre Michel, valet de chambre du duc, est affranchi de tous fouages sa vie durant, et le duc rabat, en conséquence, un demi-feu de la paroisse Sainct-Guédas d'Aurai ; il obtient également exemption du debvoir sur 20 pipes de vin par an qu'il vendra ou fera vendre dans sa maison d'Auray ; le 3 février 1441, Jean Champion, de Fougères est anobli, non obstant qu'il se mêle du faict de marchandise ; en avril 1407, Eon de Kernéguen reçoit en don les sergeantises d'Aurai, avec la garde des forêts et étangs de Lanvaux.
Le jeune duc Jean V vint à Auray le 9 mai 1407 : il y confirma un accensement de 1401 et un mandement du 20 juillet 1405, au sujet de la location à faire des terres en friche particulièrement nombreuses au terrouër d'Aurai ; par un acte du 1er juin, il accorda à Olivier Gicquel, d'Auray, le droit curieux de jouir pleinement de treize prisonniers anglais pour racheter dix-huit bretons, ses parents, retenus captifs en Angleterre, à la suite d'un débarquement des Anglais près d'Auray ; un mois plus tard, il ordonnait d'arrêter des marins de Beauvoir, Noirmoutiers et Pornic, coupables d'avoir pillé les marehandises de deux, commerçants d'Auray, Pierre Bignen et Olivier Tredabou.
En février 1411, le duc, informé qu'un certain nombre des vassaux de l'abbaye de Lanvaux refusaient de faire hommage à Saint-Michel du Champ pour les terres qu'ils possédaient autour d'Auray, ordonna, de Ploërmel, à Loyse de la Forest, Guillaume du Guaro et Pierre le Douarin d'accomplir ce devoir : sur la réclamation des intéressés, il prescrivit d'ouvrir une enquête pour déterminer les fiefs qui debvoient la foi et le rachapt aux chapelains d'Aurai. En 1414, un nouveau et curieux conflit de juridiction se présenta : un homme du prieuré de Saint-Goual en Local-Mendon, convaincu de meurtre, avait pris asile au minihi du cimetière d'Erdeven ; un sergent du prieuré l'avait arraché de force à son refuge et l'avait mené dans la geôle du prieur. L'évêque de Vannes, en présence de cette violation du droit d'asile, l'avait réclamé et l'avait déposé à la prison d'Auray ; sur un appel comme d'abus du prieur, le duc, intéressé à la restriction d'un droit qui, vu la multiplication incessante des lieux d'asile, entravait continuellement le cours de la justice, ordonna de rendre le coupable à sa première juridiction, qui le fit exécuter.
S'il faut en croire Albert de Morlaix, le grand hagiographe breton, saint Vincent-Ferrier aurait prêché à Auray en 1418.
Le duc, qui s'était trouvé dans cette ville le 21 septembre 1419, y revint pour la Saint-Michel 1420, encore tout ému de sa captivité de Chantoceaux, et ordonna à son trésorier, Jean Pério, de payer 30 livres à Jean Gay, doyen de la collégiale de Saint-Michel, pour bailler et distribuer à noz chapelains et clercs d'icelle pour despens et deffray de estre venus à la feste de Sainct Michel derroine avecques nous à Auroy. Ces chapelains bien rentés devaient recevoir, le 26 avril 1424, une nouvelle dotation de 300 livres, en récompense, sans doute, des prières qu'ils n'avaient pas manqué de faire pour la délivrance de leur souverain.
En 1421, Lancelot d'Auray figure parmi les gentilshommes de la maison du jeune comte de Montfort, fils aîné de Jean V ; les montres et les réformations de cette époque font, d'ailleurs, des chefs de la famille d'Auray des sortes de marquis de Carabas de la région ; elles prouvent aussi de leur part une certaine insouciance de leurs devoirs militaires : à la montre de 1464, François d'Auray néglige de s'habiller en homme de guerre et se fait réprimander pour cela, pendant que son voisin, Jean Perro, de Saint-Gildas, oublie ses armures de bras et sa dague ; en 1477, Guyon d'Auray se présente sans armures de bras et, en 1481, il n'a pas pensé à amener son page. La réformation de 1427 nous assure qu'il n'y a pas un seul noble sur la paroisse Saint-Goustan, tandis que, vingt et un ans plus tard, on y compte 26 exempts de fouage.
En, 1427, Pierre Loret étant sénéchal de Vannes et d'Auray, les comptes contiennent l'ordre de payer soixante sous en bonne monnaie pour une charge de cerises apportée d'Auray par un nommé Pierre Perriel de Rennes, tant pour le voiturier qui les porta que pour lesdictes cerises.
A la fin de 1431, le château d'Auray reçoit un prisonnier de marque : lors de la reddition de Chantoceaux le 6 juillet 1420, Guillaume de Blois, le plus jeune des Penthièvre, avait été retenu, comme otage de la promesse de sa mère et de ses frères de comparaître, à jour dit, devant le Parlement : sur leur défaut, il fut emprisonné à Nantes, puis à Vannes et au château de l'Isle sur la Vilaine. Le 24 décembre 1431, Jean V écrivait, de Rennes, la lettre suivante : A nostre bien amé et féal escuyer, Jehan Guiomarhou, nostre receveur d'Aurai. De par le duc : Nostre bien amé et féal, nous avons ordonné présentement que Guillaume de Blois soit mené demourer en nostre chastel d'Aurai, et, pour ce, en attendant que nous soyons par delà et que nous ayons ordonné de sa faict et ordonnance, vous prions que vous délivrez finances tout ce qui en faudra pour faire sa dépense ; et, en oultre, pour la plus gravide seureté de son allée, vous prions bien chèrement que vous allez, vous et le lieutenant, le quérir jusques à Vennes. La pension du prisonnier fut fixée à 240 livres par an, environ 11.500 francs de notre monnaie. Guillaume ne sortit de prison qu'en 1448, presque aveugle par force de plourer : cela ne l'empêcha pas d'épouser, dès sa libération, Isabeau de la Tour d'Auvergne, d'en avoir quatre enfants et de devenir le quadrisaïeul du roi de France Henri IV.
Le 8 décembre 1431, le duc donna raison contre son receveur d'Auray à Eon de la Tour, sergent féodé de Saint-Goustan : la charge noble de sergent féodé, équivalente, en France, à celle de bailli, consistait à recueillir les rentes de la seigneurie dans les limites de la prévôté et à aider les officiers de la juridiction dans la répression des crimes et délits.
En 1434, nous trouvons mention de la collégiale du Saint-Esprit d'Auray, sous le titre de Collège : à cette date, l'hôpital du Saint-Esprit était déjà entre les mains d'un commandeur séculier ; le 30 septembre, à la supplication et humble requeste de Messire Yvon du Val, chevalier et gouverneur de l'église et du collège du Sainct Esprit d'Auray, considérant qu'à ceste église et collège, au jour de Madame Saincte Elisabeth, par chascun an, il y a une très belle et notable assemblée de peuple, le duc, qui se trouvait à Auray, permit d'y tenir une foire annuelle, le 19 novembre, joua de la fête de la sainte ; cette foire se tenait sur la place où s'éleva plus tard la croix dite de sainte Elisabeth, près de l’emplacement actuel de la foire aux cochons.
Le 30 septembre 1437, Jean Guiomarhou reçoit du duc, qui se trouvait à Saint-Michel-du-Champ, et qui avait dû subir les doléances du doyen Jean le Mouël et de ses chanoines, l'ordre de payer les trois tonneaux de froment, mesure d'Aulroy, inscrits à l'acte de fondation, et comme le moulin ducal de Treauray qui doit fournir cette rente est en réparation, de les prélever, jusqu'à l'achèvement des travaux, sur les moulins de Sachraoul. Le 12 novembre de la même année, un désaccord des plus vifs entre le duc et la famille de Laval, au sujet de Chantocé que Jean V avait acheté bon marché au toujours besogneux Gilles de Laval-Rais, occasionna un voyage à Auray du connétable de Richemont, qui servit d'arbitre entre les deux parties ; la nuit de Noël suivant, l'évêque de Luçon célébra la messe, à Saint-Gildas, devant le duc;
Jean V, avant de mourir, le 28 août 1442, à Nantes, avait tenu à assurer l'avenir de sa dynastie : son fils aîné, François, était veuf d'Yolande d'Anjou qui ne lui avait pas donné d'héritier; pour lui trouver une nouvelle épouse, Jean V envoyait ambassade sur ambassade aux cours où se trouvaient des filles à marier. Ses envoyés près du roi Jacques II d'Ecosse vinrent lui rendre compte que la princesse Isabeau, la plus jeune soeur du roi, semblait propre pour avoir enfants, mais que, du reste, elle n'avait pas grand discours en ses propos et semblait assez simple. Retournez bien vite en Ecosse, s'écria Jean, et me l'amenez : par saint Nicolas ; j'estime une femme assez sage quand elle sait mettre différence entre sa chemise et le pourpoint de son mari.
De nos jours, cela ne suffirait pas.
Les pourparlers avaient un peu duré, si bien que, lorsqu'Isabeau débarqua en Bretagne, son fiancé était duc depuis près de deux mois : la cérémonie eut lieu, le 30 octobre 1442, au château d'Auray et fut présidée par l'évêque de Vannes, Jean de Validire ou de Saint-Léon, devant une brillante assistance, tant d'Eosses que de Bretagne. Cette fête fut bientôt suivie d'un deuil : Isabeau de Bretagne, dame de Laval, sœur du duc, mourut à Auray le 1er janvier 1443 et fut inhumée à Nantes. A ce moment, une enquête, faite à Saint-Gildas d'Auray par Olivier de Quérissac et Jehan Gibon, constate que la métairie du prieur est complètement abandonnée.
Les chapelains du Saint-Esprit éprouvent, en 1446, le besoin d'une réforme : ils adaptent à leur règle celle de saint Augustin et se qualifient de Chanoines réguliers de l'Ordre de satín Augustin ; ils modifient aussi leur costume, qui, de bleu, devient noir avec une croix blanche à douze pointes cousue sur le côté gauche de la robe et du manteau, En 1459, le pape Pie II supprime les chevaliers du Saint-Esprit, et l'Ordre d'Auray persista, néanmoins, à être dirigée par un chevalier d'un Ordre quelconque qui prenait le titre de commandeur et gouverneur de l'Ordre du Saint-Esprit d'Auray, Les religieux firent, peu à peu, place à des chapelains séculiers qui, lors de la fondation des hôpitaux d'Auray, cessèrent complètement de s'occuper des soins aux malades et se bornèrent à la célébration des offices.
