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Erection de la section de Trézélan-Saint-Norvez en commune séparée de Bégard. |
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Un membre de la commission des Objets divers du Conseil Général des Côtes-d'Armor fait, le 26 août 1859, le rapport suivant sur la demande de séparation de la section de Trézélan de Bégard et son érection en commune ; il résulte de ce rapport que la commission s'est partagée et ne propose pas de décision.
« Messieurs, chargé par votre commission des Objets divers de la mission de vous exposer l'affaire entre Bégard et Trézélan-Saint-Norvez, je vais essayer de vous donner l'analyse impartiale des raisons alléguées par l’une et l'autre partie.
Avant tout, je pense qu'il est utile de vous faire l'historique de ces localités avant 1789.
Alors, Trézélan était paroisse, Saint-Norvez était sa trêve.
Bégard était une simple abbaye, sans territoire et n'ayant pas charge d'âmes.
En 1790, l'abbaye de Bégard fut supprimée ; à cette époque aussi, les paroisses disparurent pour faire place à des communes. Trézélan et Saint-Norvez subirent le sort-commun.
Vint 1793 ; la Convention ne tenant pas compte des circonscriptions ayant existé jusque-là, décréta que les territoires des anciennes paroisses et trêves de Guénézan, Botlézan, Lanneven, Trézélan et Saint-Norvez seraient réunis pour former une seule commune dont le chef-lieu serait l'abbaye de Bégard. Cette commune devint chef-lieu de canton ; elle eut ou conserva son marché et ses foires, une brigade de gendarmerie y fut installée ; elle fut érigée en cure, et pendant un temps tout le clergé y résida.
Cet état de choses dura assez longtemps malgré les symptômes de mécontentement qui perçaient de temps à autre de la part de la section de Trézélan-Saint-Norvez, qui subissait avec peine son annexion avec Bégard. Ainsi, en 1810, elle racheta son église ; en 1821, elle prit le parti de salarier un prêtre pour desservir son église ; en 1837, elle construisit un presbytère, ensuite un cimetière, le tout et exclusivement à ses frais. En 1849, elle fait des démarches pour être érigée en succursale, et elle obtient cette faveur ; aujourd'hui, elle vous demande de déclarer qu'il est utile, nécessaire et opportun de la séparer au temporel de Bégard, comme en 1849 elle l'a été au spirituel. Vous ne devez pas ignorer, Messieurs, que ce n'est pas la première démarche qu'elle fait dans ce but ; que déjà, et dès 1809, elle en avait fait une qui n'avait pas été accueillie par l'autorité administrative.
Les raisons que les habitants de Trézélan-Saint-Norvez, en tête desquels se présentent six conseillers municipaux, le desservant et les membres de la commission syndicale, présentent, sont :
1° Qu'ils ne peuvent douter que les raisons qui ont suffi pour leur faire obtenir la séparation au spirituel, ne pourront aussi manquer de paraître suffisantes pour que vous vous déterminiez à donner un avis favorable à leur séparation civile.
Qu'en effet, il est étrange que là où ils ont la faculté de remplir les formalités religieuses, ils ne puissent remplir les formalités légales. Qu'après avoir fait baptiser leurs enfants et enterrer leurs morts à Trézélan, ils soient obligés de porter les premiers à Bégard pour les soumettre à l'inspection du maire et, dans les deux cas, pour les faire enregistrer. Qu'il est peut-être plus étrange encore qu'après avoir parcouru un long chemin pour aller se marier civilement à Bégard, ils soient dans l'obligation de revenir à Trézélan pour recevoir la bénédiction nuptiale. Ces nécessités heurtent, selon eux, les habitudes, et les moeurs locales ne peuvent être maintenues.
2° Une seconde raison milite fortement, selon eux, en leur faveur : ils font partie de la commune de Bégard, en supportent les charges ; ils devraient, par conséquent, participer aux avantages. Cependant, leur église est croulante ; c'est un fait reconnu ; il faut la réédifier ; ils pouvaient, pensaient-ils, compter sur la commune pour obtenir, non pas la somme nécessaire à ce travail, mais la modique somme de 7.500 fr., qui se réduisait encore d'un tiers, puisque la section de Trézélan, qui forme un tiers de la commune, y aurait contribué pour sa part. Qu'est-il arrivé ? C'est que le conseil municipal de Bégard a opposé un refus persistant à l'allocation de cette somme qui, cependant, était bien peu de chose en comparaison des sacrifices de la section de Trézélan, puisque le devis s'élevait à la somme de 40.477 fr. 35 ; enfin, après avoir reçu les instructions de l'autorité administrative, épuisé tous les prétextes, déclaré, par une délibération publique (seize voix sur vingt-trois), qu'il préférait la division au vote demandé, il s'est borné à voter la somme dérisoire de 3.752 fr., somme évidemment insuffisante eT qu'il n'était pas prudent d'accepter. Aussi les choses sont-elles restées, par suite de leur mauvais vouloir, dans le fâcheux statu quo où elles se trouvaient.
