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Michel DESPRÉS, prêtre guillotiné à Redon
en exécution de la loi des 29-30 vendémiaire an II.

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145. — Le 2 août 1764 naquit au village de Penlheur, en Bains-sur-Oust, Michel DESPRÉS, fils de Michel et d’Ursule Mahé ; il reçut le saint baptême le jour même de son entrée dans la vie. Après avoir commencé ses études à Bains, le jeune Michel Després alla les compléter au collège de Vannes, siège de l’évêché dont dépendait Bains à cette, époque. Tonsuré et minoré le 18 mars 1788, sous-diacre, sub titulo patrimonii, le 20 septembre suivant, diacre le 28 mars 1789, M. Després reçut le sacerdoce le 19 septembre de cette même année. Devenu prêtre, il revint dans sa paroisse natale en qualité de vicaire et l’on trouve sa première signature sur le registre des baptêmes, le 19 décembre 1789.

S’inspirant de l’exemple du recteur de Bains, M. Guillaume Poisson, l’abbé Després, comme lui, refusa le serment schismatique à la Constitution civile du clergé. C’est là un fait indéniable car tous les documents conservés à la série L des Archives d’Ille- et-Vilaine signalent son nom, tant à la date du 28 mars 1791 qu’à celle du 15 juillet 1792, parmi les insermentés. La paroisse de Bains étant unanimement attachée aux bons principes et M. Després n’étant l’objet d’aucune dénonciation de la part de ses ouailles, les administrateurs du district de Redon saisirent l’occasion de le brimer en le poursuivant en justice à propos d’une quête que, suivant la coutume encore en usage aujourd’hui dans certaines paroisses, il avait fait vers la fin du carême. M. Després comparut à Redon et abandonna au profit des pauvres les 90 livres qu’il avait recueillies.

145 bis. — Cependant la loi du 26 août 1792 qui condamnait à l’exil tous les prêtres classés comme fonctionnaires publics, c’est-à-dire curés ou vicaires, atteignait directement l’abbé Després. Cette nouvelle mit en émoi la chrétienne population de Bains, qui désirait à tout prix conserver son clergé. Le 2 septembre 1792, les notables de cette localité rédigèrent une supplique, demandant avec instances « qu’on leur laissât leurs prêtres ordinaires ». Bien plus, sous prétexte de garder leur église qui avait été l’objet d’un vol sacrilège important au mois de mai précédent, la municipalité défendit « à personne de troubler ses ministres dans leurs fonctions », en même temps qu’elle encourageait les habitants de Bains à monter la garde tout autour de l’église et du presbytère.

Devant tant d’attachement, M. Després qui avait déjà fait sa déclaration pour se déporter, se décida à demeurer, coûte que coûte, caché au milieu de ses compatriotes. Cependant pour éviter à ceux-ci des difficultés avec le gouvernement révolutionnaire, il leur conseilla de cesser toute manifestation extérieure de leur mécontentement, et lui-même n’administra plus publiquement les sacrements. C’est le 9 septembre 1792 qu’on relève sa dernière signature sur les registres de catholicité et, depuis cette époque jusqu’au milieu du mois suivant, c’est à la trêve de Saint-Marcellin qu’il célébra désormais les cérémonies avec l’aide de son recteur l’abbé Poisson. Si bien que Gullemays, vicaire épiscopal de l’évêque intrus Le Coz, envoyé faire un mariage à Bains, le 25 octobre 1792, inscrivait ces lignes sur la teneur de l’acte de mariage qu’il rédigea : « Attendu la déchéance des curé et vicaire de cette paroisse de Bains, causée par leur désobéissance à la loi du 27 novembre 1790 » (prescrivant le serment à la schismatique Constitution civile du clergé).

