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LES ANGLO-HOLLANDAIS DEVANT BELLE-ILE EN 1696.

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Les documents qui suivent, extraits des Archives historiques du Ministère de la Guerre (vol. 1428, pièces 106 et 107), donnent des détails intéressants sur la défense de Belle-Ile et des îles voisines (Houat, Hœdic, Groix, ..) en 1696 ; ils comprennent une relation et une lettre écrites par M. de la Ferrière, gouverneur de Belle-Ile. Ils méritent d'autant plus d'être connus que les faits rapportés font grand honneur aux chefs et aux troupes qui assurèrent la défense de nos côtes.

Les Anglo-Hollandais devant Belle-Ile (en Bretagne)  en 1696.

1° Relation de ce que les ennemis ont fait depuis le jour qu'ils sont arrivés à Belle-Ile.

20 juillet 1696.
J'eus avis par M. d'Argenier, capitaine de vaisseau, qui avait ordre de croiser sur cette côte, le vendredi 13 juillet 1696, que l'armée des ennemis avait paru le mercredi 11 à la hauteur de Penmark et qu'il croyait qu'ils en voulaient à Brest. Mais le 14, à la pointe du jour, je fus, averti que les ennemis paraissaient. J'allai aussitôt les reconnaître. Je remarquai qu'ils étaient partagés en deux corps, dont le plus considérable était de 96 voiles, tant grands que petits ; il paraissait y avoir 45 vaisseaux de ligne avec 9 pavillons, dont l'amiral, vice-amiral et contre-amiral de Hollande tenait la tête, l'amiral d'Angleterre. qui commande le tout avec pareils généraux dans le corps de bataille et l'amiral parlementaire avec pareils officiers avait l'arrière-garde, qui faisait cap à l'est qui est la route pour entrer dans le chenal de Belle-Ile ; et l'autre corps, d'environ 45 voiles, tant petits que grands, où il paraissait avoir 12 à 15 vaisseaux de ligne, dont un portait pavillon au mât de misaine qui paraissait être le commandant, faisant cap au sud, qui était la route pour faire circonvallation de l'île. Mais peu de temps après, je reconnus qu'ils allaient du côté de la Rochelle, de sorte qu'il ne demeura dans le rade de Belle-Ile que le premier corps qui mouilla depuis la pointe des Poulains jusqu'à celle de Taillefer, sur les neuf heures du matin, qui est l'est-sud à ouest-nord-ouest de l'île et aussitôt ils détachèrent environ 40 chaloupes armées qu'on crût d'abord destinées pour tenter une descente, mais, on les vit peu après prendre la route des îles d'Houat où ils mirent pied à terre sans nulle résistance, n'y ayant que le sieur Baudran, lieutenant de la compagnie Darican du régiment de Navarre, qui y était détaché avec 12 hommes et un sergent, qui se retira dans la tour, qui n'a été bâtie que pour empêcher les petits bâtiments biscayens qui venaient prendre des rafraichissements dans cette île d'en approcher et. qui, par conséquent, n'est pas considérable. Aussitôt on aperçut le feu dans toutes les cabanes de l'île et, peu après, une escarmouche, comme si l'ennemi avait voulu attaquer la tour, qui a duré jusqu'à 8 heures du soir.