Ce n'est pas la seule fois que cette mauvaise volonté s'est fait jour : ainsi, et il n'y a pas longtemps, à l'époque d'une élection, les habitants de Bégard réussirent à faire exclure du conseil municipal tous les habitants de Trézélan-Saint-Norvez, et ce ne fut qu'avec l'intervention de l'autorité supérieure que quelques-uns ont pu y reprendre place. Cette mauvaise volonté apparaît encore quand il s'agit de leurs chemins : ils sont abandonnés, les prestations portées ailleurs. Toutes, à une exception près, sont employées dans la direction de Bégard. Un chemin d'intérêt commun traversant Saint-Norvez et le village important de Saint-Nicolas, a même été, par une erreur incompréhensible, confondu avec un autre, et les prestations portées pendant deux ans sur ce dernier. Il a encore fallu, dans cette circonstance, avoir recours à l'autorité pour obtenir justice.
D'un autre côté, les demandeurs font observer que l'éloignement où ils se trouvent du bourg de Bégard est déjà une forte raison pour leur faire espérer qu'on admettra leur demande. Ils avancent que leur clocher est éloigné de celui de cette dernière commune, à vol d'oiseau, de 3.600 mètres ; que, si on mesure la distance réelle, elle est de 4.500 mètres ; que, sur une longueur de 8.000 mètres, les limites de leur section sont éloignées de Bégard de 4.800 mètres ; qu'il existe même un point distant de 5.700 mètres. Qu'en conséquence de ces distances, leurs enfants ne peuvent profitée du bénéfice de l'instruction, qu'eux-mêmes, par cette même raison et aussi attendu qu'ils ont des offices chez eux, ils n'ont pas l'occasion de se rendre le dimanche au çhef-lieu et qu'ils sont, par là, privés de la publicité des annonces civiles, légales et judiciaires.
Et s'appnyant, d'ailleurs, sur les avis favorables émis par la commission syndicale, le conseil d'arrondissement de Guingamp et le commissaire enquêteur, dont le procès-verbal constate que cinq cent cinquante-six habitants et habitantes de Bégard ont voté pour la distraction qu'ils demandent, tandis que quatre cent cinquante hommes seulement ont voté pour le statu quo. Ils ne doutent pas que vous leur accordiez leur demande.
Ils l'espèrent d'autant plus que l'état de chose qui existe, c'est dire l'esprit d'hostilité et le refus des habitants de Bégard de faire les Trézelanais participer aux avantages de la mère commune, ne peut durer plus longtemps : qu'il n'y a que deux voies pour le faire cesser : l'imposition d'office, qui ne ferait qu'envenimer la plaie, et la séparation. Ce dernier moyen est bien le préférable et seul peut produire de bons résultats. Ils demandent, en conséquence, avec instance, qu'il soit immédiatement employé. Bégard en souffrira-t-il un préjudice réel ? Ils ne peuvent le penser. Sa population sera encore de deux mille neuf cent huit habitants, sa surface de 2.820 hectares, ce sera toujours une des belles et populeuses communes du département ; son bourg sera toujours une agglomération considérable, son marché et ses foires, auxquels deux belles routes emmèneront les populations des environs, n'en seront point amoindries. De son côté, Trézélan-Saint-Norvez aura une assez grande importance pour faire face à toutes ses obligations : sa population s’élèvera à près de treize cents habitants, il aura une surface de 801 hectares ; c'est-à-dire qu'il sera plus populeux et plus étendu que beaucoup d'autres communes auxquelles on n'a rien à reprocher, sous ce rapport.
Si la section de Trézélan-Saint-Norvez insiste avec force pour être séparée au temporel de la commune de Bégard, de grands efforts sont faits de la part de cette dernière commune pour ne pas la laisser échapper.
