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LE MANOIR DE LA PRAYE ou PRAIS |
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Le Manoir de la Praye et ses seigneurs.
Le manoir de la Praye est situé à quatre kilomètres au sud-ouest de Bain et à environ 900 mètres de Haute-Roche, dans la large dépression humide comprise entre les hauteurs de Cogueneuc et celles de Pomméniac. Actuellement, une petite route y donne accès et aboutit à celle de Noë-Blanche, passant par la Cardichais ; à proximité de la Praye, elle remplace l'ancienne allée, qui conduisait à la cour d'honneur du manoir.
Depuis longtemps, ce manoir est converti en métairie et les terres à l'entour sont exploitées par deux fermiers...
Que reste-t-il de cette ancienne propriété seigneuriale, mouvance du marquisat de la Marzelière et de Bain ?...
La pièce d'eau rectangulaire, ombragée de grands arbres, et la vaste prairie qui s'étend au sud du manoir n'ont pas changé. Les jardins sont encore entourés de murs, mais ceux-ci chaque hiver s'écroulent ici et là de vétusté. La cour d'honneur sert à tous les usages de la ferme. Les bâtiments sont assez dispersés : le principal mesure bien une trentaine de mètres de longueur. Il est imposant, mansardé, à deux étages. Ses lucarnes en pierre blanche portent le fronton triangulaire du XVIIIème siècle.
En bordure des jardins, quelques constructions plus modestes, à porte ogivale très ancienne, semblent avoir été le logis des seigneurs. En effet, deux pièces qui servent maintenant de débarras, gardent encore sur leurs murs intérieurs des lambris bien délabrés. C'était donc là, dans ces salles antiques que résidaient les seigneurs d'autrefois, dont certains furent des personnages marquants en leur temps, tel ce Geslin de Trémargat, qui fut Président de la noblesse bretonne aux Etats de 1784-1785.
A l'écart du manoir subsiste encore une tour ronde démantelée, pleine de ronces à l'intérieur et qui fut jadis le colombier. On voit toujours dans le mur dix-neuf rangées de cavités parallèlement disposées de bas en haut, comptant chacune une quarantaine de nids. Quand ces 800 couples de pigeons prenaient le large et voltigeaient autour du manoir, le spectacle d'une telle envolée d'oiseaux devait avoir son charme ; mais quand ils s'abattaient sur les récoltes, on devine aisément les dégâts occasionnés par leur voracité naturelle.
De la chapelle du manoir, il ne subsiste que des fragments de murailles dans un bois. Edifiée vers le XVIème siècle, mentionnée en 1600, elle était encore bien tenue vers 1776.
Ici et là, sur les talus, quelques souches énormes attendent la hache du bûcheron pour être jetées au feu... Si elles pouvaient parler, quels souvenirs n'évoqueraient-elles pas ?...
Sous leurs frais ombrages d'antan, se promenaient, en devisant au milieu des rires, nobles seigneurs et châtelaines. Aux jours de fête, il y avait affluence de convives : c'était un défilé de carrosses, aux attelages fringants, montés de postillons en livrée, et qui roulaient en cahotant dans l'allée principale... A l'époque de Louis XIV, ce fut un des hauts dignitaires de l'Eglise de Rennes, messire Pierre Huart, Trésorier de la Cathédrale, qui aimait a arpenter les environs de son manoir, tout en récitant dévotement son Bréviaire.
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Tournons maintenant les pages du grand livre qui conserve les secrets du passé. Qu'y pouvons-nous apprendre de l'histoire de ce manoir oublié ?...
La Praye était autrefois une terre noble avec juridiction, mentionnée déjà en 1442, vassale de la châtellenie de Bain et de la baronnie de Châteaubriant. Son suzerain était alors Bertrand de Dinan, tout dévoué au connétable de France, Arthur de Richemont.
Au temps de la reine Anne de Bretagne, vers 1500, la Praye était habitée par Pierre de Brambœuf. En 1513, elle passa aux mains de Regnault de la Marzelière par suite de son mariage avec Jeanne de Brambœuf.
En 1576, Jean de Neuville était seigneur de la Praye et de Beaumont. Il eut pour fils Roland de Neuville qui épousa Marguerite de la Chevière, fille du seigneur du Pontlouet.