Le 15 au matin, l'amiral fit les signaux pour assembler le conseil de guerre et, sur les trois heures après midi, il a appareillé.. pour venir mouiller dans la grande rade depuis la pointe de Lomaria jusqu'à celle de Taillefer, sur une même ligne et chacun dans sa division. Sur le soir, ils détachèrent 25 voiles, dont il y avait plusieurs galiotes à bombes, et 5 vaisseaux de ligne qui faisaient route vers le Port-Louis, mais, le vent et la marée étant contraires, ils mouillèrent à la pointe des Poulains, ce qui me donna l'occasion de croire qu'ils voulaient attaquer par la pointe de Sauzon, ce qui m'obligea de m'y transporter avec un corps de 400 hommes et 2 compagnies de milice à cheval du lieu pour les observer. Le lendemain 16, ce détachement mit à la voile et fit route pour le Port-Louis, d'où l'on entendit durant la nuit beaucoup de coups de canon, ce qui fit juger quelque entreprise. Mais on a su depuis qu'il ne s'y était rien passé de considérable que d'avoir mis pied à terre dans l'île de Groix, avoir enlevé les trois prêtres qui y étaient, qu'ils ont encore avec eux, et mis le feu dans les maisons de l'île après l'avoir pillée. Ce même jour 16, il fut encore fait un détachement sur les deux heures après midi de plusieurs chaloupes armées, de 4 galiotes à bombes et quelques frégates pour retourner attaquer la tour d'Houat, qu'ils canonnèrent toute la journée sans qu'ils aient paru y avoir aucune suite, puisque le lendemain on s'aperçut que les assiégés se défendaient encore ; il a (été fait) pareillement le même jour une descente à l'île de Hœdic qu'ils pillèrent et brûlèrent comme la première . mais, comme la tour qui y est est beaucoup meilleure que celle d'Houat, qui n'était cependant défendue que par le sieur Le Barre, lieutenant de la compagnie d'Houssel du régiment de la Reine, qui n'avait que 15 hommes, ils ne jugèrent pas à propos de l'attaquer et toutes ces démarches me firent conjecturer qu'ils voulaient faire une descente dans cette île et ensuite le siège de la place, ce qui me fit prendre le parti de faire passer un exprès à M. le marquis de Lavardin, pour lui demander quelque renfort de troupe, n'y ayant que 25 compagnies d'infanterie dans la citadelle, (ce) qui n'était pas suffisant pour garder une île qui a 12 lieues de tour.

Le 17, le détachement qui était allé au Port-Louis vint rejoindre l'armée, il mouilla devant Sauzon, ce qui donna une seconde inquiétude. Pendant la nuit, ils envoyèrent plusieurs chaloupes vers les côtes de Quiberon et (du) Morbihan, qui se trouvèrent si bien gardées qu'ils n'en purent approcher, où ils se firent de part et d'autre plusieurs escarmouches.

Le 18 au matin, le général fit les signaux ordinaires pour le conseil de guerre, où il parut qu'il fut résolu de tenter la descente de Belle-Ile, puisque peu de temps après on vit 42 grandes chaloupes et brigantins remplis de troupes qu'on a jugé pouvoir monter à 12 ou 1300 hommes, qui, par un vent favorable, allèrent sonder la pointe de Lomaria (Locmaria), éloignée de plus de deux grandes lieues de la citadelle, s'approchèrent de Port-Andro, où il y avait deux compagnies d'infanterie sous le commandement du sieur de Berendy, capitaine au régiment de Piémont, qui fit une si bonne contenance et le port était si bien retranché par des charrettes que j'avais fait remplir de pierres, crainte que la mer ne les entraînât (ce que j'avais fait faire dans tous les petits ports), que les ennemis voyant cela balancèrent, et tinrent conseil sur ce qu'ils avaient à faire. Ils crurent la chose si peu praticable qu'ils allèrent se présenter au Port-Maria et au Port-Blanc où M. de Servance, lieutenant du roi, qui a commandé le Sable de Samzun comme le plus considérable avec 10 compagnies d'infanterie pendant que les ennemis ont été en présence, s'avança avec une compagnie de cavalerie de milice qui les contint jusqu'à ce que je fusse arrivé avec 200 hommes et 2 compagnies de milice, qui firent entièrement perdre aux ennemis le dessein qu'ils pouvaient avoir formé et chaque chaloupe retourna à son bord.

Il n'est pas hors de propos de faire connaître en quoi consiste notre cavalerie qui est plutôt un épouvantail que propre à faire aucune opération militaire. N'ayant que de vieilles patraques qu'ils portent en bandoulière attachées avec des cordes et, pour équipages de leurs chevaux, des sacs remplis de paille qu'on avait attachés, des étriers de corde et un bridon de même étoffe, les cavaliers en sabots et bonnets, lesquels cependant seraient très bons et très utiles pour la conservation de l'île, s'ils étaient mieux armés.

Le même jour, l'attaque de la tour d'Houat recommença, les ennemis avaient envoyé quelques chaloupes et galiotes à bombes.