Sans nier ee que l'on a dit de son origine et des précédents de Trézélan, le conseil municipal de Bégard, auquel s'adjoignent dix-huit des plus imposés sur quarante, demande : A-t-on à regretter l'érection de cette grande commune composée de plusieurs petites ? Personne n'osera le dire. C'est à son existence qu'est due la conservation de l'abbaye, la prospérité et l'agrandissement du bourg. D'ailleurs, elle prend son origine dans un contrat passé entre le propriétaire de l'abbaye et l'administration. Jusqu'ici, cette origine a fait sa force, et les efforts tentés sous le premier Empire, pour revenir à l'état antérieur à 1793, furent inutiles et même blâmés, en 1808, par M. le Préfet Boullé. Serait-il opportun, actuellement en présence d'une si florissante position, d'en revenir aux petites communes de Botlézan, Guénézan, Lanneven, etc. ? Non ; hé bien ! c'est cependant ce qu'on pourrait avoir à craindre si Trézélan obtenait l'objet de sa demande. Toutes ces sections sont dans une position identique à la sienne, meilleure même, car leurs églises ne sont pas en ruines. Qu'encouragées par la réussite de Trézélan, elles viennent demander, aussi elles, leur séparation ; que deviendra Bégard, que deviendra le chef-lieu de canton ?
Examinant les circonstances qui accompagnèrent la demande d'érection de Trézélan en succursale, le conseil municipal trouve que ce ne fut qu'avec des difficultés extrêmes, malgré la donation de l'église faite par la famille Le Tiec et après trois années environ de démarche, qu'elle put obtenir cette faveur ; elle ne l'obtint, peut-être même, que parce qu'elle prit, dans une pétition adressée à M. le Ministre des Cultes, le formel engagement de ne pas chercher plus tard à rompre les relations civiles qui la liait à Bégard. Alors, les signataires de la pétition confessaient que ces rapports étaient bien rares. Leur langage a changé depuis.
Au reproche que lui font les Trézelanais de leur avoir refusé une somme de 7.500 fr. pour leur aider à reconstruire leur église, les conseillers municipaux de Bégard répondent : Nous avons, il est vrai, hésité à vous accorder cette somme ; pourquoi ? Parce que nous savions que la donation de votre église n'avait pas été acceptée avec l'autorisation du Gouvernement, que nous ne savions pas si ce monument était bien et dûment une propriété communale et que, dans cette indécision, il ne nous était pas permis de hasarder les fonds de la commune ; mais aussitôt que nos scrupules ont été levés, aussitôt que l'autorité administrative nous a dit : Vous n'avez rien à craindre à cet égard, nous nous sommes empressés de vous accorder, non la somme demandée, car nous pouvions raisonnablement supposer que vos ressources seraient plus grandes que vous ne le pensiez, mais la moitié de votre demande. D'ailleurs, si nos prévisions ne s'étaient pas réalisées, il nous restait toujours la possibilité de vous venir de nouveau en aide, et à vous, si nous nous étions obstiné à ne le pas faire, la faculté de nous y faire contraindre. Ce fut au milieu de ces débats, en présence d'une dépense à peu près incertaine, car il est presqu'impossible, quand on entreprend une construction, de savoir à quel chiffre on s'arrêtera, sur laquelle nous n'avions pas été consulté (seuls vous aviez fait rédiger vos plans et devis), que, dans un mouvement de mauvaise humeur, d'ailleurs bien vite réprimé, nous déclarâmes que mieux valait la division que la charge incertaine qu'on voulait nous imposer. Depuis, nos intentions ont bien changé à cet égard. Et puis, dans une circulaire, demandant du secours aux habitants de Bégard, en date du 6 janvier 1856, ne preniez-vous pas l'engagement de ne pas demander de centimes additionnels pour cet objet ?