Cependant la vie des prêtres réfractaires devenait de plus en plus pénible. Le 26 décembre 1792, le conseil général d'Ille-et-Vilaine prescrivait de séquestrer les biens de ceux qui n’avaient pas obéi à la loi, d’accorder une prime de 50 livres à qui les ferait arrêter (prime portée à 100 l. six semaines plus tard). Enfin poursuites en correctionnel pour qui leur donnerait asile. Les perquisitions étaient fréquentes, toutes dans le but d’arrêter « les progrès du fanatisme », ainsi que le porte le texte d’une de celles-ci prescrite par le district de Redon, le 2 février 1793.

Ni la loi du 21-23 avril de cette susdite année, ni celle des 29-30 vendémiaire an II n’empêchèrent le vicaire de Bains de faire du ministère. On conserve précieusement à la cure de cette localité plusieurs procès-verbaux d’actes de baptêmes et de mariages qu’il accomplit à cette époque au péril de ses jours.

On raconte que Michel Després avait coutume de se cacher dans les carrières de Benette, sur une lande à peu de distance de son village natal. Lorsqu’on y craignait les perquisitions de quelques patrouilles, le frère du saint prêtre, Pierre Després, jeune homme de 24 ans, intrépide et vigoureux, venait y monter la garde ; une certaine nuit il préserva ainsi du danger de mort sept autres prêtres cachés avec Michel dans ces carrières abandonnées.

Une autre fois, le vicaire de Bains faillit être pris au village de Penlheur ; il eut à peine le temps de se réfugier en une étable et de se blottir dans une crèche, sous du foin que continuèrent à manger les bœufs. Quand les patriotes furent partis sans l’avoir découvert, il se jeta au fond du marais voisin, prit un bateau et passa dans le Morbihan; lui et ses confrères agissaient souvent ainsi pour dépister leurs cruels ennemis.

Il y avait plus d’un an que M. Després, caché sous divers déguisements, exerçait ainsi le saint ministère au prix des plus grandes fatigues, lorsqu’une circonstance fortuite amena son arrestation dans les vignes de Beau-Soleil, près de Redon.

Le 15 octobre 1793 un détachement de gendarmerie passait par cette ville, emmenant quelques prisonniers au chef-lieu du département. A peine avaient-ils quitté le faubourg sur la route de Rennes, que l’un des captifs parvint à s’échapper, en franchissant une haie et se jetant dans les vignes qui avoisinent la route. Pendant qu’une partie de l’escorte demeure avec les prisonniers, les autres gendarmes requièrent à la hâte quelques gardes nationaux du faubourg et commencent une battue pour reprendre le fugitif. « En parcourant les vignes, ils rencontrent un homme vêtu en paysan et qui paraissait occupé au travail, mais se déconcerte à leur vue et répond à leurs demandes avec hésitation. Un des gardes nationaux, frappé du trouble de cet homme, le regarde plus attentivement, et, soit imprudence, soit trahison, il s’écria : « mais c’est l’abbé Després, mon ancien condisciple ! ». A cette révélation inattendue, les gendarmes se saisissent de cette nouvelle proie, et se consolent ainsi d’avoir perdu la trace du prisonnier qui s’était enfui. On amène M. Després en ville, et on le conduit devant le conseil de guerre, siégeant dans le chœur de l’église Notre-Dame. Ayant avoué qu’il est prêtre, qu’il n’a pas prêté le serment et qu’il ne s’est pas soumis à la loi de la déportation, il est condamné à mort, à l’unanimité » (Dom Jausions, Histoire de Redon, in-12, 1865, p. 280).

146. — Il est regrettable que cet auteur se soit alors montré si bref de détails, alors qu’il lui était si facile d’utiliser sur la mort de ce prêtre des documents aujourd’hui perdus. « On trouve au tribunal de cette ville (Redon), écrivait M. Tresvaux en 1845, la sentence de mort rendue contre M. Després (et Racapé dont la notice suivra) ». — Mais c’est en vain qu’à l’heure présente, on a fait toutes les recherches imaginables pour retrouver ces documents, que l’on peut considérer comme disparus.