D'après plusieurs auteurs, Auray se composait encore, en 1460, de deux agglomérations autour du château et de Saint-Gildas ; près de la paroisse s'élevait la chapelle, gothique de Notre-Dame de Nazareth, de Bethléem ou du Cimetière ; son emplacement est aujourd'hui occupé par la Plaine. La date de sa fondation, probablement due aux Caër, est inconnue ; certains la fixent, un peu au hasard, à 1180 ; ses vitraux représentant la vie du Christ et sa flèche s'élevant à plus de 72 mètres et servant d'amer aux navigateurs, en faisaient le plus beau monument d'Auray. Une chapelle, au sud du Loc, dédiée à sainte Madeleine, servait de centre religieux aux lépreux, aux cacous et aux cordiers, qui leur étaient assimilés. Le Pouillé de 1516 mentionne également la chapellenie de Saint-Julien, au sud de la croisée des routes de Landévant et de. Pluvigner, et le prieuré ou la chapellenie de Notre-Dame de l'Hôpital, que l'inscription de sa façade fait remonter à 1465 et qui était desservie d'ordinaire par le Régent ou maître d'école d'Auray. Le pont de Saint-Goustan avait, depuis peu, remplacé un passage plus ancien, puisque, vers 1464, on le dénommait : le pont neuf.
Les ducs de Bretagne qui s'étaient succédé depuis Jean V : François Ier, Pierre II, Arthur III étaient morts sans postérité mâle : le représentant de la branche cadette, le comte d'Estampes, avait été sacré à Rennes, le 3 février 1459, sous le nom de François II : il n'allait pas tarder à se trouver en face d'un terrible voisin, Louis XI, qui succéda à son père Charles VII, le 27 juillet 1461. Le nouveau roi prétendit s'immiscer aux démêlés du duc avec ses vassaux laïques et ecclésiastiques, et François, poussé par Dunois, Tanguy du Châtel et Antoinette de Maignelais, cousine d'Agnès Sorel, se prépara à la lutte : il entra dans la Ligue du Bien Public, assista à la bataille de Montlhéry et signa, le 30 octobre 1465, le train de Saint-Maur-des-Fossés.
Cette trêve ne fut pas de longue durée et, devant les continuelles menaces d'invasion française, il fallut se tenir prêt : le 2 août 1468, le capitaine d'Auray reçut l'ordre de contraindre toux les habitans de la chatellenie à subir les corvées de guet et de garde ainsi que les travaux de bêché dans les douves et de réparation des murailles et des portes, avec l'assistance de l'un des officiers de justice. Dès le mois de février de cette année, Jean Gourdel, clerc de l'artillerie, avait dû délivrer à Ramonet de Boissy plusieurs engins, coulevrines, carreaux, poulies, paniers, pouldre et douze douzaines de projectiles. En 1482, des impôts dits devoir du billot et appatissage des vins, sont affermés pour deux ans, pour les deniers en estre employés à faire les réparations d'Auray.
Le duc, tiraillé entre les exigences de ses barons et les menaces du roi, se déchargeait du souci des affaires sur sa favorite et son trésorier, Pierre Landais : celui-ci, partisan de l'alliance anglaise, avait choisi, comme agent de liaison avec le roi de ce pays, un homme dont il se croyait sûr ; cet intermédiaire, nommé Maurice Gourmel, s'était, pour cent livres, engagé à remettre au roi Louis la correspondance dont il était chargé : des copies, faites par un habile faussaire, étaient transmises à Londres et à Nantes. Louis XI se fit, un jour, le malin plaisir de remettre les originaux au chancelier de Bretagne, Guillaume Chauvin, qui les apporta au duc. Landais, pour se disculper, fit courir après Gourmel qui, arrêté à Port-Blanc, avoua tout et fut conduit au château d'Auray où, soigneusement cousu dans un sac, il fut jeté à la rivière. Ceci se passait en 1476.
Landais garda rancune à Chauvin et sut le lui prouver : il le dénonça comme un agent de Louis XI et arracha au duc l'ordre de le faire arrêter, le 5 octobre 1481, par le capitaine Gilles de la Clartière. Remplacé par Chrestien de Pommorio, receveur d'Auray, Chauvin fut incarcéré au château de cette ville, puis, son gardien, Philippe du Ronceray, semblant avoir pitié de lui, il fut emmené, de nuit, à l'Hermine, où il mourut de misère le 5 avril 1484 ; Landais devint alors tout-puissant sur l'esprit du duc.
Louis XI étant mort, le 30 août 1483, sa fille, Anne de Beaujeu, régente pendant la minorité de Charles VIII, continua, en tous points, sa politique. Les barons bretons, irrités de la tyrannie de Landais, s'adressèrent à elle, et signèrent le traité de Montargis reconnaissant la validité de la cession, faite au feu roi, en 1480, par Nicole de Brosse, la dernière héritière des Penthièvre, de tous ses droits éventuels à la couronne de Bretagne ; Landais, pour faire contrepoids à cette alliance, prit le parti des seigneurs français mécontents, à la tête desquels étaient le duc d'Orléans, le prince d'Orange et le comte de Dunois ; une armée franco-bretonne marche sur Nantes, mais, à moitié chemin entre cette ville et Ancenis, les Bretons des deux partis tombent dans les bras les uns des autres et s’unissent contre Landais qui, arrêté dans la chambre du duc, est pendu le 19 juillet 1485.
Le faible François II finit par approuver cette exécution faite malgré lui ; encouragés par cette concession, les révoltés veulent exiger le renvoi des princes français réfugiés en Bretagne et font, de nouveau, appel à la régente. Le duc étant tombé malade en mai 1487, Anne de Beaujeu, à l'instigation d'un transfuge, le maréchal de Rieux, juge le moment favorable pour intervenir d'une manière décisive dans les affaires de Bretagne : une armée pénètre dans ce pays et commence par assiéger Ploërmel. Le duc, accouru au secours de cette place, se vit abandonné par ses miliciens, au milieu desquels des traîtres avaient semé la panique, fut obligé de se réfugier à Vannes, puis à Nantes, où les Bas-Bretons réussirent à le délivrer le 6 août. Les troupes françaises entreprirent alors de grignoter la Bretagne en assaillant successivement toutes les places de ce pays : Auray fut un de leurs objectifs.
Une somme de 300 livres, sur les fonds d'Auray et de Rennes, avait été affectée, le 14 mars 1487, aux réparations les plus urgentes du château : le même jour, le capitaine Guyon de Pontbriant et son lieutenant, Philippe du Ronceray, avaient été invités à résider dans la place confiée à leur vigilance à y faire bonne garde de jour et de nuit, et à convoquer, si besoin en était, autant de gentilshommes qu'ils le jugeraient nécessaire ; vingt jours après, le capitaine était astreint à inspecter, avec l'aide d'un certain nombre de bourgeois, les réparations à faire au château et à entreprendre celles qui lui paraîtraient les plus indispensables, en les faisant payer sur les deniers que peut avoir Geoffroi Etrillard.
Toutes ces précautions devaient être vaines : le siège fut mis devant le château par le bâtard Charles de Bourbon assisté d'Alain de Molac, qui prenait le titre de lieutenant-général du duc contre lequel il portait les armes ; serrée de prés et sévèrement battue par l'artillerie, la place fut obligée de capituler le 31 octobre 1487. La garnison put se retirer, vies et bagues sauves, emmenant même, pour les rendre au duc, quatre fauconneaux envoyés de Nantes ; Molac, qui fut commis à la garde de la ville, s'engagea, vis-à-vis des habitants, à ne les faire piller ni prendre prisonniers à l'advenir, s'ils ne se insurgent ou mettent en guerre contre ledit lieutenant-général ou les barons.
L'année suivante, Rieux finit par s'apercevoir que le but mal déguisé du roi était de mettre définitivement la main sur la Bretagne : il protesta et, après une réponse hautaine de la régente, il se réconcilia avec le duc ; c'était trop tard, quelques mois après, le 28 juillet 1488, l'armée bretonne était écrasée à Saint-Aubin-du-Cormier et François II mourait le 9 septembre, à Couëron, de honte d'avoir dû signer le traité du Verger.
IV. — La ville d'Auray avait beaucoup souffert ; aussi, peu après que l'union personnelle le entre la France et la Bretagne fût devenue, par suite du premier mariage de la duchesse Anne, un fait accompli, voyons-nous, le 6 juillet 1495, un commissaire du roi, Gérardin de Billy, se transporter au lieu et place d'Auray, devers les procureurs, bourgeois et habitants de ladicte ville et place, de laquelle sont les murailles dilacérées et rompues, qui lui monstrèrent, certifièrent et relatèrent qu'il n'y avoil audict lieu et placé aucune pièce d'artillerie, pouldre ni autre chose au roy, ni pour ladicte ville et, que durant ladicte dernière guerre, les cappitaines et gens de guerre avoient tout emporté.
Auray s'occupa activement à relever ses ruines, laissant le château dans son état de délabrement. En 1497, un grand mariage eut lieu dans la ville : Henri de Rohan, seigneur de Landal, y épousa Marguerite du Pont, fille de Charles du Pont et de Jeanne de Plusquellec ; à cette occasion, des fêtes très brillantes furent données.
Le roi Charles VIII étant mort le 8 avril 1498, le duc d'Orléans lui succéda, sous le nom de Louis XII ; pour ne pas être obligé de proclamer, aux termes du contrat de la reine, l'indépendance de la Bretagne, il fit prononcer, le 17 décembre 1498, l'annulation de son mariage avec Jeanne de Valois, fille cadette de Louis XI, et épousa la reine douairière à Nantes, le 8 janvier 1499.
En août 1505, la reine Anne fit au Folgoët un pèlerinage pour obtenir la guérison de son mari ; nous savons qu'elle s'arrêta à Vannes, mais je n'ai retrouvé aucune trace d'un séjour à Auray, qui était pourtant sur sa route. Elle mourut le 2 janvier 1514, et le roi la suivit dans la tombe le 7 août de la même année. Son neveu et successeur, François d'Angoulême, marié depuis le 21 mai 1505 à Claude de France, héritière de Bretagne, s'occupa beaucoup de cette province qu'il tint à visiter — nous savons qu'il était à Auray les 7 et 8 septembre 1518 — et dont il sut se faire faire donation par la reine, dans le cas où elle mourrait sans enfant : cette fâcheuse prévision ne se réalisa pas, car, lorsque Claude s'endormit, le 20 juillet 1524, de son dernier sommeil, elle était entourée de sept rejetons.
Le 11 avril 1520, François Ier accorda à Bertrand Le Voyer, Seigneur de la Cour, sa vie durant, la seigneurie d'Auray. A cette époque, d’après le Pouillé de 1516, la prieure de Kerléano était taxée à 25 sols, le prieur de l'hôpital Sainte-Marie à 30 sols, le chevalier du Saint-Esprit à 40 sols et Saint-Goustan à 25 sols. Nous trouvons mention d'une chapellenie de Saint-Julien desservie par la paroisse. Le vicaire perpétuel de Saint-Gildas, bien qu'à la tête d'une paroisse importante, était loin de rouler sur l'or : il n'avait ni presbytère ni dimes ; avec la pension ou portion congrue que lui allouait le prieur, et une indemnité de logement accordée par la communauté de ville, il ne pouvait subsister que grâce au casuel, à sa minime part des offrandes des confréries de Saint-Roch et des Trépassés et aux maigres revenus de bénéfices secondaires, quand il avait l'heureuse et bien aléatoire chance d'en être pourvu.