Discutant ensuite l'opportunité, la nécessité et la convenance de la séparation de Trézélan au temporel, les conseillers municipaux de Bégard sont loin d'arriver aux mêmes conclusions que les Trézelanais. Ils soutiennent, eux, que ce serait la ruine de Bégard ; car, disent-ils, notre budget ne se forme que de centimes additionnels et, si la section de Trézélan nous est enlevée, avec quoi subviendrons-nous à nos charges qui seront toujours à peu près les mêmes ? Ils proclament bien haut le principe qu'il est bien plus avantageux que les communes, surtout les chefs-lieux de canton, soient grandes que petites. Car, disent-ils, il est certain que ces dernières ne peuvent faire que de petites choses, et qu'il ne s'y rencontre aucun élément de progrès, et qu'elles occasionnent de grandes et nombreuses difficultés à l'administration supérieure qui, de même que les gens pratiques, ne les ont jamais vu avec plaisir. Ensuite, revenir aux petites circonscriptions, c'est fractionner le pays, en isoler les diverses parties, rompre les liens qui les unissent aux centres plus importants ; enfin, c'est abandonner la civilisation pour la barbarie. Et puis, qu'elle lourde charge imposerait-on à Trézélan si on lui accordait sa demande ? Lui, petit village composé de quelques masures, de trois maisons un peu meilleures et de huit autres convenables, dit-on. Tout, ou à peu près, lui manque : église, mairie, maison d'école, etc. On y suppléera, dit-on. C'est douteux ; mais, s'il en était ainsi dans cet instant de zèle, peut-on penser qu'il en sera de même dans l'avenir ?...
Les Trézelanais ont avancé, dans leurs moyens, que c'était le dimanche, au pied du clocher, que les affaires se traitaient. Est-ce bien exact ? Les conseillers municipaux de Bégard pensent, eux, que c'est plutôt au chef-lieu de canton, les jours de foire ou de marché où ils seront toujours obligés de se rendre, qu'ils fassent ou non partie de la commune de Bégard ; qui, contrairement à ce qui est avancé par leurs adversaires, est inférieure en population à bien des communes, même non chef-lieu de canton du département. Mais en serait-il autrement, est-ce une raison pour nous jalouser, arrêter notre prospérité naissante, nous abandonner en attendant que les autres sections formant notre commune, encouragées par votre exemple, en fassent autant et, par là, nous annihile ? Notre bourg, selon les Trézelanais, est une ville ; pas encore ; mais cela serait-il vrai, tant mieux. Ce serait une ville bien posée, à moitié route de Guingamp à Lannion, près du chemin de fer peut-être. Quel préjudice cela pourrait-il leur porter ?
Argumentant de la configuration du territoire de leur commune, les habitants de Bégard font remarquer qu'elle est bien arrondie, que le bourg est situé au milieu, qu'il est traversé par deux belles routes, à une distance raisonnable des extrémités ; qu'au contraire, la commune de Trézélan aurait une forme allongée ayant de longueur 6.750 mètres et une largeur moyenne de 1.913 mètres ; que le bourg ne serait pas central, que même certaines parties de son territoire seraient plus rapprochées de Bégard que de Trézélan. Ils ajoutent que c'est bien à tort que cette section se plaint de sa route puisque, sous ce rapport, elle est bien mieux partagée que les autres ; qu'elle est dotée de 12 kilomètres de chemins, tandis que toutes les autres sections ensemble n'en possèdent que 19 ; que la route départementale N° 15 la relie avec Prat et Bégard ; que celle de ce dernier bourg à Prat passe sur son territoire ; que Saint-Norvez lui-même en a une par laquelle il communique facilement avec le chef-lieu de canton, mais qu'il sera bien difficile d'en créer une bonne de Saint-Norvez à Trézélan ; que, quant à la plainte qu'elle semble vouloir formuler de n'être pas représentée dans le conseil municipal, elle n'est pas vraie, attendu qu'elle y a bon nombre de représentants.
Passant à l'enquête édifiée par le commissaire enquêteur, ils se plaignent qu'il ait admis deux cent soixante femmes de Trézélan à voter et font remarquer que celles de Bégard et autres sections se sont abstenues, ce qui explique la différence des votes pour ou contre la division. Ils pensent aussi que quelques-uns des considérants de ce magistrat n'ont pas une grande valeur : par exemple, celui, qui concerne la surveillance à opérer à Trézélan ; cette section sera, à coup sûr, aussi bien surveillée par la gendarmerie de Bégard que par le maire, quel qu'il soit ; celui aussi relatif à la mauvaise intelligence qu'il suppose régner entre les Trézelanais et les Bégarais n'en a pas plus, car cette mésintelligence n'est pas réelle et on s'est toujours efforcé de l'empêcher ; elle l'est si peu que deux fois, à différentes époques, la mairie de Bégard a été dirigée par des maires choisis dans la section de Trézélan. En outre, ils font remarquer que M. le commissaire s'est trompé en portant la population de Bégard à quatre mille deux cent quatre-vingts habitants, tandis qu'en réalité elle ne s'élève qu'à trois mille neuf cent soixante-cinq.
