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LES SEIGNEURS DE BELLE-ILE

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Nota : Nous laissons à ce travail le style de l'auteur.

Une terre aussi bien située que la terre de Bel-île, si fertile et si bien cultivée par ses premiers habitants, ne devait pas tarder longtemps à faire partie du domaine de quelque puissance : ce qui arriva sans doute, dès que les passions obligèrent les nations et les législateurs à régler les possessions des peuples et des particuliers. Comme les Venètes furent vraisemblablement les premiers qui peuplèrent Bel-île, il était naturel qu’ils en fussent les premiers seigneurs. « Insula quae in mari nata est, occupantis fit. Romano jare et nostro » (Tournely. Tractatus de jure). C’est ce que nous apprend d'Argentré dans son histoire de Bretagne, quand il dit : « Que les Vennetais étaient seigneurians en l’île de Bel île, » et c’est aussi ce que semblent confirmer, quoiqu’en termes moins développés, les commentaires de Jules-César sur les années 696 de Rome et 56 avant Jésus-Christ.

Après avoir représenté le Sénat de Vannes comme l’un des principaux et des plus puissants Etats de toutes les côtes de la Gaule celtique, surtout par les forces maritimes, César dit : (Com. Jul. Coes. De Bello Gal.) que les Vennetais étaient seuls maîtres de ce petit nombre de ports qui sont sur la côte méridionale de l'Armorique « paucis portubus interjectis quos tenent ipsi ; » que par cette possession ils s’étaient mis en état de donner la loi à tous ceux qui naviguaient sur cette mer, et qu’ils avaient dans ces ports des Receveurs des devoirs [Note : Terme de féodalité. Droits seigneuriaux, droits que le vassal devait à son seigneur] maritimes qui tiraient des tributs de tous les vaisseaux passagers. Or, peut-on douter que Bel-île ne fut un de ces ports de la côte que les Venètes possédaient ? Et quel autre port de cette côte pouvait être plus favorable à ces Receveurs des devoirs pour exiger des tributs que celui où se fait la jonction des deux mers, de la mer Océane et de la mer de Gascogne, et où passaient tous les navires marchands du Levant et du Ponant ? Et n’est-ce pas, parce que Bel-île appartenait du temps de César aux Vennetais, que les Bretons l’appelèrent dans leur langue, « Enés eur Guervœur, » c’est-à-dire « l’île de la ville capitale, » (Dictionnaire breton du P. Grégoire de Rostrenen, Capucin) qui est Vannes, que tous les géographes ont toujours regardée comme la capitate de la Basse Bretagne, quand ils partagent cette province en deux parties, haute et basse.

Mais voicy la mémorable époque où les Vénètes perdirent Bel-île et toutes leurs autres possessions, et où les Romains se rendirent maîtres de tout le païs de leur territoire et de toutes les îles et ports du contour de la côte Vennetaise.

Après que César eut soumis par les glorieux exploits de ses deux premières campagnes les peuples de Normandie, du Mairie, de l'Anjou, de la Bretagne, et qu’il les eut obligé à reconnaître l'Empire Romain et à donner des otages, il se persuada que la Gaule devait rester paisible ; et dans cette persuasion, il partit au commencement de l’hiver pour l'Illyrie, qu’on appelle aujourd’hui en général l'Esclavonie, qui était aussi de son gouvernement. Durant que César visitait cette province, le jeune Publius Crassus, qui était à la tête de la 7ème légion et qui avait établi ses quartiers d’hiver en Anjou où il manquait de vivres à cause de la disette au païs, envoïa les principaux officiers de son armée sur la frontière pour avoir du blé ; et de ce nombre était Ferradisius qui alla à Coutance, Frébrius en Cornouaille, Silius et Velanius à Vannes : mais au lieu du secours de grain que Crassus demandait pour la subsistance de son armée, les Vennetais, fermans les yeux aux droits des gens qui est sacré et inviolable chez toutes les nations, retinrent Silius et Velanius prisonniers sur l’espérance de recouvrer leurs otages, ce que firent à leur exemple le Coutantin et la Cornouaille à l’égard de Febrius et de Ferradisius. Après ce coup hardi, c’était une nécessité de se liguer ensemble pour courir d’un commun consentement les périls de la guerre : dans cette vue, les Vennetais aïant porté ces états voisins à secouer le joug des Romains et à reprendre cette liberté qu’ils avaient hérité de leurs ancêtres, le parti confédéré envoïa des députés à Crassus pour lui déclarer que, s’il voulait r’avoir ses officiers, il fallait qu’il leur renvoïat leurs otages.