François Ier étant mort en 1547, quinze ans, après avoir prononcé l'union définitive de la Bretagne à la France, son fils et successeur Henri II déclara, en 1548, la guerre à l'Angleterre ; Houat, Hoedic et Locmariaquer furent dévastés par une flotte anglaise qui pénétra un instant dans le port de Belle-Isle ; en 1551, la côte sud de la Bretagne fut de nouveau menacée, et en 1557 Belle-Isle fut encore surprise. L'année suivante, le roi, désireux de mettre cette île à l'abri des incursions des Anglais, ordonna la démolition des ruines du château d'Auray et le transport des matériaux à Belle-Isle, pour servir avec 200 journaux de bois de la forêt de Lanvaux à la construction, sur l'emplacement de la vieille tour élevée, en 1172, par les moines de Saint-Croix de Quimperlé, d'un fort qui fut, sous Louis XIV, remplacé par le château actuel construit, par Vauban. Le capitaine Sourdeval, gouverneur de Belle-Isle, surveilla l'exécution de l’ordre du roi, et le châteeu d'Auray fut mis dans l'état où nous le voyons de nos jours : les substructions de deux tours, l'une ronde et l'autre carrée, quelques contreforts du côté de la rivière, des pans de murs incorporés dans les vieilles maisons de la rue du Château, un souterrain, problablement une poterne sur la rivière, muré, dit-on, lors de la construction du quai Martin, rappellent seuls son souvenir. Le terrain sur lequel il s'élevait fut adjugé, en 1560, par un commissaire de la Chambre des Comptes, au plus offrant et dernier enchérisseur.
La châtellenie d'Auray s'était vu adjondre successivement, au point de vue judiciaire, celles de Quiberon et de Belle-Isle : le 29 mars 1564, elle devint le siège d'une sénéchaussée royale qui porta le nom de Cour d'Auray et de Quiberon ; elle s'étendait sur 25 paroisses, d'Etel à Pluvigner, les abords de Vannes et Belle-Isle ; un lieuteñant particulier du sénéchal de Vannes résidait à Auray : ses appellations, nous dit Ogée, ressortissoient immédiatement au Parlement, sans que, pour cela, le sénéchal de Vannes put prétendre, dans la suite, les assises audit siège. L'auditoire ou salle d'audiences se trouvait au-dessus des vieilles halles ; dans le même local s'exerçaient également les juridictions seigneuriales de Largouët et de Caër. Le musée de la Société Polymathique possède une empreinte en plâtre du sceau de la sénéchaussée d'Auray en 1490 ; elle porte, autour d'un écu de France accosté de deux mouchetures d'hermine, la légende suivante en caractères gothiques : S. DES CONTRAS. DE LA. COURT. D'AVRAY. Il possède également la matrice du sceau de la sénéchaussée en 1690.
V. — Les guerres de religion n'eurent pas de fâcheuse répercussion à Auray : la population, naturellement ennemie des innovations, resta fidèle aux croyances de ses pères, en dépit des prédicants de Ploërmel et de La Roche-Bernard protégés et soutenus à main armée par François de Coligny, seigneur d'Andelot, colonel général de l'infanterie française.
La Bretagne demeura donc calme jusqu'à la Ligue : la défense de la religion catholique, en présence d'une très faible mais très remuante minorité, ne s'imposait pas, en effet, d'une façon aussi aiguë que dans le reste du royaume ; cependant, quand la Ligue eut été déviée de son but initial par le conflit des intérêts et des ambitions personnels, quand, surtout, au roi catholique succéda, le 2 août 1589, un souverain appartenant au culte protestant, les vieux ferments séparatistes qui bouillonnaient encore reprirent une nouvelle ardeur avec le dernier représentant de la famille de Penthièvre, Philippe-Emmanuel de Lorraine, duc de Mercœur.
La Bretagne se divisa en royalistes, ligueurs et politiques, ces derniers, gens d'opinion indécise, tout destinés à jouer entre leurs bouillants voisins le rôle ingrat d'état-tampon. Auray hésitant entre le roi et Mercœur devait supporter les conséquences de son indécision : aussi, dès 1589, François de Kermeno de Keralio, chef des ligueurs de Vannes, envahit-il, un beau jour, la petite ville, à la tête de 80 hommes : il attaqua et saccagea la maison de Bonaventure de la Tousehe, lieutenant civil et criminel ; il revint le lendemain achever le pillage et enlever les meubles ; mais les Alréens, qui s'étaient ressaisis, se rebiffèrent et, aidés par les gens de la campagne, ils firent un mauvais parti aux agresseurs, qui ne purent s'échapper que grâce à l'interverition des quelques ligueurs d'Auray et en laissant aux mains des vainqueurs leur chef et sept de ses compagnons. Keralio, conduit devant le sénechal, se vit acquitter par lui sur ce considérant que La Tousche est un politique et serviteur du roi.
En août 1589, Jérôme d'Arradon et son frère Camors s'emparent d'Auray pour la Ligue et forcent les défenseurs à se réfugier dans ce qui subsiste des ruines du château, mais, le 1er septembre, Jean de Rieux marquis d'Assérac, se presente au nom du roi, et pour éviter un pillage en règle comme on savait les faire à cette époque, les habitants doivent se racheter au prix de 10.000 livres. Arradon revient en décembre avec une Compagnie de gendarmes et s'occupe de recruter des navires destinés à attaquer par mer le port de Blavet — Port-Louis — enlevé par le royaliste Couëtcourson. Le prince de Dombes, lieutenant général du roi en Bretagne, se concentre autour d'Auray, en avril 1590, et force, le 2 mai, Jérôme d'Arradon à capituler dans Hennebont, ce dont le vaillant ligueur crevait, disait-il, de dépit et en pensa enrager.
Mercoeur qui venait, le 11 juin, d'enlever Blavet où il comptait recevoir les renforts que lui envoyait le roi d'Espagne, était revenu s'installer à Auray : apprenant que le prince de Dombes marchait contre lui, il alla se mettre à l'abri derrière les murailles de Vannes, sous lesquelles son adversaire vint, le 24 juin, essuyer l'échec connu sous le nom de combat du Pargo. A quelques jours de là, un Cordelier se fit prendre par les royalistes à Auray : il était porteur d'un plan ourdi par le sieur de Rascol de Keraldanet contre la vie du prince de Dombes : Rascol fut décapité et le moine pendu.
Mercœur qui avait reçu les contingents espagnols alla, à leur tête, reprendre Hennebont, le 11 décembre.
Auray n'eut guère à se louer ni des ligueurs ni des Espagnols qui, toujours à court d'argent et de vivres, lui faisaient chèrement payer leur protection : en avril 1592, le lieutenant général du royaume pour la Ligue autorisait Auray à percevoir, pendant un an, pour les fortifications, qui se bornaient, du reste, à des barrières posées aux issues, un demi-écu par pipe ou double barrique de vin débitée dans la ville ou en sortant ; aux états généraux de Ligue en Bretagne, le 4 mai 1593, Vannes est imposé de 400 écus et Auray de 150, sur une somme totale de 10.666 écus et trois quarts, destinés à l’augmentation des gages de l'Université de Nantes ; en 1595, une bonne part de la contribution établie par Mercœur sur l'évêché de Vannes est supportée par Auray ; en 1597, les Espagnols cantonnés dans cette ville, sous le commandement de Rodrigo Dolosir, extorquent aux paroissiens de Saint-Gildas, de force et sous le nom de prêt, 92 tonneaux et demi de froment rouge, et Saint-Goustan doit en prêter 20 dans les mêmes conditions ; la ville avait déjà dû leur avancer 1.600 écus, plus 1.200 autres envoyés à la garnison espagnole de Pontivy. Les chefs ligueurs n'y mettaient pas plus de discrétion : en 1598, Jérôme d'Arradon vient loger à Auray, chez Perrine Le Couriault : il y fait une dépense de 676 livres et 8 sols, et laisse généreusement à la communauté le soin de les payer. Quand la Ligue prit fin par l'édit de pacification du 18 mars 1598, Auray doit encore fournir au roi 2.000 écus pour aider à mettre les Espagnols hors de Blavet ; le roi, par contre, octroya à la communauté un sou par pot de vin, débité dans la ville, soit 100 sols par barrique de cent pots.
VI. — Au début de la période de calme qui suivit l'agitation de la Ligue, naquit à Auray, le 14 juillet 1602, un personnage destiné à devenir célèbre successivement par ses désordres et par sa rigoureuse pénitence : Pierre Le Gouvello, fils, d'Olivier Le Gouvello, écuyer, seigneur de Keriolet, et de dame Anne Guido ; sa famille, qui avait comparu aux montres et réformations de l'évêché de Vannes, de 1426 à 1536, s'adonnait depuis quelque temps au commerce, comme cela se faisait fréquemment en Bretagne : elle fit, le 22 février 1671, la preuve qu'elle avait renoncé au négoce, reprit ses droits et fut, le 24 mars suivant, maintenue noble d'ancienne extraction. Quoi qu'il en soit, Pierre avait été pourvu, le 14 juillet 1628, d'un siège de conseiller et commissaire, en remplacement de Jean Boutin, et installé le 5 octobre suivant. Son histoire est trop connue pour qu'il soit nécessaire de la raconter ici : après sa conversion, le 21 décembre 1636, il vendit sa charge à René du Plessis de Grénédan, au prix de 58.000 livres, se retira à Kerloïs, entra dans les ordres le 28 mai 1637, et mourut au couvent de Sainte-Anne, le 8 octobre 1660 ; il fut inhumé le lendemain au couvent des Carmes de Vannes.
Auray était une des villes qui avait le droit de députer aux Etats de la province. On ne sait pas exactement à quel moment commença à fonctionner la communauté : on ne connait la liste de ses procureurs des bourgeois et procureurs-syndics qu'à partir de 1605 ; les plus anciens registres de délibération ont remplacé, en 1607, ceux que, au cours des troubles, avaient disparu dans l'incendie du greffe de la ville. Toute l'administration intérieure de la cité reposait sur cette Communauté des nobles, bourgeois et habitants, formant la plus saine et maire voix de la ville. Elle s'assemblait au son de la campane, au-dessus des halles, dans le local de l'auditoire de la sénéchaussée, toutes les fois que besoin était, et il faut avouer qu'on s'aperçoit, en feuilletant les registres de délibérations, que, bien souvent, le quorum n'étant pas atteint, les séances ne pouvaient avoir lieu.
La présidence revenait de droit au gouverneur ; en général, il était remplacé par le sénéchal ou son lieutenant, l'alloué ; dans la réalité, le véritable chef de la communauté était le procureur- syndic-miseur, élu par la communauté : il devint plus tard le maire. Le nombre des membres était très variable : 40 en 1608, 55 en 1615, 70 en 1630, 90 en 1690 ; ce nombre fut définitivement fixé à 39, par arrêt du Conseil d'Etat, en 1740. Assistaient aux séances les juges royaux, les officiers municipaux, les recteurs des deux paroisses, les fabriques de Saint- Gildas, de Saint-Goustan et de la chapelle Notre-Dame, les économes des hôpitaux, les capitaines de la milice bourgeoise, des avocats, des notaires, des procureurs, des gentilshommes et, au moins, six marchands ; les membres qui venaient à disparaître étaient remplacés par des personnes de leur catégorie.