Enfin, s'appuyant sur l'avis longuement motivé de M. le sous-préfet de Guingamp, sur les lettres de vingt-cinq propriétaires forains n'ayant point été reçues à l'enquête ; après avoir protesté contre l'irrégularité commise par M. le commissaire enquêteur qui a cru pouvoir admettre deux cent soixante femmes et enfants de Trézélan-Saint-Norvez à donner leur avis, la majorité des membres du conseil de la commune de Bégard, composée de dix-sept sur vingt-trois, conclut au rejet de la demande des habitants de Trézélan-Saint-Norvez.
La question ainsi posée et débattue, il restait à votre commission, Messieurs, à déclarer qu'elle était la prétention qui lui semblait la mieux fondée ; mais diversement impressionnés par les raisons qui leur avaient été produites, les membres s'étant partagés en deux parts égales (cinq contre cinq) et n'ayant pu former de majorité, je n'ai pas dû conclure, vous laissant à vous-mêmes le soin de le faire ».
Un membre demande la parole et lit au Conseil le mémoire qui suit :
« Messieurs, la commune de Bégard a été fondée en 1793 dans ses limites actuelles, et sous la condition qu'elle serait ainsi formée, elle a reçu à peu près gratuitement une église, un presbytère et un cimetière. Elle n'a pas cessé de prospérer, au grand profit des sections dissidentes qui trouvent dans les marchés de Bégard l'écoulement assuré de leurs denrées. Son chef-lieu est devenu un bourg important et il possède un excellent marché hebdomadaire, un bureau de poste et bientôt un bureau d'enregistrement.
Toute modification de circonscription arrêterait ce développement, et arrêter ce développement, c'est porter un préjudice réel aux populations agricoles dans un rayon assez étendu. 12 kilomètres de chemins classés ont été établis, dans les sections de Trézélan et de Saint-Norvez qui, ensemble, ne forment pas le quart de la commune ; 19 autres kilomètres ont été établis dans le surplus du territoire. Les sections de Trézélan et de Saint-Norvez ont, en 1849, obtenu une succursale qui satisfait complètement aux besoins religieux des habitants.
Pour se conformer aux conditions qu'elles devaient remplir, elles ont affirmé que leur église était en parfait état et pourvue de tout ce qui était nécessaire pour l'exercice du culte ; mais, dès qu'elles ont obtenu le décret qui les érige en succursale, elles ont songé à rebâtir l'église, et, dès 1856, les habitants de la nouvelle paroisse ont voulu réaliser ce projet avec les seuls ressources que leur offrirait une souscription, en répétant qu'ils ne réclameraient rien de la commune ; ils ont recueilli en argent et en matériaux, y compris la valeur de quelques propriétés de la fabrique, 26.973 fr. 37.
Mais la dépense du projet qu'ils ont fait faire, en dehors de l'approbation des autorités de Bégard, s'est élevée à plus de 40.000 fr.
Oubliant alors la déclaration qui avait permis au Gouvernement d'accorder la succursale et la promesse adressée aux souscripteurs, ils ont, avec le plan et le devis des travaux qu'ils se proposaient de faire, présenté au conseil municipal la demande d'un recours de 7.500 fr.
Tout d'abord, la municipalité, étonnée et blessée dans son
amour-propre légitime, a repoussé cette réclamation ; mais bientôt, cédant à un
sentiment de conciliation, elle a voté trois annuités de 10 cent, le 25 juin
dernier, produisant en capital environ 7 à 8.000 fr. C'est alors qu'a été formée
la demande en distraction. Elle est basée sur ce que :
1° la distance entre
Trézélan et Saint-Norvez de Bégard serait trop grande ;
2° les intérêts de ces sections seraient en souffrance, relativement aux chemins
et à leur église ;
3° la commune de Bégard ne souffrirait pas d'un
morcellement ;
4° et enfin, une vieille animosité existerait entre la
population de Trézélan et celle de Bégard.