A son lieu et place, voici ce que l’histoire vraie permet de reconstituer : lors de l’arrestation de M. Després, se trouvait, ou arriva sur les entrefaites à Redon, le représentant du peuple Pocholle, en mission dans l’Ouest. Ce conventionnel, qui le 8 novembre 1793, créa à Rennes une commission militaire chargée de juger révolutionnairement les « crimes » contre le pouvoir établi, institua à Redon une commission du même genre pour condamner M. Després que les lois existantes frappaient des peines les plus sévères. A l’appui de cette allégation, on citera cette lettre du représentant Pocholle adressée de Redon, le 24 octobre 1793, au Directoire du département d’Ille-et-Vilaine :

« Un de ces prêtres sanguinaires, dont tout bon républicain doit désirer de voir s'éteindre la race, vient d’être condamné à faire l’épreuve de la guillotine. Mais nous n’avons pas d’exécuteur ; envoyez-nous celui de Rennes » (Arch. d'I.-et-V., série L, non cotée).

Ces lignes, à défaut d’autres choses, établissent péremptoirement et le jour de la condamnation de M. Després et le motif pour lequel il fut jugé digne de mort, motif comme on peut le voir éminemment reliqieux ; mais l’on possède d’autre part un récit admirable des derniers jours et du trépas du serviteur de Dieu, qui, après ce que l’on connaît de lui, peut servir à prouver son martyre matériel et formel. Le voici reproduit sur l’original, tel qu’il est conservé dans les archives de la communauté des Ursulines de Redon.

146 bis.« Le 24 octobre 1793, moi, Sœur Jeanne-Perside Arnaud de Sainte-Elisabeth, religieuse Ursuline de Redon, en Bretagne, certifie à qui il appartiendra que le présent mouchoir est teint du sang de Michel Després, prêtre du diocèse de Vannes et vicaire de la paroisse de Bains, lieu de sa naissance, âgé de 29 ans, guillotiné à Redon hier 23, et enterré au cimetière de Notre-Dame, que ce mouchoir a essuyé la châsse de l'hôpital, dans laquelle on le transporta du supplice à sa sépulture.

Il avait été pris par la troupe le 15 du même mois, dans une vigne proche de la ville, et conduit en prison, ayant été souffleté et maltraité de paroles. Enfin, il fut le lendemain conduit devant les juges et de là chez le commandant de la troupe, mais sa condamnation fut différée et même, pendant quelques jours, il parut un peu d’espoir qu’il ne perdrait pas la vie. Mais il fallait que ce cher ami de Jésus crucifié lui fût conforme et lui rendît amour pour amour et vie pour vie, en confessant devant tous ses ennemis la sainteté de son nom adorable.

Depuis le 15, il resta dans la prison jusqu’au 21 qu’il fut mis au cachot. Le lendemain, on l’en retira pour le mener devant le commissaire de la Convention, qui laissa son jugement à la pluralité des voix de la troupe, qui le condamna à être guillotiné sur-le-champ, et la sentence lui fut lue aussitôt, mais elle fut suspendue jusqu’au lendemain 23 à 5 heures du soir.

Depuis l’instant de sa détention et jusqu’à la fin de sa vie, il a conservé cette fermeté d’âme digne d’un fidèle ministre de Jésus-Christ. Il a toujours eu la même douceur dans ses paroles et la soumission aux décrets de l’Etre suprême. Interrogé s’il ne voulait pas prendre quelqu’un pour avocat, il a répondu que non, et qu’on ferait de lui ce qu’on voudrait. Il avait écrit un acte d'acceptation de ses maux et du jugement injuste qui serait porté contre lui, ainsi que de sa mort. On lui trouva cet écrit en le fouillant le 22. Enfin, depuis ce moment, il redoubla ses actes d’amour avec le Sauveur mourant, étant dans une continuelle oraison. Il ne prenait de nourriture qu’autant qu’il fallait pour ne pas mourir ; et, le dernier jour, il ne se nourrit plus que de résignation à la mort et du désir de la céleste Patrie.