Une des premières délibérations qui nous aient été conservées décide que, pour avoir l'agrément de l'évêque de Vannes pour le choix d'un prédicateur de carême, la ville enverra à ce prélat un barot de vin de Madère et douze livres de confitures sèches ; la plus grande misère régnait pourtant en ce moment et il fallait distribuer de nombreuses aumônes, et hospitaliser les indigents ; deux ans après, la communauté faisait don de 2 sols tournois à chacun des pauvres malades de l'hôpital. En 1609, une épidémie se déclare et la ville doit gager pour deux ans, au prix de 50 écus par an, le médecin Eustache Bernier, qui s'oblige à visiter les hôpitaux deux fois par semaine ; quelques mois plus tard, la maladie semblant s'apaiser, Bernier ne reçoit plus qu'une indemnité de logement de 20 écus : aussitôt, la contagion redouble et il faut convoquer un second médecin qui n'accepte pas moins de 24 écus. C'est à cette époque que les Capucins viennent, au nombre de trois, construire leurs cellules près de la Madeleine.
Le pont de Saint-Goustan s'était en partie écroulé en 1668, plusieurs personnes s'y étaient noyées : il fallut, le réparer d'urgence ; l'année suivante, le roi, mal renseigné, considérant toujours Auray comme une place de guerre, il fallut prouver qu'il n'y avait plus de château et qu'il n'y avait jamais eu de murailles. A la nouvelle de la mort d'Henri IV, on craignit des troubles et on plaça des postes à la prison située au centre de la ville, à l'angle sud-ouest des halles, et à la chapelle Notre-Dame, du clocher de laquelle on pouvait surveiller les environs.
En 1611, l'église Saint-Gildas menaçait ruine : les chapelles Saint-Yves et du Guergelin, principalement, étaient dans un état déplorable ; la cloche, fort usée et l'une des plus belles et des meilleures de la province, avait besoin d'être remplacée : on dut songer à une réfection totale, mais cette opération ne fut effectuée que dix ans plus tard.
En 1613, des pirates espagnols ayant tenté une descente à Houat, une quinzaine de jeunes gens d'Auray allèrent s'emparer d'eux ; l'année suivante, les quais de Saint-Goustan sont commencés et l'on se sert comme matériaux des pierres qui avaient servi pendant la Ligue à faire des barricades pour renforcer les barrières. Cet emploi était un peu prématuré, car, lorsque, profitant de la minorité de Louis XIII et de la révolte des princes contre l'autorité du maréchal d'Ancre, Vendôme essaya de reprendre en Bretagne le rôle de son beau-père Mercoeur, Auray refit ses barricades, tendit les chaines de ses rues, renforça sa milice urbaine et chacun fut mis en demeure de tenir son arquebuse en bon état de service, sous peine de 10 écus d'amende.
La tentative de Vendôme ayant piteusement échoué, les places fortes de ceux qui l'avaient suivi furent démantelées, et Auray contribua pour sa part à la démolition du fort de Blavet. Il fallut encore cependant veiller pour éviter toute surprise : les barrières d'Auray furent fermées à clef toutes les nuits, les barricades furent entretenues et l'on rassembla, à toute éventualité, des vivres, et des munitions ; ces précautions n'étaient pas inutiles, car, successivement ou simultanément, les Princes, la reine-mère, les protestants, étaient en révolte dans quelque coin du royaume.
Les dégâts constatés, en 1611, à l'église Saint-Gildas, avaient pris de telles proportions qu'il avait fallu, en 1617, transporter les cloches dans la tour de Notre-Dame, malgré le risque qu'elles y couraient d'être foudroyées, ce qui arriva le 17 mars 1620 ; en 1619, il y avait un réel danger à y célébrer les cérémonies, et le service curial fut transporté à Notre-Dame. Saint- Gildas fut jeté bas et des matériaux furent rassemblés : les pierres furent extraites, avec l'autorisation de Richard de Sensy, chevalier du Saint-Esprit d'Auray, et du marquis d'Assérac, dans leur carrière du Bono et transportées par eau jusqu'au port de Saint-Goustan ; 500 pieds d'arbres de la forêt de Camors furent fournis par la d'Arradon. La pose de la première pierre fut faite, le 22 mai 1623, par Jean Le Gentil, official de Vannes, en présence de Charles de Lorraine, duc de Guise, général de l'armée navale ; nous verrons que la reconstruction marcha lentement.
En 1619, une déclaration du vicaire perpétuel de Saint-Gildas nous révèle, outre la Madeleine du Loc qui rapportait 4 perrées de froment et 60 sous, une chapellenie de la Madeleine à Saint-Gildas, d'un revenu de 4 livres en argent, une perrée de froment et 5 perrées de seigle ; il y avait également à Notre-Dame une chapelle Saint-Laurent qui rapportait 7 à 8 écus, et une chapelle Notre-Dame desservie au Saint-Esprit. A cette même date, le recteur de Saint-Goustan n'avait pour tout revenu que son logement en nature, le tiers des rentes dues à la fabrique sur quelques maisons de la paroisse et quelques parcelles de terre en Pluneret, ce qui lui valait bien 5 livres ; il avait aussi le produit bien aléatoire des troncs et la sixième partie des paradelles ou deniers pascaux résultant d'une quête obligatoire faite pendant la semaine sainte ; il avait encore, quand le curé de Pluneret voulait bien ne pas le lui disputer, le profit de la bénédiction des bateaux construits sur la rivière d'Auray. Tout cela n'en faisait pas un gros capitaliste et lui donnait, tout juste, de quoi ne pas mourir de faim.
En 1620, les Capucins se trouvant trop à l'étroit et en mauvaise compagnie au milieu des cacous, de la Madeleine, commencèrent à bâtir une église et un couvent entre le Loc et le Saint-Esprit : cet établissement, inauguré en 1627, a duré jusqu'à nous.
Les guerres de la Ligue avaient amené une profonde misère : les soldats invalides ou licenciés, les paysans que le pillage et l'incendie de leurs maisons et de leurs récoltes avaient laissés sans ressources, formaient de véritables armées vivant de rapines et de mendicité, souvent à main armée, et propageant avec elles les maladies provenant du dénuement et de l'inconduite. Déjà le roi Charles IX avait, en vain, essayé d'endiguer ce fléau, qui, depuis, avait pris de lamentables proportions ; pour y porter remède, la communauté de ville voulut, en 1621, se rendre compte du nombre de misères à soulager ; elle fit le recensement des pauvres et créa une commission pour les visiter ; cette commission fut renouvelée en 1630 et, l'année suivante, les pauvres sans domicile furent répartis chez les habitants qui, charitablement, avaient accepté cette lourde charge ; c'est à ce moment que Saint Vincent de Paul fondait à Paris ses Filles de la Charité.
La centralisation ayant multiplié la correspondance officielle et privée, Auray s’offrit, en 1622, le luxe d'un courrier aux appointements de 12 à 15 livres quai, dès 1631, assura un service régulier d'Auray à Nantes et retour, moyennant 60 livres, bientôt, du reste, réduites à 48 ; un ingénieur des travaux, payé 200 livres, fut également institué : un tremblement de terre survenu le 19 mai 1622, à la suite duquel une procession fut faite aux Capucins, n'allait pas tarder à lui donner du travail.
Les rebelles de la Rochelle menaçant les côtes, Auray arme un navire pour leur résister : le 7 avril 1622, une revue des habitants d'Auray et des paroisses avoisinantes en état de porter les armes fut passée à Locmariaquer et, le 23 juin, un combat eut lieu auprès de ce bourg : les Rochellois furent repoussés grâce à l'aide de 400 hommes de Pluvigner accourus au secours de leurs voisins ; au mois d'août, le protestant Soubise levant des troupes en Angleterre, pour soutenir la Rochelle, une garde-côtes est organisée.
Le 25 juillet 1624, le laboureur Yves Nicolazic, de Pluneret, découvrit dans le champ du Bocenno la statue miraculeuse de sainte Anne et les pèlerinages de Sainte-Anne d'Auray furent inaugurés sous la direction des Carmes de Vannes ; ces événements, bien que d'une importance capitale dans l'histoire d'Auray, ont été si souvent et si bien racontés, que je juge superflu de m'y attarder, sous peine d'allonger exagérément le cadre de cette notice.
A cette époque, une grave épidémie sévissait tout autour d'Auray. En 1623, Blavet étant contaminé, il fallut prendre des mesures pour empêcher la contagion : les poissonniers et les sardiniers qui avaient pu être en contact avec les pêcheurs de cette ville, reçurent défense de pénétrer à Auray, pendant qu'une quarantaine de trois semaines était imposée aux arrivants par voie de terre ; les chiens errants furent abattus et les porcs, qui jusque-là, avaient toute liberté pour s'ébattre dans les rues, furent, ainsi que les pigeons, soumis à une stricte captivité ; la vente des cuirs verts fut interdite et, innovation inouïe, les rues durent, sous peine du fouet, être nettoyées et lavées tous les jours par les riverains. En 1630, Pluneret et Brandivy étaient, à leur tour, mis en quarantaine ; l'année suivante, la contagion gagne Brech, Pluneret et Saint-Goustan : des mesures s'ont prises pour la surveillance des cabaretiers qui logent des mendiants suspects, on prescrit de faire du feu et de la fumée dans les rues, une cabane d'isolement est construite hors de la ville, un service médical est organisé avec l'aide des Capucins et un groupe de corbeaux-désaireurs est créé pour la désinfection ; le médecin Pierre Buisseau reçoit 100 écus pour soigner les contagieux et les pauvres. En 1631, on lui alloue 100 livres de plus et on fait venir de Vannes un habile chirurgien. Tous les travaux furent suspendus et un emprunt de 1.000 livres fut contracté. La maladie dura longtemps, car nous retrouvons en 1632 un cordon sanitaire autour d'Auray, et en 1640 deux chasse-gueux montent la garde aux issues de la ville pour en interdire l'entrée aux mendiants étrangers.
En 1632, les Cordelières venues à Auray pour s'occuper de l'éducation des filles, sont autorisées à construire leur maison sur les douves du château. Cet établissement, confisqué pendant la Révolution, fut racheté, en 1807, par les religieuses du Père-Éternel de Vannes pour en faire une école et une maison de retraite.