Mais, pour détruire ces allégations, il suffit de rappeler les conditions sus-énoncées, dans lesquelles Bégard a été constituée comme commune et comme chef-lieu de canton, et cette déclaration des habitants de Trézélan eux-mêmes, c'est-à-dire les pétitionnaires d'aujourd'hui : " Loin de nous la pensée de nous séparer au temporel de la commune de Bégard : nous n'avons aucune raison pour y prétendre. Les besoins civils ne se présentent que par intervalles souvent éloignés ; les besoins de la religion sont de tous les instants " (Page 7 de la pétition adressée en 1846 à M. le Ministre des Cultes) ; — et page 9 : " Jusqu'à présent, on n'a pas bien déduit les motifs qui peuvent s'opposer à l'érection de Trézélan en succursale et non en commune ; toujours on a confondu ces deux positions ; mais, nous le répétons, nous n'entendons rien changer au temporel ".
Ces faits seuls mettent en relief les combinaisons habiles des pétitionnaires et leurs prétentions. L'examen des motifs invoqués ne leur est pas plus favorable en effet.
La distance entre Bégard et Trézélan n'est que de 4 kilomètres au plus. Les deux agglomérations sont reliées par la route départementale N° 15. Saint-Norvez, encore plus rapproché de Bégard, s'y rend par un excellent chemin. Beaucoup d'enfants seraient plus éloignés de Trézélan, en supposant qu'on puisse y faire une école, qu'ils ne le sont de Bégard. En résumé, Bégard est un point important qui attire et attirera toujours les populations pour leurs relations commerciales, civiles ou privées ; Trézélan ne sera jamais rien. C'est à tort que les deux sections réclamant trouvent que leurs intérêts sont, en souffrance : elles sont les mieux partagées en chemins. 9.000 fr. ont même été portés, il y a quelques années, sur celui de Saint-Norvez. Rien de plus naturel ne pouvait se passer de la part des habitants de Bégard. A l'occasion de l'église de Trézélan, ils se sont même associés aux souscriptions.
Sans doute, la commune de Bégard est grande, mais ce n'est pas une raison pour la morceler ; elle est parfaitement arrondie. Après la division, elle aurait une forme irrégulière : son chef-lieu, presque central, serait sur l'un des côtés du territoire. La nouvelle commune serait même fort disgracieuse : elle serait tout en longueur. Guénégan, autre section et ancienne paroisse avant 93, se trouverait à son tour loin de son chef-lieu. Si on démembrait Bégard, on ne pourrait plus refuser de faire trois communes dans Glomel, qui renferme trois paroisses ; on devrait aussi diviser Duault, qui se trouve dans les mêmes conditions. Ce serait entrer dans un système désastreux, car plus les communes sont petites, plus elles sont obligées de multiplier leurs charges pour subvenir même aux dépenses obligatoires ; et Trézélan serait précisément dans ce cas. Une animosité diviserait la population de Trézélan de celle de Bégard. Il n'y a, en réalité, que les prétentions de Trézélan qui soulèvent des difficultés. Que le Conseil général repousse ces prétentions, et tout sera dit. Les difficultés sont soulevées par une famille appuyée d'un nouvel habitant du canton ; je n'accuse les intentions de personne, mais il faut que le Conseil sache bien qu'en définitive la distraction provoquée répond aux désirs de quelques individus et non du pays.
La commission syndicale, le commissaire enquêteur et le conseil d'arrondissement ont néanmoins admis les griefs de Trézélan ; le conseil municipal, les propriétaires externes repoussent cette demande ; l'administration, bon juge des intérêts des localités, la repousse également. Je prie le Conseil général de repousser la demande en distraction formulée par la section de Trézélan-Saint-Norvez ».
Après quoi M. le président met aux voix la question qui est soumise au Conseil.
Le Conseil donne un avis favorable à l'érection en commune distincte de la section de Trézélan-Saint-Norvez, actuellement dépendante de Bégard.
La séance est levée.
Signé : Thieullen, Président ; Le Gorrec, Vice-Président ; Bailly, Homery, De Kerliviou , Ruellan, De La Tour, De Cuverville , Le Trévennec, Le Guyon, Doré, Viet, Corbel, Duval, Veillet-du-Frèche, Coroller, Belêtre-Viel, Le Moine, Royer de Linclais, Gaspaillart, Le Calvez, Philippe, Daniel, Carré-Kérisouët, Le Pomellec, Légal La Salle, Gaultier du Mottay, Guépin, Haugoumard des Portes, Le Bris, Charner, Person, Buhot, Le Lart, Le Troadec, Dépasse, Connan, De Foucaud, De Lorgeril, Rioust de l'Argentaye, Bahezre de Lanlay, De Champagny, Auge de Fleury, De Bénazé, De Querhoënt, Secrétaire.
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