Ceux-ci habitaient la Praye et firent baptiser leurs enfants dans la chapelle de ce manoir, dédiée à Sainte Catherine : Gillette, le 25 novembre 1598, Pierre, le 17 octobre 1600, Catherine en 1601, Jeanne en 1603...
Les armoiries de cette famille de Neuville portaient : « de gueules au sautoir de vair ».
Ces châtelains ont laissé dans le pays une jolie tradition, pieusement recueillie par Adolphe Orain.
Ce Roland de Neuville, par amour pour sa femme, fit creuser dans des rochers de schiste qui affleurent sur le coteau de Haute-Roche, une sorte de fauteuil, appelé depuis « la chaise à Madame », pour permettre à sa chère épouse de se reposer dans ses courses charitables à travers ses domaines. La bonne châtelaine consacrait en effet une grande partie de ses loisirs à cueillir des simples pour soigner les malades indigents, qui pullulaient à cette époque lointaine des guerres de la Ligue.
La légende affirme que son âme revient encore en ce lieu à la fête de la Toussaint.
Gageons aussi que la charitable Marguerite de la Chevière devait se complaire à monter de son manoir vers le site de Haute-Roche pour admirer le paysage qui s'offrait à ses yeux. Rien de plus pittoresque que ces arêtes de schistes garnies de lichens qui surgissent du sol en cet endroit, parmi la bruyère rose et les ajoncs d'or. Certaines de ces crêtes rocheuses, dentelées par l'érosion, émergent bien de deux à trois mètres au-dessus du sol. Du sommet de ces pierres, tout amateur de la nature, disons toute âme sensible comme celle de la bonne châtelaine, éprouve une véritable jouissance à contempler de là les vastes horizons qui l'entourent. En bonne chrétienne, elle savait rendre hommage au Créateur de toutes ces merveilles. Son mari n'était-il pas apparenté au saint évêque de Léon, Mgr de Neuville, qui aimait a résider en ces heures troubles de la Ligue, non loin de la Praye, au manoir du Plessix-Bardoul en Pléchâtel ?....
Mais la fortune de Roland de Neuville subit une grave éclipse : la terre de la Praye fut saisie par des créanciers exigeants et vendue judiciairement à Rennes.
Elle fut alors achetée par Jean Escouflard, seigneur du Guillon, auditeur de la Chambre des Comptes de Bretagne.
Le Chanoine Guillotin de Corson dans une étude sérieuse sur les différents propriétaires de la Praye, nous fournit des détails fort précis, à la manière d'un acte notarié :
« La Praye, relevant partie de Bain et partie de Bœuvres, le nouveau propriétaire en rendit aveu le 25 juillet 1607, à Anne de Guémadeuc, dame de Bœuvres et veuve de Renaud de la Marzelière, ancien Président des Etats de Bretagne.
« Dans cet acte, il déclare tenir de la seigneurie de Bœuvres » les manoir, jardin, bois et dépendances de la Praye, la chapelle de Sainte Catherine sise au bout du bois haulte futaie, deux métairies et une garenne ; les droits de fuie, chasse et moulins, savoir : moulin à eau sur le ruisseau du Paullé et moulin à vent sur la lande de la Roche, la dîme de la Glédelais à la 10ème gerbe, dont le seigneur de la Praye perçoit les 2/3 et le doyen de Bain l'autre tiers, 5 bailliages nommés Séverac, Beaumont en Paullé, Closelande, le Verger et le Mesnan, diverses rentes sur plusieurs maisons de la ville de Bain et nombreux gallois et landes ».
« Les Escouflard habitèrent le manoir, car en 1612 et 1617, Jacques Escouflard et Macée de Launay, seigneur et dame de la Praye, y firent baptiser leurs enfants, Gilles et Pierre... Nouvelle vente et nouveau partage de cette terre seigneuriale, quelques années après.
Le 7 mai 1622, Françoise Huart, soeur du seigneur de Bœuvres et femme de Pierre du Boschet, Président au Parlement de Bretagne, acheta ce qui relevait de la seigneurie de Bœuvres ; le reste de la Praye, relevant de la baronnie de Bain, fut acquis par le seigneur de la Robinaye, Olivier Croc, et donné par lui à son fils cadet, Jean Croc de la Robinaye, qui prit le titre de seigneur de Beaumont.
Celui-ci mourut sans postérité. en 1675, chez sa sœur, Mme Le Corsin de Chesneblanc, et fut inhumé dans l'église des Carmes de Rennes.