Quatre ans après, Auray fut visité par un voyageur nommé. Dubuisson-Aubenay qui nous a laissé, sous le nom d'Itinéraires en Bretagne, ses intéressants souvenirs de voyage : on y lit qu'en venant de Pontsal, on pénètre dans Auray par un quartier sis au penchant d'un costeau regardant l'Occident et semé de maisons, s'appelant Saint-Sauveur, du nom de l'église paroissiale qui est aussy de Saint-Goustan, au-dessous de laquelle est une petite chapelle dite de Saint-René sur le quay et bout du pont ; ce pont est fait en chaucée percée de quatre belles arches de pierre... A ce pont commence la ville d'Auray dont la première maison, au coin gauche du pont, est les Trois Roys, bonne hostellerie et cabaret de Basile, derrière laquelle se voient les restes du chasteau d'Auray ... En ceste ville, il y a la paroice de Saint-Guédas, dont l'église, commencée de quinze ou vingt ans, de belle pierre solide, d'ordre dorique, ne s'achève point ; et cependant la paroice tient en une chapelle proche, grande et belle et à clocher fort ault et paroissant de fort loin surtout, dite Nostre-Dame ; en outre, il y a une petite chapelle de-Nostre-Dame de l'Hospital, une de Saint-Julian, une de Saint-Yves et une commanderie du Saint-Esprit, vulgo le Temple. En Auray, tout en haut, est une belle place publique et halle, puis, derrière les ruines du chasteau, une autre place vague dite le Loc ou Lo. Notre voyageur, qui a pu fréquenter le beau monde d'Auray, nous cite le sieur Florent qui habitait une gentilhommière joignant Tréauray ; le sénéchal Philippe Cadio, bon compagnon fort riche, et dont la place est très belle ; les sieurs de Montigny, avocat général en Parlement de Bretagne, et de Moncan, capitaine gascon, qui ont épousé en Auray les deux soeurs, très riches filles d'un marchand dont le frère, sieur de Keriolet, est conseiller au Parlement de Bretagne. Il ne néglige pas de noter qu'il se fait à Auray grand trafic de grains qui s'enlèvent par les Anglois, Flamans, Hollandois et Espagnols, quand le commerce est permis, et rend la ville riche de marchands qui trafiquent de cela et et vin de Garre ou Gascogne, de Riez, de Nantes ou d'Anjou. Dubuisson visite même les environs, mais l'archéologie préhistorique n'était pas son fort, car, à part quelques vestiges de bâtiments qui lui semblent provenir de l'ancien château de Caër, de quelques pierres éparses çà et là, qui sont pour lui les restes de murailles n'ayant pas plus de six cents ans d'existence, et de deux buttes, le mont de Joye et le mont Hellus (le Mané er H'roec et le Mané que Lud), qui lui paraissent avoir été faites pour supporter des moulins à vent ou des tours de signaux, et qu'il traite pour cela de Mottes à fougons, ce qu'il voit de plus notable à Locmariaquer, c'est une taverne et repüe pour un besoin.
Des travaux de la communauté, il était résulté un amoncellement de pièces d'archives qui, faute d'un meuble pour les classer, gisaient un peu dans tous les coins, dans un désordre qui n'y facilitait pas les recherches; pour y remédier, un membre proposa, en 1640, la construction d'une armoire destinée à les renfermer. Cette motion fut votée d'enthousiasme, mais de perfectionnement en perfectionnement, ce meuble ne vit le jour que onze ans plus tard et fut déposé dans une chambre située au-dessus du portail de Notre-Dame ; l'inventaire des archives y fut fait en 1653.
L'église Saint-Gildas se reconstruisait peu à peu : le 22 septembre 1641, le travail était jugé assez avancé pour que la consécration pût être faite ; les comptes de 1644 nous montrent cependant qu'à cette époque on travaillait encore au pavage et au lambrissage ; la tour, mal construite, donna lieu à un long procès avec l'architecte, François Cosnier, dut être refaite et ne put recevoir les cloches qu'en 1663 ; en 1653, il n'y avait encore ni chaire ni tabernacle ; l'orgue ne fut mis en place qu'en 1701.
Auray, nous l'avons vu, avait à sa solde un médecin, bien payé en temps d'épidémie, mis à la portion congrue quand le besoin de ses services était moins pressant : aussi la place était-elle bien souvent vacante. Cependant, en 1642, on avait déniché un oiseau rare, un docteur qui consentait à soigner gratuitement les malades si on lui fournissait les remèdes ; on éprouva le besoin de lui adjoindre un chirurgien-barbier, à la fois anatomiste, phlébotomiste, raseur et arracheur de dents. Auray devait alors, pour le service du roi aux armées, cinq miliciens habillés équipés et pourvus de tout le nécessaire ; en 1643, à l’avénement de Louis XIV, la paix semblait bien assurée : il fut encore question de démolir les barrières de la ville, mais pendant qu'on réfléchissait, sans précipitation, à cette grave question, la Fronde surgissait et faisait, au contraire, renforcer les défenses condamnées en principe et organiser, pour les garder, trois compagnies de 80 hommes chacune.
Les Carmes déchaussés de Vannes, encouragés par le succès des pèlerinages de Sainte-Anne, voulurent, en 1643, s'installer aussi à Auray : considérant que, sous le commandeur François-Alexandre d'Elbène, le Saint-Esprit avait perdu de vue la partie hospitalière de sa règle, constatant, d'autre part, que les revenus de cette maison se montaient à 100 livres monnaie, 220 perrées de grains et 80 chapons, rien que dans la juridiction d'Auray, sans compter 4.000 livres de rente sur quinze autres paroisses, ils demandèrent à se substituer aux supérieurs et officiers de la commanderie et à y installer un hôpital. Cette proposition fut mal accueillie par la communauté d'Auray et par l'autorité ecclésiastique du diocèse : il n'y avait pas lieu, répondait-on de renvoyer les prêtres du Saint-Esprit qui, ainsi qu'ils le devaient, célébraient chaque jour l'office divin, très bien, très dévotement, vivant en gens de bien sans reproche. Les Carmes n'insistèrent pas, du moins pour le moment, mais, onze ans après, ils s'emparèrent par surprise de l'église du Saint-Esprit, affichant la prétention de s'y maintenir malgré les habitants d'Auray. La communauté protesta de nouveau : les Capucins et les Cordelières étaient déjà installés dans la ville, les Chartreux et les Carmes de Sainte-Anne, dans les environs rapprochés : les ressources d'Auray ne lui permettaient pas un tel luxe de maisons religieuses. Les Carmes durent enfin céder, mais leur tentative eut quand même un bon résultat : la commanderie, pour mettre d'avance à néant tout prétexte à un nouveau coup de main, ouvrit ses portes, au moins pour quelque temps, à quelques pauvres infirmes.
On trouve, en 1644, mention au Loc d'une pyramide surmontée d'une croix à laquelle on accédait par 18 marches : ce monument fut transporté, en 1721, là ou il se trouve actuellement et surélevé d'un étage pendant la Restauration ; il servait de guette ; la ville prenait, du reste, en ce moment, des précautions contre les navires espagnols : en 1654, un canot monté par six hommes armés croisera, jour et nuit, sur la rivière pour intercepter les envois de subsistances à Belle-Isle, et l'ennemi ayant tenté un débarquement à Port-Louis, 150 hommes d'Auray se tinrent prêts à courir au secours de cette ville.
En 1648, la sécheresse devenant inquiétante, Auray se rendit, en septembre, en pèlerinage à Saint-Goual en Landaul.
L'hôtel-Dieu, insuffisant et délabré, fut reconstruit en 1651 par François Cosnier ; fondé par la communauté, il avait remplacé, des le XVIème siècle, l'hôpital Saint-Julien devenu trop petit. Nommé successivement hôtel-Dieu, grand hôpital, hôpital de la Charité, il ne devait d'abord recevoir que les malades indigents de la ville et de sa banlieue ; les étrangers de passage dont l'état de santé exigeait l'hospitalisation n'y étaient admis que pour une nuit et invités ensuite à aller se faire soigner ailleurs. Le service intérieur était, au début, assuré par des infirmiers bénévoles et l'administration par un procureur-miseur, généralement le syndic sortant, connu sous le nom de Père des pauvres ; sa gestion était contrôlée par un bureau des Hôpitaux siégeant à l'hôtel-Dieu sous la présidence du chef de la communauté ; au milieu du XVIIIème siècle, les titres de fondations étaient perdus : le sénéchal usurpa cette présidence jusqu'à la Révolution, et le miseur prit le titre d'économe. Quand l'affluence des malades l'exigeait, on évacuait les vieillards, les enfants trouvés et les orphelins, quitte à mettre les plus jeunes en nourrice, sur une annexe, l'hôpital Saint-Yves ou petit hôpital situé sur la place du Four-Mollet, derrière le Saint-Esprit, sur le territoire de Brech. Une autre annexe se trouvait à Saint-Goustan, sur l'emplacement des premières maisons du côté est de la rue du petit pont.
En 1636, Pierre de Keriolet fit d'importantes donations pour qu'on pût installer à Auray des religieuses hospitalières venues de Vannes ; en 1674, quatre, puis dix soeurs de la Miséricorde de Jésus vinrent habiter l'hôtel-Dieu où elles sont encore. La communauté contribuait pour 300 livres aux frais de l'hôpital alimenté en grande partie par des dons et le revenu des terres concédées par des particuliers charitables.
En 1657, la rivière s'était tellement envasée, que le maréchal de la Meilleraye, lieutenant général en Bretagne, ordonna de procéder, sans délai, à un sérieux dragage entre le pont de Saint-Goustan et la pointe de Rosnarho ; quatre ans plus tard, la rareté et la cherté des vivres amenèrent des émeutes : il fallut faire aux artisans des distributions de pain qui durèrent près d'un an ; on créa, en même temps, un chasse-gueux permanent pour refouler les affamés de la campagne auraient pu être tentés de venir mendier en ville ; d'ailleurs, un édit royal de 1662 ordonna l'établissement, dans toutes les villes et gros bourgs du royaume, d'un hôpital général, dépôt de mendicité où les vagabonds devaient, sous peine du fouet, se rendre dès leur arrivée en ville et y être soumis à un régime qui leur ôtait l'envie de prolonger leur séjour ; des mesures étaient prises pour empêcher le travail des internes de l'hôpital général de porter préjudice aux ouvriers de la ville et pour éviter le retour de ceux qui avaient demandé leur exeat. La communauté cherchait un emplacement favorable à l’installation du nouvel hospice, quand M. Bellouart de Kerclément offrit sa maison près du Saint-Esprit, et une somme de 1.000 livres pour les aménagements indispensables. Ce local étant rapidement reconnu insuffisant, il fallut louer, pour 400 livres par an, un établissement connu sous le nom de Tripot, dans la rue du Jeu de Paume ; l’hospital général y fonctionna jusqu'en 1687. Cela faisait cinq hôpitaux, ce qui était beaucoup pour une aussi petite ville.
En 1665, le pont était encore en ruines : pour aider à le reconstruire, le roi ajouta à l'octroi d'Henri IV, 8 deniers par pot de boisson débité dans la ville et les faubourgs.
Les fonctions municipales gratuites, plus actives à mesure qu'Auray prenait de l'extension, devenaient une lourde charge pour ceux qui en étaient investis ; le syndic, n'ayant plus le temps de s'occuper de ses affaires personnelles, son titre, très honorifique, devenait aussi très onéreux ; il fallut, en 1671, lui accorder une indemnité d'un sou par livre reçue au cours de sa charge. Un greffier payé de 60 à 65 livres lui fut adjoint. Les sergents féodés, bien déchus de leur charge noble et passés au rôle d'huissiers, furent maigrement rétribués par l'allocation de 12 à 24 livres et, pour pouvoir vivre, s'attribuèrent un droit arbitraire de péage sur les bateaux entrant dans le port ; par contre, le héraut, archer, valet de ville ou porte-casaque, chargé des services qui demandaient de la décision et des bonnes jambes, comme, par exemple, celui des réquisitions de voitures pour incessants passages de troupes, coûtait fort cher à la ville : en 1753, sa brillante livrée ne valait pas moins de 328 livres, 8 sols et 11 deniers ; le tambour de ville, selon ses aptitudes professionnelles et la vigueur de ses poignets et de sa voix, recevait de 6 à 30 livres ; le sonneur de cloches, 6 livres ; le chartier, escopateur ou bouereur, chargé de la voirie, 100, et enfin, le capucin prédicateur de l'avent, du carême et de l'octave du Saint-Sacrement, 200 livres, plus la nourriture fournie, à tour de rôle, par les notables. Un repas était servi; aux frais de la ville, le dimanche gras, aux membres de la communauté et une soule jetée au peuple ; le jeudi après la Trinité, le syndic devait donner à diner à tous ceux qui se trouvaient dans la sacristie avant la procession.