On le dépouilla dans la prison, et, rendu au lieu du supplice, on lui demanda s’il ne regrettait pas la vie ? — « Non, dit-il, il y a longtemps que j’en ai fait le sacrifice ; je meurs martyr de Jésus-Christ, je meurs innocent et pour la Foi catholique, apostolique et romaine. Je demande pardon à tous, et je pardonne de tout mon cœur. Je désire que la religion refleurisse et que je sois la dernière victime ».

Enfin, cette sainte victime était mûre pour le ciel et le bourreau lui en ouvrit l’entrée. A l’instant, ses précieuses reliques furent jetées dans la châsse des pauvres et portées au cimetière, où elles furent enterrées sans être ensevelies. Mais en vain la rage infernale veut éteindre sa gloire avec sa vie. Dieu saura tirer ce précieux corps de l’obscurité de la poussière pour le rendre participant de la gloire dont son âme jouit. « Qui nous séparera de la Charité de Jésus-Christ ? » écrit-il, peu avant sa mort. — « Rien ; glorifions donc toujours Jésus crucifié, et ne vivons qu’en Charité ».

« Grand saint, continuez votre charité envers moi et m’obtenez le bien dont vous jouissez ». Signé : Jeanne-Perside Arnaud, en religion, Sœur Sainte-Elisabeth.

Ce récit, digne des plus belles pages des Acta sincera Martyrum de D. Ruinart, fut rédigé par une religieuse Ursuline le lendemain du trépas de M. Després ; il porte en lui-même un accent de sincérité irréfutable.

147. — On rédigea l’acte de décès de M. Després le jour même de son exécution, il ne mentionne pas son genre de trépas ; mais des pièces rédigées à la mairie de Redon, le 16 vendémiaire an III (1795), portent explicitement que M. Després fut guillotiné à Redon, comme étant réfractaire, le 23 octobre 1793. (Archives d'I.-et-V., série L, non cotée).

Le souvenir de la mort glorieuse de ce serviteur de Dieu vit toujours à Bains, son pays natal, où son nom est toujours honorablement porté, par une quinzaine de personnes, sans compter celles qui se rattachent par alliance à sa famille. Tout ce monde croit, sans l’ombre d’un doute, à son martyre. Indépendamment de la précieuse relique, consistant en un mouchoir trempé dans le sang de M. Després, conservée par les Ursulines de Redon, on possède encore à Penlheur de ce prêtre une soutane dans laquelle bien des indiscrets se sont taillés de larges reliques, des lambeaux d’une custode et une discipline, retrouvée avec la soutane, sur laquelle on voit encore des traces de sang. On croit même aussi avoir sa literie et l’on montre au village de Penlheur sa maison natale, ainsi que la chambre où, suivant la tradition, il venait parfois dire la messe. On a conservé longtemps son bréviaire, mais à la fin, un amateur trop zélé l’a fait disparaître.

On conserve aussi précieusement un certain nombre de sermons rédigés par le serviteur de Dieu : ils dénotent une intelligence claire, vigoureuse, cultivée et une âme avancée en spiritualité, spécialement certain sermon pour une vêture. Tous ces objets témoignent de la croyance populaire au martyre de ce saint prêtre. La lettre du représentant Pocholle, les notes de la municipalité de Redon en l’an III ne laissent point de doute sur son martyre matériel. On trouve rarement, à propros d’une victime religieuse de la Révolution, un témoignage plus explicite et plus formel que celui de l’Ursuline Jeanne-Perside Arnaud de Sainte-Elisabeth.

BIBLIOGRAPHIE. Voir à l’article consacré à M. Racapé, natif de Saint-Just (en Ille-et-Vilaine).

(Sources : Archives I.-et-V., séries G, et L, Archives de Redon).

(Articles du Procès de l'Ordinaire des Martyrs Bretons).

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