Paul Croc, héritier de son frère, seigneur de la Robinaye, vendit cette portion de la Praye, renfermant peut-être des ruines de l'ancien manoir de Beaumont dont le défunt portait le nom ».
L'acquisition en fut faite le 23 mars 1679 par Pierre Huart, chanoine et trésorier de la cathédrale de Rennes. Ce dernier était neveu de Mme du Boschet ci-dessus mentionnée, et il ne doit pas être confondu avec son oncle François Huart, lui-même chanoine et trésorier du Châpitre de Rennes, seigneur de Bœuvres, et dont le voyageur Dubuisson-Aubenay disait en 1636, lors de son passage à Rennes, « qu'il était fort honnête homme, curieux de plantes, fleurs et armoiries ».
Ce Pierre Huart, écuyer, seigneur de la Praye et de Beaumont, avait été baptisé à Saint-Aubin de Rennes le 22 décembre 1633. Archidiacre du diocèse de Vannes, il fut nommé le 20 mars 1656, coadjuteur de son oncle à la Trésorerie de la Cathédrale de Rennes. Lui-même était chanoine de cette église, dès le 4 décembre 1649, et en devint Trésorier le 4 mars 1658, en remplacement de son oncle.
Messire Pierre Huart est cité par un bourgeois de Rennes dans son « Journal » à propos d'un Jubilé :
« MM. les Vicaires Généraux, Huart, Degain et Gaultier — par suite de la vacance du siège de Rennes depuis la mort de Mgr de la Vieuxville — ont fait l'ouverture, ce jour, dimanche des Palmes, 11 avril 1677, après vespres du Jubilé universel accordé par le nouveau Pape Innocent XI, à l'occasion de son avènement au Pontificat, par une procession de la Cathédrale à la chapelle de Bonnes-Nouvelles... ».
Le nom de cet ecclésiastique est également cité dans une délibération du 20 août 1680, au cours de laquelle le Bureau de l'Hôpital Général de Rennes, dont il est membre, accepte les libéralités faites par Mme Budes, de fonder une communauté destinée à recevoir et donner toutes assistances spirituelles et corporelles, à des filles nobles ou nouvelles converties, pour devenir maîtresses d'écoles.
En qualité de « possesseur de la totalité de la Praye », Pierre Huart rendit aveu au seigneur de Bain, pour ce qui relevait de sa châtellenie : « les métairies de la Porte, de la Praye, de la Cariais, le moulin de la Bodais, le bois du Verréal, la dîme de Lampris, les fiefs de la Chamelière, le Haut-Poirier, le Paulé, etc... ».
« Le chanoine, seigneur de la Praye, s'intéressa à son manoir, vint l'habiter, et dès 1667, obtint de la marquise de Coëtquen (Françoise de la Marzelière, alors retirée au couvent de la Visitation de Rennes) la concession de la chapelle Saint-Jean, en l'église paroissiale de Bain.
En 1682, il restaura la chapelle de son propre manoir, la dédia à Saint-Sébastien, y fonda deux messes hebdomadaires pour l'entretien desquelles, il donna sa métairie de la Lande.
Ses armoiries portaient : « D'or à deux fasces de gueules-accolé d'argent à un huard (corbeau) de sable becqué et membre d'azur ».
Mais Pierre Huart avait une soeur nommée Gilette, qui avait épousé en secondes noces, en 1649, Jean Geslin, seigneur de Trémargat, procureur du Roi au Présidial de Rennes. De cette union naquit un fils Gervais Geslin, qui, devenu orphelin fut placé sous la tutelle de son oncle, le chanoine trésorier ».
Le 25 janvier 1689, il résigna son canonicat à la Trésorerie, en faveur de son neveu, Pierre-François Huart, — fit élever un monument funèbre dans la chapelle de la Trésorerie, à la mémoire de son oncle et de ses père et mère, qui y étaient inhumés, — se retira à Rennes et mourut le 12 mai 1689, sans avoir pu l'achever. Il fut inhumé le lendemain devant l'autel Saint-Sébastien.
C'est à son ancien pupille que Pierre Huart vendit la Praye, le 7 février 1687.
« Jusqu'à la Révolution, la seigneurie de la Praye fut désormais la propriété de la famille Trémargat, originaire des environs de Quintin, dans le diocèse de Saint-Brieuc ».
(F. Charles Rulon, 1959).
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