Crassus fit aussitôt partir un député pour l'Illyrie, par lequel il annonçait à César : que les Vennetais avaient donné le signal de la rebellion et qu’ils avaient plus formé une puissante ligue contre les Romains. Instruit par Crassus de ces mouvemens inattendus, César comprit qu’il n’y avait pas un moment à perdre : c’est pourquoi il donna sur le champ ses ordres, pour faire construire des galères sur la rivière de la Loire et pour en tirer les équipages de la Province romaine ; il ordonna ensuite aux Poitevins et aux Xaintongeois qui lui étaient soumis, de lui fournir des vaisseaux ; il commanda enfin à ses lieutenants généraux Labienus, Crassus et Titurius Sabinus de distribuer leurs troupes dans les différentes parties de la Gaule, de manière qu’on put empêcher les confédérés de se réunir tous ensemble dans un corps d’armée. Il nomma ensuite Brutus commandant de la flotte romaine qui devait combattre celle des Venètes : et César se réserva le commandement des troupes de terre, pour faire les sièges.

Après avoir ainsi dressé l’arrangement de ses troupes de terre et de mer durant son séjour dans l'Illyrie, il en partit en poste pour se mettre à la tête de son armée et la mena lui-même contre les Venètes. Il commença ses expéditions militaires par le siège de plusieurs places : mais l’inutilité de ses tentatives lui fit comprendre, qu’il ne pourrait réduire les Venètes que par une bataille navale et qu’il n’avait pas d’autre parti à prendre que celui d’attendre sa flotte. Cette flotte ne tarda pas à sortir de la Loire ; et à peine eut elle doublé la pointe du Croisic et celle de Rhuis, que la flotte vennetaise composée de deux cents voiles sortit du Morbihan et parût dans le bassin de mer qui est environné d’un cercle de côtes qu’on appelle aujourd’hui Le Parc. Ce fut assez près des dunes et des côteaux d’alentour où l’armée de terre était campée, que se livra le combat naval entre les deux flottes : puisque César et son armée purent être et furent effectivement les spectateurs et les témoins de la valeur des soldats romains qui sautaient à l’abordage des vaisseaux gaulois, et que ces regards des troupes de terre et de leur général même animaient de plus en plus le courage des officiers et des soldats de la flotte romaine.

Cette sanglante bataille, qui termina la guerre, fut plus funeste aux Vennetais qu’à tous leurs confédérés et qu’à toute la partie occidentale de la Gaule. Comme ils avaient été les premiers à y lever l’étendard de la révolte, les premiers à violer le droit des gens dans la personne des chevaliers romains que Crassus leur avait envoïés, les premiers à retenir prisonniers Silius et Velanius tout revêtus qu’ils étaient d’un caractère public et qui ne leur avait demandé qu’un secours de grains pour la subsistance de leurs troupes campées dans l'Anjou, ce que les seuls sentiments de l’humanité n’auraient pas dû leur permettre de refuser : tout cela avait si fort indigné César que, regardant les Vennetais comme des Barbares, il leur fit sentir tout le poids de son indignation, les traita avec rigueur, les dépouilla de tous leurs états, fit mourir tout le sénat, vendit tout le reste des habitans de leur ville comme on vendait les esclaves en leur mettant une couronne de fleurs sur la tête, et plaça enfin des magistrats romains dans toutes les villes et les îles de la côte méridionale de la Bretagne qui appartenaient aux Vennetais pour r’assurer ses conquêtes. C’est à cette fameuse et malheureuse journée que se rapporte l’époque de la Seigneurie et du séjour des Romains à Bel-ile.