Depuis la tentative de mainmise par les Carmes sur le Saint-Esprit, cette maison n'avait cessé de décliner : le 6 septembre, Louis XIV, profitant de cette décadence, déclara l'Ordre éteint de fait et supprimé de droit, et octroya ses biens à Saint-Lazare et au Carmel. Les commandeurs François-Alexandre d'Elbene et François-Louis Rousselet de Chatourneau protestèrent et obtinrent gain de cause, en 1693, par une sentence arbitrale qui rétablit purement et simplement l'Ordre du Saint-Esprit : le Pape nomma, le 18 janvier 1694, comme commendataire, Eustache d'Averne, Mais cette désignation n'arrêta pas la décadence de l'Ordre.
Le 21 octobre 1679, le vicaire général Louis Eudo créa, à Auray, la chapelle, de la Congrégation des hommes ou de l'Immaculée Conception, qui existe encore rue du Lait ; une autre chapelle, dite de Saint-Michel, se trouvait près de l'entrée du presbytère de Saint-Gildas.
En 1884, pour faciliter les communications avec Vannes, la communauté fit refaire le pont de Pontsal, à partir duquel la route aboutissait au pont de Saint-Goustan par la rue Neuve, puis, au lieu de gravir péniblement la pente raide de la rue du Château, faisait un détour par la rue Pavée ou du Pavé, traversait le placître ou place de la Mairie et empruntait ensuite les rues du Sablen et de l'Hôpital.
La révocation de l'édit de Nantes ne fit pas grand bruit à Auray où les protestants, s'il y en avait, étaient rares ; mais, après que les irréductibles furent partis, plusieurs de ceux que s'étaient soumis, au moins en apparence, eurent des regrets et il fallut prendre des mesures pour empêcher leur émigration : de 1686 à 1688, un poste de six hommes resta en surveillance à l'embarcadère de Saint-Goustan.
L'ambassade siamoise passa par Auray, en 1687, en allant se réembarquer à Brest ; la même année, l'hôpital général quitta le Tripot et vint s’installer, pour un siècle, au presbytère actuel de Saint-Gildas.
1688 est signalé par le passage de personnages de marque, parmi lesquels il convient de citer : le marquis du Seignelay, Vauban se rendant à Belle-Isle où plusieurs centaines de paysans des environs d'Auray travaillaient aux fortifications, le duc de Berwick, le roi d'Agleterre Jacques II, le duc de Mazarin. Madame de Sévigné fit un séjour à Auray et prétend y avoir eu fort chaud : les gens de Saint-Goustan disent qu'elle a logé dans la rue du Budo ou dans celle du Petit-Port ; ceux d'Auray, avec plus de vraisemblance, qu'elle fut hébergée dans la vieille maison au coin du pont, en face du Pavillon d'en bas.
Nous trouvons, en 1690, le procureur-syndic doublé d'un procureur du roi, aux appointements de 250 livres, payées par la ville ; l'année suivante un maître d'hydrographie dépendant de l'amirauté et doté de 700 livres, commença à professer à Auray. Jusqu'à ce moment, lorsque le doyen de Belz venait à Auray, il portait l'étole, en signe de suprématie, alors que le vicaire perpétuel revêtait le surplis et la chape ; il était conduit processionnellement, croix en tête et au son des cloches, à Saint-Gildas où le vicaire lui présentait la croix, l'eau bénite et l'encens ; à la fin de sa visite, la fabrique lui remettait 10 sous, le procureur de Notre-Dame 5 sous et le vicaire perpétuel 3 livres et 4 sous. En 1691, lorsque le doyen Bertrand Fruneaux se présenta le vicaire, Paul le Gouvello, refusa de se soumettre à ce cérémonial et d'acquitter cette redevance : il en fut blâmé et les visites continuèrent comme devant.
En 1692, les mairies furent créées dans toute la France : le maire, comme son prédécesseur le procureur-syndic, était nommé par la communauté. Le duc de Chaulnes, gouverneur de Bretagne, et le nouvel intendant, Béchameil de Nointel, vinrent à Auray en 1692 ; à la suite de cette visite, cent hommes de la milice bourgeoise durent se tenir prêts à marcher, au premier signal, pour le service du roi. Les guerres incesantes exigeaient toujours de nouvelles ressources : le fouage fixé en ce moment à 10 livres, 18 sous et 1 denier, par feu, était insuffisant : l'impôt dit de capitation fut établi en 1695 ; cette taxe pouvait se racheter à perpétuité en versant, en une seule fois, la redevance de six années somme qui, en revanche, portait intérêt au denier vingt en faveur de l'assujéti.
Le 14 juillet 1696, une flotte anglo-hollandaise étant venue croiser sous Groix et Belle Isle, le lieutenant-général de Lavardin se rendit, en toute hâte, à Port-Louis : en traversant Auray, il donna au maire l'ordre verbal d'installer sous les halles un poste destiné à fournir des guetteurs sur la pyramide du Loc et dans les clochers ; la communauté fut mise en demeure d'approvisionner de poudre et de plomb 100 miliciens détachés à Port-Louis et 200 autres répartis le long de la côte, de Locmariaquer à La Trinité ; le premier détachement n'était pas rentré en 1702. Devant une nouvelle menace, en 1703, le maire organisa des signaux lumineux sur la tour de Notre-Dame, fit redoubler de surveillance et envoya, de nuit une partie de la milice en renfort à Belle-Isle qui semblait plus particulièrement visée : ce fait se renouvela en 1704 et 1711 où 150 hommes furent ainsi transportés. Ce service de surveillance ne cessa qu'à la création d'une milice soldée de gardes-côtes dont un bataillon permanent fut caserné à Vannes.
En 1700, un recensement des mendiants en accusa 36 pour les deux paroisses : une quête fut faite pour assurer leur subsistance. Il n'y avait, par contre, plus un seul pauvre au Saint-Esprit : les bâtiments en étaient affermés comme greniers à grains. L'abbé Charles Mignon, nommé commendataire par le roi, en 1704 fut, jusqu'à sa mort, en conflit avec Michel de France de Vandeuil à qui un arrêté du Grand Conseil adjugea, le 28 septembre 1715, le bénéfice de la maison d'Auray, à la charge d'y rétablir et d'y entretenir l'hospitalité. A peine installé, le nouveau commandeur, qui avait fait abattre quelques arbres dans l'ancien cimetière de son couvent, se vit en procès avec la communauté de ville qui lui contestait la propriété de ce cimetière : déboutée de ses prétentions, celle-ci dut payer 840 livres de dommages-intérêts : elle soutint alors qu'en dépit de ce que le bénéfice comportait l'hospitalité, Michel de Vandeuil ne recevait dans sa maison que quelques jeunes gens aisés et pas un seul pauvre de la ville, que les fondations n'étaient pas desservies ; faute de chapelains, que les édifices tombaient en ruines et que les revenus étaient gaspillés : aussi, quand, en 1747, Vandeuil fut remplacé par Claude Calmelet, elle voulut exiger le rétablissement, d'un véritable hôpital et, pour cela, s'adressa à l'évêque et à l'intendant qui, d'un commun accord, trouvèrent suffisant le nombre des établissements hospitaliers d'Auray.
En 1704, l’octroi d'Auray, fut porté à 2 sous et 3 deniers par pot de vin et 9 deniers par pot de cidre ou de bière : devant cette taxe sur la soif, ce fut une course épique entre le fisc et les buveurs ; les Alreens n'étaient pas gens à reculer devant quelques pas de plus pour s'abreuver à meilleur compte : des cabarets s'élevèrent autour de la ville sur les territoires de Brech et de Pluneret : en 1733, le Budo et Saint-Fiacre, en Pluneret, et le Reclus, Kerdrain et Saint-Julien en Brech, furent annexés d'Auray : les cabarets se déplacèrent en conséquence ; en 1739, la limitte de l'octroi fut portée à une demi-lieue des barrieres de la ville, défense fut faite d'ouvrir des débits dans une large zone, des bornes furent plantées pour délimiter ce périmètre et, en 1748, la taxe fut portée à 2 sous et 7 deniers et 11 deniers : la Révolution seule put arrêter l'extension fictive d'Auray dont les octrois produisaient en ce moment 6.300 livres.
En 1705, le 29 décembre, un ouragan dévasta la ville : les dégâts survenus au pont, aux quais, aux tours des églises, furent évalués à 38.250 livres. La disette était grande : une mercuriale des grains, fourrages, bois et charbons fut établie par quinzaine ; des 1709, il fallut interdire l'exportation des grains et, pour venir en aide aux autres provinces en proie à la famine, Auray fut taxé à 500 sacs de froment et autant de seigle, qui lui furent remboursés, au bout d'un an, 19.250 livres. De 1717 à 1723, la variole fit de grands ravages à Pluneret et à Auray, ou un feu de joie marqua la fin de la contagion.
La conspiration de Cellamare vint passagèrement agiter Auray : les conciliabules de Kegurioné chez les Coué de Salarun, les mouvements de troupes et la condamnation par contumace d'un certain nombre de conjurés, parmi lesquels Le Gouvello de Kerentré, semèrent un peu d'émotion qui se calma après le drame du Bouffay et l'amnistie des moins coupables.
L'indemnité de fonctions, du maire avait été fixée à 250, puis à 300 livres ; de 1722 à 1724, il fut aidé par un lieutenant royal, puis par un lieutenant de mairie faisant fonctions d'adjoint. Les archives devenant de plus en plus volumineuses, il fut question, en 1725, déconstruire une seconde armoire, mais ce ne fut qu'en 1776 que ce projet fut mis à exécution. En 1733, un édit ayant réservé au roi le choix des maires, Auray s'empressa de racheter ce droit pour 6.000 livres, mais l'établissement de la liste de trois noms, sur laquelle la communauté élisait son maire, fut soumise au contrôle du gouvernement ; le maire élu pour deux ans et rééligible devait, sous peine de prison, s'incliner devant le vote de ses pairs et prêter serment de bien remplir ses fonctions ; en 1745, un secrétaire, payé 300 livres, lui fut donné.
Par suite de la fondation de Lorient le commerce d'Auray périclita, surtout quand les familles les plus riches et les plus commerçantes eurent émigré dans la ville nouvelle. Le pont de Saint-Goustan dut être encore reconstruit, en 1737 et 1752, et un entourage fut fait au Loc en 1732 et 1752.