Le 19 fut tranquille de part et d'autre. L'amiral fit ses signaux ordinaires pour assembler le conseil de guerre et ensuite l'armée dépassa ses huniers, (ce qui est le signal ordinaire pour appareiller. Cependant (ils) demeurèrent tout le jour dans cette situation et on crut, par la quantité de chaloupes qui s'assemblaient, qu'ils voulaient faire une seconde tentative du côté de Sauzon, ce qui donna occasion de renforcer ce port. A la faveur de la nuit, je détachai le sieur Viart de Ladmirault, garde de marine, avec une chaloupe armée qui se présenta en homme de bonne volonté pour aller apprendre l'état où sont les deux îles et y porter des munitions de bouche et de guerre ; il n'est pas encore de retour.

Le 20, à la pointe du jour, toute l'année ennemie appareilla sans qu'on pût deviner à quoi elle se préparait et, tôt après, les signaux furent faits pour faire voile du côté de l'ouest dans l'ordre qu'ils étaient entrés dans la rade. Mais, le vent leur ayant manqué, ils furent obligés de mouiller, parce que la marée les faisait dériver sur la terre, dont ils approchèrent de si près qu'on eut à canonner, dont un vaisseau a reçu 4 coups dans son bord, et on leur jeta une douzaine de bombes dont la plupart sont tombées au milieu de quelques vaisseaux hollandais, ce qui en obligea plusieurs de se faire remorquer par leurs chaloupes pour prendre le large. Quelques heures après, le vent étant venu favorable, ils ont derechef mis à la voile et continué la route de l'ouest, laissant Groix au nord-ouest, et dans ce moment on commence à les perdre de vue et j'apprends présentement que 6 gros vaisseaux qui paraissent au sud de l'île, que je crois de la flotte qui était du côté de la Rochelle, qui viennent joindre ce corps d'armée et qui, selon toute apparence, vont prendre la route de la Manche. Je ne sais à quoi attribuer la docilité des ennemis qui n'ont pas seulement tiré un coup de canon si ce n'est à la bonne contenance des troupes qui m'ont paru de si bonne volonté qu'il paraît difficile de faire mieux.

Depuis cette relation écrite, le sieur Viart de Ladmirault, garde marine, que j'avais envoyé porter des munitions aux îles d'Houat et d'Hœdic, savoir l'état où elles pouvaient être réduites, vient d'arriver, qui m'a rapporté que la tour d'Houat avait été attaquée pendant 6 jours par plus de 3.000 hommes, que les ennemis avaient sommé l'officier cinq ou six fois par jour pour se rendre, sous peine de ne leur faire aucun quartier et avoir fait semblant d'élever un cavalier et y avoir mis des pièces de bois en guise de canon pour battre la tour, que cependant il avait toujours persisté à leur dire qu'ils fissent de leur mieux, et qu'il se défendrait jusques à l'extrémité ; que pareilles propositions et attaques avaient été faites à la tour de Hœdic pendant quatre jours sans aucun avantage.

 

2ème Lettre de M. de la Ferrière, gouverneur de Belle-Ile, au Ministre de la Guerre.

BELLE-ILE, 20 juillet 1696, 6 h. du soir.
Monseigneur,
J'ai cru que vous seriez bien aise d'être instruit par M. de Jonchant, major de cette place, de ce que les ennemis ont fait, afin que, si j'avais oublié quelque chose dans la relation que je me donne l'honneur de vous envoyer, il puisse vous en rendre compte. L'armée a mis à la voile ce matin et, comme les vents leur sont contraires, j'ai appréhendé que ce ne fût une feinte. J'ai voulu les voir éloignés de l'île avant que vous assurer qu'ils retournent chez eux. Ils ne paraissaient pas en état de rien entreprendre de considérable, n'ayant que peu de soldats et de matelots, à ce qu'en ont jugé les gens de mer par les manoeuvres qu'ils font.

Je vous enverrai en premier ordinaire l'état des dépenses qu'il a été indispensable de faire dans cette conjecture, afin que vous ayez la bonté d'en ordonner le paiement.

Je ne saurais m'empêcher de vous représenter que les deux lieutenants qui ont défendu les tours d'Houat et d'Hœdic ont si bien fait leur devoir qu'ils méritent que vous leur accordiez d'être proposés pour avoir des compagnies et que vous me fassiez l'honneur de me croire, avec un très profond respect, Monseigneur.

Votre très humble et très obéissant serviteur. La FERRIÈRE.

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