Bel-île fut sous la domination romaine tout le tems que la Bretagne y fut assujettie : ce qui fait, depuis la victoire complète de César, environ 465 années, à compter de l’an 56 avant Jésus-Christ jusqu’à l’an 409 de l’ère vulgaire. Mais comme l’amour de la liberté et la haine d’une domination étrangère ne sont pas des sentimens faciles à éteindre chez les Gaulois en général, encore moins chez les Bretons en particulier, ils furent aussi des premiers à secouer de nouveau le joug de l'Empire Romain, à se soulever contre les magistrats romains et à les chasser de la Bretagne-Armorique. Pour réussir dans cette entreprise, les Bretons formèrent le projet de se faire un état particulier : et comme il n’y avait plus alors à Rome ni de César, ni de ces troupes agguéries de son tems, il leur fut assez facile de passer du projet à l’exécution. Pour se soutenir dans cette situation contre la Puissance Romaine, les Bretons Armoriques se donnèrent des Princes qui les gouvernèrent, tantôt sous le nom de Roi, tantôt sous celui de Comte, jusqu’à l’an 874.

Après la mort de Salomon IIIIème du nom et dernier roi de Bretagne, les princes bretons partagèrent entre eux la succession du défunt et se disputèrent près de 80 ans la souveraineté. Dans ce partage, le comté de Vannes échût à Pasquetin, gendre du feu roi ; et par conséquent Bel-île et les autres îles de Rhuis, de Quiberon, de Houat, de Heydic et de Grois situées le long de la côte de ce comté, durent vraisemblablement faire partie de son domaine et de l’héritage de sa maison : ce que je n’avance pourtant que comme une simple conjecture ; d’autant plus que l’histoire ne nous apprend pas en quel tems Bel-île passa de la maison des Comtes de Vannes à celle des Comtes de Cournouaille, et qu’elle marque au contraire l’antiquité de la possession de ceux-cy, sans cependant marquer lequel des Comtes de Cornouaille acquit Bel-île ni de quelle manière, ni en quel tems il en fit l’acquisition.

Mais l’histoire nous a conservé la liste des Comtes de Cornouaille, qui ont été successivement seigneurs de Bel-île et qui sortaient de la tige des Cagnarts. Car quoique le duc Geoffroy Ier du nom eut disposé de cette île au commencement de l’onzième siècle en 1006, en faveur de l’abbaïe de Saint-Sauveur de Redon et que son fils le duc Alain eut confirmé cette donation l’an 1026, comme d’un bien qui leur appartenait : cependant au fond il ne leur appartenait pas, aussi Alain Cagnart comte de Cornouaille revendiqua Bel-île comme un ancien patrimoine de ses pères. La charte de donation de cette île faite à l’abbaïe de Sainte-Croix de Quimperlé, fait remonter cette possession jusqu’au 5ème degré rétroactif des ancêtres de ce comte Alain. « Prœfatus comes... hœreditaria possessione Patris, Avi, Atavi, Abavi, Proavi, Bellam habebat Insulam » (Mémoire de dom Morice).

Cependant il ne paraît pas que le duc Geoffroi Ier ait fait justice sur cet article au légitime héritier de cette terre : ce ne fut que le duc Alain son fils qui en fit la restitution au susdit comte Alain Cagnart ; et par cette restitution, les Bénédictins de Redon perdirent Bel-île dont ils n’ont eu la possession que 23 ans, ce comte de Cornouaille aïant disposé de cette île en faveur de l’abbaïe de Sainte-Croix qu’il fonda à Quimperlé l’an 1029.

Les moines de Redon réclamèrent contre cette nouvelle donation et firent tous leurs efforts durant 88 ans pour se maintenir dans la possession de Bel-île : mais ils furent déboutés de leurs prétentions l’an 1117, par sentence de Gérard, Evêque d'Angoulême, légat du Saint-Siège en France, et confirmée par le pape Pascal II. — Malgré ce long procès, les Bénédictins de Quimperlé avaient la jouissance de cette île, et ils en joüïrent durant 543 ans, depuis 1029 jusqu’à 1572.