Le nombre des miliciens dus pour le service du roi était passé à 8, en 1736 et fut réduit à 6, en 1743 ; à la fin du XVIIème siècle, la ville possédait deux compagnies de milice bourgeoise, composées chacune d'un capitaine, un lieutenant, un enseigne, deux sergents, deux tambours et 80 hommes ; une troisième compagnie fut créée, en 1735, et, en 1753, on nomma un quatrième capitaine comme chef de corps.
Le vicaire perpétuel de Saint-Gildas rompit, en 1738 tout lien avec Rhuys et s'intitula recteur.
Le 26 juin 1748, les archers de la maréchaussée de Vannes arrêtèrent au Cheral Blanc, dans la rue du Sablen. Marie Tromel, dite Marion du Faouët, chef d'une bande de voleurs de grand chemin ; elle fut enfermée au Pavillon d'en bas et conduite ensuite à Vannes ; elle fut plus tard pendue à Quimper.
L'hôtel-Dieu se mit, en 1750, à hospitaliser les militaires et marins malades, moyennant une pension de 16 sous par jour et par homme ; il recevait de la communauté 350 livres pour les malades de la ville et un droit de 2 à 3 sous par tonneau manipulé sur les planches qui servaient à charger et décharger les bateaux : ce droit, qui valait, au début, 200 livres, n'en rapportait plus que 42 en 1789 ; il avait aussi 200 livres de la société de tir du papegault.
L'auditoire de la sénéchaussée, qui abritait aussi la communauté, était, en 1760, complètement en ruines : il fallut, en dépit de l'opposition de l'intendant, se décider à édifier un hôtel de ville qui, commencé en 1776, ne fut terminé qu'en 1782. En attendant son achèvement, les divers services furent tranférés aux Capucins. L'horloge de Saint-Gildas, placée dans la tour de Notre-Dame, fut remplacée, en 1743, et ornée d'une sonnerie due à l'horloger de Vannes, Huet ; pour mettre ce chef-d'oeuvre à l'abri des intempéries, on eut grand soin de le placer à l'intérieur de la tour, mais on ne fut pas long à s'apercevoir que, faute d'ouvertures au clocher, on ne voyait ni n'entendait rien ; on fut obligé de le remettre à l'extérieur. La cloche de Saint-Goustan, logée à Saint-René, fut également remplacée par une horloge en 1755.
A la mort du commandeur Claude Calmelet, François Hugues Pépin du Monteil, bien que n'ayant jamais pu faire la preuve de sa profession, s'était emparé de la commanderie du Saint-Esprit : pour arrêter la décadence de cette maison, il imagina d'en faire une institution de préparation à l'école militaire créée, sur le papier, par un édit de 1751. Il mit donc à la porte les quelques rares indigents qui s'y trouvaient encore et leur substitua six jeunes gens qu'il affubla d'un costume bleu avec la double croix du Saint-Esprit ; il écrivit ensuite au roi qu'il se faisait fort d'élever plus de 500 gentilshommes dans sa maison noble et militaire ; cette proposition n'eut pas de succès et nous voyons, en 1759, le Saint-Esprit servir d'hôpital militaire provisoire et, plus tard, de dépôt d'artillerie ; enfin, en 1762, le pape Clément XIII supprimait cet Ordre inexistant.
Auray, dans cette période, avait donné le jour à deux hommes, bien oubliés de nos jours, dont le nom devrait cependant être présent à la mémoire de leurs concitoyens : le contre-amiral Coudé, un héros de nos guerres navales, né à Auray le 18 décembre 1752, mort à Pontivy en 1822, et Philippe Vannier, un des plus brillants collaborateurs, en Annam, du célèbre évêque d'Adran Mgr Pigneau de Behairie, un des précurseurs de notre empire indochinois, né à Auray le 6 mars 1762, mort à Lorient en 1842.
En 1759, la foudre tomba sur le clocher de Notre-Dame et y fit de tels dégâts qu'on craignit la chute de la flèche et qu'il fallut interrompre le culte dans cette chapelle ; pareil fait se reproduisit en 1767. On s'avisa, vers 1753 que les piles de l'aqueduc romain, dit le Pont de César, gênaient la navigation et on en fit sauter deux pour dégager le chenal, qu'on balisa en 1783. Quatre ans après, on fit surveiller les rivières d'Auray et de Crac'h pour empêcher toute communication avec le Portugal pestiféré : on en fit autant pour le Maroc en 1784.
Nous trouvons à Auray, en 1763, un médecin nommé Debroise, à qui la ville alloue une gratification de 600 livres au bout de 25 ans de service, un chirurgien juré nommé Dominique-Philippe de Kerarmel, une sage-femme payée 400 livres et un régent ou maître d'école, aux appointements de 100 livres ; par contre, le chasse-gueux est supprimé depuis un an.
En 1765, le duc d'Aiguillon s'avisa que la route royale était bien étranglée au passage d'Auray : il fit étudier, par l'ingénieur Detaille, un nouveau tracé passant par la rue du Lait ; ce projet fut abandonné ; il y avait, en ce moment, à Auray, 513 maisons, qui furent numérotées en même temps qu'on donnait des noms aux rues ; on y trouvait 5 douets ou abreuvoirs, ceux du Loc, du Gabellec vers Kerléano, de la rue Pavée, du Drezen et de Poulprat ; on y trouvait 6 puits : du Pilori, du marché au seigle, du portail Saint-Gildas, du marché au bois ou du Coh-Liorh, de l'hôtel-Dieu, de la rue du Penher ; 3 fours : le four Hubelin, près de Saint-Michel, le four du roi, sur la plage aux Roues, et le four Mollet, près du Saint-Esprit ; 4 croix : celle des Capucins, la croix du Lerio en Saint-Julien, de Sainte-Elisabeth dans la rue Saint-Yves, et celle du Mily sur la grand'place ; le fût de cette dernière existe encore dans la cour du gardien du cimetière.
En 1765, François de Gouvello de la Porte, conseiller au parlement, est exilé à Auray, pour avoir, en mars, signé l'acte des démissions en protestation contre un nouvel impôt de deux sous par livre. Cinq ans plus tard, la récolte de seigle, vint à manquer, et pour venir en aide aux affamés, le maire engagea pour 3.500 livres de travaux sur le Loc et sur les quais.
L'hôpital général, qui avait fait de mauvaises spéculations, végétait, et ses ressources suffisaient à peine à l'entretien d'une douzaine d'enfants auxquels, pour toute éducation, on apprenait à filer et à tricoter des bas ; en 1768, les recettes se montaient à 1583 livres, 6 sous, et les dépenses à 2.260 Iivres, 10 sous ; en 1771, il fallut renvoyer les enfants qui n'étaient pas natifs de la ville, et les autres vécurent misérablement ; la suppression du Saint-Esprit vint à propos : le roi, en 1773, avait donné le bénéfice de cette maison à Saint-Lazare et autorisé les évêques dans le diocèse desquels il y avait des établissements de l'Ordre supprimé à en disposer au mieux des intêrêts de l'Église et de l'État : en 1776, Mgr Amelot remit la maison du Saint-Esprit à l'hôpital général, en se réservant, sur les 3.400 livres de revenu, 700 livres pour l'entretien de trois séminaristes ; les enfants de l'hôpital général y furent aussitôt transférés avec deux gouvernantes et un chapelain ; une des gouvernantes ayant disparu, il n'en resta plus qu'une qui, pour 72 livres de gages, le logement, la nourriture et une paire de souliers, gardait quatre enfants dont les deux siens ; en 1783, on lui substitua des soeurs de Saint-Thomas de Villeneuve venues de Guémené, mais, aussitôt, les créanciers de la commanderie firent mettre le séquestre sur les immeubles et les soeurs durent s'en retourner ; une nouvelle gouvernante fut désignée et, au moment où devant sa mauvaise gestion, on songeait à rappeler les religieuses, une dame de la ville voulut bien, en échange du logement, se charger de l'hôpital et y resta, sans clients, jusqu'à la Révolution.
En 1769, un incendie détruisit plusieurs maisons de la rue du Sablen ; une fièvre putride et maligne persista pendant toute l'année 1773 : la mortalité fut grande, le Saint-Sacrement fut exposé, un vœu fait à sainte Anne et un tableau commémoratif y fût envoyé en 1779.
Le duc de Praslin, le comte d'Artois et l’empereur Joseph II visitèrent Auray en 1777 ; la même année, la tour de Notre-Dame menaçant décidément ruine, on célébra la messe, pour la dernière fois, le 15 août, dans cette chapelle et on dut avoir recours à la mine pour jeter bas le clocher.
La disette continuant, il fallut, en mai 1782, faire venir du blé de Lorient ; en 1785, la récolte manqua presque complètement : la communauté fit acheter du grain à Bruxelles, mais ne put trouver de bateaux pour l'apporter ; elle fit exécuter pour 1.500 livres de travaux de charité ; l'année suivante, le prix de la vie augmenta dans une proportion considérable et la misère devint générale : il fallut dépenser 2.300 livres pour secourir les plus malheureux, et cependant Auray trouva moyen de venir en aide à Nantes, plus déshérité.
VI. — Les événements sanglants de janvier 1789, à Rennes, mirent en effervescence les jeunes gens d'Auray, qui ne manquèrent pas de manifester bruyamment leur enthousiasme pour la nation et le tiers-état : les cahiers de doléances furent rédigés à Notre-Dame, et demandèrent la suppression des justices seigneuriales ; un comité permanent fut installé ; on créa une quatrième compagnie de milice bourgeoise et on constitua, en 1790, une garde nationale dotée d'un tambour-major et d'un colonel, Marcel-Dominique Philippe de Kerarmel, fils du chirurgien-juré, chirurgien lui-même. Auray adhéra à tous les actes de l'Assemblée nationale et fut, en 1790, maintenue comme commune et comme chef-lieu de canton et de district ; faute d'artillerie pour saluer la nouvelle municipalité, il fallut réquisitionner les vieilles coulevrines du Plessis-Caër.
On ne tarda pas à déchanter : le nouvel état de choses n'avait pas, tant s'en faut, supprimé la famine ; les actes révolutionnaires contre le roi et le clergé donnèrent à réfléchir ; la vente des biens d'Eglise et l'obligation de s'exiler ou de se cacher où se trouvèrent les prêtres de la ville qui, M. Brelivet, le curé- de Saint-Gildas, en tête, refusèrent de prêter un serment qu'ils jugeaient schismatique, achevèrent de semer la désaffection ; aussi, des que des troubles graves éclaterent en Bretagne, les marins d'Auray furent-ils les premiers à ne pas obtempérer à la réquisition, et 800 paysans des environs marchèrent-ils sur Vannes ; il fallut mettre à Auray une partie de la garnison de Lorient ; à la fin de 1793, les prisons sont bondées de religieuses, le pain manque dans les hôpitaux et la ville est bloquée de toutes parts par des bandes royalistes conduites par un enfant du pays, Georges Cadoudal, né à Kerléano en 1771 [Note : Georges Cadoudal, né à Brec'h le 1er janvier 1771 et mort guillotiné le 25 juin 1804 à Paris, est un général chouan, maréchal de France à titre posthume, commandant de l'Armée catholique et royale de Bretagne].