Une réflexion assez naturelle se présente icy à l’esprit, c’est qu’il faut que Bel-île parût à ces moines de l’une et l’autre abbaïe de Redon et de Quimperlé, comme une terre bien considérable dès ce tems là ; puisqu’ils en disputèrent si long-tems la possession ; ce n’est pourtant pas l’idée qu’ils en donnent, comme nous le verrons dans la suite de cet ouvrage. Il est vrai que de l’an 905 à 910, Bel-île avait été saccagée et dépeuplée par les incursions des Normands, durant ces mêmes cinq ans qu’ils ravagèrent les villes maritimes de la côte Vennetaise, comme la charte de l’abbaïe de Sainte-Croix en rappelle le triste souvenir. « Quam olim Normanorum rabies devastaverat et ejus colonos exularerat » (Mémoire de dom Morice). Mais les Bénédictins de Redon n’étaient pas encore Seigneurs de cette île dans ce siècle là, ce ne fut que 96 ans après ces déprédations des Normands que le duc Geoffroi Ier en fit la donation à l’abbaïe de Saint-Sauveur. Or, est- il à croire que Bel-île ait pu rester en friche et sans habitans durant près d’un siècle, et que l’amour de la patrie n’eût pas fait revenir au plutôt dans leur pais ces insulaires, pour réparer les dommages que la fureur des Normands y avait causés ?

Un fait historique arrivé de nos jours dément ces sortes d’histoires faites à plaisir. Nous avons vu les îles de Houat, de Heydic et de Grois ravagées par quelques troupes de débarquement de la flotte anglaise et hollandaise mouillée dans la rade de Belle-île en 1696, et les maisons de ces îles brûlées, cependant peu de tems après on vit ces habitans ruinés y revenir : tant est puissant sur les coeurs l’amour de la patrie.

Après un tel exemple, peut-on croire que les anciens Bel-îlois aient pû abandonner leur pais l’espace de 96 ans et supposer ce siècle si dur que l’amour de la patrie n’ait eu aucun ascendant sur les coeurs des naturels du pais durant un si long intervalle ? Non, non, le prompt retour de ces insulaires, après le ravage des Normands, ne laissa pas cette terre si long-tems déserte et ruinée, et cette île avait sûrement d’aussi bonnes rentes, quand le duc Geoffroi Ier la donna en 1006 à Maynard, Abbé de Redon, que lorsque Alain Cagnard la donna en 1029 à Gurlois, Abbé de Quimperlé, « dedit ei totam insulam cum omnibus reditibus suis » (Mémoire de dom Morice) car ce serait une contradiction, que de supposer cette terre tout à la fois dépeuplée et rentée.

Cependant comme cette île était sans défense et sans fortifications, elle ne pouvait être d’un grand revenu aux Bénédictins de Quimperlé, parce qu’elle était trop souvent exposée au pillage et à la dépradation des corsaires en tems de guerre et des pirates en tems de paix. En tems de paix, elle souffrait beaucoup de la part des écumeurs de mer du bas Poitou, du païs d’Auny et de la Xaintonge qui la ravagent et la désolent. En tems de guerre, les ennemis de l’état, tant anglais qu’espagnols, y aïant un accès facile, s’y retranchaient pour prendre les vaisseaux marchands qui passaient devant ou derrière l’île, comme ils ont fait depuis à Hoüat et à Heydic avant qu’on y eut construit des tours ; d’où s’ensuivait la ruine des négocians dans toute cette côte et l’abandon total du commerce, toute la France retentissait des pertes qu’on y faisait.

C’est ce qui engagea le maréchal de Retz, Albert de Gondi à representer au Roi, que cette île était trop importante pour être confiée à des moines qui la défendaient mal. Sur cette représentation, Charles IX lui donna cette terre et l’érigea en marquisat en sa faveur : mais à condition « que pour la sûreté de l’île, il y fit construire un fort à ses dépens, qu’il y entretiendrait une garnison et un état major, et que ses successeurs au trône pourraient comme lui faire l’union de l’île à la couronne, quand bon leur semblerait ». Ces conditions acceptées, les volontés du roi connues et ses ordres donnés, le duc de Retz commença à traiter avec les moines de Quimperlé d’un échange de Bel-île contre quelques unes de ses terres. Ce n’était pas là soustraire dèspotiquement cette île à l’Abbaïe de Sainte-Croix : cependant les Bénédictins de Quimperlé ne la cédèrent qu’après avoir plaidé près de 12 ans contre le maréchal de Retz. Ils comprirent enfin, qu’il n’y avait pas moïen de retenir Bel-île contre les intentions du Roi et aux conditions que sa Majesté en avait accordé la possession au susdit Maréchal, sçavoir, d’y faire bâtir un fort à leurs dépens et d’y entretenir une garnison. Ils consentirent donc à l’échange que le duc leur proposa, de la terre de Bel-île contre celles de Callac et d'Housillé : c’est ainsi que la seigneurie de cette île passa de l’abbaïe de Sainte-Croix à la maison de Retz sous le règne de Charles IX, l’an 1572.

Dès que le maréchal duc de Retz se vit possesseur tranquille de son marquisat, ce qui n’arriva que sous le règne d'Henri III, environ 12 ans après la mort de Charles : ce premier marquis de Bel-île supplia le Roi d’accorder de grands privilèges et une exemption générale de toutes sortes d’impôts aux habitans du lieu, ce que sa Majesté accorda ; mais à condition que ces mêmes habitans défendraient l’île eux-mêmes contre les ennemis de l’état. Ces franchises et ces immunités ne contribuèrent pas peu à grossir leur nombre ; d’ou s’ensuivit l’amélioration de la terre et l’augmentation du commerce. Ce maréchal obtînt encore d'Henri III une nouvelle grâce, qu’il n’avait pû obtenir de Charles IX : c’est qu’il lui fut permis de nommer le commandant de la place, l’état major et les officiers de la garnison qu’il était tenu d’y entretenir; après quoi il fit choix d’habiles ingénieurs pour y construire le Fort.

Cet Albert de Gondi avait épousé Catherine de Clermont, baronne de Retz, dont il eut Charles de Gondi tué du vivant de son père au Mont Saint-Michel, l’an 1596. — Charles avait épousé Antoinette d'Orléans, fille de Léonor duc de Longueville, dont il laissa Henri de Gondi, duc de Gondi, duc de Retz, qui épousa Jeanne de Scépeaux, duchesse de Beaupréaux et comtesse de Chemillé.

Ce Henri est le seul des marquis de Bel-île, qui ait fait plusieurs voïages et de longs séjours dans cette île. On conserve encore dans les registres baptistaires de la paroisse du Palais depuis 1633 jusqu’à 1655, des monumens qui démontrent combien ce seigneur était populaire et, inspirait à ses vassaux une respectueuse confiance, aïant tenu plusieurs fois sur les fonts sacrés des enfans de l’île avec sa nièce Paule-Marguerite-Françoise de Gondi. Exemple que son cousin germain Pierre de Gondi suivit sur les mêmes fonts en 1647 et 1652 ; ce que fit aussi le frère de celui-ci Jean-François-Paul de Gondi alors coadjuteur de l’archevêque de Paris son oncle, par procureur ; et ce qu’avait fait de même par procureur avant eux, Albert et Charles de Gondi. Traits de bonté des seigneurs de cette maison, que rapportent les dits registres.