Lorsque, le 27 juin 1795, une flotte anglaise eut débarqué sur la plage de Carnac une petite armée d'émigrés, les bandes de chouans se mirent en marche de tous côtés pour lui venir en aide et recevoir son appui ; du Bois-Berthelot se présentant devant Auray, le commandant Romand qui s'y trouvait dut se replier sur Hennebont ; aussitôt son départ, le notaire Glain fit battre la générale, assembla la garde nationale, en armes, sur la grande place, accueillit les chouans et les accompagna à Carnac ; le 28, l'adjudant-général Vernot-Defeu vint reconnaître Saint-Goustan, ou il perdit 18 hommes ; le lendemain matin, les chouans évacuèrent la place, où le général Josnet mit une garnison de 800 hommes. Le 5 juillet, le représentant Brue fit son entrée à Auray ; le 22, l'armée royale était battue et forcée de déposer les armes, les bandes de chouans étaient momentanément dispersées et, le soir même, le général Humbert arrivait en ville avec quatre bataillons conduisant, en deux colonnes, plus de 5.000 prisonniers qu'on entassa dans la prison, les églises et les couvents;: il y en avait 624 à Saint-Gildas, 31 à Notre-Dame, 342 au Saint-Esprit, 28 à la prison, 500 à Saint-Goustan et 3.580 dans l'enclos des Capucins ; le lendemain on fit un triage et les émigrés furent, au nombre de 575, mis à part au Saint-Esprit. Les habitants, malgré leur misère, s'ingénièrent à les nourrir ; de son côté, le district réclama des vivres et demanda, pour éviter la contagion à craindre avec un pareil entassement, qu'il fût promptement statué sur le sort des prisonniers.
Les conventionnels Blad et Tallien décidèrent, à Vannes, qu'ils seraient jugés conformément à la loi du 25 brumaire au III, prescrivant que tout émigré trouvé dans un rassemblement armé ou non armé sur le territoire de la République, serait jugé et mis à mort. A cette nouvelle, Sombreuil qui, en qualité de chef de l’armée émigrée, était traité avec considération, demeurait au Pavillon d'en haut, sous la surveillance d'un officier supérieur, et prenait même, dit-on, ses repas avec l'état-major républicain, se presenta chez le général Humbert, logé au même hôtel, Que se passa-t-il ? On entendit un coup de pistolet et Sombreuil sortit de la chambre d'Humbert la mâchoire ensanglantée : céda-t-il à un mouvement de désespoir en apprenant le sort réservé à ses compagnons et tenta-t-il de se suicider ? Mit-il, dans son indignation contre ce qu'il considérait comme la violation d'une capitulation tacite, le général dans la nécessité de se défendre ? On ne le saura jamais, le seul témoin, le chirurgien oculaire Philippe de Kerarmel, ayant, jusqu'à sa mort, refusé de rien dire de la scène à laquelle il avait assisté.
Six commissions militaires furent nommées, à Quiberon, Auray et Vannes ; celles d'Auray siégèrent au-dessus des halles dans la salle du tribunal civil, et dans la chapelle de la congrégation des hommes. La première présidée par le commandant Barbaron, jugea, dès le 27 juillet, 17 prisonniers, dont Sombreuil et Mgr de Hercé, évêque de Dol, et prononça 16 condamnations à mort qui furent exécutées le lendemain à Vannes, sur la Garenne ; dans la séance du lendemain, la plupart des accusés invoquant la capitulation, la commission suspendit son jugement et en référa à Blad, qui nia toute convention, même tacite, ordonna de passer outre et casa cette commission trop timorée ; le capitaine Bouillon, puis le commandant Druilhe remplacèrent Barbaron, pendant que la seconde commission, présidée par le commandant Dalène, prononçait à elle seule 163 condamnations capitales. Il y eut en tout 751 exécutions dont 205 à Auray, au Champ des Martyrs ; quelques personnes d'Auray essayèrent de sauver des condamnés, qui se jetèrent dans le marais avant le signal du feu, entre autres le comte de Rieux qu'un asile attendait vainement à Kerzeau.
Le 6 septembre, il ne restait plus qu'environ 3.000 prisonniers, dont 1.232 à Auray : ils furent remis en liberté et les commissions furent dissoutes, sauf une qui resta en fonctions jusqu'à l'année suivante.
Le presbytère de Saint-Goustan fut vendu nationalement, le 19 octobre 1796, au prix de 1.956 francs ; Kerléano, qui avait été acquis une première fois, le 22 août 1791, pour 1.425 livres, par l'édificier, Louis Cadoudal, fut remis en vente et racheté par le même, le 28 décembre 1797, au prix de 6.700 livres en assignats ; un pré en Brech qui représentait la fondation de deux meses hebdomadaires à l'autel Saint-Roch, rapporta à la nation, le 13 juillet 1799, la somme modique de 293 francs. L'église Notre-Dame fut démolie en 1800 : un maréchal du Coh-Liorh, nommé Julien Dalarun, y acheta 1.256 livres de fer à 3 sous et 6 deniers la livre, et 6.312 livres de plomb à 3 sous la livre ; les autres matériaux furent livrés au citoyen Ribot-Mauduit, de Lorient, contre 4.500 francs en argent sonnant.
Le Concordat était venu, en 1801, ramener la paix religieuse, mais, comme toujours, quelques irréductibles continuèrent à faire bande à part, sous le nom de Petite Eglise. Un centre de ce schisme se forma aux environs d'Auray : l'abbé Joseph Le Leuch, ancien exilé en Espagne et en Angleterre, avait rempli pendant quelque temps, sous les noms de guerre de Mathieu et de Communeaux, les fonctions de trésorier de l'armée de Georges Cadoudal ; en 1801, il se cachait près de Sainte-Avoye en Pluneret : il refusa de reconnaître le nouvel évêque, Mgr de Pancemont, qui, à ses yeux, était un intrus au même titre que l'évêque constitutionnel Le Masle ; il s'installa à Gazer en Plougoumelen, dans la maison Tanguy, et y exerça le ministère avec une rigidité qui sentait fort le jansénisme. A Auray même, à l'entrée de la rue du Lait, à droite en montant, un autre ecclésiastique, l'abbé Denis, officiait devant quelques fidèles ; il commençait régulièrement son prône par cette exhortation peu liturgique : « Mes Frères, nous allons dire un Pater et un Aue pour M. Amelot, notre évêque, et non pour cette idole de Vannes, valet de Bonaparte ». Il mourut sous l'Empire et ses fidèles disparurent peu à peu ; nous retrouverons, au contraire, un peu plus loin, l'abbé Le Leuch.
Au retour de l’ile d Elbe, les élèves du collège de Vannes avaient offert au préfet, M. de Florac, d'équiper 900 d'entre eux pour marcher contre l'Ogre de Corse : cette offre n'ayant pu être utilisée, par suite de la rapidité de la marche de l'empereur, ils préparèrent, sans trop s'en cacher, une insurrection armée et s'abouchèrent avec le chevalier de Margadel, qui les mit en rapport avec le Comité royaliste dont il faisait partie. Apprenant qu'à la préfecture on dressait une liste des 40 ou 50 plus turbulents d'entre eux pour les incorporer d'office dans les troupes coloniales, ils s'enfuirent de Vannes et se rassemblèrent à Pontsal ; alertés par un détachement venu de Baud, ils coururent à Brech se joindre aux chouans de Sol de Grisolles et, attaqués à Sainte-Anne par une partie de la garnison de Lorient, ils parvinrent à la repousser, grâce à l'aide des marins d'Auray conduits par Joseph Cadoudal et des gars d'Elven sous le commandement de Gambier.
Ce petit succès soulève toute la population : une armée dite royale se forme à Josselin et aprés un combat de rues à Redon et une grosse escarmouche au pont de Penesclus, près de Muzillac, où elle force le général Rousseau à battre en retraite, elle va à Foleux, sur la Vilaine, prendre livraison de 5.000 fusils et 2 pièces de campagne apportés par un navire anglais. Elle se porte ensuite sur Auray, où elle est menacée du côté de Plumelec par Rousseau qui y a fait sa jonction avec le général Bigarré, et de trois autres côtés par des colonnes convergentes venant d'Hennebont, de Pontivy et de Vannes. Sol de Grisolles arrive à Auray le 19 juin, et fait garder le pont de Saint-Goustan, la chaussée de Tréauray et la route de Pluvigner.
Au matin, quelques dragons forcent le pont mal gardé de Tré-Rous. et, à leur suite, Bigarré traverse Brech et vient se former en colonne sur la route de Pluvigner pour attaquer Auray. Les chouans postés à Tréauray viennent lui faire face et se postent d'abord dans une véritable redoute, formée de hauts talus boisés, mais, peu habitués à la guerre de position, ils abandonnent ce point d'appui pour se battre en rase campagne et, malgré l'intervention de Cadoudal et de Gambier, la déroute est bientôt générale sur Saint-Goustan et Poulben ; les écoliers de Vannes tentent un semblant de résistance au Champ-des-Martyrs, ou Bigarré reçoit une blessure, et se replient sur le cimetière et le Loc, d'où ils gagnent la rive gauche par Saint-Goustan. La nouvelle de Waterloo, où tant de courage déployé de part et d'autre eût été mieux employé, arrêta les hostilités.
Parlerai-je des visites princières au Champ-des-Martyrs et à la Chartreuse et de l'érection, pendant la Restauration, des monuments à la mémoire des victimes de Quiberon ? Ces faits sont bien connus et un peu en dehors de mon sujet : je ne les citerai donc qu'en passant, ainsi que le petit drame, peut-être d'ordre politique, peut-être d'ordre purement financier, de Pontsal, au début du règne de Louis-Philippe ; vers cette époque, la garnison d'Auray fut alertée sur le bruit de rassemblements de carlistes et de réfractaires à Plougoumelen : la maréchaussée et la troupe de ligne sillonnèrent cette commune sans y trouver autre chose que les paisibles et bien peu nombreuses ouailles de l'abbé Le Leuch, qui ne tarda du reste pas à mourir de sa belle mort, le 11 mars 1834 ; à ses obsèques, sa servante Jacqueline ou Jacquette Moran, veuve Jollivet, officiait et les fidèles de la petite église la suivaient, le chapeau sur la tête, pour ne pas être confondus avec les catholiques concordataires ; une croix de bois fut placée sur sa tombe et devint un lieu de pélerinage. Jacquette essaya de maintenir le petit troupeau jusqu'en 1846, époque où elle disparut, à son tour, après avoir pendant douze ans revêtu les ornements de son maître et avoir imité, de son mieux, ses gestes rituels.
Le seul fait un tant soit peu important, avant d'arriver aux temps tout à fait contemporains et à la fin de cette notice, est la visite de Napoléon III à Sainte-Anne, et j'ai connu des jeunes gens d'alors qui, s'étant rendus par pure curiosité à l'arc de triomphe élevé à Pontsal, furent tellement troublés par le charme et la beauté de l'impératrice qu'ils ne purent s'empêcher de pousser des acclamations qui leur valurent, de retour à la maison, de sévères réprimandes de leurs parents royalistes irréductibles.
(Colonel FONSSAGRIVES).
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