Mais enfin Henri fut le dernier marquis de Bel-île, de la maison de Retz. Accablé de dettes, il se vit obligé de vendre le marquisat de Belle-île à Nicolas Fouquet, m­nistre d’état et surintendant des finances pour la somme d’un million trois cents soixante neuf mille neuf cents trente six livres. Ce grand ministre n’en fut pas plu­tôt le seigneur, qu’il forma de grands pro­jets et tous fort avantageux pour l’île et pour ses propres intérêts, qu’il obtint du Roi le renouvellement des exemptions de toute espèce d’impôts en faveur de l’habitant, qu’il perfectionna les fortifications, qu’il étendit son attention et sa magnificence jusqu’à faire construire d’autres bâtimens et de nouvelles habitations qui devaient augmenter considérablement le revenu de cette terre, qu’il favorisa le commerce du lieu par la construction de plusieurs vaisseaux marchands qu’il envoïait aux îles, etc. : mais lorsque les habitans vivaient dans la douce et haute espérance de voir refleurir leur île sous ce nouveau seigneur, ils eurent la douleur au bout de trois ans en 1661, d’apprendre sa chute par une de ces révolutions si ordinaires à la Cour [Note : C’est dans le Conseil que Louis XIV tenait tous les jours et où il travaillait secrètement avec Colbert, que Colbert trama sourdement la ruine de Fouquet. Après avoir fait voir au Roi le dérangement affreux des finances, qu’il n’attribuait qu’aux étranges profusions du surintendant, à son peu d’application aux affaires et à ses vastes entreprises qu’il projetait et qu’il entreprenait même, en palais superbes, en jardins immenses, en fêtes magnifiques et en tant d’autres dissipations : Colbert fit entendre à sa Majesté, que les grandes fortifications et l’armement des vaisseaux qu’il faisait faire à Bel-île indiquaient quelque intelligence secrète avec les ennemis de l’état ; qu’il était par conséquent d’une extrême importance de remédier de bonne heure au mal dont le Roïaume était menacé et d’arrêter tout à coup, dès l’entrée de sa course et au moment qu’il s’y attendait le moins, ce géant ambitieux qui marchait à grands pas. C’est par ces menées secrètes que ce capital ennemi, sous le voile même de l’amitié, creusait un précipice à Fouquet où il le précipita quatre ans après l’acquisition de Bel-île (Extrait des Mémoires manuscrits pour la défense du surintendant des finances, conservés à Belle-île en 1759)]. Mais, malgré cette funeste catastrophe, le marquisat de Bel-île ne sortît point de cette maison sous le règne de Louis XIV.

Nicolas Fouquet avait épousé Marie-Magdeleine de Castille, fille unique de François de Castille Vill-Mareuil, maître des requêtes ; dont il eût Louis-Nicolas, comte de Vaux mort en 1703, Charles-Armand, prêtre de l'Oratoire, et Louis marquis de Bel-île qui épousa Catherine de Lévy, fille de Charles comte de Carlas ; dont est issu Louis-Charles-Auguste Fouquet marquis de Bel-île, aujourd’hui Duc-Pair et maréchal de France ; mais quoiqu’il ne soit plus seigneur de Bel-île, il en conserve encore le titre ; et il est, à croire que ce titre sera toujours un des apanages de cette illustre maison.

Bel-île est une place fort importante à l’état par sa situation et on la regarde depuis longtems comme une des clefs de la France : c’est ce qui détermina le conseil, durant la minorité de Louis XV, à la soustraire du domaine de tout seigneur particulier pour la faire passer au domaine du Roi, de manière que le Roi en sera désormais toujours l’unique seigneur. Ce fut sous la Régence de Philippe de Bourbon duc d'Orléans en 1719, que M. le Maréchal de Bel-île, petit fils de Nicolas Fouquet, consentît l’échange au Roi ; et que sa Majesté céda à ce duc et pair, pour le Marquisat de Bel-île, le comté de Gisors en Normandie et les terres de Longueil, de Montoir, d'Anvillart, de la Pezade d'Alby, des lendes de Carcassone, de Lyons, de Savigny et autres domaines.

Voicy donc en racourci l’ordre successif des seigneurs de Bel-île :

1° Les Vennetais ou le Sénat de Vannes ;

2° Les Romains par leurs magistrats ;

3° Pasquetin comte de Vannes ;

4° Les comtes de Cornouaille, ancêtres d'Alain Cagnart ;

5° Le duc Geoffroi Ier ;

6° Le duc Alain son fils ;

7° Les bénédictins de Redon, durant 23 ans ;

8° Les bénédictins de Quimperlé pendant 543 années ;

9° La maison de Gondi, 86 ans ;

10° La maison de Fouquet, 61 ans ;

11° Le roi Louis XV a réuni le marquisat de Bel-île à la couronne de France.

(R. P. François-Marie de Belle-Ile).

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